compte rendu intégral

Présidence de M. Loïc Hervé

vice-président

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Comptes de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public - État D (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales - Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Loi de finances pour 2024

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 127, rapport général n° 128, avis nos 129 à 134).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

seconde partie (suite)

Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
État B
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 50 B et 50 C).

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, c’est toujours avec passion et émotion que nous examinons les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Je tiens tout d’abord à remercier vos services, madame la secrétaire d’État, de leur travail de collaboration toujours étroit et efficace avec notre Haute Assemblée, dans un souci de respect et de reconnaissance pour le monde combattant, nos amis porte-drapeaux et toutes les associations patriotiques qui contribuent à entretenir la mémoire. Tous nos collègues participent à l’ensemble des cérémonies officielles dans le cadre du devoir de mémoire.

Les crédits de la mission ont malheureusement eu tendance à diminuer ces dernières années, pour des raisons démographiques, liées au nombre moins important d’anciens combattants. Ils s’établissent ainsi à 1,92 milliard d’euros pour l’année 2024 et restent plutôt stables, malgré une baisse relative de 10 millions d’euros, heureusement moins marquée que l’an dernier. Cette moindre diminution est largement due à une économie exceptionnelle de 45 millions d’euros constatée sur la seule année 2023, à la suite d’un changement des modalités de versement de l’allocation de reconnaissance du combattant.

La mission comporte deux programmes.

Le premier, le programme 169, est le plus vaste, puisqu’il concentre la quasi-totalité des crédits. Doté de 1,8 milliard d’euros, il est dédié à l’allocation de reconnaissance du combattant – le nouveau nom donné à la retraite du combattant –, dont les droits sont conditionnés à la détention de la carte du combattant, aux pensions militaires d’invalidité (PMI), aux indemnisations des harkis et autres rapatriés, consacrées par un texte récent, et à la politique de mémoire.

Les crédits concernent également le lien armées-jeunesse, auquel contribuent l’éducation nationale, la journée défense et citoyenneté (JDC), le service militaire volontaire (SMV), au sujet duquel la commission a produit un important rapport, le service national universel (SNU) et les classes défense (CD). Voilà qui permet de susciter des vocations et de sensibiliser les jeunes à la défense.

Le second, le programme 158, se révèle beaucoup plus modeste, à hauteur de 90 millions d’euros. Il porte sur l’indemnisation des victimes de spoliations antisémites et des orphelins des victimes de violences antisémites et d’actes de barbarie. Je rappelle le rôle essentiel que joue la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation (CIVS), rattachée à la Première ministre.

Le budget pour 2024 confirme la tendance générale de la mission, à savoir une réduction des crédits, qui reflète la baisse de la population des bénéficiaires des différentes allocations et indemnisations.

Trois sujets notables doivent être soulignés.

Premièrement, l’effort en faveur des harkis et autres rapatriés, qui s’élève à 112 millions d’euros pour 2024, continue de se renforcer, dans le sillage de la loi du 23 février 2022, adoptée par le Sénat à l’unanimité.

Deuxièmement, l’année 2024 connaît une programmation mémorielle exceptionnelle avec la célébration du quatre-vingtième anniversaire des débarquements de Provence et de Normandie et de la Libération. Les crédits de l’action « Mémoire », portés à 42 millions d’euros, ont presque doublé par rapport à l’année 2023.

Troisièmement, la revalorisation du point PMI, qui sert de base à l’allocation de reconnaissance du combattant et aux PMI, annoncée dans la documentation budgétaire, est beaucoup plus modeste. Toutefois, Mme la secrétaire d’État a indiqué devant la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale que le point PMI serait revalorisé de 1,5 % au 1er janvier, pour atteindre 15,87 euros.

Je tiens enfin à souligner le rôle essentiel des deux opérateurs de l’État : d’une part, l’Office national des combattants et victimes de guerre (ONACVG) – un rapport y avait été consacré l’an dernier –, qui œuvre en faveur du maillage territorial et du monde combattant et de ses partenaires ; d’autre part, l’Institution nationale des invalides (INI), qui est chargée d’accueillir et de soigner les plus graves blessés de guerre.

Mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de cette mission ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, avec 1,9 milliard d’euros, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » restent quasiment stables pour 2024, après avoir connu une baisse de 7,4 % entre 2022 et 2023.

La réduction mécanique des crédits alloués aux pensions s’accompagne d’une hausse des moyens affectés à d’autres actions en faveur du monde combattant. Saluons ce choix de sanctuarisation des moyens, que nous demandions depuis plusieurs années.

En raison de la baisse continue du nombre d’anciens combattants, les moyens nécessaires au versement des PMI seraient réduits de 64,5 millions d’euros. Le point de PMI a été revalorisé de 3,5 % au 1er janvier 2023 et se trouve presque stabilisé dans le présent projet de loi de finances. Je salue toutefois l’annonce de la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire de revaloriser de 1,5 % le point de PMI dès le 1er janvier 2024, au lieu du 1er janvier 2025, même si cela n’a aucune traduction budgétaire dans le texte transmis au Sénat.

Force est néanmoins de constater que cette revalorisation demeure inférieure à l’inflation. Il me semble donc nécessaire que la commission tripartite sur l’évolution du point de pension militaire d’invalidité se réunisse en 2024, comme s’y était engagé le Gouvernement, pour évaluer l’opportunité de prendre à l’avenir de nouvelles mesures de correction. Je ne doute pas que la commission se réunira très prochainement.

Par ailleurs, je salue la progression des moyens alloués à l’ONACVG. La subvention dont il bénéficie, qui progresse de 3,9 %, permettra notamment de financer le fonctionnement de deux nouvelles maisons Athos, qui accompagnent les blessés psychiques de guerre. En outre, la dotation d’action sociale de l’ONACVG est rehaussée de 4 millions d’euros supplémentaires et soutiendra les ressortissants de l’Office : combattants, conjoints survivants, pupilles de la Nation et victimes du terrorisme.

L’ONACVG bénéficiera en outre de quatre emplois supplémentaires pour instruire les demandes de réparation des préjudices subis par les harkis et autres rapatriés d’Algérie, ainsi que leurs familles, ayant séjourné dans certaines structures aux conditions d’accueil indignes. Les moyens alloués à ce dispositif progressent pour assurer la montée en charge de la réparation de ces familles et pour tenir compte de l’élargissement à quarante-cinq nouveaux sites de la liste des structures concernées.

La progression de 87 % des crédits pour la politique de mémoire, qui atteignent 14 millions d’euros, permettra principalement de financer les commémorations et cérémonies prévues pour le quatre-vingtième anniversaire des débarquements et de la Libération.

S’il faut saluer la hausse des moyens en faveur de la mémoire, ceux-ci seront principalement consacrés à l’organisation de manifestations ponctuelles l’an prochain. Je considère qu’ils devront être pérennisés à l’avenir pour renforcer le lien armées-Nation et développer les actions de promotion de la mémoire combattante, en particulier à destination de la jeunesse. Cette orientation des moyens de la mission me semble essentielle, alors que le nombre de ressortissants de l’ONACVG continue de diminuer.

En conclusion, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission et des articles qui lui sont rattachés.

Enfin, madame la secrétaire d’État, le nom de la mission n’est plus d’actualité. Aussi suggérons-nous d’intituler celle-ci « Monde combattant ». C’est expression que nous utilisons ici depuis deux ans. Vous observerez que nous sommes plus modernes que vous. (Sourires.) Il est temps que le titre de la mission change ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Vincent Louault. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer les enfants qui viennent de s’installer dans les tribunes de notre hémicycle pour assister à ce débat.

« Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » : l’intitulé de la présente mission en dit long sur notre devoir de reconnaissance envers ceux qui ont risqué leur vie pour protéger la France ; notre devoir de mémoire s’adresse à eux.

Nous avons aussi un devoir de mémoire envers l’Histoire. N’oublions pas que la liberté et toutes les valeurs que nous défendons ne sont jamais acquises. Les tragiques événements que nous observons dans d’autres pays nous obligent malheureusement à nous le rappeler.

Pour 2024, les crédits de la mission restent globalement stables, avec 1,9 milliard d’euros, malgré la baisse du nombre d’anciens combattants. On constate donc logiquement, en raison de cette tendance démographique, une baisse des crédits nécessaires au versement des PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant.

La stabilité globale des crédits de la mission montre que des moyens supplémentaires sont en fait alloués à d’autres actions.

Je souhaite ainsi saluer l’augmentation de la subvention versée à l’ONACVG, qui s’établit à plus de 62 millions d’euros. Ces crédits sont notamment destinés au fonctionnement des maisons Athos, qui proposent un accompagnement aux victimes de blessures psychologiques survenues lors d’opérations extérieures ; c’est le minimum que nous leur devons.

Les crédits affectés au soutien des rapatriés d’Algérie sont en hausse de plus de 11 %, pour un total de 112 millions d’euros. Ces moyens supplémentaires serviront surtout à la réparation des préjudices subis par les harkis et autres rapatriés d’Algérie. C’est une mesure de justice et de morale.

L’une des augmentations les plus notables est celle des moyens consacrés à la politique de mémoire : 87 % de plus par rapport à 2023. Ces moyens seront essentiellement dirigés vers l’entretien et à la restauration des sépultures et des hauts lieux de mémoire. Surtout, 14 millions d’euros seront dédiés à l’organisation de commémorations et de cérémonies pour le quatre-vingtième anniversaire des débarquements et de la Libération.

J’en profite pour souligner le caractère essentiel des cérémonies de commémoration. Nous vivons dans une société qui connaît des fractures et dont les valeurs communes sont trop souvent mises à mal. Nous réunir, toutes générations confondues, à l’occasion de notre passé commun est ce qui peut contribuer à nous rassembler pour faire Nation.

Nous ne pouvons donc que saluer la hausse de ces crédits. Pour 2024, elle sera liée à l’anniversaire des débarquements. Mais, à l’instar de M. le rapporteur spécial, nous considérerions tout à fait justifié que ces crédits soient maintenus pour les années suivantes, afin de développer des actions autour de la promotion de la mémoire, notamment envers les jeunes.

Pour conclure, le groupe Les Indépendants salue l’augmentation globale des crédits proposés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. Je souhaite à mon tour la bienvenue au Sénat aux élèves de CM2 du XVIIe arrondissement de Paris qui ont pris place dans les tribunes. (Applaudissements.)

La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, le monde combattant n’est pas un concept abstrait. C’est au contraire un ensemble cohérent, constitué de réalités différentes. Pour fonctionner, il a besoin d’un budget réaliste et bien pensé.

Le monde combattant est composé non seulement des anciens combattants âgés, à qui l’on verse des pensions et des allocations, mais aussi des militaires engagés dans des opérations extérieures, parfois blessés ou traumatisés, des familles, de ceux qui ont été rapatriés en France après avoir combattu pour elle et de tous ceux dont les vies ont été fauchées par les conflits successifs et dont la Nation se doit d’honorer la mémoire. Le monde combattant est un tout, composé d’histoires humaines d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

La présente mission devrait s’intituler « Monde combattant », comme n’a pas manqué de le rappeler Mme la rapporteure pour avis. Espérons que cet ajustement non budgétaire puisse se faire prochainement !

J’avais déjà pris la parole au nom de mon groupe l’an dernier sur cette mission. Je me rappelle avoir demandé au Gouvernement de ne pas en rogner les moyens d’année en année, au motif de la diminution régulière du nombre de pensionnés, les générations venant à s’éteindre successivement.

Madame la secrétaire d’État, pour la première fois, nous allons voter un budget stabilisé à un niveau qui, nous l’espérons, restera au moins constant dans les années à venir. Vous pouvez compter sur le soutien du groupe Union Centriste !

Le nombre des bénéficiaires de la retraite du combattant, qui s’appelle désormais allocation de reconnaissance du combattant, a diminué de 7,7 % par rapport à l’année précédente. L’âge moyen des bénéficiaires, tous conflits confondus, est de 86 ans. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir et le solde excédentaire devrait s’accentuer, car le nombre de cartes du combattant attribuées au titre d’une opération extérieure est loin de compenser le nombre des décès des anciennes générations de combattants.

En contrepartie, le point de PMI augmente de 1,5 %, mais cette hausse ne compense pas l’augmentation du coût de la vie et entraîne pour les bénéficiaires des décalages cumulés significatifs et pénalisants. Nous avons noté, madame la secrétaire d’État, votre écoute attentive et vos efforts. Aussi, nous espérons que les budgets futurs permettront de réajuster le point de PMI par rapport au niveau d’inflation.

Ces crédits stabilisés garantiront l’ouverture de deux nouvelles maisons Athos, maisons qui prennent en charge les militaires blessés psychiques. C’est un signal important. Si beaucoup de blessures restent invisibles à nos yeux, elles seront tout de même identifiées par les politiques publiques et ainsi reconnues et prises en charge.

La politique de mémoire, dont les crédits progressent de 87 %, et le lien armées-Nation font l’objet d’un volontarisme que nous devons souligner.

Le bruit des drones aux portes de notre Europe a rappelé combien le monde est combattant. L’horreur des tranchées, en France, appartient à la mémoire collective. En Ukraine, elle fait partie de la vie quotidienne.

En tant qu’élue, j’ai tant de fois participé aux cérémonies du 11 novembre pendant lesquelles on lisait les lettres de poilus. Cette année, le 11 novembre, j’étais à Kiev, devant le lycée français, pendant une alerte aux missiles. Les enfants lisaient non pas des messages d’archives, mais les mots de leur père et de leurs frères. Faire mémoire n’a pas empêché, là-bas, le retour inimaginable de l’horreur. Il ne reste plus qu’à espérer, et il nous faut sans doute faire plus.

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre soutien à la politique de la mémoire, plus que jamais vital. N’oublions jamais ceux qui sont tombés : chacun d’eux, son nom, sa vie fauchée, pourquoi et comment. N’oublions pas de dire chaque jour : « Plus jamais ça ! » Que les hauts lieux de la mémoire collective et les manifestations soient de grandes causes nationales !

Je n’aime pas vraiment l’expression « devoir de mémoire ». Je lui préfère celles de « devoir d’histoire » ou de « devoir de réflexion », qui, de toute évidence, supposent de réaliser un travail de mémoire, d’histoire et de réflexion, comme le disait Simone Veil. La mémoire, sans doute, passe par la connaissance de l’histoire, le travail et la réflexion. En tout cas, elle s’appuie sur une volonté politique claire et un budget qui ne saurait être une simple variable d’ajustement. C’est en ces termes que vous nous proposez d’approuver la présente mission, et nous ne pouvons qu’y souscrire.

Le monde combattant, dans toutes ses composantes, est au cœur de nos vies, même si nous n’aspirons qu’à la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli.

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » voit encore ses crédits diminuer, comme chaque année. La baisse constatée atteint ainsi 0,21 % : on compte 1,927 milliard d’euros en crédits de paiement, contre 1,931 milliard d’euros en loi de finances initiale pour 2023. Cette diminution s’explique par un ajustement lié à la baisse de 7,7 % du nombre de bénéficiaires des PMI et des prestations octroyées aux anciens combattants.

Madame la secrétaire d’État, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires regrette que le Gouvernement n’ait pas réévalué pour l’année 2024 le niveau du point des PMI pour tenir compte de l’inflation. Néanmoins, lors de votre audition par la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 11 octobre dernier, vous avez annoncé une revalorisation du point de PMI de 1,5 % dès le 1er janvier 2024. (Mme la secrétaire État acquiesce.) Vous prenez ainsi en compte la hausse du point d’indice de la fonction publique intervenue le 1er juillet 2023, qui n’aurait dû être répercutée sur le point de PMI qu’au 1er janvier 2025. D’après notre rapport, cette annonce sera suivie d’une majoration des crédits de la mission, mais elle ne compensera pas le coût de l’inflation.

Par ailleurs, nous saluons les actions en faveur des rapatriés, des blessés psychiques de guerre et de la mémoire. En effet, la subvention versée à l’ONACVG, qui était d’un montant de 60,2 millions d’euros en 2023, est portée à 62,56 millions d’euros pour 2024. Cette progression de 3,9 % permettra notamment de financer le fonctionnement de deux nouvelles maisons Athos, ces structures de réhabilitation psychosociale prenant en charge les militaires qui souffrent de blessures psychiques.

Enfin, les crédits demandés pour financer la politique de mémoire s’élèvent à 42,4 millions d’euros, soit une progression de 87 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Ces moyens supplémentaires seront principalement consacrés au financement des commémorations et cérémonies organisées pour le quatre-vingtième anniversaire des débarquements et de la libération, 14 millions d’euros étant dédiés à ces manifestations.

Toutefois, je regrette que la question de la transmission de la mémoire des guerres coloniales et, plus largement, de la mémoire du XXe siècle soit trop souvent passée sous silence. Eu égard aux enjeux de politique étrangère et de l’approche caricaturale qui inonde le débat public, il me semble important de lancer un véritable chantier pour transmettre cette mémoire à la fois riche et complexe aux nouvelles générations. Ce sont des milliers de jeunes Français qui sont les héritiers de cette mémoire. En parler et l’inscrire dans le roman national leur permettraient de développer un plus fort sentiment d’appartenance à la Nation.

Notre groupe votera les crédits de la présente mission. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont réduits de 10 millions d’euros pour 2024.

La baisse de 4 millions d’euros des crédits du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » est un mauvais signal envoyé aux anciens combattants. La réduction naturelle du nombre d’anciens combattants et de victimes de guerre ne saurait justifier une baisse des moyens dédiés. La baisse du nombre de pensionnés dans un contexte d’inflation devrait permettre de revoir le mode de calcul de la PMI et de l’allocation de reconnaissance du combattant, afin d’améliorer la situation des anciens combattants.

Contrairement aux idées reçues, les soldats sont majoritairement issus des milieux populaires et vivent aujourd’hui très modestement. Je le dis avec gravité : il faut entendre leur colère lorsqu’ils parlent d’« aumône » et qualifient de « ridicule » l’augmentation du point de la PMI proposée dans le présent budget.

Pour ces raisons, nous regrettons que le Gouvernement refuse d’indexer la valeur du point de la PMI sur l’indice des prix à la consommation, alors que l’inflation des prix alimentaires atteint 20 %.

À l’inverse, la traduction dans cette loi de finances de la loi du 3 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français est une bonne nouvelle.

L’indemnisation des rapatriés et des harkis à hauteur de 11,2 millions d’euros va dans le bon sens. Toutefois, nous avons déposé un amendement pour l’augmenter encore. Les associations nous ont sollicités pour aller plus loin, car les crédits de l’ONACVG sont insuffisants pour indemniser les personnes concernées à hauteur de 4 195 euros, comme l’État s’y était engagé.

La mission prévoit également la réduction de 3 millions d’euros des crédits du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Si la diminution du nombre de victimes indemnisées au fil des années s’explique, le contexte d’explosion des actes antisémites et racistes dans notre pays doit nous faire réfléchir au lien entre les nouvelles générations et les derniers survivants de la barbarie nazie et du régime de Vichy.

Enfin, les crédits du programme 169 progressent de 87 % par rapport à l’an dernier, dans le contexte de l’organisation des cérémonies organisées pour les quatre-vingts ans des débarquements et de la Libération.

En revanche, les crédits prévus pour la mémoire et les liens avec la Nation doivent être revalorisés. Les manifestations des nervis de l’extrême droite dans nos rues, qui cherchent à en découdre physiquement, nous rappellent les heures les plus sombres de notre Histoire. La lutte contre le fascisme repose sur la transmission de la mémoire, des conflits et des conséquences de l’idéologie d’extrême droite. Il est indispensable de mener une véritable politique de mémoire à l’intention de notre jeunesse pour rappeler la réalité de la guerre et de l’antisémitisme.

En conclusion, face à l’insuffisante prise en considération des anciens combattants, le groupe CRCE-K votera contre les crédits de la mission pour 2024.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Ah ?

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque année, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » sont en baisse. Pour 2024, ce sont 9,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement en moins. Nous en connaissons tous la principale raison : la disparition constante des allocataires des pensions et des différents dispositifs d’indemnisation.

Cette logique démographique, bien qu’implacable, ne doit pas conduire à réduire les moyens qui remplissent une fonction fondamentale : rappeler à nos concitoyens tous les sacrifices humains qui ont été consentis pour la paix et la liberté.

La paix est fragile ; on le mesure tragiquement dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine et du terrible conflit israélo-palestinien. Il en va de même de nos valeurs. On le voit, les actes antisémites se multiplient dans notre pays. Les combats de nos anciens n’ont-ils pas servi de leçon ? Une partie de notre jeunesse s’est-elle perdue dans les chemins de la mémoire ?

Dans ces conditions, cette mission doit continuer à prendre sa part pour tous les hommes et toutes les femmes qu’elle sert au titre de la reconnaissance, ainsi que pour entretenir la flamme de la mémoire collective.

Pour ce qui est du droit à réparation, j’observe avec satisfaction la traduction dans ce budget des avancées obtenues au cours de ces dernières années. Je pense notamment aux dispositifs en faveur des harkis issus de la loi du 23 février 2022, que le groupe du RDSE avait soutenue, ou encore à l’amélioration de la situation des veuves par l’aménagement de la demi-part fiscale des anciens combattants.

Tout cela, je l’ai dit, va dans le bon sens. Cependant, il reste quelques trous dans la raquette que nous proposerons de combler par voie d’amendement. Un amendement vise ainsi à indemniser les pupilles de la Nation et les orphelins de guerre, tandis qu’un autre tend à régler la vingtaine de dossiers des membres des forces supplétives de statut civil de droit commun, dont la situation inéquitable a été soulignée dans le rapport annexé de la dernière loi de programmation militaire (LPM).

Je pense aussi à la faiblesse des pensions versées au titre de la retraite du combattant, désormais dénommée allocation de reconnaissance du combattant. Mon collègue Christian Bilhac l’a rappelé en commission des finances, une revalorisation de 0,13 % au 1er janvier 2024 dans le contexte inflationniste que nous connaissons n’est pas à la hauteur et obligera de nombreux pensionnés à se tourner vers l’action sociale des associations ou l’ONACVG. Cet opérateur est-il bien capable d’assurer cette mission, alors que son fonds de roulement a été fortement réduit entre 2018 et 2021 ?

La mission comporte aussi de nombreuses actions en faveur de la mémoire. Je me réjouis de voir les crédits de cette politique presque doubler, même si la hausse soutient en grande partie un programme conjoncturel : les grandes commémorations liées à l’année 1944.

Dans nos territoires, nous sommes également tous attachés à ce que l’on appelle le « tourisme de mémoire », qui passe par l’entretien du patrimoine. Mais la somme de 3 millions d’euros supplémentaires pour l’entretien des sépultures de guerre et la valorisation des lieux de mémoire suffira-t-elle à absorber les surcoûts de rénovation liés à l’inflation ?

Enfin, la mission alloue des crédits à la JDC et au SMV, bien qu’ils proviennent pour les trois quarts de la mission « Défense », des collectivités locales et des fonds de concours.

Mes chers collègues, vous connaissez mon intérêt pour les questions qui touchent à la citoyenneté. Le 23 novembre dernier, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a pu faire adopter par le Sénat la proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne. Tout ce qui concourt à encourager une citoyenneté active retient mon attention !

Je profite de ce débat pour rappeler que ces dispositifs d’engagement ne doivent pas s’égarer dans leurs missions. Ils doivent concourir au renforcement du lien armées-jeunesse et à l’appropriation par les jeunes des valeurs républicaines, tout cela au profit de la cohésion sociale et de la mémoire collective.

Dans ces conditions, mon groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements au banc des commissions. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)