Mme Émilienne Poumirol. Que ferons-nous si le Doliprane n’est plus produit ?

Notre rôle, je le répète, n’est pas de soutenir en permanence l’industrie pharmaceutique. Nous devons avoir comme préoccupation la santé publique et l’intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. On comprend bien l’objectif de cet amendement, dont la disposition entrerait en vigueur « en cas d’absence de repreneur ».

Mes chers collègues, je vous rappelle tout de même que nous faisons aussi du droit. Ces médicaments ont donné lieu à des brevets. Il faut donc tenir compte des conséquences non seulement financières, mais également juridiques que cela emporte !

Nous ne pouvons régler cette question au détour d’un amendement dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle demande un encadrement juridique plus solide.

C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je ne peux pas laisser dire que nous sommes là pour défendre à tout prix l’industrie pharmaceutique ; en tout cas, ce n’est pas ma position.

Bien sûr, nous avons besoin de l’industrie pharmaceutique pour fabriquer des médicaments. Si le laboratoire que vous avez cité, ma chère collègue, a choisi d’abandonner la fabrication d’un médicament à base de paracétamol ou d’en donner les brevets en en abandonnant la commercialisation, libre à lui ! Cela fera peut-être le bonheur d’un autre, car je ne doute pas que les patients auront toujours besoin de ce médicament.

La question de la contrainte à exercer sur un laboratoire qui envisagerait d’arrêter la commercialisation d’un produit mature et à faible prix a été au cœur des discussions de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments.

N’oublions pas que, depuis vingt-cinq ans, les prix des médicaments ne cessent de baisser et qu’ils sont la variable d’ajustement des lois de financement de la sécurité sociale à chaque fois qu’il s’agit de trouver un moyen pour la sécurité sociale de réaliser des économies ! Aujourd’hui, ces baisses de prix se font au fil de l’eau : toutes les semaines, des décisions en ce sens sont prises, soit de façon unilatérale par le CEPS, soit en accord avec le laboratoire.

C’est le résultat du choix que nous avons fait de permettre à nos concitoyens d’avoir accès à des médicaments innovants, dont les prix sont très élevés. Cela fait d’ailleurs l’objet de discussions et présente à la fois des avantages et des inconvénients : accès précoce, prix acceptés avant d’être révisés à la baisse. Cela permet aux patients, lorsqu’il n’y a pas d’alternative thérapeutique, d’avoir une solution, en tout cas un espoir de stabilisation de la maladie, voire de guérison – et c’est tant mieux.

Je le répète, cela relève d’un choix.

Lors de la commission d’enquête, j’ai interrogé le représentant d’un laboratoire afin de savoir si son laboratoire était en train d’acheter un corticoïde, la Prednisone, parce que nous avions appris que ce produit était fabriqué en région parisienne. Il a été incapable de me répondre ! Voilà qui montre bien que les reprises ne font pas partie des préoccupations des industries pharmaceutiques.

On peut le regretter ; moi aussi, je suis choquée, mais je pense qu’il serait contre-productif de contraindre un laboratoire à continuer de produire un médicament – j’aimerais qu’il le fasse spontanément et qu’on n’en soit pas à examiner ce genre d’amendement. Qui plus est, si de telles mesures étaient adoptées, on finirait par nous dire qu’il y a un problème technique sur la chaîne d’approvisionnement ou de fabrication du médicament et nous ne serions pas plus avancés.

Je le répète, la contrainte n’est pas pertinente. C’est ce qui explique l’avis de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. La question n’est pas tant de savoir quel amendement on adopte, mais ce que l’on dit politiquement, au travers de nos votes, sur la question du médicament dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En rejetant tous ces amendements, nous disons que nous nous accommodons du système actuel. Ce système actuel, quel est-il ? Un marché international, qui nous empêche de faire ce que nous voulons en France, une industrie à très haut niveau de rentabilité – +7 % par an, selon les précisions que le ministre a apportées hier –, des pénuries de médicaments dont pâtit notre population…

La commission des affaires européennes du Sénat est saisie d’un avis sur le paquet pharmaceutique européen, qui est actuellement en discussion et qui comprend un projet de directive et un projet de règlement. Elle a chargé Pascale Gruny, Cathy Apourceau-Poly et moi-même d’un rapport d’information sur cette question.

Défendons-nous les positions politiques exprimées dans le rapport de la commission d’enquête dont Laurence Cohen a été la rapporteure ou celles qui dominent à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, lesquelles ont pour objet de colmater des brèches et d’essayer d’améliorer la situation – je n’en disconviens pas –, mais à la marge ?

Nos débats sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale sont l’occasion d’élaborer des dispositifs techniques, certes, mais également d’adresser un message politique. Le rejet de tous ces amendements traduit selon moi une position de faiblesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. Nous avons bien évidemment tous la même préoccupation, à savoir la santé de nos concitoyens.

C’est pourquoi il faut absolument sécuriser la production française sur le territoire national et garantir une certaine indépendance. La crise sanitaire a montré que c’était vers cela qu’il fallait tendre.

L’article 36 a justement pour objectif de renforcer le maintien de la fabrication des médicaments matures.

Il existe déjà des contraintes, mais il nous faut trouver un juste équilibre pour ne pas entraver la production. (Mme Cathy Apourceau-Poly et M. Bernard Jomier protestent.) Je sais que vous n’êtes pas d’accord, mais c’est notre position !

Nous maintenons notre avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1181.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 776 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11, première phrase

Après la première occurrence du mot :

marché

insérer les mots :

s’acquitte d’une sanction financière équivalant à 3 % de son chiffre d’affaires annuel, hors taxes, réalisé en France par l’entreprise au titre du dernier exercice clos pour le médicament considéré. Il

II. - Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La sanction mentionnée au 3° du II est recouvrée par les organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale désignés par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Son produit est affecté selon les modalités prévues à l’article L. 162-37 du même code.

III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement va dans le même sens. Vous direz qu’il vise à prévoir une contrainte, mais la question opposable est absolument essentielle si nous voulons avancer. Dans son rapport, la commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments fait état d’une aggravation constante des pénuries depuis 2018.

Obliger les entreprises à trouver un repreneur est un premier pas que nous saluons, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons contraindre davantage les entreprises pharmaceutiques et les sanctionner lorsqu’aucun repreneur n’a été trouvé.

L’accès de la population aux médicaments ne peut plus dépendre uniquement des stratégies commerciales des entreprises pharmaceutiques, comme l’a souligné Mme Poumirol, entre autres. L’objectif doit être le bien commun, la santé publique, et non pas seulement le bien-être et les profits de l’industrie pharmaceutique.

Comme vous le savez, dans son rapport, la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments souligne que les médicaments principalement touchés par la pénurie sont les médicaments anciens, dits matures, considérés par les entreprises pharmaceutiques comme non rentables. Or l’indisponibilité de ces médicaments peut avoir des conséquences graves pour les patients qui en dépendent et compromettre leur qualité de vie, voire, parfois, leur survie.

C’est pourquoi nous proposons une sanction à l’égard des entreprises qui n’ont pas trouvé de repreneur, à hauteur de 3 % de leur chiffre d’affaires annuel. En sanctionnant les entreprises pharmaceutiques qui retirent un médicament sans avoir trouvé de repreneur, nous mettons en place un mécanisme crucial de dissuasion, pour les inciter à chercher activement des solutions de remplacement et assurer la continuité de l’accès aux traitements nécessaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable, madame la présidente.

La logique de cet article repose sur une obligation de moyens, pas de résultats. La commission a adhéré à cette démarche, car, s’il est possible d’évaluer les efforts d’une entreprise pour trouver un repreneur, sanctionner une entreprise en raison de l’absence sur le marché d’autres entreprises intéressées par la reprise du médicament semble totalement incohérent. On peut critiquer le choix d’une entreprise, mais il est difficile de lui reprocher les décisions de ses concurrents…

Une telle sanction ne serait pas de nature à encourager les efforts. Elle pourrait pénaliser une entreprise pour des activités qui relèvent de ses concurrents, ce qui semble délicat par principe et du point de vue constitutionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 776 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 300, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 20

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…- L’article L. 5121-30 est ainsi modifié :

1° Au début, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les titulaires d’autorisation de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments déclarent à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la liste des médicaments qu’ils considèrent être des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur tels que mentionnés à l’article L. 5121-31. Le directeur général de l’agence peut, après une procédure contradictoire, modifier cette liste.

« La liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnée au premier alinéa du présent article est rendue publique par le directeur général de l’agence sur son site internet. »

II. – Alinéa 21

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

F. – L’article L. 5121-31 est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur pour lesquels une rupture ou un risque de rupture de stock est mis en évidence ou a été déclaré à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé mentionnés à l’article L. 5121-31 font l’objet de plans de gestion des pénuries renforcés. » ;

2° Au troisième alinéa, le mot : « lesquelles » est remplacé par le mot : « lesquels ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à renforcer les missions de l’ANSM en matière d’identification des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et de supervision des plans de gestion des pénuries.

Mme la présidente. L’amendement n° 778 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le premier alinéa de l’article L. 5121-29 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, ils publient sur leur site internet la liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur qu’ils exploitent. »

…. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Les pénuries de médicaments sont devenues trop fréquentes et le phénomène ne fait que s’amplifier. Le taux de patients confrontés à la pénurie d’un médicament est passé de 29 % à 37 % en un an. Ce PLFSS ne prend pas suffisamment en compte la gravité de ce fléau, qui risque de s’aggraver encore, ce qui menace directement la santé de nos concitoyens.

Dans un souci de transparence et pour mieux anticiper et prévenir les risques de pénurie, cet amendement tend à exiger des titulaires d’autorisation de mise sur le marché de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur la publication annuelle d’une liste des médicaments de ce type qu’ils exploitent.

Cette proposition s’appuie sur le rapport de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, qui préconise de publier la liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Nous soumettons donc cette proposition au vote, car il est essentiel de mettre fin à cette opacité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 778 rectifié ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir la publication de la liste des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur par les titulaires d’autorisations de mise sur le marché et les entreprises pharmaceutiques qui les exploitent.

Cette préoccupation est louable, mais la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle appelle ses auteurs à voter son propre amendement, qui répond à cet enjeu en inscrivant dans le texte une recommandation de la commission d’enquête du Sénat.

La commission a en effet prévu la publication de cette liste par l’ANSM, après que celle-ci aura pu solliciter l’inscription et le retrait de certains médicaments de cette catégorie. La publication par l’ANSM d’une liste revue et corrigée serait plus protectrice qu’une publication sur l’initiative des entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. L’amendement n° 300 est déjà satisfait. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Il est défavorable à l’amendement n° 778 rectifié, car une réflexion est en cours sur l’opportunité de faire publier cette liste par l’ANSM. Elle serait ainsi beaucoup plus fiable, car centralisée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 300.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 778 rectifié n’a plus d’objet.

L’amendement n° 1182, présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane, Ouizille et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l’article L. 162-17-4-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 162-17-4-… ainsi rédigé :

« Art. L. 162-17-4-. – I. – Dans le cadre d’une première demande d’inscription sur une des listes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 5123-2 du code de la santé publique ou aux deux premiers alinéas de l’article L. 162-17 du présent code pour un médicament, dont l’amélioration de service médical rendu appréciée par la commission mentionnée à l’article L. 5123-3 dans son avis rendu sur la demande d’inscription est au moins d’un niveau fixé par décret, l’entreprise exploitant le médicament, l’entreprise assurant l’importation parallèle du médicament ou l’entreprise assurant la distribution parallèle du médicament doit garantir l’approvisionnement des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur mentionnés à l’article L. 5111-4 du code de la santé publique déjà inscrits sur les listes précédemment mentionnées qu’elle exploite, importe ou distribue.

« À cette fin, l’entreprise concernée conclut avec le Comité économique des produits de santé une convention dont le modèle est fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

« II. – En cas de manquement de l’entreprise aux obligations prévues dans la convention mentionnée au I, et après que l’entreprise a été mise en mesure de présenter ses observations, le Comité économique des produits de santé prononce une pénalité financière à l’encontre de cette entreprise. La pénalité est reconductible chaque année, dans les mêmes conditions, en cas de persistance du manquement.

« Le montant de la pénalité est égal à un minimum de 10 % du chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé en France par l’entreprise au titre du dernier exercice clos pour le médicament considéré. La pénalité est déterminée en fonction de la gravité du manquement constaté.

« La pénalité est recouvrée par les organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale désignés par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du même code sont applicables au recouvrement de la pénalité. Son produit est affecté selon les modalités prévues à l’article L. 162-37 du même code. »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à réintroduire une mesure qui avait été présentée sur proposition de l’assurance maladie dans le PLFSS 2023, mais le texte ayant été adopté après que le Gouvernement a eu recours à l’article 49.3, nous n’avions pas pu en discuter.

Cette mesure a également été reprise dans le rapport dont nous avons parlé à plusieurs reprises depuis hier soir. Je rappelle que la commission d’enquête qui l’a publié était présidée par Sonia de La Provôté, que la rapporteure en était Laurence Cohen, et que son travail avait impliqué de nombreux sénateurs de tous les bords politiques.

Cet amendement tend à contraindre les industriels – encore contraindre, direz-vous – disposant d’un portefeuille mixte à maintenir l’accès aux médicaments d’intérêt thérapeutique majeur qu’ils exploitent lorsqu’ils sollicitent la primo-inscription de nouveaux médicaments sur la liste des médicaments remboursables.

Il s’agit d’un échange équitable. En effet, le prix élevé des nouveaux médicaments incite les entreprises pharmaceutiques à la recherche de profit à se concentrer sur ces produits, au détriment des médicaments matures et moins rentables.

Je vous prie de m’excuser de parler de nouveau de Sanofi. Je rappelle que les représentants de ce groupe, que nous avons auditionnés, nous ont clairement dit qu’ils avaient abandonné la recherche dans l’industrie chimique, jugée peu rentable, au profit des thérapies géniques, beaucoup plus intéressantes – raison pour laquelle ils ont licencié 400 personnes tout en distribuant plusieurs milliards d’euros de dividendes en 2021.

Cette orientation des entreprises crée des ruptures dans la couverture des besoins médicaux et entraîne des surcoûts importants pour l’assurance maladie, qui doit alors importer des solutions de remplacement des médicaments abandonnés par ces entreprises.

Dans le contexte de graves tensions d’approvisionnement pour certains médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, il nous semble inconcevable de priver nos concitoyens de médicaments simplement pour servir la logique du profit des grandes entreprises pharmaceutiques. Il convient donc de protéger l’accès à ces médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable, madame la présidente.

Cet amendement vise à contraindre une entreprise souhaitant inscrire un nouveau médicament sur la liste des médicaments remboursables à garantir l’approvisionnement des médicaments déjà exploités. L’article L. 5121-29 du code de la santé publique prévoit déjà que les entreprises « assurent un approvisionnement approprié et continu du marché national de manière à couvrir les besoins des patients en France ».

Il est difficile d’imaginer que les entreprises se satisfassent des ruptures d’approvisionnement. Cette nouvelle obligation de garantir l’approvisionnement crée une contrainte supplémentaire, qui n’aura pas d’effet concret. Elle risquerait de pénaliser les entreprises qui, malgré leurs efforts, peuvent parfois être dans l’incapacité de garantir les approvisionnements. Je tiens à rappeler que, pour certains médicaments, le principe actif provient de pays éloignés, ce qui peut poser des difficultés d’approvisionnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1182.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 36, modifié.

(Larticle 36 est adopté.)

Article 36
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article additionnel après l'article 36 - Amendement n° 777 rectifié

Après l’article 36

Après l’article 36
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024
Article 36 bis (nouveau)

Mme la présidente. L’amendement n° 777 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « La demande d’inscription » sont remplacés par les mots : « L’inscription » ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’inscription initiale ou le renouvellement de l’inscription sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas peuvent être subordonnés au recueil et à la transmission d’informations relatives aux patients traités, au contexte de la prescription, aux indications dans lesquelles le médicament est prescrit et aux résultats ou effets de ces traitements ou peuvent être subordonnés au financement par l’exploitant d’essais cliniques ou de recherches visant au recueil de telles informations. »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er juillet 2025, un rapport évaluant la mise en œuvre des dispositions prévues au quatrième alinéa de l’article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la présente loi.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. C’est l’histoire de l’un des dix médicaments les plus prescrits et vendus en France. Plus de 25 millions de plaquettes en ont été prescrites en 2021, sans compter celles qui sont délivrées sans ordonnance. Il est souvent prescrit pour soulager les menstruations douloureuses. Cette pilule rose, qui soulage la douleur, est le célèbre Spasfon.

Cependant, nous manquons de données probantes et de qualité sur l’efficacité de cette molécule, comme le montre Juliette Ferry-Danini, dans son essai Pilules roses : De lignorance en médecine. Ce livre en dit long sur notre système de santé, en particulier sur les biais dans la réalisation et la publication des études liées aux spécialités pharmaceutiques lorsqu’elles sont menées par les laboratoires qui les commercialisent.

Les études ou essais cliniques susceptibles d’être défavorables au développement commercial ou au remboursement des spécialités pharmaceutiques ne sont pas publiés, voire sont interrompus ou pas même engagés.

Malgré des données scientifiques insuffisantes, le Spasfon a été massivement prescrit aux femmes, grâce à un manque flagrant de réactivité des autorités sanitaires et des médecins.

En somme, la gestion du Spasfon témoigne du sexisme passif dont les femmes sont victimes dans le domaine médical. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela vous fait peut-être sourire, mais c’est une réalité ! Le cas du Spasfon illustre également le manque total de transparence de l’industrie pharmaceutique sur les essais cliniques des médicaments qu’elle produit.

Afin de corriger ce défaut, cet amendement vise à subordonner l’inscription d’un médicament sur la liste des médicaments remboursables à la réalisation d’essais cliniques, et non plus seulement à la recevabilité de la demande d’inscription. La réalisation d’essais cliniques doit devenir une condition essentielle de l’inscription des médicaments sur cette liste.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable, madame la présidente.

En exigeant la réalisation d’essais cliniques au stade de l’inscription sur la liste des médicaments remboursables et non, comme le prévoit le droit existant, au moment de la demande, cet amendement est moins sécurisant, puisqu’il autorise des demandes sans fondement scientifique.

L’amendement tend par ailleurs à prévoir que l’inscription sur la liste des médicaments remboursables est conditionnée à une évaluation du médicament et au suivi de son efficacité. Le cœur de la procédure d’inscription est justement de préciser les indications et les conditions d’utilisation du médicament, quand le taux de remboursement est fixé au regard de l’évaluation de l’efficacité du produit par la Haute Autorité de santé (HAS).