Mme la présidente. En conclusion du débat, la parole est à M. Saïd Omar Oili, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Annick Girardin et M. Akli Mellouli applaudissent également.)

M. Saïd Omar Oili, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le suivi des mesures du Ciom ne fait que commencer ; il est encore trop tôt pour en tirer un bilan définitif. Toutefois, il faut saluer les premiers pas de ce dispositif. J’en soulignerai deux aspects positifs.

Le premier aspect positif est son caractère interministériel. En effet, les politiques publiques des territoires ultramarins sont éclatées entre différents ministères et ne relèvent pas du seul ministère de l’intérieur et des outre-mer. La présence, dans les comités de suivi, de tous les ministères concernés est fondamentale pour bien évaluer la mise en œuvre des mesures du Ciom et identifier les blocages.

Le second aspect positif est le choix d’une approche par territoire pour certaines mesures. Nous devons nous en féliciter. On a trop tendance, en effet, à englober nos territoires dans l’outre-mer au singulier, même si maintenant le pluriel – « les outre-mer » – est en passe de s’imposer.

La diversité de nos territoires n’est pas toujours perçue par nos amis de l’Hexagone. Elle constitue pourtant une richesse pour notre République.

Notre réalité à Mayotte, par exemple, est très différente de celle que connaissent nos amis réunionnais, alors que nous ne sommes pas très éloignés.

Nous vivons dans un territoire traumatisé, meurtri. La population souffre de la succession des crises : forte progression de l’insécurité, crise de l’eau, crise du dispositif de santé publique, système éducatif sous pression…

La poussée démographique est la plus forte du pays : 4 % par an. Les services publics ne suivent pas et les politiques publiques s’essoufflent dans la course de vitesse pour répondre aux besoins de la population. Alors que la plupart des autres territoires ultramarins voient leur population baisser, on compte, à Mayotte, 12 000 naissances chaque année, sur un territoire de 374 kilomètres carrés, dont la densité est déjà élevée – 2 600 habitants par kilomètre carré.

Entre la rentrée scolaire 2022 et la rentrée 2023, près de 2 500 élèves supplémentaires ont été comptabilisés.

J’étais encore maire il y a quelques semaines et j’ai pu mesurer la difficulté de cette course de vitesse pour faire face à la progression démographique.

Comment prévoir les ouvertures de classes pour les enfants quand le nombre d’inscriptions augmente considérablement entre le recensement de juin et le mois de septembre ? Avec une telle progression démographique, tous les chiffres relatifs à la population sont faux. Ainsi, je ne saurais pas vous dire aujourd’hui le nombre d’habitants de la commune que j’ai administrée pendant plusieurs années…

Les attentes de la population de Mayotte sont immenses. Les élus suivront attentivement la mise en œuvre des mesures du Ciom, qui doivent aider ce territoire plongé dans une grande détresse.

C’est d’autant plus difficile pour sa population que ce territoire a des atouts en matière de développement, notamment dans le secteur touristique. L’île dispose en outre de jeunes bien formés, qui s’investissent dans les nouvelles technologies et les métiers d’avenir.

Les mesures du Ciom spécifiques à Mayotte s’articulent autour des demandes des élus du territoire, qui souhaitent un projet de loi ad hoc et des mesures fortes pour sortir notre territoire de ces crises à répétition.

Nombre de mesures annoncées vont dans le bon sens : elles visent notamment à reprendre le contrôle de la démographie, à accompagner les politiques liées à l’enfance, à accélérer le processus de convergence des droits sociaux, à renforcer l’offre de soins à Mayotte…

Je tiens à souligner les efforts financiers qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2024, que notre assemblée a votés, avec le soutien du Gouvernement : je pense en particulier aux aides au conseil départemental en matière de politiques de l’enfance ou de développement du numérique.

Monsieur le ministre, je suis plus réservé sur la mesure 51 du Ciom, qui prévoit la création d’autorités uniques de gestion : celles-ci peuvent apparaître comme un moyen pour l’État de reprendre la main sur les compétences des collectivités territoriales.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Saïd Omar Oili. Vous connaissez, monsieur le ministre, mon attachement viscéral au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Pour conclure, je citerai l’historien Fernand Braudel, qui a consacré sa brillante carrière à décrire l’identité de la France, pour reprendre le titre de son ouvrage de référence. Il écrivait que, si « la France une et indivisible des Jacobins [a] deux siècles d’existence », ces « forces massives » n’ont pas « tout nivelé ». Il parlait ainsi de la France comme d’une « mosaïque ». Nos territoires ultramarins en font partie ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Annick Girardin applaudit également.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Comment le Gouvernement compte-t-il appliquer au plus vite les mesures du comité interministériel des outre-mer ? »

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures douze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Discussion générale (suite)

Rétablissement de la réserve parlementaire

Adoption d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes et des associations
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, présentée par M. Hervé Maurey, Mme Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 33, texte de la commission n° 167, rapport n° 166).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi organique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre ordre du jour appelle, enfin, l’examen de la proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations, dont Dominique Vérien et moi-même sommes les auteurs.

Qu’il me soit tout d’abord permis de remercier le groupe Union Centriste, qui a bien voulu demander son inscription à l’ordre du jour de nos travaux, et notre rapporteur Vincent Capo-Canellas, qui a accompli un travail tout à fait remarquable.

Dès son élection, en 2017, Emmanuel Macron a souhaité supprimer la réserve parlementaire. Le 14 juin de la même année, cette mesure était inscrite dans le premier texte d’envergure présenté et adopté en conseil des ministres : le projet de loi organique censé « rétabli[r] la confiance dans l’action publique ».

Notre assemblée, saisie en premier, avait immédiatement alerté le Gouvernement sur le caractère fortement préjudiciable de cette suppression pour les communes, notamment pour les plus petites d’entre elles, et pour les associations. Cette opposition à la suppression de la réserve parlementaire a d’ailleurs conduit à un échec de la commission mixte paritaire sur ce texte.

La réserve parlementaire permettait en effet de financer des investissements souvent modestes, de manière souple et rapide : elle fournissait soit un complément financier, toujours utile, surtout pour les petites communes, soit parfois le seul financement possible pour des projets qui n’étaient éligibles à aucun dispositif ou dont le montant était inférieur au plancher de subventionnement des mécanismes existants.

Au total, près de 25 000 projets ont été ainsi subventionnés chaque année, pour un montant moyen de 5 600 euros.

Contrairement à ce qui a pu être dit et écrit, l’attribution de la réserve parlementaire était transparente, puisque, depuis 2014, la liste des dossiers subventionnés, le montant de l’aide et le nom du parlementaire qui en était à l’origine étaient publiés.

Chacun pouvait ainsi connaître l’utilisation faite de la réserve parlementaire. Je rappelle également que c’est le ministère de l’intérieur qui instruisait les dossiers, vérifiait leur légalité et leur complétude, et procédait à l’ordonnancement de la subvention.

Le gouvernement avait pris, en contrepartie de la suppression de la réserve parlementaire, un certain nombre d’engagements pour atténuer ses effets préjudiciables.

Il avait ainsi promis la création d’un « fonds d’action pour les territoires ruraux et les projets d’intérêt général ». Cette promesse n’a pas été tenue.

Il avait promis que l’ensemble des crédits dédits aux collectivités locales serait reconduit. Cette promesse, là encore, n’a pas été tenue.

Il était aussi envisagé d’associer les parlementaires à l’attribution de ces crédits. Il n’en a rien été non plus…

La partie des fonds de la réserve parlementaire qui a été réaffectée aux collectivités locales a été redirigée vers la dotation d’équipements des territoires ruraux (DETR), un dispositif à la main des préfets, qui n’offre pas la même souplesse et ne permet pas de financer les investissements modestes, car les seuils de subventionnement sont souvent fixés à un niveau trop élevé.

Une autre partie des crédits ont été affectés au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui connaît malheureusement les mêmes limites, puisqu’il bénéficie quasi exclusivement aux associations les plus importantes et laisse le préfet de région seul décisionnaire.

Face à cette situation, le Sénat a, sur mon initiative, voté dès l’examen du projet de loi de finances pour 2018, le rétablissement de la réserve parlementaire. Il a aussi tenté depuis, à plusieurs reprises, de la réinstituer – encore récemment lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, à l’occasion duquel un excellent amendement de notre collègue Jean-Marc Boyer a été adopté.

Malheureusement, nous nous sommes jusqu’à présent toujours heurtés au mur de l’Assemblée nationale et, surtout, au mur du Gouvernement, lesquels s’opposent à ce rétablissement.

La situation semble toutefois évoluer puisque, à l’Assemblée nationale, un collectif rassemblant plus de 165 députés de tous horizons a été créé. Il est extrêmement mobilisé et se tient prêt à reprendre notre texte une fois que nous l’aurons adopté.

Il existe donc aujourd’hui réellement un espoir de répondre à la demande quasi unanime des élus locaux que soit enfin rétabli un dispositif qui n’aurait jamais dû être supprimé. Ce dispositif est d’autant plus attendu que les élus sont confrontés à un accroissement très important de leurs charges, qui limite encore davantage leur capacité d’investir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi organique. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme Dominique Vérien, auteure de la proposition de loi organique. « La réserve parlementaire, on n’aurait jamais dû la supprimer, mais il est impossible de la rétablir. » Voilà, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que j’ai entendu ces dernières semaines.

Mes chers collègues, certains d’entre vous se reconnaîtront sans doute dans ces mots et vous avez raison : supprimer la réserve parlementaire a été une erreur. En 2017, nous avons sans doute perdu de vue l’essentiel, à savoir que cette réserve permettait de contribuer grandement au dynamisme de nos territoires, en étant au plus proche du terrain, au plus proche de nos petites communes.

Certes, la DETR existe, tout comme le FDVA, et il serait faux de dire qu’ils sont inutiles. Pourtant, les élus locaux que nous avons été ou que nous sommes encore, savent bien que ces fonds servent en priorité à financer les gros projets, ceux que l’on appelle « structurants ».

En déposant ce texte, nous souhaitons répondre aux attentes de ceux qui ont des projets plus petits : aider une association à affréter un bus, une école de village à acheter un nouveau tableau, un maire à réparer la toiture de son centre communal, etc.

Toutes ces demandes sont aujourd’hui malheureusement souvent laissées de côté, car, paradoxalement, elles coûtent peu. Pourtant, nous aurions tort de les ignorer. Ce sont ces initiatives qui font vivre nos territoires, qui mettent du liant dans le quotidien de la ruralité.

Face à ce constat, est-il possible de rétablir la réserve parlementaire ? J’en suis convaincue. Évidemment, certains ne manqueront pas de nous faire un faux procès en clientélisme ou en petite politique politicienne. À ce sujet, il me paraît judicieux de rappeler que la DETR et le FDVA sont à la main du préfet, qui en dispose de manière discrétionnaire.

Dans ces conditions, tant qu’à faire de la politique, pourquoi ne pas laisser ces affaires à ceux dont c’est la première occupation,…

M. Olivier Paccaud. Exactement !

Mme Dominique Vérien. … à ceux qui rendent des comptes quotidiennement à leurs électeurs et remettent régulièrement en jeu leur mandat ?

À ce propos, il est probablement plus confortable de ne pas avoir de réserve à attribuer : au moins, on ne fait pas de jaloux et on peut dire non à tout le monde. Si on la rétablit, il faudra choisir, mais nous avons la responsabilité de le faire.

Par ailleurs, ce texte vise aussi à corriger le défaut principal du dispositif tel qu’il existait avant 2013. Dans le nouveau système, tout sera public, de la part de l’élu comme du bénéficiaire, qui devra rendre compte de l’avancée du projet subventionné. Soyez-en certains, chaque centime sera scruté attentivement par ce que l’on appelle la société civile – et c’est tant mieux !

Par ailleurs, nous voulions initialement orienter le dispositif avant tout vers les communes rurales et les petites associations. Le rapporteur a fait le choix, à raison, de supprimer le seuil de population, afin que le plus grand nombre puisse en bénéficier. Toutefois, le maintien de la limite de 20 000 euros par projet préserve à mon sens la philosophie initiale de ce texte.

M. Olivier Paccaud. C’est exact.

Mme Dominique Vérien. Loin d’être une démarche isolée, ce texte est aussi le fruit d’un travail transpartisan qui rassemble des élus de tous bords, sénateurs comme députés. Je pense par exemple à notre collègue Jean-Marc Boyer,…

M. Jean-Marc Boyer. Encore ? (Sourires.)

Mme Dominique Vérien. … à Alain Houpert ou à Laurence Muller-Bronn, qui se sont également saisis du sujet, avec intelligence et pertinence. Ils soutiennent notre initiative et je tiens à les en remercier.

Enfin, je souhaite également saluer les députés André Villiers, Dino Signeri et Frédéric Descrozailles, qui ont pris des initiatives sur ce sujet à l’Assemblée nationale : ils ont bien conscience du risque que représente une Assemblée nationale hors sol, si les élus n’ont pas de véritable lien avec le territoire. En fin de compte, ce texte est non seulement juste, mais aussi nécessaire.

Je tiens également à remercier chaleureusement Hervé Maurey, également auteur de cette proposition de loi, de son regard attentif et exigeant, mais aussi notre rapporteur Vincent Capo-Canellas, qui a sécurisé le texte d’un point de vue juridique, tout en en préservant les apports. Je pense aux obligations de transparence qui ont été conservées et enrichies. Il me semble que c’était indispensable pour la suite, car j’espère bien que ce texte aura une suite.

Mes chers collègues, n’ayons ni totem ni tabou et ayons le courage de réparer une erreur en adoptant ce texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient d’examiner la proposition de loi organique de nos collègues Hervé Maurey et Dominique Vérien, visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations.

Inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé au groupe Union Centriste, cette proposition de loi est examinée dans les conditions du gentlemans agreement : les modifications qui sont intervenues en commission ont été soumises aux auteurs du texte, que je salue, et je tiens à souligner la qualité de nos échanges.

Cette proposition de loi organique s’inscrit, comme cela vient d’être rappelé par ses auteurs, dans la suite d’un mouvement, qui a réuni des parlementaires des deux chambres, et de très nombreux groupes politiques pour rétablir la réserve parlementaire, que nous appelons aussi au Sénat la « dotation d’action parlementaire ». Je pense notamment à l’appel de 300 parlementaires de fin octobre dernier.

Dès 2021, des initiatives ont vu le jour. Notre collègue Jean-Marc Boyer a déposé une proposition de loi visant à instituer une dotation d’action parlementaire au sein de la dotation d’équipement des territoires ruraux. Nos collègues Laurence Muller-Bronn et Alain Houpert ont également enregistré à la présidence du Sénat une proposition de loi organique visant à rétablir la pratique de la réserve parlementaire, au profit des petites communes et des associations. Des propositions en ce sens ont aussi été formulées à l’Assemblée nationale.

Toutes ces initiatives montrent l’attachement des députés et sénateurs à ce dispositif, qui offrait une souplesse pour financer les projets des communes et des associations.

Je rappelle que la suppression de la réserve parlementaire a été adoptée lors de l’examen de la loi organique pour la confiance dans la vie politique, votée le 15 septembre 2017, pour des raisons tenant, à l’époque, aux soupçons de clientélisme qui, selon certains, entouraient ce dispositif.

Pourtant, il faut rappeler que les subventions versées étaient attribuées selon les modalités de droit commun et que chaque année était publiée en ligne la liste de toutes les aides versées : les montants, les noms des bénéficiaires et du parlementaire à l’origine de la proposition devaient obligatoirement être mentionnés.

Au demeurant, les dispositifs qui ont succédé à la réserve n’ont, me semble-t-il, pas fait leurs preuves ni, à tout le moins, montré une efficacité supérieure.

Dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, le rôle des parlementaires se limite à la participation à une commission consultative placée auprès du préfet de département, qui reste seul décisionnaire, en ayant, comme boussole, les priorités nationales du Gouvernement.

Le ciblage de la DETR est également très différent de celui de la réserve parlementaire. En 2022, les subventions inférieures ou égales à 20 000 euros ne représentaient que 10 % à peine de l’enveloppe.

Il manque aujourd’hui, dans la palette des dotations d’investissement, des outils de financement à destination des petits projets communaux.

En ce qui concerne les associations, les résultats du second volet du fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA 2, sont décevants. Tout comme pour l’attribution de la DETR, le rôle des députés et des sénateurs se limite à la participation à une commission consultative, tandis que le préfet de région reste le seul véritable décideur. De plus, le fonctionnement du FDVA 2 est difficilement lisible pour les petites associations.

Face à ce constat, le rétablissement de la réserve parlementaire se présente non comme un « retour en arrière », mais comme une façon de financer des projets qui resteraient sinon « sous les radars ».

Je ne dis pas que la réserve parlementaire était parfaite. Les différences de montants entre les parlementaires pouvaient être sujettes à caution. Il est toujours possible de renforcer les garanties de transparence et de qualité des projets subventionnés. Les auteurs de texte et moi-même nous y sommes attachés.

C’est pour cette raison qu’en 2017, lors de l’examen de la loi organique pour la confiance dans la vie politique, le Sénat a souhaité donner un cadre juridique à la réserve parlementaire, plutôt que de la supprimer. Ainsi, sur une initiative conjointe de Philippe Bas, rapporteur, et d’Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances, il a adopté en première lecture un dispositif de remplacement de soutien aux projets d’investissement des communes.

Nous sommes nombreux à souhaiter doter la réserve parlementaire d’une assise juridique fiable.

Pour cette raison, la commission des finances a adopté, en accord avec les auteurs de la proposition de loi, un amendement qui a largement réécrit le texte initial, de manière que la « nouvelle » réserve parlementaire soit irréprochable du point de vue juridique.

L’article unique du texte prévoit que, chaque année, les commissions des finances des deux assemblées adressent au Gouvernement la liste des projets d’intérêt local que les députés et les sénateurs lui proposent de soutenir, par des subventions, lors de l’exercice budgétaire suivant.

Ces subventions peuvent financer les projets émanant d’associations ou de communes. En accord avec les auteurs de la proposition de loi, la commission a préféré ne pas introduire de limitations relatives au nombre d’habitants, afin de ne pas exclure les élus des départements urbains et d’outre-mer du dispositif et afin de limiter le risque de rupture d’égalité.

Nos départements sont divers. Ils comptent souvent autour d’une ville-centre, outre les communes rurales, d’autres communes dont la population est au-dessus du seuil démographique qui était envisagé. Les parlementaires seront ainsi libres de proposer, en responsabilité, de soutenir un projet, quelle que soit la taille de la commune dont il émane.

Le texte définit ensuite de nouveaux critères : les projets devront ainsi permettre la mise en œuvre d’une politique d’intérêt général et être réalisés dans un délai maximal de sept ans. Il est également précisé que le montant de la subvention ne devra pas excéder la moitié du montant du coût du projet.

Nous mettons aussi l’accent sur les obligations de transparence. Le texte prévoit la publication annuelle de la liste des subventions versées : pour chacune d’entre elles, le nom du bénéficiaire, le montant versé, la nature du projet financé, le programme concerné et le nom du parlementaire, du groupe politique ou de la présidence de l’assemblée qui l’a proposée, devront être indiqués.

L’obligation pour les bénéficiaires de rendre public l’usage des crédits est également réaffirmée.

Enfin, le texte proposé est conforme à la fois à l’article 40 de la Constitution et au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure où il est précisé que les subventions de la réserve parlementaire émanent, formellement, de « propositions » des députés et sénateurs.

Contrairement à ce que l’on croit parfois, la réserve parlementaire, avant sa suppression en 2017, n’était aucunement une obligation qu’imposaient les députés et sénateurs au pouvoir exécutif. Il s’agissait en réalité de propositions, que le Gouvernement avait la possibilité de ne pas suivre.

Si, dans la pratique, il respectait la volonté des représentants, c’était en vertu d’une convention républicaine fondée sur ce constat : les parlementaires disposent d’une fine connaissance de leur territoire. À l’heure actuelle, ce type de convention manque cruellement dans notre vie institutionnelle et politique.

Un tel constat ne cache aucune volonté de réhabiliter des pratiques que nos concitoyens peuvent rejeter, à raison. Il s’agit simplement de créer les conditions d’une collaboration efficace et transparente entre les pouvoirs, au service de l’intérêt général.

La proposition de loi organique de nos collègues Hervé Maurey et Dominique Vérien n’a pas seulement pour effet de raffermir le lien entre les parlementaires et les territoires : elle rétablit une forme de gentlemens agreement entre le Gouvernement et le Parlement. La commission des finances vous propose donc de l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie avant tout de bien vouloir excuser ma collègue Dominique Faure, qui, retenue par un déplacement prévu de longue date, m’a demandé de la remplacer cette après-midi.

Vous le savez peut-être : j’ai longtemps été député – j’en suis à mon quatrième mandat – et je connais donc bien le fonctionnement de la réserve parlementaire.

Les précédents orateurs ont décrit son fonctionnement avec fidélité. J’ajouterai une simple précision, que M. le président de la commission des finances vous confirmera certainement : les dossiers instruits par les parlementaires étaient soumis aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat…

M. Philippe Vigier, ministre délégué. … avant d’être transmis au ministère de l’intérieur ; puis, après un nouveau passage par les deux commissions des finances, ils descendaient dans les préfectures, avant notification au bénéficiaire.

Ainsi, si, dans l’esprit de nos concitoyens, un doute pouvait subsister quant à la transparence de cette dotation, je crois que l’on peut affirmer que cette transparence était au rendez-vous.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Cela étant, on a pu observer quelques dérives. En effet – nul ne peut le contester –, tous les parlementaires n’étaient pas traités de la même manière.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Philippe Vigier, ministre délégué. Je peux en témoigner personnellement : certains recevaient une dotation classique, de 110 000, 120 000 ou 130 000 euros, quand d’autres obtenaient un montant beaucoup plus élevé.

De surcroît, les présidents et rapporteurs généraux des deux commissions des finances disposaient d’un fort pouvoir discrétionnaire : lorsqu’une part de la réserve n’était pas consommée, ils pouvaient procéder à une redistribution, un peu comme, dans le même esprit, une deuxième part de dotation était accordée aux collectivités territoriales.

Vous vous souvenez aussi bien que moi du contexte politique dans lequel la réserve parlementaire a été supprimée : la vie publique avait été troublée par quelques dévoiements majeurs. N’en déplaise à certains responsables politiques de l’époque, la transparence laissait encore à désirer.

C’est ce qui a conduit, en 2017, aux textes pour la confiance dans la vie politique, qui prévoyaient d’ailleurs la création d’une banque de la démocratie. Je regrette que cet établissement n’ait toujours pas vu le jour ; comme quoi, rien n’est jamais parfait et nous devons encore avancer.

Je vous le dis très clairement : j’étais alors parlementaire et j’ai regretté la suppression de la réserve. Pour autant, je ne vous donnerai pas de faux espoirs : à ce stade, le Gouvernement n’a certainement pas l’intention de la rétablir d’une manière ou d’une autre. Il faut dire les choses telles qu’elles sont.