Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en conviendrez : la question qui nous occupe aujourd’hui ne nous surprend pas. Cette proposition de loi est un nouvel avatar d’une cascade de lois et de plans gouvernementaux sur la question de l’accès aux soins dans nos territoires. Qu’il s’agisse de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, de la loi du 10 août 2011 en modifiant certaines dispositions, dite loi Fourcade, des pactes territoire-santé, de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, du plan Ma santé 2022, de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, ou encore des différentes lois de financement de la sécurité sociale, la question de l’accès aux soins pour tous continue de se poser avec une acuité particulière.

Bien sûr, certains dispositifs doivent être salués, notamment le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les nouvelles incitations à l’installation de jeunes praticiens de santé, le déploiement d’assistants médicaux, la médecine itinérante ou encore le recours à la télémédecine. Pourtant, malgré ces avancées, la désertification médicale n’est pas enrayée et progresse même parfois. Autrefois cantonnée à des zones rurales reculées, elle s’attaque aujourd’hui aux villes, et même aux grandes métropoles que l’on croyait préservées de ce phénomène.

Nous en connaissons les causes, à savoir la combinaison du vieillissement de la population nécessitant une prise en charge sanitaire de plus en plus fréquente et un renouvellement insuffisant et mal réparti sur le territoire d’une nouvelle génération de médecins généralistes, mais aussi de spécialistes.

Rappelons en effet que le nombre de médecins généralistes en activité régulière en 2022 a diminué de 11 % depuis 2010, soit 10 128 médecins de moins en douze ans. Nous faisons donc face à un corps médical vieillissant et à une pratique de la médecine quant à elle en pleine mutation.

Disons-le clairement : il est à craindre que ce nouveau texte ne réponde que de manière très technocratique à ces défis, qui mettent à mal l’accès aux soins. Et, si ce texte, dans son esprit, va dans le bon sens – rationaliser l’action des acteurs locaux de santé –, pour l’heure, les multiples structures – GHT, CPTS, équipes de soins primaires (ESP), établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), MSP, centres de santé – s’empilent.

Finalement, nous nous retrouvons avec une organisation difficilement lisible tant par les patients que par les acteurs.

L’objectif de constituer de véritables bassins territoriaux de santé est louable, mais il s’agit aussi d’impliquer dans cette chaîne le maillon des élus locaux. Ainsi, la gouvernance locale autour des CTS risque de ne pas disposer des moyens de ses ambitions, l’État souhaitant conserver son contrôle à travers l’ARS et le préfet.

C’est ce qu’a souligné fort justement la commission des affaires sociales du Sénat, qui note qu’« aucun nouveau moyen d’action n’est confié au CTS », tout en soulignant le risque de bureaucratiser un peu plus la médecine libérale insuffisamment associée.

Le recours accru aux Padhue est un élément de simplification. Néanmoins, si faire appel à des compétences extérieures est une bonne chose en soi, il convient de ne pas transiger sur la qualité et les savoirs professionnels.

Finalement, ce texte, comme beaucoup d’autres, est décevant et ne répondra malheureusement pas au défi majeur qui se pose à nous pour refonder notre système de santé et favoriser l’accès aux soins pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Aurélien Rousseau, ministre. Sans refaire le débat, je tiens à revenir sur plusieurs points.

D’abord, je crois profondément à la dynamique qui est à l’œuvre dans tous les territoires. Je suis frappé d’entendre nombre d’entre vous à la fois s’émouvoir à la tribune de la situation – à juste titre –, et, en même temps, au cours des discussions ou directement dans les territoires, témoigner d’une expérience de maison de santé pluriprofessionnelle ou d’une CPTS faisant coopérer des pharmaciens, des infirmiers et des médecins.

Pour ma part, sans chercher à nier la situation – que la seule lecture du courrier adressé quotidiennement au ministère de la santé suffit à rappeler –, je trouve que, dans certains territoires, le lien entre l’ARS et la région est extrêmement fort dans nombre de projets – en Occitanie, par exemple, madame Poumirol. (Mme Émilienne Poumirol acquiesce.) Je salue d’ailleurs les maires et les fonctionnaires de l’État ou des collectivités qui se battent pour trouver des médecins et faire avancer les dossiers.

Cependant, j’ai du mal à entendre certains de vos propos. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai vécu la crise du covid-19 en première ligne. Or, selon plusieurs d’entre vous, le covid-19 aurait mis en lumière un champ de ruines. Pourtant, grâce à nos soignants, notre pays a tenu. Il est l’un de ceux dans lesquels la mortalité a été la plus faible – à la différence, d’ailleurs, de la plupart des dictatures. La démocratie a fonctionné et notre système a tenu, grâce à l’héroïsme de nos soignants, au prix de la mort de certains d’entre eux et, pour beaucoup, du dépassement de soi.

Vous portez la responsabilité de vos propos, mais, au nom même de la bataille que nous menons pour redonner de la force à notre système de santé, je ne peux pas laisser ce dernier être qualifié de champ de ruines. Ce système est à la fois – sans doute vos proches ou vous-mêmes le vivez-vous quotidiennement – formidable, parce que nous sommes très bien soignés dans ce pays, et extrêmement fragile, toujours au bord du précipice. Ce texte est l’un de ceux qui essaient de contribuer à l’en éloigner – je ne prétends pas qu’il suffira à lui seul.

J’ai entendu beaucoup de demandes en faveur d’une grande loi sur la santé. La première intuition, quand on devient ministre, c’est le narcissisme…

Mme Nathalie Goulet. Avant aussi ! (Sourires.)

M. Aurélien Rousseau, ministre. Chacun voudrait devenir le nouveau Claude Évin en associant son nom à une loi définitive… Considérez cependant ces quelques chiffres : depuis 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans son volet assurance maladie, a progressé de 50 milliards d’euros. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a financé les mesures annoncées dans le Ségur de la santé ; pourtant, je ne crois pas qu’il ait recueilli l’assentiment de toutes les travées de cet hémicycle. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ouvre aux pharmaciens, dans le cadre d’une expérimentation, la possibilité de prendre en charge les patients atteints d’une cystite ou d’une angine après réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod), afin de suppléer les médecins dans le partage des tâches.

Ce même texte prévoit également de majorer de 25 % la rémunération du travail de nuit du personnel non médical des hôpitaux. Contrairement à ce qui a été dit, la hausse du budget de la sécurité sociale permettra bien évidemment de compenser les surcoûts liés à l’inflation, avec 8 milliards d’euros de plus que l’an dernier – soit la bagatelle du budget du ministère de la justice.

Nous proposons donc des mesures concrètes sur le travail de nuit, car je ne veux pas laisser planer de doute : notre bataille quotidienne, en matière d’attractivité notamment, consiste à recruter et à fidéliser les personnels, à rouvrir des lits et à offrir plus de soins. Cette bataille est aussi menée avec les régions, je l’ai rappelé au sujet des instituts de formation en soins infirmiers. Le rôle essentiel joué par les infirmières a également été évoqué : nous travaillons actuellement sur le décret de compétences. Nous allons également rouvrir une négociation conventionnelle avec les pharmaciens.

C’est donc une approche globale. Certes, ce texte n’est pas une cathédrale, mais bien des cathédrales que nous avons construites ces dernières décennies en matière de santé ont davantage déçu que certaines mesures concrètes (Mme Pascale Gruny manifeste son scepticisme.), dont vous retrouverez une bonne partie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’imagine donc que votre vote sur ce dernier texte sera cohérent avec vos appels à mobiliser beaucoup plus de moyens. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 202 et n° 34 rectifié ter

Article 1er

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1434-9 est ainsi modifié :

a) Aux 1° et dernier alinéa, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La délimitation des territoires de santé peut être redéfinie par les membres siégeant au sein des conseils territoriaux de santé compétents, en lien avec l’agence régionale de santé, afin d’assurer un équilibre et une solidarité entre les territoires en matière d’accès aux soins. » ;

2° L’article L. 1434-10 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après les mots : « du système de santé du territoire concerné », sont insérés les mots : « dont des représentants des conseils départementaux des ordres territorialement compétents » ;

a bis) (Supprimé)

b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au moins une fois par an, le directeur général de l’agence régionale de santé présente au conseil territorial de santé ses observations sur l’état de santé de la population du territoire, sur l’offre de soins disponible et sur l’organisation de la permanence des soins sur ce dernier. » ;

c) Le III est ainsi modifié :

– la dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ainsi qu’à toute autre zone caractérisée, au moment du diagnostic territorial partagé, par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, au sens du 1° de l’article L. 1434-4 » ;

– la seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;

– l’avant-dernier alinéa est supprimé ;

3° (Supprimé)

4° Le second alinéa de l’article L. 1441-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « démocratie sanitaire prévus au 1° de l’article L. 1434-9 et de l’autonomie » sont remplacés par les mots : « santé et de l’autonomie prévue à l’article L. 1441-2 » ;

5° Au 4° de l’article L. 1442-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

6° Au 1° de l’article L. 1442-3, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

7° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1442-5, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

8° Au III des articles L. 1443-1, L. 1444-1 et L. 1445-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

9° Au VI de l’article L. 1446-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

10° À l’article L. 5511-2, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

11° À la première phrase et à la fin de la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 5511-3, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé ».

II. – (Non modifié) Les 1°, 2° et 4° à 11° du I s’appliquent à compter du premier jour du dixième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission de la commission des affaires sociales. Avant d’aborder l’examen des articles de cette proposition de loi, je souhaite revenir sur l’important sujet des ordonnances : prévues par l’article 38 de la Constitution, elles sont utilisées par le Gouvernement, notamment dans la sphère sociale, de manière courante depuis plusieurs années.

Or, au Sénat, nous ne sommes pas très friands des ordonnances. Cependant, nous pouvons instaurer un suivi de ces habilitations par leur ratification au Parlement. Ainsi, le texte que nous allons examiner modifie les dispositions prises par pas moins de cinq ordonnances issues des habilitations de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Buzyn, dont aucune n’a jamais été ratifiée. Je pense que nous aurions pu profiter de ce texte pour agir et nous donner le moyen de suivre ces différentes ordonnances.

Enfin, un dernier mot sur la méthode : un projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte budgétaire ; ce n’est en aucun cas un texte d’orientation de politique générale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Jomier. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.

M. Hervé Maurey. C’est le septième texte relatif à l’accès aux soins que nous examinons en moins de quinze ans. Cela montre que nous nous préoccupons du sujet, mais, surtout, que les mesures que nous avons adoptées ne sont pas efficaces. Ce qui est surprenant, c’est que nous continuons sur la même lancée, avec des mesures insuffisantes, comme si nous persistions à donner de l’aspirine à quelqu’un qui aurait besoin d’un traitement beaucoup plus fort.

Quand le candidat Macron a annoncé qu’il allait instaurer la régulation à l’installation, j’ai espéré. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous avez raison, mes chers collègues : c’était naïf de ma part, et j’ai finalement été déçu. Nous continuons dans cette voie.

Je suis navré de constater que le texte que l’Assemblée nationale a voté est sorti amoindri de la commission des affaires sociales du Sénat. Les rares mesures qui allaient dans le bon sens – la permanence des soins, le fléchage des médecins salariés vers les zones qui en ont le plus besoin – ont été supprimées. Les élus des territoires ruraux et nos concitoyens ne comprennent pas davantage que moi que le Sénat, qui est l’assemblée des territoires, se tienne en retrait par rapport à l’Assemblée nationale dans la défense de l’accès aux soins en zone rurale.

Je veux espérer que ce débat, par l’examen des nombreux amendements déposés, permettra de rectifier le tir, afin que le Sénat, conformément à sa vocation, agisse pour améliorer l’accès aux soins dans les zones rurales, et que ce texte, renforcé, soit utile à l’intérêt général, à la population, aux territoires ruraux. C’est ce à quoi je vous appelle alors que nous allons commencer à examiner les articles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Duffourg, Canévet, Laugier, Levi, Hingray et Folliot, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 16 à 25

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. L’apport essentiel du conseil territorial de santé est sa nature d’instance de démocratie participative en matière de santé publique. Il est donc essentiel de garder cette référence à la « démocratie sanitaire ».

Mme la présidente. L’amendement n° 124, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. La démocratie sanitaire régit notre système de santé. Ce concept, typiquement français, trouve son origine dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : il est censé transcender l’intégralité des acteurs de santé et agir comme une démarche applicable à l’ensemble des actions en lien avec notre système de santé.

Ce principe consiste notamment à garantir l’implication des patients et des citoyens dans les processus de prise de décision liés aux politiques de santé et à consacrer leurs droits.

L’article 1er prévoit de substituer à la notion de « territoire de démocratie sanitaire » celle de « territoire de santé ». Nous nous interrogeons sur la portée pratique de cette substitution et considérons que sa portée symbolique n’est pas anodine, puisqu’elle peut sous-entendre l’échec – et peut-être la fin – de la démocratie sanitaire. Or, quels que soient ses écueils indéniables, la notion de « territoire de démocratie sanitaire » signifie que les politiques territoriales de santé doivent être élaborées en concertation avec l’ensemble des acteurs de santé, professionnels et usagers.

Les alinéas suivants du présent article prétendent en outre renforcer ce dialogue et cette concertation au sein des conseils territoriaux de santé. Dans ce cadre, la suppression de la dimension de démocratie sanitaire apparaît incohérente.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de revenir sur ce changement de dénomination.

Mme la présidente. L’amendement n° 129, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 16 à 26

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. La notion de « territoire de santé », définie dans le cadre de la loi HPST, a été supprimée par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 pour lui substituer la notion de « territoire de démocratie sanitaire » et inscrire celle de conseil territorial de santé.

L’article 1er constitue en quelque sorte un retour en arrière, puisqu’il remplace la notion de « territoire de démocratie sanitaire » par celle de « territoire de santé ».

Non seulement cette valse-hésitation sémantique nous semble contre-productive, mais elle est également un très mauvais signal envoyé tant aux professionnels qu’à nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que soit conservée la notion de « territoire de démocratie sanitaire ».

Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Omar Oili, Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigé :

11° L’article L. 5511-3 est ainsi rédigé :

« L’article L. 5125-4, applicable à Mayotte, est ainsi rédigé :

« Art. L. 5125-4. – « I. L’ouverture par voie de création d’une officine dans une commune peut être autorisée lorsque le nombre d’habitants recensés est au moins égal à 7 000.

« Il ne peut être délivré qu’une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans le territoire de démocratie sanitaire auquel appartient la commune. Un décret détermine les territoires de démocratie sanitaire.

« Lorsque la création d’une officine peut être autorisée en l’application de l’alinéa précédent, le directeur général de l’agence régionale de santé, en vue d’assurer une desserte satisfaisante de la population, peut désigner la commune dans laquelle l’officine doit être située.

« Le nombre d’habitants dont il est tenu compte pour l’application du présent article est la population municipale telle qu’elle est établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel.

« II. En vue d’assurer une desserte satisfaisante de la population dans une intercommunalité, le directeur général de l’agence régionale de santé peut octroyer une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans l’intercommunalité concernée. Le directeur général de l’agence régionale de santé peut déterminer la commune dans laquelle l’officine sera située.

« La prise en compte de la population intercommunale en vue de l’autorisation d’ouverture d’une officine est valable jusqu’à la parution du prochain recensement de la population municipale de Mayotte au Journal officiel.

« Au-delà de cette date, le nombre d’habitants dont il est tenu compte pour l’application du présent article est uniquement la population municipale telle qu’elle est établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel. »

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Le nombre de pharmacies d’officine à Mayotte apparaît aujourd’hui insuffisant au regard de l’augmentation de la population, du développement de l’offre de soins sur l’île et des nouvelles missions confiées aux pharmaciens d’officine, tels que l’éducation pour la santé, la prévention, le dépistage et la vaccination.

Le contexte d’évolution démographique de la population mahoraise, l’étendue des communes, la topographie de l’île et son réseau de transports en commun peu développé privent certaines communes d’une desserte pharmaceutique optimale. Une grande partie de la population est ainsi contrainte à effectuer de longs trajets pour avoir accès à des médicaments.

Le présent amendement vise à augmenter le nombre d’officines pharmaceutiques à Mayotte. La modification de l’article L. 5511-3 du code de la santé publique permettra, jusqu’à la publication du prochain recensement démographique, de prendre en compte la population de l’intercommunalité à la place de la population municipale pour autoriser l’ouverture d’une officine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis défavorable sur les amendements nos 19 rectifié, 124 et 129, dont l’enjeu est à la fois symbolique et sémantique. La commission a estimé que la notion de « territoire de santé » que l’article 1er substitue à celle de « territoire de démocratie sanitaire » est préférable, car elle fait écho aux conseils territoriaux de santé, qui sont chargés de leur animation.

En outre, le terme « territoire de santé » insiste sur l’enjeu de territorialisation des politiques de santé. C’est pourquoi la commission l’a considéré plus adapté.

J’ajoute, à titre personnel, que je ne pense pas que cette dénomination signe la fin de la démocratie sanitaire : il suffit de regarder la composition actuelle des conseils territoriaux de santé, qui réunissent des profils très variés.

Mon avis est également défavorable sur l’amendement n° 161 rectifié. La situation de l’offre de soins à Mayotte est en effet critique. Alors que ce territoire connaît une croissance démographique dynamique, la problématique d’attractivité des professionnels de santé reste aiguë. C’est pourquoi divers dispositifs de soutien spécifique existent : la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a déjà prévu des conditions dérogatoires et assouplies pour autoriser la création d’officines pharmaceutiques sur le territoire mahorais en abaissant le seuil de population requis de 7 500 habitants à 7 000 habitants. En revanche, il apparaît difficilement envisageable de réaliser un nouveau recensement démographique avant celui qui est prévu à partir du 1er janvier 2026, et de prendre en compte la population intercommunale jusqu’à cette date.

La demande qui justifie cet amendement ayant déjà été satisfaite par la loi 3DS, l’avis, je le répète, est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteure sur les amendements nos 19 rectifié, 124 et 129. Cette évolution, qui vise notamment à simplifier le vocabulaire, ne traduit absolument pas un recul de la démocratie sanitaire ; la composition des CTS elle-même le montre bien. Je le dis d’autant plus fermement que, dans la situation actuelle, il est indispensable de partager avec nos concitoyens la réalité de ce que nous vivons ces dernières années.

Sur l’amendement n° 161 rectifié, le Gouvernement émet pour sa part un avis favorable. La situation à Mayotte est tellement difficile – vous avez eu l’occasion de vous en émouvoir à plusieurs reprises dans cet hémicycle – que toute mesure susceptible de faciliter les conditions d’accès aux soins de nos compatriotes mahorais – fût-ce en soutien à des dispositions qui existent déjà – est importante.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 161 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 125, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

compétents,

insérer les mots :

en concertation avec les associations d’élus locaux et les organisations syndicales et

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Par le présent amendement, nous proposons d’associer les associations d’élus locaux et les organisations syndicales à la redéfinition du périmètre des territoires de santé.

Il me semble en effet que le périmètre de ces territoires est un sujet à part entière. Si chacun appelle de ses vœux une meilleure coopération entre professionnels de santé, lorsque des dynamiques sont initiées dans des territoires, ces dernières tiennent souvent à l’étendue du périmètre de ces territoires de santé : certains, très vastes, recouvrent de larges problématiques à la fois sociales, liées à l’accès aux soins ou encore au vieillissement de la population. Pour insuffler ces dynamiques, il faut donc que ces territoires soient aussi restreints que possible, ou que leurs contours correspondent à ceux des bassins de vie. Et qui mieux que les élus pour apporter un avis pertinent sur ces périmètres ?