M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances n’est jamais un moment anodin au Sénat. Cela tient à l’hétérogénéité des programmes de cette mission, destinés à l’élaboration et à la conduite de la politique globale de santé, ainsi que, bien sûr, à la prédominance de l’aide médicale de l’État, qui représente à elle seule plus de 50 % du budget de la mission.

Cet exercice n’échappe pas à la règle, puisqu’il s’inscrit dans une actualité pressante, marquée encore hier par la publication du rapport de Claude Évin et Patrick Stefanini sur le sujet.

Il serait donc tentant de faire de ce débat budgétaire un tout autre débat et de mettre ce temps à profit pour réaffirmer notre opposition franche à la suppression de l’AME, au risque de passer sous silence l’action de l’État en matière de prévention, de sécurité sanitaire ou d’accès aux soins.

La mission « Santé » compte trois programmes placés sous l’autorité du ministre de la santé et de la prévention. Son budget pour 2024 s’établit à 2,34 milliards d’euros, en baisse de 30,3 % par rapport à l’an dernier, en raison principalement des investissements déjà réalisés dans le cadre du Ségur de la santé.

Les crédits du programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », financent un double objectif : l’amélioration de l’état de santé de la population et la réduction des inégalités territoriales et sociales de santé, d’une part, et, d’autre part, la prévention et la maîtrise des risques sanitaires. En légère hausse, les crédits de ce programme s’établissent à 220 millions d’euros de crédits de paiement, contre 212 millions d’euros l’an dernier.

Pour ce qui concerne le premier objectif, il convient de souligner la hausse continue de la couverture vaccinale contre la grippe des personnes de plus de 65 ans. Le taux de vaccination devrait ainsi atteindre la barre des 60 % en 2023, contre 56,8 % en 2022.

Grâce aux efforts déployés pour dépister le cancer colorectal chez les personnes âgées de 50 ans à 74 ans, le taux de participation à ce dépistage devrait quant à lui passer la barre symbolique des 50 % cette année.

Pour ce qui est de la lutte contre la propagation du virus de la covid-19, notre groupe défendra un amendement visant à maintenir un prix accessible pour les masques, tenues, protections et produits destinés à l’hygiène corporelle, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’un taux de TVA réduit.

Le programme 183, « Protection maladie », a vocation à assurer la délivrance de l’aide médicale de l’État dans des conditions appropriées de délais et de contrôles, d’une part, et, de l’autre, à réduire les délais de présentation et de paiement des offres d’indemnisation du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Il enregistre une très légère hausse de ses crédits par rapport à 2023, pour s’établir à 1,21 milliard d’euros de crédits de paiement.

En ce qui concerne l’aide médicale de l’État, il convient de saluer les mesures prises depuis 2020 pour accentuer les efforts de bonne gestion réalisés par le biais de la centralisation, de l’instruction des demandes et du traitement des factures de soins urgents.

Cet effort s’est accompagné d’un renforcement de la lutte contre les abus et les détournements, abus par ailleurs peu nombreux, puisque seuls 2,7 % des dossiers contrôlés a priori en 2022 ont présenté une anomalie entraînant le rejet du dossier.

Notre groupe n’est pas hostile à une évolution de ce dispositif pour tenir compte de l’augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires. Il s’opposera, en revanche, et sans surprise, à l’amendement porté par la commission des finances visant à diminuer le budget alloué à l’action n° 02, « Aide médicale de l’État », et à tirer les conséquences de la transformation, à la fois très hypothétique et très imprudente, de l’aide médicale de l’État en une aide médicale d’urgence.

Je dirai quelques mots enfin sur le programme 379, « Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet “Ségur investissement” du plan national de relance et de résilience (PNRR) » de l’Union européenne.

Ce programme temporaire, destiné à la relance de l’investissement dans notre système de santé, repose sur une logique de jalon et connaît logiquement, en 2024, une baisse significative pour s’établir 907 millions d’euros de crédits de paiement, contre 2 milliards d’euros en 2023.

Le groupe RDPI conditionne son vote au rejet de l’amendement porté par la commission des finances et précédemment évoqué. Dans le cas où celui-ci serait adopté, ce qui, ne nous leurrons pas, mes chers collègues, a de grandes chances d’arriver, il votera contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis des années, l’État transfère à l’assurance maladie des charges qui devraient lui revenir. Cette série de transferts, aussi bien financiers qu’organisationnels, a logiquement pour conséquence la contraction continue des crédits alloués à cette mission.

Ce désengagement pose des difficultés qui vont toutefois au-delà de simples problèmes conjoncturels. Outre la baisse des crédits du programme 379, qui recouvre des jeux de tuyauterie de crédits européens, les diminutions de crédits prévues témoignent d’une approche inadaptée des défis auxquels notre système de santé est confronté. J’en citerai deux exemples.

Premièrement, comment construire un projet de prévention d’ensemble quand les crédits destinés à la politique de prévention sont éclatés entre 31 programmes budgétaires, sans compter le programme 204, lui-même intitulé « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ?

Deuxièmement, quelle place le projet de loi de financement de la sécurité sociale accorde-t-il à la santé mentale, que l’actualité remet au cœur du débat ? À peu près aucune. Quelle place a-t-elle dans le projet de loi de finances qui nous est soumis ? Aucune.

Cela n’empêche pas, du reste, le ministre de l’intérieur d’interpeller publiquement le ministre de la santé et de la prévention sur la prise en charge des malades souffrant de troubles psychiques ou psychiatriques dans notre pays.

Cette mission finance également les deux opérateurs que sont l’INCa et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

L’INCa subit en 2024 une coupe budgétaire de 15 % de ses crédits, soit environ 6 millions d’euros. Nous rejoignons la position de la rapporteure pour avis, qui plaide pour le rétablissement du montant de la subvention allouée annuellement à l’INCa.

Quant à l’Anses, dont le rôle est essentiel dans le domaine de la santé environnementale et qui s’est illustrée récemment par un excellent rapport sur les polluants émergents dans l’eau potable, elle est rémunérée pour ses fonctions d’expertise et d’évaluation en deçà de ses coûts d’exercice.

Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à réviser le barème des tarifs de l’Anses, afin d’augmenter la contribution qu’elle perçoit dans le cadre de ses missions d’expertise et d’évaluation.

Pour une raison qui m’échappe, cet amendement a été déplacé de la mission « Santé » à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il sera donc examiné ultérieurement…

J’en viens au programme 183 et à l’aide médicale de l’État.

Les débats récents dans notre hémicycle ont abouti au vote de la transformation de l’AME en AMU (aide médicale d’urgence). Parce que cette mesure touche à une valeur fondamentale, à savoir la solidarité que nous devons aux plus fragiles, elle a suscité et suscite dans notre société et chez les soignants un rejet qui dépasse les clivages politiques.

L’évolution des dépenses de l’aide médicale de l’État, dont – je le rappelle – deux tiers des dépenses relèvent d’une prise en charge hospitalière, doit surtout nous rappeler que l’effectivité de ce droit est insuffisamment garantie.

Le non-recours à ce dispositif est en effet très important, alors même que 25 % des bénéficiaires sont des mineurs qui ne sont pas en situation irrégulière au regard du droit au séjour.

M. Philippe Mouiller. C’est faux !

M. Bernard Jomier. Nous avons par ailleurs trop tendance à oublier qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Des études européennes prouvent que, en Allemagne ou en Suède, par exemple, la prise en charge tardive de l’hypertension artérielle ou des soins prénataux a entraîné des coûts très supérieurs pour les finances sociales de ces pays.

Nous ne pouvons donc pas ignorer la dangerosité d’une restriction de l’aide médicale de l’État.

La majorité sénatoriale a certainement apprécié le rapport, publié hier, de Claude Évin et Patrick Stefanini,…

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. Tout à fait ! Il faut bien le lire.

M. Bernard Jomier. … qui taille en pièces le dispositif proposé d’aide médicale d’urgence. Celui-ci emporterait de graves conséquences, tant pour la santé des individus qu’au regard de la sollicitation de nos établissements hospitaliers, qui sont déjà fragilisés. Nous espérons donc que la majorité sénatoriale en tirera les conclusions qui s’imposent.

Nous souscrivons à l’idée d’aligner le régime applicable aux demandeurs d’asile sur celui de l’AME, afin de réduire les ruptures de droits et de prises en charge.

Nous souscrivons également à l’idée d’étendre sa durée à deux années.

L’inclusion des bénéficiaires dans des dispositifs de l’assurance maladie visant à promouvoir la prévention et à faciliter l’organisation de parcours de soins coordonnés est une autre proposition bienvenue de ce rapport. Depuis des années, nous suggérons dans cet hémicycle l’intégration de l’AME dans le dispositif général de la sécurité sociale.

De même, l’extension du recours à l’accord préalable semble pouvoir être utile dans certaines situations.

Enfin, le rapport souligne avec une grande justesse que l’AME est un dispositif de santé publique et qu’elle ne constitue pas un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration. Cette clarification est essentielle pour dissiper toute confusion à ce sujet.

Dans le cadre de l’examen de la mission « Santé » de ce PLF, prenons en considération les implications réelles de chaque mesure sur la santé publique et veillons à garantir des droits et des prises en charge ininterrompus pour ceux qui en ont le plus besoin, mes chers collègues.

La proposition de certains collègues et du rapporteur spécial de réduire les crédits de l’AME sur la base d’un dispositif qui n’est pas celui de la loi nous conduirait à voter un montant insincère. La majorité sénatoriale souhaite-t-elle se convertir à l’insincérité budgétaire ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe SER ne votera pas des crédits qui seraient frappés d’injustice et d’insincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. C’est déjà arrivé !

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été indiqué précédemment, les crédits de la mission « Santé » sont principalement consacrés au financement de l’aide médicale de l’État.

Comme elle le fait depuis de nombreuses années, la commission des finances proposera, en cohérence avec la position du Sénat, un amendement de réduction des dépenses.

Dans le budget présenté par le Gouvernement, 1,2 milliard d’euros sont prévus pour les dépenses de l’AME en 2024, soit une augmentation de 19 % par rapport à l’exécution budgétaire de 2022.

Comme notre collègue Florence Lassarade l’a souligné, le nombre de bénéficiaires de l’AME a augmenté de 63 % ces dix dernières années. Ce chiffre atteste d’une évolution non maîtrisée du dispositif, dont il doit nous conduire à réinterroger le format et l’ambition, mes chers collègues.

Je souhaite, pour commencer, rappeler quelques éléments susceptibles d’éclairer le débat qui nous occupe depuis plusieurs semaines.

La France s’est dotée du dispositif de prise en charge des frais de santé des étrangers en situation irrégulière le plus généreux d’Europe. C’est un choix, mais c’est la réalité.

L’ensemble des soins médicaux et dentaires, les frais d’hospitalisation et les interventions chirurgicales sont pris en charge gratuitement et sans avance de frais. Concrètement, les soins qui ne sont pas éligibles à l’AME sont très peu nombreux.

La comparaison du modèle français avec celui d’autres pays d’Europe conduit à observer que, chez bon nombre de nos voisins – l’Allemagne, le Danemark, l’Italie, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse –, seules sont garanties la prise en charge des soins urgents et essentiels, celle des femmes enceintes et celle des mineurs, ainsi que les principales vaccinations.

Toutefois, certains pays ont également institué un accord préalable des autorités sanitaires pour rembourser tout ou toute partie des soins engagés ou prévoient une participation financière des bénéficiaires.

On le voit, les modèles sont divers, mais la France conserve, probablement avec l’Espagne, le modèle le plus protecteur.

Je m’arrêterai un instant sur le cas de l’Espagne, trop souvent cité à mauvais escient dans le débat actuel. La limitation de l’accès aux soins urgents qui y a été mise en œuvre entre 2012 et 2018 n’est en effet pas comparable avec l’AMU proposée par le Sénat. La restriction de l’accès aux soins n’autorisait plus que la réalisation des seuls soins urgents. Tel ne serait pas le cas de l’AMU, qui prévoit un panier de soins plus large et qui inclut notamment les traitements de maladies graves, les vaccinations réglementaires et les examens de médecine préventive.

Souvenons-nous que la vocation initiale de l’AME est de prendre en charge des personnes en situation irrégulière, pour prévenir une aggravation de leur état de santé ou la propagation de maladies contagieuses, dans l’attente du règlement de leur situation sur le plan administratif. Ce dispositif a donc vocation à prendre en charge les personnes irrégulières non pas dans la durée, mais de manière ponctuelle.

Il faut sans doute aussi indiquer que les demandeurs d’asile relèvent, non pas de l’AME, mais d’un autre dispositif, la protection universelle maladie (PUMa), dès lors qu’ils ont la possibilité d’exercer une activité professionnelle ou qu’ils résident en France de manière stable et régulière.

Le récent rapport Évin-Stefanini, plusieurs fois cité, montre que l’explosion budgétaire qu’emporte ce dispositif est principalement liée au nombre exponentiel de bénéficiaires et que l’AME doit être transformée.

Loin des caricatures, dans un débat budgétaire, il est légitime de vouloir marquer une différenciation entre le niveau de prestation accessible aux assurés sociaux du régime général, qui cotisent pour bénéficier d’une couverture maladie, et le niveau qui est accessible aux étrangers en situation irrégulière.

C’est dans cet esprit que le groupe Les Républicains soutiendra, par cohérence, l’amendement de la commission des finances.

Je souhaite enfin évoquer l’autre programme de la mission « Santé », « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Je souscris aux propos de la rapporteure pour avis Florence Lassarade, qui déplore l’absence de propositions ambitieuses et regrette le manque de moyens alloués. Le budget de ce programme a certes été augmenté de 8 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, mais nous continuons de sous-investir dans la prévention en santé, mes chers collègues.

Je n’en donnerai qu’une illustration. Dans ce programme, à peine plus de 1 million d’euros est consacré à la santé mentale, un sujet ô combien d’actualité.

Lutte contre le tabac, mobilisation contre les addictions, prévention des troubles mentaux, promotion d’une nutrition équilibrée et de l’activité physique, attention portée à la santé sexuelle des jeunes : la multiplicité des champs d’action des intervenants et le modèle de financement de la prévention doivent nous amener à mener une véritable réflexion, afin notamment de coordonner le PLFSS et la mission « Santé » et d’intégrer tous les acteurs de la couverture maladie, y compris les organismes complémentaires.

Nous devons aussi imaginer un meilleur pilotage des politiques de prévention et une meilleure coordination des actions menées par les différents intervenants.

Enfin, compte tenu des enjeux essentiels associés à la lutte contre les cancers et du pilotage de la stratégie décennale que l’INCa doit assurer, mon groupe soutiendra l’amendement de la commission des affaires sociales visant à rétablir le montant de la subvention allouée à cet institut.

En dépit de ces remarques, et au bénéfice de l’adoption des différents amendements proposés par les commissions, que nous soutiendrons, mon groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite insister sur l’importance cruciale d’investir dans un système de santé solide et adapté aux défis futurs.

Les enjeux de santé publique actuels – qu’il s’agisse des pandémies émergentes, des maladies chroniques, en augmentation, ou de la santé mentale – requièrent une réponse durable.

Le vieillissement de notre population et de notre société est l’un des défis majeurs. Si l’on ne peut que se réjouir de l’allongement de l’espérance de vie, il est impératif d’anticiper les besoins accrus en soins qui en découleront, mais aussi d’accompagner les aidants, nouveaux piliers majeurs de la prise en charge.

La Macronie peut, hélas ! se prévaloir d’un bilan en matière de santé. Je pense à la gestion catastrophique de la crise de la covid-19, dont M. Véran et le Gouvernement se gargarisaient encore récemment de la réussite.

Si le Gouvernement n’a de cesse de se féliciter de ses actions et de ses résultats, la réalité du terrain est bien différente. Écoutez enfin les attentes du terrain, madame la ministre !

Oui, vous avez revalorisé les salaires des soignants, mais, en cette matière, il y a encore tant à faire pour rendre les métiers du soin de nouveau attractifs, alors qu’une infirmière hospitalière sur deux a quitté son emploi au bout de dix ans.

Arrêtons-nous, mes chers collègues, sur la gouvernance des hôpitaux, souvent dirigés par des technocrates détachés des enjeux médico-sociaux et attachés aux seuls résultats économiques de leur établissement. Je plaide pour une nouvelle gouvernance, assurée par un tandem administratif et médical.

Arrêtons-nous aussi sur la situation de nos territoires ruraux, où trouver un médecin traitant, un service d’urgences ou, pis encore, une maternité, devient un réel parcours du combattant.

Vos prévisions budgétaires ont pour principal objectif de satisfaire la technocratie bruxelloise et d’obtenir les dotations européennes, madame la ministre.

Si votre projet de prévention et de promotion de la santé peut, de prime abord, paraître constituer une belle avancée, au regard des retards pris en la matière, les ambitions sont bien en deçà des attentes.

Rappelons enfin que tout n’est pas qu’une question de moyens et que la volonté politique joue aussi un rôle.

Ainsi, selon l’Institut Montaigne, seulement 22 % des femmes éligibles ont effectué le dépistage du cancer du col de l’utérus dans notre pays, contre 50 % dans les autres pays de l’Union européenne.

Améliorer les choses suppose toutefois d’avoir du personnel, qui ait du temps à consacrer aux patients. Or la bureaucratie des directions d’établissement et des agences régionales de santé éloigne les soignants de leur cœur de métier, le soin, les obligeant à passer plus de temps devant leur ordinateur et moins de temps auprès de leurs patients.

Nous défendrons nous aussi un amendement relatif à l’aide médicale de l’État, dont l’augmentation continue du nombre de bénéficiaires, conséquence d’une immigration non contrôlée, emporte des dépenses croissantes, qui n’auront de cesse de peser sur nos finances.

Nous avons voté, avec la majorité sénatoriale, la fin de l’AME et son remplacement par une aide médicale d’urgence, un dispositif permettant de conjuguer humanité et pragmatisme budgétaire.

M. Bernard Jomier. Nous n’en doutons pas…

M. Joshua Hochart. À l’heure où la fraude à la carte Vitale pourrait coûter jusqu’à 6 milliards d’euros par an, je rappelle par ailleurs que, sur l’initiative du Sénat, l’instauration de la carte Vitale biométrique fut votée en 2022.

Nous avons en effet à cœur d’améliorer le quotidien de nos compatriotes, mais pas dans la vision court-termiste qui est celle de la Macronie. De fait, depuis sa prise de poste en 2020, le haut-commissaire au plan semble n’avoir rien prévu…

Gouverner, c’est prévoir. Les sénateurs du Rassemblement national présenteront des amendements en ce sens. (M. Christopher Szczurek applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits alloués à la mission « Santé » s’élèvent pour 2024 à un peu plus de 2,3 milliards d’euros, soit 30 % de moins par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Si cette diminution peut paraître inquiétante, l’essentiel est dû à la réduction des crédits du programme destiné à assurer la compensation à la sécurité sociale des dons de vaccins aux pays tiers dans le cadre de la covid-19. On comprend donc que ces crédits diminuent pour 2024.

Nous entendons les critiques qui ont été émises en commission des affaires sociales sur le caractère pour le moins frileux des crédits alloués au programme dédié à la prévention, à raison de 1,8 million d’euros pour la prévention des maladies chroniques, de 1,17 million d’euros pour les acteurs du champ associatif de la santé mentale et d’à peine 300 000 euros pour la lutte contre les maladies neurodégénératives et liées au vieillissement.

Je tiens toutefois à rappeler que la prévention fait l’objet d’un chapitre entier dans le PLFSS, qui, lui, nous paraît plutôt satisfaisant.

Le troisième programme, dont les crédits contribuent très largement à financer l’aide médicale de l’État, prévoit 1,2 milliard d’euros pour la protection maladie. L’AME représente plus de la moitié de l’ensemble des crédits alloués à la mission pour l’année prochaine, et cette part pourrait dépasser les 60 % les années suivantes.

Nous ne souhaitons pas refaire le débat que nous avons mené au sujet de l’AME lors du récent examen du projet de loi sur l’immigration. Compte tenu de la part des crédits de la mission alloués à ce dispositif, je ne peux toutefois éviter ce sujet.

L’aide médicale de l’État, c’est un équilibre délicat à trouver entre humanisme et réalisme : humanisme, parce qu’il est dans l’ADN de notre République de soigner ceux dont l’état de santé le nécessite, quoi qu’il en soit de leur origine ou de la régularité de leur situation sur notre territoire ; et réalisme – je dirais même double réalisme, car, le dispositif de l’AME visant à protéger non pas seulement ses bénéficiaires directs, mais aussi l’ensemble de la population française, il procède du réalisme sanitaire, ainsi que du réalisme économique, dans la mesure où il existe un risque, certes difficile à chiffrer, mais réel, qu’une limitation trop stricte du dispositif ne retarde certaines prises en charge et n’emporte in fine des coûts plus importants.

Ce même réalisme économique doit aussi nous pousser à la plus grande vigilance en matière de maîtrise des dépenses publiques, mes chers collègues. Nous devons poursuivre l’encadrement du dispositif, comme nous l’avons fait, en 2019, en réduisant le panier de soins, renforcer les contrôles et lutter contre les abus.

Je souhaite également revenir sur la diminution de 6 millions d’euros de la subvention versée à l’Institut national du cancer.

Il y a quelques mois maintenant, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à créer un registre national des cancers, nous avons eu l’occasion de rappeler que le cancer est la première cause de mortalité dans notre pays. L’incidence de nombreux cancers augmente chaque année, notamment chez les personnes de moins de 50 ans.

Comme le soulignait notre collègue Laure Darcos vendredi dernier, nous nous inquiétons du manque de moyens consacrés à la recherche, notamment pour les innovations thérapeutiques.

Il est inenvisageable de diminuer les moyens alloués à la lutte contre le cancer. Nous voterons par conséquent l’amendement de la commission des finances visant à rétablir le montant de la subvention allouée à l’INCa.

Pour conclure, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de présenter devant vous les crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2024.

Comme vous le savez, ces crédits, en lien avec le PLFSS pour 2024, dont nous venons d’achever l’examen, sont la traduction de la politique de santé que nous souhaitons mettre en œuvre.

Nous avons déjà eu de nombreux échanges lors du PLFSS pour 2024, mais, afin de répondre aux orateurs qui m’ont interpellée, je souhaite revenir sur un certain nombre de points qui sont loin d’être hors sujet.

Le premier a trait à la sécurité sanitaire.

Assurer la sécurité sanitaire et protéger nos concitoyens face à l’ensemble des risques épidémiologiques en lien avec la santé environnementale, conformément à la logique « une seule santé » – One Health pour les Anglo-Saxons –, constitue un enjeu majeur.

Il s’agit de l’épidémie de covid-19, qui n’est pas terminée, mais aussi, plus largement, de l’ensemble des autres risques, auxquels nos sociétés sont de plus en plus confrontées et qui génèrent des inquiétudes légitimes chez nos concitoyens.

Nous le savons, c’est bien la santé environnementale dans tous ses aspects qu’il nous faut considérer : qualité de l’air, qualité de l’eau, qualité de notre alimentation, santé animale, aucun aspect ne doit être laissé de côté, car tous ces paramètres interagissent et tous sont exposés aux conséquences du dérèglement climatique, qui suscite de nouvelles menaces pour le vivant. Nous devons nous y préparer et apporter des réponses.

À la COP28, où je me suis rendue ce week-end, pour la première fois une journée fut spécifiquement consacrée aux enjeux sanitaires du réchauffement climatique. C’est le signe d’une prise de conscience collective qu’il convient de saluer.

J’ai pu y porter la voix de la France dans un domaine qui constitue un axe au fort de notre politique et pour lequel notre pays doit être un moteur à l’échelle mondiale.

Le deuxième point est le virage préventif.

La volonté du Gouvernement est de franchir un cap, grâce à une politique de prévention ambitieuse qui doit faire basculer notre système de santé et, plus globalement, notre société dans une logique préventive avant d’être curative. Plus qu’une ambition, il s’agit d’une absolue nécessité au regard des enjeux sanitaires et démographiques qui se profilent pour les vingt prochaines années.

La majeure partie de notre politique de prévention est inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, nous devons prévoir l’accès à des soins de qualité, partout sur le territoire. Cette mission « Santé » y contribue pleinement. Vous le savez, c’est une priorité centrale de notre action et nous mobilisons tous les leviers pour apporter des solutions concrètes, en lien avec les acteurs du terrain.

Cela passe tout d’abord par la poursuite de l’effort massif d’investissement dans notre système de santé, que nous avons engagé via le Ségur de la santé et que nous avons de nouveau renforcé cette année.

Cela passe ensuite par le déploiement, partout sur le territoire, de solutions d’accès aux soins adaptées à la situation locale.

En juillet dernier, j’ai présenté à cet effet un plan d’action ambitieux et pragmatique autour de quatre piliers : le recrutement de 10 000 assistants médicaux, le développement de 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles, la généralisation sur l’ensemble du territoire des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et le déploiement de 100 médicobus pour le fameux dernier kilomètre qui est si difficile à faire. Ce plan doit permettre, d’ici à la fin du quinquennat, que 2 millions de Français de plus parmi ceux qui en sont privés pour l’instant aient accès à un médecin.

Cela passe enfin par une meilleure organisation de notre système de santé et par une meilleure reconnaissance des métiers du soin afin de fidéliser les professionnels de santé et de rendre ces magnifiques métiers de nouveau attractifs pour les jeunes générations.

Il s’agit de l’une de nos préoccupations majeures et les investissements inédits que nous avons engagés depuis 2017 en matière de revalorisation salariale le démontrent. Toutefois, ce travail va bien au-delà du seul aspect financier et touche à la fois à la formation, au management, à l’organisation du temps de travail, à la reconnaissance des compétences des professionnels ou encore à la sécurisation de leur lieu de travail et à l’attention que l’on porte à leur santé.

Nous faisons progresser, en parallèle, l’ensemble de ces chantiers, car c’est la seule manière de relever les défis qui se présentent à nous. Il n’y a pas de solution miracle, nous devons activer l’ensemble des leviers simultanément. Tel est le sens de la politique qui a été engagée depuis 2017 et que nous poursuivrons dans le cadre de l’exercice budgétaire 2024.

J’aurai d’ailleurs l’occasion de présenter dans les prochains jours une feuille de route globale sur le métier d’infirmier que les acteurs attendent depuis longtemps. Elle évoquera notamment le chantier de la refonte de ce métier qui constitue une brique importante pour l’avenir de cette profession.

J’en viens aux crédits de la mission « Santé » qui s’élèvent dans le PLF pour 2024 à 2,34 milliards d’euros. Ils sont en baisse de 30 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Cette tendance est due à la réduction de 53 % par rapport à 2023 des crédits du programme 379. Comme la commission des finances l’a souligné, il s’agit d’un programme temporaire, qui contribue à améliorer la traçabilité du suivi des fonds européens. Ses crédits sont destinés, d’une part, au reversement des recettes du plan de relance européen au titre de la facilité pour la reprise et la résilience afin de financer le volet investissement du Ségur de la santé ; d’autre part, à assurer la compensation à la sécurité sociale des dons de vaccins aux pays tiers dans le cadre des campagnes de vaccination contre la covid-19.

Cette réduction de crédits est donc tout à fait normale.

J’ajoute que les crédits de la mission « Santé » sont quasiment stables – ils sont en légère diminution de 0,3 % – sur le programme 183 « Protection maladie » et ils augmentent de 3,4 % sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Cette dynamique met en exergue notre volonté non seulement de poursuivre les efforts engagés en matière de maîtrise des dépenses liées à l’AME – j’y reviendrai dans un instant –, mais aussi d’investir davantage dans la prévention et la promotion de la santé.

Concernant le programme 183 et l’aide médicale de l’État, je veux souligner plusieurs points en lien avec les débats en cours à l’Assemblée nationale sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Votre commission des finances souhaite revenir sur le périmètre de l’AME, en défendant un amendement visant à minorer les crédits de 410 millions d’euros. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui rendrait difficile, dès le 1er janvier 2024, la prise en charge des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État, ce qui aurait pour conséquence un report non maîtrisé vers les urgences hospitalières.

À cet égard, j’ajoute – certains d’entre vous l’ont déjà rappelé – que les conclusions du rapport demandé à Claude Évin et Patrick Stefanini par la Première ministre, ainsi que par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, le ministre de la santé Aurélien Rousseau et moi-même, nous ont été rendues hier et sont désormais publiques.

D’ores et déjà, il faut souligner que les premiers enseignements de ce rapport indiquent que l’AME est un dispositif sanitaire utile et globalement maîtrisé.

Comme nous nous y étions engagés – je l’avais fait ici même devant vous –, les propositions formulées par les rapporteurs seront instruites dans les semaines à venir. Les mesures concernant l’AME étant irrecevables dans le cadre du projet de loi sur l’immigration, les éventuelles pistes qui seraient retenues pourront faire l’objet d’une évolution réglementaire ou législative dans un texte spécifique.

Je veux également revenir sur les conclusions de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales concernant l’AME, pour indiquer que le Gouvernement partage pleinement son analyse : les prises en charge précoces permises par l’AME permettent bel et bien d’éviter des retards de soins, qui ont pour conséquences une aggravation de l’état de santé des personnes et une augmentation du coût des soins pour la collectivité dans son ensemble.

J’en viens aux crédits du programme 204 sur la prévention, la sécurité sanitaire et l’offre de soins. Les crédits inscrits dans le PLF 2024 sur ce programme sont en progression et s’élèvent à 220 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 223 millions d’euros en crédits de paiement. Ils progressent de 3,4 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2023.

Comme je l’indiquais, ce PLF 2024 traduit bel et bien notre ambition de renforcer la prévention. Cette ambition est celle que porte le Gouvernement en faveur, par exemple, de la santé des femmes et des enfants, avec un effort renouvelé en matière de dépistage et de vaccination. Je pense bien sûr à la vaccination contre le papillomavirus dans les collèges ou à la double campagne de vaccination contre la grippe et la covid-19.

Je pourrais évoquer également notre ambition sur la santé sexuelle, la santé mentale ou la lutte contre les addictions, mais nous pourrons en discuter au cours de l’examen des crédits de la mission.

Je veux cependant revenir sur la diminution apparente – j’insiste sur cet adjectif – du montant de la dotation de l’INCa, qui fait l’objet de plusieurs amendements, dont l’un sera présenté par Mme la rapporteure pour avis.

Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais je souhaite d’ores et déjà vous indiquer que l’évolution des crédits de l’INCa s’explique par un recalibrage de son fonds de roulement sans lien avec la mise en œuvre effective de la stratégie décennale de lutte contre le cancer, qui ne relève pas du programme 204. Cette stratégie, vous le savez, est une priorité et nous resterons vigilants quant à sa mise en œuvre.

Pour conclure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Santé », tels que proposés par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)