Mme Dominique Faure, ministre déléguée. J’ai évoqué cet amendement lors de mon intervention en discussion générale. Il tend à modifier pour 2024 les modalités de répartition du fonds de sauvegarde des départements, dont les montants mis en réserve seront complétés à parité par un prélèvement sur les recettes de l’État. Ce fonds sera ainsi réparti en fonction de critères permettant de cibler les départements qui connaissent actuellement les difficultés financières les plus importantes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. Cet amendement vise en effet à ajuster les modalités de répartition du fonds de sauvegarde des départements pour le cibler sur les départements qui sont le plus en difficulté – nous avons eu plusieurs fois l’occasion d’en parler au cours de la journée. Il est le fruit d’un travail commun avec Départements de France.

Pour mémoire, en première partie, notre assemblée a voté, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances, un amendement visant à abonder ce fonds par une dotation complémentaire de l’État de 100 millions d’euros.

Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Comme nombre de mes collègues, je vais évidemment voter cet amendement.

J’invite néanmoins à la plus grande vigilance quant aux critères retenus. Il y a quinze ans, lorsqu’on cherchait à mettre en place des fonds de péréquation, on regardait l’évolution des allocations individuelles de solidarité (AIS). Si l’on considère, aujourd’hui, l’action des départements en matière de prise en charge des problèmes sociaux, on voit que c’est dans le domaine de la protection de l’enfance que les besoins ont le plus explosé, compte tenu de la déflagration qu’a provoquée la pandémie de covid-19 – fragmentation des cellules familiales, problèmes psy dans tous les sens.

Pour les départements, c’est à ce niveau que la bascule s’opère. Si l’on ne prend pas objectivement ce critère en compte, on risque de renoncer à mieux agir dans le domaine de la parentalité ; or faire l’impasse sur ces questions aujourd’hui c’est aggraver les difficultés que l’on aura à traiter demain.

Je tenais, madame la ministre, à appeler votre attention sur ce point précis, car, on le sait, les politiques de protection de l’enfance varient selon les départements ; ceux-ci sont en effet, en fonction de leur histoire, plus ou moins bien dotés en structures d’accueil.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1205.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 62 - Amendement n° II-1205
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales - État D (interruption de la discussion)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 62.

compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Avances aux collectivités territoriales

132 434 502 964

132 434 502 964

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

6 000 000

6 000 000

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

132 428 502 964

132 428 502 964

Avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux destinées à soutenir les départements et d’autres collectivités affectés par les conséquences économiques de l’épidémie de covid-19

0

0

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales - État D (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Discussion générale

4

Communication d’avis sur des projets de nomination

Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi ordinaire du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 18 voix pour, 11 voix contre – à la nomination de M. Thibaut Guilluy aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.

Par ailleurs, en application des mêmes dispositions, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – 23 voix pour, 11 voix contre – à la nomination de M. Thierry Guimbaud à la présidence de l’Autorité de régulation des transports (ART).

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quinze, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

6

Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales - État D (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Administration générale et territoriale de l'État

Loi de finances pour 2024

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
État B

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Administration générale et territoriale de l’État

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (et article additionnel après l’article 50 A).

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la traduction budgétaire de l’engagement de « réarmement » de l’État territorial porté par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de l’ambition affichée.

Les effectifs du programme 354 « Administration territoriale de l’État » augmenteront de 232 équivalents temps plein (ETP), loin en deçà de ce qui est devenu indispensable pour résoudre les difficultés auxquelles fait face l’administration déconcentrée du ministère de l’intérieur. Au rythme actuel, il faudrait plus d’une vingtaine d’années pour revenir au niveau des effectifs de 2012.

Selon la Cour des comptes, les suppressions de postes mises en œuvre ces dernières années au sein des préfectures « n’ont pas été réalistes », celles-ci ne fonctionnant « qu’au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services ».

Dans son rapport récent sur la capacité d’action des préfets, la Cour relève cette fois que « les fortes réductions d’effectifs des sous-préfectures compromettent la viabilité de nombre d’entre elles ». Dans ce contexte, la réouverture de six sous-préfectures en 2023, qui peut être appréciée dans les territoires, apparaît en réalité bien symbolique.

Par ailleurs, le ministère de l’intérieur a élaboré l’année dernière un document stratégique intitulé « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 ». Ce document est assez mal nommé : loin d’identifier certaines missions prioritaires par rapport à d’autres, il rappelle l’importance de l’ensemble des missions préfectorales.

Il est donc temps d’acter le caractère essentiel de ces missions, donc l’impossibilité de rogner sur certaines d’entre elles. Plutôt que de mener des chantiers en trompe-l’œil de priorisation, il s’agit désormais d’augmenter les moyens des préfectures et de garantir la mise en œuvre effective des différentes politiques publiques qu’elles portent.

Je souhaite notamment revenir sur la délivrance des titres.

Après le pic inacceptable atteint en 2022, les délais ont aujourd’hui été en grande partie résorbés : nous sommes revenus à des délais moyens d’obtention d’un rendez-vous inférieurs à vingt jours. Cette évolution a été permise par une augmentation significative – +40 % – du nombre de dispositifs de recueil déployés dans les communes et par une hausse des effectifs au sein des services instructeurs des préfectures.

En revanche, le nombre de contractuels y a été multiplié par onze. Je déplore ce choix de recourir encore une fois à des effectifs contractuels, alors que l’augmentation des demandes de titres est d’ordre structurel.

Les services chargés de l’accueil et du traitement des demandes de titres étrangers sont confrontés à des problématiques similaires. Ils sont toujours en grande difficulté et les délais n’ont pas été réduits sur les principales procédures. Dans un rapport publié le mois dernier, la Cour des comptes relève que « les services des étrangers souffrent non seulement d’effectifs insuffisants […], mais aussi du recours massif à des contractuels de courte durée, dont le recrutement, la formation et le suivi au quotidien absorbent une grande part du temps de travail de l’encadrement ». Une réponse à la crise de ces services doit impérativement être apportée au plus vite.

Je souhaite, en conclusion, revenir sur le rôle du secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), une structure qui a particulièrement occupé notre commission des finances à l’occasion des travaux de sa mission sur le fonds Marianne.

La tutelle « rapprochée » de la ministre déléguée sur le SG-CIPDR a mis à mal la vocation interministérielle de cette structure : cette situation a conduit, selon les termes du rapport de la mission d’information de la commission des finances, à un « mélange des genres regrettable ».

Au-delà des recommandations figurant dans ce rapport, il me semble indispensable de tirer des enseignements sur le rôle et le positionnement du SG-CIPDR. Je souhaiterais notamment entendre Mme la ministre sur l’engagement qu’avait pris Mme Sonia Backès, avant sa démission du Gouvernement, de transformer le secrétariat général en délégation, ce qui me paraît constituer une évolution indispensable.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, je propose le rejet des crédits de la mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’an dernier, l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » n’appelle pas d’observations particulières en ce qui concerne le programme 232 « Vie politique ». L’explosion des crédits – +127,35 % en autorisations d’engagement et +115,38 % en crédits de paiement – s’explique en effet par le calendrier électoral chargé de 2024, marqué par la tenue des élections européennes en juin et des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie en mai.

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » connaît également une forte augmentation de ses crédits – +38,26 % en autorisations d’engagement –, destinée à financer notamment la création d’un site unique du renseignement intérieur et l’installation d’un pôle transversal des directions supports du ministère de l’intérieur et des outre-mer au sein du futur village olympique de Saint-Denis. Sans remettre en cause le bien-fondé de ces aménagements, j’appelle le ministère à faire preuve de vigilance et à ne pas réduire sa stratégie immobilière à la conduite de projets structurants au détriment de l’adaptation et de l’entretien du parc existant.

L’enjeu majeur de cette mission demeure, à mes yeux, le montant des crédits alloués au programme 354 « Administration territoriale de l’État » ; ils diminuent de 5,6 % en autorisations d’engagement.

Cette baisse s’inscrit à contre-courant du « réarmement » de l’État territorial annoncé par le Gouvernement et des ambitions affichées dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi).

Certes, le projet de loi de finances prévoit la création de 232 postes au sein de l’administration déconcentrée, dont 110 seront dédiés au soutien aux missions préfectorales en tension. Mais cette évolution ne représente que 0,41 % des ETP de l’administration territoriale de l’État, qui a perdu 14 % de ses effectifs entre 2010 et 2021 ! Bien que je salue les efforts consentis par le Gouvernement – ils marquent un véritable changement de paradigme après plus d’une décennie de coupes budgétaires drastiques –, je ne peux évidemment me satisfaire d’une telle augmentation, qui relève plus de l’affichage politique que d’une véritable solution au désengagement de l’État dans les territoires.

Cette situation est d’autant plus problématique que l’État territorial est confronté à des défis nouveaux à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques et ne parvient toujours pas à remplir correctement certaines de ses missions.

À cet égard, je citerai l’exemple emblématique de la délivrance des titres sécurisés. Bien que la situation ne soit plus aussi critique qu’elle l’a été au printemps de 2022, de nombreux points de vigilance demeurent, toutes les étapes de la chaîne de délivrance étant encore soumises à de fortes tensions. L’objectif d’un délai de vingt jours pour obtenir un rendez-vous en mairie n’est toujours pas atteint et, en juillet 2023, près de 99 % des passeports n’étaient pas produits dans les délais contractuels.

Ces indicateurs font craindre le pire, d’autant que la demande de titres sécurisés tend à se maintenir à un niveau très élevé ; elle risque du reste de s’accroître avec la généralisation en 2024 de l’identité numérique régalienne.

Eu égard à la décorrélation persistante entre les crédits alloués à l’administration territoriale de l’État et les défis auxquels celle-ci doit répondre, la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2024.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’administration générale et territoriale de l’État est au cœur de l’action publique et de la stratégie administrative : elle est en quelque sorte « l’État au cœur du territoire ».

Je salue à ce propos les rapports rendus sur cette mission. Nos collègues rapporteures ont su mettre en lumière tant les avancées figurant dans le projet de loi que les difficultés rencontrées pour réformer et moderniser les services publics en vue de les adapter aux réalités des territoires, notamment ruraux.

On peut se féliciter du renforcement des effectifs, quand bien même une augmentation de 232 équivalents temps plein annuel travaillé sur les quelque 30 000 ETPT concernés par ce programme pourrait paraître timide, tant les enjeux sont considérables.

Parmi d’autres avancées notables, je veux citer l’amélioration des délais de délivrance des titres sécurisés, stabilisés à quinze jours de traitement, ou le taux de 45 % de féminisation dans les primo-nominations. Ces résultats démontrent la volonté du Gouvernement d’aller dans le bon sens.

Nous regrettons toutefois le recours massif aux contrats courts : les titulaires de tels contrats sont précarisés et les services s’en trouvent désorganisés.

Concernant l’accueil des étrangers, nous demeurons inquiets. Je ne reviens pas sur les récentes réformes, dont chacun sait qu’elles peineront à résoudre cet épineux problème. Je me contente plutôt de remarquer la timidité des propositions et de déplorer que les délais moyens de traitement avoisinent les deux mois, pour des demandes ayant souvent, pourtant, un caractère d’urgence.

Comme le mentionne notre rapporteure spéciale, l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef) n’a pas apporté la réponse attendue à la crise des services, et rien dans ce budget ne laisse espérer un meilleur traitement des demandes.

Enfin – ce sujet nous concerne tout particulièrement au Sénat –, que dire du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales, sinon que la numérisation des relations continue d’occasionner des perturbations significatives dans le fonctionnement de ces dernières ?

Les élus locaux attendent de l’État présence et réponse à leurs problématiques. La récente réforme du FCTVA en est un exemple : elle a montré combien l’absence d’anticipation, de concertation et d’effectifs suffisants rend complexe la relation qu’entretiennent les collectivités et l’État.

Aussi le RDSE partage-t-il l’avis de notre rapporteure spéciale sur l’évolution inquiétante de l’administration territoriale de l’État. Entre la précarisation des contrats et l’hypernumérisation des relations avec le public, on finit par se demander quelle place sera réservée demain aux usagers, qui sont de plus en plus éloignés des agents et des services, des collectivités et de l’État lui-même.

La Cour des comptes considère que les services de l’État territorial sont à « un tournant de leur histoire ». Seule une réponse forte en matière d’effectifs, de clarté et de présence des services publics sur l’ensemble des territoires, notamment les plus ruraux, permettra de négocier ce virage.

Madame la ministre, vous trouverez le RDSE à vos côtés lorsqu’il s’agira de renforcer les effectifs, d’améliorer l’accueil du public et d’accompagner les collectivités et les élus, tout en se réinventant. C’est à ce prix que l’on renouera avec la confiance et que l’on retrouvera le chemin de la qualité et de la proximité du service ; c’est aussi à ce prix que l’on pourra combattre le sentiment d’abandon dont les élus locaux nous font part, parce que ceux-ci auront pour les aider, pour les conseiller, pour les accompagner, un État territorial qui ne sera plus cantonné, par manque de personnel et par manque de temps, à des tâches de réglementation.

Les membres du RDSE en sont conscients, on ne saurait en un an rattraper des années de disette et de cure d’amaigrissement de l’État territorial ; celui-ci doit se réinventer. Nous saluons à cet égard les efforts consentis, même s’ils ne sont pas à la hauteur de nos attentes, et nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », pilotée par le ministre de l’intérieur et des outre-mer, verra en 2024 ses crédits augmenter de 15 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement. L’évolution positive des moyens alloués à cette mission traduit l’engagement pris en faveur du réarmement de l’État dans nos territoires.

Englobant plus de la moitié des crédits de la mission, le programme 354 « Administration territoriale de l’État » joue un rôle clé. Il retrace les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI). Ses crédits diminuent de 5,6 % en autorisations d’engagement et augmentent de 0,19 % en crédits de paiement.

Nous saluons la décision de consacrer à ce programme 232 nouveaux postes, dont 110 seront dédiés au soutien des missions préfectorales les plus en tension. Ces effectifs, qui s’ajoutent aux 48 postes créés en 2023, sont une réponse concrète à la demande croissante de présence accrue de l’État dans nos territoires. Ils contribuent à inverser la tendance des dernières décennies, marquées par la réduction puis par la stabilisation des effectifs.

Nous saluons une autre augmentation, qui va elle aussi dans le sens du rétablissement de la présence de l’État dans nos territoires : la hausse de 30 % de la contribution du ministère de l’intérieur et des outre-mer au renforcement du réseau des 2 750 espaces France Services déployés depuis 2018 est un signal positif, qui répond au besoin d’un accès facilité aux services de l’État qu’expriment citoyens et collectivités dans nos territoires.

Le programme 232 « Vie politique », qui finance l’exercice des droits des citoyens en matière électorale, connaît cette année une explosion de ses crédits du fait d’un calendrier chargé, marqué, d’une part, par la prochaine échéance européenne et, d’autre part, par la tenue des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.

Permettez-moi de souligner également l’importance du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».

L’augmentation des crédits alloués à ce programme, pour ce qui est notamment des affaires immobilières, traduit l’engagement du ministère en faveur du développement durable et de la transition écologique. La modernisation du parc immobilier, l’adaptation aux changements climatiques et la réduction de l’empreinte écologique du numérique sont des priorités cruciales.

La mise en œuvre opérationnelle, en 2024, du réseau Radio du futur (RRF) marque un pas significatif : elle témoigne d’un effort considérable pour assurer la sécurité de nos concitoyens, fournir un système commun aux forces de sécurité intérieure et moderniser les équipements radio. Portés par l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (Acmoss), l’ouverture en juin 2024 de ce réseau et son déploiement à treize départements pilotes constituent une avancée majeure.

Les membres du groupe RDPI estiment que ces crédits s’inscrivent dans la continuité des engagements pris par le Président de la République et par le Gouvernement. La trajectoire fixée dans la Lopmi, que nous avons approuvée, nous semble respectée.

Ces crédits répondent à des enjeux capitaux de sécurité, d’expression démocratique et d’accès des citoyens aux services de l’État. Nous nous prononcerons donc en leur faveur, conscients que nous sommes de l’avancée significative qu’ils représentent dans la consolidation du lien entre l’État, les collectivités et les citoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au travers de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », le ministère de l’intérieur met en œuvre trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l’exercice des droits des citoyens ; assurer la présence et la continuité de l’État sur le territoire ; appliquer localement les politiques publiques décidées nationalement.

De manière générale, le budget de cette mission s’élève pour 2024 à un peu moins de 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à un peu moins de 5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 15 % et de 2 % par rapport à l’exercice précédent.

Cette hausse, qui est conforme à la Lopmi, masque toutefois une disparité : les crédits du programme 354 « Administration territoriale de l’État », qui est le programme majeur, restent stables ; ceux du programme 232 « Vie politique » augmentent substantiellement, en raison du calendrier électoral ; quant au programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », il se voit doté d’autorisations d’engagement d’un niveau substantiel, ce qui s’explique avant tout par la réalisation de projets immobiliers structurants.

Je me concentrerai sur le programme 354 « Administration territoriale de l’État », qui absorbe un peu plus de la moitié des crédits de la mission.

La doctrine du Gouvernement concernant l’État territorial demeure, pour notre groupe, un sujet d’interrogation. L’examen du programme 354 montre que, d’une certaine façon, la question du retrait de l’État territorial n’est toujours pas tranchée, en dépit de la volonté affirmée, de la part du Gouvernement, d’un « réarmement territorial ».

Dans son rapport de mai 2022, la Cour des comptes soulignait la perte sur dix ans de 14 % des effectifs de l’administration territoriale de l’État, soit environ 2 500 ETP.

La Cour pointait également une baisse parfois disproportionnée des effectifs des préfectures et des DDI par rapport aux autres missions du ministère de l’intérieur. Jugeant cette suppression d’effectifs « irréaliste », elle considérait même que l’exercice par les préfectures de leurs missions prioritaires s’en trouvait fragilisé.

Dans le rapport d’information qu’Agnès Canayer et moi-même avons rédigé au nom de la délégation aux collectivités territoriales, nous relevons, en l’espace de dix ans, une chute des effectifs de 36 % pour les DDI et de 10 % pour les préfectures et les sous-préfectures.

Seules trois préfectures ont vu leurs effectifs augmenter dans cet intervalle, quand trente-cinq d’entre elles perdaient au moins 59 ETP. Cinq sous-préfectures ont enregistré une hausse de leurs effectifs, alors que près de soixante d’entre elles ont connu une baisse d’effectifs allant de 10 à 20 ETP.

Parallèlement, notre collègue Isabelle Briquet, dans son rapport d’information sur les secrétariats généraux communs, a souligné « une perte de compétences importante ». Pourtant, cette administration joue un rôle essentiel au sein de nos territoires. Or l’expertise est la substance de l’État local : la perte de l’une, c’est la perte de l’autre.

Comme la rapporteure spéciale l’a justement relevé, une lente remontée des effectifs est désormais à l’œuvre, ce qui est à saluer. Un tel effort n’est absolument pas en phase, néanmoins, avec le réarmement territorial que prétend porter le Gouvernement.

Sont annoncés, certes, 232 ETP supplémentaires, dont 110 pour les préfectures et les sous-préfectures, 77 emplois nouveaux d’experts de haut niveau pour accompagner le corps préfectoral, et 45 emplois supplémentaires au sein de plateformes régionales des ressources humaines. Il s’agit bel et bien d’une « hausse inédite », mais elle est loin de compenser la baisse passée. À ce rythme, il faudrait vingt-deux ans pour retrouver seulement les effectifs de 2012, alors que la demande locale n’a jamais été aussi forte.

Par ailleurs, nous l’avons déjà indiqué par le passé, le renforcement des effectifs ne saurait se limiter à une question numérique. Il est ainsi indispensable de veiller, dans l’allocation des effectifs, au bon équilibre de la répartition des emplois entre les missions et entre les territoires. Le vieillissement des agents de l’administration territoriale de l’État et le recours massif aux contractuels imposent en tout état de cause une réflexion plus approfondie que celle que propose le Gouvernement.

Une fois encore, si les objectifs affichés par le Gouvernement ne sont pas critiquables, la question de savoir comment la politique territoriale peut garantir un service public de proximité ne fait l’objet d’aucune clarification. Notre rapporteure spéciale a mis en exergue, à juste titre, les difficultés qui se posent en matière de délivrance des titres d’identité et de séjour. Quant au contrôle de légalité, il ne répond plus, selon la Cour des comptes, aux « obligations constitutionnelles de l’État » – rien que ça !

Nous ne pouvons que constater, collectivement, un décalage croissant entre l’affichage initial de la mission et la réalité de ses différents programmes. En l’espèce, la volonté du Gouvernement nous semble en trompe-l’œil.

Ce matin s’est tenu à Matignon un brainstorming gouvernemental pour « donner plus de lisibilité aux services de l’État et plus de marges de manœuvre au niveau local en réponse aux attentes des élus et des collectivités ». Espérons qu’une réponse sera donc enfin trouvée !

J’en viens aux deux autres programmes de la mission budgétaire.

Les crédits du programme 232 « Vie politique » sont en hausse, à l’approche – cela a été dit – d’échéances électorales. Une interrogation demeure néanmoins quant au taux de non-distribution de la propagande électorale, ciblé à 7 % pour les prochaines élections européennes.

Le budget du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » augmente, quant à lui, à raison de la hausse de ses crédits d’investissement.

Comme l’a souligné la rapporteure spéciale, après l’affaire du fonds Marianne, nous préconisons une évolution du CIPDR vers davantage d’interministérialité et plaidons pour que l’État soutienne financièrement davantage la présence d’intervenants sociaux au sein des commissariats et des unités de gendarmerie ; nous présenterons un amendement relatif à ce dernier point.

Pour conclure, si l’on peut saluer la prise de conscience – tardive – de l’exécutif quant à la nécessité d’un réarmement de l’État territorial, nous déplorons l’inadéquation des moyens aux besoins ; nous voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)