M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est dans un contexte particulier, marqué par la poursuite des combats en Ukraine, la résurgence du conflit israélo-palestinien et les tensions que celui-ci provoque jusque sur notre territoire, que nous sommes aujourd’hui appelés à examiner attentivement la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

L’examen de cette mission revêt une importance toute particulière, car elle nous rappelle le lourd tribut payé par nos aînés pour défendre les valeurs républicaines qui constituent les fondements de notre nation. Le sang des combattants, les larmes des veuves et la détresse des enfants que la guerre a laissés orphelins sont des témoignages poignants de l’engagement profond de ceux qui ont combattu pour notre liberté et notre sécurité.

Dans la relative quiétude que nous autorise notre société, le danger serait d’être gagné par une forme d’indifférence ingrate envers les sacrifices qui ont pavé le chemin de notre liberté. Aussi nous faut-il lutter contre l’oubli !

L’oubli, qui ferait le lit de la haine et de l’intolérance, et nous condamnerait sans cesse à reproduire nos erreurs du passé.

Lutter et résister à l’amnésie mémorielle, sous peine de voir ressurgir le spectre de la guerre et de la barbarie, face auxquelles nous devons sans fin répéter : « Plus jamais ça ! ».

Être vigilants, apprendre de l’Histoire pour ne pas reproduire nos erreurs, c’est ce à quoi nous invite cette mission, qui porte une politique de mémoire ambitieuse, avec une augmentation de plus de 87 % des crédits qui y sont consacrés.

Respecter le devoir de mémoire, ce n’est pas simplement rendre hommage aux sacrifices passés. Préserver notre mémoire collective, c’est aussi et surtout œuvrer pour le futur, pour que nos enfants, et leurs enfants après eux, puissent profiter de la paix et des libertés pour lesquelles d’autres, avant eux, se sont battus.

Au-delà de son rôle mémoriel, cette mission assure également au monde combattant et à leurs ayants droit la reconnaissance de la Nation et leur témoigne une solidarité légitime. À ce titre, le groupe RDPI salue la mise en œuvre de mesures financières fortes, attendues par le monde combattant.

Puisque l’on parle de reconnaissance de la Nation, j’aimerais profiter de cette tribune pour évoquer une situation chère à mon cœur d’Alsacienne. Je veux parler de la situation des orphelins des Alsaciens et des Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.

Notre identité alsacienne s’est en partie nourrie de ce drame. Il a contribué à renforcer notre spécificité, tant et si bien que chaque Alsacien est, encore aujourd’hui, non seulement profondément attaché au souvenir du sacrifice des malgré-nous, mais aussi particulièrement attentif au destin de leurs filles et de leurs fils.

L’année dernière, avec le groupe RDPI, j’avais justement fait adopter un amendement visant à ce que leur situation fasse l’objet d’un examen particulier dans le cadre du rapport consacré à l’indemnisation des orphelins de guerre par l’ONACVG. En effet, bien que l’incorporation de force de ces Alsaciens et Mosellans ait été reconnue comme crime de guerre, leurs fils et leurs filles sont encore aujourd’hui exclus du soutien de la Nation.

Nous parlons ici, madame la ministre, de mémoires brisées, d’identités bafouées et de confiance rompue.

Si nous saluons les crédits consacrés à cette mission, essentielle à l’unité de la Nation, que nous voterons, je resterai pour ma part personnellement attentive au sort des orphelins de malgré-nous. Leur situation réclame l’intérêt et la reconnaissance de la Nation, au-delà du texte soumis aujourd’hui à notre examen. (M. le rapporteur spécial applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à discuter de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » de ce projet de loi de finances pour 2024.

Je tiens en préambule à rappeler l’immense respect du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain pour l’ensemble des acteurs du monde combattant d’hier et d’aujourd’hui. Je veux rappeler également notre attachement à la question de la reconnaissance mémorielle, qui participe de notre richesse et du vivre ensemble dans notre pays, valeurs ô combien précieuses en ces temps pour le moins troublés, avec la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien et la multiplication des actes antisémites dans notre pays.

Pour 2024, les crédits de cette mission sont quasiment stables : ils ne diminuent que de 0,21 %, après une baisse de 7,4 % entre 2022 et 2023.

La diminution naturelle du nombre des bénéficiaires des allocations s’accompagne, dans ce budget, d’une hausse des dépenses de réparation des souffrances endurées par les harkis, ainsi que de celles qui sont consacrées aux célébrations mémorielles.

Concernant les pensions et allocations, je tiens à exprimer la préoccupation des associations que nous avons auditionnées. En effet, elles sont aujourd’hui calculées sur la base du point de pension militaire d’invalidité (PMI), qui lui-même est indexé sur l’évolution de la rémunération des fonctionnaires.

Pour 2024, le projet de loi de finances prévoit une quasi-stabilité du point de PMI, avec une augmentation de 0,1 %. Bien que je salue la volonté du Gouvernement de revaloriser in fine de 1,5 % le point de PMI, il ne progresse toujours pas au rythme de l’inflation. Nous ne pouvons que le regretter, compte tenu du montant, très bas, de la pension de ces retraités, à savoir un peu plus de 800 euros en moyenne. Madame la secrétaire d’État, il est indispensable de soutenir une revalorisation du pouvoir d’achat. J’espère que vous entendrez cette demande des associations.

Je souhaite également évoquer devant vous la nécessité pour le Gouvernement d’étudier une évolution des âges à partir desquels le versement de l’allocation de reconnaissance du combattant et la demi-part fiscale des veufs ou veuves d’anciens combattants sont octroyés. En effet, pourquoi faut-il attendre d’avoir 65 ans pour bénéficier de l’allocation de reconnaissance du combattant ? De la même façon, pourquoi les veufs ou veuves d’anciens combattants doivent-ils attendre d’avoir 74 ans pour bénéficier de la demi-part fiscale ?

Par ailleurs, ce budget comporte certaines mesures positives que je souhaite souligner.

Pour 2024, les crédits qui permettent de soutenir les rapatriés d’Algérie sont en hausse de 11,2 %, et ce afin de financer le dispositif, introduit par la loi du 23 février 2022, de réparation des préjudices subis par les harkis et autres rapatriés d’Algérie, ainsi que leurs familles, pour avoir séjourné dans certaines structures aux conditions d’accueil indignes.

Je salue particulièrement la décision du Gouvernement d’élargir à 45 nouveaux sites la liste des structures ouvrant droit à réparation. Nous avions évoqué ce point lors de la discussion de la loi précitée. Cependant, nous proposerons un amendement afin d’augmenter de manière plus substantielle les crédits en faveur des harkis et de leurs enfants au titre de cette extension du droit à réparation.

Nous proposerons également un amendement visant à étendre la rente viagère de 700 euros par mois accordée aux veuves d’anciens supplétifs à tous les harkis eux-mêmes, dans un souci d’équité et d’équilibre. Il s’agirait d’un acte de reconnaissance fort à l’égard de ces retraités à la pension modique.

Enfin, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le taux de non-recours, qui est important, et sur la nécessité de mettre en place un mécanisme automatique.

Nous approuvons également la création de deux nouvelles maisons Athos pour renforcer l’accompagnement des militaires blessés psychologiquement et de leurs familles, en complément des autres programmes de réhabilitation psychosociale. Pour avoir rédigé, voilà quelques années, un rapport sur le syndrome post-traumatique, je sais l’importance de ce type de dispositif.

Enfin, nous sommes également favorables à la progression des moyens consacrés aux liens armées-jeunesse et à la politique de mémoire, qui tiendra une grande place l’an prochain dans la vie de la Nation.

Ainsi, l’organisation du 80e anniversaire de la Libération et des débarquements en Normandie et en Provence est à l’origine d’une hausse significative de ces crédits : près de 14 millions d’euros devraient être consacrés à l’organisation de ces cérémonies, auxquels il faut ajouter près de 4 millions d’euros pour l’organisation logistique du défilé du 14 juillet, qui se déroulera exceptionnellement entre la place de la Nation et le château de Vincennes.

Si nous soutenons bien évidemment le financement de ces événements, j’attire votre attention sur la faiblesse du budget global de notre politique de mémoire, qui entraînera mécaniquement un sous-dimensionnement de toutes les autres commémorations, laissant à des collectivités locales, aux finances pourtant déjà bien contraintes, le soin de les financer.

J’appelle en outre le Gouvernement à étudier la nécessité d’étendre le bénéfice de la majoration de durée d’assurance du « dixième » aux fonctionnaires de la filière paramédicale civils du ministère des armées, c’est-à-dire des hôpitaux d’instruction des armées et de l’Institution nationale des invalides, dont l’emploi doit être classé en catégorie active.

Nous appelons à la pérennisation des moyens qui sont accordés à cette mission et nous espérons, madame la secrétaire d’État, que ces pistes de réflexion seront prochainement étudiées par le Gouvernement.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe SER votera pour l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.  Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Dumas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le 24 février 2022 et son agression par la Russie, le peuple ukrainien fait preuve d’un courage et d’une détermination qui forcent notre admiration ; qui nous interpellent, aussi, et qui amènent notre pays à s’interroger sur sa propre résilience et sur la vitalité de ses forces morales à l’heure du retour de la guerre sur le continent européen.

Les façons d’entrer dans cette réflexion sont évidemment nombreuses, mais une chose est sûre : la mission que nous examinons aujourd’hui revêt à cet égard une importance particulière.

Parce qu’elle cultive le souvenir de nos combats passés. Parce qu’elle cimente le lien qui doit unir les mondes civil et militaire. Parce qu’elle matérialise l’engagement de la France envers les hommes et les femmes qui se sont battus pour elle.

À mesure de l’avancée en âge de chaque génération du feu, le nombre de ceux qui ont porté les armes pour notre pays diminue inexorablement. Le dernier poilu, Lazare Ponticelli, nous a quittés en 2008. Cette année, c’est la mémoire de Léon Gautier que nous avons saluée. Il était le dernier survivant du commando Kieffer, qui débarqua en Normandie le 6 juin 1944.

De manière générale, on estime que l’Office national des combattants et victimes de guerre continuera de voir le nombre de ses ressortissants baisser rapidement dans les années à venir, passant de près de 2 millions actuellement à moins d’un million d’ici à 10 ans et à environ 500 000 à partir de 2045.

Avec eux, c’est le témoignage vivant des conflits qui ont marqué l’Histoire de notre pays qui s’éteint peu à peu, rendant plus essentiel encore le devoir de mémoire de l’ensemble de la Nation.

Plus prosaïquement, la disparition d’un nombre croissant de nos anciens combattants explique aussi pourquoi la mission budgétaire qui porte leur nom voit ses moyens fondre d’année en année.

L’année 2024, il faut le souligner, marquera cependant une inflexion dans cette tendance. En effet, pour la première fois depuis bien longtemps, les crédits afficheront une quasi-stabilité, à hauteur de 1,9 milliard d’euros. En conséquence, le groupe Les Républicains votera en faveur de leur adoption.

En outre, la structure de ces crédits démontre une chose : la baisse des besoins de financement liée au moindre versement d’allocations de reconnaissance, d’allocations viagères ou encore de pensions d’invalidité permet de dégager des marges de manœuvre supplémentaires. Celles-ci ont ainsi pu être mobilisées pour appuyer, l’année prochaine, d’autres actions importantes menées au titre de la mission.

Je pense, par exemple, à la montée en charge du plan Blessés, et, dans ce cadre, au développement du dispositif Athos, qui permet un meilleur accompagnement de nos militaires affectés par des syndromes post-traumatiques contractés à la suite des opérations auxquelles ils ont participé.

Je pense également à la hausse des moyens consacrés à la politique de mémoire, qui viendront notamment soutenir le programme des cérémonies pour le 80e anniversaire des débarquements et de la Libération.

Je pense enfin au redimensionnement de l’action en faveur des rapatriés d’Algérie. L’année dernière, nous avions massivement soutenu la loi permettant l’indemnisation des harkis et de leurs familles pour les conditions indignes dans lesquelles, pendant de trop longues années, certains d’entre eux ont dû vivre sur le territoire national.

L’intégration de nouvelles structures dans la liste de celles qui ouvrent droit à réparation montre que, comme nous l’avions souhaité, nous progressons sur cette question de manière continue. Et si le décret pris par le Gouvernement ne clôt pas la réflexion sur ce douloureux sujet, il va indéniablement dans le bon sens.

En tout état de cause, ces exemples montrent que, lorsqu’ils sont préservés, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » permettent en fait de dégager de nouveaux moyens année après année.

Naturellement, l’attention que nous devons porter à l’état de nos finances publiques, qui ne cessent de se dégrader et de nous inquiéter, doit nous conduire à la plus grande vigilance budgétaire. Néanmoins, il me semble important d’envisager dès maintenant comment certaines actions pourraient à l’avenir être consolidées.

À ce titre, le renforcement du lien armées-jeunesse et la transmission de la mémoire combattante me paraissent des axes essentiels pour développer un esprit de défense, qui, parfois, peut sembler une idée de plus en plus lointaine pour nombre de nos jeunes.

Ainsi, nous pouvons nous interroger sur le devenir du SNU, notamment sur les modalités de sa généralisation, qui, nous le déplorons, restent encore floues pour les Français, ainsi que sur le maintien de l’actuelle JDC.

Enfin, je souhaiterais évoquer le niveau des diverses allocations perçues par les anciens combattants ou par leurs veuves.

Certes, des efforts ont été consentis dernièrement pour renforcer certaines prestations. D’autres sont annoncés, sous la forme d’une nouvelle revalorisation anticipée du point d’indice des PMI. Je salue ces avancées, mais je me permets de souligner que, malgré tout, beaucoup de bénéficiaires de ces dispositifs jouissent de revenus très modestes.

Dans un contexte d’inflation persistante, leurs difficultés financières s’aggravent. La question de la revalorisation des prestations reste donc devant nous, et j’espère, madame la secrétaire d’État, qu’il sera possible de progresser rapidement sur ce sujet essentiel pour l’ensemble du monde combattant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que je vous présente aujourd’hui est un budget de reconnaissance et de réparation. Il s’élève à 1,9 milliard d’euros, comme l’an passé. Depuis près de vingt ans, c’est seulement la seconde fois, avec l’année 2022, que les crédits du monde combattant ne diminuent pratiquement pas d’une année sur l’autre, avec une légère baisse de 0,2 %.

J’ai bien entendu les propos de Mme la rapporteure pour avis sur le nom de la mission, et je m’engage à étudier attentivement la question pour le prochain PLF.

Avant de vous présenter cette mission, je voudrais vous rappeler une annonce qui reflète l’importance que le Gouvernement accorde à la question du pouvoir d’achat du monde combattant : l’augmentation du point PMI répercutant la hausse de 1,5 % du point d’indice de la fonction publique du 1er juillet dernier sera exceptionnellement avancée d’une année. Elle interviendra dès le 1er janvier prochain et non en janvier 2025.

Je le sais, d’aucuns auraient voulu aller plus loin, mais une clause de revoyure est prévue au début de l’année prochaine, et je travaillerai sur ce point, comme à mon habitude, avec les associations. C’est même déjà le cas, puisque j’ai réuni le G12 – le regroupement des 12 grandes associations représentatives du monde combattant – lundi dernier à cet effet. Bien sûr, je n’oublierai pas d’associer la représentation nationale à ces travaux.

Ce budget traduit plusieurs priorités.

La première est l’accompagnement de nos militaires blessés. C’est la logique visée dans le cadre du plan Blessés, dont le ministre des armées m’a confié la charge. Plus de 8 millions d’euros y sont consacrés cette année. Ils viennent s’ajouter aux 690 millions d’euros de PMI, aux 38 millions d’euros de remboursement des soins des blessés, ou encore aux 23 millions d’euros dédiés à l’INI. Au total, ce sont près de 830 millions d’euros qui sont consacrés aux blessés.

Deux nouvelles maisons Athos ouvriront leurs portes en 2024, en Occitanie et dans le Grand Est. Elles viennent répondre de manière anticipée à la demande en matière d’accompagnement de nos blessés psychiques. Plus de 5 millions d’euros y sont consacrés. J’ai aussi confié à l’état-major des armées et au secrétariat général pour l’administration (SGA) un mandat d’étude sur un modèle Athos adapté aux spécificités des territoires d’outre-mer.

Le plan d’accompagnement des blessés, c’est surtout et avant tout un choc de simplification. À bien des égards, nous changeons de paradigme. Parmi les mesures les plus emblématiques, la demande unique PMI-Brugnot a été annoncée par le Président de la République. En vigueur depuis cet été, elle permet de ne remplir qu’un seul dossier pour les deux demandes, même si leur temporalité d’examen demeure différente.

Une attention particulière est portée aux harkis. Dans ce budget, ce sont plus de 112 millions d’euros qui leur sont dédiés au titre des dispositifs actuels : 70 millions d’euros au titre du droit à réparation ouvert par la loi du 23 février 2022, et, plus particulièrement, 20 millions d’euros consacrés à l’extension du droit à réparation à 45 nouveaux sites, ainsi que 40 millions d’euros pour l’allocation de reconnaissance et l’allocation viagère, pour les harkis et leurs veuves, dont le montant a été doublé en 2022.

Au nom du Gouvernement, j’ai déposé un amendement pour aller plus loin encore sur ce sujet, en harmonisant le montant des rentes versées aux veuves de harkis, qui sera aligné sur celui de la rente viagère, et en créant une rente nouvelle au profit des harkis qui avaient choisi en 2005 de ne pas en percevoir. Je développerai ces explications tout à l’heure.

Je sais que le sujet des pupilles de la Nation et des orphelins de guerre occupe vos réflexions, comme les miennes, depuis un an. J’ai mis en place un groupe de travail réunissant les députés et les sénateurs qui m’ont saisie de ce sujet, et nous poursuivons parallèlement le dialogue avec les associations.

Depuis les années 1920, l’État a conduit, vis-à-vis des enfants de ceux qui sont morts pour la patrie, une politique de solidarité. Aujourd’hui, c’est très concrètement l’ONACVG qui s’en charge. L’Office consacrait jusqu’à présent 1 million d’euros à cette aide sociale envers les pupilles et orphelins majeurs, y compris, naturellement, les descendants des incorporés de force d’Alsace et de Moselle.

J’ai déposé à l’Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, un amendement pour quintupler ces crédits, à hauteur de 5 millions d’euros.

Étant chargée de la mémoire combattante de notre Nation, de sa conservation et de sa transmission, je suis aussi responsable de la sauvegarde et de la rénovation du patrimoine mémoriel de pierre du ministère des armées.

La restauration et la valorisation des lieux de mémoire restent ainsi un axe important de ce PLF, avec une augmentation de plus de 3 millions d’euros du budget, dont 2,9 millions dédiés aux travaux sur les hauts lieux de mémoire nationale et les nécropoles nationales mis en œuvre par l’ONACVG.

Cet effort bénéficiera également aux communes françaises pour la rénovation de leurs monuments aux morts. Je sais que certaines communes ont des difficultés à les entretenir et que vous partagez mon souci de les aider, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ainsi, dans le cadre du plan France Ruralités, l’enveloppe annuelle, fixée à 150 000 euros en 2023, sera portée à 200 000 euros en 2024, soit une hausse de 33 %, pour les communes de moins de 2 000 habitants, lesquelles pourront bénéficier d’un soutien du ministère des armées à hauteur de 50 % du budget nécessaire à la restauration de leur monument aux morts, dans la limite d’un plafond fixé à 5 000 euros.

Pour soutenir et faciliter l’organisation du 80e anniversaire des débarquements et de la Libération, un groupement d’intérêt public a été constitué, sous l’appellation Mission de la Libération. Une somme de 14 millions d’euros est dédiée aux dépenses d’intervention pour l’organisation des cérémonies liées à ces commémorations.

J’ai eu l’occasion de me rendre à Caen, à l’occasion des Rencontres du tourisme de mémoire, et j’ai réalisé, avec les élus normands ayant répondu à mon invitation, un point d’avancement sur les travaux du GIP dans la perspective des commémorations des 5, 6 et 7 juin 2024.

Pour que les histoires locales ne soient pas rendues invisibles par l’importance des commémorations nationales, le GIP délivrera un label, afin de valoriser et de faire connaître la richesse historique de nos territoires. J’ai déjà rencontré des présidents de région à cet effet, et je vous invite à vous faire le relais de cette labélisation auprès des communes de vos territoires.

Il faut que 2024 soit l’occasion d’une grande célébration populaire continue, d’une communion mémorielle qui rassemblera chacun de nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et de ceux qui ont rendu la liberté à notre pays.

Je connais votre attachement à la mémoire et à sa valorisation. Je vous ai tous écoutés. Je suis favorable à la délocalisation des cérémonies nationales. Il faut aller vers les territoires, vers la jeunesse, vers chacun de nos concitoyens.

Le devoir de mémoire passe aussi par l’inscription au Mont-Valérien des noms des 91 militants, communistes et étrangers, qui y sont morts pour la France.

Mme Patricia Mirallès, secrétaire dÉtat. Vous avez annoncé que vous voteriez contre ces crédits, madame la sénatrice. Mais il n’y a pas que l’argent pour valoriser l’action de tous ceux qui sont morts pour la France ! Le devoir de mémoire, c’est aussi honorer Missak Manouchian. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
État G

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l’état B.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure trente.

Nous devrions donc en terminer l’examen aux alentours de onze heures, afin de passer à l’examen de la mission « Action extérieure de l’État ». Cela paraît possible au regard du nombre d’amendements déposés, mais à la condition d’observer un rythme relativement soutenu.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

1 918 297 459

1 927 457 459

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

1 830 156 624

1 839 316 624

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

88 140 835

88 140 835

 Dont titre 2

1 467 031

1 467 031

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° II-533 rectifié est présenté par M. Longeot.

L’amendement n° II-1220 rectifié est présenté par Mmes Le Houerou et Poumirol, MM. P. Joly, Jomier et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° II-1284 rectifié bis est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Guiol et Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Masset, Mme Pantel et M. Roux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Créer le programme :

Extension de l’allocation reconnaissance du combattant aux pupilles de la Nation et orphelins de guerre

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

50 000 000

50 000 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

dont titre 2

 

 

 

 

Extension de l’allocation reconnaissance du combattant aux pupilles de la Nation et orphelins de guerre

50 000 000

 

50 000 000

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° II-533 rectifié.

M. Jean-François Longeot. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° II-1220 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement de ma collègue Annie Le Houerou a pour objet d’élargir l’éligibilité à l’allocation de reconnaissance du combattant aux pupilles de la Nation et aux orphelins de guerre.

Des décrets de juillet 2000 et de juillet 2004 ont mis en place une aide financière pour les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale, reconnaissant ainsi les difficultés vécues par certaines catégories de pupilles de la Nation.

Toutefois, ils ont exclu une autre catégorie de pupilles, à savoir les enfants dont l’un des parents a été blessé ou tué lors d’une guerre, d’un attentat terroriste ou en exerçant certains services publics.

Ces enfants n’ont jamais bénéficié d’une indemnisation, d’une réparation ou d’une reconnaissance adéquate de leurs souffrances. Cette situation est vécue comme une véritable injustice, qui a été à de nombreuses reprises dénoncée par les associations de pupilles de la Nation et d’orphelins de guerre. Notre amendement a donc pour objet de mettre fin à cette disparité de traitement.