M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis. Cet amendement, présenté au nom de la commission des affaires économiques, vise à prévoir la production chaque année d’un document budgétaire et financier nous permettant, en tant que parlementaires, d’évaluer l’efficience des politiques menées par l’État en direction de l’ensemble des entreprises françaises.

Aujourd’hui, les crédits sont répartis dans différentes missions, ce qui est illisible ou, à tout le moins, très peu lisible, et empêche de travailler correctement.

Monsieur le ministre, le document demandé au travers de cet amendement diffère de celui qui est attendu dans le cadre de loi Industrie verte et qui a trait à ce périmètre.

Un tel document budgétaire et financier n’existe pas à ce jour. Or il nous serait fort utile, chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances.

J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une demande de la commission des affaires économiques. Ce rapport nous permettrait d’y voir plus clair et, dès lors, de porter des jugements circonstanciés sur l’efficacité de la politique gouvernementale en direction de l’ensemble des entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. Il s’agirait en effet d’un outil intéressant : la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, au risque d’être défait une fois de plus, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont déjà voté la remise d’un rapport gouvernemental portant sur l’ensemble de la stratégie industrielle. Ce travail sera présenté aux commissions compétentes et, le cas échéant, débattu en séance ; il permettra de répondre à toutes les demandes que vous formulez.

S’y ajoutent les rapports annexés existants – le jaune budgétaire dédié au plan France 2030, le rapport trimestriel au Parlement détaillant les moyens déployés par ce plan, ou encore le jaune budgétaire relatif à la Banque publique d’investissement, dont nous parlerons dans quelques instants : il ne me semble pas judicieux d’y ajouter un énième document.

Nous souhaitons au contraire limiter les annexes et nous concentrer sur le rapport déjà demandé par les deux chambres, que nous leur remettrons d’ici au printemps prochain.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° II-130 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Franck Montaugé, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous le relevez vous-même, les informations dont il s’agit sont éclatées en de nombreux rapports : c’est bien pourquoi nous avons besoin d’un document budgétaire et financier unique pour disposer d’une vue d’ensemble.

À l’évidence, nous ne sommes pas d’accord sur ce point, mais je vous assure qu’un tel rapport nous aidera dans notre travail.

Je maintiens mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-130 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 52 sexies - Amendement n° II-130 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 52 sexies.

L’amendement n° II-39, présenté par M. Cozic et Mme Espagnac, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 52 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le b du 30° du I de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, il est inséré un b bis ainsi rédigé :

« b bis) Une synthèse consolidée de l’ensemble des flux financiers provenant de l’État et alimentant spécifiquement les fonds de garantie, ainsi qu’une justification des évolutions générales des coefficients multiplicateurs utilisés ; les flux financiers, provenant de l’État et alimentant les fonds de garantie, prévus pour l’année en cours et envisagés pour l’année suivante font également l’objet d’une présentation provisoire, à titre indicatif ; ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. Il convient de compléter le jaune budgétaire relatif à Bpifrance pour ce qui concerne le financement des fonds de garantie.

Nous proposons en particulier d’ajouter dans ce document créé en 2022 une synthèse consolidée de l’ensemble des flux financiers provenant de l’État et alimentant spécifiquement les fonds de garantie.

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous parlons de plusieurs centaines de millions d’euros de financements de l’État. Or, en la matière, le Parlement ne dispose que d’une visibilité réduite.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour finir en beauté, j’émets un avis favorable ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Ah ! Voilà un homme de goût ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-39.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Il y a unanimité !

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 52 sexies.

compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article additionnel après l'article 52 sexies - Amendement n° II-39
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article 70 (nouveau)
Article additionnel après l'article 52 sexies - Amendement n° II-39
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article 70 (nouveau)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

375 050 000

453 250 000

Prêts et avances pour le logement des agents de l’État

50 000

50 000

Prêts pour le développement économique et social

75 000 000

75 000 000

Soutien à la filière nickel en Nouvelle Calédonie

0

0

Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d’avenir

0

11 000 000

Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle

300 000 000

367 200 000

Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19

0

0

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion l’article 70, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

État D
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Plan de relance - Investir pour la France de 2030

Article 70 (nouveau)

À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 277 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, les mots : « de la deuxième section » sont remplacés par les mots : « des deuxième et quatrième sections ».

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 70.

(Larticle 70 est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Mes chers collègues, je tiens à vous remercier de votre concision.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Plan de relance

Investir pour la France de 2030

Article 70 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Plan de relance

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Plan de relance » et « Investir pour la France de 2030 » (et article 54 bis).

La parole est à M. le rapporteur spécial. (MM. Laurent Somon, rapporteur spécial, et Vincent Capo-Canellas applaudissent.)

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission a proposé le rejet des crédits de la mission « Plan de relance » ; je vais vous expliquer pourquoi.

Au titre du projet de loi de finances pour 2021, nous avons approuvé le lancement d’un plan de relance de 100 milliards d’euros, dont plus d’un tiers relevait de cette mission budgétaire. Nous sortions alors de la phase la plus intense de la crise sanitaire, qui avait mis un coup d’arrêt à l’activité dans notre pays ; il fallait donc assurer le redémarrage de l’économie.

Nous avions toutefois regretté le caractère disparate des mesures incluses dans le plan de relance, dont de nombreux volets relevaient en fait de missions de droit commun. Ce constat a d’ailleurs été confirmé et les mesures en question ont été rattachées à d’autres missions.

Dès 2021, nous avons constaté des mouvements de crédits peu conformes à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances. Ainsi, plusieurs milliards d’euros ouverts pour le régime d’activité partielle prévu par le programme 364 de la mission « Plan de relance » ont été réalloués au régime de soutien d’urgence à l’activité partielle prévu par la mission « Plan d’urgence ».

La mission « Plan d’urgence » n’existe plus aujourd’hui. La mission « Plan de relance » devrait elle aussi être en extinction, puisque le niveau d’activité antérieur à la crise sanitaire a été atteint dès le second semestre 2021, c’est-à-dire il y a deux ans.

Les chiffres inscrits dans les documents budgétaires semblent indiquer que cette mission n’assure plus que des paiements résiduels sur les engagements déjà pris. Elle n’ouvre plus d’autorisations d’engagement et les crédits de paiement prévus pour 2024 s’élèvent à 1,4 milliard d’euros seulement, dont 1,2 milliard d’euros pour le programme 362 « Écologie », 66 millions d’euros pour le programme 36, « Compétitivité », et 179 millions d’euros pour le programme 364 « Cohésion ».

Les principales dépenses du programme 362 devraient porter sur la rénovation thermique des bâtiments publics de l’État et des opérateurs, d’une part, à hauteur de 374 millions d’euros, et, de l’autre, sur celle du parc immobilier des collectivités territoriales, pour près de 300 millions d’euros, ainsi que sur le soutien aux transports en commun et au vélo, pour près de 250 millions d’euros.

Quant au programme 364, il financera pour près de 180 millions d’euros des actions pluriannuelles s’inscrivant dans plusieurs programmes d’aménagement du territoire.

Voilà les chiffres qui figurent dans le projet de loi de finances, ceux qui sont soumis à l’autorisation parlementaire.

Malheureusement, monsieur le ministre, la réalité est tout autre. Les sommes déployées proviendront en grande part de crédits non consommés au cours des années précédentes et reportés. Or elles ne sont jamais précisément décrites dans les documents budgétaires ; c’est bien sûr tout à fait regrettable.

En 2023, de nouveaux engagements sont encore pris à ce titre, alors que depuis deux ans les lois de finances n’ouvrent plus d’autorisations d’engagement nouvelles. Quant aux crédits de paiement ouverts par la loi de finances initiale pour 2023, d’un montant de 4,4 milliards d’euros – excusez du peu ! –, ils ont été complétés par 6 milliards d’euros de reports de crédits ouverts les années précédentes et non encore consommés.

Nous avons maintes fois regretté l’utilisation massive de cette procédure. Il serait bien préférable d’annuler les crédits non nécessaires en loi de finances de fin de gestion, voire plus tard en loi de règlement, et d’ouvrir en loi de finances initiale les crédits nécessaires, aussi bien en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Voilà ce qui s’appelle des comptes bien tenus.

J’ai donc considéré dans mon rapport que, au-delà du budget officiel figurant dans ce projet de loi de finances, vous nous présentez aujourd’hui un « budget masqué »…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Oh !

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. … ni plus ni moins, permettant aux gestionnaires de programmes et au Gouvernement d’employer les crédits avec une grande liberté, souvent plusieurs années après l’autorisation parlementaire et avec un suivi notoirement insuffisant.

Monsieur le ministre, le constat est sévère.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Oui, excessivement !

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Contournement massif de l’autorisation parlementaire, défaut de transparence quant à la dépense, évaluation impossible : alors que le budget devait être géré « à l’euro près », des milliards d’euros de dépenses ne sont pas documentés ou ne le sont que de manière tout à fait évasive.

La commission a considéré que le Gouvernement allait trop loin. Elle propose en conséquence le rejet des crédits de la mission « Plan de relance ». D’ailleurs, les montants en caisse sont si considérables que l’administration pourra – et c’est heureux – faire face aux engagements déjà pris. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. Quelle sévérité !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour fixer le cadre de nos débats de cet après-midi, je rappelle que le périmètre du plan France 2030 résulte de deux vagues d’investissements, qui se sont suivies très rapidement.

La première correspond au lancement par la loi de finances initiales pour 2021, en parallèle du plan de relance, d’une quatrième génération du programme d’investissements d’avenir, le PIA 4. Elle s’est traduite par le financement de 20 milliards d’euros d’investissements stratégiques, dont 16,5 milliards d’euros ouverts et consommés dès 2021.

À peine un an après la création du PIA 4, dans un contexte électoral, la loi de finances initiale pour 2022 a ré-abondé la mission à hauteur de 34 milliards d’euros.

Ce ré-abondement, qui porte le montant total des investissements à 54 milliards d’euros, est allé de pair avec l’intégration du PIA 4 dans un nouveau cadre, que le Gouvernement a choisi de mettre en avant de manière exclusive dans sa communication : le plan France 2030.

Dévoilé en octobre 2021 par le Président de la République, ce plan prolonge les générations successives du PIA. Il conserve notamment l’objectif de transformation de l’appareil productif par l’innovation et la volonté d’accélérer la transition écologique, en adoptant explicitement comme contrainte le fléchage de 50 % des investissements vers des projets de décarbonation et l’absence de financement de préjudices importants à l’environnement.

Ce plan s’articule en dix objectifs sectoriels concrets, comme la production en France, d’ici à 2030, de deux millions de véhicules électriques et hybrides, la production en France du premier avion bas-carbone ou encore la production en France de vingt biomédicaments.

Il regroupe en outre sept leviers structurels permettant d’atteindre les objectifs fixés, comme la sécurisation de l’accès aux matières premières, la souveraineté numérique ou encore les formations aux métiers de demain.

La mission budgétaire « Investir pour la France de 2030 », dont nous examinons les crédits cet après-midi, est le support budgétaire de ce plan.

L’année 2024 correspondra à une montée en charge du plan France 2030, notamment au titre des demandes de décaissement adressées aux opérateurs qui ont contractualisé avec les porteurs du projet depuis le lancement du plan.

En conséquence, les crédits demandés progressent de 28 % sur un an pour atteindre 7,3 milliards d’euros. D’après les informations que nous a communiquées le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), ce niveau élevé de crédits de paiement devrait être maintenu au cours des deux prochaines années.

Les ouvertures de crédits de paiement pour 2024 représentent 15 % de l’enveloppe budgétaire globale.

L’importance des montants en jeu et les règles de gestion extrabudgétaire nous imposent d’être particulièrement attentifs à la manière dont les projets sont sélectionnés par l’exécutif et dont les enveloppes d’investissements sont gérées.

En premier lieu, nous soulignons le risque, inhérent à ce type d’exercice, de ne pas suffisamment cibler les bénéficiaires des aides. Comme je l’ai rappelé, le plan couvre dix-sept secteurs différents et donc un large pan du spectre de l’économie nationale.

À ce risque de dispersion thématique s’ajoute un risque de dispersion opérationnelle, lorsque le nombre de projets aidés est trop élevé pour que les aides permettent réellement à leurs bénéficiaires de les utiliser utilement. Or les enveloppes d’un montant inférieur à 1 million d’euros représentent plus de la moitié des lauréats pour seulement 8 % des montants accordés : nous sommes bien face à un risque de saupoudrage de l’aide publique.

Monsieur le ministre, de quels instruments le Gouvernement dispose-t-il pour s’assurer que le ciblage des aides versées par le plan France 2030 est suffisant ?

En second lieu, alors qu’à la fin de l’année 2024 plus de 40 % des aides du plan France 2030 auront été décaissées, le comité de surveillance du plan a évoqué, dans son rapport de juin dernier, l’hypothèse d’une nouvelle génération d’investissements stratégiques. Le Gouvernement envisage-t-il à moyen terme de « recharger » le plan France 2030, pour quels montants et à quelles fins ?

Quoi qu’il advienne, nous veillerons à ce que la représentation nationale soit étroitement associée à cette démarche, qui a pour conséquence de limiter, pour certaines dépenses, le pouvoir qu’exerce le Parlement grâce au vote annuel des lois de finances.

Mes chers collègues, au regard de la poursuite du plan lancé en octobre 2021 par le Président de la République, la commission vous propose d’adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Capo-Canellas et Raphaël Daubet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 » représentent 7,7 milliards d’euros en 2024, soit un peu plus de 2 % des crédits budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances.

En préambule, je rappelle que ces montants font l’objet d’une gestion particulière, laquelle déroge au cadre de droit commun du budget général et réduit la marge de manœuvre dont nous disposons.

En effet, le plan France 2030 est l’héritier du programme d’investissements d’avenir lancé à la suite du rapport Juppé-Rocard de 2010. (M. le ministre délégué le confirme.) Il s’agissait alors de sanctuariser une partie des crédits budgétaires, afin de s’assurer qu’ils soient dirigés vers des investissements pluriannuels de long terme ayant pour double objectif de redresser la croissance potentielle de l’économie française et d’accélérer sa transition vers des modes de production plus durables.

Aussi, les crédits de cette mission n’ont pas vocation à être directement versés aux porteurs de projet soutenus par les programmes d’investissements. Ils doivent alimenter le compte des opérateurs publics qui sont les interlocuteurs directs des porteurs de projet et qui sont gestionnaires du décaissement progressif des aides financées par les programmes d’investissements.

Le choix de ce circuit budgétaire particulier emporte des conséquences multiples. Il a notamment pour effet de réduire la marge de manœuvre dont dispose le Parlement, étant donné que les crédits versés correspondent au financement de projets en faveur desquels l’État s’est déjà engagé depuis longtemps, parfois depuis plusieurs années.

J’aurai l’occasion d’y revenir : ce schéma de financement rend inopérants la plupart des amendements de crédits déposés sur les programmes de la mission. En effet, il est nécessaire que les opérateurs honorent les engagements pris auprès des bénéficiaires finaux.

Ce cadre budgétaire particulier se justifie par la volonté de préserver les investissements publics face au risque, bien documenté, de préférence pour le court terme. En revanche, il suppose une vigilance particulière de notre part : nous devons nous assurer que le plan finance bien des dépenses de long terme, exigeant l’intervention de cet instrument extrabudgétaire.

Mes chers collègues, pour ce qui est du projet de loi de finances pour 2024, l’examen de la mission « Investir pour la France de 2030 » nous donnera également l’occasion de débattre d’un dispositif de conditionnalité écologique pour les bénéficiaires du plan.

Dans le texte qu’il nous a transmis après activation de l’article 49.3 de la Constitution, le Gouvernement a fait le choix de retenir un article 54 bis, adopté, malgré son avis défavorable, par l’Assemblée nationale.

Fruit d’un amendement de notre collègue députée Eva Sas, cet article subordonne l’octroi des aides du plan France 2030 au respect de l’obligation de publication d’un bilan carbone pour certaines entreprises, bilan créé par la loi Grenelle II du 12 juillet 2010.

Saisie de ce dispositif de conditionnalité, la commission des finances s’est prononcée favorablement quant à son principe. Pour autant, nous vous présenterons deux amendements visant à aménager la rédaction proposée pour s’assurer qu’elle n’entraînera pas un alourdissement de la charge administrative pesant sur les entreprises.

Le plan France 2030 doit bien sûr rester fidèle à ses buts initiaux, à savoir la contribution à la croissance potentielle et l’accélération de la décarbonation de notre économie.

Cela étant, le financement de la transition écologique est aussi l’un des principaux objectifs du plan et l’adoption de nos amendements permettrait de faire coïncider le dispositif de conditionnalité avec une obligation existante pour les entreprises de plus de 500 employés. La rédaction que nous proposons préserve, partant, la finalité du plan France 2030 tout en contribuant au renforcement de l’effectivité de l’obligation de publication d’un bilan carbone pour les entreprises concernées.

Au bénéfice de ces aménagements, la commission des finances vous propose d’adopter l’article 54 bis et donc le dispositif de conditionnalité retenu par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les plans France relance et France 2030 correspondent à deux missions budgétaires d’envergure. Le premier a permis la protection de notre économie face à une crise historique, puis son rebond ; l’autre accompagne la transformation de notre pays, pour l’adapter à un monde qui n’est plus celui que nous avons connu.

Je tiens à remercier MM. les rapporteurs spéciaux du travail qu’ils ont consacré à ces deux missions.

Le plan de relance a indéniablement joué un rôle décisif. Bien sûr, il présente un certain nombre d’imperfections : manque de lisibilité, financement de mesures parfois sans lien avec la crise, articulation difficile avec les financements européens, etc. Mais, sans ce plan, où en serions-nous aujourd’hui ?

Un véritable travail d’urgentiste a été accompli. Les fonctions vitales du pays ont été préservées…

M. Roland Lescure, ministre délégué. Exactement !

M. Raphaël Daubet. … et notre économie a été maintenue en vie.

Au titre de l’année 2024, qui clôture cette intervention hors cadre et hors norme, les élus du RDSE voteront bien entendu l’ouverture des crédits restants.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Merci !

M. Raphaël Daubet. Pour ce qui concerne le plan France 2030, nous saluons l’effort accompli et la volonté d’agir vite et fort.

Il ne se passe pas une semaine sans que, dans cet hémicycle, nous soulignions d’un commun accord l’urgence à transformer notre économie en profondeur et à décarboner le pays, qu’il s’agisse de son industrie, de son agriculture ou de ses énergies. C’est là un véritable défi.

Si tous les observateurs s’accordent à reconnaître qu’il y a aujourd’hui une ébullition, que la réindustrialisation de la France est à l’œuvre, des doutes subsistent quant à la portée et au résultat de cet élan transformateur.

La vérité, c’est que l’argent mis sur la table ne résout pas tout.

Les porteurs de projet pâtissent de la complexité des procédures administratives, de la lourdeur de l’instruction des dossiers, des difficultés à aménager du foncier ou à trouver de l’immobilier adapté.

Combien d’entreprises sont empêtrées pendant des années pour aménager un bassin d’orage, créer une voie d’accès à un entrepôt ou construire une extension de leurs bâtiments ! Ici ou là, elles sont paralysées, que ce soit par un interminable dossier d’autorisation d’urbanisme, par une étude quatre saisons ayant accompli l’exploit d’oublier une espèce protégée ou par la refonte du zonage d’un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI). Quant à la réhabilitation des friches industrielles, elle prend un temps fou.

Ce plan de 54 milliards d’euros garde bien sûr son intérêt, mais les freins sont là : le manque d’agilité et la lourdeur des procédures, parfois même leur ineptie, font obstacle à la mutation industrielle de notre pays.

En parallèle, nous avons cruellement besoin de revoir les partenariats avec les régions et l’ensemble des territoires pour faire converger les objectifs et les dispositifs de soutien qui les accompagnent.

Aujourd’hui, on multiplie les dossiers de subvention et les délais d’instruction. En maints endroits, le soutien des régions est très en deçà des ambitions, qu’il s’agisse de l’immobilier d’entreprise ou de l’investissement productif. Les intercommunalités ne sont pas dotées partout, tant s’en faut, d’outils opérationnels adaptés pour trouver des terrains ou des locaux clés en main aux porteurs de projet.

La réussite du plan France 2030 dépendra des capacités d’interaction entre l’État et les collectivités territoriales. Or la gestion du plan ne repose pas sur ces dernières, mais sur quatre opérateurs : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Agence nationale de la recherche (ANR), la Banque publique d’investissement et la Caisse des dépôts et consignations. À l’évidence, cette gestion alourdit les procédures, multiplie les intervenants et implique des systèmes complexes d’appels à projets. Elle est coûteuse et manque de lisibilité.

MM. les rapporteurs spéciaux pointent à juste titre un risque d’éparpillement. Mais, à l’inverse, le spectre des sujets traités pourrait s’en trouver réduit à l’excès : le ciblage des investissements dépend en effet des opérateurs. Ainsi, le risque de passer à côté de certains domaines est bien réel - l’agriculture en est la parfaite illustration.

Monsieur le ministre, vous nous donnez rendez-vous en 2030 dans un pays transformé. La France a de nombreux talents, des entrepreneurs créatifs et des chercheurs de qualité, mais elle souffre de handicaps majeurs.

Il faudrait repenser en profondeur la responsabilité qui s’attache la dépense publique.