M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la septième fois depuis qu’Emmanuel Macron est à l’Élysée, nous étudions le budget de la sécurité sociale présenté par son gouvernement.

Pour la septième fois, il est en déficit. Et, lorsque le chef de l’État quittera l’Élysée, il sera, selon la trajectoire prévue par le Gouvernement, toujours en déficit – il le sera même encore plus qu’aujourd’hui.

Cette trajectoire est inédite. Le Gouvernement ne parvient pas à rétablir les comptes. Et, de fait, il fragilise la sécurité sociale dans ses fondements, puisqu’il projette l’idée que notre système n’est pas soutenable, pas tenable dans la durée.

Nous avons beaucoup débattu, au printemps, de la première masse financière de ce budget, le système de retraite. Je ne m’y attarderai pas : ma collègue Monique Lubin y reviendra.

Qu’en est-il du budget santé du pays ?

Il progresse, cette année, de 3,2 %, soit un peu plus que l’inflation prévue, après une année 2023 marquée par une progression inférieure à l’inflation.

Cependant, cette hausse doit intégrer de nombreux effets de revalorisations, tellement importants qu’ils consommeront plus de 90 % de cette augmentation et qu’il ne restera quasiment rien pour faire face à l’inflation et à la nécessité d’apporter les améliorations, diverses et variées, que requiert le fonctionnement de notre système de santé.

Ce budget 2024, s’il était respecté – ce qu’à peu près personne ne croit –, financerait moins de soins que celui de 2023, le coût de ceux-ci progressant plus vite que l’enveloppe allouée.

On apprend à l’école primaire que l’on achète moins de tomates en année N+1 avec 12 euros qu’en année N avec 10 euros si le prix du kilo est, dans l’intervalle, passé de 5 à 7 euros. Messieurs les ministres, madame la ministre, c’est exactement ce qui se passe avec votre budget !

Depuis des années, vous tracez le même sillon, celui de la contrainte de l’offre pour comprimer la dépense. Cette politique a démontré son inefficacité et elle crée de la désespérance chez les personnels du soin. Elle fait naître chez ces derniers le sentiment qu’ils ne peuvent remplir leur mission dans de bonnes conditions, les poussant à partir. Nous manquons de médecins généralistes. Nous manquons de professionnels à l’hôpital. Une pénurie s’installe et la surcharge de travail, chez ceux qui restent, suscite de nouveaux départs, ce qui alimente la pénurie.

L’inefficacité se lit d’abord dans les résultats. Que demande-t-on à un système de santé, si ce n’est de faire progresser l’état de santé de sa population ? Or nos grands indicateurs de santé se dégradent.

Après la mortalité infantile, qui progresse – lentement, mais sûrement – depuis quelques années et nous relègue à un niveau moyen au regard des autres pays, c’est au tour de l’espérance de vie à la naissance, qui fut longtemps l’une des toutes meilleures au monde, de flancher : nous passons de la sixième à la treizième place des pays de l’OCDE.

Des résultats de santé publique qui se dégradent, des déficits qui se creusent, tout cela dans la durée : que faut-il de plus pour comprendre que quelque chose ne fonctionne pas et que l’heure est à un véritable changement ?

Si vous étiez tentés, madame la ministre, messieurs les ministres, par un simple rétablissement des comptes, vous avez l’embarras du choix : réduire les allégements et exonérations non compensés, voire y mettre fin ; annuler tout ou partie du transfert de la dette covid de l’État à la Cades ; décider de nouvelles recettes…

Nous vous appelons toutefois à plus d’ambition et à affronter la réalité : les dépenses de santé progressent plus vite que la richesse nationale sous l’effet de facteurs structurels que nous connaissons bien et auxquels nous n’avons d’autre choix que de nous adapter.

Notre pays ne parvient pas à suivre cette hausse. Il le fait d’autant moins qu’il gaspille trop de ressources et qu’il investit trop peu dans la prévention.

Le budget santé du pays est ainsi construit à partir d’une forme de conservatisme mâtiné d’une lecture financière inefficace.

Certes, l’Ondam n’a jamais été une construction de santé publique, mais il se révèle désormais comme un obstacle à des démarches de santé. Si nous poursuivons ainsi, les indicateurs de santé continueront à se dégrader et les pénuries à se perpétrer.

Changer, madame la ministre, messieurs les ministres, c’est construire autrement notre budget. C’est délibérer sur nos objectifs avant de délibérer sur les moyens.

C’est délibérer sur des priorités dans chaque département, en fonction des besoins de santé de la population. C’est, ensuite, délibérer au Parlement sur des objectifs nationaux de santé que nous nous assignons. Et c’est, après seulement, allouer les moyens en fonction des choix effectués, car, oui – nous ne disons pas le contraire –, il y aura toujours des choix à faire.

Changer, c’est faire beaucoup plus de prévention.

C’est l’activité physique et l’activité physique adaptée qui doivent se déployer.

C’est une lutte énergique contre les polluants, dont certains – je pense aux perturbateurs endocriniens – compromettent tout progrès de notre espérance de vie en bonne santé.

C’est la réduction de la consommation d’alcool, sur laquelle brasseurs et viticulteurs ont toujours une objection et le Président de la République une complaisance.

M. Bernard Jomier. C’est la lutte contre le tabagisme, désavouée l’an dernier par le ministre chargé des comptes publics, Gabriel Attal, de retour du congrès des buralistes.

C’est la santé mentale. C’est l’alimentation. C’est la santé au travail.

Changer, madame la ministre, messieurs les ministres, c’est, enfin, constater que le mouvement de financiarisation qui frappe le secteur de la santé est un danger pour les fondements de notre protection sociale.

Les ressources provenant des assurés sociaux sont détournées vers la rémunération d’actionnaires. La rentabilité prend le pas sur la pertinence des soins. Conjuguée à un mode de rémunération trop centré sur les actes, la financiarisation invalide toute politique visant à l’efficience et à la permanence des soins. Elle s’impose aussi, parce que de nombreux secteurs du soin souffrent d’un déficit d’investissement ; elle profite, en cela, de budgets de ce type, trop à courte vue.

Il devient urgent de poser des limites pour éviter de voir notre système solidaire régresser encore.

Vous l’avez compris, madame la ministre, messieurs les ministres, nous estimons que le budget que vous nous présentez nous maintient dans une impasse. Alors que la crise sanitaire qui a surgi en 2020 est derrière nous, la promesse présidentielle est oubliée. Rien ne change.

Alors qu’il faudrait réunir un large accord politique pour rénover en profondeur notre protection sociale et notre système de santé, la faiblesse de votre base politique empêche le Parlement de remplir pleinement son rôle. Les contournements tels que le Conseil national de la refondation ne règlent rien.

Le résultat est là : votre gouvernement paraît dépassé par les enjeux de la protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Michel Masset et Mme Raymonde Poncet Monge applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFSS 20204 est, hélas ! dans la triste continuité de ses prédécesseurs.

Il ne contient aucune réforme majeure et continue de mélanger les genres, entre loi de financement et loi d’organisation de la santé. C’est évidemment la meilleure façon d’entretenir la confusion.

Or nous sommes parvenus à la croisée des chemins, ce moment précis où, en fonction des décisions prises, nous refonderons notre modèle, en l’adaptant, le modernisant, ou, au contraire, nous continuerons à le condamner et à le transformer en un système américanisé, via les assureurs privés, la financiarisation de certains secteurs et l’ubérisation de la santé.

Aujourd’hui, déjà, des sociétés étrangères achètent des cliniques, des centres de santé et se financent, ainsi, avec l’argent de l’assurance maladie. Quelles réponses apportons-nous ?

Depuis des années, nous dénonçons le manque d’ambition, de vision prospective et réformatrice des différents gouvernements, leur approche comptable, leur recours à tout un arsenal de stratagèmes qui relèvent davantage de la fuite en avant que de la prise en considération des enjeux des professionnels, des patients et de l’organisation du système de protection sociale, au travers notamment de son financement.

Je pourrais aujourd’hui, au mot près, à la virgule près, tenir les mêmes propos que l’an passé. Pourquoi ne pas avoir eu la volonté, dès ce PLFSS, de refonder la gouvernance de la santé, en proposant par exemple une loi de programmation sanitaire pour la durée du mandat présidentiel ?

Madame la ministre, messieurs les ministres, pourquoi ne pas donner ne serait-ce qu’un signe de votre volonté d’avoir une stratégie de santé fondée sur l’évaluation territoriale des besoins de santé et sur des objectifs territoriaux de santé ?

Pourquoi ne pas marquer votre volonté de mettre en place une vraie démocratie locale et sanitaire au centre du fonctionnement de l’hôpital, rééquilibrer le management entre la médecine et l’administration et développer une gouvernance autonome ?

Pourquoi ne pas permettre la mise en place des patients experts ?

Pourquoi ne pas assurer aux professionnels libéraux qu’ils soient garants des missions territoriales de santé ?

Pourquoi ne pas proposer une restructuration de la permanence des soins ambulatoires, afin de garantir la pertinence des urgences hospitalières ?

Pourquoi ne pas réviser les ordonnances Debré pour permettre un meilleur ancrage territorial des hôpitaux ?

Le fait de soulever les mêmes interrogations et de n’avoir pas davantage de réponses n’est pas de bon augure. Le temps nous est compté. Il y a urgence.

Vous me permettrez d’insister particulièrement sur le financement, qui est l’objet de ce texte. Sa réforme est la condition sine qua non pour dégager de réelles marges de manœuvre financières, tout en améliorant notablement la performance de notre système de santé.

Aujourd’hui, la multiplicité des intervenants entraîne une hausse des frais de gestion exponentielle, et cette évolution démontre l’ampleur des économies réalisables grâce à une réforme du financement.

Nous devons non seulement réfléchir sérieusement, mais aussi mettre en œuvre le plus rapidement possible un mode de financement par un assureur unique par prestation de santé.

Des économies substantielles seraient ainsi réalisées, qui pourraient être réinjectées au profit d’une optimisation de l’ensemble de notre système de santé, de ses bénéficiaires, de ses acteurs, de ses financeurs.

Cela permettrait de développer une vraie politique de prévention, tout en garantissant la pérennité de notre système, fondé sur la solidarité.

Vous conviendrez avec moi que ce principe est aujourd’hui battu en brèche. Les inégalités sont plus nombreuses et plus flagrantes.

La privatisation accrue de notre système et le développement des réseaux participent à une transformation insidieuse, voire pernicieuse, de l’accès aux soins. Un système à deux vitesses n’est plus un spectre. C’est une réalité, chaque jour plus marquée.

Enfin, comment ne pas évoquer la situation des hôpitaux ? Je veux aborder ici la question du financement, dont le volet lié à la tarification à l’activité – la fameuse T2A – est souvent stigmatisé.

Dans un récent rapport, la Cour des comptes a rappelé la volonté du Président de la République, puis du ministre chargé de la santé, en janvier 2023, de réformer le financement des établissements de santé. La tarification à l’activité a été présentée comme « condamnée », même s’il est envisagé d’en conserver une part.

Une fois ce rappel fait, la Cour analyse le rôle joué par la T2A dans la maîtrise des coûts, d’une part, et dans l’amélioration de l’organisation des soins et le pilotage des établissements de santé, d’autre part.

Force est de constater que les objectifs qui lui étaient assignés en termes d’équité et de transparence des financements ont été atteints et demeurent indispensables.

Bien sûr, le système est perfectible et doit être amélioré, notamment pour les soins non programmables et pour les soins critiques, mais gardons-nous de retomber dans les travers que provoque un système axé essentiellement sur des dotations.

Ce PLFSS, monsieur le ministre, propose peu de mesures de rénovation. Les déficits se creusent. Combien de temps encore allons-nous tout mettre en œuvre pour conduire notre système de santé dans le mur ?

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas accepter plus longtemps d’être les fossoyeurs de notre pacte social. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, abîmés par la crise sanitaire, par des décennies de mauvais choix, la sécurité sociale et notre système de santé, qui étaient auparavant une fierté nationale et étaient réputés pour être parmi les meilleurs au monde, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes.

Notre hôpital public et nos urgences sont en ruine, avec une dégradation des conditions d’accueil et de prise en charge des patients, en dépit du dévouement de nos soignants. À l’épuisement des professionnels de santé et au déficit des vocations s’ajoute une baisse ininterrompue des capacités d’accueil dans les hôpitaux.

Mes chers collègues, la réalité est édifiante. L’espérance de vie recule désormais dans notre pays. La mortalité infantile, l’un des indicateurs attestant le plus de l’état d’un système social, revient à la hausse, avec évidemment autant de drames familiaux.

Enfin, il n’est plus un territoire, rural comme urbain, qui ne connaisse pas une dégradation de l’accès aux soins et 30 % de la population française vit désormais dans un désert médical.

Après ce sombre constat, les solutions portées par ce PLFSS paraissent sous-dimensionnées et l’optimisme gouvernemental confine à la déconnexion.

Des mesures efficaces pour financer notre système de santé existent. Le Rassemblement national proposera des amendements pour faire rentrer et économiser l’argent qui manque cruellement à nos soignants et à nos hôpitaux.

À ce sujet, nous nous félicitons de la transposition, dans ce PLFSS, de mesures portées par Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle. Ainsi, nous accueillons favorablement la réforme de la T2A, un système qui contraint l’hôpital public à s’aligner sur les méthodes du privé. Le principe de délivrance à l’unité des médicaments nous apparaît également être une mesure de santé publique et de santé financière bienvenue.

Néanmoins, malgré ces quelques lueurs, les manquements sont légion.

Le Rassemblement national défendra la mise en place d’une réelle politique de souveraineté pharmaceutique par la réindustrialisation du secteur et par une politique d’État stratège appuyée sur les grands groupes pharmaceutiques tricolores.

Il est également temps de rationaliser la technostructure de la santé. La suppression des ARS, échelons inutiles, coûteux et plus que jamais délégitimés par leur gestion catastrophique de la crise sanitaire, est une nécessité pour redéployer les efforts de l’État et donner aux médecins et aux soignants un vrai pouvoir de gestion et d’action au sein de leurs établissements.

Nos amendements appuieront également la nécessaire lutte contre la fraude sociale, évaluée entre 7 milliards et 21 milliards d’euros selon les services de l’assurance maladie.

Enfin, le présent PLFSS est une nouvelle occasion manquée de définir de réelles mesures pour accompagner les Français dans les défis démographiques de notre temps. Ainsi, nous déplorons l’absence d’un réel plan grand âge, centré sur les aidants et sur le maintien à domicile des personnes en situation de dépendance.

Madame la ministre, messieurs les ministres, le contestable article 30 de votre projet de loi participera à éloigner ces personnes du soin par l’augmentation des coûts du transport individualisé. Les personnes handicapées seront également lourdement affectées par cette mesure, les contraignant d’autant plus dans un accès aux soins plus difficile et plus coûteux pour eux comme pour leurs familles.

À ce titre, les acteurs de la Conférence nationale du handicap ont alerté sur le décalage persistant entre les moyens alloués et les besoins des personnes en situation de handicap.

Mes chers collègues, les sénateurs du Rassemblement national soutiendront toutes les mesures allant dans le bon sens : celui de la protection sociale la plus étendue pour les Français et celui du pragmatisme gestionnaire.

Dans cette chambre, il n’y a pas de 49.3. Profitons-en pour débattre, ce dont l’Assemblée nationale a été privée ! (M. Joshua Hochart applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le PLFSS 2024 prévoit 641 milliards d’euros de dépenses et 630 milliards d’euros de recettes.

L’Ondam s’élève à 255 milliards d’euros, soit 50 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2019 : cela représente une augmentation de 3,2 %, soit 8 milliards d’euros par rapport à 2023.

Malgré cette hausse importante, la situation risque d’être difficile pour les hôpitaux et pour le secteur médico-social, qui subissent de plein fouet l’inflation et qui doivent augmenter les salaires et réaliser des investissements.

Il en est de même, à mes yeux, de la prise en charge de la dépendance.

Néanmoins, ce texte contient plusieurs avancées, que nous encourageons : des mesures de lutte contre la fraude aux cotisations sociales ; la vaccination contre les papillomavirus humains ; la prise en charge des préservatifs et des protections périodiques ; la possibilité de délivrance, par les pharmaciens et après réalisation d’un test, de médicaments pour certaines cystites et les angines ; une simplification des démarches d’attribution de la C2S ; un meilleur repérage pour les enfants et de meilleures conditions d’accueil ; un dépistage accru ; la prise en charge à 100 % des fauteuils pour les personnes handicapées ; des bilans de prévention ; des mesures contre les pénuries de médicaments.

Sur ce dernier point, monsieur le ministre, il est absolument fondamental de trouver des solutions pour relocaliser la fabrication de médicaments en France et en Europe. Voilà vingt ans, l’Europe était le premier producteur et exportateur de médicaments.

Concernant la dépendance, sujet sur lequel j’interviendrai plus longuement, vous avez manifesté l’intention de créer 25 000 places en Ssiad d’ici à 2030.

En effet, le nombre de seniors de plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040, et celui des personnes en perte d’autonomie va passer de 1,4 million à 2 millions.

Si vous voulez voir le virage domiciliaire annoncé se réaliser – nous y sommes favorables –, c’est dès maintenant et d’ici à 2027 qu’il faut essayer de créer ces 25 000 places en Ssiad et en résidences autonomie.

Dans les Ehpad, vous prévoyez une diminution du taux d’institutionnalisation des personnes dépendantes – il passerait de 41 % à 37 % –, ce qui va entraîner une augmentation très importante de la dépendance globale, avec un GIR moyen pondéré (GMP) qui s’établira entre 750 et 800.

Nous avons voté la loi du 7 août 2020 créant une cinquième branche de la sécurité sociale, qui indique que la perte d’autonomie est un risque assuré par la Nation à chacun.

Les PLFSS pour 2022 et pour 2023 ont respectivement apporté 200 millions et 300 millions d’euros, ce qui fait, sur deux ans, 1,2 emploi par Ehpad – il y en a 7 500.

Madame la ministre, messieurs les ministres, en 2025 et 2026, les annonces du Président de la République doivent être appliquées, même si je comprends les difficultés budgétaires.

L’objectif était de créer 50 000 emplois supplémentaires sur le quinquennat, dont 10 000 d’ici à 2024. Il est nécessaire d’en créer encore 20 000 en 2025 et autant en 2026. C’est le minimum indispensable ; d’après mes calculs, cela permettra cinq emplois supplémentaires en moyenne par Ehpad et d’augmenter ainsi de quinze minutes par jour le temps passé auprès de chaque résident. Nous devons avoir cette ambition.

Il me paraît également nécessaire que les sections « soins » et « dépendance » des budgets des Ehpad soient fusionnées, comme le propose l’article 37. Cependant, celui-ci ne prévoit cette fusion que sur la base du volontariat, ce qui pourra entraîner des disparités entre les départements et ne me semble pas conforme à l’esprit de la loi.

Il est aussi nécessaire, parallèlement, que les départements ne rétrocèdent pas à la CNSA l’intégralité de ce qu’ils perçoivent au titre des GIR 5 et 6. Il faut leur donner les moyens de renforcer le maintien à domicile.

J’ai déposé un amendement visant à revenir sur l’obligation de fusion prévue entre les Ssiad et les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), afin de tenir compte de ce qui fonctionne bien dans les territoires – il faut être pragmatique !

Pour ce qui concerne l’hôpital, la diminution de la tarification à l’activité, la sécurisation de l’Établissement français du sang, l’augmentation des primes de nuit et de dimanche – comme en Ehpad – ainsi que des gardes des médecins vont tout à fait dans le bon sens.

La création de services de médecine polyvalente en aval des urgences est demandée pour désengorger celles-ci. Cela me semble également une nécessité, monsieur le ministre, tout comme, bien sûr, la renégociation avec les professionnels et l’augmentation des effectifs médicaux et paramédicaux.

Je signale également les problèmes qu’occasionne la fermeture de deux cent cinquante pharmacies par an en milieu rural.

J’avais également déposé un amendement d’appel tendant à renforcer les soins palliatifs dans chaque département, afin de pouvoir mieux prendre en charge les malades et leur famille à domicile, en Ehpad ou à l’hôpital. Je regrette qu’il ait été déclaré irrecevable.

Il en a malheureusement été de même de mon amendement permettant que les six derniers mois de la quatrième année d’internat puissent être effectués avec un médecin référent seulement – il n’y a pas de médecins maîtres de stage partout –, de ma proposition pour qu’un pharmacien d’officine puisse être pharmacien référent en Ehpad et de mon amendement relatif aux lits de pédopsychiatrie dans tous les départements, dont le manque représente une difficulté majeure pour les centres départementaux de l’enfance, qui se retrouvent à gérer des situations extrêmement difficiles, avec des enfants présentant des troubles du comportement.

Enfin, le retour à l’âge de départ à la retraite à 64 ans va permettre une évolution vers l’équilibre de la branche vieillesse dans les années 2032.

Comme le Sénat l’avait proposé, il est important d’adapter ce texte avec les partenaires sociaux pour tenir compte des carrières longues, de la pénibilité, de la maternité et de la revalorisation des petites pensions. Il faut aussi agir contre la fraude.

En conclusion, la sécurité sociale représente la colonne vertébrale de notre République et ce PLFSS propose des avancées indéniables, parmi lesquelles le rééquilibrage du budget par une meilleure maîtrise des dépenses et l’augmentation du nombre d’emplois cotisants grâce à la compétitivité des entreprises.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, si le taux de chômage était de 5 %, comme en Allemagne, il n’y aurait plus de déficit. Cela doit rester un objectif afin de ne pas mettre en péril notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je citerai deux chiffres en exergue de mon propos : 509 milliards d’euros et 647 milliards d’euros. Ils correspondent respectivement aux dépenses réalisées en 2019 et à celles qui sont prévues en 2024 pour les régimes obligatoires de sécurité sociale, soit plus de 130 milliards d’euros de dépenses supplémentaires en cinq ans !

Durant ces années de crise sanitaire, nous avons déployé des moyens inédits pour protéger les Français, qu’il s’agisse de leur pouvoir d’achat ou de leur santé, « quoi qu’il en coûte ». Mais cette politique a bel et bien un coût, que je viens de rappeler brutalement.

Or « notre responsabilité est d’assurer la pérennité de notre modèle social », avez-vous indiqué, monsieur le ministre – vous avez raison. L’examen de ce PLFSS me laisse néanmoins perplexe.

Certes, ce texte traduit un effort d’amélioration des rémunérations des personnels de santé en établissement ou en ville et renforce les effectifs des Ehpad comme de l’aide à domicile. Nous saluons ces avancées, ainsi que votre volonté de mettre fin au tout T2A à l’hôpital et de lutter contre les pénuries de médicaments.

Le texte amorce également un virage encore un peu timide en faveur de la prévention. Ma collègue Jocelyne Guidez commentera plus précisément l’ensemble de ces mesures, qui sont nécessaires, mais qui n’effacent pas nos doutes quant à la soutenabilité à long terme du système.

Je m’attacherai, quant à moi, à vous proposer des solutions à la hauteur des déficits récurrents des branches maladie et vieillesse, plus ambitieuses, donc, que celles qui figurent dans ce projet de loi.

Concernant l’assurance maladie, vous comptez économiser 3,5 milliards d’euros, notamment sur les médicaments et les produits de santé, les soins dentaires, la biologie et même les indemnités journalières, qui ont beaucoup progressé. Nous y sommes favorables, comme nous soutenons le principe de revenir sur certaines exonérations de cotisation pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic.

Pour autant, le pilotage des comptes sociaux ne saurait se limiter à augmenter ou à réduire les dépenses.

Vous faites de la lutte contre la fraude sociale un chantier prioritaire – je m’en réjouis. Nous vous approuvons sur ce point, mais les objectifs que vous fixez me paraissent insuffisants.

Ainsi, pour l’assurance maladie, la fraude se situe entre 5 et 10 milliards d’euros, selon les estimations, d’ailleurs toujours incomplètes, de la Caisse nationale de l’assurance maladie – nous attendons impatiemment leur mise à jour. Avec 500 millions d’euros détectés, nous sommes très loin du compte.

En matière de cotisations et de contributions, la Cour des comptes estime le montant de la fraude entre 6 et 8 milliards d’euros ; votre objectif est d’atteindre 5 milliards d’euros d’ici à 2027.

Quant aux fraudes aux prestations familiales et vieillesse, les clichés ont la vie dure, mais elles sont les mieux connues et les mieux combattues.

Pour autant, la vigilance reste de mise, car les fraudeurs, aux méthodes de plus en plus sophistiquées, profitent souvent de nos outils lacunaires, ainsi que Nathalie Goulet l’a souvent démontré. N’oublions pas que la lutte contre la fraude sociale est un puissant levier de réduction des déficits.

Sur le même thème, il m’est difficile de ne pas évoquer l’indispensable travail à poursuivre sur la pertinence des soins. Il ne s’agit pas de nous lancer dans une chasse aux sorcières, mais l’OCDE évalue à 20 % – soit 50 milliards d’euros ! – le montant des dépenses d’assurance maladie concernant des actes inutiles ou redondants.

Nous bénéficions de ces actes en tant que patients, souvent en radiologie ou en biologie, mais ils n’en constituent pas moins des pratiques abusives et surtout délétères pour les comptes sociaux.

La contrainte et la fermeté ne semblent pas caractériser la démarche de votre gouvernement sur ce point : les guides de bonne pratique ne suffiront pas, sauf à s’appuyer réellement sur le dossier médical partagé (DMP), qu’il faut généraliser sans tarder.

Un mot également sur la trésorerie de l’Acoss – l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, devenue Urssaf Caisse nationale – laquelle, sans transfert vers la Cades de ses déficits cumulés, se trouverait en tension extrême. Or la Cades ne pouvant recevoir que 8,8 milliards d’euros de dette supplémentaire, il convient de réviser son plafond, ainsi que le calendrier de remboursement.

Abordons la branche vieillesse. Vous avez tenté de récupérer 1 milliard d’euros à l’Agirc-Arrco au titre de la réforme ; à mon sens, votre méthode n’était pas la bonne.

Je vous suggère plutôt de négocier avec les partenaires sociaux un swap, d’un montant à déterminer, entre les cotisations des employeurs à la retraite complémentaire et leurs cotisations à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav).

En outre, pourquoi ne pas confier aux partenaires sociaux, excellents gestionnaires d’une Agirc-Arrco aux 68 milliards d’euros de réserve, la gouvernance et la gestion de la Cnav ? Il s’agirait en quelque sorte d’un retour aux sources.

Avant de conclure, je souhaite vous alerter sur la cinquième branche. La trajectoire financière est bonne : nous sommes à mi-chemin, avec le transfert de 0,15 point de CSG depuis la Cades, mais la quasi-totalité des Ehpad et tous les services autonomie à domicile (SAD) et Ssiad sont – vous le savez – au bord du gouffre.

À ce titre, le fonds de 100 millions d’euros est insuffisant, il en faut au moins cinq à dix fois plus, et immédiatement, madame la ministre.

Pour conclure, à l’instar du professeur Bizard et de quelques-uns de mes collègues, dont Alain Milon, je vous propose de mettre fin au double étage assurantiel. En passant à un assureur unique par prestation de santé ou pour l’ensemble des prestations, nous basculerions dans un modèle vertueux de maîtrise des dépenses de santé, nous permettant de réinjecter plusieurs milliards d’euros dans les caisses et d’améliorer ainsi la santé des Français. Cela reviendrait, au fond, à assurer la mission essentielle de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)