M. Patrick Kanner. Un véritable aveu !

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l’article.

M. Thomas Dossus. Je suis d’accord avec le ministre quand il justifie la désertion ou la capitulation d’un gouvernement abandonné en rase campagne ou quand il nous explique que l’article 3 ne valait finalement pas grand-chose.

C’est la réalité : nous aussi, les écologistes, pensions que cet article ne valait pas grand-chose. Nous sommes en effet attachés à la valeur du travail, à l’égalité des droits (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.), donc à la régularisation des travailleurs sans-papiers. Ceux qui travaillent et paient parfois des cotisations dans notre pays doivent avoir accès aux mêmes droits que les autres travailleurs.

Au Sénat, la droite préfère les clandestins et le travail au noir, comme vient de le reconnaître le président du groupe Les Républicains.

Pourtant, ce même président déclarait il y a quelques jours encore que la droite ne voulait plus du tout de cet article 3 ni même d’un jeu de bonneteau qui aurait consisté à réécrire ledit article avant de le réintroduire à un autre endroit du texte.

Or à quoi allons-nous nous prêter aujourd’hui, sinon à un tour de bonneteau, puisque le Sénat va supprimer l’article 3 et le réécrire, mais en pire ?

M. Bruno Retailleau. Vous allez le voter alors ? (M. Guy Benarroche sexclame.)

M. Thomas Dossus. Certainement pas !

M. Patrick Kanner. Cela dépend ! Pourquoi pas, si vous l’amendez ! (Sourires.)

M. Thomas Dossus. En d’autres termes, on va créer un dispositif qui se révélera encore pire pour les travailleurs que celui qui existe déjà. C’est déjà un bel effort ! (M. Guy Benarroche sexclame de nouveau.)

Comme l’ont déjà déploré mes collègues, le texte qui résultera de nos débats ressemblera à un cabinet des horreurs.

En réalité, il est le produit de l’accord scellé, non pas entre Les Républicains, les centristes et le Gouvernement, mais entre Les Républicains et le Rassemblement national. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.) Tout ce que l’on trouve dans ce texte figure en effet dans le programme du Rassemblement national, voire dans celui du Front national historique, celui des années 1990.

C’est le pire de ce à quoi l’on pouvait s’attendre. Les digues ont sauté et les centristes se sont fait engloutir, frappés par cette calamité. Au revoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, sur l’article.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je fais partie de ces parlementaires de toutes les tendances politiques, y compris des membres du parti Renaissance, qui ont estimé nécessaire d’apporter leur soutien à l’article 3, tout simplement pour mettre un terme à l’hypocrisie – le mot a été utilisé tout à l’heure.

Nous le savons tous, vous le savez tous, il y a dans nos villes des personnes qui travaillent dans des restaurants, des supermarchés, parfois dans le bâtiment et les travaux publics (BTP), alors qu’elles se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire.

Face à ce constat, deux solutions sont possibles : soit faire en sorte que ces personnes quittent le territoire, soit reconnaître – à l’instar des syndicats d’employeurs, des syndicats de l’hôtellerie et de la restauration par exemple – que nous avons besoin de ces personnes pour faire tourner l’économie.

Quel intérêt aurions-nous à maintenir ces personnes dans l’illégalité, donc dans la précarité, alors que nous en avons besoin ?

On en a beaucoup parlé, la circulaire Valls présente un défaut majeur, celui de conditionner la régularisation d’un sans-papiers à l’autorisation de son employeur. J’indique que l’amendement de la commission tend justement à réintroduire cette condition ; nous y reviendrons, puisque nous nous y opposerons lors de la discussion de cet amendement.

La circulaire Valls présente un second défaut, celui de laisser la décision de régularisation au libre arbitre du préfet. Or, vous le savez sans doute, monsieur le ministre – encore faudrait-il que vous le reconnaissiez ou, plutôt, que vous y fassiez face –, le traitement des dossiers est totalement hétérogène selon les préfectures. C’est du reste sans doute la raison pour laquelle vous affirmiez, pour justifier votre réforme, que la carte de séjour temporaire « salarié » était octroyée de droit.

En revanche, la circulaire Valls présente l’avantage de s’appliquer à l’ensemble des secteurs professionnels, et pas seulement aux métiers en tension, comme le prévoit le dispositif prévu dans ce projet de loi. Sur ce point aussi, il faudra revenir tout à l’heure.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Voilà pourquoi nous soutenions le dispositif de l’article 3 et pourquoi nous allons combattre une mesure désormais trop restrictive.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Reconnaissons que l’article dans sa rédaction initiale et celui qui va être soumis à notre examen ne sont pas tout à fait identiques. S’ils l’étaient, nous n’en serions pas là…

Cet article a déjà fait couler beaucoup d’encre et beaucoup fait parler. Cela étant, ce qui nous satisfaisait dans les intentions qui ont conduit à son élaboration, c’était que le dispositif mettait fin à l’une des principales difficultés que pose la circulaire Valls, à savoir la possibilité offerte aux employeurs de travailleurs sans-papiers d’autoriser ou non leur régularisation. On comprend bien les raisons, notamment philosophiques, pour lesquelles il était difficile d’accepter une telle démarche.

Finalement, nous avons un débat sur la méthode. J’entends la crainte – si je puis dire – exprimée par de nombreux collègues ici, ce soir : cette mesure pourrait constituer une porte ouverte, un appel d’air permettant l’afflux de dizaines, voire de centaines de milliers – je laisse à chacun le soin d’apprécier l’étendue du « risque » – de travailleurs sans-papiers.

À mon sens, on se trompe de débat ! Aujourd’hui, ces femmes et ces hommes sont déjà présents sur notre territoire. Notre collègue de la Loire-Atlantique l’a rappelé : ce sont celles et ceux qui travaillent actuellement dans nos usines, dans les entreprises agricoles, qui construisent et qui rendent possible le Paris des jeux Olympiques et Paralympiques de l’été 2024.

Très sincèrement, je ne pense pas que cet article créera un appel d’air. En revanche, il permettra à ces gens d’être en conformité avec la loi. Et je ne doute pas, comme vous l’avez dit, mes chers collègues, que vous ferez preuve de la même vigilance pour sanctionner les employeurs qui, consciemment, emploient aujourd’hui des sans-papiers de manière irrégulière.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Qu’est-ce qu’une travailleuse ou un travailleur sans-papiers ? Il est bon d’y revenir, car j’ai l’impression que l’on parle sans savoir de quoi il s’agit.

À mon sens, ce sont des travailleuses et des travailleurs, c’est-à-dire des personnes qui exercent un métier ou une activité, qui permettent à notre pays de fonctionner – cela a été notamment le cas pendant la crise du covid-19 – et qui continuent d’aider notre pays à avancer.

M. Stéphane Ravier. Non, ce sont des hors-la-loi !

M. Guillaume Gontard. Quand vous vous rendez dans un hôtel, ce sont toutes ces femmes, ces hommes qui s’occupent du ménage et qui accomplissent des tâches indispensables.

Certes, ces personnes n’ont pas de papiers, mais elles peuvent travailler. C’est d’ailleurs cette question qu’il faudrait se poser : comment se fait-il qu’elles aient la possibilité de travailler ?

Pour notre part, nous revendiquons ce droit au travail et demandons même un droit au travail inconditionnel, car le travail est un facteur d’émancipation, un lieu d’intégration.

La mise en œuvre du droit au travail inconditionnel nous éviterait en outre tous ces débats sur le travail illégal et la meilleure manière d’y mettre un terme. Il faut que ces salariés soient encadrés.

Pour suivre tous nos débats depuis lundi, je m’interroge : que vous arrive-t-il, mes chers collègues de droite ?

Hier, vous avez procédé à une descente en règle de la valeur famille : cette dernière ne serait plus le lieu de l’émancipation ni celui de l’intégration. Il faudrait tout faire et tout mettre en œuvre pour l’éviter.

Ce soir, c’est la valeur travail que vous mettez en cause, celle dont vous nous avez tant parlé et qui ne serait plus celle sur laquelle il faudrait tout miser. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. Personne n’ignore ici que notre société ne fonctionnerait pas sans ces dizaines de milliers de travailleurs sans-papiers.

Chacun sait par exemple que la France ne disposerait pas de la même puissance économique touristique, tout particulièrement en région parisienne, sans toutes ces personnes qui travaillent dans les restaurants, dans l’accueil et qui participent à la richesse de la France. (Mais si ! sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. Stéphane Ravier. C’est faux !

M. Ronan Dantec. Sans ces travailleurs, la France serait une puissance affaiblie. Que vous, mes chers collègues de la droite, vouliez une France affaiblie nous étonne un peu, mais, après tout, vous êtes assez constants dans l’effort. (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Bruno Retailleau vient de parler de fraudeurs. Le terme surgit enfin dans le débat.

Ces travailleurs, qui permettent à notre pays de s’enrichir, seraient en réalité des fraudeurs.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Oui, c’est ça !

M. Ronan Dantec. En revanche, ceux qui les embauchent n’en seraient pas vraiment, puisqu’aucun d’entre vous n’a déposé d’amendement visant à durcir les sanctions à l’égard de ces petits patrons de restaurant qui emploient deux ou trois sans-papiers ou même de ces grands groupes industriels qui, de filiale en filiale, ont recours à de nombreux étrangers en situation irrégulière.

J’attends vos amendements, mes chers collègues !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il y en a !

M. Ronan Dantec. N’oublions pas un dernier fraudeur, l’État lui-même, qui perçoit à cette occasion des cotisations, qui resteront par définition dans ses caisses.

Aujourd’hui, mes chers collègues de droite, il me semble que vous participez à cette France du non-droit qui, précisément, déstabilise la société française. En tolérant autant de situations de non-droit, en vous mettant au service de leur renforcement, vous devenez les agents de cette déstabilisation manifeste de la société française, alors que notre responsabilité de parlementaires est, à l’inverse, de renforcer la cohésion de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Franck Montaugé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, le projet de loi, dans sa version initiale, était censé améliorer l’intégration des étrangers.

Citez-moi une seule mesure allant dans ce sens. On n’en trouve nulle part ! Injustice partout ; justice et humanité nulle part ! Initialement, le texte en comportait peut-être une ébauche, même si elle était évidemment bien insatisfaisante.

L’article 3 permettrait de régulariser des travailleurs sans-papiers, ce pour quoi certains d’entre vous, mes chers collègues de droite, plaident de manière hypocrite, le ministre ayant lui-même révélé qu’il disposait d’une liste de plusieurs parlementaires y étant favorables (M. le ministre fait un geste de dénégation.), après qu’ils ont pris conscience de l’utilité de ces travailleurs. Cette utilité est d’ailleurs manifeste, puisqu’ils exercent les métiers les plus pénibles.

Mes chers collègues, bien évidemment, vous ne réclamez pas ces régularisations publiquement, mais vous le faites tout de même, tout simplement parce que vous vous êtes rendu compte que ces sans-papiers sont utiles pour la France.

Ce serait à l’honneur de notre pays que de les régulariser. Ce serait en tout cas préférable à ce que nous faisons depuis vingt ans, à savoir passer notre temps à transformer les immigrés en chair à canon électorale (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et à leur taper dessus. C’est cela qui divise notre pays ! Cela ne l’apaise en rien !

Avec vous, c’est la course à l’échalote permanente avec l’extrême droite. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Et la Nupes alors ?

M. Yan Chantrel. Je pense que les grands républicains qui vous ont précédés auraient honte de vous et du débat qui a cours depuis que nous avons commencé l’examen de ce texte.

Vous allez finir par n’avoir de républicain que le nom. Vous glissez sur une pente fatale : plus vous irez vers l’extrême droite, plus elle sera abrupte. Vous ne faites que la renforcer en reprenant les arguments des lobbies.

En réalité, le problème, ce n’est pas l’immigré, c’est la fiche de paie. C’est d’ailleurs pourquoi il faut contribuer à la régularisation des travailleurs sans-papiers, qui sont utiles pour notre pays et qui participent pleinement à l’économie et au fonctionnement de notre société.

Il serait sage qu’à un moment donné la représentation nationale montre davantage de reconnaissance envers ces personnes et cesse de les pointer du doigt en permanence. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.

M. Philippe Bas. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je trouve les postures accusatoires et moralisatrices parfaitement déplacées.

Que ceux qui défendent l’idée que la fraude peut être créatrice de droits ne revendiquent pas pour leur compte la morale et ne nous accusent pas d’hypocrisie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Thomas Dossus rit.)

Par ailleurs, la solution prévue à l’article 3 était celle de la paresse de la puissance publique. (M. Thomas Dossus sexclame.) C’est la solution de la résignation à ne rien faire pour que les emplois disponibles soient pourvus soit par des Français, soit par des étrangers en situation régulière.

Enfin, nous ne pouvons absolument pas accepter que soit créé un droit à la régularisation, comme le voulait le Gouvernement et comme l’a encore défendu le ministre tout à l’heure. Une telle mesure nous paraît totalement insoutenable.

Que des régularisations soient possibles par l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de l’État, pour récompenser des conduites exceptionnellement vertueuses (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) et pour permettre l’assimilation d’un certain nombre d’individus à la société française, pourquoi pas ?

En revanche, nous ne pouvons en aucun cas soutenir l’idée selon laquelle il faudrait créer un droit opposable, comme le Gouvernement le voulait, et ce en raison des principes qui sont les nôtres – eh oui, mon cher collègue Chantrel ! –, des principes républicains que j’aimerais d’ailleurs voir mieux partagés dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, sur l’article.

M. Christian Bilhac. Nous en sommes enfin parvenus à l’article 3.

Vous le savez, mes chers collègues, nous, les membres du groupe RDSE, adorons le débat (Sourires.), parce que nous pensons que c’est l’essence de la vie parlementaire. Nous aimons également les amendements, car ils font partie intégrante du travail parlementaire.

Je n’irai pas jusqu’à dire, comme l’a fait mon collègue Philippe Bas, que l’article 3 est celui de la paresse, mais nous sommes là pour amender un texte imparfait et faire en sorte de trouver des solutions. Notre travail doit contribuer à ce que ce texte soit plus proche de la réalité et réponde aux attentes.

Mes chers collègues, la semaine prochaine, nous examinerons le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je vous rappelle que ce budget est en déficit – ce n’est pas nouveau, mais cela perdure. Permettez-moi de vous dire que, si nous arrêtions tous les étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans les champs, les arrière-boutiques de restaurant ou sur les chantiers du BTP, cela ferait bizarre ! Ne nous cachons pas la tête dans le sable comme les autruches : ce phénomène existe, mais il doit disparaître.

J’ai entendu les critiques sur la possible automaticité des droits à la régularisation que créerait cet article. Peut-être que c’est vrai et peut-être qu’un tel automatisme n’est pas souhaitable dans le cadre d’un projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration.

Plusieurs solutions sont possibles. J’ai ainsi entendu dire qu’il reviendra aux préfets de prendre les décisions.

Pardonnez-moi, mais je suis bien placé pour savoir qu’à la préfecture de Montpellier, par exemple, il y a des piles de dossiers de régularisation en attente d’être traités – elles atteignent le mètre ! Dans ces conditions, soit il faut mettre davantage de moyens, soit il est peut-être préférable que le préfet n’instruise pas tous les dossiers et se voit accorder un droit de veto, de sorte à réduire les délais.

Monsieur Bas, vous avez parlé de paresse tout à l’heure. À mon sens, supprimer cet article 3 par amendement plutôt que l’amender sur le fond est également une solution de facilité. (M. Mickaël Vallet applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek, sur l’article.

M. Christopher Szczurek. L’article 3 est mort, vive l’article 3 ! Voilà donc le résultat des tractations de la journée.

Si l’amendement que la majorité sénatoriale présentera tout à l’heure vise à limiter à la marge la scandaleuse campagne de régularisation massive que proposait le Gouvernement, il ne réglera en rien le problème principal, qui est au fondement de cette injustice.

En ouvrant la possibilité de la régularisation a posteriori d’un étranger ne respectant pas la loi, employé par un patron lui aussi dans l’illégalité, vous maintenez ouvertes les fenêtres d’une maison déjà exposée aux quatre vents.

L’amendement de la commission des lois n’a aucune justification économique ou sociale : avec 2 millions de chômeurs et 3 millions de sous-employés, l’économie française peut répondre sans immigration à cette prétendue crise de main-d’œuvre qui n’est qu’une crise des salaires et des conditions de travail.

Ne vous en déplaise, les Français ne sont pas des fainéants, mais ils ne peuvent continuer à exercer des métiers difficiles pour des salaires de misère à des dizaines de kilomètres de chez eux, alors que le coût de l’énergie et des carburants continue d’exploser et que les conditions de logement se dégradent toujours davantage.

N’en déplaise à la gauche, la régularisation des sans-papiers alimente l’exploitation des personnes en situation précaire et, fatalement, en situation de faiblesse. Elle valide a posteriori des pratiques condamnables au premier sens du terme, puisqu’elles sont illégales.

La gauche continue de constituer son armée de réserve électorale, la même que Marx appelait l’armée de réserve du capitalisme (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.), puisque c’est le dumping social qui s’organise avec une pression à la baisse sur les salaires.

Ne soyez pas naïfs : à ces régularisations succéderont de nouvelles arrivées de clandestins, lesquelles en arrangent certains.

Ni la situation des travailleurs français ni celle de ceux qui sont venus d’ailleurs, dont on fait des esclaves, ne s’améliorera.

Nous dénonçons cette capitulation, car…

M. Mickaël Vallet. Vous préférez les armistices !

M. Christopher Szczurek. … elle préserve la responsabilité du politique, qui se défausse encore sur les préfets.

Nous aurions pu envisager le vote de ce projet de loi si l’article 3 avait été purement et simplement supprimé, sans contrepartie. À nos yeux, ce texte n’est plus acceptable en l’état. (M. Joshua Hochart applaudit.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Ce n’est pas grave !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, sur l’article.

M. Francis Szpiner. Nous défendons bel et bien la valeur du travail. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Szpiner a la parole !

M. Francis Szpiner. Vous devriez vous interroger sur le fait que certains emplois ne sont pas pourvus par nos compatriotes. Est-ce lié au niveau des salaires ou à un manque de formation ? Cette situation pose en tout cas un certain nombre de problèmes que vous ne voulez pas voir.

Je vous invite à relire les propos de M. Georges Marchais sur l’immigration. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

J’en viens à l’idée que vous essayez de faire passer, à savoir qu’il y aurait une sorte de jeu de bonneteau juridique : l’article 3 que nous abrogeons et l’article 3 reconstitué seraient jumeaux. Eh bien non !

Le Gouvernement voulait créer un droit opposable. Cela vous arrangeait, puisque votre position consiste à dire que, puisque nous ne pouvons rien faire, il faut laisser la crise s’aggraver. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Mais non, ça, c’est la droite !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est l’inverse !

M. Francis Szpiner. On peut penser, comme M. Jadot, que l’immigration ne pose aucun problème, mais, manifestement, nous ne vivons pas dans le même monde !

La différence entre vous et nous, c’est que nous considérons que la politique doit refuser de céder à l’administration.

M. Ian Brossat. C’est l’inverse, c’est vous qui renvoyez la responsabilité aux préfets !

M. Francis Szpiner. Nous préférons exercer le pouvoir et affirmons que c’est à l’autorité politique de décider qui peut être régularisé.

La volonté politique de contrôler l’immigration est aux antipodes d’un droit opposable. Oui, nous voulons contrôler les flux migratoires : ce n’est pas en disant aux personnes étrangères qu’elles peuvent venir en France et rester dans la clandestinité, parce que cela leur permettra d’être régularisées plus tard, que l’on respecte leur dignité ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. Stéphane Ravier. La gauche Terra Nova !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur Szpiner, vous semblez avoir de la mémoire politique, puisque vous avez cité Georges Marchais : permettez-moi de vous dire que celui-ci était non pas contre l’immigration, mais contre le capitalisme !

M. Stéphane Ravier. Il était aussi contre l’immigration !

M. Pascal Savoldelli. La vérité étant rétablie, j’en viens à l’article 3.

J’écoute nos débats de manière très apaisée. J’ai notamment écouté attentivement les interventions du président Retailleau et du ministre Darmanin, et je constate qu’ils disent exactement la même chose !

M. Francis Szpiner. Pas du tout !

M. Pascal Savoldelli. Ainsi, monsieur le ministre, vous avez expliqué qu’il était impossible de régulariser un étranger sans-papiers si l’employeur ne l’autorisait pas.

M. Gérald Darmanin, ministre. Tout à fait ! C’est bien ce que j’ai dit tout à l’heure !

M. Pascal Savoldelli. Il n’y a rien de grave à cela. Je le dis en responsabilité et en toute honnêteté intellectuelle.

Cela est vrai pour les patrons dans le secteur privé, dans le secteur marchand – plusieurs exemples ont été cités –, mais c’est également vrai dans le secteur public.

Monsieur le ministre, puisqu’il faut toujours choisir la voie de l’apaisement, je parlerai de faux-semblant, plutôt que d’hypocrisie : comment expliquer en effet que, dans mon département, un certain nombre de travailleurs sans-papiers fassent le piquet de grève depuis vingt-trois mois, alors qu’ils sont salariés de Chronopost, autrement dit La Poste, dont le capital est en partie détenu par l’État ?

Vous devez être au courant de la situation, monsieur le ministre, puisque vous êtes l’un des donneurs d’ordre. Pourtant, vous ne régularisez pas ces travailleurs…

Mes chers collègues, dans le cadre des discussions un peu vives qui nous animent depuis maintenant quelques jours, je me permets de vous poser la question suivante : pourquoi le Parlement et le Gouvernement ont-ils décidé d’ignorer que des milliers de travailleurs sans-papiers sont victimes de ce conflit social ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. À l’instar de mon collègue, je suis choquée de constater que l’on ne s’intéresse plus aux sans-papiers, alors même que ceux-ci ne cessent de travailler.

De fait, on ne s’imagine pas qu’ils sont en situation irrégulière. Pourtant, la presse s’est fait l’écho de certaines affaires, notamment à Paris, au Fouquet’s par exemple : personne n’aurait jamais cru que des sans-papiers y travaillaient. Or c’est le cas !

On trouve aussi beaucoup de travailleurs en situation irrégulière dans les filiales de La Poste, comme Pascal Savoldelli vient de l’indiquer. En ce moment même, l’État propose des aides à l’installation de panneaux photovoltaïques : je peux vous dire que de nombreux étrangers travaillent pour cette filière ! Il y en a partout !

Ce qui m’étonne le plus, c’est la nature de vos relations avec le Medef, mes chers collègues.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ah !

Mme Michelle Gréaume. En règle générale, les chefs d’entreprise, quand on discute avec eux – je le fais moi aussi ! –, disent qu’ils ne trouvent personne pour faire le travail. Voilà pourquoi ils s’adressent à des sans-papiers, des personnes volontaires, qui ne mendient pas et qui ont envie de travailler.

Ces étrangers travaillent et sont présents partout sur notre territoire : c’est la seule vérité qui vaille !

Nous sommes nombreux à pouvoir vous parler des travailleurs sans-papiers : il s’agit de personnes courageuses, qui ne traînent pas dans la rue pour mendier, qui se lèvent tous les matins malgré des conditions de vie difficiles.

Aujourd’hui, il est indispensable de régulariser toutes ces personnes. Discutez un peu avec le patronat, regardez un peu autour de vous : vous verrez ce que les patrons vous diront. Je pense que vous serez très déçus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Stéphane Ravier sexclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Ros, sur l’article.

M. David Ros. Si j’ai bien compris, l’article 3 est le tournant des débats.

Permettez-moi de vous lire un extrait d’un article paru hier dans Les Échos : « Au moment où l’examen du projet de loi sur l’immigration, qui prévoit la régularisation sous conditions des étrangers irréguliers dans les métiers en tension, a démarré en plénière au Sénat, l’étude apporte sa contribution au débat : elle juge que la France gagnerait à s’ouvrir davantage aux minorités et aux immigrants. Des pays comme le Canada ou Singapour ont su gérer le sujet de l’immigration de façon à le rendre acceptable pour leur opinion publique et leur économie. »

Difficile de considérer Les Échos comme un organe de propagande des partis de gauche. (Sourires.) L’étude citée a été publiée par l’Insead (l’Institut européen d’administration des affaires), l’Institut Descartes et le Human Capital Leadership Institute.

Monsieur le ministre, vous conduisez la voiture gouvernementale. Avec l’article 3, elle marquait un virage à gauche, après tous les virages à droite que nous avons connus ; or vous semblez vouloir tourner aussi à droite dans ce virage qui part à gauche.

Faites attention, car vous risqueriez de conduire le Gouvernement et la France à droite, non pas vers M. Ravier, mais dans les graviers. Ce serait un déshonneur pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Thomas Dossus applaudit également.)