Sommaire

Présidence de M. Alain Marc

Secrétaire :

M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

Accord avec le Panama. – Adoption en procédure accélérée du projet de loi dans le texte de la commission.

Accord avec la Macédoine du Nord. – Adoption définitive en procédure accélérée du projet de loi dans le texte de la commission.

4. Conventions fiscales avec le Danemark et avec la Grèce. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances

M. Grégory Blanc

M. Éric Bocquet

M. Raphaël Daubet

Mme Samantha Cazebonne

Mme Florence Blatrix Contat

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Nathalie Goulet

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er et 2 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission.

5. Négociations commerciales dans la grande distribution. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques

Mme Marianne Margaté

M. Henri Cabanel

M. Frédéric Buval

M. Christian Redon-Sarrazy

M. Daniel Gremillet

Mme Corinne Bourcier

M. Franck Menonville

Mme Antoinette Guhl

M. Franck Montaugé

M. Bruno Belin

M. Yves Bleunven

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Mme Marianne Margaté

M. Laurent Duplomb

Amendement n° 17 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 4 de M. Jean-Claude Tissot. – Retrait.

Amendement n° 12 de M. Bernard Buis. – Rejet.

Amendement n° 10 de M. Frédéric Buval, repris par M. Victorin Lurel sous le n° 10 rectifié. – Rejet.

Amendement n° 7 de M. Laurent Duplomb. – Retrait.

Amendement n° 19 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 5 de M. Christian Redon-Sarrazy. – Retrait.

Amendement n° 18 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 2 rectifié de Mme Sophie Primas. – Adoption.

Amendement n° 1 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendements identiques nos 14 rectifié quinquies de M. Stéphane Fouassin et 15 de Mme Audrey Bélim. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 16 de Mme Audrey Bélim. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 11 de M. Frédéric Buval. – Retrait.

Article 2 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Sophie Primas

Mme Antoinette Guhl

Mme Corinne Bourcier

M. Henri Cabanel

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

M. Franck Montaugé

Adoption, par scrutin public n° 19, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

6. Mise au point au sujet de votes

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaire :

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Joseph Ostermann, qui fut sénateur du Bas-Rhin de 1991 à 2004.

3

Conventions internationales

Adoption en procédure d’examen simplifié de deux projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du panama relatif à l’exercice d’activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque état dans l’autre

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre
Article unique (fin)

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l’exercice d’activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, signé à Panama le 7 juillet 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi (projet n° 444 [2022-2023], texte de la commission n° 41, rapport n° 40).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif à l'exercice d'activités professionnelles rémunérées par les membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l'autre
 

projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de macédoine du nord portant application de l’accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à skopje le 5 juillet 2021

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l'accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021
Article unique (fin)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord signé à Bruxelles le 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 812 [2022-2023], texte de la commission n° 43, rapport n° 42).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

M. Akli Mellouli. Le groupe écologiste s’abstient !

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l'accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021
 

4

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Discussion générale (suite)

Conventions fiscales avec le Danemark et avec la Grèce

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (projet n° 549 [2022-2023], texte de la commission n° 36, rapport n° 35).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, cher Vincent Delahaye, mesdames, messieurs les sénateurs, le 4 février 2022, la France et le Danemark ont signé une convention pour éliminer la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et prévenir l’évasion et la fraude fiscales.

Le 11 mai 2022, la France et la Grèce ont, quant à elles, signé une nouvelle convention fiscale, de même nature, qui modernisera et remplacera, sous réserve de sa ratification par le Parlement, la convention fiscale en vigueur signée le 21 août 1963.

La France et le Danemark étaient liés par une convention fiscale, signée à Paris, le 8 février 1957. Elle a cessé de s’appliquer à compter du 1er janvier 2009 à la suite de sa dénonciation par le Danemark en 2008. Le Danemark souhaitait se voir attribuer un droit d’imposition des pensions de source danoise perçues par les retraités résidents en France, alors que la convention attribuait ce droit exclusivement à la France.

Bien que des mesures de droit interne transitoires aient été adoptées respectivement par la France et le Danemark, cette situation n’offrait pas une lisibilité juridique suffisante à nos entreprises et à nos concitoyens.

L’objectif essentiel de la négociation de la nouvelle convention fiscale avec le Danemark était de parvenir à un nouvel instrument juridique bilatéral conforme aux derniers standards en matière fiscale.

La nouvelle convention prévoit une imposition partagée des pensions privées, qui garantit la préservation des recettes fiscales de l’État de résidence des retraités.

Concernant les pensionnés actuellement imposés, une clause dite du grand-père permet de garantir leur sécurité juridique. La France conservera un droit d’imposition exclusif sur les pensions privées de source danoise perçues par ses résidents à la date de signature de la convention, tant que ceux-ci restent en France.

Cette convention améliore la perception fiscale de l’exploitation des ressources naturelles en clarifiant la notion d’établissement stable.

La France a également obtenu l’exonération des indemnités de volontariat international en entreprise dans l’État de résidence. Quelque 76 jeunes effectuant un volontariat international en entreprise au Danemark étaient concernés en janvier 2023.

Enfin, la convention intègre une clause large relative à l’imposition des bénéfices tirés du transport international. La solution novatrice du crédit d’impôt inversé satisfait les deux parties et permet de préserver l’intégralité des recettes fiscales de chaque État, tout en éliminant la double imposition.

Pour rappel, les entreprises danoises emploient 40 000 personnes en France et près de 220 entreprises françaises sont implantées au Danemark.

La nouvelle convention entre la France et le Danemark offre un cadre juridique clair et prévisible aux acteurs économiques, ainsi qu’aux particuliers, et permet une consolidation des échanges économiques entre nos pays.

Au sujet de la convention conclue avec la Grèce, la France et ce pays sont liés par une convention fiscale, signée à Athènes, le 21 août 1963. L’objectif principal de la négociation de ce nouveau texte pour les deux parties était également de moderniser le cadre conventionnel bilatéral pour améliorer la situation des particuliers et le climat des affaires.

Pour les entreprises, la convention prévoit également un traitement favorable du volontariat international en entreprise, la suppression des crédits d’impôts forfaitaires, ainsi que l’abaissement des seuils de retenue à la source pour les dividendes et les intérêts.

En contrepartie de ces mesures, la Grèce pourra mieux reconnaître les lieux d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles sous la forme d’établissements stables, afin de percevoir les recettes fiscales tirées de ces activités.

Pour les particuliers, la nouvelle convention prévoit, à ce jour, non plus un partage d’imposition, mais un principe d’imposition exclusive à la source. Cette disposition a notamment pour vocation de pallier la situation de double imposition dans laquelle des enseignants du lycée français d’Athènes se sont trouvés à partir de 2014. La Grèce a accepté d’appliquer rétroactivement cette imposition exclusive à la source, à compter de l’exercice fiscal de l’année 2015.

Cette convention fiscale permet de renforcer les liens économiques existants entre la France et la Grèce. À titre d’exemple, le total des échanges économiques entre ces deux États s’est élevé à 4,295 milliards d’euros en 2021, et la France s’est hissée du septième au quatrième rang des investisseurs en Grèce en 2020.

L’abaissement des seuils de retenue à la source pour les dividendes et intérêts, ainsi que la suppression des crédits d’impôts forfaitaires, permet de préserver au mieux l’assiette fiscale française. En effet, les investissements directs de la France vers la Grèce sont nettement supérieurs à ceux de la Grèce vers la France.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appellent la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark, d’une part, et la convention entre la République française et la République hellénique, d’autre part, qui font l’objet du projet de loi unique soumis aujourd’hui à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre commission a examiné et adopté, la semaine dernière, ce projet de loi qui prévoit l’entrée en vigueur de deux nouvelles conventions fiscales bilatérales, l’une avec le Danemark, l’autre avec la Grèce.

Comme vous le savez, l’article 53 de la Constitution subordonne l’entrée en vigueur de certains accords internationaux, dont les conventions fiscales, à l’autorisation du Parlement. Les pouvoirs de ce dernier sont néanmoins limités en la matière, étant donné que les projets de loi concernés ont pour unique objet de valider, ou de rejeter, les solutions négociées par l’exécutif.

Alors que le Sénat se trouve être la première assemblée saisie, l’examen de ce texte est d’autant plus attendu que les deux conventions qu’il concerne ont été signées par la France voilà plus d’un an : en février 2022 pour le Danemark et en mai 2022 pour la Grèce. Les solutions négociées n’entreront en vigueur qu’à la condition que la loi soit adoptée par le Parlement.

Sans revenir dans le détail sur les stipulations des deux conventions, qui ont été présentées par Mme la secrétaire d’État au nom du Gouvernement, mon propos se concentrera sur les problèmes pratiques qui ont justifié l’ouverture de nouvelles négociations avec ces deux pays partenaires.

En ce qui concerne l’article 1er, c’est-à-dire la convention fiscale avec le Danemark, la principale difficulté à régler concerne la taxation des pensions. En effet, depuis le 1er janvier 2009, la France et le Danemark ne sont plus liés par aucune convention fiscale. Cette situation résulte du choix unilatéral du Danemark de dénoncer la convention antérieure.

Ce choix avait été motivé par le fait que, sous l’empire de l’ancienne convention, les pensions privées versées aux retraités danois, qui sont relativement nombreux en France, étaient exclusivement imposables par le fisc français.

Cette situation apparaissait déséquilibrée à nos amis danois, dès lors que 1 500 pensionnés danois sont installés en France et que les cotisations versées pendant leur vie active bénéficiaient d’un avantage fiscal au Danemark.

Votre rapporteur relève que cette question excède le seul cas de la France : le Danemark a également dénoncé, en 2008, sa convention fiscale bilatérale avec l’Espagne, et aucune nouvelle convention fiscale entre les deux pays n’a été conclue à ce jour.

Le règlement de ce différend concernant l’imposition des pensions privées était à la fois un préalable à l’ouverture des négociations et l’un des principaux enjeux de l’adoption d’une nouvelle convention bilatérale.

L’accord conclu en février 2022, qui repose sur un mécanisme atypique de crédit d’impôt inversé, permet de dégager une solution qui préserve les intérêts du Trésor public français, tout en rétablissant partiellement le droit du fisc danois d’imposer les pensions privées.

Concrètement, une fois la convention entrée en vigueur, les retraités danois installés en France continueront d’être assujettis à l’impôt français pour l’intégralité des montants de pensions privées qu’ils perçoivent. Néanmoins, ils seront également imposables au Danemark à hauteur de la différence entre l’impôt qui est payé en France et celui qu’ils auraient payé au Danemark sur ces revenus.

En pratique, le Trésor public français conserve l’intégralité de son droit à taxer et le fisc danois se voit octroyer un droit résiduel à taxer, uniquement dans le cas où l’impôt dû au Danemark est supérieur à l’impôt dû en France.

Cette solution est donc sans conséquence sur le montant de nos recettes fiscales prélevées sur les retraités danois installés en France et elle permet de satisfaire la demande danoise de taxer les pensions privées de source danoise.

Il faut enfin préciser que cette solution a été assortie d’une clause du grand-père, selon l’expression désormais consacrée, en application de laquelle le régime transitoire en vigueur, qui permet de maintenir les règles fixées par la convention de 1957 pour les retraités installés en France avant le 28 novembre 2007, continue de s’appliquer.

À cet égard, il convient de souligner que la situation actuelle, c’est-à-dire l’absence de convention fiscale bilatérale franco-danoise, n’est pas favorable au climat des affaires entre les deux pays, alors même que le Danemark est un partenaire économique important pour la France.

Par conséquent, la commission a adopté sans le modifier l’article 1er du projet de loi, afin de permettre l’entrée en vigueur de la convention franco-danoise du 4 février 2022.

En ce qui concerne l’article 2, c’est-à-dire la ratification de la convention franco-grecque, la principale difficulté avait trait aux cas de double imposition de résidents français en Grèce.

La convention franco-grecque en vigueur date de 1963. Sa rédaction complexe a donné lieu à l’émergence de deux types de difficultés.

En premier lieu, la Grèce a instauré, en 2011, une contribution exceptionnelle de solidarité assise sur les revenus déclarés. Cette contribution n’était, par la force des choses, pas mentionnée par la convention de 1963. Des résidents français en Grèce ont ainsi pu être doublement imposés sur leurs revenus.

Cette situation est réglée par la nouvelle convention franco-grecque. Son champ d’application mentionne explicitement la contribution exceptionnelle de solidarité. Cette mention vient confirmer l’analyse du Conseil d’État grec, qui, dans une décision de 2018, a assimilé la contribution exceptionnelle de solidarité à l’impôt sur le revenu.

En second lieu, la convention du 11 mai 2022 clarifie la répartition de l’imposition des rémunérations publiques.

La convention de 1963 prévoyait une imposition partagée des rémunérations publiques. En application de la convention, les rémunérations publiques de source française étaient également imposables par la Grèce, sous réserve que cette dernière élimine la double imposition en accordant un crédit d’impôt d’un montant égal à celui de l’impôt qui est perçu par la France.

Ce principe d’une imposition partagée des rémunérations publiques est resté inappliqué jusqu’en 2020. À compter de cette date, les autorités grecques se sont saisies de cette possibilité et ont commencé à imposer ces revenus, en veillant à déduire l’impôt payé en France de celui qui est demandé en Grèce.

Sur ce fondement, la Grèce a réclamé à des résidents français, notamment des enseignants du lycée franco-hellénique Eugène-Delacroix, des arriérés d’impôt au titre des revenus perçus depuis 2014. Les sommes demandées représentaient plusieurs milliers d’euros par contribuable.

La nouvelle convention simplifie largement les règles d’imposition des rémunérations publiques. Elle prévoit un principe d’imposition exclusive, et non plus partagée, des rémunérations publiques dans l’État de source.

Afin de régler concrètement la situation des résidents français faisant l’objet de redressements de la part des autorités grecques, la convention prévoit, dans le protocole annexé, une clause rétroactive jusqu’en 2015. La Grèce renonce ainsi à la perception de ces arriérés d’impôt.

Cette convention présente le double avantage de moderniser les relations franco-grecques en matière fiscale et de régler les difficultés de double imposition qui ont émergé ces dernières années. Par conséquent, la commission a également adopté cet article.

Pour conclure, au regard des avancées permises par la renégociation de ces deux accords par l’exécutif, la commission a adopté ce texte qui autorisera le Gouvernement à faire entrer en vigueur ces deux nouvelles conventions fiscales.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite souligner deux points à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

Le premier point a trait à l’objet de ces conventions. Celles-ci s’inscrivent dans un contexte européen qui vise à éviter progressivement les doubles impositions, en application du principe d’égalité fiscale. De fait, cela contribue à renforcer l’intégration européenne, notamment en évitant la concurrence entre États. C’est la raison fondamentale qui nous conduit à voter en faveur de ce projet de loi.

Nous saluons cette avancée pour les personnes concernées, en particulier les pensionnés.

Néanmoins, une question se pose, madame la secrétaire d’État, s’agissant de la convention avec la Grèce : un manque de clarté existe quant à l’effectivité de la rétroactivité, qui semble limitée à une période insuffisante, qui ne s’étend pas en deçà de 2015. C’est un point de vigilance concernant le dispositif que nous souhaiterions voir améliorer.

Le second point porte sur ce que ne sont pas ces conventions.

Si un pas supplémentaire vers davantage de régulation européenne est effectué au travers de ces textes, cela doit nous permettre d’ouvrir un débat sur l’évasion fiscale. J’illustrerai mon propos en évoquant l’importance du secteur du transport maritime, qui est commun à nos trois pays.

La Grèce, comme chacun le sait, possède le plus important tonnage au monde, avec 16 % des capacités mondiales, devant le Japon, qui en détient 13 %, et la Chine, 11 %. L’armateur danois Maersk est le premier opérateur mondial. Quant à la France, elle dispose de la troisième compagnie mondiale avec la CMA CGM.

Or, dans ces deux conventions, nous voyons bien que le sujet de la fiscalité transfrontalière, pour des secteurs florissants tels que le transport maritime, n’est pas sérieusement traité.

Je regrette que l’administration n’ait pas été en mesure d’apporter d’estimations chiffrées de l’incidence économique et fiscale de ces conventions dans l’étude d’impact ou lors des auditions.

En octobre 2021, une réforme fiscale a été adoptée sous l’égide de l’OCDE, dont sont exemptés les armateurs, alors même que toute multinationale dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros devrait se voir attribuer un taux effectif minimum d’imposition – certes, encore bien faible – de 15 %.

Je rappelle aussi que le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport de 2019, plaidait pour la fin de l’exemption de la taxe sur les carburants dont ils bénéficient, exemption injustifiée et minimisant leur responsabilité quant à leur empreinte carbone.

Par ailleurs, l’Observatoire européen de la fiscalité vient de sortir, en début de semaine, son premier rapport. Il y dresse le constat que l’accord de 2021 comporte de nombreuses « failles ». Ainsi, le dispositif suscite un revenu supplémentaire représentant seulement 4,8 % des recettes fiscales des entreprises, au lieu des 9 % attendus. Le transport maritime est l’un de ces « trous dans la raquette ».

Dans ces conditions, les profits logés offshore, dans des paradis fiscaux, sont encore massifs – 1 000 milliards de dollars en 2022.

En conclusion, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe considère ces conventions, non seulement comme une amélioration incontestable de la situation des particuliers, mais aussi comme un point d’appui pour lutter contre l’évasion fiscale.

À ce titre, il est indispensable de souligner les carences relatives à la fiscalité transfrontalière de certaines entreprises, qui figurent parmi les plus grandes. Nous regrettons que l’étude d’impact soit restée silencieuse sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en raison d’une absence d’étude d’impact digne de ce nom – Grégory Blanc vient de le rappeler –, nous éclairant dans ce maquis fiscal que sont les conventions internationales, nous déplorons que l’information du Parlement soit autant négligée.

Dans son référé du 31 mai 2019, la Cour des comptes regrettait le désarmement de l’expertise fiscale au sein de la direction générale des finances publiques.

Il n’en demeure pas moins que ces conventions conclues avec le Danemark et la Grèce sont loin d’être de simples formalités administratives. Dans le temps qui m’est imparti, j’insisterai sur deux aspects.

Le premier concerne l’imposition du produit du transport maritime de marchandises. C’est peu dire qu’il s’agit d’un enjeu crucial pour nos trois États : CMA CGM dégage quelque 23,5 milliards d’euros de bénéfices en 2022,…

M. Vincent Delahaye, rapporteur. Ce n’est pas énorme !

M. Éric Bocquet. … quand Maersk est la principale entreprise du Danemark et que les armateurs grecs détiennent 21 % de la flotte mondiale.

Pourtant, face à ces enjeux financiers colossaux, ces deux conventions divergent sur les solutions : la Grèce a préféré maintenir une imposition fondée sur l’État d’immatriculation des navires, quand le Danemark a donné son accord à la notion de « siège de direction effective », notion difficilement applicable, malgré une jurisprudence du Conseil d’État qui existe, même si elle est imparfaite – comme vous le savez, un siège de direction peut en cacher un autre…

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les implications financières de l’une ou l’autre des options retenues sur les recettes fiscales associées au transport maritime ?

Je vous pose cette question, car nous ne pouvons pas nous satisfaire, ici en France, comme en Grèce ou au Danemark, de la maigre – c’est un euphémisme ! – imposition des bénéfices des transporteurs maritimes. Et pour cause, dans ces trois États s’applique la taxe au tonnage, si bien que Maersk, au Danemark, ne s’est pas acquitté de 22 % d’imposition, comme les autres sociétés du pays, mais de seulement 3 %, créant ainsi 8,4 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances danoises.

La distorsion fiscale avec les travailleuses et les travailleurs est abyssale : le niveau d’imposition est treize à seize fois moins élevé que celui d’un salarié moyen au Danemark.

Il n’est pas acceptable de nous inscrire dans ce moins-disant fiscal au prétexte de concurrence internationale ; les conventions fiscales, non seulement bilatérales, mais également mondiales, devraient créer les conditions d’un alignement par le haut, allant dans le sens d’une meilleure répartition des richesses ! Ce sujet est cœur de l’actualité.

Le second point qui nous préoccupe relève de l’alinéa 3 b) de l’article 5 de la convention signée entre la France et le Danemark, qui permet de déroger à la règle sur l’établissement stable, pour une installation, un appareil ou un navire de forage utilisé pour l’exploration de ressources naturelles.

Sans activité pendant douze mois, les recettes associées à cette activité seraient imposées dans l’autre État que celui du lieu de l’activité économique.

Pour le dire clairement – et peut-être n’est-ce qu’une coïncidence –, TotalEnergies a racheté en mars 2018 l’activité pétrolière du Danois Maersk – décidément, toujours lui ! – pour 6,3 milliards d’euros, soit la plus importante acquisition depuis Elf Aquitaine en 2000.

Nous pensons que, en dépit de son engagement, le Danemark ne cessera d’exploiter ni le gaz ni le pétrole en mer du Nord d’ici à 2050. Il s’agit d’une incitation à explorer, voire à forer, si le gisement se révélait prolifique, car le pic de pétrole serait atteint en 2026 et celui du gaz en 2028.

En décembre 2022, TotalEnergies intégrait un programme de deux forages intercalaires dans la région pour augmenter la production de gaz à partir de 2023.

L’importance de cette question est primordiale, le Danemark étant premier producteur et exportateur net de pétrole. Toutefois, elle est proportionnelle au territoire couvert par cette convention fiscale : « Le Royaume du Danemark, y compris toute zone située à l’extérieur de la mer territoriale du Danemark qui, conformément au droit international, […] comme étant une zone à l’intérieur de laquelle le Danemark peut exercer des droits souverains concernant l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles des fonds marins. »

Toute incitation fiscale ou dépossession du coût climatique, donc économique, du dommage causé à la biodiversité devrait être imposée dans l’État où les dommages ont lieu ! En somme, pour paraphraser une désormais célèbre formule : une convention fiscale ne devrait pas permettre cela.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Florence Blatrix Contat et Nathalie Goulet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet.

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour notre part, nous n’avons aucun doute sur le bien-fondé ou sur l’importance de ces conventions fiscales internationales, qui relèvent d’une pratique diplomatique et législative très courante.

Le texte qui nous est soumis pour approbation revêt, au fond, assez peu d’enjeux politiques. J’espère d’ailleurs que ce n’est pas pour cette raison que mes collègues du RDSE m’ont confié cette première intervention. (Sourires.)

À vrai dire, j’y tenais. La convention avec le Danemark revêt une importance particulière pour moi, puisque mon département du Lot accueille régulièrement, vous le savez, une illustre ressortissante du royaume : la reine Margrethe, qui est propriétaire d’un château au cœur du magnifique vignoble de Cahors.

Néanmoins, pour revenir à nos deux conventions, le RDSE les approuvera sans difficulté, convaincu qu’il était grand temps qu’elles arrivent !

M. Vincent Delahaye, rapporteur. Très bien !

M. Raphaël Daubet. Rappelons que ces conventions sont des traités internationaux bilatéraux.

Rappelons qu’elles sont conclues pour faciliter les échanges et les investissements dans les pays concernés, en supprimant les obstacles fiscaux aux activités commerciales ou économiques.

Rappelons que, pour ce faire, ces conventions ont un objectif : éliminer la double imposition et donc offrir une véritable sécurité juridique au contribuable, qu’il s’agisse des entreprises ou des particuliers, en même temps que prévenir la fraude et l’évasion fiscales.

Rappelons, enfin, que ces accords internationaux facilitent la coopération administrative entre les États et, en l’occurrence, entre des États membres de l’Union européenne.

Il faut donc se féliciter de voir advenir des accords qui apporteront de la clarification, de la justice et de la transparence fiscale, ce qui correspond, à mon sens, à une ancienne et légitime aspiration pour l’Europe.

On peut néanmoins s’étonner que, dans un contexte où les enjeux économiques et budgétaires vont croissant, l’on ait tant tardé à conclure ces traités bilatéraux. Je rappelle que la France et le Danemark n’étaient plus liés par une convention depuis 2008 et que la France et la Grèce sont unies par une convention obsolète, qu’il était grand temps de dépoussiérer – ce texte date de 1963.

La mise au point d’une convention-cadre par l’OCDE, ratifiée par la France en 2018, a visiblement constitué une avancée importante pour le déploiement de nos accords fiscaux à travers le monde.

Les élus du RDSE appellent justement de leurs vœux de telles coopérations internationales renforcées.

Nous sommes convaincus que les réajustements de l’économie mondiale, au travers des enjeux de décarbonation, de relocalisation, voire de démondialisation, ne marqueront pas pour autant la fin des mouvements humains et commerciaux.

Il faut donc continuer sans relâche à tisser la toile de nos conventions internationales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui deux conventions bilatérales, l’une signée en février 2022 avec le Danemark, l’autre conclue en mai suivant avec la Grèce.

Ces deux textes assurent une mise à jour essentielle pour la fiscalité de nos compatriotes, ainsi que des entreprises concernées à l’étranger.

La convention signée entre la France et le Danemark en février 2022 vient combler une lacune déjà ancienne : nos deux pays n’étaient plus liés par un accord fiscal depuis 2008.

La signature de cette nouvelle convention fiscale revêt une grande importance, au regard du poids économique des relations entre le Danemark et la France. Elle met fin, j’y insiste, à treize années d’absence de convention bilatérale entre nos deux pays.

Je saisis cette occasion pour saluer le travail de notre ancien collègue Richard Yung, qui avait alerté sur les effets pour nos compatriotes de la dénonciation de l’ancienne convention par le Danemark.

Cette nouvelle convention fiscale représente une avancée majeure pour les relations entre nos deux pays. Elle contribuera à renforcer leurs liens tant économiques que financiers : elle offrira un cadre conventionnel à l’élimination des doubles impositions, notamment en matière de pensions, en appliquant les standards internationaux les plus récents établis par l’OCDE. Nous saluons, partant, la signature de la convention franco-danoise.

La seconde convention que nous examinons aujourd’hui a été signée entre la France et la Grèce en 2022. Il est essentiel de la ratifier pour garantir à nos compatriotes établis hors de France, que j’ai l’honneur de représenter, la fiscalité la plus juste possible.

Mes chers collègues, souvenons-nous de la situation kafkaïenne dans laquelle ont été placés les enseignants du lycée franco-hellénique Eugène-Delacroix, établissement homologué par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Les intéressés s’étaient vus réclamer en 2020 des arriérés d’impôt au titre des revenus perçus depuis 2014, montants équivalant à plusieurs mois du salaire moyen d’un enseignant !

La nouvelle convention permet de supprimer la double imposition sur le revenu. À ce titre, elle est évidemment la bienvenue. Elle pose ainsi un nouveau principe d’imposition exclusive dans l’État de source pour les rémunérations publiques. Elle comporte également une clause rétroactive, destinée à corriger les injustices que ces enseignants ont subies.

Par ailleurs, cette convention permettra l’application des dernières normes fiscales internationales. Elle apportera une visibilité accrue en la matière, au profit des particuliers et des entreprises, afin de favoriser le développement des relations économiques en général et notamment des investissements.

En résumé, ces deux conventions répondent à des enjeux importants pour nos compatriotes, ainsi que les entreprises concernées à l’étranger. Pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, les élus du groupe RDPI voteront le présent texte sans réserve.

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les accords examinés conjointement ce matin sont, d’une part, une convention avec le Danemark, et, de l’autre, une convention avec la Grèce. Ils s’inscrivent dans le mouvement continu de renégociation de nos conventions fiscales, engagé depuis plusieurs années.

Ces textes classiques, du moins pour la France, découlent des travaux de l’OCDE et de la montée en puissance de la démarche dite Beps (Base Erosion and Profit Shifting), même si la nouvelle convention conclue avec la Grèce ne reprend que partiellement ces derniers apports.

Pour ce qui concerne les conventions internationales, le Parlement ne dispose pas du droit d’amendement. Il peut simplement voter ou rejeter le texte qui lui est soumis, conformément à l’article 53 de la Constitution.

Le rôle des parlementaires est donc contraint, même si, bien sûr, l’examen de ces textes est précédé d’une négociation. En pratique, la procédure retenue relève davantage d’une information des députés et des sénateurs que de l’examen d’un texte de loi, même si, je le répète, un rejet est toujours possible.

Notre rapporteur, M. Delahaye, a précisé qu’il souhaitait voir le contrôle de l’application de ces accords renforcé à l’avenir. Nous soutenons cette démarche. L’exemple de la convention fiscale avec le Luxembourg est particulièrement éclairant à cet égard : il prouve que de lourds problèmes subsistent parfois au stade de l’application des textes.

J’en viens maintenant aux objectifs de ces accords.

Les nouvelles conventions conclues avec le Danemark et la Grèce tiennent compte toutes deux des derniers standards Beps.

Ainsi, elles appliquent les nouvelles définitions de l’agent dépendant et de l’agent indépendant, la clause anti-fragmentation des activités en matière d’établissement stable et la clause générale anti-abus.

Elles sont également assorties d’un préambule conforme au contenu de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales. Ce dernier texte permettra de prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Ce sont là autant d’éléments essentiels.

En outre, le préambule de l’accord conclu avec le Danemark le précise expressément : la convention fiscale signée a pour objet d’éliminer la double imposition sans créer de possibilité de non-imposition ou d’imposition réduite par l’évasion ou la fraude fiscale. Ce sont également des avancées majeures.

Mes chers collègues, sur le plan politique, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain approuvent donc le principe retenu par ces deux textes. De telles conventions permettent d’établir une coopération fiscale positive. Ce sont des outils pertinents, tant pour lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales que pour protéger les contribuables.

Ces deux conventions renforcent la sécurité juridique des personnes morales et physiques. En parallèle, elles clarifient les règles fiscales applicables aux opérations impliquant des résidents des deux États et entrant dans leur champ d’application.

Les conventions fiscales permettent d’arrêter les règles de partage du droit imposées entre la France et les pays étrangers. En prévenant la double imposition, elles offrent une réelle sécurité juridique aux résidents de chaque État, qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales. De plus, elles constituent un outil économique au service du développement des investissements directs et de la lutte contre l’évasion fiscale.

Les ressortissants français qui travaillent dans des pays avec lesquels la France ne dispose pas de convention fiscale portant sur l’impôt sur le revenu – ils sont encore nombreux – font souvent face à de grandes difficultés.

Ainsi, les membres du groupe SER se prononceront pour la ratification et l’approbation de ces deux conventions.

Toutefois, nous déplorons le choix de démarches bilatérales, menées au coup par coup. Les avenants aux conventions fiscales se succèdent à un rythme soutenu sans que la situation globale change vraiment ; il en résulte une sensation d’immobilisme. Nous aurions besoin, à l’inverse, d’une approche multilatérale à même d’inclure l’ensemble des problématiques soulevées par les précédents orateurs.

En la matière, le Sénat examine aujourd’hui les septième et huitième textes qui lui sont soumis depuis 2019. Or, je l’ai indiqué en commission, nous n’avons aucune vision d’ensemble quant au travail de modernisation de nos conventions fiscales avec d’autres pays. Pour l’heure, j’ai cru noter que seules se poursuivaient les discussions avec la Moldavie… (Mme Nathalie Goulet sexclame.)

Je souhaite que le Gouvernement nous éclaire quant au nombre de pays signataires de conventions fiscales avec la France, que ces accords relèvent, ou non, du cadre Beps. L’exécutif pourrait également nous indiquer le nombre d’États avec lesquels la France ne dispose d’aucune convention fiscale commune. De fait, il faudra avancer sur ce sujet.

Si la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales sont toujours une priorité du Gouvernement, ne devrait-on pas envisager d’actualiser plus rapidement notre réseau de conventions fiscales ?

Nous pourrions, ce faisant, répondre à un triple enjeu : premièrement, et de manière évidente, prendre en compte les derniers standards internationaux ; deuxièmement, renforcer les échanges économiques et les investissements avec les pays étrangers tout en luttant contre la fraude et l’évasion fiscales ; troisièmement, et enfin – ce sujet a toute son importance –, assurer la sécurité juridique de nos ressortissants. (M. Thierry Cozic applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, 128, tel est le nombre des conventions fiscales signées par la France. Notre pays dispose ainsi, dans ce domaine, du plus vaste réseau conventionnel au monde.

Ces textes internationaux évitent que les entreprises et les particuliers ne subissent une double imposition. Ils simplifient les procédures fiscales, fluidifient les échanges entre les États signataires et nous permettent de lutter contre la fraude fiscale.

C’est bien le but du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, ratifiant les conventions fiscales entre la France et le Danemark, d’une part, entre la France et la Grèce, d’autre part.

M. le rapporteur l’a rappelé, la convention fiscale entre la France et le Danemark est attendue depuis quinze ans.

En 2008, le Danemark a dénoncé sa convention fiscale de 1957, la jugeant déséquilibrée. Non seulement le traitement des pensions privées était selon lui trop défavorable, mais de nombreux retraités danois domiciliés en France étaient imposés dans notre pays, et cette situation entraînait une perte de recettes fiscales pour le Danemark.

Sans avoir la fiabilité juridique d’une convention fiscale, l’instruction administrative française de 2010 a permis, dans l’intervalle, de pallier l’absence conventionnelle et d’éviter, au moins partiellement, les cas de double imposition. Ces situations ont pu être traitées par voie contentieuse.

La nouvelle convention franco-danoise clarifie ce cadre fiscal en répartissant les droits d’imposition de chaque État.

Elle permet désormais d’imposer les retraités danois résidant en France sur l’intégralité de leur pension et donne au Danemark le droit de taxer ces pensions, dans la limite de la différence entre l’impôt acquitté en France et celui qui est payé au Danemark. Les retraités français qui vivent au Danemark bénéficieront bien entendu des mêmes conditions, dans une logique de réciprocité.

Cette convention permet également d’imposer les bénéfices provenant d’une activité commerciale ou industrielle au lieu de son exercice. Il s’agit là de clarifications essentielles.

Madame la secrétaire d’État, je rappelle que le Danemark est un important partenaire commercial de la France, avec plus de 7,4 milliards d’euros d’échanges en 2022.

L’actuelle convention fiscale entre la France et la Grèce date quant à elle de 1963. Ce texte, désormais désuet, a trop longtemps fait l’objet de différences d’appréciation quant à l’imposition partagée. Ces dernières ont entraîné la double imposition, en France et en Grèce, des fonctionnaires français résidant en Grèce.

Je confirme à ce titre les propos de Mme Cazebonne : ces difficultés concernent essentiellement les professeurs et, plus largement, les équipes pédagogiques du lycée français Eugène-Delacroix d’Athènes.

La nouvelle convention franco-grecque permettra de réduire le risque de double imposition entre nos deux États.

Ces accords fiscaux nous apporteront une meilleure visibilité au profit des particuliers, en établissant des règles claires.

Plus largement, ils permettront d’améliorer les relations économiques, de favoriser les investissements et la coopération entre nos deux pays et de mettre en application les derniers standards de l’OCDE en matière fiscale. Ils renforceront donc nettement la sécurité juridique des Français et des entreprises françaises installés dans les pays considérés. Voilà pourquoi nous voterons le projet de loi qui nous est présenté.

Madame la secrétaire d’État, en tant que sénateur des Français établis hors de France, je ne puis que me réjouir de la ratification de nouveaux accords de cette nature.

J’attends avec impatience le renforcement de notre édifice fiscal, non seulement par la ratification de la convention avec la Belgique et de l’avenant à la convention avec le Luxembourg, mais aussi par la conclusion de nouvelles conventions bilatérales – je pense notamment au Cambodge, à l’île Maurice, à Djibouti et au Pérou.

Néanmoins, dans certains cas, la signature d’une convention ne peut pas tout. J’ai à l’esprit les redressements fiscaux dont font aujourd’hui l’objet des centaines de retraités et d’enseignants français en Italie.

Jusqu’en 2021, les Français résidant en Italie et percevant une pension relevant du régime général de la sécurité sociale étaient exclusivement imposables en France. Mais subitement, à la suite d’un changement d’interprétation, l’administration fiscale italienne a réclamé à ces résidents des impôts sur leur retraite ou leur rémunération française, en plus des impôts acquittés en France, le tout assorti de pénalités et d’intérêts calculés rétroactivement à partir de 2015.

Ces retraités, ces enseignants modestes, vont être contraints de vendre leur petit logement pour s’acquitter de pénalités et d’intérêts exorbitants, atteignant parfois des centaines de milliers d’euros. Certains vont tout perdre, le rattrapage s’étendant à toutes les années non prescrites.

Pouvons-nous envisager des échanges avec l’administration fiscale italienne pour lever ces pénalités et intérêts sanctionnant des contribuables français de bonne foi ?

L’expérience italienne nous invite à faire preuve d’une vigilance toute particulière quant à la clarté des nouvelles conventions. Nous devons garantir leur interprétation similaire et pérenne par les deux administrations fiscales.

Enfin, selon nous, certaines conventions doivent être revues. Il s’agit ni plus ni moins que de rééquilibrer nos relations économiques, commerciales et géopolitiques. Je pense notamment à l’accord qui nous lie au Qatar.

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Signée en 1990 et amendée en 2008, cette convention fiscale bilatérale n’est plus un accord réciproque entre les ressortissants de nos deux pays. Elle donne lieu à une fiscalité unilatéralement avantageuse.

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce texte exonère les ressortissants du Qatar d’imposition sur les plus-values immobilières des biens qu’ils détiennent en France.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Il les exonère d’impôt sur les dividendes. Il les exonère d’impôt sur les redevances. Il les exonère d’impôt sur le revenu des créances.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. À titre de comparaison, les investissements du Qatar en France sont du même ordre de grandeur que ceux du Royaume-Uni ou bien de l’Allemagne, des pays qui ne bénéficient pourtant pas des mêmes avantages.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la secrétaire d’État, ces conventions bilatérales sont un outil protecteur pour nos ressortissants et pour les entreprises françaises à l’étranger. Je sais que vous en êtes convaincue vous aussi : en témoigne le travail que votre cabinet consacre actuellement à certains de ces accords.

À ce titre, je suis à votre disposition, ainsi que nos conseillers des Français de l’étranger, qui se trouvent en première ligne, pour vous apporter les informations du terrain. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi, à l’occasion de ma première intervention à la tribune, d’adresser un salut amical et reconnaissant au sénateur honoraire Jean-Pierre Decool.

Pour nous, parlementaires, l’examen des conventions internationales est un exercice quelque peu frustrant : nous sommes tenus de voter en bloc des textes souvent très étoffés et très techniques, sans pouvoir exercer notre droit d’amendement.

La question qui nous est posée est fermée : nous sommes tenus d’y répondre par oui ou par non. Je le précise d’emblée, pour les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la réponse sera bien sûr oui.

Pour la France, les conventions fiscales sont un outil diplomatique de premier ordre. Selon un rapport publié par la Cour des comptes en 2019, notre pays dispose d’ailleurs du plus grand réseau en la matière, à égalité avec le Royaume-Uni.

Il s’agit bien sûr d’une réalité de nature économique, mais ces enjeux sont bien souvent dominés par des considérations d’ordre politique, voire d’ordre géopolitique. On l’a vu encore récemment avec la remise en cause de certaines conventions fiscales.

Cela étant, le contenu des deux accords aujourd’hui soumis à notre vote est nettement moins polémique.

Ces conventions fiscales concernent respectivement le Royaume de Danemark et la République hellénique. Toutes deux s’adaptent aux derniers standards de l’OCDE pour le calcul des bases d’imposition et la lutte contre l’évasion fiscale ; et, dans un cas comme dans l’autre, il est dans l’intérêt de nos deux pays de coordonner leurs actions.

Il s’agit pourtant de deux cas de figure bien différents.

La convention avec le Danemark concerne principalement les retraités danois établis en France. L’objectif est de permettre au fisc danois de prélever un montant correspondant au différentiel entre l’impôt qui est dû en France et l’impôt qui aurait dû l’être au Danemark. Techniquement, cette convention concerne aussi les retraités français établis au Danemark, mais ils sont nettement moins nombreux.

Il est important que notre pays puisse accéder aux demandes de notre partenaire danois. Il y va de la qualité de nos relations bilatérales.

Toutefois, ceux qui partagent leur vie entre la France et le Danemark ne sont a priori pas les pires suspects d’évasion fiscale. En effet, la France et le Danemark sont les deux pays de l’Union européenne où les taux de prélèvements obligatoires sont les plus élevés : pour optimiser son impôt, on a connu mieux…

Ces situations individuelles prouvent au contraire l’amitié qui lie nos deux pays. L’édition 2022 du Tour de France, partie de Copenhague, et la liesse du public danois nous l’ont rappelé : le Danemark et la France ont des passions communes, qui rassemblent leurs deux peuples.

Pour ce qui concerne la Grèce, la situation est assez différente. La convention vise principalement à normaliser la situation de certains de nos compatriotes établis en Grèce, qui subissent une double imposition atteignant parfois des montants astronomiques.

L’accord conclu est une réponse effective et concrète à ce problème. Je me réjouis que nous puissions mettre un terme à cette aberration fiscale et faciliter ainsi la vie des Français, parmi lesquels de nombreux enseignants, qui ont choisi de résider dans ce beau pays.

Surtout, ladite convention va se substituer à l’accord en vigueur, signé à Athènes en août 1963. Le temps était venu d’adapter ce cadre aux nouveaux standards fiscaux.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : c’est avec la conviction d’agir dans l’intérêt de nos relations bilatérales que les élus de notre groupe voteront ce projet de loi. Consolider nos relations avec nos partenaires européens, c’est renforcer notre souveraineté nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mes chers collègues, à ce stade des débats, tout le monde a compris ce dont il s’agissait. Vous le devinez, les élus de notre groupe voteront l’approbation de ces deux conventions.

Cet exercice s’apparente bel et bien à une figure imposée, dans la mesure où nous ne pouvons pas débattre du fond. Madame la secrétaire d’État, je n’en ai pas moins plusieurs questions à vous poser.

Au cours de cette discussion, l’absence d’étude d’impact a été déplorée à de nombreuses reprises.

Mme Renaud-Garabedian a mentionné l’accord qui nous lie au Qatar. À ce titre, j’ai posé une question écrite, puis une question orale à M. le ministre de l’économie pour savoir combien nous coûtaient nos conventions fiscales avec le Qatar et les autres pays du Golfe.

« Combien de temps met le fût du canon pour se refroidir ? Un certain temps. » (Sourires.) C’est peu ou prou la réponse qui m’a été apportée : combien ces conventions fiscales nous coûtent-elles ? Une certaine somme… (Nouveaux sourires.)

Les études d’impact ont d’autant plus d’importance que nos accords fiscaux connaissent parfois de graves aléas.

Le Gouvernement a ainsi demandé et obtenu du Parlement – je précise que je ne me suis pas prononcée en ce sens, pas plus que mes collègues du groupe Union Centriste – la ratification d’une convention fiscale avec le Luxembourg, avant que cet accord ne soit brusquement suspendu. Même si nous avons quelques idées en la matière, cette décision mériterait tout de même quelques explications : pourquoi ladite convention n’est-elle finalement pas appliquée ?

Dans divers rapports, la Cour des comptes elle-même a demandé davantage de transparence et de lisibilité en la matière, mais ses recommandations n’ont pas été suivies d’effet.

Qu’en est-il, à présent, des débats parlementaires portant sur ces questions ?

Mes chers collègues, le dernier débat que le Sénat a consacré à l’efficacité des conventions internationales date du mois d’avril 2013. Il avait été organisé à la demande du groupe Communiste Républicain et Citoyen, désormais Écologiste et Kanaky…

Lors de ce débat extrêmement important, le ministre de l’économie de l’époque s’était engagé à examiner ces conventions plus avant avec le Parlement. Depuis lors, dix années ont passé… Pensez-vous qu’un jour nous pourrons poursuivre cette discussion ?

Dans l’intervalle, l’OCDE a beaucoup avancé, et nous disposons désormais d’outils nous permettant de réviser les conventions fiscales internationales. Ce qui nous manque donc, c’est un peu de volonté : passez-moi l’expression, mais nous sommes un peu mous du genou… (Sourires.)

Jusqu’à nouvel ordre, les parlementaires n’ont aucune possibilité de modifier ces conventions ou même d’en discuter. Bruno Le Maire, qui se disait pourtant extrêmement hostile aux conventions fiscales avec les pays du Golfe, prend soin d’éviter toute discussion sur ce sujet. Nous passons de promesse en promesse et de débat en débat sans jamais disposer d’une vision d’ensemble ; Mme Blatrix Contat l’a pertinemment rappelé.

En résumé, nous n’avons ni visibilité, ni évaluation, ni perspective.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire combien de conventions fiscales sont aujourd’hui en pourparlers ? Le cas de la Moldavie a été mentionné. Les négociations dont il s’agit sont sans doute importantes pour les ressortissants de nos deux pays, mais cette convention n’est probablement pas la seule qui, aujourd’hui, attend d’être ratifiée.

Pouvons-nous envisager un débat plus global, comparable à celui qui s’est tenu il y a dix ans ? Nous pourrions ainsi connaître la position de la France sur ces conventions fiscales internationales et disposer d’une ligne directrice.

Notre collègue Éric Bocquet a procédé à l’examen attentif de la convention avec le Danemark : il a su dévoiler sa face cachée, à savoir son application aux transports maritimes. Sa lecture, tout à fait perspicace – reconnaissez-le –, montre que cet accord, tout en traitant un certain nombre de problèmes, en soulève d’autres, dont nous devrons débattre.

Je conclus en vous disant une nouvelle fois tout le mal que je pense de la méthode employée ; tout le mal que je pense du peu d’intérêt porté à ces conventions fiscales ; tout le mal que je pense du peu d’intérêt porté aux travaux de la Cour des comptes ; et tout le mal que je pense du peu d’intérêt que l’on porte aux travaux parlementaires ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire dÉtat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France dispose de conventions fiscales avec 125 pays. Elle possède ainsi, en la matière, l’un des réseaux les plus étendus au monde.

La priorité actuelle est moins d’élargir ce réseau que de moderniser les accords les plus anciens. De nouvelles conventions avec la Moldavie, la Finlande et le Rwanda, ainsi que des avenants aux conventions conclues avec le Luxembourg, la Suisse et la Suède, feront prochainement l’objet de projets de loi de ratification.

Enfin, madame Goulet, j’ai pris bonne note que vous demandiez l’organisation d’un débat portant sur ces questions, au sens large ; soyez assurée que le Gouvernement y est ouvert.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le gouvernement de la république française et le gouvernement du royaume du danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la république française et la république hellénique pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Article 2

Article 1er

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signée à Paris le 4 février 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Est autorisée l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales, signée à Paris le 4 février 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

(Le projet de loi est adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales
 

6

 
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Discussion générale (suite)

Négociations commerciales dans la grande distribution

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation (projet n° 20, texte de la commission n° 39, rapport n° 38).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de lartisanat et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais me lancer dans un inventaire à la Prévert en énumérant les nombreux appels à anticiper les négociations commerciales entre les distributeurs et les industriels qui ont été lancés ces dernières semaines.

Ainsi de l’appel du 29 septembre – « Aujourd’hui, nombre de ces matières premières ont baissé. Il est donc urgent que les Français bénéficient de ces baisses » –,…

M. Bruno Belin. Nous sommes d’accord !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. … de celui du 27 septembre – « Si les parlementaires nous donnent cette nouvelle loi, on a les moyens d’aller chercher des baisses » – ou encore de celui du 21 septembre – « Nous pouvons espérer une baisse des prix de 2 % à 4 % ».

Ce faisant, je risquerais d’y consacrer l’intégralité de mon propos, tant ces appels sont nombreux depuis des mois. Qu’auriez-vous dit, d’ailleurs à juste titre, si nous n’avions pas entendu ces requêtes répétées, sinon que le Gouvernement est déconnecté, voire sourd aux souhaits et aux revendications de ceux qui font les prix ?

Quelques semaines plus tard, vos collègues députés ayant pu entretemps examiner le texte, l’Insee a confirmé la baisse du prix des produits agricoles à la production, à savoir –7,4 % depuis un an.

L’objet de ce projet de loi est donc simple : avancer la date butoir des négociations, fixée traditionnellement au 1er mars, pour anticiper d’autant les baisses de prix attendues dans les rayons, au bénéfice de tous les Français.

Je sais bien qu’il existe un doute, relayé par les médias et alimenté par certains acteurs du secteur eux-mêmes. Mais nous sommes des gens sérieux : nous ne mobiliserions pas le temps précieux de l’Assemblée nationale et du Sénat si des indicateurs précis, objectifs, étayés et irréfutables ne nous incitaient pas à le faire.

Oui, les prix de nombreuses références vont baisser, qu’il s’agisse de produits alimentaires ou d’autres produits. Pourquoi ?

Tout d’abord, entre octobre 2022 et octobre 2023, les cours d’importantes matières premières, qui entrent dans la composition de très nombreux produits alimentaires, ont sensiblement baissé. Or ce sont bien ces prix sur lesquels les industriels et les distributeurs fondent leur entrée dans les négociations. En voici quelques exemples : –33 % pour le blé tendre, –16 % pour le blé dur, –44 % pour le tournesol, –40 % pour le maïs, ou encore –32 % pour le colza.

Les études de la direction générale du Trésor (DG Trésor), que je tiens à votre disposition, montrent une corrélation quasi automatique entre la baisse des prix agricoles à la production, la chute des prix de production des industriels et la diminution des prix payés par les consommateurs, mais toujours – cela se vérifie sur une période de dix ans – avec un temps de battement de cinq à huit mois. Tout l’enjeu de ce projet de loi est de raccourcir ce délai.

Ensuite, les prix de production de l’industrie ont également baissé entre août 2022 et août 2023. Par exemple, le prix de la pâte à papier importée a diminué de 35 %. De plus, selon l’Insee, à l’exception du fioul, le prix de toutes les énergies chute : –20 % sur le prix du gazole et –12 % sur le pétrole.

Bien sûr, je n’oublie pas que les salaires et les autres coûts, comme celui du carburant, ont augmenté. Mais ce que j’observe, c’est que, pour de nombreux produits, les conditions de fabrication se sont améliorées. Nous voulons donc en profiter pour améliorer les conditions de vente en rayon.

Pour nos débats de ce matin, l’important est de savoir si, oui ou non, nous donnons aux industriels et aux distributeurs la possibilité de conclure plus tôt cette année leurs négociations commerciales, avec, à la clé, des baisses de prix en rayon.

Dans la version initiale du projet de loi, cela représentait une anticipation de près de quarante-deux jours – six semaines – pour les grandes entreprises, contre trente jours dans le texte qui sera débattu ce matin.

Dans tous les cas, chaque jour compte et le plus tôt sera le mieux, à condition que cela se fasse non pas au détriment des producteurs, mais dans le strict respect des dispositions des lois Égalim 1 et 2. Anticiper les négociations sans amoindrir leur qualité, tel est le subtil exercice auquel vous allez vous prêter ce matin, afin de trouver un point d’équilibre qui, je n’en doute pas, sera honnête et juste.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez – c’est de notoriété publique pour les acteurs concernés –, janvier a souvent été qualifié de « mois pour rien », s’agissant d’une période au cours de laquelle il ne se passe pas grand-chose. En accélérant le calendrier, nous ferons du mois de janvier un mois utile, comme l’a toujours été le mois de février, période à partir de laquelle les négociations s’accélèrent à l’approche de la date butoir.

En outre, je tiens à porter à votre connaissance cet élément : plus de 50 grands fournisseurs nous ont fait savoir que leurs conditions générales de vente et leurs tarifs seront effectivement envoyés avant le 1er novembre, alors que, d’habitude, ils le sont en décembre. Cela laissera donc à chacun le temps de mener à bien ces négociations.

Aujourd’hui, les débats tournent autour de deux grandes questions : qui doit être concerné ? Quand doit être fixée la fin des négociations ?

Qui doit être concerné ? La position du Gouvernement, qui veut donner au texte le plus d’ambition possible, est que le dispositif doit concerner tous les acteurs soumis au cadre actuel des négociations annuelles, sans exception sectorielle ni géographique.

Il ne faudrait pas, par exemple, sous couvert de protéger une filière, mettre des entreprises en difficulté. Aussi, n’est-il pas contradictoire de vouloir exclure les entreprises de la filière laitière et de remplir notre devoir de protection de nos petites et moyennes entreprises (PME) et de nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ces entreprises souhaiteraient en effet négocier avant les grands groupes pour s’assurer une part du linéaire, c’est-à-dire pour être référencées, et des plans d’affaires, qui leur permettent d’écouler leurs volumes de production.

Justement, les revenus des producteurs et des éleveurs agricoles resteront protégés. Ils le sont par les lois Égalim 1 et 2, que le présent texte ne remet aucunement en cause ; il est indispensable de le rappeler ce matin.

Quand doit être fixée la fin des négociations ? Le 15 janvier pour tous ? Le 15 janvier pour les plus petits et le 31 janvier pour les plus grands industriels ? Nos débats trancheront ces questions de date et de seuils de chiffres d’affaires, pour déterminer quels sont les industriels concernés, et quand ils seront.

L’objectif du Gouvernement est clair : que le maximum d’entreprises ait conclu leurs négociations au 15 janvier et que, ainsi, les nouveaux prix entrent en vigueur en rayon six semaines plus tôt que prévu.

Au-delà de ces deux principales questions, nous aurons bien sûr l’occasion d’aborder les enjeux soulevés par le cadre juridique français régissant les négociations, notamment pour savoir ce qu’il conviendrait de changer dans la loi pour permettre plus de flexibilité.

Cependant, je vous le redis avec humilité et sérieux, ce projet de loi n’est pas le bon véhicule pour réformer en profondeur ce cadre.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Ça, c’est sûr !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Pour autant, il faudra le faire.

C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé qu’une mission gouvernementale, composée, bien sûr, de députés et de sénateurs, sera lancée dans les prochaines semaines. Il s’agira de revoir ce cadre qui, je vous l’accorde, est constitué d’un empilement de règles sédimentées, lesquelles complexifient et parfois crispent, voire grippent, les négociations commerciales.

Les Français nous attendent sur un point : la baisse des prix, et je sais combien vous y êtes attachés, mesdames, messieurs les sénateurs.

Soyons clairs, je défends ici non pas le plus bas prix, mais bien le juste prix. Aussi, lorsqu’il y a une baisse des coûts de production, laissez-moi croire qu’une baisse de prix va s’ensuivre pour un certain nombre de produits.

Tel est donc le seul objet du présent texte, même si, je ne le nie pas, il nous faudra retravailler en profondeur le sujet des négociations commerciales. Ce qui nous occupe ce matin, c’est d’anticiper de six semaines l’arrivée des nouveaux tarifs en rayon, idéalement au 15 janvier et non au 1er mars.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà donc réunis aujourd’hui pour la quatrième fois en cinq ans pour examiner un texte relatif aux négociations commerciales entre les industriels et les distributeurs.

Or, vous l’avez dit, madame la ministre, le Gouvernement évoque déjà une réforme de plus grande ampleur – Égalim 5 – pour l’année prochaine ! Nous devons prendre garde, car l’inflation législative nous guette, tout comme l’instabilité juridique ; et nous savons combien celle-ci peut être préjudiciable à nos entreprises.

Le projet que nous examinons aujourd’hui se résume à expérimenter pour un an l’avancement de six semaines de la date limite de clôture des négociations commerciales, en escomptant une baisse des prix aux consommateurs.

En effet, les Français sont confrontés, depuis plusieurs mois, à une forte inflation, sans équivalent depuis plusieurs décennies, qui, en deux ans cumulés, dépasse les 20 %. Ces augmentations pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, notamment des plus démunis d’entre eux, qui ne peuvent arbitrer leurs dépenses contraintes.

Le dispositif proposé par le Gouvernement est-il capable de changer les choses ? Tous les indicateurs autorisent à en douter…

Ces dernières semaines, le Gouvernement a enchaîné les propositions et parfois les rétropédalages : revente à perte des carburants, moratoire sur l’encadrement des promotions des produits d’hygiène, voire limitation des marges de la grande distribution.

C’est finalement le levier de l’avancement des négociations commerciales qui a été retenu. Il faut souligner que ce sujet a souvent été évoqué par l’ensemble des acteurs. Mais il a été abordé dans la précipitation, et c’est tout le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui.

Par ailleurs, ceux qui ont suivi les précédents épisodes – Égalim 1, 2 et 3 – remarqueront qu’utiliser les négociations commerciales pour lutter contre l’inflation est un renversement total de la logique suivie depuis 2018, à savoir la construction du prix « en marche avant », à partir des coûts de l’amont agricole.

Aujourd’hui, c’est la démarche inverse qu’entend privilégier le Gouvernement : en avançant les dates des négociations commerciales, en contraignant les délais, nous donnons la main aux distributeurs pour faire baisser les prix.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. À l’heure des déclarations sur la souveraineté alimentaire, faire de la filière agroalimentaire la variable d’ajustement de la lutte contre l’inflation, c’est faire peser un risque majeur sur la viabilité de nos entreprises et de nos PME de l’agroalimentaire, confrontées à l’instabilité permanente de leurs matières premières agricoles et industrielles.

Le Gouvernement soutient que l’évolution des prix de l’énergie et des matières premières agricoles justifierait des baisses.

Madame la ministre, est-il toutefois tenable ou souhaitable de modifier un calendrier de négociations commerciales et de changer la loi pour une année à chaque variation du cours des matières premières, quand il existe d’autres outils aménageables, comme les clauses de renégociations ou de révisions ?

L’instabilité législative est source de complexité et d’insécurité pour les entreprises. Dans le cas présent, celles-ci devront se préparer dans l’urgence à l’envoi de leurs conditions générales de vente de manière anticipée, sans aucune garantie sur les composantes de leurs prix et sans certitude sur le calendrier exact qui sera finalement retenu par le législateur, puisque nous sommes encore en train d’en débattre à la fin du mois d’octobre.

Pour ces raisons, la commission des affaires économiques estime qu’il s’agit d’un texte d’affichage (Mme la ministre déléguée proteste.), aux conséquences économiques lourdes pour nos entreprises et à l’efficacité incertaine en matière d’amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs.

Elle partage la circonspection des acteurs de l’agroalimentaire, qu’il s’agisse des producteurs, des industriels ou des distributeurs, lesquels craignent même les effets contre-productifs de l’avancement des négociations sur l’inflation ou sur la santé économique des entreprises françaises. En effet, toutes les matières premières agricoles ne connaissent pas une baisse. Pour le lait, l’huile d’olive, le cacao ou le sucre, il faut s’attendre à des hausses dans les prochaines semaines.

De même, certaines matières premières industrielles connaissent encore aujourd’hui des augmentations, à l’instar de l’énergie ou des salaires, portés par une augmentation du Smic de près de 10 % depuis le début de l’année 2022.

À cela pourrait s’ajouter un effet de rattrapage. Nous le savons, lors des derniers cycles de négociation, toutes les hausses de coûts agricoles et industriels des fournisseurs n’ont pas été répercutées dans les tarifs octroyés par les distributeurs.

Enfin, nous connaissons désormais un contexte d’inflation structurelle et exogène, ainsi qu’une forte volatilité des cours des intrants, alimentée par des crises internationales. Nous l’avons vu dernièrement : les tristes événements en Israël ont conduit à une augmentation du prix du gaz de plus de 26 % en quelques jours à peine.

Toutes ces réserves auraient pu justifier le rejet du texte par le Sénat. Toutefois, dans notre procédure parlementaire, un tel vote revient à donner carte blanche à l’Assemblée nationale pour reprendre son texte.

Nous avons donc jugé préférable de nous engager pour mieux protéger nos territoires, en amendant le dispositif selon un objectif prioritaire : la lutte contre l’inflation ne doit pas s’opérer au détriment des très petites entreprises (TPE), PME et ETI, piliers de l’emploi et de l’attractivité de nos territoires, ni au détriment de la souveraineté alimentaire.

Le projet de loi initial prévoyait d’avancer la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier pour les entreprises réalisant plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires. Cela revenait à laisser nos PME négocier après les grands groupes, au risque de fragiliser leur accès au linéaire, c’est-à-dire à leur référencement en rayon.

Aussi, les députés ont introduit un principe de différenciation des dates de négociation selon la taille des entreprises. La commission des affaires économiques du Sénat a conservé et précisé ce principe protecteur pour les PME et les ETI. Ainsi, elle accorde un délai plus réaliste de négociation aux PME et ETI. En effet, la date butoir du 31 décembre qui avait été choisie comportait un risque de goulot d’étranglement préjudiciable aux industriels comme aux distributeurs.

La commission propose donc de reporter les dates butoirs de négociation au 15 janvier pour les PME et ETI et au 31 janvier pour les grands groupes, permettant ainsi à nos entreprises de discuter avec la grande distribution dans un délai qui, nous l’espérons, n’obérera pas la qualité de ces négociations, notamment les plans d’affaires, car il ne s’agit pas seulement de la formation du prix !

Il est impératif de conserver la différenciation du calendrier dans le texte, afin de ne pas livrer nos petites entreprises à un rapport de force structurellement déséquilibré avec la grande distribution.

Jusqu’alors, le Gouvernement est favorable non pas à ce principe de différenciation, mais plutôt à un dispositif de chartes. Déjà testé, il n’est visiblement pas concluant, pour être trop restreint et toujours soumis au bon vouloir des distributeurs. Aussi, sans date butoir anticipée, le respect d’une phase de négociation spécifique pour les plus petites entreprises restera hypothétique.

Comme nous y invite notre président Gérard Larcher, méfions-nous des lois de pulsion. Selon nous, ce projet de loi entre malheureusement dans cette catégorie et ne s’attaque pas aux mauvaises pratiques déséquilibrant les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs.

Je pense bien sûr au développement des centrales d’achat basées à l’étranger. De plus en plus nombreuses, elles permettent aux grands distributeurs de s’affranchir du cadre protecteur pour l’amont fixé par les lois Égalim et d’adopter des pratiques parfois abusives à l’égard des fournisseurs français.

Nous l’avons rappelé lors de l’examen de la loi Égalim 3, en mars dernier : tout contrat visant des produits commercialisés sur le sol français doit se voir appliquer le cadre français des négociations commerciales et les sanctions qu’il prévoit. Depuis lors, malheureusement, aucune amélioration n’a été constatée à ce sujet.

Outre cet enjeu, il faut prendre en compte l’opacité des pratiques et du partage de la valeur. Les distributeurs se défaussent sur les industriels et vice versa, sans que nous, parlementaires, disposions de données nous permettant de légiférer en toute connaissance de cause.

Les marges des industriels comme celles des distributeurs doivent faire l’objet d’une évaluation.

D’un côté, les industriels sont critiqués pour avoir reconstitué leurs marges après dix années de déflation.

De l’autre, les distributeurs sont accusés d’avoir augmenté leurs marges, donc les prix, sur les produits des marques nationales, pour compenser les baisses de prix sur les produits des marques distributeurs. Sur tous ces sujets, l’opacité règne toujours et requerra selon nous un engagement plus grand de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour que nous soyons éclairés sur la formation des prix.

En ce sens, l’article 2 du projet de loi a pour objet de commander au Gouvernement un rapport sur l’effet de l’avancement des négociations commerciales sur les prix et les marges dans la grande distribution, ainsi que sur le partage de la valeur.

J’en profite pour rappeler que le Parlement n’a toujours pas reçu le rapport sur les effets des mesures de relèvement du seuil de revente à perte de 10 %, document qui devait être remis au 1er octobre dernier… Il s’agit pourtant d’un rapport essentiel si nous voulons évaluer les lois passées avant de mener une refonte structurelle de l’organisation des négociations commerciales à venir, comme le souhaite le Gouvernement d’ailleurs, ainsi que vous l’avez rappelé, madame la ministre.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à voter les améliorations apportées à ce texte par la commission des affaires économiques. Il est en effet de notre responsabilité de soutenir nos entreprises, en les protégeant d’un rapport de force qui, si le texte issu du Sénat n’était pas adopté, leur serait défavorable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2018, le Parlement s’acharne en vain à réguler les négociations commerciales entre la grande distribution et les fournisseurs.

L’obstination du Gouvernement à proposer les mêmes solutions simplistes est déconcertante, surtout quand on sait que l’inflation alimentaire a récemment baissé, sans que cela change quoi que ce soit.

Depuis le 7 avril dernier, Bruno Le Maire demande, menace, garantit, mais n’obtient pas grand-chose. Et aujourd’hui, ce projet de loi nous est présenté…

Avancer les négociations commerciales de quatre ou six semaines ne résoudra rien. Le droit actuel permet déjà des renégociations en cas de fluctuation des prix des matières premières, mais ces clauses demeurent inutilisées.

De plus, la surinflation est non pas un phénomène naturel, mais le résultat de la spéculation et de l’augmentation des marges par des entreprises en position dominante.

Il est temps de repenser notre approche. Toutefois, avant de vous proposer quelques solutions alternatives, j’aimerais vous poser une question, madame la ministre : n’avez-vous pas honte de nous présenter ce projet de loi, si ambitieux dans son intitulé, mais si vide par son contenu ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Non !

Mme Marianne Margaté. La honte est un sentiment qui révèle notre humanité dans toute sa complexité et auquel nous avons tous été confrontés. C’est un jugement silencieux que nous portons sur nous-mêmes et que certains d’entre nous ressentent quand ils ne le devraient pas, tandis que d’autres y échappent alors qu’ils devraient en être accablés. (Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Vous faites de la psychanalyse ?

Mme Marianne Margaté. La honte qu’éprouve, par exemple, cette famille réduite à choisir entre manger et se chauffer. La honte que ressent le vieil homme qui fait la queue aux Restos du Cœur. La honte de cet étudiant réduit à dormir sous une toile de tente. La honte, toujours la honte, de ceux qui ne peuvent pas et qui n’en peuvent plus.

Or, face à ces hontes, il nous est présenté une politique non seulement inefficace, mais également nocive pour les Français.

Voici une série de chiffres qui la résume. Entre la fin de l’année 2021 et le premier trimestre 2023, le taux de marge des industries agroalimentaires est passé de 28 % à 48 %. Alors même que plus de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont un enfant sur cinq, madame la ministre, et alors que 7 millions de personnes recourent à l’aide alimentaire, les industries agroalimentaires trouvent les moyens de faire des profits, dans un contexte généralisé d’inflation des coûts de l’énergie et des matières premières. Bien entendu, ce sont les consommateurs qui ont enduré ces derniers…

Si ces entreprises n’avaient pas augmenté leurs marges, les prix de production agroalimentaire auraient augmenté deux fois moins vite depuis le début 2022.

Ces grands groupes agroalimentaires et leurs dirigeants devraient eux aussi avoir honte ! « La honte est le crépuscule de l’âme, là où le jour et la nuit se confondent », selon Victor Hugo. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais du jour, de la nuit et de l’âme, qu’importe !, diraient ces grands groupes, les yeux rivés sur leurs marges et leurs profits.

Venons-en aux entreprises de la grande distribution, dont les dividendes se sont envolés.

Mme Sophie Primas. Pas en France, chère collègue !

Mme Marianne Margaté. Plus de 8 % de dividendes pour Carrefour, plus de 960 millions d’euros pour Auchan et plus de 240 millions d’euros pour Casino.

Alors, la honte de cette mère célibataire, qui fait partie des 53 % de Français qui renoncent régulièrement à acheter des aliments en raison du coût de la vie, est à mettre en résonance avec la responsabilité qu’ont les grosses entreprises de la zone euro, dont les profits ont fait gonfler les prix de 49 %.

La honte doit changer de camp ; il y va de votre responsabilité ! Ne pas agir est une faute non seulement politique, mais également morale, qui est lourde de conséquences.

Depuis juin 2021, on nous promet que l’inflation sera temporaire ; ce projet de loi ne tend qu’à perpétuer cette illusion. Pourtant des solutions d’urgence existent : indexer les salaires sur l’inflation, geler les prix, ou encore bloquer à la baisse les marges des industriels de l’agroalimentaire et de la grande distribution.

Dans ces conditions, vous le comprendrez, avancer les négociations commerciales de quelques semaines pour que les prix au consommateur baissent est dérisoire, quand, comme nous, on veut lutter en urgence contre la hausse des prix des biens de tous les jours.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le principe de cette quatrième version de la loi Égalim pourrait être ainsi résumé : « La stratégie des petits pas »… (Mme la rapporteure sourit.)

Soyons réalistes ! Comme cela a été dit à l’Assemblée nationale et comme cela sera sûrement répété par nos collègues au Sénat aujourd’hui, ce texte est une grande opération de communication sur le pouvoir d’achat des Français : aucune garantie de l’efficacité de ses dispositifs n’a été donnée ; seul le gain d’un délai de six semaines est visé.

Je pose une question simple : à quelles décisions permettant d’améliorer le pouvoir d’achat des Français les « mesures d’urgence » évoquées dans le titre du projet de loi font-elles allusion ?

Nous sommes dans un monde libéral, fondé sur la liberté du marché, et je m’étonne chaque fois de votre volonté de fixer des prix. N’est-ce pas une utopie sociale adoptée par des libéraux ? (Sourires.)

Entre énoncer des vœux et la réalité, il y a, on le sait, un gouffre. Si l’impact était évalué et reconnu, mon groupe vous aurait soutenue, madame la ministre, car, dans le contexte de crise que nous connaissons, tout ce qui peut être mis en œuvre pour alléger le budget des foyers est à encourager et à soutenir.

Hélas, nous n’avons aucune assurance de l’efficience de ce texte, le quatrième en cinq ans, qui s’ajoute à toutes les lois sur les relations commerciales. Le contexte est le même aujourd’hui qu’hier et qu’avant-hier. Malheureusement, il sera le même demain, car ce n’est pas ce projet de loi qui empêchera les deux extrémités de la chaîne à payer le prix fort, à savoir, bien sûr, les agriculteurs d’un côté et les consommateurs de l’autre.

Dans la guerre des prix, c’est aux paysans que l’on impose un prix pour leurs produits ; il n’y a que pour eux que cela existe ! Ils subissent de plein fouet les crises sanitaires, climatiques, politiques, mais aussi, comme tous, l’inflation, avec la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières.

Dans les premières négociations, le prix de production des agriculteurs a été pris en compte, mais en aucun cas la hausse du coût des énergies et des matériaux.

Quant aux consommateurs, on leur fait miroiter des prix bas, alors que la marge obtenue à diverses étapes de la chaîne ne fait que s’amplifier.

En quoi les dispositions de ce texte changeront-elles la donne ? Si l’inflation affecte les ménages – c’est le postulat de ce projet de loi –, elle touche également les autres maillons de la chaîne…

Lors des auditions, qui se sont déroulées en septembre dernier à l’Assemblée nationale, des représentants de la grande distribution ont expliqué que, malgré les négociations à venir, les prix pourraient encore augmenter, car le contexte est incertain. Tout le monde se rejette les torts : les distributeurs accusent les transformateurs et les industriels de l’agroalimentaire. Quand certains affichent 48 % de marges, la décence oblige à la raison.

Or nous ne sommes pas dans un monde de raison. Alors que certains Français souffrent, se paupérisent, d’autres ont eu l’idée géniale de la shrinkflation, ou comment payer le même prix pour avoir moins !

On parle beaucoup de partage de la valeur, mais l’on sait que celle-ci ne profite jamais aux producteurs.

Une fois de plus, je prendrai l’exemple, qui est très parlant, du vin, même s’il ne s’agit pas d’un produit de grande consommation. Le prix du litre du vin acheté dans une cave coopérative s’élève à 0,75 euro. À cela, il faut ajouter la marge du négoce, qui définit le prix, puis celle du distributeur, puis celle des bistrots ou des restaurants. Au total, vous obtenez un verre de quinze centilitres à 5 euros, soit plus de 32 euros le litre ! Cherchez l’erreur…

Le juste prix peut exister, mais sans la volonté de tous, il ne restera qu’un vœu pieux.

Le problème le plus récent, au-delà de la concurrence exacerbée en France, réside dans les groupements d’achats européens, au sein desquels les distributeurs ne cessent de s’adapter pour mieux contourner la loi française, se mettant ainsi hors de portée du législateur français.

Allons-nous légiférer exclusivement en fonction de la conjoncture ?

Madame la ministre, comment croire qu’un délai de six semaines résoudra tous les problèmes ? Comment croire que les négociations aboutiront à une amélioration si elles ne sont pas fondées sur la sincérité et sur la raison ?

Au fil des lois, des débats et des négociations, la chape de plomb pèse toujours de plus en plus sur les producteurs et sur les consommateurs.

Le législateur est prolixe en textes censés encadrer les relations commerciales, mais la réalité est bien plus agressive : il s’agit d’une guerre des prix qui pousse constamment ceux-ci à la baisse sur les produits d’appel, tout en permettant de dégager des marges énormes sur d’autres articles.

La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim 1, a eu le mérite de mettre tous les acteurs concernés autour de la table pour discuter des problématiques et des enjeux. Reste que les solutions sont manifestement difficiles à trouver.

Nous ne vous jetons donc pas la pierre, madame la ministre, mais gardez-vous d’utiliser de fausses solutions fondées sur des délais dans un tel contexte de détresse pour de nombreux Français. (M. Jean-Noël Guérini applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Buval. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Frédéric Buval. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour cette première intervention au sein de notre Haute Assemblée, je tiens à exprimer ma fierté de débattre d’une problématique concrète qui se trouve au cœur des préoccupations de nos concitoyens, tant en France métropolitaine qu’en outre-mer, plus spécifiquement encore en Martinique.

Nous subissons tous l’inflation, qui est ancrée dans le quotidien des ménages, des entreprises et des collectivités locales. Elle gangrène l’économie mondiale et n’épargne pas la France, bien que nous y résistions mieux que nos voisins européens.

En dépit de nos divergences politiques, je suis convaincu que nous partageons un objectif commun : préserver le pouvoir d’achat des Français.

Le projet de loi que le Gouvernement nous soumet se veut une réponse simple et rapide à l’urgence que représente l’impact croissant sur les Français de la hausse des prix alimentaires. L’inflation en France a atteint un niveau record depuis 1985 : +5,2 % en 2022, avec une hausse de 8,3 % concernant les produits alimentaires.

Ce contexte inflationniste à l’échelle internationale est inédit. Il résulte d’une succession de facteurs exceptionnels dont les effets se sont accumulés : une crise sanitaire mondiale sans précédent suivie d’une surchauffe économique mondiale engendrée par l’envolée des prix de l’énergie et la pénurie de matières premières, ayant un impact direct sur la commercialisation de tous les produits, agricoles ou transformés.

Nous le savons, les ménages les plus modestes sont les plus touchés par l’inflation, car ils allouent une part significativement plus importante de leur budget à l’alimentation et aux dépenses essentielles.

Le Gouvernement a mis en œuvre plusieurs mesures volontaristes pour en atténuer les conséquences, mais nous sommes conscients que les Français continuent de subir l’inflation et qu’il est impératif d’agir rapidement pour les protéger.

L’objectif de ce texte est bien de ne pas perdre de temps pour faire baisser les prix à la consommation. La mesure proposée est temporaire et porte exclusivement sur les négociations commerciales, afin que les baisses de prix sur les marchés de gros soient répercutées le plus rapidement possible sur les montants payés par le consommateur final.

Cette action est d’autant plus nécessaire que les prix de certaines matières premières diminuent significativement depuis plusieurs mois, sans que les consommateurs en aient encore bénéficié.

Parce qu’il comprend une date butoir, notre modèle français en matière de relations commerciales a souvent pour effet de transformer les négociations annuelles en un moment de tensions entre les différentes parties prenantes, lesquelles devraient pourtant collaborer comme des partenaires.

Par ailleurs, ce processus ne permet pas le plein déploiement de mécanismes essentiels, tels que les clauses de renégociation et de révision automatique des prix. Lorsqu’ils sont correctement mis en œuvre, ces dispositifs bénéficient pourtant aux consommateurs, sans léser ni les producteurs ni les distributeurs.

Ainsi, la mesure phare de ce projet de loi vise à répondre concrètement aux attentes des Français, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer.

Les territoires d’outre-mer, notamment la Martinique dont je suis désormais l’un des représentants au Sénat, ont souffert de l’inflation et en souffrent encore. À ce titre, nous avons besoin de réformes en profondeur, touchant aussi bien les aspects sociaux, économiques, politiques qu’institutionnels, j’ose le dire.

La cherté de la vie dans ces territoires est un problème structurel qui entrave depuis de nombreuses années le développement économique et social, frappant quotidiennement les populations. Ces dernières endurent les conséquences de cette situation, qui se traduit par un coût des produits et des services structurellement supérieur de 20 % en moyenne à celui qui est pratiqué dans l’Hexagone.

Si la dynamique conjoncturelle peut paraître plus faible, nous partons de bien plus haut que dans l’Hexagone et la lutte contre l’inflation demeure pour nous une priorité absolue.

Je tiens à saluer, à ce sujet, le travail de mon collègue député de la Martinique, M. Johnny Hajjar, rapporteur de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Celle-ci a mis en évidence une différence de prix significative, pouvant atteindre 40 % pour les produits alimentaires, entre les produits vendus dans l’Hexagone et ceux qui sont distribués dans les territoires d’outre-mer.

Les causes de cette situation sont multiples et cumulatives : éloignement géographique, étroitesse des marchés, manque de concurrence commerciale. Elles entraînent une grande précarité sociale et une vulnérabilité des filières locales, lesquelles sont peu structurées et insuffisamment financées pour valoriser leurs productions à des prix compétitifs.

La faiblesse de la concurrence est, à mon sens, un facteur clé du coût élevé de la vie. Les marchés des produits et des services dans les territoires d’outre-mer sont souvent dominés par un petit nombre d’acteurs qui fixent des prix élevés malgré les efforts déployés ces dernières années pour augmenter la transparence en la matière dans tous les territoires d’outre-mer. Je proposerai un amendement pour favoriser encore davantage de transparence sur les marges et sur les prix pratiqués en outre-mer.

En conclusion, mes chers collègues, nous entendons les critiques formulées à l’égard de ce texte, mais nous estimons qu’il est urgent de permettre aux Français de bénéficier de baisses de prix, même si ce n’est que pour quelques semaines.

La commission des affaires économiques a retenu le principe de deux dates pour les négociations. Nous estimons que cette différenciation pose problème ; c’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à rétablir une date butoir unique au 15 janvier 2024. Nous y reviendrons, mais nous considérons qu’une date unique protège mieux les petites et moyennes entreprises (PME) et les ETI. De plus, si nous pouvons gagner deux semaines pour la population française, nous devons le faire.

Pour autant, nous sommes également convaincus que le travail sénatorial impose de trouver des compromis et que tout gain pour les Français est bon à prendre. Tel sera le sens de notre vote à l’issue de l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, allons-nous examiner ce matin une énième loi Égalim ? Il s’agirait alors de la quatrième du genre en cinq ans, soit presque un texte par an. Une telle fréquence démontre clairement que ces lois successives, conçues comme des correctifs de la toute première d’entre elles, adoptée en 2018, sont intrinsèquement inefficaces.

Le Gouvernement présente ce texte comme une mesure de lutte contre l’inflation, en proposant d’avancer exceptionnellement la date butoir pour la signature des accords commerciaux entre les distributeurs et les gros fournisseurs au 15 janvier prochain, avec pour objectif de permettre à nos concitoyens de bénéficier plus tôt d’une baisse des prix des matières premières et des produits qui en découle.

Nous estimons pour notre part que ce texte est stérile, qu’il n’emportera pas les conséquences annoncées, voire qu’il pourrait déclencher des effets pervers. Il ne s’agit de rien d’autre que d’une gesticulation supplémentaire pour donner l’impression que le Gouvernement est dans l’anticipation et dans l’action, alors qu’il demeure dans la tétanie la plus totale.

Ce constat est également valable pour d’autres sujets, comme l’agriculture ou la transition écologique. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les discours du Président de la République, qui craint tant de faire preuve de courage politique qu’il préfère ne rien proposer de nouveau.

Comment ce texte pourrait-il avoir une influence positive sur l’inflation ? Bien que celle-ci semble ralentir, il serait illusoire de penser que nous reviendrons à une situation ex ante. Annoncer une réduction des prix est donc intellectuellement malhonnête ; malheureusement, ceux-ci vont se maintenir à leur niveau actuel, voire augmenter pour certains produits de base comme le beurre ou le sucre.

Ce texte n’est qu’un pari. Avancer la date butoir ne garantit en rien l’issue des négociations, alors même que les industriels se plaignent déjà de ne pas pouvoir répercuter tous les coûts sur leurs prix.

En vérité, ce sont les deux extrémités de la chaîne qui seront probablement touchées : les producteurs, sans lesquels rien n’est possible, et les consommateurs, qui sont censés être protégés par ce texte, mais qui devront de toute façon payer le prix affiché.

Ce n’est pas sans raison que plusieurs syndicats agricoles ont très mal accueilli ce projet de loi : celui-ci présente un risque tangible pour les revenus des agriculteurs. En avançant la date butoir des négociations, on risque d’exercer une pression sur les prix agricoles, alors même que, comme vous le savez bien, madame la ministre, mes chers collègues, les paysans sont confrontés à une hausse significative de la quasi-totalité de leurs charges.

Nous avons donc souhaité déposer des amendements à l’article 1er, qui constitue l’essentiel de ce texte. Nous proposons ainsi une réouverture anticipée des négociations commerciales si l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou la DGCCRF constataient, au sein d’une filière, une déformation du partage de la valeur entraînant une hausse des prix déraisonnable, répercutée sur le consommateur.

Nous proposons également que les contrats entre distributeurs et fournisseurs intègrent des modalités de révision des prix en fonction d’indicateurs reflétant l’évolution des coûts des matières premières et des facteurs de production. En effet, si ces contrats étaient mieux encadrés, s’ils contenaient des indicateurs rendant compte fidèlement des prix des matières premières agricoles (MPA) et industrielles (MPI), il ne serait pas nécessaire d’avancer les dates des négociations commerciales et les prix en grande distribution pourraient être adaptés plus rapidement.

Madame la ministre, le principal problème que présente votre projet de loi est qu’il ne traite pas de la totalité de la problématique de l’inflation, car il ne permettra pas de réguler les relations commerciales. Plutôt que de nous soumettre un texte comportant des mesurettes, pourquoi le Gouvernement ne veille-t-il pas à la stricte application des lois existantes en la matière ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. C’est ce que j’ai dit !

M. Christian Redon-Sarrazy. Pourquoi ne renforce-t-il pas les contraintes sur la grande distribution et sur les industriels de l’agroalimentaire ?

Le mécanisme de révision des prix est dysfonctionnel, nous le savons tous : la succession des lois Égalim prouve que l’État se contente de compter les points et ne parvient pas à s’imposer face aux différents acteurs.

Sans aller jusqu’à réclamer une économie entièrement sous contrôle, il nous semblerait normal que l’État joue son rôle de régulateur et rééquilibre le rapport de force au sein de la chaîne de production alimentaire, en mettant un terme à la guerre des prix entre les industriels et la grande distribution.

S’il entend préserver le pouvoir d’achat des Français, il ne saurait se contenter de laisser agir le marché, la recherche des intérêts particuliers ne servant jamais, hélas ! l’intérêt général.

Pour autant, en dépit de ses lacunes, nous n’entendons pas voter contre ce texte, parce que nous ne souhaitons pas adresser un mauvais signal aux Français, qui pourraient croire ainsi que la lutte contre l’inflation nous laisse indifférents. Nous ne voulons pas non plus ne pas prendre part au vote, au risque que les sénateurs de la majorité décident seuls du texte finalement retenu.

Tenant à manifester ses doutes profonds sur les capacités de ce projet de loi à atteindre son but, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Daniel Gremillet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte s’apparente à une vraie fausse bonne idée, et ce pour plusieurs raisons que notre rapporteure a déjà évoquées.

Certes, l’important travail réalisé à l’Assemblée nationale nous place, nous, sénatrices et sénateurs, dans un piège terrible. Nous avons en effet l’obligation de corriger les dates qui ont été retenues, mais qui sont en total décalage avec la capacité des entreprises – indépendamment de leur taille – à mener à bien dans un tel laps de temps des négociations annuelles.

De plus, ce texte semble ignorer la réalité du niveau d’activité de certains secteurs au mois de décembre.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Non !

M. Daniel Gremillet. Solliciter des chefs d’entreprise, en particulier ceux des plus petites structures, pour des négociations au mois de décembre, alors même que l’activité bat son plein, démontre une méconnaissance de la réalité du terrain.

M. Daniel Gremillet. À mon sens, ce texte est donc en complet décalage avec la vraie vie.

Madame la ministre, le Sénat a toujours été clair dans son analyse des différentes lois Égalim. En 2023, contrairement à ce qui a été avancé, Égalim a porté ses fruits : les clauses de renégociation ont été efficaces lorsque les prix des matières premières ont baissé. (Mme la ministre déléguée fait un signe de dénégation.) Si ! Les auditions menées par le groupe de suivi sur les États généraux de l’alimentation que je préside en attestent : nous avons la preuve que, dans cette configuration, les prix ont bien baissé.

De plus, à ce jour, les indicateurs sur lesquels repose ce nouveau projet de loi Égalim ne sont toujours pas connus.

Nous connaissons tous le terrain et, comme vous, madame la ministre, nous sommes tous interpellés. Récemment, un chef d’entreprise m’a montré des chiffres, en présence de la préfète de mon département, indiquant une augmentation de 314 % des coûts énergétiques en 2023 par rapport à 2021 et une prévision d’augmentation de 272 % pour 2024. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. C’est vrai !

M. Daniel Gremillet. Cette situation n’est pas propre à mon département : elle témoigne de la réalité dans tous les territoires.

Madame la ministre, le Gouvernement a lancé le 16 octobre dernier une conférence sociale sur l’évolution des salaires, reconnaissant ainsi que nous étions entrés dans un contexte d’inflation et qu’il était impératif d’offrir aux salariés des moyens d’améliorer leur niveau de vie. C’était nécessaire.

Pour autant, en ciblant le secteur agroalimentaire, vous démontrez votre méconnaissance de sa situation : le poids de la main-d’œuvre y représente une part très importante du prix final.

Encore un point sur la réalité quotidienne de nos concitoyens : le sujet que nous abordons aujourd’hui ne concerne que 50 % du panier alimentaire des Français, car seuls les produits de marques nationales sont concernés – pas les marques de distributeurs (MDD). Par conséquent, ce débat parlementaire ne porte que sur la moitié des produits alimentaires consommés par nos familles. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Primas applaudit.)

M. Daniel Gremillet. En outre, lors de ses propres travaux, Laurent Duplomb a fait le constat alarmant, preuves à l’appui, que l’assiette quotidienne des Français se vidait progressivement des produits de nos territoires. Nous ne pouvons rester indifférents à cette situation ; nous ne saurions continuer à fragiliser nos concitoyens, alors même que vous avez pour ambition, madame la ministre, avec notre soutien, de relocaliser des productions alimentaires dans nos territoires.

Lors des travaux menés par le Sénat, nous avons observé que les règles propres à la MPA avaient été globalement respectées dans le cadre de la loi Égalim, en ce qui concerne les marques nationales. Une nouvelle perspective s’ouvre pour 2024, car, grâce au Sénat, ces règles concerneront alors l’ensemble des productions, y compris les MDD.

Par ailleurs, les coûts issus de la matière première industrielle ont, quant à eux, été répercutés à hauteur de 30 % à 50 % par les entreprises, quelle que soit la taille de ces dernières. Nous disposons, là encore, d’éléments pour en apporter la preuve.

Cette question illustre la politique à la française : la loi Égalim vise surtout l’avenir, puisqu’elle conduit à élaborer des indicateurs. Prenons l’exemple du lait. Malgré cette loi, à cause de l’envolée des prix, son prix en France a été inférieur de 110 euros par mille litres par rapport à l’Allemagne et de 160 euros par rapport à l’Irlande. Les mécanismes issus de ce texte, qui devaient conduire à adapter le prix versé aux fournisseurs de lait en fonction de la réalité du marché, n’ont donc pas joué leur rôle.

Pour autant, cette situation a emporté une conséquence positive : alors que les prix alimentaires se sont envolés de plus de 20 % en Allemagne en 2022, nous avons réussi à limiter cette hausse à 12 % en France.

Nous étions donc considérés comme les derniers de la classe en Europe en matière de prix du lait ; pourtant, actuellement, la France offre le prix le plus élevé, soit 40 euros de plus. Ces chiffres démontrent objectivement la réalité dans laquelle nous nous trouvons.

Il est essentiel de ne pas fragiliser nos marques, quelle que soit la taille des entreprises concernées ; celles-ci font face à un mur d’investissements afin de décarboner leurs activités et de mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles, notamment en ce qui concerne les emballages. Nous ne disposons pas encore de toutes les solutions pour répondre à ces enjeux.

Pour toutes ces raisons, je considère, au nom du groupe Les Républicains, que ce texte est une fausse bonne idée. Son adoption pourrait se traduire par des hausses plutôt que par des baisses de tarifs. Toutefois, ce serait à ce prix que nous sauverions notre souveraineté alimentaire.

Madame la ministre, la France n’est pas dans une bulle, nous sommes bel et bien entrés dans l’inflation. Il est temps de reconnaître cette réalité.

C’est pourquoi nous soutiendrons les travaux de notre rapporteure. Dans leur majorité, les membres du groupe Les Républicains voteront ce texte, contraints et forcés. Pour autant, nous estimons que celui-ci ne constitue pas une réponse adéquate pour nos concitoyens. En tant que législateurs, nous avions des missions bien plus importantes à accomplir dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, l’hiver allait démarrer et nous nourrissions des inquiétudes et des incertitudes : aurions-nous suffisamment d’énergie pour nous chauffer ? Les prix flambaient, les tarifs des produits de grande consommation s’envolaient ; pour les Français, l’inflation s’amorçait. Notre situation actuelle est légèrement meilleure, mais elle reste toujours fragile.

Le risque inflationniste sur les matières premières est une épée de Damoclès qui plane au-dessus du pouvoir d’achat des Français. Certes, la décrue des prix à la production a commencé, comme nous l’indiquent les chiffres de l’Insee qui se trouvent dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, mais sommes-nous certains que cette tendance va se poursuivre ?

Je tiens, au préalable, à saluer les efforts fournis par le Gouvernement depuis ce fameux hiver 2022 pour protéger au mieux les Français. Renforcer cette action de lutte contre l’inflation est un objectif louable, comme l’est celui d’accélérer le mouvement. Pour autant, des interrogations majeures demeurent.

La première d’entre elles est simple : les dispositions que nous examinons produiront-elles un effet réel ? Sur le papier, avancer la date des négociations commerciales semble une solution intéressante : les Français pourraient ainsi voir baisser les prix plus rapidement et en bénéficier dès le début de l’année.

Pourtant, nous nous interrogeons sur la faisabilité de négociations si rapides pour les distributeurs comme pour les fournisseurs. J’ai en particulier à l’esprit nos PME et les entreprises de taille intermédiaire sur nos territoires. Nous sommes tous concernés par ces enjeux de grande consommation dans nos départements, où les producteurs et industriels sont nombreux, comme c’est le cas dans le Maine-et-Loire.

Le 30 mars dernier, nous avons déjà modifié les règles relatives aux négociations commerciales, et cette révision n’a pas encore eu le temps de produire ses premiers effets. Or un système équilibré est très complexe à mettre en place.

L’intensité des échanges en commission a montré combien il était nécessaire de permettre rapidement à la baisse des prix de production de se répercuter sur le panier des ménages. Pour autant, elle a également illustré les craintes qui se font jour quant à l’utilité réelle de l’outil proposé ici.

Je me félicite du travail de la rapporteure Anne-Catherine Loisier et de la commission des affaires économiques. Cependant, les modifications apportées au texte ne nous semblent pas non plus de nature à répondre à l’objectif affiché. Qu’il s’agisse de l’avancement de quelques semaines de la date prévue dans le droit actuel ou des différences opérées entre fournisseurs en fonction de leur chiffre d’affaires, les répercussions de ces mesures ne sont pas claires.

L’amélioration attendue ne sera donc pas forcément au rendez-vous, mais, si les conséquences de ce texte devaient être neutres, nous aurions alors légiféré pour rien et suscité des espoirs qui seront, une fois de plus, déçus.

Notre priorité est la protection des consommateurs et, à cette fin, nous avons besoin d’un texte à effet positif, offrant de la stabilité à un secteur soumis à de multiples tensions. Or ce projet de loi n’aborde pas cet aspect.

Il nous faut apporter des réponses structurelles importantes, mais, pour le moment, nous peinons à les imaginer. Nous devrions, par exemple, amorcer un travail important sur les marques de distributeurs ou encore relancer l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Ce point est central, s’agissant de la grande consommation et des acteurs qui la construisent.

La grande distribution est confrontée à de nombreux défis, l’inflation a des causes multiples et l’avenir nous laisse entrevoir encore bien des sujets. La décarbonation du secteur fait partie de cette longue liste, comme les enjeux environnementaux en tout genre ou encore les nouvelles formes de consommation.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, nous partageons l’objectif de ce projet de loi et nous en comprenons le sens, mais nous restons perplexes quant à ses effets.

La succession de crises que nous connaissons nous contraindra peut-être à repenser notre modèle économique. Nous devons nous y consacrer collectivement.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2023, l’inflation atteignait encore 4,9 % dans notre pays. La hausse du prix de l’alimentation se chiffrait, quant à elle, à 20 % en dix-huit mois – un niveau record qui devrait nous inquiéter et nous inviter à agir.

L’inflation a ralenti ces derniers mois, mais le contexte géopolitique actuel rend incertaines les perspectives de baisse du phénomène, notamment en raison du retour de la hausse des coûts de l’énergie.

C’est dans ce contexte préoccupant que le Gouvernement nous présente ce projet de loi.

Discuté dans l’urgence, ce texte s’apparente malheureusement davantage à une opération de communication du ministre de l’économie qu’à une véritable mesure de lutte contre l’inflation.

Ce quatrième texte sur le sujet en cinq ans se borne à détricoter les lois Égalim précédentes, alors même que nous disposons de peu de recul sur leur application. Une telle instabilité législative est particulièrement préjudiciable pour nos TPE, nos PME et nos ETI.

De plus, son utilité reste à démontrer. Ne comportant que des mesures dérogatoires et temporaires, ce texte a vocation à s’appliquer seulement entre trente et quarante-cinq jours, mais présente un véritable risque pour la stabilité des relations commerciales.

Sa mesure phare – l’avancée de la date butoir clôturant le cycle des négociations commerciales – ne comporte aucune garantie en matière de pouvoir d’achat des Français. Son champ d’application est d’ailleurs trop restreint, dans la mesure où elle cible essentiellement les produits de marques.

Par ailleurs, la compression de la durée de la période de négociation pourrait mettre en difficulté certaines de nos entreprises. La date du 31 décembre était ainsi irréaliste et totalement inadaptée au calendrier d’un certain nombre d’établissements, notamment alimentaires, qui font l’essentiel de leur chiffre d’affaires en fin d’année.

Le groupe Union Centriste salue le travail de notre rapporteure de la commission des affaires économiques, Anne-Catherine Loisier, pour améliorer ce texte et assurer la protection de nos entreprises.

Je souhaite quant à moi revenir sur deux mesures qui me semblent importantes.

En premier lieu, le report de la date butoir au 15 et 31 janvier permettra aux PME de bénéficier d’un délai plus adapté dans leurs négociations anticipées. Je relève également l’importance du maintien du principe de différenciation des périodes de négociation.

En second lieu, l’exigence de consolidation des chiffres d’affaires retenus, introduite par l’adoption d’un amendement que j’ai défendu en commission, est un point primordial pour éviter toute distorsion dans les négociations.

J’estime toutefois qu’il aurait été intéressant de mieux sécuriser le cadre légal des clauses de renégociation et de les rendre plus opérantes et plus dynamiques afin de doter les acteurs d’un véritable outil pour répercuter les variations de prix. Le Sénat s’était du reste mobilisé en faveur d’une telle disposition lors de la discussion de ce qui deviendrait la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite Égalim 3.

L’inflation pénalisant lourdement les Français, elle appelle des mesures concrètes et immédiates. Des réponses devront être également apportées lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Tout en doutant que ce texte permette de répondre à ces attentes, nous le voterons, par souci d’exigence et de responsabilité, dans sa version amendée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation » : quoi de plus important quand, depuis deux ans, nous sommes dans une spirale inflationniste majeure ; quand de nombreuses familles, en particulier les plus vulnérables, n’arrivent plus à se nourrir et doivent choisir entre manger, se chauffer, se soigner ou se déplacer ? Oui, quoi de plus important ?

Et pourtant, il n’y a rien dans ce texte : aucune véritable mesure d’urgence pour lutter contre l’inflation.

Rien sur la question de la spirale prix-profits qui souligne l’échec des politiques de concurrence menées jusqu’à aujourd’hui.

Rien pour encadrer les superbénéfices des entreprises, de l’agroalimentaire ou de la grande distribution, qui profitent de l’inflation pour « se goinfrer » en gonflant leurs marges au détriment des consommateurs.

Rien pour soutenir les produits labellisés « Agriculture biologique » ou les produits qui garantissent l’origine, le respect de l’environnement et le bien-être animal. Nous avons pourtant proposé un amendement visant à rendre ces produits plus accessibles en encadrant les marges, mais celui-ci a été déclaré irrecevable.

Rien, si ce n’est une petite – une toute petite – ambition : l’avancement de six semaines des négociations commerciales entre les distributeurs et les grandes marques, avec l’espoir de peut-être faire baisser les prix au début du mois de février prochain. Une toute petite ambition, alors que l’inflation frappe de plein fouet les plus fragiles d’entre nous.

Je ne citerai que trois données, madame la ministre : 10 % des Français déclarent ne pas pouvoir se chauffer ; 25 % déclarent ne pas pouvoir se payer une semaine de vacances ; 51 %, soit la moitié de la population, affirment se priver occasionnellement ou régulièrement d’un repas.

Ce texte devrait remédier aux files d’attente qui s’allongent devant les points de distribution des Restos du Cœur, où 170 millions de repas ont été servis en un an, soit 30 millions de plus que l’année précédente.

Proposer la charité des millionnaires en lieu et place de politiques publiques ambitieuses d’encadrement des marges et des prix est une erreur indécente, madame la ministre.

Ce texte de loi, rustine supplémentaire, atteste l’absence de volonté du Gouvernement de proposer des mesures structurelles qui répondent à l’urgence sociale à laquelle nous faisons face.

Tout le monde s’entend à dire que ce projet de loi ne va pas grandement changer les prix dans les supermarchés et qu’il aura sans doute peu d’effets.

Il comporte pourtant quelques petites avancées, notamment grâce aux améliorations apportées par les parlementaires. Je remercie à ce titre Anne-Catherine Loisier de son engagement et du travail qu’elle a accompli en tant que rapporteure.

L’une de ces avancées est la différenciation des périodes de négociation des PME et des entreprises de taille intermédiaire de celles des grands groupes de l’agroalimentaire.

Ce texte permettra – c’est sa seule vertu en l’état – aux petites et moyennes entreprises, bien souvent solidement implantées dans nos régions, d’avoir peut-être un petit peu plus de place dans les linéaires de la grande distribution.

Vous l’aurez toutefois compris, mes chers collègues, ce texte – c’est son vice – fait l’impasse sur le problème de pouvoir d’achat des Françaises et des Français, qui est en train de se transformer en problème de pouvoir de vivre.

Ce que nous voulons, nous, écologistes, c’est changer les règles du jeu.

Nous voulons un véritable soutien à une agriculture rémunératrice et écologique.

Nous voulons un véritable soutien à la demande locale, pour des produits de qualité rémunérés équitablement.

Mme Sophie Primas. Et pas chers !

Mme Antoinette Guhl. Nous voulons sortir au plus vite de ce système à deux vitesses où les plus pauvres se voient obligés de se tourner vers du « pas bon pas cher » et qui, du fait de l’inflation, n’est même plus pas cher.

Manger des produits sains et en quantité suffisante devrait être un droit.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Nous sommes bien d’accord.

Mme Antoinette Guhl. C’est d’ailleurs ce que nous proposons, madame la ministre, au travers de la sécurité sociale de l’alimentation qui vise à garantir un droit à toutes et tous à un accès suffisant à une alimentation saine et nutritive.

C’est une réponse innovante, inclusive, égalitaire pour lutter contre la précarité. Et ce n’est pas une utopie, mes chers collègues : c’est une politique publique qui est déjà menée, puisqu’elle est en cours d’expérimentation ou qu’elle le sera prochainement à Lyon, Marseille, Montpellier, Toulouse, Grenoble et Bordeaux, avec l’appui du tissu local, des associations d’aide alimentaire et des structures d’utilité publique.

C’est ambitieux, mais c’est cela que les Françaises et les Français exigent de nous dans nos territoires.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste penche plutôt vers un vote contre, mais nous nous déterminerons à l’issue de nos débats, en fonction des réponses qui auront été apportées à nos questions. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Bruno Belin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de très nombreux Français se débattent toujours avec les difficultés du quotidien et des fins de mois.

L’inflation – je veux le rappeler – est l’un des moyens permettant d’atténuer l’énorme dette contractée par la France au cours des dernières années. Elle est le fait, non pas du hasard, mais d’une volonté politique objective de la laisser se développer. Le Gouvernement en porte en grande partie la responsabilité.

Pour nos compatriotes qui en paient les conséquences, l’inflation affecte au-delà de l’acceptable leur pouvoir de vivre normalement, et même dignement pour beaucoup d’entre eux.

À l’instar de ce que nous avons vécu au cours des dernières années, notamment de multiples dispositifs de soutien de l’économie, il aurait été nécessaire que vous nous présentiez un texte de protection des ménages les plus modestes contre les effets de l’inflation, madame la ministre. (Mme la ministre déléguée proteste.) Telle n’est visiblement pas l’ambition politique du Gouvernement.

Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, issu du groupe Renaissance, affirme lui-même que « ce texte n’a pas d’ambition de réforme des relations commerciales », et qu’il est « juste un texte d’urgence ».

Reste qu’il fallait faire un geste, alors vous le faites, madame la ministre. Il s’agit d’un geste symbolique, qui n’aura pas d’effets, ou très peu, quand ceux-ci ne seront pas négatifs pour certains acteurs de la chaîne alimentaire.

Sur le fond, ce texte inquiète plus qu’il ne rassure. Les agriculteurs pourraient notamment très vite faire les frais des modifications des dates de négociation prévues.

Fondamentalement, madame la ministre, le texte que vous nous présentez ne répond donc à aucun problème structurel de la filière agroalimentaire. Il s’inscrit dans la continuité des lois Égalim 1, 2 et 3, en attendant la prochaine.

La démarche des États généraux de l’alimentation a suscité de grandes espérances. Elle n’a pas permis de répondre aux attentes des agriculteurs et des transformateurs en matière de partage équitable de la valeur.

Vous avez annoncé, madame la ministre, le lancement d’une mission gouvernementale transpartisane afin de réfléchir à une réforme du cadre global des négociations commerciales. C’est donc que vos politiques ont échoué. Il est bon de le reconnaître ! (Mme la ministre déléguée rit.)

Nous sommes prêts à prendre notre part de ce travail de refonte au service des acteurs agricoles, des acteurs industriels et des consommateurs, mais rien d’efficace ne sera possible si l’on ne revient pas sur certains principes et mécanismes de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite LME.

Il conviendra également de se poser la question de la juste valeur du travail de production pour chaque maillon de la chaîne alimentaire dans un contexte de transition écologique dont les opportunités et les contraintes doivent être objectivement valorisées.

La prochaine loi d’orientation agricole devra répondre à ces enjeux. Il convient qu’elle constitue la déclinaison dans le secteur agroalimentaire de la planification écologique récemment annoncée par Mme la Première ministre.

Son périmètre de discussion devrait nous permettre de revenir sur la ressource en eau et les aménagements qu’elle emporte, le développement et la valorisation des externalités positives de l’agriculture, par exemple par un déploiement du dispositif des paiements pour services environnementaux (PSE), la recherche d’une meilleure gestion des risques – je redoute à cet égard l’atterrissage de la loi Égalim 3 –, ainsi que d’une meilleure prise en compte des zones défavorisées, qui doivent demeurer des territoires de production, la transmission du foncier et la pérennité des structures, et, enfin, la formation et l’accompagnement de nouvelles générations issues ou non du milieu agricole.

Nous avons également urgemment besoin d’un grand projet stratégique de transformation et de valorisation des produits filière par filière.

La loi d’orientation agricole devra couvrir l’ensemble de ce périmètre en abordant les difficultés de manière réaliste.

En conclusion, le présent texte, même amendé, ne répondra pas aux besoins urgents des Français. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra, en attendant que nous débattions des sujets structurants pour l’avenir.

M. le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue les efforts constants de la commission des affaires économiques pour combattre l’inflation.

Madame la ministre, vous l’aurez compris, notre assemblée émet des doutes sur le présent texte. S’agit-il d’un texte d’affichage ? Êtes-vous animée d’une réelle bonne volonté ? Jouez-vous au poker menteur ?

Au Sénat, nous sommes convaincus qu’il faut surveiller la grande distribution comme le bon lait du Poitou ou de Bretagne sur le feu.

Mme Nathalie Goulet. Et de Normandie ! (Sourires.)

M. Bruno Belin. Et de Normandie, ma chère collègue. Dans cet hémicycle, l’on ne peut pas citer une région sans être immédiatement repris. (Nouveaux sourires.)

Nous pensons également qu’il y a eu beaucoup de maladresses, dans un contexte qui est loin d’être une mer calme pour le consommateur.

Je pense d’abord au Gouvernement, madame la ministre. Comment Matignon a-t-il pu communiquer sur la vente du carburant à perte, sans songer à l’avenir des petits pompistes et des autres commerces et sans mesurer que la grande distribution se rattraperait sur la marge d’autres produits, au détriment des consommateurs ? (Mme la ministre déléguée fait un signe de dénégation.)

Je pense ensuite à la grande distribution. Alors que tous les boulangers font face à une hausse des coûts de l’énergie de 300 % – Daniel Gremillet l’a rappelé – entraînant fermeture sur fermeture, la grande distribution communique sur la baguette à 29 centimes. Quelle maladresse !

Nous l’avons bien compris, madame la ministre, en dépit des lois Égalim 1, Égalim 2 et Égalim 3, un bras de fer permanent est engagé entre la grande distribution, d’un côté, et les agriculteurs, éleveurs et producteurs, de l’autre.

Dans la chambre des territoires, ici, à cette tribune, il faut avoir une pensée pour les agriculteurs, éleveurs et producteurs qui font vivre notre pays ! (MM. Pierre Cuypers et Franck Menonville applaudissent.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Ce sont des actes qu’ils veulent !

M. Bruno Belin. Il faut avoir aussi une pensée pour le commerce de proximité, qui n’a pas été évoqué à ce stade de nos débats, alors que la crise du covid-19 a montré qu’il était indispensable partout dans nos territoires. Là aussi, il faut un équilibre.

La France que l’on aime, ce n’est pas celle des ronds-points et des zones commerciales. C’est celle des provinces riches de leurs commerces et de leurs marchés !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Vous n’aimez pas les zones commerciales ?

M. Bruno Belin. Non, la France que l’on aime, c’est celle de l’aménagement du territoire !

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. C’est absurde !

M. Bruno Belin. Cet équilibre est indispensable, car n’oubliez pas que les populations vivent là où les services survivent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven.

M. Yves Bleunven. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux que ma première intervention devant la Haute Assemblée porte sur les négociations commerciales, car c’est un joli clin d’œil à ma carrière professionnelle qui a duré près de vingt-cinq ans.

Doté d’un titre évocateur et d’une ambition louable, ce projet de loi est pourtant celui de toutes les incertitudes.

Incertitude, d’abord, quant à ses effets réels pour les Français.

Si le Gouvernement se targue d’agir en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens, les effets concrets d’un avancement de la date butoir du cycle des négociations commerciales restent hypothétiques, comme l’a souligné l’excellent travail de notre rapporteure Anne-Catherine Loisier.

La tendance baissière des prix annoncée par le Gouvernement n’est pas toujours une réalité dans les nombreux secteurs, comme l’agroalimentaire, dont le prix de revient des produits reste très élevé. Toute baisse du prix de vente pourrait alors revenir à punir, par ricochet, nos entreprises si le coût pour les fournisseurs ne baisse pas dans des proportions similaires.

Incertitude, ensuite, quant aux conséquences pour nos petites et moyennes entreprises.

La compression de la période de négociation n’est en aucun cas synonyme d’un pouvoir de négociation renforcé. Cet avancement soudain de la date prendra en effet nos entreprises au dépourvu : elles disposeront de moins de temps pour négocier et pourront être plus facilement mises sous pression par les distributeurs.

Ainsi, dans le secteur avicole, de nombreux acteurs de mon département, le Morbihan, m’ont rappelé qu’entre la campagne commerciale de fin d’année et la période des négociations salariales annuelles ils seront déjà très occupés. L’obligation de négocier leur nouveau contrat avec les distributeurs à cette période, dans un laps de temps raccourci, sera donc particulièrement contre-productive.

Mes chers collègues, en tant qu’élus de la chambre des territoires, il est de notre devoir de dénoncer les textes iniques et hors sol quand ils nous sont soumis. Or ce projet de loi a tout l’air d’appartenir à cette catégorie…

Nous devons au contraire agir sur les racines structurelles de l’inflation afin de la combattre. Attaquons-nous aux facteurs conduisant à la hausse du prix de revient des produits de la grande distribution – l’énergie certes, mais pas seulement. Essayons d’agir concrètement pour diminuer le coût des matières premières, du transport ou de la transformation des produits. Protégeons l’ensemble de nos entreprises en desserrant l’étau qui les contraint, car ce sont elles qui font vivre nos territoires.

Dans un contexte inflationniste, les consommateurs arbitrent désormais leurs achats au profit des premiers prix et des marques de distributeur. Tout cela se fait au détriment des produits labellisés et des produits issus de l’agriculture biologique.

Cette situation contribue fortement à la dégradation de la marge brute du mix produit et favorise le recours aux importations. À ce titre, mes chers collègues, je crois plus que jamais qu’il est nécessaire de tout faire pour renforcer notre souveraineté agricole et alimentaire. Cela passera par une réelle lutte contre l’inflation et par une véritable politique de soutien à nos entreprises, afin de renforcer leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux.

Nous devons nous garder de légiférer à outrance et de voter des lois de circonstance ou d’affichage.

Conscients des limites de ce texte, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de son adoption dans sa version modifiée par notre rapporteure et la commission des affaires économiques. Nous souhaitons toutefois que le Gouvernement travaille très rapidement sur les racines structurelles de l’inflation et qu’il cesse de se lancer dans des projets de loi aux effets hypothétiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il est bientôt treize heures. Si tel est le souhait du Gouvernement et de la commission des affaires économiques, nous pourrions poursuivre nos travaux pour achever l’examen de ce texte, sur lequel quatorze amendements ont été déposés, sous réserve que vous vous engagiez à faire preuve de concision, mes chers collègues.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Nous passons donc à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 11

Article 1er

I. – Les dispositions du présent article s’appliquent à tout distributeur de produits de grande consommation exerçant une activité de commerce de détail à prédominance alimentaire dans ses relations commerciales avec tout fournisseur, sans remettre en cause le principe d’annualité régissant les conventions commerciales mentionnées aux articles L. 441-3, L. 441-4 et L. 443-8 du code de commerce, ni l’accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante mentionné à l’article L. 410-5 du même code.

Elles s’appliquent également à toute convention entre un fournisseur et un distributeur portant sur des produits ou des services commercialisés sur le territoire français, y compris à celles conclues avec une pharmacie d’officine définie à l’article L. 5125-1 du code de la santé publique ou avec un groupement de pharmaciens d’officine.

Ces dispositions sont d’ordre public. Tout litige portant sur leur application relève de la compétence exclusive des tribunaux français, sous réserve du respect du droit de l’Union européenne et des traités internationaux ratifiés ou approuvés par la France et sans préjudice du recours à l’arbitrage.

II. – Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à leur forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441-3 et au B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 31 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 1er février 2024.

Pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à leur forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros, par dérogation au IV de l’article L. 441-3 du même code de commerce et au B du V de l’article L. 443-8 dudit code, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code qui sont signées avec un distributeur sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024.

Par dérogation, le terme des conventions mentionnées au premier alinéa du présent II est fixé au jour précédant la date à laquelle doit être conclue au plus tard la nouvelle convention entre les parties en application, selon le cas, du IV de l’article L. 441-3 ou du B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, en 2025 pour les conventions d’une durée d’un an et, respectivement, en 2026 ou en 2027 pour les conventions d’une durée de deux ou trois ans.

Les conventions en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 prennent automatiquement fin :

1° Le 31 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er février 2024 ;

2° Le 15 janvier 2024, lorsqu’elles ont été conclues avec un fournisseur dont le chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros et que leur terme est postérieur au 1er janvier 2024.

III. – Par dérogation au VI de l’article L. 441-4 et au B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard deux mois avant le 31 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est supérieur ou égal à 350 millions d’euros ou avant le 15 janvier 2024 lorsque son chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, réalisé au cours du dernier exercice clos est inférieur à 350 millions d’euros.

Par dérogation au C du même V, le distributeur dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception des conditions générales de vente pour soit motiver explicitement et de manière détaillée, par écrit, le refus de ces dernières ou, le cas échéant, les clauses des conditions générales de vente qu’il souhaite soumettre à la négociation, soit notifier leur acceptation.

IV. – Tout manquement au II du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 200 000 € pour une personne physique et 5 000 000 € pour une personne morale, par infraction constatée.

Tout manquement au III du présent article est passible de l’amende administrative prévue au premier alinéa de l’article L. 441-6 du code de commerce.

V. – Pour l’application aux conventions mentionnées au présent article du II de l’article 9 de la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, les dates du 1er mars et du 1er avril sont remplacées, respectivement, par les dates du 31 janvier 2024 et du 29 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, supérieur ou égal à 350 millions d’euros ou par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024 lorsque le fournisseur réalise, au cours du dernier exercice clos, un chiffre d’affaires annuel hors taxes, le cas échéant consolidé ou combiné en vertu des lois et règlements applicables à sa forme sociale, inférieur à 350 millions d’euros.

VI. – Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à relever les manquements au présent article dans les conditions et avec les pouvoirs mentionnés aux articles L. 450-2 à L. 450-10 du même code.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Comme l’a indiqué notre rapporteure, que je remercie du travail qu’elle a accompli, ce projet de loi acte l’échec d’une politique de soutien au pouvoir d’achat des Français que l’on ne peut qualifier aujourd’hui que d’erratique.

Face à un texte fort modeste, dont les effets sont de plus particulièrement incertains, la commission que je préside a pris le parti, non pas de rejeter ce texte, mais de l’examiner et de l’amender avec pour ligne de conduite la défense et la protection de nos PME et de nos ETI sur l’ensemble de nos territoires.

Nous pensons en effet que celles-ci auraient été davantage fragilisées sans les modifications que nous avons introduites. Nous avons en outre souhaité apporter un certain nombre d’ajustements.

Nous avons jugé indispensable de préserver les délais de négociation afin d’éviter que des négociations complexes ne s’ouvrent pendant la période des fêtes de fin d’année. C’est pourquoi la commission a décidé de reporter la date limite de clôture des négociations et a souhaité introduire le principe de différenciation, en fixant la date limite au 15 janvier pour les PME et les ETI et au 31 janvier pour les grands groupes – soit deux phases.

Nous consacrons ainsi dans la loi le principe de différenciation des phases de négociation selon la taille des entreprises. C’était une évidence pour un certain nombre d’entre nous dans cet hémicycle.

De plus, dans le contexte actuel fait de tensions, d’attaques et d’invectives, nous ne pouvions pas laisser nos PME et nos ETI seules face à la grande distribution.

Seule une négociation anticipée permet aux PME d’obtenir un bon référencement. Dans le cas inverse, il aurait été plus que probable que les grands groupes qui fournissent la grande distribution et disposent de centaines de références remplissent les rayons, ne laissant que des miettes aux PME.

Il nous a donc paru essentiel d’inscrire ce principe de différenciation dans la loi, au risque – nous en avons bien conscience – d’encourager les contournements.

À l’inverse, si la date de négociation anticipée avait été facultative, comment une PME aurait-elle pu l’imposer à un grand distributeur qui n’en aurait pas voulu ?

De même, le dispositif des chartes, dont vous souhaitiez le maintien, madame la ministre, revenait à s’en remettre au bon vouloir des distributeurs, en laissant de côté de nombreuses PME et ETI.

Vous le savez, mes chers collègues, le rapport de force entre distributeur et fournisseur est structurellement déséquilibré. En tant que législateurs, singulièrement en tant que sénateurs, nous avons considéré qu’il était de notre devoir d’y remédier afin de soutenir résolument les PME et les ETI qui font la richesse et la force de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, sur l’article.

Mme Marianne Margaté. Comme je l’ai indiqué précédemment, ce projet de loi ne répondra pas à l’urgence. Pis, il risque d’avoir un effet contre-productif dans les territoires d’outre-mer.

Permettez-moi à ce propos, mes chers collègues, d’apporter l’éclairage de notre collègue Evelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion et membre de la commission qui n’a pas pu être présente aujourd’hui.

En effet, la situation des outre-mer, en particulier de La Réunion, n’est pas celle de l’Hexagone. Les prix à la consommation étant plus élevés dans tous les départements d’outre-mer – de 9 % à La Réunion et jusqu’à 16 % en Guadeloupe –, la vie chère y est une réalité bien plus prégnante.

Pour les produits alimentaires, les prix payés par les ménages sont de 30 % à 42 % plus élevés. De plus, la grande distribution y est plus fortement concentrée.

Dans ce contexte, avancer la date de négociation commerciale sans étude d’impact spécifique risquait de remettre en cause les équilibres qui ont été trouvés afin de limiter la flambée inflationniste. Comme le soulignent justement de nombreux acteurs, les PME réunionnaises ne pourront pas absorber ces nouvelles contraintes.

Il aurait donc été plus judicieux de réaliser une évaluation fine du bouclier qualité prix, le BQP+ qui propose un panier de 153 produits dont le prix est gelé depuis plus de deux ans. Ce dispositif est certes une bonne chose, mais ses effets sont entravés par des taux de rupture importants. Concrètement, les produits dont le prix a été gelé ne sont plus en rayon et aucun mécanisme de substitution fonctionnelle n’est prévu.

Comme le souligne l’observatoire des prix, des marges et des revenus de La Réunion, depuis la signature du BQP+ au mois de novembre 2022, le taux de rupture varie entre 14 % et 27 %, la moyenne en grande distribution s’établissant à 20 %.

La transparence sur la sélection et la qualité des prix ainsi que l’impact réel sur le pouvoir d’achat n’ont pas été suffisamment évalués, tout comme les habitudes de consommation, qui évoluent elles aussi, et qui appellent à un élargissement du panier de produits proposés dans le cadre du BQP+.

Ces réalités n’ont pas été prises en compte par le Gouvernement. Selon nous, l’urgence ne peut pourtant céder le pas à la précipitation.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.

M. Laurent Duplomb. La réalité de ce projet de ce projet de loi est au fond relativement simple, madame la ministre : c’est un ministre de l’économie qui tente de rattraper la communication d’un ministre de l’intérieur qui est sur tous les plateaux de télévision.

La réalité de ce projet de loi, madame la ministre, c’est qu’en politique il n’y a rien de pire que de se laisser intoxiquer par sa propre propagande.

La réalité, madame la ministre, c’est qu’aujourd’hui les industries ont des difficultés pour payer la totalité de leurs charges. J’en veux pour preuve, mais vous connaissez ces chiffres, que cette augmentation – 81 % sur les matières premières agricoles, 50 % sur l’énergie, 50 % sur l’emballage et le transport, etc. – n’a pas été compensée par une augmentation des prix de 67 %.

La réalité, c’est le fiasco de votre politique, madame la ministre, notamment en matière d’énergie, avec ce « en même temps » qui consiste à fermer des centrales, comme celle de Fessenheim, tout en laissant le prix de l’énergie augmenter, de sorte que la facture des entreprises est multipliée par quatre, cinq, six, voire neuf. (M. Thomas Dossus sexclame.)

La réalité, c’est aussi le fiasco de toutes les lois que vous avez fait voter – la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite Agec, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience – et qui ont augmenté les charges de nos entreprises et renforcé les normes auxquelles elles sont soumises.

La réalité, madame la ministre, c’est qu’en avançant les dates butoirs tout en ne faisant pas respecter ce que vous-même avez imposé aux entreprises – les dates butoirs de notification en aval et en amont, les commissaires-enquêteurs, etc. – vous édictez une injonction contradictoire.

La réalité, c’est que vous ramez. Vous souhaiteriez que ce texte entraîne de la déflation, alors que – vous le savez – nous aurons une inflation de 2 % à 4 %.

La réalité, madame la ministre, c’est que ce n’est pas en faisant voter des lois Égalim 4, 5, 6 ou même 7 que vous mettrez un terme à la suprématie de la grande distribution, car celle-ci ne respecte pas les lois.

Faites appliquer la loi à M. Leclerc qui se targue sur tous les plateaux de télévision d’être le chevalier blanc du consommateur, alors qu’il ne respecte ni le principe des marques de distributeur ni les pénalités en matière de logistique ou de dates butoirs !

À ce titre, je me félicite de l’adoption de mon amendement visant à renforcer les pénalités encourues. Il a reçu un avis favorable de la commission, ce dont je la remercie.

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

de produits de grande consommation

2° Après le mot :

fournisseur

insérer les mots :

de produits de grande consommation

II. – Alinéa 2

1° Supprimer le mot :

également

2° Remplacer les mots :

entre un fournisseur et un distributeur portant sur des produits ou des services

par les mots :

relative à des produits de grande consommation

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Tissot, Redon-Sarrazy, Montaugé et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Mérillou, Michau, Pla et Stanzione, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions du présent article s’appliquent si l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes constatent, au sein d’une filière, une déformation du partage de la valeur justifiant l’application du II du présent article.

La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Cet amendement de M. Jean-Claude Tissot vise à permettre à la DGCCRF et à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires d’appliquer les dispositions prévues à l’article 1er du présent texte en cas de constatation d’une déformation de la valeur au sein d’une filière. Dans ce cas, l’Observatoire ou la DGCCRF devront demander la réouverture des négociations commerciales.

La répartition de la valeur au sein de la chaîne agroalimentaire est une question centrale, notamment pour la juste rémunération des agriculteurs, et elle n’est pas d’abord une affaire de calendrier, comme cela semble présumé dans le présent projet de loi.

À l’Assemblée nationale – vous nous l’avez confirmé aujourd’hui, madame la ministre –, vous avez annoncé la création d’une mission pour travailler sur la question structurelle des relations commerciales, donc des négociations. Pouvez-vous nous en indiquer les contours et le calendrier de travail, et nous dire si vous envisagez d’y associer les parlementaires ? Si tel est le cas, nous répondrions présent pour faire progresser la réflexion sur ce sujet, bien évidemment très important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Vous avez raison, mon cher collègue, la question des marges est essentielle et nous devons faire la lumière sur les pratiques des uns et des autres, notamment avant d’entamer une réflexion en vue d’une réforme de fond.

Néanmoins, à ce stade et dans le cadre de ce projet de loi, le dispositif que vous suggérez pose un double problème.

Le premier problème porte sur la faisabilité, puisque, dans les délais très réduits qui sont les nôtres, il semble difficile de l’appliquer au régime des négociations commerciales. Le second problème a trait à l’instabilité juridique pour les entreprises – nous aurons certainement l’occasion d’en discuter lors de nos prochains travaux –, puisque le dispositif reviendrait en réalité à remettre en cause en permanence le calendrier des négociations, qui serait conditionné à une analyse préalable du partage de la valeur.

Il faut donc approfondir la réflexion sur ce point. Même si l’obstacle n’est pas incontournable, pour l’instant, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. L’adoption de cet amendement dans sa réaction actuelle viderait le texte de son sens en en modifiant la portée, puisqu’il a pour objet d’avancer les négociations commerciales uniquement pour l’année 2024.

En effet, dans cet amendement, l’application de l’avancée des dates butoirs est conditionnée au constat d’une déformation du partage de la valeur. Or celui-ci sera impossible à réaliser pour les administrations désignées dans une période de temps aussi courte, c’est-à-dire entre l’entrée en vigueur du texte à la mi-novembre de l’année en cours et la date butoir, qu’elle soit fixée au 15 janvier ou au 31 janvier prochain.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, un tel constat serait juridiquement contesté, puisque la notion de déformation du partage de la valeur n’est pas encore définie, même si rien n’empêche qu’elle le soit un jour.

Enfin, quand bien même ces deux obstacles seraient dépassés, comme la rapporteure vient de l’envisager, le sujet pourra être abordé dans le cadre de la mission dont j’ai annoncé la création à l’Assemblée nationale, création que j’ai confirmée ce matin devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Je précise d’ailleurs, pour répondre à votre question, monsieur le sénateur, qu’elle comprendra des députés et des sénateurs.

À l’Assemblée nationale, le sujet a donné lieu à des débats intéressants, tant en commission qu’en séance publique, lancés par le groupe socialiste. Il fera donc partie des propositions à analyser dans le cadre de cette mission, qui sera mise en place dans les toutes prochaines semaines.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Montaugé, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, madame la rapporteure, je vous remercie de vos réponses et vos éclairages. Il s’agissait, vous l’aurez bien compris, d’un amendement d’appel.

Nous considérons la création de cette mission comme très positive. Nous serons ravis d’être associés à ses travaux, pour contribuer à faire avancer la cause de toute cette filière, dans l’intérêt des Français.

Je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 12, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Par dérogation au IV de l’article L. 441-3 et au B du V de l’article L. 443-8 du code de commerce, les conventions mentionnées au I des articles L. 441-4 et L. 443-8 du même code, lorsqu’elles sont signées avec un distributeur, sont, pour l’année 2024, conclues au plus tard le 15 janvier 2024 et prennent effet au plus tard le 16 janvier 2024.

II. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

III. – Alinéas 7, 8 et 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Les conventions en cours d’exécution au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi qui ont été signées avant le 1er septembre 2023 et dont le terme est postérieur au 16 janvier 2024 prennent automatiquement fin le 15 janvier 2024.

IV. – Alinéa 10

Après les mots :

au distributeur au plus tard

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

deux mois avant le 15 janvier 2024.

V. – Alinéa 14

Après le mot :

respectivement,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

par les dates du 15 janvier 2024 et du 15 février 2024.

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Cet amendement vise à rétablir la date butoir unique au 15 janvier 2024 pour la signature des prochaines conventions, ainsi que le prévoyait le projet de loi initial.

Nous considérons que le décalage de quinze jours pour les grandes entreprises, dans la mesure où il équivaut à autant de jours sans répercussion des prix des marchés de gros à la baisse pour les consommateurs, peut présenter un danger pour les PME et les ETI, qui se verraient opposer dans leurs négociations commerciales le fait que les grandes entreprises auront le dernier mot auprès de la grande distribution dans les négociations.

En commission, certains d’entre vous ont relayé cette inquiétude, mes chers collègues. Même s’il semble envisageable d’expérimenter et d’expertiser cette idée dans l’avenir, nous considérons que, dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de mesures d’urgence, il convient d’en rester à des mesures simples et opérationnelles. C’est pourquoi nous proposons de revenir à une date butoir unique pour toutes les entreprises, sur le modèle de ce qui se fait déjà.

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Buval, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après les mots :

du même code

insérer les mots :

et l’accord mentionné à l’article L. 410-5 dudit code

2° Remplacer le mot :

signées

par le mot :

signés

et le mot :

conclues

par le mot :

conclus

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Cet amendement vise à réintroduire une disposition adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale et défendue par le député de la Martinique M. Johnny Hajjar, rapporteur de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, qui a rendu son excellent rapport le 20 juillet dernier.

Il s’agit de s’assurer que l’avancement de la date butoir des négociations commerciales s’applique également aux territoires d’outre-mer concernés par le dispositif de bouclier qualité prix mentionné à l’article L. 410-5 du code de commerce.

En effet, les consommateurs ultramarins pâtissent déjà de façon structurelle d’un coût de la vie, dit de vie chère, supérieur en moyenne de 20 % à celui de l’Hexagone.

L’enquête de l’Insee de 2022 fait état d’un écart de prix record entre les produits vendus en France et ceux qui le sont dans les territoires d’outre-mer avec des différences allant jusqu’à 40 % dans l’alimentaire.

La diminution des prix des produits de première nécessité est une mesure d’équité et de justice sociale envers des territoires d’outre-mer au sein desquels plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Duplomb, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, ou le 31 janvier 2024 avec effet au 1er février, au seul choix du fournisseur. Ce choix est stipulé dans les conditions générales de vente

II. – Alinéa 8

Après le mot :

euros

insérer les mots :

, ou si le fournisseur dont le chiffre d’affaires est inférieur a opté dans ses conditions générales de vente pour la date du 31 janvier,

III. – Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf en cas d’option pour la date du 31 janvier 2024

IV. – Alinéa 10

Après la première occurrence du mot :

euros

insérer les mots :

, sauf si le fournisseur a opté dans ses conditions générales de vente pour la date du 31 janvier 2024 nonobstant un chiffre d’affaires inférieur à 350 millions tel que défini ci-dessus,

V. – Alinéa 14

Après la première occurrence du mot :

euros

insérer les mots :

, sauf pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires est inférieur ayant opté dans leurs conditions générales de vente pour la date butoir au 31 janvier 2024,

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Cet amendement visait à reprendre une idée, selon moi, relativement simple. Compte tenu du choix opéré par la commission de procéder selon un principe de différenciation, avec des dates butoirs fixées au 15 janvier ou au 31 janvier 2024 selon un seuil défini par rapport au chiffre d’affaires des entreprises, il me semblait intéressant, dans la mesure où tous les sons de cloche se font entendre, que les entreprises aient la possibilité de choisir la date butoir dont elles souhaitent bénéficier. Elles seraient ainsi libres – car c’est cela la liberté ! – de la fixer au 15 janvier ou de la reporter au 31 janvier pour avoir le temps de remplir la totalité des formulaires.

La commission a décidé de statuer sur le principe de la différenciation et de suivre cette logique jusqu’au bout. Je me plie à la décision de la commission et, pour ne pas faire durer les débats, je retire mon amendement. Je précise néanmoins que, après le 31 janvier, nous pourrons évaluer concrètement ce qui s’est passé. J’espère que le choix de la commission aura été le plus judicieux.

M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.

L’amendement n° 19, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

au premier alinéa

par les mots :

aux premier et deuxième alinéas

II. – Alinéa 9

Remplacer la date :

1er janvier

par la date :

16 janvier

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

La disposition prévue à l’amendement n° 12, à savoir fixer une date butoir unique des négociations au 15 janvier 2024 pour l’ensemble des entreprises, revient sur la position de la commission. Je vous ai déjà exposé les arguments qui s’opposaient à une telle idée.

Nous n’avons pas eu les mêmes retours que vous de la part des entreprises, mon cher collègue. En effet, pour nous, celles-ci se positionnent largement en faveur du principe de différenciation qui prévoit deux dates butoirs distinctes.

De plus, le fait de prévoir toutes les négociations à une seule et unique date représenterait une charge considérable pour les distributeurs.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 10, il a pour objet l’avancement de la date butoir des négociations, dans le cadre du bouclier qualité prix dans les territoires. Ce dispositif du BQP fonctionne de manière satisfaisante pour tous et doit être préservé. La commission l’a exclu de l’application du texte afin de ne pas désorganiser les négociations dans les territoires ultramarins, qui se déroulent selon un processus tout à fait spécifique, sous l’égide du préfet et dans le cadre de consultations. Il nous semble important de ne pas fragiliser cette consultation et ces adaptations locales par une décision plus globale.

Je rappelle que, dans le cadre du bouclier qualité prix, la date butoir des négociations est fixée par décret et relève donc du domaine réglementaire.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. L’amendement n° 12 vise à favoriser la simplification, conformément à l’objectif que s’est fixé le Gouvernement, en rétablissant la date butoir unique du projet de loi initial. En avançant ainsi la date butoir des négociations pour les grandes entreprises, les auteurs de cet amendement placent toutes les entreprises sur le même plan.

En tant que ministre des PME, j’entends les arguments que font valoir ces entreprises en faveur d’un passage prioritaire, même si – avec Mme la rapporteure, nous le savons bien – la demande n’a pas été aussi unanime qu’il y paraît, certains représentants de PME y étant favorables, d’autres non. Est-il donc nécessaire d’inscrire cela dans la loi ? Je n’en suis pas certaine.

En outre, puisque j’entends parfois s’exprimer un certain mépris ou, en tout cas, une piètre considération pour ce qui relève de l’engagement volontaire des acteurs économiques, je tiens à rappeler, dans cette chambre haute, la charte qui a été signée, l’an passé, par les acteurs de la grande distribution et les représentants des PME du secteur de l’agroalimentaire, pour faire en sorte que la hausse des coûts liée à l’énergie soit intégralement prise en charge sans négociation, à partir du moment où elle pouvait être démontrée par un tiers indépendant. En effet, il n’y a eu aucune remontée selon laquelle tel ou tel distributeur n’aurait pas accepté cette hausse à l’achat liée à l’augmentation des prix de l’énergie.

Je tiens à le dire, car nous traversons une période d’inflation et qu’il me semble que nous sommes également assez naturellement portés vers l’inflation législative. Or, pour ma part – aussi modeste soit-elle, j’en conviens –, je crois à l’engagement volontaire des acteurs économiques, qui peut prendre la forme d’une charte, comme celle de l’an passé, dont les termes ont été parfaitement respectés.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 12.

L’amendement n° 10 vise un objectif important et le Gouvernement est sensible à l’intention de ses auteurs. Monsieur le sénateur Buval, je vous annonce – je m’en suis bien évidemment assurée – que le ministre délégué chargé des outre-mer et moi-même demanderons aux préfets d’accélérer les négociations dans les territoires qui bénéficient du BQP pour que ceux-ci puissent intégrer la baisse des prix obtenue à l’issue des négociations de l’année en cours. Nous le ferons soit par une circulaire, soit par une lettre de mission – c’est le seul détail qu’il nous reste à régler, mais le principe est acté, comme je l’ai indiqué à l’Assemblée nationale.

En revanche, tel qu’il est rédigé, cet amendement a pour objet non pas que les négociations dans le cadre du BQP commenceront le jour où les négociations commerciales se termineront, mais que les deux types de négociations s’achèveront en même temps, de sorte que celles qui interviennent dans le cadre du BQP ne pourront pas se dérouler, faute de temps. Le dispositif est donc malheureusement inopérant en l’état.

Comme l’a mentionné la rapporteure, les négociations dans le cadre du BQP reposent sur la connaissance des nouveaux prix négociés. Dans le meilleur des cas, elles commencent en même temps que s’achèvent les négociations commerciales, par exemple le 1er mars de chaque année pour la Réunion.

C’est donc en raison du caractère inopérant du dispositif que je ne peux être favorable à cet amendement. Toutefois, j’insiste sur l’engagement pris avec le ministre délégué chargé des outre-mer de renégocier le plus rapidement possible les prix du bouclier qualité prix.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

En revanche, il émet un avis favorable sur l’amendement n° 19.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. À titre personnel, je soutiendrai l’amendement déposé par mon collègue Buval. En effet, j’ai du mal à comprendre certains amendements portant sur tous les outre-mer qui visent à différer la date butoir des négociations et à ne pas appliquer la mesure prévue dans ce projet de loi, au motif que le Gouvernement aurait demandé la mise en place d’une mission, alors que la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, présidée par Guillaume Vuilletet, avec pour rapporteur Johnny Hajjar, vient de terminer ses travaux à l’Assemblée nationale et a formulé de très opportunes propositions.

Je ne comprends pas que l’on refuse d’entamer des négociations qui pourraient aboutir au 1er mars. Je vous parle, alors que je suis précisément celui qui a mis au point le bouclier qualité prix. Certes, le dispositif mériterait d’être réformé et le périmètre du panier de produits sous bouclier devrait être élargi. C’est un sujet qu’il faudrait revoir.

L’amendement n° 10 est pertinent, sous réserve de l’analyse de Mme la ministre, à savoir que le dispositif ne serait manifestement pas applicable et qu’il faudrait procéder par décret, que ce soit sous la forme d’une lettre de mission adressée aux préfets ou d’une circulaire.

Quoi qu’il en soit, je tiens à le dire clairement : je ne comprends pas que l’on cherche à différer l’application du texte en discussion pour les outre-mer.

Enfin, je voudrais faire une suggestion, qui pourrait donner lieu à un sous-amendement : puisque l’on rappelle que, dans une économie libérale, on ne peut pas contrôler les prix et les marges, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale a formulé une proposition qui respecte et la liberté d’entreprendre et la liberté de commerce et le droit de propriété. Elle consiste à demander à toutes les entreprises de faire des relevés annuels de prix et de les notifier à la DGCCRF.

Cela nous permettrait de disposer de chroniques de prix qui, dans le cadre d’un contentieux en droit de la concurrence devant la cour d’appel de Paris, pourraient servir à documenter – si j’ose dire – des prix ou des marges exorbitants. Tout en respectant la concurrence et le marché, une régulation pourrait ainsi opérée. Cette proposition ne figure dans aucun amendement, alors qu’elle est issue d’un travail parlementaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Monsieur Buval, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Frédéric Buval. Madame la ministre, je resterai vigilant sur ce sujet fondamental pour les outre-mer. Je tiens compte de votre engagement et je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

M. Victorin Lurel. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Lurel et ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Après les mots :

du même code

insérer les mots :

et l’accord mentionné à l’article L. 410-5 dudit code

2° Remplacer le mot :

signées

par le mot :

signés

et le mot :

conclues

par le mot :

conclus

Je le mets aux voix.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par MM. Redon-Sarrazy, Tissot, Montaugé et Kanner, Mme Artigalas, MM. Bouad, Mérillou, Michau, Pla et Stanzione, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Par dérogation au IV de l’article L. 441-3 du code de commerce, la convention comporte une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût des matières premières agricoles, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l’alimentation des animaux de compagnie. Les parties fixent les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités prennent en compte plusieurs indicateurs disponibles reflétant l’évolution du prix des matières premières et des facteurs de production.

Les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles. À défaut, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires propose ou valide des indicateurs. Ces indicateurs reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à intégrer au sein des contrats qui lient distributeurs et fournisseurs des modalités de révision des prix en fonction d’indicateurs reflétant l’évolution du prix des matières premières et des facteurs de production.

Un certain nombre d’entre nous l’ont déjà rappelé, l’examen de ce texte illustre malheureusement l’échec et l’impuissance des pouvoirs publics à imposer une réelle régulation des relations commerciales entre la grande distribution et les industriels.

Il y a eu les lois Égalim 1, 2 et 3, il y a maintenant la loi Égalim 4 et il y aura peut-être demain la loi Égalim 5, si la mission annoncée aboutit à un nouveau texte. Nous comprenons bien qu’il faut désormais prendre des dispositions claires afin d’éviter de légiférer dans l’urgence, comme c’est le cas aujourd’hui.

Les clauses de révision automatique des prix peuvent être une solution efficace. Elles existent déjà dans notre législation, mais semblent très peu appliquées. Madame la ministre, peut-être avez-vous des données à nous transmettre sur ce sujet.

En tout état de cause, à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué que, au vu du caractère récent de l’instauration de cette clause, « il serait de bon aloi d’attendre qu’elles soient pleinement entrées en vigueur avant de les modifier ».

Nous pouvons entendre cet argument, mais entendez de votre côté que, depuis la première loi Égalim, qui date de 2018, le monde agricole en a assez d’attendre. La position hostile de certaines filières à ce projet de loi en est une illustration, car le fait d’avancer les dates de négociations ne garantira en rien une meilleure rémunération de nos agriculteurs.

Il faut donc trouver des solutions rapidement. Selon nous, la clause de révision automatique des prix en fonction de la variation des coûts des matières premières agricoles doit être une solution à explorer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Nous avons beaucoup travaillé, au Sénat, sur les précédentes lois Égalim et sur ces clauses de révision automatique des prix comme d’ailleurs sur les clauses de renégociation. Elles sont en effet essentielles et fonctionnent en quelque sorte comme les soupapes d’adaptation des négociations commerciales. Elles existent donc déjà dans la loi Égalim 2 qui les a rendues obligatoires et elles le sont, de fait, dans les conventions portant sur les produits alimentaires ou destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.

En réalité, la formule de révision automatique est déterminée par les parties au contrat en fonction des indicateurs et c’est ce sujet qui est parfois cause de difficulté. Le dispositif est certainement améliorable et je pense que ce sera le sujet de travaux à venir.

De plus, ces clauses de révision sont indispensables pour lutter contre l’obsolescence des tarifs, qui sont désormais négociés dans des périodes de plus en plus instables, où l’on constate une grande volatilité du prix des matières premières. Leur mise en place est récente et nous aurons à travailler tous ensemble pour leur garantir une plus grande efficacité, une meilleure adaptation et, surtout, pour favoriser une plus large appropriation par les acteurs, notamment les distributeurs.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je partage les propos très clairs de la rapporteure et j’éviterai toute explication superfétatoire en me contentant de confirmer que cet amendement est satisfait.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. Christian Redon-Sarrazy. Je le retire, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

L’amendement n° 18, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Par dérogation aux dispositions de la deuxième phrase du V de l’article L. 441-4 du code de commerce, le prix convenu par les conventions mentionnées aux premier et deuxième alinéas du présent II est applicable à compter de la date où ces conventions prennent effet en application du présent article.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. C’est un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Duplomb et Cambier, Mme Chain-Larché, MM. Chatillon, Chauvet et Rietmann, Mme Jacquemet et MM. D. Laurent et Cuypers, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Cet amendement vise à préserver le délai de trente jours prévu entre la réception des conditions générales de vente (CGV) et une potentielle contestation motivée du distributeur – j’insiste sur le fait qu’elle doit être argumentée.

La réduction de ce délai, prévue par cet alinéa, n’est pas réaliste au regard des centaines de CGV reçues dans un laps de temps très court par les distributeurs.

Dans la mesure où il me semble qu’il n’est pas respectueux vis-à-vis des équipes, des distributeurs et des industriels de ramener ce délai à quinze jours, je propose de supprimer l’alinéa 11 de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. L’examen de plusieurs milliers de contrats en seulement une quinzaine de jours paraît en effet difficile.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait que l’attestation, dans le cadre de l’option 3, doit être envoyée par les fournisseurs dans le mois qui suit l’envoi des CGV. Il est donc justifié de rétablir le délai d’un mois pour la réponse des distributeurs afin d’éviter que les demandes de réponse aux CGV soient formulées avant même que le délai d’envoi de l’attestation ait expiré.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et M. Canévet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux catégories de produits 0401 à 0406 visées par l’annexe I du Règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE), n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à exclure du dispositif la filière laitière.

Comme vous le savez, le prix du lait est négocié non pas annuellement, mais mois par mois, dans le cadre de contrats pluriannuels.

Nous nous battons, ici, pour avoir de la visibilité. Le texte que vous nous proposez a une portée limitée à un an et entrera en vigueur tardivement, ce qui risque de pénaliser la filière laitière – normande, mais également bretonne, puisque mon collègue Michel Canévet est cosignataire de cet amendement. (Sourires.)

Cet amendement de bon sens est soutenu à la fois par les producteurs de lait et par Jeunes Agriculteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Nous sommes tous informés et conscients de l’inquiétude des acteurs de la filière laitière. La commission a apporté un certain nombre d’améliorations au texte, notamment en faveur de la protection des petites entreprises de l’ensemble des filières, grâce au principe de différenciation.

Par ailleurs, je rappelle que la matière première agricole est non négociable depuis Égalim 2, ce qui constitue un autre élément de protection de l’amont agricole.

Enfin, dans le contexte où s’inscrit ce projet de loi, pour que sa mise en œuvre conserve une certaine cohérence, il me paraît difficile d’exclure une seule filière sans tenir compte des autres. Un certain nombre de vos arguments auraient pu valoir, par exemple, pour la filière viande, compte tenu des difficultés qu’elle traverse.

J’émets donc un avis de sagesse, mais une sagesse dubitative. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Madame la sénatrice Goulet, de manière unanime, nous faisons nôtre ici l’objectif qui consiste à protéger nos producteurs de lait face aux demandes de la grande distribution dans les négociations sur les prix.

Je souhaite ici rappeler, même si je l’ai déjà fait par deux fois dans la discussion générale, que les garanties offertes par les dispositions d’Égalim 1 et 2 sur la non-négociabilité de la matière première agricole continueront intégralement de s’appliquer. Le texte que je défends devant vous aujourd’hui ne les remet nullement en cause.

En revanche, la matière première industrielle reste négociable et c’est sur cette partie du tarif que les négociations pourront porter.

Par ailleurs, l’adoption de votre amendement, même si cela n’est pas votre intention, pourrait placer en difficulté un certain nombre de PME et d’ETI du secteur, en ayant en réalité pour effet de reporter pour elles aussi, au même titre que pour les grandes entreprises, la fin des négociations en la laissant fixée au 1er mars 2024.

Vous savez l’importance vitale pour les entreprises de petite taille de négocier avant leurs concurrents pour avoir de la place dans les linéaires, lesquels sont occupés de plus en plus par les marques de distributeurs.

L’exclusion que vous proposez serait défavorable aux PME et aux ETI du secteur laitier face aux entreprises concurrentes qui se développent de plus en plus en produisant par exemple des boissons végétales à base de soja. Si votre amendement était adopté, les PME et ETI productrices de boissons végétales passeraient avant les entreprises laitières et pourraient ainsi prendre de meilleures places et être mieux référencées dans les rayons de la grande distribution.

En outre, et c’est important, le fait d’exclure toute la filière laitière reviendrait à exclure de nombreux produits du quotidien des Français, avec pour conséquence de réduire encore davantage la portée de ce texte.

Enfin, le Gouvernement n’a jamais dit – j’ai à cœur de le répéter – que tous les prix baisseraient au mois de janvier prochain. Les baisses de prix concerneront certaines catégories de produits. S’il doit y avoir des hausses de prix, les distributeurs y procéderont, mais ils le feront en général plus tard, de sorte que l’objectif du texte d’accélérer la baisse des prix au mois de janvier ne sera en rien affaibli.

Pour toutes ces raisons, madame la sénatrice Goulet, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 14 rectifié quinquies est présenté par MM. Fouassin et Lévrier, Mme Phinera-Horth, MM. Patriat, Buis, Iacovelli et Omar Oili, Mme Cazebonne, M. Patient, Mme Duranton, M. Mohamed Soilihi, Mmes Nadille et Schillinger, M. Haye, Mme Havet et MM. Rohfritsch et Bitz.

L’amendement n° 15 est présenté par Mme Bélim.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Par dérogation, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution.

La parole est à Mme Solanges Nadille, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié quinquies.

Mme Solanges Nadille. Je souhaite appeler votre attention sur cet amendement crucial déposé par mon collègue Stéphane Fouassin, sénateur de La Réunion, et cosigné par nos collègues ultramarins du groupe RDPI et moi-même.

Après la visite et les annonces du ministre délégué chargé des outre-mer, Philippe Vigier, à La Réunion, le 30 août dernier, plusieurs actions ont été entreprises.

Tout d’abord, au mois de septembre dernier, une commission d’enquête sur le coût de la vie en outre-mer a été mise en place. Des auditions ont été menées dans les différents territoires pour recueillir des informations pertinentes.

Un pas supplémentaire a été franchi avec la création d’un groupe de travail réunissant les différentes parties prenantes avec pour objectif concret de réduire l’écart du coût de la vie par rapport à l’Hexagone.

Dans ce contexte, nous examinons le projet de loi d’urgence sur les négociations commerciales. Malheureusement, ce texte est perçu comme une menace pour les efforts entrepris à La Réunion et dans les territoires ultramarins en général pour lutter contre le coût de la vie chère.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que plusieurs mesures récentes ont été prises pour accroître la transparence des prix dans nos départements et régions d’outre-mer (Drom).

C’est pourquoi nous vous appelons à considérer sérieusement cet amendement visant à exclure les collectivités ultramarines du champ d’application de ce projet de loi, et ce pour préserver l’équilibre économique et social desdites collectivités.

Il est impératif de prendre en compte la complexité de la chaîne d’approvisionnement ultramarine, qui implique quatorze acteurs différents, chacun jouant un rôle crucial dans la chaîne de valeur des produits.

Il faut ajouter à cela un délai moyen d’approvisionnement d’un mois et demi en moyenne depuis l’Hexagone.

La lutte contre le coût de la vie chère ne saurait se limiter à la distribution, l’importation et la production locale. Un tel effort, qui implique de nombreux acteurs, nécessite du temps, de la visibilité et de la stabilité, faute de quoi l’objectif fondamental du présent projet de loi, celui de la lutte contre l’inflation, sera compromis.

L’adoption de ce projet de loi d’urgence, dans sa version actuelle, remettrait en cause l’ensemble des efforts déployés jusqu’à présent. C’est la raison pour laquelle nous vous encourageons à adopter cet amendement.

Nous sommes déterminés à prolonger les discussions et les travaux de notre assemblée, afin de parvenir à des solutions optimales et en adéquation avec nos particularités et enjeux locaux.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Audrey Bélim. À la suite de la visite du ministre délégué chargé des outre-mer à La Réunion le 30 août dernier, une commission d’enquête sur le coût de la vie en outre-mer a été mise en place. Une série d’auditions se sont déroulées dans les territoires ultramarins, et un groupe de travail a été créé il y a à peine un mois par la préfecture pour travailler, avec les parties prenantes, sur la transparence des prix et identifier un certain nombre de leviers permettant de réduire l’écart avec l’Hexagone.

Dans ce contexte, ce projet de loi, dans sa version actuelle, c’est-à-dire après son adoption par l’Assemblée nationale le 9 octobre dernier et avant la fin de son examen aujourd’hui, compromet tout le travail entamé à La Réunion pour lutter contre la vie chère sur notre territoire. Ce texte est en contradiction totale avec les mesures prises il y a quelques semaines pour accroître la transparence des prix dans les Drom.

Pour rappel, la chaîne d’approvisionnement réunionnaise mobilise quatorze acteurs différents, qui interviennent dans la chaîne de valeur du produit. La lutte contre la vie chère doit mobiliser ces quatorze parties prenantes : l’effort ne doit pas concerner uniquement la distribution, l’importation et la production locale.

Un tel travail avec une telle multitude d’acteurs nécessite du temps, de la visibilité et de la stabilité, sauf à remettre en cause l’objectif même de ce projet de loi qui vise à lutter contre l’inflation.

L’ensemble de l’écosystème local, public et privé, fait preuve depuis plusieurs années déjà d’une grande intelligence collective pour mener à bien un intéressant travail en faveur du pouvoir d’achat des Réunionnais.

L’exemple le plus marquant est celui du bouclier qualité prix, dont la vocation est de proposer aux consommateurs un panier de 153 produits essentiels au prix le plus juste, sans dégradation de leur qualité, panier dont le prix global est gelé depuis plus de deux ans. C’est donc un succès.

Cette démarche a contribué à maintenir localement une inflation moins élevée : au cours de la dernière année, les prix alimentaires ont augmenté de 9,1 % à La Réunion, contre 12,7 % en moyenne dans l’Hexagone.

Si ce projet de loi, dans sa dernière mouture, venait à être adopté et que la loi venait à être promulguée par la suite, cela ruinerait tous les efforts engagés jusqu’à présent. C’est pourquoi cet amendement tend à exclure les collectivités ultramarines du champ d’application du texte.

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme Bélim, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Par dérogation, les dispositions du présent article ne s’appliquent pas à La Réunion.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Je vous remercie de vos témoignages, mes chères collègues.

La commission est en effet très attentive aux spécificités des territoires ultramarins. Comme vous le savez, c’est d’ailleurs à ce titre qu’elle a d’ores et déjà exclu de l’avancement des négociations commerciales les discussions concernant le bouclier qualité prix.

La commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée sur les amendements identiques nos 14 rectifié quinquies et 15 dans l’attente de l’éclairage de Mme la ministre.

En revanche, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16, car il ne traite que du territoire réunionnais.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je suis sensible aux arguments qui ont conduit au dépôt des amendements identiques nos 14 rectifié quinquies et 15, en particulier le fait que les PME et ETI des territoires ultramarins, comme elles vous l’ont indiqué, ne sont pas en mesure de s’adapter aux nouvelles règles prévues par ce projet de loi, compte tenu de contraintes locales.

Je note par ailleurs que ces amendements ne tendent à exclure des dispositions figurant dans ce texte que les négociations locales entre PME et ETI implantées dans les territoires ultramarins et les enseignes de la grande distribution locale, soit un nombre réduit de produits dans les rayons des magasins.

Je suis également sensible aux demandes des parlementaires : ils ont été plusieurs à me dire que les baisses de prix obtenues devaient pouvoir être répercutées tout aussi rapidement auprès de nos concitoyens ultramarins, notamment lorsqu’il s’agit de baisses obtenues par le biais de négociations locales.

Je vous confirme que le ministre délégué chargé des outre-mer et moi-même allons demander aux préfets d’accélérer les négociations des boucliers qualité prix dès cette année.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements identiques nos 14 rectifié quinquies et 15.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. En revanche, tout comme Mme la rapporteure et pour les mêmes raisons, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Il s’agit d’un retour en arrière pour La Réunion !

Je veux simplement rappeler que nous prenons un gros risque avec ce texte. En effet, nous n’avons pas été consultés en amont : il s’agit donc encore une fois de nous mettre devant le fait accompli.

Nous devons être conscients que ce projet de loi, s’il était adopté, nous empêcherait d’identifier des marges supplémentaires, alors même que, d’une part, nous avons de nombreux intermédiaires sur l’ensemble de la chaîne par rapport à l’Hexagone et que, d’autre part, la préfecture de La Réunion vient d’entamer des négociations sous l’égide du ministère délégué chargé des outre-mer.

Nous avons déjà été mis en difficulté avec le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) sur la défiscalisation dans les outre-mer.

Si baisse il y a, il s’agira d’une baisse causée par les industriels et les producteurs locaux. Or vous et moi connaissons déjà très bien la situation et les problématiques structurelles de l’outre-mer : vie chère, taux de chômage élevé, crise du logement et, bien sûr, cette inflation !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Mes chers collègues, le sujet est d’importance : on fait un mauvais sort aux outre-mer avec ces amendements.

Tout à l’heure, paradoxalement, j’ai soutenu l’amendement n° 10 de mon collègue Buval, parlementaire du groupe RDPI, mais ces amendements-là ne me vont pas du tout.

Je vous rappelle que, théoriquement, c’est au 1er mars que doivent s’achever les négociations sur le bouclier qualité prix. Or la date butoir est fixée au mois de juin pour la Guadeloupe et au mois de juillet pour la Martinique – je ne sais pas ce qu’il en est pour La Réunion.

Je peux entendre que quatorze acteurs sont impliqués dans la chaîne d’approvisionnement, mais comment peut-on envisager de différer de six à sept mois l’ouverture des négociations, alors même que la date butoir devrait être le 1er mars ? Comment peut-on même l’imaginer ?

On pourrait tout à fait voter une mesure spécifique pour l’île de La Réunion, et ce au titre du cinquième alinéa de l’article 73 de la Constitution – alinéa introduit à la suite de l’adoption de l’amendement Virapoullé –, qui permet par exemple d’interdire les congrès des élus à La Réunion. C’est possible !

Loin de moi l’idée d’interdire à un territoire de se gérer librement, mais ce que vous proposez, avec ces amendements, aux consommateurs ultramarins qui, je le rappelle, supportent des prix exorbitants, c’est d’attendre six à sept mois supplémentaires ! Je vous le dis, il serait de mauvaise politique d’adopter une telle mesure. (Mme la ministre déléguée sexclame.)

Madame la ministre, vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat, mais comment un ministre peut-il annoncer la création d’une commission d’enquête, alors qu’une commission de même nature vient justement d’achever ses travaux à l’Assemblée nationale ?

L’autorité de la concurrence a émis plusieurs avis favorables, tandis que la DGCCRF n’a pas les moyens de connaître les prix et les marges.

Or, aujourd’hui, vous nous expliquez que, pour favoriser une éventuelle négociation engagée via une lettre circulaire et un arrêté préfectoral, nous allons différer ce travail préalable.

Je voterai contre ces amendements – devrais-je être le seul.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 rectifié quinquies et 15.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 16 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Article 2 (texte non modifié par la commission)

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Buval, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le I de l’article L. 410-5 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de variations importantes de certains coûts susceptibles de modifier significativement le coût de revient d’articles inclus dans la liste mentionnée au paragraphe précédent, le représentant de l’État, sur demande motivée des associations de défense des consommateurs agréées et après avis de l’observatoire des prix, des marges et des revenus concerné, peut, en cours d’année, ajuster le prix global de la liste, pour une durée qu’il fixe et qui ne peut aller au-delà du terme de l’accord en vigueur, afin de tenir compte des effets de ces variations. Un arrêté conjoint du ministre chargé de la consommation et du ministre chargé des outre-mer détermine le périmètre de la clause de sauvegarde, les références à prendre en compte et son seuil de déclenchement. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Les consommateurs ultramarins supportent depuis plusieurs dizaines d’années, et de façon structurelle, un coût de la vie, dite « chère », en moyenne de 20 % supérieur à celui de l’Hexagone, coût qui renchérit encore davantage, avec l’inflation conjoncturelle de ces derniers mois, les charges d’approvisionnement des ménages, des entreprises et des collectivités locales.

L’excellent rapport établi l’an dernier par MM. Georges Patient et Teva Rohfritsch au nom de la commission des finances en vue de l’examen de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2023 soulignait déjà que « l’inflation dans les territoires d’outre-mer enregistrait une hausse notable malgré l’existence du bouclier qualité prix mis en place en 2012 ».

Ce bouclier, instauré par la loi relative à la régulation économique outre-mer du 20 novembre 2012, dite loi Lurel, prévoit qu’un certain nombre de produits de consommation courante voient leur prix fixé par une négociation ou, en l’absence d’accord, par le préfet.

Le BQP est donc un outil qui fonctionne, mais qui pourrait être amélioré, notamment si l’on fixait une durée de négociation plus courte et si les consommateurs et les observateurs des prix, des marges et des revenus s’impliquaient davantage. Tel est l’objet des amendements que j’ai défendus dans le cadre de l’examen de ce projet de loi.

La baisse des prix des produits de première nécessité est une urgence absolue pour nos territoires. J’en profite d’ailleurs pour remercier notre collègue Victorin Lurel de m’avoir soutenu au moment du vote de l’amendement n° 10.

Le présent amendement vise, quant à lui, à améliorer la transparence des marges et des prix en outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Mon cher collègue, nous partageons votre analyse, mais la clause que vous défendez existe d’ores et déjà : le préfet peut aujourd’hui ajuster le prix global du bouclier qualité prix en cours d’année sur demande des organisations professionnelles et après avis de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Aussi, la commission demande de retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Même avis.

M. le président. Monsieur Buval, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?

M. Frédéric Buval. J’entends rester vigilant sur un sujet qui est fondamental pour les outre-mer, mais je tiens compte de l’engagement de Mme la ministre. C’est pourquoi je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 11
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Non modifié)

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les effets de l’avancée des négociations commerciales prévue au II de l’article 1er sur les prix de vente des produits de grande consommation et sur le partage de la valeur entre les différents acteurs économiques. Ce rapport analyse spécifiquement l’évolution des marges des industriels, filière par filière, et des acteurs de la grande distribution. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2 (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Vous vous en doutez, le groupe Les Républicains soutient les travaux de la commission et votera le texte ainsi amendé.

Cela étant, nous ne croyons pas vraiment en ce projet de loi. Pis, celui-ci nous inspire quelques craintes…

Parmi ces craintes, je citerai les conditions générales de vente (CGV) qui, comme vous l’avez dit, madame la ministre, seront bientôt disponibles chez les distributeurs sans que les indicateurs de production soient aujourd’hui publiés par les organisations professionnelles agricoles. Nous redoutons que cela mette en danger le principe même des lois Égalim, qui visaient la création d’un prix par la marche en avant.

Nous pensons également que ce texte méconnaît l’ensemble des négociations : négocier, ce n’est pas seulement négocier un prix, c’est aussi négocier un plan d’affaires beaucoup plus complexe, qui nécessite bien sûr beaucoup de travail de la part de l’ensemble des parties prenantes.

Madame la ministre, vous nous dites que vous avez conçu ce texte pour gagner quelques jours sur l’inflation et pour tenter de faire baisser les prix. Après avoir longtemps réclamé, voire peut-être inspiré le présent projet de loi, Michel-Édouard Leclerc dit lui-même aujourd’hui qu’il faut probablement non pas s’attendre à une diminution des prix, mais plutôt se préparer à une hausse.

Vous avez également cité un certain nombre de matières premières agricoles et non agricoles dont le prix baissait. Nous vous avons opposé qu’il en existait d’autres dont le prix augmentait, par exemple des matières premières non agricoles, qui n’entraient pas dans le champ des négociations de l’année dernière.

Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins. Nous pensons réellement que la lutte contre l’inflation se joue à un autre niveau : il faut agir sur la compétitivité de notre énergie – nous sommes très attentifs aux négociations actuelles à l’échelon européen –, car c’est de celle-ci que découlera la compétitivité de notre agriculture. Il faut se souvenir à cet égard de la proposition de loi de M. Duplomb qui comportait de nombreuses mesures pour améliorer ces facteurs de compétitivité.

Aujourd’hui, après avoir pris connaissance du volet agricole du prochain projet de loi de finances ou les dispositions votées hier par le Parlement européen, à savoir des règlements nouveaux qui alourdiront les charges de nos agriculteurs, je dois avouer que je ne suis pas très rassurée.

M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour explication de vote.

Mme Antoinette Guhl. J’observe que les débats ont été menés de manière accélérée, à l’image de la procédure d’examen choisi pour ce texte.

Je ne sais pas s’il restera grand-chose des discussions que nous avons eues ce matin. En tout cas, il ne restera, hélas ! pas grand-chose qui aura un impact sur la lutte contre la hausse des prix.

Ce texte ne comporte pas les mesures qui permettraient de lutter réellement contre l’inflation et ne donne aucun gage d’efficacité en matière de baisse des prix. C’est pourquoi le groupe GEST votera contre.

Nous plaidons, je le redis, pour une sécurité sociale de l’alimentation – nous aurons l’occasion d’y revenir dans cet hémicycle –, qui doit permettre de mieux rémunérer les producteurs et de favoriser un meilleur accès à l’alimentation pour toutes et tous.

Nous soutenons, vous l’avez compris, un rééquilibrage des négociations commerciales, afin que la grande distribution ne dicte pas sa loi sur les prix. Nous faisons d’une plus juste répartition de la valeur, laquelle garantit une meilleure rémunération des agriculteurs et des agricultrices, l’une de nos priorités. Malheureusement, le présent projet de loi ne répond pas à cette exigence.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour explication de vote.

Mme Corinne Bourcier. Nous partageons à l’évidence les mêmes objectifs : protéger les Français et lutter contre l’inflation qu’ils subissent, et permettre aux fournisseurs et aux distributeurs d’aboutir à des négociations commerciales qui bénéficient à tous et, bien sûr au premier chef, aux consommateurs.

Force est de constater que ces objectifs ne sont pas atteints par le texte. Les modifications qui lui ont été apportées ne fournissent pas non plus de solutions concrètes. Le calendrier des négociations paraît complexe à tenir pour la fin de l’année.

Ce projet de loi est évidemment un texte d’urgence, dont il nous est difficile de mesurer les effets, qu’ils soient positifs ou non.

Encore une fois, je pense que nous devrions nous appuyer dans ce genre de dossier sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, organisme qui doit pouvoir nous guider et orienter les acteurs en présence.

Parce que le groupe Les Indépendants reste perplexe à son égard, il s’abstiendra sur ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale et comme l’ont dit un certain nombre de mes collègues, je doute aussi de l’intérêt de ce texte.

Il est vrai qu’il m’arrive d’être naïf et utopique : je rêve d’un monde dans lequel chacun peut gagner sa vie correctement, où les valeurs sont partagées et où chacun peut se voir garantir des marges décentes. Malheureusement, c’est un vœu pieux, même si je concède que l’objectif est difficile à atteindre.

Je ne doute pas – je les reconnais même – des efforts qui ont été consentis dans le cadre des différentes lois Égalim, ainsi que des bénéfices qu’ont pu en tirer les producteurs, notamment les agriculteurs.

Toutefois, je reste convaincu que tous les textes que l’on vote, y compris le futur projet de loi d’orientation agricole, devraient avant tout cibler le revenu des agriculteurs, car on voit bien qu’au fil du temps celui-ci s’amenuise.

Je suis inquiet au sujet de notre souveraineté alimentaire – tout le monde la met en avant –, qui risque de payer fort cher le manque de raison qui règne à tous les échelons.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDSE s’abstiendra.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. On le constate : le doute domine sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.

Oui, nous doutons tous, même si nous avons fait en sorte, grâce à la rapporteure que je remercie de son travail, de mettre en place un seuil de différenciation selon la taille des entreprises et d’instaurer deux phases de négociation.

Sur ce point, le doute persiste aussi, quand bien même c’est la réalité du terrain qui s’imposera comme juge de paix. Nous serons évidemment attentifs à l’évaluation de cette disposition, d’autant que, je vous le rappelle, le présent projet de loi ne devrait s’appliquer que pour une durée d’un an : l’expérimentation du seuil de différenciation sur une telle durée pourrait être l’occasion de voir si la mesure produit ou non des résultats sur le terrain.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Comme nous l’avons indiqué au cours de la discussion générale, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra sur ce texte.

Permettez-moi de faire une remarque sur ce projet de loi, qui vaut d’ailleurs plus largement pour l’ensemble des débats relatifs à cette problématique. Nous avons beaucoup légiféré dans le domaine de l’énergie – ce thème a encore été largement évoqué ce matin –, mais, pour l’essentiel, sur des dispositions très techniques, et assez rarement sur le fond et les questions structurelles.

S’agissant des négociations commerciales dans la grande distribution, il faut que nous puissions discuter au fond des problèmes qui se posent sur l’ensemble de la chaîne de valeur, du producteur, l’agriculteur, jusqu’au consommateur.

Encore une fois, nous ne pourrons travailler durablement et efficacement sur cette question que si nous remettons en cause certains principes figurant actuellement dans notre droit, dont ceux qui ont été introduits par la loi de modernisation de l’économie de 2008.

Pour autant, nous ne nous opposerons pas à ce texte : il convient d’attendre d’en voir les effets.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 19 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 244
Pour l’adoption 209
Contre 35

Le Sénat a adopté.

Mme Sophie Primas. Très bien !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence pour lutter contre l'inflation concernant les produits de grande consommation
 

6

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers.

M. Pierre Cuypers. Lors du scrutin public n° 12 sur l’amendement n° 44 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, mes collègues Jean Pierre Vogel et Louis-Jean de Nicolaÿ souhaitaient voter pour.

M. le président. Acte est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 octobre 2023 :

De seize heures à vingt heures :

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants – République et Territoires)

Proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin (texte de la commission n° 62 rectifié, 2023-2024).

À vingt et une heures trente :

Proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive, présentée par Mme Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 68, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinquante-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER