M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS est un texte de responsabilité, si l’on considère les engagements pris en matière de prévention en santé et d’accès aux soins, comme l’a rappelé ma collègue Solanges Nadille.

En effet, pour 2024, le choix de l’efficience a été fait et ce budget apporte des réponses concrètes pour consolider notre système de santé, tout en assurant un équilibre financier pérenne.

Comme les précédents, ce budget 2024 prévoit également des moyens importants en matière de solidarité, notamment en soutien à notre politique familiale. L’objectif de dépenses de la branche famille est ainsi fixé à 58 milliards d’euros, en hausse de 2,7 milliards par rapport à 2023.

Ces moyens significatifs doivent nous permettre de financer les mesures et les travaux engagés au cours des dernières années : le chantier des mille premiers jours de l’enfant, l’allongement du congé paternité, la réforme du complément de mode de garde, le soutien aux familles monoparentales et la revalorisation de l’allocation de soutien familial (ASF).

Ainsi, les fonds alloués à la politique familiale augmenteront en 2024, notamment pour lancer le chantier du service public de la petite enfance, auquel 6 milliards d’euros seront consacrés jusqu’en 2027, de manière à garantir à tout parent l’accès à une solution d’accueil sûre, de qualité, géographiquement proche et financièrement accessible pour son enfant, en crèche ou auprès d’une assistante maternelle.

L’objectif est donc à la fois de revaloriser les professionnels de la petite enfance et de soutenir l’investissement dans les crèches, d’assurer leur fonctionnement et d’engager la dynamique d’ouverture des 200 000 solutions d’accueil manquantes, en accueil collectif comme individuel.

Citons également la réforme du congé parental, qui nous tient particulièrement à cœur, madame la ministre.

Autant d’avancées que nous sommes fiers de soutenir, aux côtés du Gouvernement.

Nous saluons aussi la traduction dans ce PLFSS des engagements pris en matière de handicap, en particulier ceux que le Président de la République a annoncés lors de la dernière Conférence nationale du handicap, notamment le déploiement de 50 000 solutions d’accompagnement.

J’ai aussi à l’esprit les enfants en situation de handicap placés à l’aide sociale à l’enfance, auxquels nous devons garantir une prise en charge adaptée.

Les dix mille adultes qui sont actuellement maintenus dans des établissements pour enfants grâce à l’amendement Creton doivent pouvoir en sortir – il y va de leur dignité et de leur autonomie.

C’est pourquoi nous devrons trouver des solutions avec les départements afin de respecter la volonté des adultes en situation de handicap et de leurs familles et ainsi de libérer près de 15 % des places existantes dans les instituts médico-éducatifs (IME).

Enfin notre groupe portera un certain nombre d’amendements pour nos concitoyens et pour nos territoires. En particulier, nous souhaitons soutenir nos compatriotes ultramarins par une véritable politique de la famille et de soutien à la parentalité. La forte prévalence outre-mer de familles monoparentales et en situation de précarité doit nous interpeller collectivement.

Pour ce qui concerne les pensions de réversion, nous porterons l’extension de leur bénéfice aux couples pacsés ; plus largement, nous entendons lancer une réflexion afin de prendre en compte la diversité des unions dans notre pays.

La question de la réversion des pensions pour les adultes orphelins et handicapés est tout aussi importante pour leur autonomie une fois leurs parents disparus. Nous défendrons des amendements en ce sens.

Enfin, pour lutter contre le surpoids, l’obésité et les maladies associées, notamment chez les enfants, nous porterons un certain nombre d’amendements contre les produits transformés issus de l’industrie agroalimentaire, mais aussi visant à limiter le taux de sucre, qui empoissonne nos enfants et suscite des dépenses supplémentaires pour l’assurance maladie.

Le groupe RDPI soutiendra pleinement les mesures et l’orientation de ce budget, auquel le débat parlementaire apportera son lot d’avancées positives pour nos compatriotes.

Il s’agit d’un budget sérieux, qui répond au double objectif de réduction du déficit et de protection des Français ; d’un budget ambitieux, qui apporte des réponses concrètes aux familles et aux personnes en situation de handicap ; d’un budget, enfin, de justice sociale, qui finance des progrès nouveaux et fait le choix de renforcer le volet prévention de notre système de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite me faire le porte-voix des élus, des maires en premier chef, qui, partout, et pas seulement dans mon département du Calvados, tirent la sonnette d’alarme et exhortent le Gouvernement à agir pour sauver leurs Ehpad.

Ils demandent, comme nous, en vain, PLFSS après PLFSS, des financements pérennes à la hauteur des besoins, alors que le vote d’une loi grand âge, annoncé depuis 2018, est sans cesse repoussé.

Ce n’est certainement pas la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France qui permettra de faire face à l’ensemble des conséquences du vieillissement de nos concitoyens, aux questions liées à la perte d’autonomie, à la dépendance, mais aussi au manque d’attractivité des métiers du secteur social et médico-social.

Il s’agit pourtant d’un véritable enjeu de société, d’un défi que nous devons relever dès aujourd’hui et non demain. Quand allez-vous prendre la mesure du constat d’urgence que dressent les responsables des Ehpad et des Saad partout en France ? Comprenez-vous que l’annonce, cet été, d’un soutien de 100 millions d’euros pour soulager les structures est en totale déconnexion avec la réalité des besoins ?

Les Français aspirent légitimement à bien vieillir chez eux. Pour ce faire, le Gouvernement affirme déployer un « virage domiciliaire ». Pourtant, nous connaissons tous ici la réalité en la matière : les associations d’aide à domicile sont en souffrance, contraintes de refuser des prises en charge par manque de personnel.

Durant sa dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait fait la promesse de créer 50 000 postes supplémentaires en Ehpad en cinq ans, alors que la FHF estimait les besoins à au moins 100 000.

Le PLFSS de l’an dernier, au lieu de créer 10 000 postes, comme on pouvait légitimement s’y attendre, n’en avait budgété que 3 000 ; cette année, vous n’en prévoyez que 6 000, ce qui n’est certainement pas de nature à améliorer les conditions d’accompagnement de nos aînés.

Nouveau rebondissement : la Première ministre ne parle plus de l’échéance de 2027, mais évoque 50 000 postes en 2030. Il n’est pas sérieux de repousser la réalisation de cette promesse présidentielle, au risque d’apporter une énième preuve de l’engagement insuffisant de ce gouvernement sur le grand âge.

Que de temps perdu depuis 2020 et la création officielle de la cinquième branche de la sécurité sociale, relative à l’autonomie ! Vous aurez beau faire valoir que celle-ci est excédentaire, personne n’est dupe de la réalité de la situation et de l’urgence qu’il y a à agir.

Déjà, en 2019, année de remise du rapport Libault, il était préconisé d’augmenter l’effort en faveur du grand âge de 9 milliards d’euros par an. Nous en sommes loin !

Pour ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, les choses ne peuvent pas bien se passer : vous encouragez l’ubérisation du travail, la sous-protection sociale et les sous-revenus associés ; vous reportez à 64 ans l’âge de départ à la retraite de travailleurs usés, qui aspirent légitimement au repos ; et vous refusez de réintégrer les quatre critères de pénibilité que vous avez supprimés.

Les seules mesures que prévoit votre budget visent à traquer les arrêts maladie, à traiter les malades comme des fraudeurs et les médecins comme des complices. C’est dire !

Je conclurai en évoquant la branche famille, pour rappeler que les chiffres de la natalité publiés par l’Insee en septembre dernier sont alarmants. Seul un renforcement significatif des moyens alloués à la politique familiale permettra d’inverser la dynamique déclinante de la démocratie française.

L’ouverture d’au moins 200 000 places en crèche est toujours nécessaire, alors que des milliers de foyers voient leur désir de parentalité menacé par le manque de solutions de garde.

En somme, ce budget de la sécurité sociale n’est pas à la hauteur des enjeux et des décisions que nous devrions prendre sans attendre davantage. Répondre aux besoins des assurés sociaux, des patients et des ayants droit, voilà ce qui manque cruellement dans ce PLFSS ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, adopté grâce à l’article 49.3 à l’Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit plus de 640 milliards d’euros de dépenses, soit une hausse de 30 milliards d’euros par rapport à 2023. Cela donne le vertige !

Il fixe un Ondam à 254,9 milliards d’euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2023, alors que l’inflation sera à près de 5 %. Cette trajectoire peu crédible ainsi qu’une couverture lacunaire du contexte inflationniste ont conduit la commission des affaires sociales à rejeter l’Ondam pour 2024.

Il est regrettable de constater que ce texte abandonne tout objectif de retour à l’équilibre des régimes obligatoires de base.

Avec un Ondam à plus de 250 milliards d’euros, les Français sont en droit d’attendre un système de santé plus performant. La hausse des dépenses en 2024 concernera essentiellement le secteur hospitalier. Pourtant, l’Ondam ne permettra pas de répondre à la crise de l’hôpital public ni à celle des Ehpad.

Autre constat : un Ondam de plus de 250 milliards d’euros ne suffit pas à enrayer la dégradation de certains indicateurs de santé.

Ainsi, la mortalité infantile progresse en France depuis une dizaine d’années, alors qu’elle continue de diminuer en Europe. Ce taux devrait être une priorité du Gouvernement. Un certain nombre de solutions ont été mises en place dans les pays d’Europe du Nord, notamment une augmentation des effectifs dans les maternités.

Lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous avez parlé, monsieur le ministre, d’un « virage structurel de la prévention ». Pour autant on ne distingue pas un tel mouvement dans ce texte. Je salue néanmoins quelques mesures : lancement d’une campagne de vaccination contre le papillomavirus ou gratuité des préservatifs pour les assurés de moins de 26 ans. Cependant, rien de tout cela n’est « structurel », pour reprendre votre terme.

Monsieur le ministre, le compte n’y est pas ; ce PLFSS est très insuffisant, il manque d’une véritable ambition.

Ensuite, je suis réservée quant à l’intégration de certains dispositifs de contrôle, qui pourraient s’avérer pénalisants pour les malades du cancer. Pour lutter contre la fraude, par exemple, l’article 27 entend réguler les dépenses en matière d’indemnités journalières pour maladie. Je souhaite attirer votre attention sur deux difficultés quant à l’application de cette mesure.

Tout d’abord, les médecins libéraux considèrent que la suspension automatique des indemnités journalières après contre-visite médicale des médecins contrôleurs est une remise en cause de leur compétence de prescription ; ensuite, avec le dispositif que vous proposez, comment pourra-t-on préserver les personnes atteintes de cancer d’une potentielle instrumentalisation de cette procédure par leur employeur ?

De même, l’article 28 vise à limiter à trois jours la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation. C’est une mesure bienvenue, compte tenu des abus avérés. Toutefois, cela risque de creuser les inégalités pour les personnes atteintes de cancer dans les zones sous-dotées en médecins généralistes. Comment imposer un déplacement à une personne en plein traitement dont les effets secondaires peuvent être sévères ? Nous proposerons des amendements pour corriger ces injustices.

Enfin, les médecins libéraux ne se retrouvent pas dans ce PLFSS. Sans eux, pourtant, comment envisager le virage ambulatoire et le virage domiciliaire ?

Last but not least, les économies prévues permettront-elles enfin d’envisager une hausse du prix de la consultation ?

Le vieillissement de la population, la prise en charge des maladies chroniques, les progrès de la médecine et la mise en place du « virage structurel de la prévention », que vous appelez de vos vœux, nécessitent des réformes ambitieuses et une plus grande rigueur.

Ce PLFSS se fonde sur des prévisions économiques particulièrement optimistes et la commission des affaires sociales du Sénat propose de le revoir largement. Nous allons en débattre et l’améliorer, mais dans le cadre de nos prérogatives, qui restent limitées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 qui nous est soumis repose sur des prévisions qui manquent cruellement d’ambition en matière de stabilisation du déficit.

Après l’amélioration résultant de la fin de la crise sanitaire, la forte inflation de 2023 suscite une forte revalorisation des dépenses. Nous ne sommes qu’au début d’une période d’aggravation du déficit.

Cette trajectoire financière inquiétante reste un sujet préoccupant pour l’avenir et les futures générations. Comme vous le savez, mes chers collègues, un hypothétique redressement de cette situation n’est pas concevable sans des choix difficiles en matière de recettes comme de dépenses.

Prendre des décisions importantes fait peur. Cependant, on pourrait regretter de ne pas les avoir prises. Paulo Coelho écrit ainsi : « Attendre fait mal. Oublier fait mal. Mais ne pas savoir quelle décision prendre est la pire des souffrances. »

Nous tenons à saluer le choix des mesures d’économie budgétaire et de régulation des dépenses, enrichies sensiblement par la commission, telles que l’incitation au transport sanitaire partagé, si l’état de santé des patients le permet, ou encore le contrôle des prestations d’arrêts de travail.

Ainsi, la durée d’un arrêt de travail prescrit ou renouvelé par téléconsultation sera limitée à trois jours – une mesure bienvenue, compte tenu des abus avérés. Le groupe Union Centriste vous proposera également un amendement visant à mieux encadrer les plateformes de téléconsultation.

Cette année encore, le PLFSS n’apporte pas de réponse appropriée aux défis posés à notre système de santé. Les mesures relatives à la politique de santé nous semblent être d’une portée très limitée.

Ainsi, au-delà de quelques dispositions concernant le médicament ou la prévention, le texte prétend porter une réforme du financement de l’hôpital qui n’est finalement qu’un trompe-l’œil et qui ne retouche qu’à la marge l’organisation des soins.

Il est pourtant indispensable que les hôpitaux s’engagent sereinement dans une réforme structurelle, selon une ligne claire et avec des ressources sécurisées afin de rééquilibrer les modes de financement.

C’est pourquoi la commission a prévu un report de cette réforme au 1er janvier 2028, au terme d’une expérimentation préalable permettant d’affiner le modèle cible et ainsi améliorer effectivement l’offre de soins.

Nous sommes favorables à la délivrance gratuite en pharmacie de préservatifs pour les moins de 26 ans sans prescription médicale ; il s’agit d’une avancée certaine en matière de prévention des infections sexuellement transmissibles et de grossesses non désirées.

Cependant, on peut regretter que, du fait de l’article 40 de la Constitution, l’amendement du groupe Union Centriste visant à élargir ce dispositif aux personnes handicapées ait été considéré comme irrecevable. La sexualité fait partie intégrante d’un projet de vie et constitue un droit fondamental de la personne en situation de handicap, qui lui permet de nouer des liens sociaux et affectifs et de cultiver l’estime de soi.

En outre, le remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2024 est d’une portée incertaine, puisque les conditions d’application de cette mesure sont suspendues aux négociations à venir. J’ai été interpellée par les associations à ce sujet.

Le texte comprend aussi une disposition visant à lutter contre le harcèlement scolaire. Les professionnels de santé des établissements scolaires sont ainsi désormais autorisés à orienter des élèves vers les psychologues du dispositif #MonSoutienPsy.

Concernant la branche vieillesse, la réforme des retraites a permis de réduire d’un tiers son déficit à l’horizon de 2027 ; cependant, elle ne suffit pas à en redresser la trajectoire financière. On estime que la dégradation sera rapide à compter de 2024, avec un déficit prévisionnel de l’ordre de 11 milliards d’euros en 2027. Une telle situation nécessiterait des efforts supplémentaires difficilement acceptables par les Français.

Face à cette réalité indéniable, nous saluons des mesures de bon sens visant à assurer la justice et l’équité du système de retraite. Ainsi, le contrôle biométrique de l’existence des retraités résidant à l’étranger deviendrait obligatoire à compter de 2027, une décision nécessaire pour lutter contre la fraude aux pensions de retraite à l’étranger.

En l’absence d’une politique familiale forte et ambitieuse, nous regrettons vivement que le solde excédentaire de cette branche soit consommé sans que les réformes indispensables soient mises en œuvre. Le contexte de chute inquiétante de la natalité rend nécessaire une prise de conscience collective.

S’agissant de la branche autonomie, ce PLFSS semble marquer un tournant en matière de financement des Ehpad, en amorçant la fusion des sections « soins » et « dépendances ». Ce régime pérenne, qui donne naissance à la nouvelle section « soins et entretiens de l’autonomie », serait toutefois optionnel pour les départements, ce qui pourrait aggraver les disparités territoriales.

Par conséquent, nous soutenons une proposition de la commission consistant à transformer le régime adapté de financement en une expérimentation d’une durée de trois ans, à laquelle pourraient participer dix départements.

Il nous semble aussi nécessaire de clarifier les relations financières entre la CNSA et les départements afin d’en améliorer la lisibilité et la transparence.

Force est de constater que les moyens ne sont pas au rendez-vous pour le virage domiciliaire et que la situation financière des Ehpad reste alarmante. Les raisons en sont multiples : problèmes structurels de gouvernance et de recrutement, hausse des prix et des rémunérations… S’il est bienvenu, le fonds d’urgence de 100 millions d’euros prévu par l’article 3 n’est malheureusement pas à la hauteur des besoins dans le contexte de vieillissement de la population.

Enfin, nous sommes heureux de la création d’un service de repérage, de diagnostic et d’intervention précoce. Il s’agit d’une avancée majeure pour les enfants de moins de 6 ans présentant un handicap, en particulier un trouble du neurodéveloppement.

Si nous saluons cette mesure de prévention, nous nous interrogeons sur l’articulation de ce service avec les outils déjà déployés, à savoir les plateformes de coordination et d’orientation (PCO) ou le forfait d’intervention précoce.

À ce jour, nous n’avons d’ailleurs pas obtenu de réponse à nos interrogations sur la situation préoccupante des adultes. La moindre des choses serait d’inscrire dans la loi la limite d’âge de 12 ans.

Nous apprécions aussi le renouvellement de la durée des droits à l’allocation journalière du proche aidant dans la limite d’un an pour des cas de figure précis, et nous proposons un amendement visant à pérenniser des mesures en faveur du répit des aidants.

Le groupe Union Centriste soutiendra ce texte, à condition qu’il soit amélioré par un certain nombre d’amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Monique Lubin. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce que contient le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 sur la question des retraites ne laisse pas de m’interpeller. Le Gouvernement y fait la démonstration que sa politique en la matière relève d’une navigation à vue.

Nous sommes préoccupés par la volonté de l’exécutif de voir la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) devenir comptable de son propre équilibre, après avoir absorbé les déficits des régimes spéciaux.

Il semble en effet que la question de la pérennité de la prise en charge par l’État des compensations relatives aux régimes spéciaux se pose. L’article 9 du présent projet de loi prévoit de fait que le régime général se substitue à l’État pour équilibrer en dernier ressort les régimes fermés.

Une clé de TVA serait prévue afin de compenser le coût de cette prise en charge ; elle serait calculée à partir des crédits actuels de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Il nous semble que cela dessine un avenir particulièrement flou pour la Cnav.

Nous sommes par ailleurs totalement opposés à la volonté de l’État de puiser dans les réserves de l’Agirc-Arrco. Cette dernière a constitué ses réserves par sa bonne gestion dans le cadre d’un paritarisme rigoureux. Cela a exigé de la part de ses bénéficiaires des efforts sensibles, qui ne sauraient être sanctionnés par une ponction décidée unilatéralement par le Gouvernement.

Concernant les résultats des régimes de retraite sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir lorsque nous étudierons l’article ad hoc, je souhaite tout d’abord faire un rappel, peut-être évident, mais néanmoins utile. Le PLFSS, par essence, n’englobe pas les retraites complémentaires ; je le précise dans le cas où certains seraient tentés de procéder à des comparaisons hasardeuses.

On continue de lancer à la figure des citoyens des milliards d’euros qui finissent par ne plus avoir beaucoup de sens, qui plus est à des échéances variables – 2027 ou 2030…

À regarder ces chiffres de près, les régimes obligatoires de base afficheraient des déficits de 14 milliards à 17 milliards d’euros en 2027 et la réforme ferait économiser 7 milliards d’euros d’ici à 2027, soit dans quatre ans. Il resterait donc encore 14 milliards d’euros de déficit, ou 17 milliards d’euros selon les prévisions, et cela sans les excédents des caisses complémentaires – je le précise de nouveau. Nous serions donc très loin des équilibres annoncés par la réforme.

Pourquoi ne pas décider, une fois pour toutes, de la part du PIB que nous consacrerions aux retraites afin de rendre le débat plus clair ? Cela nous permettrait d’assumer les excédents, ce qui est bien évidemment facile, et les déficits.

En tout état de cause, il nous revient de nous accorder sur des étalons de mesure à même de permettre aux citoyens de comprendre et de se positionner dans ce débat. Nous devons aussi trouver ensemble, avec les partenaires sociaux, les moyens de permettre à notre système de retraite de surmonter les conséquences d’une situation économique ou démographique dégradée qui pourrait se faire jour.

La protection de notre système de retraite mérite mieux que des réformes poussées par des intérêts soumis aux aléas de la politique politicienne. Si des efforts devaient être faits, ils ne doivent pas être toujours portés par les mêmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, quand on est empreint d’optimisme, il est particulièrement décevant de commencer un mandat de sénateur en examinant, après la chétive proposition de loi Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, un PLFSS qui a depuis longtemps renoncé à sa vocation de 1996.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 est le premier texte budgétaire qu’il m’est donné d’examiner. Le professionnel de santé que je suis ne peut cacher son insatisfaction face à un texte qui ne provoque pas le déclic qui permettrait à nos professionnels de sortir du doute et à nos concitoyens du désarroi. L’exercice n’est pas facile, monsieur le ministre, je vous le concède d’emblée.

Sur l’aspect financier, comment considérer ce PLFSS comme un texte budgétaire, alors qu’il est marqué par l’absence d’une trajectoire claire et – plus inquiétant encore – par un certain flou dans sa construction, ainsi que par des incertitudes sur les prévisions pour 2027 ?

Alors que l’inflation reste forte et que son impact n’avait pas suffisamment été pris en compte l’année dernière, le projet 2024 ne couvre pas non plus l’ensemble des coûts.

Certes, la progression de l’Ondam de 3,2 % est apparemment une bonne chose. Mais l’annonce de 3,7 milliards d’euros d’économies, malgré les mesures prévues, laisse planer un doute sur la sincérité des comptes – j’espère me tromper, monsieur le ministre.

Malgré un énorme budget de 250 milliards d’euros consacré à la santé, pourquoi ce texte n’apporte-t-il pas de réponse aux interrogations des usagers et aux craintes des professionnels ?

Quels sont les objectifs de ce projet ? À l’image de la proposition de loi Valletoux, ce texte souffre d’un manque cruel d’ambitions structurelles et certaines des dispositions proposées manquent de pertinence. Je prendrai pour exemple l’article 24 : quel est l’intérêt de mobiliser les chirurgiens-dentistes pour assurer la régulation au centre 15 des soins dentaires, alors qu’une expertise en psychiatrie, voire en pédiatrie, serait bien plus nécessaire ?

Au-delà de l’aspect purement financier, ce texte doit tirer les leçons des constats d’hier et des vécus d’aujourd’hui, en évitant d’ajouter des couches à un millefeuille déjà bien épais.

L’absence chronique de mesures concrètes contribue largement au déficit et favorise aujourd’hui la financiarisation de la médecine, mouvement que nous déplorons tous.

Madame la ministre, messieurs les ministres, je caresse l’espoir que des amendements proposés par le Sénat puissent être adoptés, comme cela fut le cas lors de l’examen de la proposition de loi Valletoux.

En ce qui concerne l’innovation et la prospective, ce PLFSS, comme l’exige tout projet dit futuriste, consacre quelques mesures utiles, tel le recours aux expérimentations de l’article 51. Mais ces dispositions sont insuffisantes.

La prévention, malgré des propositions que nous saluons, reste le parent pauvre de la politique de santé.

Par ailleurs, quelle est la place de l’innovation dans ce texte ? Alors que le rapport commandé par Mme la Première ministre est paru au mois d’août, ce PLFSS ne semble pas en tenir clairement compte, en particulier concernant les produits innovants. Enfin, qu’en est-il de la réinternalisation de la production des produits pharmaceutiques ?

Pour conclure, il est de notre responsabilité collective – nous en prendrons notre part, monsieur le ministre – de mettre fin à cette fuite en avant. Plus que jamais, une réforme structurelle pour une maîtrise médicalisée, et non pas seulement comptable, de nos dépenses de soins est nécessaire pour redonner confiance aux usagers et aux professionnels.

Cette réforme passera par trois points : optimiser et sécuriser le parcours des patients ; évaluer les pratiques professionnelles et la pertinence des soins ; et surtout, tout faire pour assurer une diminution des surcoûts liés à la non-qualité.

Madame la ministre, messieurs les ministres, comme tout professionnel de santé en responsabilité, j’ai longtemps observé avec beaucoup d’admiration la construction des PLFSS. Je l’imaginais, malgré sa complexité, les interventions et les lobbys, comme un document rigoureux, un pilote traçant la trajectoire de notre système de santé. Force est de constater que nous sommes malheureusement loin d’une telle réalité, et ma déception est à la hauteur de mes attentes.

Permettez-moi de terminer par une note d’espoir, à la suite de vos déclarations respectives de cet après-midi. Si je suis tenté d’y croire, la réalisation de ces mesures nécessitera une volonté sans faille. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)