Mme Sophie Primas. Et pas chers !

Mme Antoinette Guhl. Nous voulons sortir au plus vite de ce système à deux vitesses où les plus pauvres se voient obligés de se tourner vers du « pas bon pas cher » et qui, du fait de l’inflation, n’est même plus pas cher.

Manger des produits sains et en quantité suffisante devrait être un droit.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Nous sommes bien d’accord.

Mme Antoinette Guhl. C’est d’ailleurs ce que nous proposons, madame la ministre, au travers de la sécurité sociale de l’alimentation qui vise à garantir un droit à toutes et tous à un accès suffisant à une alimentation saine et nutritive.

C’est une réponse innovante, inclusive, égalitaire pour lutter contre la précarité. Et ce n’est pas une utopie, mes chers collègues : c’est une politique publique qui est déjà menée, puisqu’elle est en cours d’expérimentation ou qu’elle le sera prochainement à Lyon, Marseille, Montpellier, Toulouse, Grenoble et Bordeaux, avec l’appui du tissu local, des associations d’aide alimentaire et des structures d’utilité publique.

C’est ambitieux, mais c’est cela que les Françaises et les Français exigent de nous dans nos territoires.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste penche plutôt vers un vote contre, mais nous nous déterminerons à l’issue de nos débats, en fonction des réponses qui auront été apportées à nos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Bruno Belin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de très nombreux Français se débattent toujours avec les difficultés du quotidien et des fins de mois.

L’inflation – je veux le rappeler – est l’un des moyens permettant d’atténuer l’énorme dette contractée par la France au cours des dernières années. Elle est le fait, non pas du hasard, mais d’une volonté politique objective de la laisser se développer. Le Gouvernement en porte en grande partie la responsabilité.

Pour nos compatriotes qui en paient les conséquences, l’inflation affecte au-delà de l’acceptable leur pouvoir de vivre normalement, et même dignement pour beaucoup d’entre eux.

À l’instar de ce que nous avons vécu au cours des dernières années, notamment de multiples dispositifs de soutien de l’économie, il aurait été nécessaire que vous nous présentiez un texte de protection des ménages les plus modestes contre les effets de l’inflation, madame la ministre. (Mme la ministre déléguée proteste.) Telle n’est visiblement pas l’ambition politique du Gouvernement.

Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, issu du groupe Renaissance, affirme lui-même que « ce texte n’a pas d’ambition de réforme des relations commerciales », et qu’il est « juste un texte d’urgence ».

Reste qu’il fallait faire un geste, alors vous le faites, madame la ministre. Il s’agit d’un geste symbolique, qui n’aura pas d’effets, ou très peu, quand ceux-ci ne seront pas négatifs pour certains acteurs de la chaîne alimentaire.

Sur le fond, ce texte inquiète plus qu’il ne rassure. Les agriculteurs pourraient notamment très vite faire les frais des modifications des dates de négociation prévues.

Fondamentalement, madame la ministre, le texte que vous nous présentez ne répond donc à aucun problème structurel de la filière agroalimentaire. Il s’inscrit dans la continuité des lois Égalim 1, 2 et 3, en attendant la prochaine.

La démarche des États généraux de l’alimentation a suscité de grandes espérances. Elle n’a pas permis de répondre aux attentes des agriculteurs et des transformateurs en matière de partage équitable de la valeur.

Vous avez annoncé, madame la ministre, le lancement d’une mission gouvernementale transpartisane afin de réfléchir à une réforme du cadre global des négociations commerciales. C’est donc que vos politiques ont échoué. Il est bon de le reconnaître ! (Mme la ministre déléguée rit.)

Nous sommes prêts à prendre notre part de ce travail de refonte au service des acteurs agricoles, des acteurs industriels et des consommateurs, mais rien d’efficace ne sera possible si l’on ne revient pas sur certains principes et mécanismes de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME.

Il conviendra également de se poser la question de la juste valeur du travail de production pour chaque maillon de la chaîne alimentaire dans un contexte de transition écologique dont les opportunités et les contraintes doivent être objectivement valorisées.

La prochaine loi d’orientation agricole devra répondre à ces enjeux. Il convient qu’elle constitue la déclinaison dans le secteur agroalimentaire de la planification écologique récemment annoncée par Mme la Première ministre.

Son périmètre de discussion devrait nous permettre de revenir sur la ressource en eau et les aménagements qu’elle emporte, le développement et la valorisation des externalités positives de l’agriculture, par exemple par un déploiement du dispositif des paiements pour services environnementaux (PSE), la recherche d’une meilleure gestion des risques – je redoute à cet égard l’atterrissage de la loi Égalim 3 –, ainsi que d’une meilleure prise en compte des zones défavorisées, qui doivent demeurer des territoires de production, la transmission du foncier et la pérennité des structures, et, enfin, la formation et l’accompagnement de nouvelles générations issues ou non du milieu agricole.

Nous avons également urgemment besoin d’un grand projet stratégique de transformation et de valorisation des produits filière par filière.

La loi d’orientation agricole devra couvrir l’ensemble de ce périmètre en abordant les difficultés de manière réaliste.

En conclusion, le présent texte, même amendé, ne répondra pas aux besoins urgents des Français. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra, en attendant que nous débattions des sujets structurants pour l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue les efforts constants de la commission des affaires économiques pour combattre l’inflation.

Madame la ministre, vous l’aurez compris, notre assemblée émet des doutes sur le présent texte. S’agit-il d’un texte d’affichage ? Êtes-vous animée d’une réelle bonne volonté ? Jouez-vous au poker menteur ?

Au Sénat, nous sommes convaincus qu’il faut surveiller la grande distribution comme le bon lait du Poitou ou de Bretagne sur le feu.

Mme Nathalie Goulet. Et de Normandie ! (Sourires.)

M. Bruno Belin. Et de Normandie, ma chère collègue. Dans cet hémicycle, l’on ne peut pas citer une région sans être immédiatement repris. (Nouveaux sourires.)

Nous pensons également qu’il y a eu beaucoup de maladresses, dans un contexte qui est loin d’être une mer calme pour le consommateur.

Je pense d’abord au Gouvernement, madame la ministre. Comment Matignon a-t-il pu communiquer sur la vente du carburant à perte, sans songer à l’avenir des petits pompistes et des autres commerces et sans mesurer que la grande distribution se rattraperait sur la marge d’autres produits, au détriment des consommateurs ? (Mme la ministre déléguée fait un signe de dénégation.)

Je pense ensuite à la grande distribution. Alors que tous les boulangers font face à une hausse des coûts de l’énergie de 300 % – Daniel Gremillet l’a rappelé – entraînant fermeture sur fermeture, la grande distribution communique sur la baguette à 29 centimes. Quelle maladresse !

Nous l’avons bien compris, madame la ministre, en dépit des lois Égalim 1, Égalim 2 et Égalim 3, un bras de fer permanent est engagé entre la grande distribution, d’un côté, et les agriculteurs, éleveurs et producteurs, de l’autre.

Dans la chambre des territoires, ici, à cette tribune, il faut avoir une pensée pour les agriculteurs, éleveurs et producteurs qui font vivre notre pays ! (MM. Pierre Cuypers et Franck Menonville applaudissent.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ce sont des actes qu’ils veulent !

M. Bruno Belin. Il faut avoir aussi une pensée pour le commerce de proximité, qui n’a pas été évoqué à ce stade de nos débats, alors que la crise du covid-19 a montré qu’il était indispensable partout dans nos territoires. Là aussi, il faut un équilibre.

La France que l’on aime, ce n’est pas celle des ronds-points et des zones commerciales. C’est celle des provinces riches de leurs commerces et de leurs marchés !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Vous n’aimez pas les zones commerciales ?

M. Bruno Belin. Non, la France que l’on aime, c’est celle de l’aménagement du territoire !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. C’est absurde !

M. Bruno Belin. Cet équilibre est indispensable, car n’oubliez pas que les populations vivent là où les services survivent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven.

M. Yves Bleunven. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux que ma première intervention devant la Haute Assemblée porte sur les négociations commerciales, car c’est un joli clin d’œil à ma carrière professionnelle qui a duré près de vingt-cinq ans.

Doté d’un titre évocateur et d’une ambition louable, ce projet de loi est pourtant celui de toutes les incertitudes.

Incertitude, d’abord, quant à ses effets réels pour les Français.

Si le Gouvernement se targue d’agir en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens, les effets concrets d’un avancement de la date butoir du cycle des négociations commerciales restent hypothétiques, comme l’a souligné l’excellent travail de notre rapporteure Anne-Catherine Loisier.

La tendance baissière des prix annoncée par le Gouvernement n’est pas toujours une réalité dans les nombreux secteurs, comme l’agroalimentaire, dont le prix de revient des produits reste très élevé. Toute baisse du prix de vente pourrait alors revenir à punir, par ricochet, nos entreprises si le coût pour les fournisseurs ne baisse pas dans des proportions similaires.

Incertitude, ensuite, quant aux conséquences pour nos petites et moyennes entreprises.

La compression de la période de négociation n’est en aucun cas synonyme d’un pouvoir de négociation renforcé. Cet avancement soudain de la date prendra en effet nos entreprises au dépourvu : elles disposeront de moins de temps pour négocier et pourront être plus facilement mises sous pression par les distributeurs.

Ainsi, dans le secteur avicole, de nombreux acteurs de mon département, le Morbihan, m’ont rappelé qu’entre la campagne commerciale de fin d’année et la période des négociations salariales annuelles ils seront déjà très occupés. L’obligation de négocier leur nouveau contrat avec les distributeurs à cette période, dans un laps de temps raccourci, sera donc particulièrement contre-productive.

Mes chers collègues, en tant qu’élus de la chambre des territoires, il est de notre devoir de dénoncer les textes iniques et hors sol quand ils nous sont soumis. Or ce projet de loi a tout l’air d’appartenir à cette catégorie…

Nous devons au contraire agir sur les racines structurelles de l’inflation afin de la combattre. Attaquons-nous aux facteurs conduisant à la hausse du prix de revient des produits de la grande distribution – l’énergie certes, mais pas seulement. Essayons d’agir concrètement pour diminuer le coût des matières premières, du transport ou de la transformation des produits. Protégeons l’ensemble de nos entreprises en desserrant l’étau qui les contraint, car ce sont elles qui font vivre nos territoires.

Dans un contexte inflationniste, les consommateurs arbitrent désormais leurs achats au profit des premiers prix et des marques de distributeur. Tout cela se fait au détriment des produits labellisés et des produits issus de l’agriculture biologique.

Cette situation contribue fortement à la dégradation de la marge brute du mix produit et favorise le recours aux importations. À ce titre, mes chers collègues, je crois plus que jamais qu’il est nécessaire de tout faire pour renforcer notre souveraineté agricole et alimentaire. Cela passera par une réelle lutte contre l’inflation et par une véritable politique de soutien à nos entreprises, afin de renforcer leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux.

Nous devons nous garder de légiférer à outrance et de voter des lois de circonstance ou d’affichage.

Conscients des limites de ce texte, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de son adoption dans sa version modifiée par notre rapporteure et la commission des affaires économiques. Nous souhaitons toutefois que le Gouvernement travaille très rapidement sur les racines structurelles de l’inflation et qu’il cesse de se lancer dans des projets de loi aux effets hypothétiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il est bientôt treize heures. Si tel est le souhait du Gouvernement et de la commission des affaires économiques, nous pourrions poursuivre nos travaux pour achever l’examen de ce texte, sur lequel quatorze amendements ont été déposés, sous réserve que vous vous engagiez à faire preuve de concision, mes chers collègues.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Nous passons donc à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 11

Article 1er

I. – Les dispositions du présent article s’appliquent à tout distributeur de produits de grande consommation exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire dans ses relations commerciales avec tout fournisseur, sans remettre en cause le principe d’annualité régissant les conventions commerciales mentionnées aux articles L. 441-3, L. 441-4 et L. 443-8 du code de commerce, ni l’accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante mentionné à l’article L. 410-5 du même code.

Elles s’appliquent également à toute convention entre un fournisseur et un distributeur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français, y compris à celles conclues avec une pharmacie d’officine définie à l’article L. 5125-1 du code de la santé publique ou avec un groupement de pharmaciens d’officine.

Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage.

II. – Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à leur forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441-3 et au B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 31 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 1er février 2024.

Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à leur forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441-3 du même code de commerce et au B du V de l’article L. 443-8 dudit code, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024.

Par dérogation, le terme des conventions mentionnées au premier alinéa du présent II est fixé au jour précédant la date à laquelle doit être conclue au plus tard la nouvelle convention entre les parties en application, selon le cas, du IV de l’article L. 441-3 ou du B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, en 2025 pour les conventions d’une durée d’un an et, respectivement, en 2026 ou en 2027 pour les conventions d’une durée de deux ou trois ans.

Les conventions en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 prennent automatiquement fin :

1° Le 31 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er février 2024 ;

2° Le 15 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er janvier 2024.

III. – Par dérogation au VI de l’article L. 441-4 et au B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard deux mois avant le 31 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros ou avant le 15 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros.

Par dérogation au C du même V, le distributeur dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception des conditions générales de vente pour soit motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, le refus de ces dernières ou, le cas échéant, les clauses des conditions générales de vente qu’il souhaite soumettre à la négociation, soit notifier leur acceptation.

IV. – Tout manquement au II du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 5 000 000 € pour une personne morale, par infraction constatée.

Tout manquement au III du présent article est passible de l’amende administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce.

V. – Pour l’application aux conventions mentionnées au présent article du II de l’article 9 de la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les dates du 1er mars et du 1er avril sont remplacées, respectivement, par les dates du 31 janvier 2024 et du 29 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, supérieur ou égal à 350 millions d’euros ou par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, inférieur à 350 millions d’euros.

VI. – Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à relever les manquements au présent article dans les conditions et avec les pouvoirs mentionnés aux articles L. 450-2 à L. 450-10 du même code.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Comme l’a indiqué notre rapporteure, que je remercie du travail qu’elle a accompli, ce projet de loi acte l’échec d’une politique de soutien au pouvoir d’achat des Français que l’on ne peut qualifier aujourd’hui que d’erratique.

Face à un texte fort modeste, dont les effets sont de plus particulièrement incertains, la commission que je préside a pris le parti, non pas de rejeter ce texte, mais de l’examiner et de l’amender avec pour ligne de conduite la défense et la protection de nos PME et de nos ETI sur l’ensemble de nos territoires.

Nous pensons en effet que celles-ci auraient été davantage fragilisées sans les modifications que nous avons introduites. Nous avons en outre souhaité apporter un certain nombre d’ajustements.

Nous avons jugé indispensable de préserver les délais de négociation afin d’éviter que des négociations complexes ne s’ouvrent pendant la période des fêtes de fin d’année. C’est pourquoi la commission a décidé de reporter la date limite de clôture des négociations et a souhaité introduire le principe de différenciation, en fixant la date limite au 15 janvier pour les PME et les ETI et au 31 janvier pour les grands groupes – soit deux phases.

Nous consacrons ainsi dans la loi le principe de différenciation des phases de négociation selon la taille des entreprises. C’était une évidence pour un certain nombre d’entre nous dans cet hémicycle.

De plus, dans le contexte actuel fait de tensions, d’attaques et d’invectives, nous ne pouvions pas laisser nos PME et nos ETI seules face à la grande distribution.

Seule une négociation anticipée permet aux PME d’obtenir un bon référencement. Dans le cas inverse, il aurait été plus que probable que les grands groupes qui fournissent la grande distribution et disposent de centaines de références remplissent les rayons, ne laissant que des miettes aux PME.

Il nous a donc paru essentiel d’inscrire ce principe de différenciation dans la loi, au risque – nous en avons bien conscience – d’encourager les contournements.

À l’inverse, si la date de négociation anticipée avait été facultative, comment une PME aurait-elle pu l’imposer à un grand distributeur qui n’en aurait pas voulu ?

De même, le dispositif des chartes, dont vous souhaitiez le maintien, madame la ministre, revenait à s’en remettre au bon vouloir des distributeurs, en laissant de côté de nombreuses PME et ETI.

Vous le savez, mes chers collègues, le rapport de force entre distributeur et fournisseur est structurellement déséquilibré. En tant que législateurs, singulièrement en tant que sénateurs, nous avons considéré qu’il était de notre devoir d’y remédier afin de soutenir résolument les PME et les ETI qui font la richesse et la force de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, sur l’article.

Mme Marianne Margaté. Comme je l’ai indiqué précédemment, ce projet de loi ne répondra pas à l’urgence. Pis, il risque d’avoir un effet contre-productif dans les territoires d’outre-mer.

Permettez-moi à ce propos, mes chers collègues, d’apporter l’éclairage de notre collègue Evelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion et membre de la commission qui n’a pas pu être présente aujourd’hui.

En effet, la situation des outre-mer, en particulier de La Réunion, n’est pas celle de l’Hexagone. Les prix à la consommation étant plus élevés dans tous les départements d’outre-mer – de 9 % à La Réunion et jusqu’à 16 % en Guadeloupe –, la vie chère y est une réalité bien plus prégnante.

Pour les produits alimentaires, les prix payés par les ménages sont de 30 % à 42 % plus élevés. De plus, la grande distribution y est plus fortement concentrée.

Dans ce contexte, avancer la date de négociation commerciale sans étude d’impact spécifique risquait de remettre en cause les équilibres qui ont été trouvés afin de limiter la flambée inflationniste. Comme le soulignent justement de nombreux acteurs, les PME réunionnaises ne pourront pas absorber ces nouvelles contraintes.

Il aurait donc été plus judicieux de réaliser une évaluation fine du bouclier qualité prix, le BQP+ qui propose un panier de 153 produits dont le prix est gelé depuis plus de deux ans. Ce dispositif est certes une bonne chose, mais ses effets sont entravés par des taux de rupture importants. Concrètement, les produits dont le prix a été gelé ne sont plus en rayon et aucun mécanisme de substitution fonctionnelle n’est prévu.

Comme le souligne l’observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion, depuis la signature du BQP+ au mois de novembre 2022, le taux de rupture varie entre 14 % et 27 %, la moyenne en grande distribution s’établissant à 20 %.

La transparence sur la sélection et la qualité des prix ainsi que l’impact réel sur le pouvoir d’achat n’ont pas été suffisamment évalués, tout comme les habitudes de consommation, qui évoluent elles aussi, et qui appellent à un élargissement du panier de produits proposés dans le cadre du BQP+.

Ces réalités n’ont pas été prises en compte par le Gouvernement. Selon nous, l’urgence ne peut pourtant céder le pas à la précipitation.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.

M. Laurent Duplomb. La réalité de ce projet de ce projet de loi est au fond relativement simple, madame la ministre : c’est un ministre de l’économie qui tente de rattraper la communication d’un ministre de l’intérieur qui est sur tous les plateaux de télévision.

La réalité de ce projet de loi, madame la ministre, c’est qu’en politique il n’y a rien de pire que de se laisser intoxiquer par sa propre propagande.

La réalité, madame la ministre, c’est qu’aujourd’hui les industries ont des difficultés pour payer la totalité de leurs charges. J’en veux pour preuve, mais vous connaissez ces chiffres, que cette augmentation – 81 % sur les matières premières agricoles, 50 % sur l’énergie, 50 % sur l’emballage et le transport, etc. – n’a pas été compensée par une augmentation des prix de 67 %.

La réalité, c’est le fiasco de votre politique, madame la ministre, notamment en matière d’énergie, avec ce « en même temps » qui consiste à fermer des centrales, comme celle de Fessenheim, tout en laissant le prix de l’énergie augmenter, de sorte que la facture des entreprises est multipliée par quatre, cinq, six, voire neuf. (M. Thomas Dossus sexclame.)

La réalité, c’est aussi le fiasco de toutes les lois que vous avez fait voter – la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite Agec, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience – et qui ont augmenté les charges de nos entreprises et renforcé les normes auxquelles elles sont soumises.

La réalité, madame la ministre, c’est qu’en avançant les dates butoirs tout en ne faisant pas respecter ce que vous-même avez imposé aux entreprises – les dates butoirs de notification en aval et en amont, les commissaires-enquêteurs, etc. – vous édictez une injonction contradictoire.

La réalité, c’est que vous ramez. Vous souhaiteriez que ce texte entraîne de la déflation, alors que – vous le savez – nous aurons une inflation de 2 % à 4 %.

La réalité, madame la ministre, c’est que ce n’est pas en faisant voter des lois Égalim 4, 5, 6 ou même 7 que vous mettrez un terme à la suprématie de la grande distribution, car celle-ci ne respecte pas les lois.

Faites appliquer la loi à M. Leclerc qui se targue sur tous les plateaux de télévision d’être le chevalier blanc du consommateur, alors qu’il ne respecte ni le principe des marques de distributeur ni les pénalités en matière de logistique ou de dates butoirs !

À ce titre, je me félicite de l’adoption de mon amendement visant à renforcer les pénalités encourues. Il a reçu un avis favorable de la commission, ce dont je la remercie.