Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Cela valait le coup d’entendre cela ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je répondrai aux différentes remarques qui ont été formulées sur ce sujet, certes important, mais qui n’est pas le cœur du texte, même si je comprends bien qu’il le soit désormais.

Pour Mme Vogel, qui a manifestement mal entendu – peut-être me suis-je mal exprimé –, je rappelle la position du Gouvernement. Dans la mesure où il souhaite conserver l’article 3 tel qu’il est rédigé, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur les amendements de suppression et un avis de sagesse…

M. Gérald Darmanin, ministre. … sur l’amendement de repli de la commission tendant à insérer l’article 4 bis, qui sera un nouvel article 3. Appelons-le comme on veut.

Je tenais à faire ce rappel, car il n’est pas utile d’ajouter de la confusion à une situation à l’évidence déjà assez confuse.

Mesdames, messieurs les sénateurs, de quoi s’agit-il ? Je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des lois.

Premièrement, j’entends que le Gouvernement aurait essayé de créer un droit opposable. Non ! J’ai tenté de fournir au législateur les critères pour régulariser les personnes.

En général les parlementaires – j’ai moi-même été député longtemps – demandent à disposer de règles leur permettant d’agir à la place de l’État, des préfets et des directions territoriales de l’État.

Fort de cela, je soumets au Parlement, en l’occurrence, au Sénat, un projet de loi qui définit les critères de régularisation et vous enjoins, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire votre travail de parlementaires. Certains veulent plus régulariser, d’autres moins, mais tout le monde semble vouloir régulariser, puisqu’un article de régularisation existe. La vie est ainsi faite…

Personne n’est véritablement hypocrite ici. Beaucoup sont intervenus en faveur de la régularisation des travailleurs – et c’est heureux !

M. Gérald Darmanin, ministre. Évidemment, lorsque l’on demande beaucoup de régularisations et que l’on déclare ensuite « surtout pas de régularisations », le ministre de l’intérieur se dit que le moment doit être particulier. En effet, les courriers du matin ne ressemblent pas au débat public du soir… C’est ainsi !

J’invite donc les parlementaires à s’emparer des critères de régularisation. Vous auriez pu proposer de modifier l’article 3 avec des critères bien plus durs : non pas trois ans de présence sur le territoire national, mais cinq, sept ou dix ans ; non pas les zones géographiques tendues, mais celles où le taux de chômage est en dessous de 5 %. Plein de critères auraient pu être choisis : M. Szpiner avait même imaginé des quotas.

Vous refusez d’utiliser ce pouvoir qui vous revient en tant que parlementaires et vous me dites : « Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez l’air vraiment formidable. Nous vous faisons confiance : régularisez au cas par cas. »

Il est tout de même assez rare qu’une assemblée refuse de se saisir de pouvoirs. Nous aurions pu avoir un débat politique très important sur la nécessité de plus ou moins régulariser et sur les critères à fixer à cette fin.

J’espère que, la prochaine fois que nous débattrons parce que vous demandez qu’une disposition relève absolument du domaine de la loi, vous vous souviendrez de ce qui se passe en ce moment, mesdames, messieurs les sénateurs.

Par ailleurs, l’hypocrisie me semble arranger bien du monde. En effet, c’est le ministre qui régularise, après intervention du parlementaire ou du maire. Ainsi, on peut dire publiquement que l’on n’a pas créé de droit opposable.

On parlait d’hypocrisie à mon égard, mais cela ne me paraît pas très juste.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si, c’est juste !

M. Gérald Darmanin, ministre. À défaut d’être d’accord, il est au moins possible de dire la vérité sur le fond de cet article.

Deuxièmement, je m’adresse maintenant à la gauche de cet hémicycle. Certes, je peux entendre tous les discours ; toutefois, monsieur Kanner, ne me faites pas croire que, si l’article 3 avait été adopté, vous auriez voté le texte ! Le parti socialiste, les Verts, le parti communiste ont, dès le début, indiqué qu’ils ne voteraient jamais ce projet de loi. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

En réalité, monsieur Kanner, vous souhaitez que le Gouvernement n’ait pas de texte, parce que vous souhaitez que le Gouvernement échoue. C’est normal, vous êtes dans l’opposition ! Ne soyez pas hypocrite, vous aussi, en prétendant que, si l’article 3 avait été adopté, vous auriez bien sûr voté les quarante-sept autres articles et soutenu le texte du ministre de l’intérieur. Cette astuce ne dupe personne.

M. Patrick Kanner. Nous ne sommes pas dans l’opposition systématique !

M. Gérald Darmanin, ministre. Ne dites pas que vous auriez voté le texte dans ce cas. Ce n’est pas vrai, vous avez dès le début annoncé le contraire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Et vous voudriez que je fasse confiance à ceux qui veulent, quoi qu’il arrive, la mort du projet de loi ? (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous aurions voté l’article 3 !

M. Gérald Darmanin, ministre. Avouez que c’est une drôle de façon de faire de la politique ! (Exclamations amusées sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Pour ma part, je fais avec les choses telles qu’elles sont.

M. Patrick Kanner. Prenez une ordonnance !

M. Gérald Darmanin, ministre. La politique est un idéal qui tient compte des réalités. (Vives protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Pascal Savoldelli. C’est incroyable !

Mme la présidente. Seul M. le ministre a la parole !

M. Gérald Darmanin, ministre. Ensuite, et c’est très intéressant, vous annoncez que vous ne voterez pas l’amendement de la majorité sénatoriale, parce qu’il ne va pas assez loin. Par conséquent, vous refusez un droit pour les personnes à régulariser. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme Audrey Linkenheld. C’est faux !

M. Gérald Darmanin, ministre. Non, c’est tout à fait vrai !

Quelle sera la grande avancée du nouvel article 4 bis s’il est adopté, sinon de supprimer le servage dans lequel le patron tient son employé ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Non, ce n’est pas faux !

Pour l’instant, dans sa version actuelle, ce qui deviendra l’article 4 bis vise à prévoir une vérification. Nous aurons notamment l’occasion d’en reparler à l’Assemblée nationale, mais c’est toujours mieux que ce qui existe aujourd’hui.

Être un parti de Gouvernement, c’est accepter de petites avancées.

Par hypocrisie, par posture ou par idéologie, vous allez donc refuser le « petit plus » pour les sans-papiers, le « petit plus » pour les travailleurs à régulariser, sous prétexte que vous avez envie d’un débat de postures, comme l’a indiqué Philippe Bas.

Vous êtes totalement incohérents.

Vous avez été aux responsabilités pendant dix ans – une fois sous le gouvernement de M. Jospin, une fois sous la présidence de M. Hollande. Jamais, vous n’avez régularisé de plein droit les personnes. Jamais, vous n’avez supprimé ces articles du code du travail. Tous, vous avez soutenu la circulaire de M. Valls, prise dès le début du mandat de M. Hollande – à l’exception peut-être des communistes –, sans jamais rien modifier.

L’hypocrisie dont vous parlez, c’est la vôtre !

Aujourd’hui, alors que le Gouvernement vous soumet une modification, vous lui tendez un pied pour qu’il se casse la figure et, lorsqu’il propose une modification d’un pas avancé, vous répondez que ce n’est pas assez propre !

Manifestement, vous avez quitté les rivages des partis de gouvernement depuis longtemps, en vous comportant comme cela. (Oh ! sur des travées des groupes SER et GEST.)

C’est tout à fait vrai ! D’ailleurs, votre alliance avec M. Mélenchon en est la démonstration, vous le savez parfaitement.

Troisièmement, la cohérence du texte du Gouvernement reposait sur la présence de l’article 2, de l’article 3, de l’article 5 et de l’article 8.

Je constate que la majorité sénatoriale, lors de ses travaux en commission, n’a pas fait preuve de cohérence. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous y avez supprimé l’article 2 – fort heureusement, il a été rétabli hier et je remercie cette assemblée –, ainsi que l’article 5 et l’article 8, mais vous avez conservé l’article 3. Ce fameux article 3 – l’enfer pour la majorité sénatoriale ! – a tout de même passé l’examen de la commission des lois. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Il ne devait pas être si dramatique que cela, puisqu’une majorité n’a pas pu être trouvée pour le supprimer.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce n’est pas correct de dire cela !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je ferme la parenthèse, monsieur Retailleau. On s’est aperçu que c’était horrible, mais six mois plus tard.

En quoi consistent les articles 5 et 8 ?

L’article 5 a trait à une filière d’immigration irrégulière, que nous avons tous créée, bien avant le début du mandat du Président de la République. En effet, un sans-papiers peut créer son autoentreprise sur le site du ministère de l’économie et des finances. En ce sens, on crée des irréguliers qui, comme cela a été dit, paient des impôts et des cotisations et qui, au bout d’un certain temps, demandent aux préfets à être régularisés, puisqu’ils travaillent.

Comment la commission des lois peut-elle à la fois demander la non-régularisation automatique des sans-papiers et accepter de ne pas rétablir l’article 5 ? Je le dis par pure cohérence.

Vos interventions doivent se heurter à des intérêts capitalistiques, car de nombreuses entreprises profitent du dévoiement de l’autoentreprise pour travailler avec une main-d’œuvre pas chère.

Vous ne pouvez pas ne pas rétablir l’article 5 : sans cela, vous créez une filière d’immigration irrégulière bien plus grande qu’avec l’article 3, dont vous imaginez qu’il vise à mettre en place un droit opposable.

Monsieur Retailleau, vous avez évoqué des dizaines de milliers de personnes concernées – ce que je réfute absolument –, mais, en laissant la commission supprimer l’article 5, ce seront des dizaines de milliers par an ! J’espère que vous reviendrez sur votre texte et que vous voterez l’amendement de rétablissement du Gouvernement.

L’article 8 concerne quant à lui la fermeture administrative des entreprises ayant embauché des personnes en situation irrégulière. La commission des lois l’a supprimé ! (M. Bruno Retailleau sexclame.)

MM. Guy Benarroche et Ronan Dantec. Eh oui !

M. Gérald Darmanin, ministre. En résumé, non seulement la commission des lois n’a pas supprimé l’article 3 – à propos duquel on prétend aujourd’hui qu’il crée un droit automatique, alors qu’il s’agit d’un pouvoir donné aux parlementaires –, mais elle a supprimé l’article 8, qui prévoyait la fermeture administrative de l’entreprise employant des sans-papiers.

Le projet du Gouvernement était pourtant simple : régulariser les personnes qui le demandaient pour savoir quelles entreprises embauchaient des sans-papiers et les faire fermer.

J’espère qu’une cohérence émergera et que le rétablissement des articles 5 et 8 sera voté.

Enfin, monsieur le président Retailleau, je suis favorable au compromis politique – je le rappelle tout le temps –, mais vous ne vouliez pas d’article de régularisation.

Vous avez obtenu un compromis politique – ce qui est normal, car c’est comme cela que fonctionne une assemblée parlementaire et c’est d’ailleurs aussi comme cela que fonctionne un gouvernement disposant d’une majorité relative à l’Assemblée nationale.

M. Bruno Retailleau. Nous ne voulions pas d’un droit automatique !

M. Gérald Darmanin, ministre. Vous ne vouliez pas de régularisation.

Vous êtes mis d’accord entre vous, ce qui est bien normal. Je suis le premier à dire que c’est une bonne chose pour nous tous.

M. Bruno Retailleau. L’amendement est différent de l’article 3 !

M. Gérald Darmanin, ministre. Oui, ce sera l’article 4 bis, s’il est adopté. En cela, il est vraiment différent. (Sourires.)

Monsieur Retailleau, je le répète, vous ne vouliez pas d’article de régularisation. La majorité, notamment les centristes, en voulait un. Vous vous êtes donc mis d’accord sur l’absence de régularisation automatique à partir des critères proposés par M. Marseille.

Vous avez abouti à la rédaction d’un article de compromis, que le Gouvernement soutiendra et qu’il corrigera sans doute à l’occasion de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. (Mme Anne Chain-Larché sexclame.) Nous verrons ensuite ce qui se passera en commission mixte paritaire et qui, finalement, votera ce texte.

Toutefois, monsieur Retailleau, ne faites pas croire que vous souhaitiez ardemment l’amendement n° 657. Sinon, nous n’aurions pas connu toute cette histoire.

En réalité, que s’est-il passé ? Rien d’autre que de la politique parlementaire.

Il y avait une majorité pour ne pas supprimer l’article 3 et une majorité pour voter contre le texte. En effet, le groupe Les Républicains n’aurait pas été majoritaire si M. Marseille avait vraiment déposé son amendement visant à ne pas supprimer l’article 3 et, évidemment, mes amis de la gauche auraient été très contents de faire tomber le ministre de l’intérieur en votant contre la version finale du texte, tout en ayant adopté l’article 3. (Sourires.)

Alors, j’ai un instinct de survie assez développé depuis quelques années. (Exclamations amusées.)

La politique, c’est assez simple : c’est se battre pour des convictions, c’est essayer d’obtenir des résultats pour 100 % d’entre elles et être déjà plus heureux lorsqu’il est possible d’en satisfaire 50 %.

C’est cela un parti de gouvernement. C’est cela prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Sortons de l’hypocrisie.

Il existe une très grande différence entre l’article 3 dans la version initiale du projet de loi et l’amendement tendant à insérer un article additionnel 4 bis que la commission a déposé.

Mme Anne Chain-Larché. C’est ça, la vérité !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Cette différence porte sur le caractère automatique du titre de séjour accordé dans le cadre de l’article 3 : il aurait alors suffi de justifier que l’on voulait un travail ou d’expliquer que l’on avait un travail, sans vérification de la réalité de celui-ci auprès de l’employeur, et ce dans un texte qui permettait de régulariser largement et quasiment de plein droit. La commission n’était pas d’accord sur ce point.

Si l’article 3 est malgré tout examiné en séance publique, c’est parce que nous avons décidé en commission que le débat aurait lieu dans l’hémicycle. Chacun le sait, nous l’avons indiqué depuis le début.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Bien sûr !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n’étiez pas d’accord entre vous !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Que vise l’amendement déposé par nos rapporteurs et élaboré conjointement avec nos collègues centristes ?

Il s’agit de ne pas passer par la loi, de ne pas généraliser le dispositif et de recourir au « cas par cas ».

Tout d’abord, le « cas par cas », c’est le préfet. Ensuite, le préfet agit dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour. C’est le premier point d’entrée pour quelqu’un en situation irrégulière qui aurait un contrat de travail.

Le préfet étudiera alors la situation et vérifiera auprès de l’employeur la réalité de l’emploi, ce qui permettra de contrôler les employeurs voyous.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Ce n’était pas le cas dans la version initiale de l’article.

Cela me semble très important et vertueux de ne pas régulariser des gens qui sont susceptibles de « bosser pour des voyous ».

Mme Silvana Silvani. Ce sont les patrons qu’il faut sanctionner !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Que les choses soient claires, il y a bien une différence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

J’insiste sur cette différence qui me paraît absolument essentielle.

Oui, bien évidemment, c’est un compromis : nous l’avons discuté avec nos amis centristes et chacun a fait valoir son point de vue, notamment sur les conditions. C’est bien normal ! Et nous sommes d’accord.

Nous ne refusons donc pas de régulariser des étrangers en situation irrégulière qui ont un contrat de travail. Nous demandons simplement, par principe, que cela soit fait au cas par cas. C’est une différence fondamentale avec la version initiale de l’article 3.

Que le débat ait lieu, mais sur la base de la vérité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Article 3 (suite)
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Discussion générale

8

Candidatures à un groupe de travail

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des trente-sept membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner, sous réserve de son dépôt, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.

En application de l’article 8 bis, alinéas 2 et 3, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Il appartiendra au Sénat de transformer ce groupe de travail en commission spéciale, après le dépôt du projet de loi, conformément à l’article 16 bis de notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Article 3 (interruption de la discussion)
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Article 3

Immigration et intégration

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Dans la discussion des articles, nous avons achevé les prises de parole sur l’article 3.

Discussion générale
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Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 34 rectifié et n° 99 rectifié bis

Article 3 (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 655 est présenté par Mme M. Jourda et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.

L’amendement n° 126 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.

L’amendement n° 366 rectifié ter est présenté par M. Duffourg.

L’amendement n° 530 est présenté par M. Ravier.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 655.

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Il convient de revenir sur ce qu’est l’article 3 afin de dégager les raisons qui ont motivé cet amendement de suppression.

Partons de faits connus de tous. Dans ce pays, des employeurs emploient, de façon irrégulière, des étrangers dépourvus d’autorisation de travail, lesquels, de ce fait, travaillent aussi de façon irrégulière.

Je renvoie ces irrégularités dos à dos. En effet, si la responsabilité des uns et des autres peut être discutée, la réalité est que tout le monde trahit la loi. En tant que législateurs, nous ne pouvons pas nous résigner à ce que la loi soit en permanence bafouée.

La première position que nous devons avoir, me semble-t-il, est donc de ne pas accepter cette situation où tant l’employeur que le salarié ne respectent pas la loi.

Pour autant, une fois cette position de principe affirmée, nous savons aussi – pour être quasiment tous des élus locaux, avoir parfois dirigé des exécutifs et avoir une connaissance du terrain – que la réalité est souvent plus complexe que la sèche application de la loi.

C’est pourquoi, en matière de droit des étrangers et de séjour irrégulier, il existe un dispositif, l’admission exceptionnelle au séjour, qui permet de façon exceptionnelle de régulariser la situation d’une personne qui, par définition, n’est pas en situation régulière.

Ce dispositif résulte de l’application, dans le domaine du droit des étrangers, d’un principe général de droit administratif, selon lequel chaque personne – un étranger comme un Français – qui habite sur le territoire français peut solliciter de l’administration une révision de sa situation individuelle.

Dans ces conditions, l’administration peut parfaitement admettre que la personne qui sollicite la révision de sa situation puisse bénéficier d’un droit auquel elle ne peut prétendre selon la stricte application du texte.

Dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie, au regard de l’irrégularité et de la situation de l’étranger, si ce dernier peut se voir délivrer un titre de séjour.

Nous connaissons tous la circulaire Valls : elle définit les orientations générales qui guident les préfets dans le cadre de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour. On l’apprécie ou on ne l’apprécie pas, selon les travées où l’on siège dans cet hémicycle. Ces orientations générales permettent d’ailleurs de régulariser plus souvent au titre de la vie privée et familiale que par le travail.

Je ne fais là que rappeler le droit positif, qu’aucun de nous n’a voulu modifier. Nous admettons tous – ou presque – l’existence de l’admission exceptionnelle au séjour.

L’article 3, dans la version initiale, visait la régularisation de travailleurs irréguliers dans des métiers en tension.

Toutefois, dans cet article, le procédé juridique choisi était tout à fait différent. Les travailleurs en situation irrégulière devaient fournir la preuve de leur activité, accomplie pendant un certain nombre de mois après un certain nombre d’années de présence sur le territoire français. Cette preuve étant fournie par tout moyen et sans l’aide de l’employeur, les travailleurs en situation irrégulière auraient été automatiquement régularisés.

Nous ne l’avons pas accepté, parce que nous sortions de la casuistique de l’admission exceptionnelle au séjour qui, par définition, nécessitait d’étudier extrêmement précisément la situation de chacun.

L’application de cette régularisation de droit entraînait la régularisation automatique, sans que l’État, par l’intermédiaire du préfet, fasse usage de son pouvoir discrétionnaire. Cette régularisation était donc automatique, l’État se départait de son droit, dans un domaine aussi régalien que le droit des étrangers. En outre, le mécanisme induisait qu’en faisant la preuve de la fraude un droit était automatiquement créé.

Nous en avons longuement débattu. Il existe un principe de droit, que chacun connaît ici, selon lequel la fraude corrompt tout : ainsi, la fraude devenait créatrice de droit. Nous dépassions largement, nous semblait-il, le cadre de ce que devait être le droit.

À notre sens, le législateur ne pouvait donc pas adopter une disposition qui aurait juridiquement créé un droit uniquement fondé sur la preuve de la fraude, pour peu qu’elle fût suffisamment longue et habile.

En conséquence, nous n’avons pas souhaité maintenir ce dispositif et avons demandé la suppression de l’article 3 au bénéfice d’une autre disposition, laquelle revient à l’admission exceptionnelle au séjour, qui existe et que personne n’a jamais voulu modifier. Elle permet de restaurer le pouvoir régalien de l’État et de rétablir un examen au cas par cas de la situation de chaque personne ayant déposé une demande auprès du préfet, que ce dernier pourra ainsi examiner.

Voilà exposées de façon factuelle les raisons pour lesquelles l’article 3 pourrait être supprimé si notre assemblée votait l’amendement de suppression de la commission.

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 126.

M. Christopher Szczurek. En raison de la présence en France de près de 4,5 millions de travailleurs immigrés et de membres de leurs familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes.

Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine. Nous pensons que tous les travailleurs sont frères, indépendamment du pays où ils sont nés.

Néanmoins, dans la crise actuelle, l’immigration constitue, pour les patrons et le Gouvernement, un moyen d’aggraver le chômage, les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, la répression contre tous les travailleurs, aussi bien immigrés que français.

C’est pourquoi nous disons : « Il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage. » Ces mots sont ceux, non pas de Marine Le Pen, mais de Georges Marchais en 1980.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, pour présenter l’amendement n° 366 rectifié ter.

M. Alain Duffourg. Lorsque j’ai déposé cet amendement de suppression, certains collègues ont trouvé que c’était un peu singulier ou marginal.

À la suite de nos débats, j’ai compris qu’un amendement, s’il était adopté, se substituerait à l’article 3, ce qui permettrait de parvenir à un compromis entre les diverses formations politiques.

Alors que ce texte vise à réguler l’immigration, on veut faire venir des étrangers et les régulariser parce qu’ils exerceraient des métiers dits en tension. Voilà qui me paraît tout à fait contraire et contradictoire.

Dans le même temps, le projet de loi pour le plein emploi prévoit que les personnes qui refuseront à deux reprises une offre raisonnable d’emploi seront privées des droits au chômage.

La France compte aujourd’hui plus de 5 millions de chômeurs. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi nous inciterions aujourd’hui des étrangers à venir travailler dans des métiers dits en tension.

C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression de l’article 3. Je me prononcerai sur la nouvelle rédaction proposée par la commission le moment venu.