Sommaire

Présidence de Mme Sophie Primas

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin, M. Philippe Tabarot.

1. Procès-verbal

2. Amélioration de l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Nadia Sollogoub

Mme Anne Souyris

Mme Céline Brulin

Mme Véronique Guillotin

Mme Solanges Nadille

Mme Émilienne Poumirol

M. Khalifé Khalifé

M. Christopher Szczurek

M. Daniel Chasseing

Mme Jocelyne Guidez

M. Olivier Bitz

Mme Patricia Demas

Mme Béatrice Gosselin

M. François Bonhomme

M. Aurélien Rousseau, ministre

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Philippe Mouiller, président de la commission de la commission des affaires sociales

M. Hervé Maurey

Amendement n° 19 rectifié de M. Alain Duffourg. – Rejet.

Amendement n° 124 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 129 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 161 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 125 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 97 rectifié de M. Philippe Grosvalet. – Rejet.

Amendement n° 192 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 126 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 178 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 217 rectifié de Mme Nadège Havet. – Rejet.

Amendement n° 107 rectifié ter de M. Daniel Chasseing. – Rejet.

Amendement n° 220 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 179 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 79 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 80 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 204 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 195 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 181 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 191 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 147 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 186 de Mme Anne Souyris. – Retrait.

Amendement n° 127 de Mme Céline Brulin. – Retrait.

Amendement n° 180 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 81 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 82 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

M. Bernard Jomier

Mme Véronique Guillotin

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 202 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 34 rectifié ter de M. Laurent Burgoa. – Rejet.

Amendement n° 84 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 122 rectifié ter de M. Ludovic Haye. – Retrait.

Amendement n° 190 rectifié de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Article 2 (suppression maintenue)

Article 2 bis

Amendements nos 94 rectifié bis et 93 rectifié bis de Mme Catherine Conconne. – Non soutenus.

Amendement n° 25 de Mme Nathalie Goulet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Rappel au règlement

M. Hervé Marseille

4. Situation au Proche-Orient. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

M. Bruno Retailleau

M. Patrick Kanner

M. Olivier Cadic

Mme Nicole Duranton

Mme Cécile Cukierman

M. Claude Malhuret

M. Guillaume Gontard

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

Mme Maryse Carrère

M. Aymeric Durox

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger

Mme Élisabeth Borne, Première ministre

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

5. Amélioration de l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Après l’article 2 bis

Amendement n° 2 rectifié quinquies de M. Jean-Luc Fichet. – Rejet par scrutin public n° 9.

Amendement n° 185 rectifié de Mme Anne Souyris. – Rejet par scrutin public n° 10.

Amendement n° 133 rectifié de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 17 rectifié bis de M. Franck Menonville. – Rejet.

Amendement n° 128 rectifié de Mme Céline Brulin. – Rejet par scrutin public n° 11.

Amendement n° 37 rectifié quater de Mme Marie-Claude Lermytte. – Rejet.

Amendement n° 45 rectifié bis de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 26 rectifié de Mme Florence Blatrix Contat. – Rejet.

Amendement n° 44 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel. – Rejet par scrutin public n° 12.

Amendement n° 78 rectifié ter de M. Patrice Joly. – Rejet par scrutin public n° 13.

Amendement n° 76 rectifié ter de M. Patrice Joly. – Rejet.

Amendement n° 42 de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Article 2 ter (supprimé)

Amendements identiques nos 3 rectifié de M. Dany Wattebled, 86 rectifié de Mme Véronique Guillotin et 182 de Mme Anne Souyris. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 131 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Après l’article 2 ter

Amendements identiques nos 63 rectifié de M. Bernard Jomier, 85 rectifié de Mme Brigitte Micouleau et 89 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 99 rectifié ter de Mme Florence Lassarade. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 158 rectifié quinquies de Mme Anne-Sophie Romagny. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 221 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2 quater

Amendement n° 132 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendements identiques nos 230 du Gouvernement et 231 de la commission. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 quinquies (supprimé)

Amendement n° 173 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 48 rectifié de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 70 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 71 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 151 de Mme Céline Brulin. – Rejet.

Amendement n° 38 rectifié ter de Mme Marie-Claude Lermytte. – Rejet.

Amendement n° 5 rectifié quater de Mme Nadia Sollogoub. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.

Article 2 sexies

M. Marc Laménie

Amendement n° 50 de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 91 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Retrait.

Amendements identiques nos 28 rectifié de Mme Élisabeth Doineau et 167 de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 115 rectifié de M. Ludovic Haye. – Rejet.

Amendements identiques nos 49 rectifié de Mme Émilienne Poumirol, repris par la commission sous le n° 233, et 90 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 octies

Amendement n° 8 rectifié bis de M. Alain Milon. – Rejet.

Amendement n° 29 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 2 nonies (supprimé)

Amendement n° 35 rectifié ter de Mme Marie-Claude Lermytte. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 2 decies

Mme Kristina Pluchet

Mme Marie-Pierre Richer

M. Laurent Duplomb

Amendement n° 172 de M. Bruno Belin, repris par la commission sous le n° 234. – Adoption.

Amendement n° 134 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2 decies

Amendements nos 110 et 109 de M. Pierre Médevielle. – Non soutenus.

Articles 2 undecies et 2 duodecies – Adoption.

Article 3 (supprimé)

Amendement n° 183 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 74 rectifié de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendements identiques nos 39 rectifié ter de Mme Marie-Claude Lermytte et 104 rectifié ter de M. Daniel Chasseing. – Rejet des deux amendements.

L’article demeure supprimé.

Après l’article 3

Amendement n° 51 rectifié bis de Mme Émilienne Poumirol. – Rejet.

Amendement n° 75 rectifié bis de Mme Brigitte Micouleau. – Rejet.

Amendement n° 40 rectifié bis de Mme Marie-Claude Lermytte. – Rejet.

Amendement n° 188 rectifié de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 112 rectifié ter de Mme Nadia Sollogoub. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Sophie Primas

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Véronique Guillotin,

M. Philippe Tabarot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Discussion générale (suite)

Amélioration de l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (proposition n° 747 [2022-2023], texte de la commission n° 49, rapport n° 48).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Aurélien Rousseau, ministre de la santé et de la prévention. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous savons que, pour être le plus juste et le plus efficace possible, notre système de santé doit s’appuyer sur trois principes fondamentaux.

Tout d’abord, une solidarité sans faille, celle-là même qui sous-tend l’ensemble de notre modèle de protection sociale.

Ensuite, une capacité d’adaptation et de modernisation : son importance n’a sans doute jamais été aussi visible que pendant la crise sanitaire, mais elle ne l’est pas moins face aux défis qui se dessinent.

Enfin, un ensemble de coopérations et de liens de confiance renforcés entre les différents professionnels et acteurs du système, pour répondre aux besoins et aux attentes des Français dans chacun de nos territoires.

La réponse à apporter s’inscrit dans la cohérence et la complémentarité des actions et des différentes politiques que nous menons. Lorsque j’ai pris les rênes du ministère de la santé et de la prévention, je suis devenu à la fois le ministre des soins hospitaliers et des soins de ville, de l’hôpital public et de l’hospitalisation privée, des professionnels qui exercent en ville et de ceux qui exercent en milieu rural.

À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je mesure la difficulté de la tâche à laquelle vous avez été contraints en devant travailler simultanément sur deux textes : d’une part, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, dont j’ouvrirai l’examen à l’Assemblée nationale dans quelques heures, qui traduit dans le cadre d’une loi financière les logiques de transformation de notre système de santé, en particulier dans le champ de la prévention, de l’accès aux produits de santé et de l’évolution du cadre de rémunération des établissements de santé ; d’autre part, cette proposition de loi, qui permet d’avancer sur le sujet des dynamiques de confiance et de responsabilité territoriale des professionnels de santé.

La rapporteure ainsi que la rapporteure générale et le président de la commission des affaires sociales ont regretté cet examen simultané, et je dois dire que je suis sensible à leur critique. Peut-être aurais-je dû défendre un autre calendrier d’examen par le Sénat de cette proposition de loi. Je ne sais pas si cela se pratique ici, mais je vous prie d’accepter mes excuses : je souhaitais que soient exposés simultanément les différents éléments qui sont aujourd’hui sur la table. À cet égard, je pourrais aussi mentionner le travail que nous conduisons sur la convention médicale.

Je mesure toutefois que le délai de quelques semaines qui s’est écoulé depuis le renouvellement sénatorial et la constitution de la commission des affaires sociales ne vous a sans doute pas permis d’approfondir la réflexion autant que vous l’auriez souhaité.

Nous sommes cependant tous d’accord pour considérer que les défis à relever sont immenses et urgents et imposent de la transparence. C’était aussi pour cette raison que j’avais souhaité mener de front ces différents chantiers – peut-être était-ce une erreur, en effet.

La santé constitue bien le premier sujet de préoccupation de nos compatriotes. Ils nous le rappellent sans cesse. Plusieurs d’entre vous me l’ont dit, notamment ceux qui ont remis en jeu leur mandat sénatorial. Les Français me le rappellent aussi lors de mes différents déplacements.

Tous nous interpellent, à raison, sur le manque de médecins et de professionnels de santé, ainsi que sur les nombreux défis auquel notre système de santé doit faire face. Ces défis, je crois que nous pouvons les relever en renforçant la confiance : la confiance des professionnels, qui ont choisi des métiers exceptionnels, mais difficiles et exigeants ; la confiance de nos concitoyens dans les politiques de santé qui les protègent ; la confiance dans l’avenir du système de santé et dans ses acteurs, avec lesquels nous devons le coconstruire.

Cette proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale par Frédéric Valletoux. Elle comporte, je le crois, une partie des solutions.

La matrice de l’engagement territorial, qui constitue le fil directeur de ce texte, recouvre la volonté de mobiliser tous les acteurs d’un territoire et de les impliquer plus largement, pour mieux répondre à la problématique de l’accès aux soins. Je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, que beaucoup d’entre vous ont eu à mettre en œuvre concrètement dans leur commune ou leur département cet esprit de coalition.

J’ai confiance dans le sens des responsabilités des professionnels. Cette démarche, je l’oppose – et je le dis sans détour – à celle qui vise à imposer des mesures de coercition, notamment pour empêcher les médecins de s’installer à tel ou tel endroit. Si ces dernières peuvent sembler un remède attractif à court terme, je pense, après avoir d’ailleurs moi aussi beaucoup hésité sur cette question, que créer des rigidités et des contraintes serait totalement contre-productif et ne ferait que détourner plus encore de l’exercice de la médecine, en particulier de la médecine générale, qui constitue, nous le savons bien, un pilier incontournable de l’accès à la santé de nos concitoyens.

C’est pourquoi je souhaite d’emblée poser un préalable important à nos débats pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés : ce texte n’a en aucun cas vocation à se substituer à une action résolue et de long terme visant à augmenter structurellement le nombre de soignants.

Comme tous les grands pays, et pas seulement européens, la France est confrontée à une crise démographique qui touche la ressource médicale et soignante. C’est un fait.

Nous avons mesuré les dégâts du numerus clausus, et nous voyons d’ores et déjà les premiers effets de sa suppression. Nous formons davantage de professionnels : +15 % par an en moyenne.

Nous maintiendrons, collectivement et résolument, notre effort. Je pense notamment au travail que nous réalisons avec les régions pour former plus d’infirmiers et d’aides-soignants.

Tous les nouveaux professionnels qui arriveront dans le système bénéficieront, dans leur exercice quotidien, des nouvelles formes de coopération et d’organisation dont nous allons discuter.

Augmenter structurellement le nombre de professionnels et prendre des mesures d’application immédiate pour mieux coordonner et répartir les compétences en fonction des besoins constituent deux éléments nécessairement complémentaires.

Je m’y attache, à mon niveau, en reprenant la négociation conventionnelle avec les médecins libéraux. J’accorde la plus grande importance à cette étape fondamentale de la relation entre la puissance publique et la profession. Je suis convaincu que c’est par la confiance et le dialogue que nous aboutirons à une nouvelle convention.

Je souhaite que celle-ci puisse donner aux médecins tous les moyens pour réinventer leur métier, être davantage associés aux évolutions du système de santé et ainsi toujours mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’articulation entre ces deux échéances – la discussion avec les médecins libéraux, d’une part, l’examen de cette proposition de loi déjà adoptée par l’Assemblée nationale au mois de juin dernier, d’autre part – représente une opportunité qu’il convient de saisir.

Il s’agit de tracer la perspective d’un pacte renouvelé de confiance et d’engagement avec les professionnels de santé. En effet, il n’existe ni solution miracle ni solution unique pour continuer à transformer et à fluidifier le fonctionnement et l’organisation territoriale de notre système de santé.

Ce texte a avant tout pour objectif de renforcer et de donner corps à la solidarité entre les différentes composantes du système de santé, dans une logique de coopération renforcée et de responsabilité partagée, à tous les niveaux.

Rien ne serait pire, j’y insiste, que de lier, par la loi, les mains des acteurs de la santé : nous les empêcherions de faire preuve de cette agilité si essentielle pour faire face aux défis que nous connaissons.

En effet, si l’État doit rester le garant des valeurs qui fondent notre système et si les grandes priorités doivent être définies à l’échelon national, l’enjeu est, aujourd’hui, de fournir des outils et des leviers, puis de faire confiance à ceux dans les mains desquels nous les plaçons, pour qu’ils puissent s’organiser et faciliter l’émergence de réponses territorialisées.

Ces leviers sont de différentes natures.

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) constituent le cadre principal de structuration des soins de proximité. La commission des affaires sociales a fait le choix de supprimer le rattachement automatique de tout professionnel de santé, sauf opposition de sa part, à une CPTS. Si le Gouvernement ne souhaite pas faire un totem de cette disposition – il n’a d’ailleurs pas déposé d’amendement pour la rétablir –, je pense qu’il conviendra de réfléchir, au cours de la navette parlementaire, à une disposition permettant de mieux valoriser la place opérationnelle des CPTS.

Les professionnels qui y sont engagés sont en effet animés de la volonté de faire progresser les organisations locales et il est indéniable que leur mobilisation et leur enthousiasme contribuent grandement au succès de ce mode d’organisation : 450 CPTS existaient en 2019, 756 en 2022 ; désormais, les CPTS couvrent plus de 80 % de la population.

Je ne soutiens évidemment pas qu’en matière de coordination toutes les CPTS sont parvenues au même niveau de maturité. Toutefois, la dynamique à l’œuvre montre qu’elles répondent à un besoin. Cela a été déjà particulièrement visible pendant la crise sanitaire au cours de laquelle elles ont facilité la mobilisation des libéraux et permis de faire tomber quelques murs entre les professions de santé.

Ces communautés sont également un lieu d’innovation et de progrès : je pense à des expérimentations qui permettent l’accès direct à certaines professions par ce biais.

Depuis des années, le Gouvernement accompagne fortement ce mouvement de structuration de la coopération. À cet égard, je tiens à souligner l’engagement de la ministre déléguée, Agnès Firmin Le Bodo, qui promeut le plan 100 % CPTS et qui a réalisé un « tour de France » des CPTS. Ce dernier a permis de dresser un état des lieux de ces communautés dans les territoires et d’identifier les facteurs de leur succès.

L’intégration des professionnels de la médecine scolaire dans les CPTS contribue ainsi à la coordination des interventions des professionnels de la santé de l’enfant. Il s’agit aussi d’une action essentielle dans notre plan de lutte contre le harcèlement scolaire.

Parallèlement, ce texte précise la définition du conseil territorial de santé (CTS), organe de démocratie sanitaire à l’échelle du territoire, élargit sa composition, renforce ses missions et ses responsabilités, pour lui permettre de répondre aux objectifs en matière d’amélioration et de continuité de l’accès aux soins.

À l’instar des députés, vous vous êtes largement saisis de cette mesure, mesdames, messieurs les sénateurs.

S’il accueille favorablement l’ajout de la participation des conseils des ordres professionnels, le Gouvernement défendra, sur ce point, une proposition de compromis entre les versions des deux assemblées, afin de rétablir notamment les leviers d’action à la main des acteurs territoriaux pour créer une offre de santé dans les territoires où elle est insuffisante. Cette proposition de loi vise ainsi à confier aux professionnels de santé qui siègent dans les CTS la responsabilité collective de s’organiser, afin de répondre aux besoins identifiés dans leur territoire.

Il est également proposé dans ce texte – c’est un point sur lequel je voudrais insister et à propos duquel j’ai déjà eu des échanges avec la rapporteure et le président de la commission des affaires sociales – d’élargir la responsabilité collective relative à l’organisation de la permanence des soins en établissements de santé, la fameuse PDSES, qui revient aux établissements et aux professionnels de santé qui les composent, dans le public comme dans le privé.

Il s’agit de mettre en œuvre cette responsabilité collective, notamment de rééquilibrer le dispositif entre le secteur public et le secteur privé, pour réduire la pression sur l’hôpital.

Là encore, les modalités du mécanisme ont fait l’objet de nombreux débats.

Je vous proposerai une position qui est, je l’estime, équilibrée et réaliste. Elle a été coconstruite avec les acteurs et vise à clarifier le nouveau cadre de participation des établissements de santé et des professionnels qui y exercent.

Ce cadre traduit la confiance que nous avons à l’égard des acteurs des territoires pour s’organiser. Il reposera en effet sur un appel à candidatures des établissements qui seront libres d’y répondre, qu’il s’agisse des établissements publics ou privés non lucratifs ou encore des cliniques privées, avec l’accord des praticiens libéraux qui y exercent.

Aussi, lorsqu’un établissement participant à la PDSES ne pourra pas assumer sa mission, faute de personnel suffisant, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) pourra intervenir, mais seulement si un premier appel à candidatures a été lancé, afin de permettre à l’établissement d’assurer la permanence des soins qui lui incombe.

Je tiens à insister sur ce point crucial : le principe du volontariat des établissements et des professionnels de santé exerçant en leur sein est un pilier de cette future organisation de la PDSES. Celle-ci repose sur la confiance.

C’est uniquement de manière ultime et subsidiaire, en cas de carence et en dernier recours, qu’un établissement et ses professionnels de santé pourront être désignés pour assurer cette mission, dont l’exercice sera exclusivement effectué dans l’établissement sollicité.

Les professionnels de santé salariés des établissements publics ou libéraux pourront par ailleurs être sollicités pour renforcer les équipes d’autres établissements, mais uniquement, j’y insiste là encore, s’ils se sont portés volontaires pour le faire.

Outre les dispositifs structurants que sont les CTS, l’organisation de la PDSES et, comme je l’appelle de mes vœux, l’élargissement de la couverture des CPTS, le texte comporte plusieurs avancées sur des points plus précis.

Je les évoquerai rapidement, car nous aurons tout le loisir de les approfondir au cours des débats.

Le texte consolide ainsi le lien essentiel entre les patients et leurs professionnels de santé habituels pour éviter des ruptures dans les parcours de soins. Je pense à la création de la fonction d’infirmier référent, qui prend tout son sens au service des patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD), comme le traduit l’apport de la commission des affaires sociales.

Je pourrais citer aussi les mesures concernant le statut et la gouvernance des hôpitaux, ainsi que les dispositions spécifiques applicables aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) ou relatives à l’outre-mer. À cet égard, je salue l’important travail mené par Agnès Firmin Le Bodo.

Je tiens à mettre l’accent sur une mesure importante : celle qui porte sur l’interdiction de l’intérim en début de carrière soignante.

Il convient de souligner que les différentes mesures mises en place pour mieux réguler l’intérim visent non pas cette pratique en soi, mais les excès qui ont pu y être associés.

C’est tout le sens du plafonnement du montant des rémunérations des praticiens intérimaires, mis en œuvre par mon prédécesseur François Braun, au printemps dernier, en application de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification. Je tiens à citer François Braun, car cette mesure était une mesure difficile à prendre : elle avait été envisagée à plusieurs reprises par différents gouvernements, qui ont finalement exclu d’y recourir. Elle est pourtant nécessaire, même si sa mise en œuvre peut poser des difficultés à court terme dans certains établissements.

La possibilité de recourir à l’intérim est en effet nécessaire dans le système de santé, mais celle-ci doit rester une soupape et une capacité d’ouverture, et c’est pour lutter contre les dévoiements de ce système que le Gouvernement a souhaité agir. L’intérim ne peut être le mode de fonctionnement habituel des établissements et des professionnels.

Il nous faut trouver l’équilibre permettant de stabiliser et de renforcer les collectifs de travail hospitaliers, mais aussi de mieux accompagner les jeunes soignants dans le passage du statut d’étudiant à celui de professionnel de santé, en leur permettant de continuer à développer leurs connaissances dans des équipes stables. C’est aussi dans cette optique visant à renforcer l’attractivité et la construction des collectifs que le Gouvernement a présenté par voie d’amendement une mesure d’équité, qui vise à corriger une injustice qui pèse sur l’attractivité des carrières hospitalo-universitaires : il sera ainsi proposé de traiter à l’identique les émoluments hospitaliers et les émoluments universitaires.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai confiance en votre capacité à trouver des solutions aux difficultés, avec comme pierre angulaire le souci de parvenir à une meilleure organisation territoriale des soins, grâce à la confiance donnée aux acteurs de terrain. Celle-ci permettra de susciter leur engagement, de les encourager à trouver une meilleure coordination et de renforcer leurs responsabilités.

Comme je l’ai indiqué précédemment, ce texte s’inscrit dans le chantier plus large de notre action résolue au service de nos concitoyens et des professionnels de santé. Je souhaite que nous continuions à avancer ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la session parlementaire commence à peine que nous sommes déjà chargés d’examiner un nouveau texte sur l’accès aux soins !

Si la récurrence de l’exercice montre les attentes de nos concitoyens sur le sujet, force est de constater qu’elle révèle également l’incapacité des pouvoirs publics à trouver des solutions adaptées à l’ampleur de la crise que traverse notre système de santé.

Face à cela, nous ne pouvons que déplorer deux erreurs manifestes du Gouvernement.

La première erreur tient à la méthode. Depuis plusieurs années maintenant, aucun projet de loi – c’est-à-dire, rappelons-le, aucun projet assorti d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État – n’a été déposé concernant l’organisation des soins dans notre pays. Le Gouvernement a privilégié des mesures éparses dans les lois de financement de la sécurité sociale, avec leur lot de cavaliers sociaux censurés, et des propositions de loi émanant de sa majorité à l’Assemblée nationale.

Le résultat est là : aucune cohérence d’ensemble alors que la politique de santé est pourtant érigée en priorité par l’exécutif ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

M. Michel Savin. C’est vrai !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Pis, une série de mesures mal calibrées n’ont eu de cesse de crisper des acteurs déjà éprouvés.

La seconde erreur tient au calendrier. Elle est double, comme vous l’avez d’ailleurs reconnu, monsieur le ministre. Erreur de calendrier, d’une part, car le débat parlementaire intervient encore, comme pour la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite Rist 2, en parallèle des négociations conventionnelles que mène l’assurance maladie avec les médecins. Erreur de calendrier, d’autre part, car vous nous contraignez à examiner cette proposition de loi en parallèle du projet de loi de financement de la sécurité sociale, malgré l’opposition plusieurs fois manifestée par la commission des affaires sociales.

M. Michel Savin. Tout à fait !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cela étant dit, j’accepte vos excuses, monsieur le ministre.

M. Laurent Burgoa. Trop tard…

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce contexte étant posé et ces regrets formulés, j’en viens aux dispositions de cette proposition de loi, dont le nombre d’articles est passé, lors de son examen à l’Assemblée nationale, de onze à trente-neuf.

J’ai eu l’occasion de le déplorer en commission : ce texte se présente comme un patchwork mal tissé, dont les pièces produisent ensemble un résultat parfois hasardeux.

Dans ces circonstances, la commission a choisi de retenir les mesures qui lui paraissaient utiles aux patients comme aux soignants, et d’écarter sans retenue excessive les dispositions cosmétiques, parfois bavardes et sans portée. En d’autres mots, nous avons fait un peu de ménage… (Sourires.)

Sur l’organisation des soins de ville, ce texte n’apporte malheureusement pas de ligne directrice claire.

Plusieurs articles, dépourvus d’effets réels, agissaient inutilement comme des repoussoirs pour les professionnels de santé. La commission les a rejetés, en supprimant l’automatisation de l’adhésion des professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), tout comme la réécriture des dispositions relatives à la permanence des soins adoptées au mois de mai dernier et qui n’ont même pas encore produit tous leurs effets. De la même manière, la commission a écarté la création superflue d’un nouvel indicateur territorial de l’offre de soins, jugé peu utile par les acteurs eux-mêmes.

Nous avons, en revanche, soutenu les dispositions de bon sens, après les avoir parfois sensiblement amendées.

Je pense à l’article 1er relatif à la démocratie en santé. Les territoires de démocratie sanitaire, renommés territoires de santé, pourront être redéfinis par les acteurs locaux : tel est le principal apport de cet article, qui ne confie en réalité aucun nouveau moyen d’action au conseil territorial de santé. La commission a donc resserré une rédaction inutilement bavarde, dont on peinait à saisir la cohérence globale.

La commission a également adopté le principe d’une obligation pour les professionnels médicaux de déclarer en amont la cessation de leur activité dans un territoire, après avoir ramené le délai prévu à trois mois. Elle a en outre préservé l’accompagnement de l’expérimentation des antennes d’officine dans les petites communes.

En ce qui concerne la prise en charge médicale des résidents dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), la commission a soutenu la revalorisation du rôle du médecin coordonnateur, mais elle a supprimé la désignation de ce praticien comme médecin traitant, qui apparaît trop risquée à ce stade.

Enfin, la commission a également adopté la création de la fonction d’infirmier référent, jugeant qu’il s’agissait d’une reconnaissance importante du rôle des infirmiers dans la coordination et le suivi des patients.

Vous le constatez, mes chers collègues, ce texte fera œuvre utile sans apporter, pour autant, de réponse miracle aux difficultés que nous connaissons.

Est-ce à dire, pour autant, qu’il faille en faire le véhicule de dispositions choc et engager ici la régulation de l’installation des médecins ? J’entends les pressions de certains, mais je ne le crois pas.

Dans un contexte marqué par des difficultés démographiques et par des tensions importantes, lesquelles sont apparues lors de la négociation de la prochaine convention médicale, la régulation de l’installation ne pourrait s’apparenter qu’à un signe de défiance à l’égard de la profession. Elle ne ferait qu’aggraver les difficultés en décourageant les médecins à s’installer.

Au contraire, la commission fait le choix de mesures pragmatiques, en s’efforçant d’actionner les bons leviers, identifiés par les professionnels eux-mêmes. C’est notamment le cas des mesures visant à libérer du temps médical, en accompagnant les médecins dans leurs démarches, grâce au développement des guichets uniques départementaux, ou en limitant les actes superflus.

Avec le même objectif, la commission a soutenu le recul à 75 ans de l’âge limite d’exercice pour les médecins qui y étaient soumis, tandis qu’elle a levé des freins à l’exercice coordonné. Elle a, en outre, adopté certaines mesures irritantes, mais utiles, comme l’instauration d’un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier de nouveau d’aides à l’installation.

Enfin, la commission a soutenu les dispositions qui visaient à permettre à davantage de praticiens étrangers d’exercer en France. Elle vous proposera d’adopter un amendement visant à autoriser leur exercice en ambulatoire, dans la période de consolidation des compétences précédant la délivrance de l’autorisation de plein exercice. Il s’agit, là encore, d’une manière pragmatique d’améliorer l’accès aux soins dans les années difficiles qui s’annoncent.

Malgré un big-bang annoncé par le Président de la République lors de ses vœux, ce texte ne traduit pas non plus de changement radical pour les établissements de santé.

La proposition de loi modifie différents aspects d’organisation ou de gouvernance de l’hôpital public. La commission a souhaité accompagner cette démarche. Elle a ainsi précisé et sécurisé les avancées concernant l’ouverture d’un droit d’option pour l’octroi de la personnalité morale aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) ou encore concernant la composition et les missions du conseil de surveillance.

Surtout, la commission a partagé le souci d’un rééquilibrage de l’effort en matière de permanence des soins en établissement de santé, qu’entend permettre l’article 4. Il s’agit d’un sujet important si l’on veut garantir la bonne prise en charge des patients ayant besoin de soins à l’issue de leur passage aux urgences. C’est aussi une nécessité, quand les gardes et les astreintes apparaissent parfois comme une raison de la fuite des praticiens de l’hôpital public. À cet égard, je regrette que les tentatives de discussion sur cet article menées avec le Gouvernement en amont n’aient pu aboutir. J’espère que l’examen en séance publique nous permettra de trouver une rédaction efficace, claire et répondant aux préoccupations des établissements et des praticiens, d’une part, aux besoins des patients, d’autre part.

Toujours sur ce volet refont surface certaines dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui ont été censurées. Je pense à l’accompagnement de la réforme des autorisations d’activités de soins, à l’encadrement de l’intérim dans les établissements de santé et médico-sociaux ou encore au contrôle des cliniques privées.

La commission est restée fidèle aux positions qu’elle a défendues à l’automne dernier. Sur la question particulière de l’intérim, alors que le Gouvernement justifie la mesure par une nécessité liée à la sécurité des soins, la commission a estimé que le sujet n’était pas uniquement celui du début de carrière. Elle a ainsi prévu un plafonnement au cours de la carrière, soit simplement l’interdiction d’un exercice exclusif par le biais de contrats de mise à disposition.

Enfin, en ce qui concerne les études en santé, la commission a renforcé la responsabilisation de tous les acteurs de la formation des étudiants de ces filières. Cette mesure apparaît indispensable face à la dégradation de la santé mentale de ces professionnels en devenir. Nous avons également soutenu les dispositions étendant le contrat d’engagement de service public aux étudiants en pharmacie et en maïeutique.

Mes chers collègues, vous l’avez aisément compris : la commission a examiné ce texte sans enthousiasme excessif. Pour autant, en vertu des larges modifications qu’elle a apportées la semaine passée et sous réserve de l’adoption des nouveaux ajustements qu’elle soutiendra lors de la discussion des articles, elle vous demandera d’adopter ce texte et les avancées qu’il contient.

Espérons néanmoins que nous disposerons dans quelques mois d’un texte dont l’ambition sera à la hauteur des défis auxquels est confronté notre système de santé. Quoi qu’il en soit, nous n’assurerons pas un juste accès aux soins dans les territoires par des improvisations menées contre les médecins. Nous ne répondrons pas à la crise de sens des professionnels hospitaliers par des mesurettes, même récurrentes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, presque tous les patients de France rencontrent désormais des difficultés pour accéder aux soins. Dans ce contexte, Frédéric Valletoux propose un certain nombre de mesures – il a au moins le mérite d’essayer !

Dire que la situation pourrait s’améliorer par « l’engagement territorial des professionnels » pourrait blesser ceux qui, sans relâche, s’engagent dans leur territoire. Tout comme leurs patients, ils subissent les effets délétères d’une démographie médicale et paramédicale dont ils ne sont pas responsables.

Le seul et unique sujet, c’est le déséquilibre entre l’offre de temps soignant et les besoins de notre population, par ailleurs vieillissante.

Rien ne sera réglé tant que l’on n’intégrera pas le fait que les jeunes médecins donnent, en moyenne, deux fois moins de temps médical que leurs aînés.

Rien ne sera réglé tant que les étudiants en santé serviront pendant leurs études de main-d’œuvre bon marché dans un système en tension chronique.

Rien ne sera réglé tant que nos soignants renonceront après seulement quelques années d’exercice, parfois même en cours d’études.

Rien ne sera réglé tant que les jeunes Français partiront étudier à l’étranger.

Rien ne sera réglé tant que les facultés de pharmacie seront vides.

Rien ne sera réglé tant que l’on se tournera, en désespoir de cause, vers des diplômés hors Union européenne, ultime solution d’urgence, siphonnant ainsi la ressource d’autres pays.

Nos professionnels ont beau s’engager tant et plus, rien ne se réglera – hélas ! – par ce texte. Je salue cependant certaines mesures de bon sens qui y figurent, comme l’expérimentation des antennes d’officine et l’encadrement des mesures fiscales d’aide à l’installation.

Quand l’heure est grave, ce sont toujours les acteurs de terrain qui savent optimiser les moyens. Ainsi, au plus fort de la crise du covid-19, alors que l’administration comptable était totalement dépassée, ce sont bien les professionnels de santé qui ont permis au système de tenir.

Tirons-en les leçons et méfions-nous de toutes les fausses bonnes solutions démagogiques !

Une infirmière me disait récemment : « Les CPTS obligatoires, mais pourquoi ? Travailler ensemble, on le fait. » Ou encore ce jeune kiné : « Les équipes s’agrègent de façon spontanée, avec une belle dynamique ; elles mènent un combat pluriprofessionnel. Il faudrait donner les dotations aux équipes plutôt qu’aux individus. Ce serait plus efficace que d’essayer d’organiser de force des équipes qui n’en sont pas. »

Oui, l’interprofessionnalité est un véritable enjeu, qu’il ne faut pas empêcher par des mesures descendantes.

Si les patients demandent plus de temps médical, c’est également le cas des soignants. En voulant structurer autoritairement leur exercice, on risque d’alourdir leur charge administrative, la grande gaspilleuse de temps médical. De même, en les projetant sur les routes pour des présences physiques exigées ici et là, on consomme en transport une ressource pourtant si précieuse.

La pression générale que l’on fait peser sur les médecins en particulier aboutit à des incohérences. Ainsi, l’un d’eux me disait : « Quand un libéral ne travaille que 35 heures, c’est un salaud, alors que, quand un salarié arrive dans un centre de santé pour y travailler 35 heures, on l’accueille en héros. »

Il ne faut ni attiser les corporatismes ni dresser les professionnels les uns contre les autres ; il faut au contraire encourager un dynamisme collectif qui émerge comme la seule piste vertueuse.

Je salue la part que donne ce texte à la formation. Il faut, de façon absolument prioritaire, augmenter les capacités de formation pour les faire converger avec les besoins des territoires.

Je souhaite également rappeler que, dans la situation grave que nous connaissons, les directeurs généraux des ARS doivent pouvoir utiliser réellement, quand le besoin impérieux s’en fait sentir, le pouvoir de dérogation que leur accorde la loi.

Certaines pénuries – je pense au manque de pharmaciens hospitaliers dans la Nièvre – exigent, dans le seul intérêt des patients, que l’on mette en place des solutions véritablement vitales.

Pour conclure, je souhaite confirmer le soutien d’une majorité du groupe Union Centriste à ce texte tel qu’il a été modifié en commission.

Nous devons nous méfier de la communication qui ne serait plus que négative. Nous ne devons pas ériger en règles les injonctions aux professionnels de santé. Nous devons dire à ces derniers que nos débats ne doivent pas interférer avec les négociations conventionnelles. Nous devons aussi leur redire notre confiance pour passer ensemble un cap bien difficile. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en êtes tous et toutes conscients – je pense particulièrement à vous, monsieur le ministre, qui avez vécu le drame du covid-19 en tant que directeur général de l’ARS d’Île-de-France – : il y a urgence pour la santé dans notre pays.

Cette urgence ne peut se résoudre que par trois moyens : une formation accrue des soignants, une meilleure régulation, une gouvernance sanitaire beaucoup plus décentralisée et démocratique, donc réactive et efficace.

Les fragilités de nos territoires en matière de santé se multiplient notamment en raison des effets du changement climatique, de la sixième extinction de masse et de la pollution massive de nos environnements.

Les canicules ravagent notre pays. En 2022, la France enregistrait un excès de mortalité dû aux canicules de plus de 2 800 personnes, soit plus qu’en 2003 !

Les épidémies de zoonoses nous guettent avec la colonisation des moustiques tigres et les maladies qu’ils transmettent.

Les pollutions de l’air, des sols et de l’eau – je veux aussi citer la cathédrale Notre-Dame de Paris qui verra bientôt 400 tonnes de plomb s’abattre à nouveau sur elle (M. Laurent Duplomb sexclame.) ! – causent perturbations endocriniennes, cancers, maladies neurodégénératives et morts.

Soyons lucides : nous ne sommes pas préparés pour affronter un monde à 50 degrés !

Soyons lucides encore : la démocratie en santé, cruciale pour affronter les épidémies, ne guide toujours pas les politiques gouvernementales, comme l’ont tragiquement rappelé le covid-19 et la variole simienne.

Trop de personnes sont encore exclues des décisions prises concernant leur propre santé : des plus précaires aux jeunes migrants isolés, en passant par les personnes dépendantes aux drogues ou les travailleuses et travailleurs du sexe – tous ceux et toutes celles face auxquels on détourne si facilement les yeux.

Cela fait plus de quarante ans que le VIH-sida sévit ; or les pouvoirs publics n’ont toujours pas pris conscience des leçons de cette maladie qui a décimé et décime encore les plus discriminés d’entre nous. Malgré l’immense engagement des associations de lutte contre le sida pour obliger l’État à une prise de conscience, nous ne sommes toujours pas préparés à affronter les prochaines épidémies.

Enfin, alors que la population française vieillit, le nombre de soignantes et de soignants diminue, résultat de quarante années d’austérité et d’impréparation.

Partout en France, même à Paris, les soins deviennent inaccessibles. Ils le sont encore plus dans les territoires ruraux et pour les plus précaires, eux pour qui seul le recours à des professionnels conventionnés en secteur 1 est une option.

Cinquante-deux jours en moyenne pour obtenir un rendez-vous d’ophtalmologie, soixante et un pour la dermatologie ! Plus d’un quart des médecins généralistes ont plus de 60 ans. Disons-le clairement : sans changement majeur, les années qui viennent s’annoncent extrêmement difficiles.

Alors, que faire ?

Nous manquons d’une politique écologiste de santé qui construise des solutions depuis les territoires, qui prenne en compte les déterminants environnementaux de la santé – les facteurs non humains –, qui fabrique la santé de manière démocratique avec toutes et tous, notamment avec et pour les plus exclus.

Nous manquons de réflexion profonde sur notre système de santé et son financement.

Nous manquons d’une politique ambitieuse de santé environnementale et de prévention, de santé communautaire, de réduction des risques.

Nous manquons d’un effort national et massif pour revaloriser les métiers du soin, pour prévenir les effets des transformations planétaires et lutter contre les lobbies écocidaires, pour faire en sorte que notre système public de santé tienne le choc.

Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas à la hauteur de l’urgence, malgré ses qualités initiales. En se bornant à l’organisation des professionnels de santé, il manque son rendez-vous avec la lutte contre la désertification médicale et les besoins de nos territoires.

Cette proposition de loi comportait pourtant quelques dispositions qui allaient dans le bon sens : réforme de la démocratie sanitaire locale, élargissement des pouvoirs de délibération des conseils de surveillance des hôpitaux, régulation de l’installation des médecins.

Au cours du circuit législatif, trop de ces dispositions ont vu leur teneur amoindrie. Aujourd’hui, il nous faut trouver ensemble la manière de transformer ce texte pour qu’il permette d’améliorer véritablement l’accès aux soins. C’est possible, mais, pour changer la vie de nos concitoyennes et concitoyens – ce dont nous avons besoin –, nous devons quitter les postures partisanes. Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours, j’étais avec les salariés de la clinique de l’Abbaye de Fécamp, des agents de l’hôpital public et des habitants mobilisés pour que cette clinique, en redressement judiciaire, soit reprise, avec l’ensemble de ses salariés, par l’hôpital public.

À défaut, un service de chirurgie disparaîtrait, entraînant d’autres graves conséquences pour les Fécampois, le devenir de la maternité y étant par exemple lié. Je sollicite d’ailleurs, monsieur le ministre, toute votre attention sur cette situation.

En évoquant cet exemple, je veux redire ici ce que subissent des millions de nos concitoyens : fermeture récurrente des urgences, délais de rendez-vous excessifs pour consulter un généraliste, impossibilité parfois d’en trouver chez un spécialiste.

Comment accepter que 6 millions de personnes n’aient pas de médecin traitant dans notre pays, que la mortalité infantile progresse et que nos urgences pédiatriques soient au bord de l’effondrement ? Comment ne pas comprendre que de plus en plus de nos concitoyens se sentent abandonnés par la République ?

Les professionnels de santé, en ville comme à l’hôpital, sont eux-mêmes épuisés. L’un d’entre eux nous disait, lors des auditions organisées par la rapporteure, ne même pas voir « le début de la lumière au bout du tunnel ».

Cette situation nécessiterait un plan Marshall, un projet de loi ambitieux, des mesures structurelles et des moyens à la hauteur de l’enjeu.

En guise de quoi, nous avons cette proposition de loi, qui intervient quelques mois seulement après la loi Rist 2, quelques jours avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et alors que se rouvrent les négociations conventionnelles avec les médecins.

Il s’agit d’un texte fait de mesures d’affichage, technocratiques pour certaines, dont on peut douter des effets réels sur l’amélioration de l’offre de soins.

Il s’agit d’une proposition de loi qui, dès son titre, semble vouloir faire peser sur les seules professions de santé la situation que nous connaissons aujourd’hui, exonérant l’État, la puissance publique en général, de ses propres responsabilités. Qui plus est, elle considère la territorialisation comme une réponse absolue.

Donnez tous les pouvoirs que vous voulez aux conseils territoriaux de santé : s’ils doivent continuer de gérer la pénurie de soignants, ils ne parviendront pas à améliorer l’accès aux soins.

Or c’est précisément ce qu’attendent nos concitoyens, comme les élus locaux et les collectivités locales, qui se démènent pour améliorer les choses, mais se heurtent aux travers structurels de notre système de soins.

Certes, cette proposition de loi contient de-ci de-là quelques mesures intéressantes, par exemple l’encadrement de l’intérim, le retour à une forme de solidarité du secteur privé pour rétablir la permanence des soins ou encore l’exonération de la majoration du ticket modérateur pour les patients dont le médecin part à la retraite sans être remplacé.

Reste que ce texte manque cruellement d’ambition et les modifications apportées par la commission des affaires sociales du Sénat en limitent encore la portée. Je pense notamment à la permanence des soins ambulatoires, sujet crucial à nos yeux.

La commission a également atténué le principe de responsabilité collective des établissements publics et privés sur la permanence des soins, en introduisant un principe de gradation du processus. Pas de quoi changer véritablement la donne !

Il y a également trop peu sur la formation. Pour engager un réel effort en la matière, il faudrait partir des besoins et pas des limites capacitaires de nos universités. Il faudrait démocratiser les études de santé, s’appuyer sur ceux qui veulent devenir infirmiers et que Parcoursup écarte trop souvent des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi).

Si peu encore en faveur de la régulation de l’installation des médecins, seuls professionnels de santé à ne pas y être soumis, alors que l’échec de la liberté d’installation est aujourd’hui établi.

Enfin, ce texte ne répond pas à l’indigne situation faite aux Padhue, qui forment les premières lignes dans les services des hôpitaux désertés avec une rémunération bien faible par rapport aux responsabilités qu’ils exercent.

En supprimant des articles, en renvoyant ce sujet au débat sur le projet de loi Immigration, la majorité sénatoriale fait le choix de débattre des conditions de séjour des Padhue par le prisme du contrôle de l’immigration plutôt que par celui de l’accès aux soins. Voilà pourtant bien la véritable priorité de nos concitoyens !

Le groupe CRCE-Kanaky a déposé une trentaine d’amendements, notamment pour rétablir l’obligation de garde les soirs et les week-ends, encadrer l’installation des médecins, permettre aux collectivités territoriales de bénéficier des aides à l’installation pour la création de centres de santé et, de manière générale, favoriser véritablement l’accès aux soins de tous.

Non, tout n’a pas été essayé pour faire face à la désertification médicale que nous connaissons. Il faut d’urgence sortir des impasses de notre système de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la crise sans précédent que traverse notre système de santé, le législateur n’a de cesse de multiplier les lois. Pourtant, force est de constater que l’accès aux soins se dégrade.

Cette énième proposition de loi, qui ne parvient pas à convaincre, intervient dans un contexte de négociations difficiles, à peine six mois après l’adoption de la loi Rist 2 qui a déjà entraîné de nombreuses contestations et crispations.

Nous devons à nos concitoyens un discours de vérité : la situation ne va pas s’améliorer tout de suite. Nous avons devant nous plusieurs années difficiles avant les premiers effets du desserrement du numerus clausus.

Dans cette attente, parce que nous avons besoin d’attirer les futurs praticiens et de préserver ceux qui restent, il est indispensable d’envoyer des signaux positifs aux professionnels de santé. Cette proposition de loi ne parvient pas à le faire, alors même que des filières indispensables, comme la psychiatrie, la gériatrie ou la santé publique, sont loin d’avoir rempli leurs effectifs cette année. La médecine générale, quant à elle, occupe désormais la quarante-deuxième place sur quarante-quatre parmi les préférences des internes – un signal inquiétant, qui le sera plus encore si la tendance s’accentue.

Alors que tous demandent un choc de simplification, l’article 1er tente de ranimer les CTS, qui sont restés des coquilles vides depuis leur création.

Notre organisation territoriale est complexe. De nombreuses organisations coexistent et se superposent : CLS, CPTS, MSP, ESP, DAC, CTS, GHT ou encore réseau ville-hôpital – autant de sigles dont je vous épargne la signification ; et j’en oublie.

Si la décentralisation et le renforcement de la démocratie sanitaire sont essentiels pour refonder notre système de santé, ils doivent s’accompagner de simplifications, d’une gouvernance claire et de moyens. L’article 1er reste au milieu du gué !

J’en viens à l’article 3, le plus irritant de ce texte. Je soutiens la position de la commission qui, sur l’initiative de sa rapporteure, l’a supprimé. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’une inscription automatique, mais non obligatoire, sur le modèle des listes électorales. L’adhésion sur la base du volontariat reste toutefois la formule la plus simple et la plus efficace.

Les CPTS sont jeunes. Laissons les outils aux mains des acteurs de santé de terrain ; laissons-les s’organiser ; faisons-leur confiance – vous l’avez vous-même dit, monsieur le ministre. La crise du covid-19 nous a montré que cela est efficace – ne l’oublions pas !

J’ai toutefois certaines divergences avec le texte issu de nos travaux en commission.

Je pense en effet que la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux dans les maisons de santé et cabinets en zone sous-dense, limitée dans le temps et sous certaines conditions, peut faciliter et encourager l’installation de professionnels. J’avais d’ailleurs soutenu la proposition de loi de notre collègue Dany Wattebled sur ce sujet.

Je souhaite également réintroduire la possibilité pour les résidents d’Ehpad de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant. Cette possibilité offerte aux médecins coordonnateurs qui le souhaitent peut améliorer la prise en charge médicale des résidents dans certaines structures. J’ai pratiqué cela dans mes fonctions antérieures et je trouvais que c’était une bonne solution.

Enfin, concernant l’article 10, je suis favorable à la création de cartes de séjour pour les praticiens diplômés hors Union européenne. Cette simplification répond à une véritable problématique dans les hôpitaux, où ces professionnels complètent utilement les effectifs.

Concernant l’intérim, je conserve quelques doutes et j’attends les débats sur les différentes propositions. J’ai voté, comme beaucoup, en faveur du plafonnement des rémunérations. Aujourd’hui, c’est sur la limitation du mode d’exercice que nous nous penchons. Si l’intérim mercenaire est à combattre, s’il doit rester l’exception et non la règle, c’est surtout aux causes qu’il faut s’attaquer.

Là encore revient le débat sur l’attractivité des carrières hospitalières. À ce titre, je soutiendrai toutes les mesures qui permettent d’améliorer cette attractivité.

Je pense d’abord à la montée en compétences des professionnels avec la création du statut d’infirmier référent.

Je pense aussi au guichet unique, qui doit être renforcé et élargi. Attention toutefois à ce qu’il joue un rôle très concret et qu’il associe les représentants des jeunes médecins – nous avons déposé un amendement en ce sens.

Je pense ensuite à la répartition de la charge de la permanence des soins entre hôpitaux privés et hôpitaux publics. C’est une mesure juste, sous réserve – et je défendrai un amendement en ce sens – que les praticiens assurant la garde ne puissent l’effectuer que dans leur établissement habituel afin de sécuriser leur pratique.

Je pense enfin aux options santé dans les lycées situés en zone déficitaire. C’est une mesure sur laquelle je travaille dans la région Grand Est ; je me réjouis donc de la voir reprise dans ce texte et expérimentée à plus large échelle. Elle permettra de donner envie aux jeunes de s’engager dans cette voie et, surtout, de rompre avec le déterminisme social et géographique.

Je conclurai, comme j’ai commencé, par un appel à un choc d’attractivité. Attention à ne pas décourager à coup d’inflation législative, de suradministration ou de coercition les derniers fantassins qui tiennent notre système de santé. Ne laissons pas penser que l’acteur de terrain est le cœur du problème, alors qu’il doit en être la solution ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée à l’Assemblée nationale par le député Frédéric Valletoux, contient plusieurs mesures visant à renforcer les instruments à disposition des acteurs afin d’accroître la coopération entre les professionnels de santé dans l’objectif d’améliorer l’accès aux soins et de répondre aux inégalités territoriales de santé.

L’accès aux soins demeure l’une des préoccupations majeures des Français, notamment dans les outre-mer, où la densité de médecins est très inférieure à la moyenne nationale.

Ainsi, en Guadeloupe, dans ma circonscription, les îles du Sud – Terre-de-Bas, Terre-de-Haut, La Désirade et Marie-Galante – souffrent, pour certaines, de l’absence totale de médecin. Ces territoires subissent déjà la double insularité et les difficultés d’accès qui lui sont liées.

Je suis une îlienne, je viens de Terre-de-Bas. Aujourd’hui, je veux parler de La Désirade où, malgré l’ouverture d’un centre de santé et la présence d’un médecin quelques jours par semaine, l’offre de soins est très insuffisante et où la population rencontre une forte difficulté d’accès aux soins.

Classée au quatrième rang des régions françaises ayant les densités de médecins généralistes libéraux les plus faibles, la Guadeloupe est donc bien un désert médical.

Nous devons travailler sur le problème de la qualité de la formation, le principal frein sur le territoire guadeloupéen, mais nous misons également sur les maisons de santé, qui se développent dans les communes, pour attirer et fidéliser les médecins.

La proposition de loi présentée aujourd’hui va donc dans le bon sens, puisqu’elle permet de faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé.

Le conseil territorial de santé, qui en sera l’organe de gouvernance, devra notamment définir les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins.

De plus, pour lutter contre le nomadisme médical, les aides financières et les exonérations fiscales à l’installation seront limitées à une fois tous les dix ans.

Le texte facilite également l’exercice des médecins étrangers, appelés Padhue. Le groupe RDPI proposera plusieurs amendements pour que le dispositif soit rendu applicable à Mayotte et pour le prolonger au-delà du 31 décembre 2025. De plus, dans un souci de simplification des procédures administratives, une seule commission territoriale d’autorisation d’exercice serait constituée pour la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un autre amendement a également été déposé pour augmenter le nombre d’officines de pharmacie à Mayotte, nombre qui paraît aujourd’hui insuffisant au regard de l’augmentation de la population, du développement de l’offre de soins sur l’île et des nouvelles missions confiées aux pharmaciens d’officine.

La proposition de loi contribuera également à l’amélioration des conditions de formation des futurs médecins, en étendant aux étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie dès la fin de la deuxième année du premier cycle d’études en santé le bénéfice du contrat d’engagement de service public. Par l’attribution d’une allocation mensuelle, ce contrat permet aux étudiants de s’engager à exercer au minimum deux ans sur un territoire sous-doté.

Ainsi, cette proposition de loi définit une meilleure organisation locale de notre système de santé, en mettant en place des mesures incitatives qui permettront d’améliorer le maillage territorial actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une nouvelle proposition de loi sur les déserts médicaux.

Alors que nous demandons depuis des années une loi ambitieuse de réorganisation complète de notre système de santé, celle-ci ne semble toujours pas être à l’agenda du Gouvernement. Nous allons donc examiner aujourd’hui une énième proposition de loi sans véritable portée, dont certains articles n’ont même aucun lien avec la question des déserts médicaux.

L’accès à la santé partout, pour tous, voilà ce qui devrait motiver l’action du Gouvernement, et non pas une logique purement comptable de réduction des dépenses. De ce point de vue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 n’est pas de nature à nous rassurer : en effet, avec un Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) qui progresse moins vite que l’inflation pour la deuxième année consécutive, les moyens accordés à la santé ne sont pas suffisants pour répondre aux enjeux structurels d’accès aux soins.

Nous le voyons tous dans nos territoires, cette vision court-termiste des politiques de santé aboutit à une situation où l’accès aux soins n’est, aujourd’hui, plus garanti dans notre pays. Je rappelle les chiffres : 30 % de la population française vit dans un désert médical et 11 % de la population, c’est-à-dire 6 millions de personnes, n’a pas de médecin traitant. Chaque année, 1,6 million de personnes renoncent à des soins.

L’inquiétude monte partout sur notre territoire et, pour pallier les défaillances de l’État, les collectivités territoriales n’ont d’autre choix que de trouver des solutions sur leurs moyens propres. Je tiens d’ailleurs à saluer tous nos élus, qui se démènent au quotidien pour apporter une réponse à nos concitoyens. Ainsi, en Occitanie, la région a créé, depuis deux ans, des centres de santé avec des médecins salariés qu’elle finance elle-même sans compensation de l’État.

La France trahit ainsi le pacte social hérité du Conseil national de la Résistance et sa promesse d’égal accès aux soins. Et nous le savons, les inégalités ne cessent et ne cesseront de se creuser, si nous ne prenons pas des mesures structurelles fortes.

Face à la désespérance de nos concitoyens, dont nous sommes tous témoins sur nos territoires, le Gouvernement fait la sourde oreille. Il ne semble toujours pas prendre la mesure du naufrage de notre système de santé. Nous sommes aujourd’hui face à un véritable abandon de la santé par le Gouvernement – n’ayons pas peur des mots !

Nous devons donc examiner aujourd’hui une nouvelle proposition de loi un peu fourre-tout de la majorité gouvernementale. Comme pour la proposition de loi Rist 2, l’examen de ce texte arrive au beau milieu des négociations conventionnelles avec les médecins – une nouvelle fois, la temporalité et la méthode interrogent…

Certaines mesures représentent néanmoins un progrès et nous les soutiendrons.

Ainsi, nous saluons l’interdiction du cumul d’exonérations fiscales et d’aides à l’installation, qu’elles soient proposées par les collectivités territoriales ou les ARS, afin de lutter contre le nomadisme médical.

Nous défendrons également la possibilité de signer dès la deuxième année de premier cycle un contrat d’engagement de service public et son élargissement aux étudiants en maïeutique et en pharmacie. En signant ce contrat, les futurs soignants s’engagent, en contrepartie d’une allocation mensuelle, à exercer au minimum deux ans dans un désert médical à la fin de leur formation.

Enfin, nous soutiendrons la création d’un statut d’infirmier référent pour les patients en affection de longue durée. Nous proposons même d’élargir cette mesure à l’ensemble des assurés qui le souhaitent.

Cependant, nous déplorons que les articles les plus réformateurs de cette proposition de loi aient été supprimés par la commission.

Aussi, nous proposons de rétablir l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) pour les médecins libéraux selon des modalités fixées contractuellement avec l’ARS. Depuis 2002 et la réforme Mattei, il n’existe plus d’obligation de garde pour les médecins libéraux.

Depuis ce passage au volontariat, nous observons une dégradation de la permanence des soins ambulatoires : 38 % seulement des médecins libéraux y participent et, évidemment, ce sont toujours les mêmes, en particulier ceux qui travaillent déjà énormément et qui sont, pour beaucoup, en burn-out.

Ce manque de gardes de la part de la médecine libérale a pour effet direct l’engorgement des urgences, lesquelles se retrouvent dès lors en grande difficulté.

Une autre mesure que nous souhaitons réintroduire dans ce texte est l’instauration d’une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes. Face à la pénurie de médecins, cette mesure permettrait de déployer rapidement 4 000 jeunes médecins généralistes dans les zones sous-denses.

Enfin, nous souhaitons soumettre au débat la création d’un nouvel indicateur, voté à l’Assemblée nationale, qui dressera une cartographie précise, par bassin de vie, de la répartition de l’offre de soins sur le territoire français.

Cet indicateur aura également pour objet de définir, dans les zones les moins dotées, un niveau minimal d’offre de soins à atteindre pour chaque spécialité médicale. Il devra pour ce faire tenir compte des besoins de la population, en particulier au regard de sa sociologie – nombre de personnes âgées, etc. –, et du temps médical conventionné sans dépassement d’honoraires disponible réellement sur chaque territoire. Cet indicateur pourrait ainsi constituer un outil très intéressant pour élaborer nos politiques de santé.

Au-delà de ces mesures, certaines questions, pourtant majeures, ne sont néanmoins pas évoquées dans cette proposition de loi.

En effet, il n’y a pas un mot sur la problématique de l’attractivité de la médecine générale ni sur la formation des médecins. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, les mesures coercitives pures n’auront pas de sens ni d’efficacité si nous ne repensons pas la formation et l’organisation de l’exercice de la médecine en France. Ces leviers sont fondamentaux pour mettre fin à la situation de pénurie et pour lutter contre la désertification médicale que nous connaissons.

Aussi, pour aller plus loin, nous allons proposer à la Haute Assemblée de voter pour la mise en place d’une organisation coordonnée du parcours de soins de premier recours proposée l’an dernier dans notre proposition de loi, d’autant qu’elle est préconisée par l’ordre national des médecins.

Face à la pénurie de médecins, il est primordial de faciliter le gain de temps médical. Une organisation de soins coordonnés, centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé, au travers d’un protocole dûment établi par une équipe, permettra de dégager du temps médical, en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en ALD.

Cette mesure répondrait ainsi à l’objectif de faciliter la prise en charge des Français par une équipe de soins primaires de proximité. C’est le but qui est recherché.

De plus, nous proposons de mettre en place une mesure pour encadrer l’intérim médical et paramédical. En effet, depuis le début des années 2000, le recours aux contrats d’intérim à l’hôpital a augmenté de manière exponentielle. Son coût annuel pour l’hôpital public est ainsi passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1,4 milliard d’euros en 2018.

Devant le développement de ce véritable mercenariat médical, les gardes pouvant être rémunérées jusqu’à 2 500 euros, la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist 1, a prévu de limiter la rémunération de celles-ci. C’est très bien, mais nous proposons une mesure complémentaire, à savoir limiter dans la durée, en nombre de jours par an, la possibilité d’exercer en intérim. Notre but est non pas d’interdire la possibilité, notamment pour les jeunes, de recourir à des contrats de courte durée, mais d’encadrer l’intérim au sens strict, c’est-à-dire lorsque la mise à disposition du praticien se fait par le biais d’un contrat passé avec une entreprise d’intérim.

Enfin, nous l’avons déjà évoqué, les politiques incitatives, mises en place notamment par les collectivités territoriales, n’ont pas fonctionné. Bien au contraire, elles ont entraîné des effets pervers de concurrence entre les territoires et de surenchère de la part des médecins.

Face à cet échec, et au regard de la situation de pénurie dans notre pays, il nous est apparu nécessaire de mettre en place une mesure de régulation à l’installation des médecins libéraux : le conventionnement sélectif, qui prévoit que dans les zones où existe un excédent d’offre de soins, soit 3 % du territoire, un nouveau médecin libéral ne puisse s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que si un médecin libéral de la même zone cesse son activité. Cette mesure vise à rétablir un équilibre dans l’installation des médecins sur notre territoire.

Nous le savons tous, il n’y a pas de remède miracle ou de mesure magique, mais nous avons besoin d’une volonté politique forte. Or je sais que nous sommes nombreux dans cet hémicycle à l’avoir.

Désormais, il y a urgence, monsieur, le ministre. Il est temps d’agir et d’entendre la détresse de nos concitoyens devant les problèmes causés par les déserts médicaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que je me réjouissais de discuter d’un texte visant à « améliorer l’accès aux soins », j’ai le regret de constater que la montagne a accouché d’une souris.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Khalifé Khalifé. Durant ma longue carrière de médecin hospitalier, j’ai vu émerger les difficultés croissantes de notre système de santé, qui provoquent aujourd’hui le désarroi des usagers et des acteurs de soins.

Agir rapidement à travers une nouvelle loi est bien sûr nécessaire, mais ne confondons pas urgence et précipitation !

Entre avancées mineures et mesures contraignantes, ce texte n’est clairement pas à la hauteur du défi qu’il s’était proposé de relever.

Les professionnels libéraux sont-ils prêts à l’accepter, alors même que les négociations conventionnelles n’ont pas encore repris ? Les professionnels hospitaliers, particulièrement désespérés, sont-ils prêts à y adhérer ?

Malgré quelques idées judicieuses, ce texte demeure un amas de mesurettes qui ne permettront pas de redonner à notre système de soins les outils nécessaires pour accomplir sa mission.

Sans entrer dans les détails, j’évoquerai trois points majeurs.

En ce qui concerne le conseil territorial de santé, je m’interroge depuis 2016 sur sa place et son efficacité. Le faire passer d’un rôle consultatif à un rôle plus exécutif nécessiterait d’autres leviers et, surtout, une certaine indépendance. C’est loin d’être le cas aujourd’hui et le texte n’apporte pas de garanties suffisantes.

Pour l’accès aux soins, si certaines mesures proposées ont un intérêt, elles restent subordonnées à l’évolution de la démographie des soignants, que le texte évite d’aborder clairement.

S’agissant des professionnels non médicaux, les régions se sont adaptées pour assurer les besoins et la répartition territoriale des instituts de formation. En revanche, il revient à l’État d’adapter la grille salariale aux qualifications demandées. Cette proposition de loi n’y fait pas allusion. Quant aux professionnels médicaux, à part quelques dispositions de portée limitée, nous n’avons pas non plus trouvé de propositions visant notamment à évaluer les études médicales, que ce soit la procédure Pass-LAS ou le concours de l’internat, et à les envisager dans une démarche d’aménagement du territoire qui nous est chère. Nous déplorons aussi que cette situation ait donné lieu au développement d’une autre médecine totalement éloignée des règles de bonne pratique clinique et de la pertinence des soins.

Les déserts médicaux inquiètent nos concitoyens et préoccupent les collectivités, qui essaient tant bien que mal d’y faire face avec force et conviction, mais il revient à l’État, dont c’est la compétence, d’activer en priorité tous les leviers nécessaires.

Le texte proposé n’y fait pas allusion, et c’est bien regrettable.

Enfin, en ce qui concerne la permanence des soins, il est rassurant et satisfaisant de constater que les urgences vitales ou graves sont prises en charge avec professionnalisme, efficacité, et sans dysfonctionnement, par les services dédiés. En revanche, il importe de revoir la prise en charge des situations dites « urgences ressenties ».

Nous aurions aimé voir apparaître dans le texte quelques solutions telles que la généralisation des consultations de médecine générale aux côtés des services d’urgence, le recentrage du rôle de médecin urgentiste, la plus grande implication des services hospitaliers en aval des urgences afin de fluidifier le parcours des patients.

Pour conclure, je ne peux que regretter que la santé fasse l’objet d’une politique de petits pas. Ce texte ne répond pas aux problématiques de fond affectant ce grand malade qu’est notre système de santé. J’appelle de mes vœux une grande loi-cadre qui permettrait enfin de redonner au monde médical la sérénité suffisante pour accomplir sa mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crains que ce texte ne soit qu’une occasion de se donner bonne conscience en évitant soigneusement le grand chantier des politiques de santé que méritent nos compatriotes.

La pandémie de covid-19 a été, pour ceux qui niaient l’évidence, un dramatique révélateur : le système de santé français est devenu un champ de ruines ! Des personnels hospitaliers au bout du rouleau, une faiblesse générale des moyens, une médecine de ville qui s’épuise, une désertification qui, loin de concerner aujourd’hui uniquement nos campagnes, commence à gagner nos villes moyennes, et une dépendance pharmaceutique et matérielle qui a empêché toute réactivité lorsque le covid-19 est apparu.

La question de la désertification médicale et des territoires carencés n’était pas nouvelle, il faut tout de même le rappeler, et la quasi-totalité de l’échiquier politique ayant géré le pays a été témoin de cette chute sans jamais pouvoir l’enrayer.

Les conséquences sont fatalement dramatiques, avec des personnes qui abandonnent leur parcours de soins par fatigue ou par lassitude, qui voient des opérations sans cesse retardées, ou qui sont victimes de diagnostics tardifs, ce qui entraîne une prise en charge plus difficile de leur pathologie et un moindre taux de réussite des soins.

Malheureusement, la désertification médicale tend à se généraliser et nous craignons le grand nombre de départs à la retraite de généralistes et de spécialistes, mais aussi de professionnels du paramédical, jusque dans les zones urbaines et périurbaines, dans les années à venir.

Aujourd’hui, la question est non plus de savoir où sont les déserts médicaux, mais où ils ne sont pas, et tout cela accrédite fatalement le sentiment de déclassement français. Autant de problématiques auxquelles cette proposition de loi ne répond pas !

Mes chers collègues, c’est toute notre politique de santé publique qu’il faut remettre à plat. Ce texte élude la question de la formation massive de nouveaux médecins, du recrutement difficile d’infirmiers et d’aides-soignants, la question globale de la gouvernance et de l’échec des agences régionales de santé.

Il n’y a aucune mesure d’invitation ou d’incitation des professionnels à exercer dans les territoires carencés, urbains comme ruraux. Excusez-moi d’être trivial, mais cette proposition de loi est une rustine sur un bateau qui prend l’eau de toute part, bref, un cautère sur une jambe de bois.

C’est un acte de bonne conscience, mais guère plus, et je suis à peu près sûr que, fondamentalement, nous sommes une majorité à le penser ici, toutes travées confondues.

Pour autant, presque rien, c’est toujours mieux que rien du tout, alors nous nous abstiendrons. Mes chers collègues, il y a urgence, et vous le savez. Le « pas de vague » ne doit pas être généralisé à l’offre de santé que méritent nos compatriotes. Sans mauvais jeu de mots, je vous invite à ruer dans les brancards. (MM. Aymeric Durox et Joshua Hochart applaudissent.)

M. Michel Savin. C’est bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 83 % des Français placent la santé au premier rang de leurs préoccupations, alors que plus de 6 millions d’entre eux n’ont pas de médecin traitant. Il est donc nécessaire d’améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens, et notamment, la prise en charge des soins non programmés.

Je rappelle qu’actuellement il y a plus de médecins « thésés » qu’en 1990. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne souhaitent pas s’installer ou préfèrent être salariés. Il faut donc mettre l’accent sur la formation.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est issu d’une proposition de loi du député Frédéric Valletoux. Il vise à apporter des mesures pragmatiques pour améliorer l’accès aux soins de nos compatriotes, en misant notamment sur l’échelon local.

L’article 1er renforce l’action des conseils territoriaux de santé, avec comme objectif un meilleur accès aux soins. Il fait du CTS l’échelon central de l’organisation locale de la politique de santé, donnant ainsi une place primordiale aux professionnels de santé du territoire. Nous regrettons que la liste précisant la composition des CTS ait été supprimée, car elle permettait d’assurer une représentation exhaustive de l’ensemble des acteurs du territoire.

Nous soutenons le dispositif prévu à l’article 2 bis, qui permet de lutter contre le nomadisme médical en limitant à une fois tous les dix ans les aides et exonérations fiscales liées à l’installation d’un médecin.

De même, nous sommes favorables à la suppression de la majoration du ticket modérateur pour les patients dont le médecin a récemment quitté son cabinet. Cela leur évite très justement une double peine.

Nous approuvons également l’élargissement du contrat d’engagement de service public aux étudiants du premier cycle, ainsi que l’encadrement de l’intérim des professionnels de santé. Sur ce point, nous partageons la version adoptée en commission.

À l’article 2 quater, le rehaussement à 75 ans de l’âge jusqu’auquel le cumul emploi-retraite est possible pour les médecins est également une mesure de bon sens. Je connais des hôpitaux qui n’auraient pas pu fonctionner sans ces médecins cet été.

Nous regrettons la suppression de l’article 2 ter issu de la proposition de loi du sénateur Dany Wattebled, qui permettait la mise à disposition, pendant trois mois et contre remboursement, d’un fonctionnaire auprès d’un médecin s’installant dans un désert médical. Ce dispositif aurait représenté une véritable aide pour un médecin arrivant dans un territoire qu’il ne connaît pas. Je soutiendrai donc tous les amendements tendant à rétablir cet article.

À titre personnel, je regrette également la suppression de l’adhésion automatique des professionnels aux CPTS, prévue à l’article 3. Cette mesure est de nature à permettre une meilleure coopération entre tous dans la prise en charge des soins. De surcroît, elle n’est pas contraignante, puisqu’elle s’accompagne d’un droit de retrait. Aussi, j’ai déposé un amendement visant à la rétablir.

Nous soutenons évidemment le rééquilibrage de la permanence des soins en établissement de santé proposé à l’article 4, mais, à mon sens, la permanence des soins ambulatoires de jour est tout aussi importante.

La prise en charge des soins non programmés est organisée pour être assurée la nuit de vingt heures à huit heures, ainsi que les dimanches et jours fériés, mais je constate qu’entre huit heures et vingt heures, certains besoins en soins non programmés ne sont pas satisfaits.

Il est donc impératif de renforcer la permanence des soins ambulatoires. Aussi, j’ai déposé un amendement visant à ce que les maisons de santé et les cabinets médicaux membres d’une CPTS s’organisent pour assurer, à tour de rôle, la prise en charge effective des soins ambulatoires non programmés. Il s’agit de renforcer les CPTS afin que moins de malades arrivent aux urgences.

Je ne suis pas favorable à la création d’un infirmier référent, qui introduirait une confusion avec le médecin référent. Le médecin traitant doit conserver la compétence du diagnostic et de l’orientation.

Nous approuvons l’augmentation du délai avant l’action en dissolution d’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) portant une maison de santé lorsqu’il ne reste qu’un seul médecin. Je regrette que mon amendement permettant leur création à partir d’un seul médecin et d’un auxiliaire médical ait été jugé irrecevable.

Nous soutenons enfin les articles facilitant l’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne, notamment la proposition d’une attestation d’exercice provisoire qui serait attribuée après avis d’une commission – nous pensons qu’une commission régionale pourrait suffire –, composée de professionnels de santé et de représentants de l’ordre compétent.

Parce qu’il contient plusieurs mesures pragmatiques de bon sens axées sur les territoires, notre groupe adhère à l’esprit de ce texte et le soutiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier Mme Corinne Imbert, rapporteure de ce texte pour la commission des affaires sociales, qui a fait un travail consciencieux, et Dieu sait s’il a été difficile.

Cette proposition de loi qui est soumise à notre examen aujourd’hui vise à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

Répondre aux inégalités territoriales, encourager la coordination entre ville et hôpital, entre libéraux et salariés, tout en impliquant les élus locaux : tels sont les objectifs principaux de ce texte. Cependant, il se présente comme un ensemble disparate de mesures insuffisantes touchant à l’organisation des soins de ville, aux études de santé et à l’hôpital.

Faute d’un projet de loi structurant en matière de santé, qui est très attendu, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres initiatives parlementaires.

Toutefois, vous l’aurez compris, ces actions hétérogènes, extrêmement dispersées, dépourvues de cohérence d’ensemble, présentent un impact limité sur la crise actuelle de notre système de soins, en ville comme à l’hôpital. C’est comme poser un pansement sur une jambe de bois !

De surcroît, l’inscription à l’ordre du jour de ces textes avec un calendrier politique déraisonnable, voire brutal, suscite des interrogations sur la pertinence du traitement de ce sujet ô combien important pour les Français. La méthodologie adoptée est en trompe-l’œil. Par conséquent, nous soutenons les amendements de suppression de la commission qui portent, par exemple, sur la mesure qui entend automatiser l’adhésion des professionnels de santé aux CPTS, celle qui prévoit d’ouvrir à certains cabinets et maisons de santé la mise à disposition de fonctionnaires – une idée déjà rejetée au Sénat en mars dernier –, ou encore celle qui propose de créer un indicateur territorial de l’offre de soins. De nombreuses données statistiques existent, qui permettent de documenter les inégalités d’accès aux soins.

Enfin, nous approuvons également la suppression de la mesure qui tend à rétablir pour les professionnels l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires. Celle-ci revient en effet sur des dispositions votées à l’occasion de la proposition de loi de Mme Rist sur l’accès aux soins qui n’ont pas encore produit tous leurs effets !

Si l’on peut reprocher à ce texte un manque de vision d’ensemble et des mesures de faible portée, comme des évolutions décevantes pour les conseils territoriaux de santé, certaines dispositions, sensiblement enrichies par les travaux de la commission, nous semblent de bon sens : rehaussement à 75 ans de l’âge limite pour les médecins exerçant en cumul emploi-retraite en établissement public de santé ou dans un centre de santé géré par une collectivité territoriale ; préavis de trois mois pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes cessant leur activité pour lutter contre le nomadisme, qui n’est le fait que d’une minorité des professionnels de santé ; suppression de certains freins dans la gestion des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, qui abritent la plupart des maisons de santé pluriprofessionnelles, et de la majoration du ticket modérateur et des tarifs des spécialistes hospitaliers pour les assurés dont le médecin traitant a pris sa retraite ou déménagé lors des douze derniers mois.

Les sénateurs du groupe Union Centriste sont également favorables à l’intégration des professionnels de la médecine scolaire dans les CPTS, ainsi qu’à la création de la fonction d’infirmier référent, chargé d’une mission de prévention et de suivi.

Le texte comprend aussi une réforme substantielle du régime applicable aux Padhue visant à assouplir les conditions d’autorisation d’exercice et à améliorer l’attractivité de la procédure. Ces dispositions contribuent à répondre aux besoins de recrutement des hôpitaux.

Pour conclure, notre message est clair : ces efforts ne sont pas à la hauteur des attentes. Néanmoins, en dépit de ces remarques, dont nous espérons qu’elles seront entendues, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, visiblement enrichie par les travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mmes Solanges Nadille et Kristina Pluchet, ainsi que M. Michel Savin, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je m’exprime au sein de cette assemblée. J’y porterai, avec ma collègue Nathalie Goulet, les aspirations du département de l’Orne, territoire rural qui connaît, comme d’autres, une situation dramatique concernant l’accès aux soins de sa population.

Alors que la moyenne nationale est de 149 médecins généralistes pour 100 000 habitants, nous ne pouvons compter dans l’Orne que sur 60 médecins généralistes pour 100 000 habitants. Concrètement, il faudrait plus que doubler le nombre de généralistes ornais juste pour atteindre la moyenne nationale !

Par ailleurs, 43 % de nos médecins ont plus de 60 ans. Le pire est donc devant nous, alors que, déjà, aujourd’hui, près de 20 % des assurés sociaux ornais sont sans médecin traitant.

Si la situation ornaise est particulièrement grave, malgré l’engagement fort des collectivités locales, elle correspond à ce que vivent certains autres territoires. Cependant, les disparités territoriales sont énormes, et il est trompeur d’affirmer que, grosso modo, 87 % du territoire serait un désert médical : on agglomère ainsi des situations qui sont peu comparables dans leur intensité.

C’est la raison pour laquelle je regrette que notre commission soit revenue sur la création par ce texte d’un indicateur territorial de l’offre de soins, qui est aujourd’hui l’outil statistique qui nous manque pour objectiver ces disparités territoriales avec une méthodologie indiscutable. La connaissance précise et partagée de la situation est le préalable à l’affirmation d’une politique encore plus ambitieuse.

L’engagement n’a pas manqué ces dernières années : suppression du numerus clausus, recrutement de médecins salariés et d’assistants médicaux, création et développement des CPTS, développement de la télésanté, soutien aux centres de santé pluriprofessionnels, mesures incitatives à l’installation, bientôt le déploiement des médicobus et des délégations de tâches.

Pourtant, il va falloir aller plus loin pour faire face à l’aggravation à venir de nos difficultés. À cet égard, la présente proposition de loi contient des points positifs. Il faut les prendre sans attendre.

Je forme toutefois le vœu que nous puissions aussi débattre prochainement, de nouveau, de la question de la régulation de l’installation des médecins, une régulation concertée avec les professionnels concernés, selon un accord donnant-donnant, car nous préférerons toujours la négociation à la coercition. Si les négociations avec les médecins n’aboutissent pas, n’ayons pas peur de passer à une méthode plus directive. Observons ce qu’il a été possible de faire avec les kinés, les infirmiers et, plus récemment, avec les chirurgiens-dentistes, dont les deux principaux syndicats ont signé avec la Caisse nationale de l’assurance maladie une convention le 21 juillet dernier. Parmi les mesures retenues par les parties figure le non-conventionnement par l’assurance maladie des dentistes qui s’installent dans des zones jugées non prioritaires.

Évidemment, une telle mesure appliquée aux médecins ne réglerait pas toutes les difficultés, tant s’en faut. Il y en aurait d’autres à adopter qui seraient tout aussi utiles, mais face à la gravité de la situation qui s’annonce, tous les leviers vont devoir effectivement être actionnés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet et M. Claude Kern applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Demas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi en discussion aujourd’hui n’a pas l’ambition ni même l’objet de régler par des mesures fortes le manque de médecins et le problème prégnant des déserts médicaux, auquel, comme beaucoup d’autres, mon département des Alpes-Maritimes est confronté.

Je pense aux communes rurales qui m’ont saisie, au travail herculéen des maires de Roquestéron, de Puget-Théniers, de Guillaumes, et de bien d’autres édiles qui se démènent partout en France pour trouver un médecin et obtenir désespérément, comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises, une autorisation d’exercice pour des médecins étrangers volontaires pour s’installer en zones sous-denses.

À mon sens, il est utile de se pencher sur les circuits de validation des diplômes étrangers, certainement perfectibles, car assurément trop longs et, surtout, opaques pour les maires.

Force est de constater le silence du Centre national de gestion (CNG), particulièrement difficile à comprendre. Trop souvent, les candidats, découragés, abandonnent, ce qui est bien malheureux pour les populations privées d’accès à un médecin généraliste. Je regrette l’absence dans ce texte de solutions véritablement satisfaisantes.

J’en viens à présent à la création de la fonction d’infirmier référent, qui est une mesure favorable à l’amélioration de notre système de santé, encore que les contours n’en soient pas définis. Notre rapporteure, Corinne Imbert, dont je salue le travail et les propositions, a souhaité d’ailleurs l’encadrer en réservant ce dispositif aux malades en ALD. Des textes d’application seront de toute façon nécessaires.

Je tenais ici à rendre hommage aux infirmiers, ces professionnels de santé dont la présence et les fonctions sont très précieuses dans les territoires ruraux, où la désertification médicale se combine avec le vieillissement de la population. Et je me demandais, monsieur le ministre, s’il ne serait pas souhaitable, a minima, de commencer par revoir le décret de compétence des infirmiers, en date du 29 juillet 2004, et resté en l’état depuis bientôt vingt ans malgré plusieurs réformes du système de santé intervenues depuis lors, sans parler de la crise de la covid-19, qui a confirmé le rôle crucial de ces professionnels dans le dispositif sanitaire.

Mme Patricia Demas. D’ailleurs, comme vous me l’avez indiqué en réponse à une question que je vous avais posée, l’évolution du cadre d’exercice de cette profession est nécessaire. Alors, monsieur le ministre, j’ose cette question : quand ce décret sera-t-il enfin actualisé ?

J’ajoute, pour finir, que je ne comprends pas pourquoi les professionnels de santé libéraux, censés pallier les effets néfastes de cette désertification médicale, ne sont pas tous soumis au même régime d’indemnité kilométrique pour leurs déplacements. La simple équité impose d’aligner le montant de cette indemnité, déconnectée de l’acte lui-même. Rien ne justifie objectivement l’écart constaté, surtout en cette période d’augmentation du prix des carburants.

Aussi, je vous invite, monsieur le ministre, à ne pas oublier de consolider l’existant, celui qui contribue à assurer les soins au quotidien des Français dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, les crises successives ont bouleversé et mis à l’épreuve les fondements du système de santé français. Si celui-ci a tenu le choc des vagues épidémiques à répétition, les symptômes de ces dysfonctionnements sont de plus en plus vifs, au premier rang desquels une désertification médicale qui inquiète nos concitoyens.

Ainsi, 87 % du territoire national fait partie de ce que l’on nomme le désert médical. La France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, alors qu’elle gagnait 2,5 millions habitants.

Pour remplacer un médecin, il en faut désormais deux ou trois, en raison du vieillissement de la population, des avancées sociales, comme la semaine de 35 heures, de la féminisation de la profession, du rapport à la parentalité et au travail.

Si le constat est sans appel sur le manque de praticiens de la santé, nous devons prendre garde que le remède ne soit pire que le mal.

Certaines mesures pourraient en effet avoir des conséquences encore plus graves sur l’attractivité des métiers du soin : nous ne pouvons pas nous permettre une augmentation du déconventionnement. Les mesures coercitives ne régleront pas le déficit de praticiens.

C’est pourquoi nous devons faire émerger des mesures nouvelles, solides et pérennes afin de renforcer l’accès aux soins.

D’abord, il faut impérativement revaloriser la rémunération des professionnels de santé. Nous devons ensuite favoriser davantage la coopération entre eux pour dégager du temps médical. Je pense ici aux CPTS, en particulier celles du Sud Manche ou du territoire Granville-Villedieu. Elles ont permis d’accompagner les praticiens au développement et à la coordination de l’offre de santé sur ces territoires.

Cependant, nous constatons que ces CPTS sont tributaires de l’engagement des professionnels de santé. Les figer dans la loi n’apporterait rien de plus.

Accompagnons les structures d’exercice coordonné et soutenons le recrutement d’assistants médicaux. Les médecins libéraux doivent pouvoir être de vrais employeurs à la tête de leur cabinet. Je regrette d’ailleurs que nous ne sachions toujours pas reconnaître ni valoriser davantage les compétences spécialisées de certains infirmiers en pratique avancée (IPA), qui apportent pourtant beaucoup à la prise en charge des patients.

Je tiens à saluer les dispositions prises par notre rapporteure pour le suivi des patients de longue durée par ces IPA.

La Manche est en effet engagée contre la désertification médicale : ce département finance des idées novatrices au service de la santé des Français ; mais cela n’est toujours pas suffisant. Certaines collectivités salarient des médecins, d’autres mettent à disposition des cabinets médicaux et des logements. Attention cependant aux effets de bord : pour pallier l’insuffisance de l’offre de soins dans des territoires, l’ARS a identifié des zones sous-denses en médecins, mais celles-ci peuvent créer des distorsions entre communes voisines. Ainsi, une municipalité de la Manche ayant investi dans une maison médicale est concurrencée par une collectivité voisine bénéficiant de ce zonage.

Mais l’État ne doit pas compter uniquement sur ces initiatives locales. Il doit prendre toutes ses responsabilités dans ce combat et s’approprier les mots d’Hippocrate : rétablir, préserver et promouvoir la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en conviendrez : la question qui nous occupe aujourd’hui ne nous surprend pas. Cette proposition de loi est un nouvel avatar d’une cascade de lois et de plans gouvernementaux sur la question de l’accès aux soins dans nos territoires. Qu’il s’agisse de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, de la loi du 10 août 2011 en modifiant certaines dispositions, dite loi Fourcade, des pactes territoire-santé, de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, du plan Ma santé 2022, de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, ou encore des différentes lois de financement de la sécurité sociale, la question de l’accès aux soins pour tous continue de se poser avec une acuité particulière.

Bien sûr, certains dispositifs doivent être salués, notamment le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les nouvelles incitations à l’installation de jeunes praticiens de santé, le déploiement d’assistants médicaux, la médecine itinérante ou encore le recours à la télémédecine. Pourtant, malgré ces avancées, la désertification médicale n’est pas enrayée et progresse même parfois. Autrefois cantonnée à des zones rurales reculées, elle s’attaque aujourd’hui aux villes, et même aux grandes métropoles que l’on croyait préservées de ce phénomène.

Nous en connaissons les causes, à savoir la combinaison du vieillissement de la population nécessitant une prise en charge sanitaire de plus en plus fréquente et un renouvellement insuffisant et mal réparti sur le territoire d’une nouvelle génération de médecins généralistes, mais aussi de spécialistes.

Rappelons en effet que le nombre de médecins généralistes en activité régulière en 2022 a diminué de 11 % depuis 2010, soit 10 128 médecins de moins en douze ans. Nous faisons donc face à un corps médical vieillissant et à une pratique de la médecine quant à elle en pleine mutation.

Disons-le clairement : il est à craindre que ce nouveau texte ne réponde que de manière très technocratique à ces défis, qui mettent à mal l’accès aux soins. Et, si ce texte, dans son esprit, va dans le bon sens – rationaliser l’action des acteurs locaux de santé –, pour l’heure, les multiples structures – GHT, CPTS, équipes de soins primaires (ESP), établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), MSP, centres de santé – s’empilent.

Finalement, nous nous retrouvons avec une organisation difficilement lisible tant par les patients que par les acteurs.

L’objectif de constituer de véritables bassins territoriaux de santé est louable, mais il s’agit aussi d’impliquer dans cette chaîne le maillon des élus locaux. Ainsi, la gouvernance locale autour des CTS risque de ne pas disposer des moyens de ses ambitions, l’État souhaitant conserver son contrôle à travers l’ARS et le préfet.

C’est ce qu’a souligné fort justement la commission des affaires sociales du Sénat, qui note qu’« aucun nouveau moyen d’action n’est confié au CTS », tout en soulignant le risque de bureaucratiser un peu plus la médecine libérale insuffisamment associée.

Le recours accru aux Padhue est un élément de simplification. Néanmoins, si faire appel à des compétences extérieures est une bonne chose en soi, il convient de ne pas transiger sur la qualité et les savoirs professionnels.

Finalement, ce texte, comme beaucoup d’autres, est décevant et ne répondra malheureusement pas au défi majeur qui se pose à nous pour refonder notre système de santé et favoriser l’accès aux soins pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Aurélien Rousseau, ministre. Sans refaire le débat, je tiens à revenir sur plusieurs points.

D’abord, je crois profondément à la dynamique qui est à l’œuvre dans tous les territoires. Je suis frappé d’entendre nombre d’entre vous à la fois s’émouvoir à la tribune de la situation – à juste titre –, et, en même temps, au cours des discussions ou directement dans les territoires, témoigner d’une expérience de maison de santé pluriprofessionnelle ou d’une CPTS faisant coopérer des pharmaciens, des infirmiers et des médecins.

Pour ma part, sans chercher à nier la situation – que la seule lecture du courrier adressé quotidiennement au ministère de la santé suffit à rappeler –, je trouve que, dans certains territoires, le lien entre l’ARS et la région est extrêmement fort dans nombre de projets – en Occitanie, par exemple, madame Poumirol. (Mme Émilienne Poumirol acquiesce.) Je salue d’ailleurs les maires et les fonctionnaires de l’État ou des collectivités qui se battent pour trouver des médecins et faire avancer les dossiers.

Cependant, j’ai du mal à entendre certains de vos propos. Comme beaucoup d’entre vous, j’ai vécu la crise du covid-19 en première ligne. Or, selon plusieurs d’entre vous, le covid-19 aurait mis en lumière un champ de ruines. Pourtant, grâce à nos soignants, notre pays a tenu. Il est l’un de ceux dans lesquels la mortalité a été la plus faible – à la différence, d’ailleurs, de la plupart des dictatures. La démocratie a fonctionné et notre système a tenu, grâce à l’héroïsme de nos soignants, au prix de la mort de certains d’entre eux et, pour beaucoup, du dépassement de soi.

Vous portez la responsabilité de vos propos, mais, au nom même de la bataille que nous menons pour redonner de la force à notre système de santé, je ne peux pas laisser ce dernier être qualifié de champ de ruines. Ce système est à la fois – sans doute vos proches ou vous-mêmes le vivez-vous quotidiennement – formidable, parce que nous sommes très bien soignés dans ce pays, et extrêmement fragile, toujours au bord du précipice. Ce texte est l’un de ceux qui essaient de contribuer à l’en éloigner – je ne prétends pas qu’il suffira à lui seul.

J’ai entendu beaucoup de demandes en faveur d’une grande loi sur la santé. La première intuition, quand on devient ministre, c’est le narcissisme…

Mme Nathalie Goulet. Avant aussi ! (Sourires.)

M. Aurélien Rousseau, ministre. Chacun voudrait devenir le nouveau Claude Évin en associant son nom à une loi définitive… Considérez cependant ces quelques chiffres : depuis 2019, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans son volet assurance maladie, a progressé de 50 milliards d’euros. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a financé les mesures annoncées dans le Ségur de la santé ; pourtant, je ne crois pas qu’il ait recueilli l’assentiment de toutes les travées de cet hémicycle. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ouvre aux pharmaciens, dans le cadre d’une expérimentation, la possibilité de prendre en charge les patients atteints d’une cystite ou d’une angine après réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique (Trod), afin de suppléer les médecins dans le partage des tâches.

Ce même texte prévoit également de majorer de 25 % la rémunération du travail de nuit du personnel non médical des hôpitaux. Contrairement à ce qui a été dit, la hausse du budget de la sécurité sociale permettra bien évidemment de compenser les surcoûts liés à l’inflation, avec 8 milliards d’euros de plus que l’an dernier – soit la bagatelle du budget du ministère de la justice.

Nous proposons donc des mesures concrètes sur le travail de nuit, car je ne veux pas laisser planer de doute : notre bataille quotidienne, en matière d’attractivité notamment, consiste à recruter et à fidéliser les personnels, à rouvrir des lits et à offrir plus de soins. Cette bataille est aussi menée avec les régions, je l’ai rappelé au sujet des instituts de formation en soins infirmiers. Le rôle essentiel joué par les infirmières a également été évoqué : nous travaillons actuellement sur le décret de compétences. Nous allons également rouvrir une négociation conventionnelle avec les pharmaciens.

C’est donc une approche globale. Certes, ce texte n’est pas une cathédrale, mais bien des cathédrales que nous avons construites ces dernières décennies en matière de santé ont davantage déçu que certaines mesures concrètes (Mme Pascale Gruny manifeste son scepticisme.), dont vous retrouverez une bonne partie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’imagine donc que votre vote sur ce dernier texte sera cohérent avec vos appels à mobiliser beaucoup plus de moyens. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 202 et n° 34 rectifié ter

Article 1er

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1434-9 est ainsi modifié :

a) Aux 1° et dernier alinéa, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La délimitation des territoires de santé peut être redéfinie par les membres siégeant au sein des conseils territoriaux de santé compétents, en lien avec l’agence régionale de santé, afin d’assurer un équilibre et une solidarité entre les territoires en matière d’accès aux soins. » ;

2° L’article L. 1434-10 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après les mots : « du système de santé du territoire concerné », sont insérés les mots : « dont des représentants des conseils départementaux des ordres territorialement compétents » ;

a bis) (Supprimé)

b) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au moins une fois par an, le directeur général de l’agence régionale de santé présente au conseil territorial de santé ses observations sur l’état de santé de la population du territoire, sur l’offre de soins disponible et sur l’organisation de la permanence des soins sur ce dernier. » ;

c) Le III est ainsi modifié :

– la dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ainsi qu’à toute autre zone caractérisée, au moment du diagnostic territorial partagé, par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, au sens du 1° de l’article L. 1434-4 » ;

– la seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;

– l’avant-dernier alinéa est supprimé ;

3° (Supprimé)

4° Le second alinéa de l’article L. 1441-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « démocratie sanitaire prévus au 1° de l’article L. 1434-9 et de l’autonomie » sont remplacés par les mots : « santé et de l’autonomie prévue à l’article L. 1441-2 » ;

5° Au 4° de l’article L. 1442-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

6° Au 1° de l’article L. 1442-3, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

7° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1442-5, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

8° Au III des articles L. 1443-1, L. 1444-1 et L. 1445-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

9° Au VI de l’article L. 1446-1, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

10° À l’article L. 5511-2, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé » ;

11° À la première phrase et à la fin de la seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 5511-3, les mots : « démocratie sanitaire » sont remplacés par le mot : « santé ».

II. – (Non modifié) Les 1°, 2° et 4° à 11° du I s’appliquent à compter du premier jour du dixième mois suivant la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission de la commission des affaires sociales. Avant d’aborder l’examen des articles de cette proposition de loi, je souhaite revenir sur l’important sujet des ordonnances : prévues par l’article 38 de la Constitution, elles sont utilisées par le Gouvernement, notamment dans la sphère sociale, de manière courante depuis plusieurs années.

Or, au Sénat, nous ne sommes pas très friands des ordonnances. Cependant, nous pouvons instaurer un suivi de ces habilitations par leur ratification au Parlement. Ainsi, le texte que nous allons examiner modifie les dispositions prises par pas moins de cinq ordonnances issues des habilitations de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Buzyn, dont aucune n’a jamais été ratifiée. Je pense que nous aurions pu profiter de ce texte pour agir et nous donner le moyen de suivre ces différentes ordonnances.

Enfin, un dernier mot sur la méthode : un projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte budgétaire ; ce n’est en aucun cas un texte d’orientation de politique générale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Jomier. Très juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.

M. Hervé Maurey. C’est le septième texte relatif à l’accès aux soins que nous examinons en moins de quinze ans. Cela montre que nous nous préoccupons du sujet, mais, surtout, que les mesures que nous avons adoptées ne sont pas efficaces. Ce qui est surprenant, c’est que nous continuons sur la même lancée, avec des mesures insuffisantes, comme si nous persistions à donner de l’aspirine à quelqu’un qui aurait besoin d’un traitement beaucoup plus fort.

Quand le candidat Macron a annoncé qu’il allait instaurer la régulation à l’installation, j’ai espéré. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous avez raison, mes chers collègues : c’était naïf de ma part, et j’ai finalement été déçu. Nous continuons dans cette voie.

Je suis navré de constater que le texte que l’Assemblée nationale a voté est sorti amoindri de la commission des affaires sociales du Sénat. Les rares mesures qui allaient dans le bon sens – la permanence des soins, le fléchage des médecins salariés vers les zones qui en ont le plus besoin – ont été supprimées. Les élus des territoires ruraux et nos concitoyens ne comprennent pas davantage que moi que le Sénat, qui est l’assemblée des territoires, se tienne en retrait par rapport à l’Assemblée nationale dans la défense de l’accès aux soins en zone rurale.

Je veux espérer que ce débat, par l’examen des nombreux amendements déposés, permettra de rectifier le tir, afin que le Sénat, conformément à sa vocation, agisse pour améliorer l’accès aux soins dans les zones rurales, et que ce texte, renforcé, soit utile à l’intérêt général, à la population, aux territoires ruraux. C’est ce à quoi je vous appelle alors que nous allons commencer à examiner les articles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Duffourg, Canévet, Laugier, Levi, Hingray et Folliot, est ainsi libellé :

Alinéas 3 et 16 à 25

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. L’apport essentiel du conseil territorial de santé est sa nature d’instance de démocratie participative en matière de santé publique. Il est donc essentiel de garder cette référence à la « démocratie sanitaire ».

Mme la présidente. L’amendement n° 124, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. La démocratie sanitaire régit notre système de santé. Ce concept, typiquement français, trouve son origine dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : il est censé transcender l’intégralité des acteurs de santé et agir comme une démarche applicable à l’ensemble des actions en lien avec notre système de santé.

Ce principe consiste notamment à garantir l’implication des patients et des citoyens dans les processus de prise de décision liés aux politiques de santé et à consacrer leurs droits.

L’article 1er prévoit de substituer à la notion de « territoire de démocratie sanitaire » celle de « territoire de santé ». Nous nous interrogeons sur la portée pratique de cette substitution et considérons que sa portée symbolique n’est pas anodine, puisqu’elle peut sous-entendre l’échec – et peut-être la fin – de la démocratie sanitaire. Or, quels que soient ses écueils indéniables, la notion de « territoire de démocratie sanitaire » signifie que les politiques territoriales de santé doivent être élaborées en concertation avec l’ensemble des acteurs de santé, professionnels et usagers.

Les alinéas suivants du présent article prétendent en outre renforcer ce dialogue et cette concertation au sein des conseils territoriaux de santé. Dans ce cadre, la suppression de la dimension de démocratie sanitaire apparaît incohérente.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de revenir sur ce changement de dénomination.

Mme la présidente. L’amendement n° 129, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 16 à 26

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. La notion de « territoire de santé », définie dans le cadre de la loi HPST, a été supprimée par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 pour lui substituer la notion de « territoire de démocratie sanitaire » et inscrire celle de conseil territorial de santé.

L’article 1er constitue en quelque sorte un retour en arrière, puisqu’il remplace la notion de « territoire de démocratie sanitaire » par celle de « territoire de santé ».

Non seulement cette valse-hésitation sémantique nous semble contre-productive, mais elle est également un très mauvais signal envoyé tant aux professionnels qu’à nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que soit conservée la notion de « territoire de démocratie sanitaire ».

Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi et Omar Oili, Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigé :

11° L’article L. 5511-3 est ainsi rédigé :

« L’article L. 5125-4, applicable à Mayotte, est ainsi rédigé :

« Art. L. 5125-4. – « I. L’ouverture par voie de création d’une officine dans une commune peut être autorisée lorsque le nombre d’habitants recensés est au moins égal à 7 000.

« Il ne peut être délivré qu’une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans le territoire de démocratie sanitaire auquel appartient la commune. Un décret détermine les territoires de démocratie sanitaire.

« Lorsque la création d’une officine peut être autorisée en l’application de l’alinéa précédent, le directeur général de l’agence régionale de santé, en vue d’assurer une desserte satisfaisante de la population, peut désigner la commune dans laquelle l’officine doit être située.

« Le nombre d’habitants dont il est tenu compte pour l’application du présent article est la population municipale telle qu’elle est établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel.

« II. En vue d’assurer une desserte satisfaisante de la population dans une intercommunalité, le directeur général de l’agence régionale de santé peut octroyer une licence par tranche entière de 7 000 habitants recensés dans l’intercommunalité concernée. Le directeur général de l’agence régionale de santé peut déterminer la commune dans laquelle l’officine sera située.

« La prise en compte de la population intercommunale en vue de l’autorisation d’ouverture d’une officine est valable jusqu’à la parution du prochain recensement de la population municipale de Mayotte au Journal officiel.

« Au-delà de cette date, le nombre d’habitants dont il est tenu compte pour l’application du présent article est uniquement la population municipale telle qu’elle est établie par le dernier recensement de la population publié au Journal officiel. »

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Le nombre de pharmacies d’officine à Mayotte apparaît aujourd’hui insuffisant au regard de l’augmentation de la population, du développement de l’offre de soins sur l’île et des nouvelles missions confiées aux pharmaciens d’officine, tels que l’éducation pour la santé, la prévention, le dépistage et la vaccination.

Le contexte d’évolution démographique de la population mahoraise, l’étendue des communes, la topographie de l’île et son réseau de transports en commun peu développé privent certaines communes d’une desserte pharmaceutique optimale. Une grande partie de la population est ainsi contrainte à effectuer de longs trajets pour avoir accès à des médicaments.

Le présent amendement vise à augmenter le nombre d’officines pharmaceutiques à Mayotte. La modification de l’article L. 5511-3 du code de la santé publique permettra, jusqu’à la publication du prochain recensement démographique, de prendre en compte la population de l’intercommunalité à la place de la population municipale pour autoriser l’ouverture d’une officine.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis défavorable sur les amendements nos 19 rectifié, 124 et 129, dont l’enjeu est à la fois symbolique et sémantique. La commission a estimé que la notion de « territoire de santé » que l’article 1er substitue à celle de « territoire de démocratie sanitaire » est préférable, car elle fait écho aux conseils territoriaux de santé, qui sont chargés de leur animation.

En outre, le terme « territoire de santé » insiste sur l’enjeu de territorialisation des politiques de santé. C’est pourquoi la commission l’a considéré plus adapté.

J’ajoute, à titre personnel, que je ne pense pas que cette dénomination signe la fin de la démocratie sanitaire : il suffit de regarder la composition actuelle des conseils territoriaux de santé, qui réunissent des profils très variés.

Mon avis est également défavorable sur l’amendement n° 161 rectifié. La situation de l’offre de soins à Mayotte est en effet critique. Alors que ce territoire connaît une croissance démographique dynamique, la problématique d’attractivité des professionnels de santé reste aiguë. C’est pourquoi divers dispositifs de soutien spécifique existent : la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, a déjà prévu des conditions dérogatoires et assouplies pour autoriser la création d’officines pharmaceutiques sur le territoire mahorais en abaissant le seuil de population requis de 7 500 habitants à 7 000 habitants. En revanche, il apparaît difficilement envisageable de réaliser un nouveau recensement démographique avant celui qui est prévu à partir du 1er janvier 2026, et de prendre en compte la population intercommunale jusqu’à cette date.

La demande qui justifie cet amendement ayant déjà été satisfaite par la loi 3DS, l’avis, je le répète, est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Je partage l’avis de Mme la rapporteure sur les amendements nos 19 rectifié, 124 et 129. Cette évolution, qui vise notamment à simplifier le vocabulaire, ne traduit absolument pas un recul de la démocratie sanitaire ; la composition des CTS elle-même le montre bien. Je le dis d’autant plus fermement que, dans la situation actuelle, il est indispensable de partager avec nos concitoyens la réalité de ce que nous vivons ces dernières années.

Sur l’amendement n° 161 rectifié, le Gouvernement émet pour sa part un avis favorable. La situation à Mayotte est tellement difficile – vous avez eu l’occasion de vous en émouvoir à plusieurs reprises dans cet hémicycle – que toute mesure susceptible de faciliter les conditions d’accès aux soins de nos compatriotes mahorais – fût-ce en soutien à des dispositions qui existent déjà – est importante.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 161 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 125, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

compétents,

insérer les mots :

en concertation avec les associations d’élus locaux et les organisations syndicales et

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Par le présent amendement, nous proposons d’associer les associations d’élus locaux et les organisations syndicales à la redéfinition du périmètre des territoires de santé.

Il me semble en effet que le périmètre de ces territoires est un sujet à part entière. Si chacun appelle de ses vœux une meilleure coopération entre professionnels de santé, lorsque des dynamiques sont initiées dans des territoires, ces dernières tiennent souvent à l’étendue du périmètre de ces territoires de santé : certains, très vastes, recouvrent de larges problématiques à la fois sociales, liées à l’accès aux soins ou encore au vieillissement de la population. Pour insuffler ces dynamiques, il faut donc que ces territoires soient aussi restreints que possible, ou que leurs contours correspondent à ceux des bassins de vie. Et qui mieux que les élus pour apporter un avis pertinent sur ces périmètres ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Plusieurs amendements tendant à compléter la composition des conseils territoriaux de santé, je me permets de relire le début de l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, qui y a trait : « Le conseil territorial de santé est notamment composé des députés et sénateurs élus dans le ressort du territoire concerné, de représentants des élus des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l’article L. 2112-1, des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ainsi que d’un membre du comité de massif concerné. » Le mot « notamment » est important : les élus sont donc déjà membres des CTS.

Ces derniers ont un rôle important à jouer dans l’animation de la démocratie sanitaire et doivent contribuer à la territorialisation des politiques de santé. Toutefois, la préoccupation des auteurs de cet amendement est déjà satisfaite, dès lors que les représentants des élus des collectivités territoriales siègent au conseil territorial de santé compétent. Ils peuvent donc, à ce titre, contribuer à redéfinir les limites des territoires de santé.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Concernant les associations d’élus locaux, je rejoins les propos de Mme la rapporteure.

S’agissant de la représentation des organisations syndicales, je souligne d’abord que ces dernières sont membres de droit de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA), qui est l’instance régionale de démocratie sanitaire. Le CTS, en revanche, a avant tout vocation à être une instance opérationnelle. Cette dernière remarque s’adresse à mon propre ministère, mais nous devrons d’abord nous battre pour convaincre les organisations syndicales d’être parties prenantes de la CRSA et leur offrir des sujets de discussion, avant de chercher à les inclure dans le CTS.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Grosvalet et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

agence régionale de santé

Insérer les mots :

et les conseils départementaux concernés

La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Réécoutons les observations de certains des auteurs de cette proposition de loi : « La complexité de l’organisation locale de la santé par l’imbrication de strates ajoutées au gré des réformes entraîne plusieurs écueils : le manque de coordination entre les différents acteurs, noyés par l’enchevêtrement de dispositifs existants, la faible lisibilité du système pour les soignants et les Français, tout comme une perte d’efficacité globale, accompagnée d’une lassitude bureaucratique. »

Dans ce brouillamini, il est important que les départements, ès qualités, aient voix au chapitre. Ainsi, cet amendement, qui vise à associer automatiquement les conseils départements à la définition des territoires de santé, découle simplement du bon sens. Je parle aussi au nom de l’Assemblée des départements de France, qui m’a sollicité.

En effet, protection maternelle et infantile (PMI), schéma départemental pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, mais aussi attribution d’aides pour l’installation ou le maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires en offres de soins : les départements détiennent de multiples compétences.

Quand 87 % du territoire national est un désert médical, quand 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux et que 11 % des Français de 17 ans et plus n’ont plus de médecin traitant, il faut que les collectivités de proximité, au premier rang desquelles les départements, aient voix au chapitre. Il est plus qu’urgent de mettre tous les acteurs autour de cette table.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je suis très attachée aux conseils départementaux, qui, selon moi, incarnent avec les communes la proximité et qui, en cas de crise, savent faire preuve d’agilité. Cependant, ils peuvent être membres des CTS. Dans la rédaction de l’article 1er issue des travaux de l’Assemblée nationale, j’ai été gênée par cette composition pléthorique : selon moi, nous n’envoyions pas un bon signal en faisant débuter l’article 1er d’une proposition de loi visant à améliorer l’accès à la santé et aux soins par l’énumération de tous les membres d’un CTS. Nous pouvons bien sûr nous faire plaisir de la sorte, mais je ne suis pas sûre qu’une composition aussi pléthorique soit de nature à faciliter les décisions. Pour autant, l’article L. 1434-10 du code de la santé publique, que je viens de citer, dispose que les élus et les représentants des collectivités territoriales, dont les conseils départementaux, peuvent être membres des CTS. J’en suis ravie : nous avons autour de nous de nombreux exemples de l’implication des conseils départementaux dans les politiques de santé.

Par conséquent, l’avis est défavorable sur cet amendement, même si je suis consciente de l’importance des conseils départementaux et que je sais ce qu’ils apportent en matière d’accès aux soins, notamment grâce à des aides financières dont nous pourrons discuter ultérieurement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Je ne saurais mieux dire que Mme la rapporteure : avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Mon groupe n’avait pas déposé d’amendements sur l’article 1er, ayant été convaincu par Mme la rapporteure qu’il était superflu de dresser un inventaire à la Prévert des membres du conseil territorial de santé, et que ce sujet était plutôt d’ordre réglementaire : une assemblée pléthorique, en effet, ne paraissait pas souhaitable. Au-delà d’un certain effectif, on ne travaille pas forcément très bien et l’on finit par ne plus s’écouter.

Cependant, je tiens à soutenir cet amendement en particulier, puisqu’il insiste sur le rôle du département. Nous sommes nous aussi convaincus de l’importance du rôle de celui-ci dans les politiques de solidarité. Cela a été évoqué sur la PMI.

Adopter cet amendement, c’est soutenir le conseil départemental dans son rôle au quotidien auprès de toutes les personnes vulnérables.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je voterai moi aussi pour cet amendement.

Certes, madame la rapporteure, les collectivités locales sont associées, mais les départements jouent un rôle très important. Souvent, ils embauchent des médecins salariés dans les zones où l’on rencontre des problèmes d’accès aux soins. Les conseils départementaux connaissent donc parfaitement tous les cantons du département, dans les moindres détails.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je rappelle que les services départementaux de la PMI sont membres du conseil territorial de santé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Il est vrai que l’on est tenté d’ajouter à la liste des membres des conseils territoriaux de santé toutes les personnalités éminentes que l’on connaît !

Le fait est que les conseils départementaux sont présents dans ces structures. Certains présidents de conseil départemental sont même présidents de CTS. Inscrire les conseils départementaux dans le texte est donc sans doute inutile et superfétatoire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 97 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 192, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le I A est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le directeur général de l’agence régionale de santé et, lorsqu’il est constitué, le conseil territorial de santé garantissent la démocratie sanitaire sur le territoire, définie comme l’association de l’ensemble des acteurs de santé et l’ensemble des citoyens dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation permettant à chaque citoyen de devenir acteur de sa propre santé. » ;

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement fait écho à ceux qui ont déjà été présentés sur la question de la démocratie sanitaire. Il vise à définir celle-ci dans le texte, ainsi qu’à conserver ces termes et ce concept dans le chapitre du code de la santé publique concernant la territorialisation de la politique de santé.

L’objectif de cette proposition de loi, c’est la démocratie sanitaire. Cette expression est apparue dans les années 1990 dans le contexte de la lutte contre le sida, laquelle a constamment permis de moderniser cette démocratie sanitaire. Assumons donc ces termes, qui sont essentiels, même s’ils sont un peu plus compliqués que « territoires de santé ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable. Nous avons évoqué cette question il y a quelques minutes.

La démocratie sanitaire est effective sur un territoire de santé lorsque l’ensemble des acteurs sont réunis. Les différents acteurs de santé font partie des CTS. Le rôle assigné à ces conseils est d’animer les territoires de santé en réunissant les différents acteurs.

Si la commission a bien compris l’esprit de cet amendement, elle a estimé que les précisions de nature rédactionnelle qu’il vise à apporter sont dépourvues de portée opérationnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. L’amendement présenté par Mme Souyris vise à ce que la définition de la démocratie sanitaire ne disparaisse pas de cette partie du code de la santé publique à l’occasion de la simplification des termes. Je pense toutefois que, implicitement et nécessairement, cette définition irrigue l’intégralité de la proposition de loi.

Le Gouvernement s’en remettra donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 192.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 126, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

a) Le IA est ainsi modifié :

– après le mot : « responsable », il est inséré le mot : « collectivement » ;

– après le mot : « optimale », sont insérés les mots : « et de l’accès aux soins » ;

II. – Alinéa 8

Rétablir le a bis) dans la rédaction suivante :

a bis) Le second alinéa du I est remplacé par quinze alinéas ainsi rédigés :

« Le conseil territorial de santé est notamment composé :

« 1° Du représentant de l’État dans le département ;

« 2° Du directeur de l’agence régionale de santé ;

« 3° Des directeurs des organismes locaux d’assurance maladie compétents sur le territoire ;

« 4° Des députés et sénateurs élus dans le territoire concerné ;

« 5° De représentants des collectivités territoriales du territoire ;

« 6° De représentants des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux ;

« 7° De représentants des communautés professionnelles territoriales de santé ;

« 8° De représentants des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé ;

« 9° De représentants des professionnels de santé ;

« 10° Du guichet unique départemental d’accompagnement des professionnels de santé ;

« 11° De représentants des usagers.

« Le conseil territorial de santé est présidé par une personne élue parmi ses membres.

« Il garantit en son sein la participation des usagers, notamment celle des personnes en situation de pauvreté et des personnes en situation de handicap.

« Il veille à conserver la spécificité des dispositifs et des démarches locales de santé fondées sur la participation des habitants. Il comprend également une commission spécialisée en santé mentale. » ;

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. La commission des affaires sociales du Sénat a supprimé les alinéas de l’article 1er dans lesquels figurait la liste des différents représentants siégeant au sein des conseils territoriaux de santé.

Nous avons écouté vos arguments, madame la rapporteure, mais ils ne nous satisfont pas. Nous ne partageons pas votre avis.

Il nous semble important de faire figurer dans le texte la composition du conseil territorial de santé afin de favoriser l’adhésion de l’ensemble des parties prenantes en les identifiant clairement.

À l’inverse, en renvoyant la composition des conseils territoriaux au pouvoir réglementaire, nous prenons le risque de l’opacité et de la conflictualité.

La rédaction nouvelle de la commission mentionne uniquement les conseils départementaux des ordres professionnels. Même si ces ordres sont importants, les conseils territoriaux ne sont pas un espace qui leur est réservé, cela va de soi. Il nous faut aussi des représentants de collectivités territoriales du territoire. La présence du département est une demande des conseils départementaux, au vu de leurs compétences. Par ailleurs, des représentants des usagers sont également nécessaires.

Nous demandons donc le rétablissement de l’alinéa 8.

Mme la présidente. L’amendement n° 178, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

a) La première phrase du second alinéa du I est ainsi modifiée :

– après le mot : « concernés » sont insérés les mots : « des maires des communes du territoire concerné, » ;

– les mots : « élus des » sont remplacés par les mots : « groupements de » ;

– après le mot : « territoriales » sont insérés les mots : « de représentants de l’État et de ses services déconcentrés concernés, » ;

– après la deuxième occurrence du mot : « concerné », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « dont des représentants des conseils départementaux des ordres territorialement compétents, des représentants des communautés professionnelles territoriales de santé, des représentants des commissions médicales et comité sociaux des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux, de représentants d’usagers et de l’hôpital du secteur, ainsi que d’un membre du comité de massif concerné. » ;

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à rétablir des clarifications concernant la composition du conseil territorial de santé, ce qui était, me semble-t-il, l’objet central de l’article 1er de cette proposition de loi.

De la composition du CTS dépendra l’effectivité de la démocratie sanitaire dans nos territoires. Il faut mettre autour de la table tous les acteurs et toutes les actrices des territoires engagés dans la santé. Le CTS doit associer l’ensemble des maires plutôt que des représentants des élus des collectivités territoriales.

Il s’agit non pas que tous les maires assistent aux CTS, mais qu’ils puissent y être conviés et s’y exprimer si besoin. D’ailleurs, la visioconférence rend possible la participation de tous les maires aux CTS.

Ensuite, le CTS doit intégrer les représentants des services de l’État concernés, notamment dans les domaines de la santé environnementale – je pense à la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement – et de la santé scolaire, à savoir le rectorat.

Enfin, il est nécessaire d’intégrer au CTS, aux côtés des professionnels de ville, des représentants des hôpitaux via les commissions médicales d’établissement (CME) et les comités sociaux d’établissement (CSE) des établissements de santé.

Mme la présidente. L’amendement n° 217 rectifié, présenté par Mme Havet, MM. Patriat, Iacovelli, Théophile, Buis, Bitz et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Fouassin, Haye, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rohfritsch et Rambaud et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après la référence :

I,

insérer les mots :

après les mots : « élus des collectivités territoriales » sont insérés les mots : « et de leurs groupements » et

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Si les intercommunalités sont compétentes sur un grand nombre de déterminants de santé liés au cadre de vie, à l’accès aux services publics, à la lutte contre les inégalités sociales et territoriales et à l’adaptation de l’habitat, ainsi qu’aux enjeux du vieillissement, elles jouent également un rôle important en matière de promotion de la santé et de prévention. Elles intègrent aussi de plus en plus à leurs documents de planification, de mobilité et d’urbanisme les enjeux transversaux de santé globale.

C’est pourquoi il est proposé de les mentionner ici explicitement.

Mme la présidente. L’amendement n° 107 rectifié ter, présenté par M. Chasseing, Mme Lermytte, MM. Médevielle et Rochette, Mme L. Darcos, M. Capus, Mme Paoli-Gagin, MM. Brault, Wattebled et Malhuret, Mmes Bourcier et O. Richard et MM. Menonville, Nougein, Levi, Panunzi et Cadec, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après la référence :

I

insérer les mots :

après les mots : « mentionnés à l’article L. 2112-1, » sont insérés les mots : « des représentants des communautés professionnelles territoriales de santé définies à l’article L. 1434-12, » et,

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à assurer l’intégration des CPTS à la composition des conseils territoriaux de santé.

Les CPTS étant des actrices essentielles de la prise en charge des soins à l’échelon local, elles doivent être intégrées aux CTS, conformément à l’esprit de cette proposition de loi, qui vise à faire de ces derniers l’échelon central de l’organisation locale de la politique de santé.

Mme la présidente. L’amendement n° 220, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer le mot :

départementaux

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 179, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et après les mots : « ou de handicap », sont insérés les mots : « , et des associations de santé environnementale engagées sur le territoire concerné »

II. – Alinéa 10

Après le mot :

disponible

insérer les mots :

, sur les enjeux de santé environnementale

III. – Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le deuxième alinéa du II est complété par les mots et la phrase : « , et du plan régional santé environnement. Il peut élaborer un plan territorial de santé environnement. »

IV. – Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

, et aux zones souffrant de fragilités en santé environnementale

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise, d’une part, à prévoir que le conseil territorial de santé prend en compte les enjeux de santé environnementale, d’autre part, à renforcer la territorialisation des politiques de santé-environnement.

Grâce aux associations, aux lanceurs d’alerte et même aux pouvoirs publics, l’approche « santé-environnement » se développe largement en France depuis la conférence de Francfort en 1989, qui en forgea le concept. Les attentes de nos concitoyennes et de nos concitoyens à cet égard sont fortes. Faisons donc de ces enjeux des objets des CTS.

Malheureusement, l’action publique n’est pas encore à la hauteur, comme le rappellent les associations, qui critiquent le manque d’ambitions et de moyens du plan national santé-environnement 4 (PNSE 4), probablement parce qu’elle ne prend pas suffisamment en compte la réalité des territoires et qu’elle ne s’appuie pas assez sur les actrices et les acteurs de terrain.

Les meilleurs connaisseurs des territoires, ce sont les territoires eux-mêmes : donnons-leur les clés des politiques publiques de santé par la voix des CTS.

Cet amendement tend donc également à encourager le lien entre le CTS et le plan régional santé-environnement (PRSE), ainsi qu’à prévoir la création de plans territoriaux santé-environnement par les CTS.

Mme la présidente. L’amendement n° 79 rectifié, présenté par Mme Micouleau, M. Burgoa, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rétablir le a bis) dans la rédaction suivante :

a bis) À la première phrase du second alinéa du I, après les mots : « élus des collectivités territoriales », sont insérés les mots : « et de leurs groupements ».

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle en intégrant les intercommunalités aux conseils territoriaux de santé.

Mme la présidente. L’amendement n° 80 rectifié, présenté par Mme Micouleau, M. Burgoa, Mmes Bellurot et Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rétablir le a bis) dans la rédaction suivante :

a bis) À la première phrase du second alinéa du I, après les mots : « élus des collectivités territoriales » sont insérés les mots : « et de leurs groupements qui le souhaitent » ;

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement tend à associer l’ensemble des collectivités territoriales volontaires – je dis bien : volontaires – aux conseils territoriaux de santé et à leurs instances représentatives.

Mme la présidente. L’amendement n° 204, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 9 et 10

Rédiger ainsi ces alinéas :

b) Après le deuxième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil territorial de santé élabore le projet territorial de santé et assure le suivi et l’évaluation de sa mise en œuvre, en lien avec l’agence régionale de santé. Il définit notamment les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins. » ;

II. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- à la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « élaborés et » sont supprimés ;

III. – Alinéa 15

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

« 3° Après l’article L. 1434-10, il est inséré un article L. 1434-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1434-10-1. – Les professionnels de santé du territoire siégeant au sein du conseil territorial de santé s’organisent pour répondre aux objectifs prioritaires fixés à l’article L. 1434-10. Ils veillent à réduire les inégalités de densité démographique des différentes professions de santé en vue d’atteindre ces objectifs.

« Si l’organisation proposée ou les ressources disponibles ne permettent pas de répondre aux besoins définis par le diagnostic territorial de santé, le directeur général de l’agence régionale de santé, après consultation du conseil territorial de santé, met en œuvre des mesures pour améliorer l’accès aux soins, en s’appuyant sur :

« 1° Les établissements de santé publics ou privés, les établissements et services médico-sociaux, les centres de santé, les maisons de santé pluriprofessionnelles ou tout autre acteur du territoire pour proposer une offre de soins de premier recours, le cas échéant en salariant des médecins ;

« 2° L’organisation de consultations avancées de médecins de premier ou de deuxième recours dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1434-4 ;

« 3° La mise en place de dispositifs incitant à l’installation de professionnels de santé ou soutenant des actions d’amélioration de l’accès aux soins, en lien avec les collectivités territoriales et le guichet unique départemental d’accompagnement des professionnels de santé mentionné au 3° de l’article L. 1432-1 ;

« 4° La mobilisation des dispositifs conventionnels mentionnés à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. le ministre.

M. Aurélien Rousseau, ministre. Cet amendement vise à rétablir dans le texte une coconstruction et une responsabilité collective des acteurs à l’échelle du territoire. Pour que cela fonctionne, il est bien entendu nécessaire de réunir les acteurs au sein des instances dédiées. Toutefois, cela n’est pas suffisant : il faut que ces acteurs formalisent un projet commun et qu’ils prennent des engagements qui permettent d’apporter des réponses concrètes.

L’amendement du Gouvernement vise donc à réintroduire deux dispositions importantes du texte initial, sans lesquelles l’article 1er est en grande partie vidé de sa substance.

D’une part, le conseil territorial de santé doit être chargé d’élaborer le projet territorial de santé selon une logique de responsabilisation collective des acteurs. Ce projet déterminera les objectifs que l’ensemble des représentants souhaitent mettre en œuvre sur leur territoire, notamment les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins.

D’autre part, cet amendement vise, comme le prévoyait le texte initial, à confier aux professionnels de santé siégeant dans les CTS la responsabilité collective de s’organiser afin d’améliorer l’accès aux soins. Dans le cas où ces initiatives n’aboutiraient pas, l’amendement tend à rappeler les leviers dont l’ARS pourrait se saisir. Elle pourrait ainsi faire appel à l’ensemble des acteurs du territoire, professionnels des secteurs sanitaire et médico-social, collectivités territoriales ou assurance maladie.

Mme la présidente. L’amendement n° 195, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

b) Le II est ainsi modifié :

– après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil territorial de santé élabore le projet territorial de santé et assure le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de celui-ci, en lien avec l’agence régionale de santé. Il définit notamment les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins. Il définit également les objectifs prioritaires en matière de prévention et d’amélioration de l’espérance de vie sans incapacité. » ;

– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à faire du CTS l’organe chargé d’élaborer et de piloter le projet territorial de santé.

Actuellement, seules les CPTS sont censées être à l’origine de ce projet. Évidemment, les professionnels de santé doivent être au cœur de ce projet, de la même façon que les usagères et les usagers, les associations, les services publics de proximité, qu’il s’agisse des services municipaux, métropolitains, départementaux ou régionaux.

Trop souvent, les plans, les stratégies, les feuilles de route se superposent. Ils y perdent en clarté, en particulier sur les politiques publiques. Plus personne ne s’y retrouve.

Faisons donc simple ! Il faut, à l’échelle nationale, une stratégie nationale de santé, présentée par le Gouvernement, laquelle devrait être examinée par le Parlement, ce qui ne semble pas être le cas. Il faut ensuite un projet régional de santé à l’échelle régionale et un projet territorial de santé à l’échelle locale.

Mme la présidente. L’amendement n° 181, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- à la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « élaborés », sont insérés les mots : « par le conseil territorial de santé et les communautés professionnelles territoriales de santé, » ;

II. – Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- le huitième alinéa est supprimé ;

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement ayant un objet très proche de celui de l’amendement n° 195, je considère qu’il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je commencerai par les amendements nos 126, 178, 217 rectifié, 107 rectifié ter, 179, 79 rectifié et 80 rectifié.

L’article 1er vise à renforcer la capacité d’action des acteurs locaux. La commission considère qu’il faut maintenir la composition actuelle des CTS, centrée sur les acteurs de l’offre de soins, plutôt que de prévoir une composition pléthorique et de la détailler à l’excès dans le texte.

Les collectivités territoriales sont déjà membres des conseils territoriaux de santé puisque la loi prévoit que les représentants des élus y participent.

De plus, la liste des membres mentionnés dans le texte n’est pas exhaustive puisqu’il précise que le conseil territorial de santé comprend « notamment » les membres explicitement mentionnés. Il n’est donc pas fait obstacle à la participation de représentants des groupements de collectivités territoriales au conseil territorial de santé.

Enfin, la santé environnementale est une composante de la politique de santé mise en œuvre par les agences régionales de santé. Elle n’est pas niée et s’intègre dans une politique de santé plus globale. L’amendement n° 179 vise à lui donner un poids particulier en inscrivant dans la loi la participation des associations de santé environnementale aux conseils territoriaux de santé.

Les précisions que tendent à introduire ces amendements apparaissent peu justifiées. Pour ces raisons, la commission y est défavorable.

L’amendement n° 204 du Gouvernement vise à rétablir des dispositions qui ne conduisent pas à confier de nouveaux moyens d’action aux professionnels de santé du territoire. Ces dispositions n’offrent pas d’apport réel pour la dynamique territoriale. Elles se bornent à rappeler les objectifs prioritaires du conseil territorial de santé et les outils dont dispose déjà le directeur de l’agence régionale de santé pour organiser l’offre sur son territoire. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Monsieur le ministre, permettez-moi de relire un alinéa de votre amendement. Vous souhaitez insérer dans le code de la santé publique un article L. 1434-10-1 ainsi rédigé : « Les professionnels de santé du territoire siégeant au sein du conseil territorial de santé s’organisent pour répondre aux objectifs prioritaires fixés à l’article L. 1434-10. Ils veillent à réduire les inégalités de densité démographique des différentes professions de santé en vue d’atteindre ces objectifs. » Je ne doute pas de la volonté et de la capacité de ces acteurs, mais je pense que c’est là faire peser un poids très lourd sur leurs épaules.

Enfin, j’en viens aux amendements nos 195 et 181.

Il est essentiel que le conseil territorial de santé soit investi de missions réelles lui permettant de peser sur la mise en œuvre de la politique de santé à l’échelle locale. Toutefois, il importe aussi d’être vigilant et d’éviter la superposition des périmètres d’action, qui nuit à l’efficacité et à la lisibilité de l’action.

Je rappelle, mes chers collègues, que la loi prévoit que le conseil territorial de santé participe – participe ! – à l’élaboration du diagnostic territorial partagé et contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre du projet régional de santé. L’ajout d’une nouvelle mission consistant à élaborer un projet territorial de santé n’apparaît donc pas opportun.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. J’émets un avis favorable sur l’amendement rédactionnel de la commission.

Je partage l’avis de la rapporteure sur les amendements nos 126, 178, 217 rectifié, 107 rectifié ter, 179, 79 rectifié et 80 rectifié : ils tendent à figer la composition des CTS – ce dont il faut se garder –, alors même qu’on souhaite qu’une adaptation au terrain et au territoire soit possible. Il arrive par exemple qu’un syndicat mixte soit engagé depuis très longtemps sur ces sujets, à l’inverse d’un autre territoire.

L’amendement n° 195 de Mme Souyris va dans le sens de l’amendement n° 204 du Gouvernement. J’y suis donc favorable.

En revanche, je considère que l’amendement n° 181 ne va pas exactement dans le même sens puisqu’il tend à retirer à l’agence régionale de santé la possibilité de s’opposer à un projet territorial de santé s’il est manifestement incohérent. J’y suis donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 126.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 178.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 217 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 107 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 220.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 179.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 80 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 204.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 195.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 181.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 191, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le directeur général de l’agence régionale de santé assure la publicité des réunions du conseil territorial de santé par voie électronique sur le site internet de l’agence régionale de santé. » ;

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. La publicité des débats et des prises de décision est la clé de la démocratie. Nous le savons bien ici, l’article 32 du règlement du Sénat prévoyant que les séances du Sénat sont publiques.

Pour garantir la démocratie parlementaire, la règle est la publicité, le secret l’exception. Pour garantir la démocratie sanitaire, il doit en être de même.

Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Si le conseil territorial de santé est un espace d’échanges qui permet de faire vivre la démocratie sanitaire, il nous semble qu’il convient de laisser les acteurs membres du conseil territorial de santé décider des modalités de leur fonctionnement, notamment de ce qui doit faire l’objet d’une publicité.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la rapporteure. Les CTS pourront faire appel à l’ARS s’ils souhaitent assurer la publicité de leurs réunions, mais prévoir une telle obligation nous semble un peu contraire à l’idée même d’organisation des CTS.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 191.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 147, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

a bis) Le I est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les territoires de santé reposent sur les bassins de vie. » ;

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Je reviens sur le périmètre et la taille des territoires de santé.

L’amendement n° 147 est un amendement d’appel : j’ai bien conscience que la notion de bassin de vie n’est pas juridiquement très solide.

Pour que les territoires de santé ne soient pas, comme l’ont dit un certain nombre de collègues, des machins un peu pléthoriques où l’on s’écoute parler – je le dis de manière caricaturale –, pour qu’ils vivent véritablement et qu’ils permettent des dynamiques et des innovations territoriales, pour qu’ils puissent répondre aux besoins de nos concitoyens, pour que la responsabilité collective que vous souhaitez mettre en œuvre, monsieur le ministre, puisse être réellement opérante, pour que ces collectifs de travail puissent, madame la rapporteure, établir un diagnostic, mettre en œuvre le projet régional de santé et élaborer le projet territorial de santé, il faut qu’ils collent au terrain.

Si l’on délimite des territoires de taille XXL, de manière un peu technocratique, il ne s’y passera rien, on le sait bien.

Tel est le message que nous souhaitons faire passer par cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. À titre personnel, chère collègue, je vous rejoins un peu. Je suis élue d’un département qui, il n’y a pas si longtemps, comptait deux territoires de santé, jusqu’à ce qu’une décision administrative soit prise de n’en laisser subsister qu’un seul. Je comprends donc ce que vous voulez dire.

Les limites géographiques des territoires sont aujourd’hui définies par le directeur de l’agence régionale de santé. La plupart des territoires sont établis sur une base départementale, mais ils peuvent aussi avoir une dimension infradépartementale.

La proposition de loi prévoit de donner au conseil territorial de santé, qui est chargé de l’animation de ces territoires, une nouvelle compétence et de lui permettre de redéfinir les limites des territoires de santé, en cohérence avec les besoins de santé de la population et en fonction des problématiques propres au territoire.

Cet amendement apparaît donc en contradiction avec l’une des avancées de cette proposition de loi. C’est pourquoi la commission y est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Aurélien Rousseau, ministre. Je partage l’avis défavorable de Mme la rapporteure.

Dans de nombreux cas, le bassin de vie sera la bonne échelle, mais l’historique de l’organisation impliquera parfois des délimitations très différentes. Agnès Firmin Le Bodo, qui a fait le tour des CPTS, vous le confirmera. Il ne faut donc pas figer les choses en la matière.

Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je dois vous quitter pour me rendre à l’Assemblée nationale, où je vais assister à la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme la présidente. Bon courage, monsieur le ministre ! Et bienvenue, madame la ministre déléguée !

Je mets aux voix l’amendement n° 147.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 186, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Après la première phrase du II, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Si le diagnostic territorial de santé l’exige, peuvent être créées des commissions dédiées à l’atteinte des objectifs prioritaires définis au présent article. » ;

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. À ce jour, les conseils territoriaux de santé doivent comprendre une commission consacrée à la santé mentale. C’est une bonne chose, mais d’autres sujets pourraient nécessiter un travail poussé, technique, de fond, qui s’effectue plus facilement en commission, comme notre assemblée le sait bien. Je pense ainsi à la gériatrie, à la santé environnementale et au sport-santé.

Des commissions temporaires de surveillance et de veille de sécurité sanitaire pourraient également être constituées.

De telles commissions, qui devraient être ouvertes aux associations, ainsi qu’aux usagères et usagers, auraient été très utiles lors de l’épidémie de variole simienne.

Je vous propose ainsi de préciser que les CTS peuvent se doter de commissions sur les enjeux des territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Vous avez tout dit, ma chère collègue : elles « peuvent » !

La loi définit les objectifs prioritaires qui guident l’action des conseils territoriaux de santé. Il appartient ensuite au conseil territorial de les décliner par thématiques et de s’organiser pour définir les conditions de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation de ces objectifs.

La commission a donc considéré que ces modalités d’organisation pouvaient opportunément être laissées à la libre appréciation des acteurs. En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Je ne ferai pas une meilleure réponse que Mme la rapporteure. La loi permet déjà la création de telles commissions. Inscrire de nouveau une telle possibilité dans le texte en ferait une loi très bavarde. Certains CTS ont déjà plusieurs commissions.

Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme Anne Souyris. Je le retire, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 186 est retiré.

L’amendement n° 127, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il veille également à l’articulation du projet territorial de santé avec les schémas relatifs aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie mentionnés au neuvième alinéa de l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles. » ;

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement tend à prévoir une articulation des projets territoriaux de santé avec les schémas départementaux relatifs aux personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap, le projet territorial de santé étant un outil de mise en cohérence des projets des différents acteurs et d’organisation des coopérations sur le territoire.

L’objectif est de lutter contre les ruptures de parcours, ce qui suppose une amélioration de la coordination des différents partenaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je comprends tout à fait l’esprit de cet amendement. Je suppose que, dans de nombreux départements de France, l’agence régionale de santé, par la voix de son représentant, le directeur départemental ou son adjoint, est associée, de A à Z, à l’élaboration des schémas départementaux relatifs aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie ou encore à l’enfance.

En 2016, le schéma régional de santé a été fusionné en un schéma unique, combinant le schéma régional d’organisation des soins et le schéma régional d’organisation médico-sociale. Ce schéma unique repose sur une évaluation des besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux, assurant la cohérence de l’organisation des soins à la fois dans les domaines de la santé et du médico-social, en particulier en ce qui concerne la dépendance et le handicap.

De plus, la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées réunit le président du conseil départemental ou son représentant et le directeur général de l’ARS, qui en assure la vice-présidence. Il est donc clair que, au niveau départemental, les services du conseil départemental responsables de la politique publique en matière d’autonomie collaborent étroitement avec les représentants de l’ARS.

Par conséquent, la cohérence des schémas sanitaires et médico-sociaux est déjà assurée. À mon sens, l’objectif de cet amendement est atteint, et j’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Tout comme la rapporteure, je ne peux que partager votre attention à la cohérence des schémas et programmes portant sur des sujets parfois connexes. En ce qui concerne le schéma relatif à l’autonomie et celui qui concerne les personnes en situation de handicap, en tant que conseillère départementale et ancienne première vice-présidente d’un département chargée de ces sujets, je peux vous assurer que les différents partenaires travaillent ensemble à l’élaboration de ces projets, d’autant qu’ils y ont intérêt notamment parce qu’il y a des financements croisés.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Brulin, l’amendement n° 127 est-il maintenu ?

Mme Céline Brulin. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 127 est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 180, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après les mots :

offre de soins insuffisante

insérer les mots :

notamment une offre de soins sans dépassement d’honoraire au regard des besoins et des problématiques de santé identifiées sur le territoire

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Selon un sondage réalisé en 2016 par l’Institut français d’opinion publique (Ifop), le coût des consultations médicales a été identifié comme l’une des raisons du renoncement aux soins pour 40 % des jeunes de 18 à 25 ans. En 2018, un sondage BVA a révélé que plus de trois Français sur dix avaient renoncé à se soigner en raison de contraintes financières.

Il est clair que le coût des soins a un impact significatif sur l’accès aux traitements médicaux, en particulier pour les jeunes. Il faut se rendre à l’évidence : la présence uniquement de médecins conventionnés en secteur 2 sur un territoire ne suffit donc pas à garantir l’accès aux soins pour l’ensemble de la population ; seule l’offre de soins proposée par les médecins conventionnés en secteur 1 importe pour améliorer l’accès aux soins pour tous. C’est pourquoi nous devons la prendre en compte dans le diagnostic territorial.

Mme la présidente. L’amendement n° 81 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Burgoa, Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après les mots :

offre de soins insuffisante

insérer les mots :

, notamment une offre de soins sans dépassement d’honoraire,

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à prendre en compte le conventionnement médical des praticiens, en particulier en secteur 1, dans l’appréciation de l’offre de soins.

Mme la présidente. L’amendement n° 82 rectifié, présenté par Mme Micouleau, M. Burgoa, Mmes Bellurot et Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après les mots :

offre de soin insuffisante

insérer les mots :

, notamment au regard des besoins et des problématiques de santé identifiées sur le territoire,

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à la prise en compte des problématiques particulières, sociales, économiques, environnementales ou géographiques, dans la qualification de l’offre de soins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. S’il est important de définir les conditions dans lesquelles s’apprécie une insuffisance de l’offre de soins et des difficultés dans l’accès aux soins sur un territoire, il convient d’en avoir une vision aussi globale que possible.

Ces trois amendements paraissent quelque peu superflus pour deux raisons : d’une part, le cadre relatif à la définition des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante est déjà fixé par la loi, et ces zones sont arrêtées par le directeur général de l’ARS après concertation avec les professionnels de santé ; d’autre part, le CTS a justement pour mission d’identifier les besoins et problématiques de santé spécifiques au territoire, qui figurent dans le diagnostic territorial partagé. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Les diagnostics territoriaux établis par les CTS, en concertation avec les acteurs du territoire, avec toutes les parties prenantes – dont les élus et les professionnels de santé – prennent en compte l’ensemble des caractéristiques des territoires concernés. Il n’est pas besoin que la loi précise de manière trop détaillée lesquelles prendre en compte ou non à la place des acteurs des territoires. C’est pourquoi nous demandons le retrait des amendements nos 180 et 81 rectifié, faute de quoi l’avis sera défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 82 rectifié, je rappelle que la loi dispose déjà que le diagnostic territorial partagé a pour objet d’identifier les besoins sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la population concernée et donne de nombreuses précisions sur son contenu. Cet amendement me semble donc déjà satisfait, et le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, j’émettrai à un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 180.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme Brigitte Micouleau. Je retire l’amendement n° 81 rectifié, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 81 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 82 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote sur l’article.

M. Bernard Jomier. Nous allons nous abstenir sur cet article. Cette proposition de loi, portée, sinon soutenue par le Gouvernement, a pour ambition d’améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

En règle générale, l’article 1er d’un texte porte une orientation forte. Ici, le premier article de ce texte porte sur les CTS, et concernait notamment leur composition, avant que la rapporteure, comme l’a rappelé Émilienne Poumirol, ne supprime les longs catalogues qu’il comportait.

Je ne sais pas quels professionnels de santé vont être incités à s’engager davantage dans la lutte contre la désertification médicale par ce travail autour des CTS. Certes, ceux-ci sont des lieux importants de démocratie sanitaire et ont une fonction de concertation, de partage de thématiques et de mise en réseau. Mais il leur manque un pied, sans lequel il n’y a pas de vraie démocratie sanitaire : la capacité décisionnelle.

C’est une marque de cet édifice qu’est notre démocratie sanitaire : nous mettons en place une multitude d’instances et, à l’heure de la décision, celles-ci n’ont pas de levier décisionnel. L’article 1er de ce texte ne prévoit aucun levier décisionnel supplémentaire pour les CTS, pas plus que le Gouvernement n’en propose. C’est une carence profonde. Plusieurs d’entre vous, dont M. le ministre, ont fait référence à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de covid-19. Durant cette pandémie, ces instances n’ont jamais été sollicitées – jusqu’au président de la Conférence nationale de santé, qui est au sommet de l’édifice, et qui nous l’a dit ici, au Sénat.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote sur l’article.

Mme Véronique Guillotin. Je m’abstiendrai également sur cet article, n’étant pas convaincue de l’efficacité concrète des CTS, qui sont un organisme compliqué à appréhender, parmi nombre d’autres structures comme les communautés professionnelles territoriales de santé, les équipes de soins primaires, etc. Il y a de nombreuses strates, avec des périmètres géographiques différents. Nous faisons bien d’élaguer dans cette pléthore d’instances.

Je suis convaincue que la démocratie sanitaire et la décentralisation doivent être développées. Mais il faut simplifier davantage, avec une gouvernance claire et des moyens pour agir au sein de ces CTS.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Après l’article 1er

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 (Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 202, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le 11° de l’article L. 1411-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’amélioration de l’espérance de vie sans incapacité. » ;

2° Après l’article L. 1411-5-3, il est inséré un article L. 1411-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-5-. - Il est fixé comme objectif de santé publique de faire progresser de deux années l’espérance de vie sans incapacité des Français à l’échéance de 2030.

« Afin de mesurer l’efficacité des politiques publiques en faveur de l’amélioration de l’état de santé de la population, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’espérance de vie sans incapacité. Ce rapport favorise notamment une comparaison avec l’ensemble des pays de l’Union européenne et un diagnostic de santé environnement permettant de mieux comprendre les déterminants de santé et de lutter contre les inégalités d’espérance de vie. »

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. En France, l’espérance de vie en bonne santé était de 63,9 ans en 2020, contre 72 en Suède, 67 en Italie, 66 en Espagne et 65 en Grèce. L’espérance de vie en bonne santé doit être un objectif central de l’action publique, au moins autant que l’évolution du PIB ou la note de crédit du pays.

Pour faire progresser l’espérance de vie en bonne santé, il faut penser globalement la santé : prévention, santé environnementale, lutte contre les inégalités. Mettons ces enjeux au cœur des politiques publiques ! Cet amendement a pour objet d’inclure dans la loi un objectif chiffré d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé : deux ans de plus d’ici à 2030. Il vise aussi à prévoir une présentation annuelle au Parlement des avancées en la matière.

Mme la présidente. L’amendement n° 34 rectifié ter, présenté par MM. Burgoa, Lefèvre, Bouchet et Sol, Mme Goy-Chavent, MM. H. Leroy, Menonville, Tabarot et Genet, Mme Ventalon, M. D. Laurent, Mme Muller-Bronn, M. Belin, Mme Guidez et MM. Pointereau, Cambon, Hingray et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le 11° de l’article L. 1411-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’amélioration de l’espérance de vie sans incapacité. » ;

2° Après l’article L. 1411-5-3, il est inséré un article L. 1411-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-5-…. – Il est fixé comme objectif de santé publique de faire progresser de deux années l’espérance de vie sans incapacité des Français à échéance 2030.

« Afin de mesurer l’efficacité des politiques publiques en faveur de l’amélioration de l’état de santé de la population, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l’espérance de vie sans incapacité. Ce rapport favorise notamment une comparaison avec l’ensemble des pays de l’Union européenne. »

La parole est à Mme Anne Ventalon.

Mme Anne Ventalon. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’espérance de vie sans incapacité est un indicateur suivi par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et fait l’objet de publications régulières. Bien évidemment, c’est un objectif de santé publique, et l’atteindre suppose de développer encore la prévention. Pour autant, la commission a estimé que fixer un objectif de progression de deux ans de cet indicateur d’ici à 2030 n’aurait guère d’impact concret. Le code de la santé publique prévoit déjà que la politique de santé s’attache à surveiller l’état de santé de la population et à promouvoir la santé dans tous les milieux de vie.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 202, tout comme sur l’amendement n° 34 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. La nouvelle stratégie nationale de santé 2023-2033, qui sera publiée prochainement, prévoit de fixer une cible plus ambitieuse que les deux ans que vous proposez, madame la sénatrice, puisqu’elle vise une augmentation de trois ans de l’espérance de vie à l’horizon 2033. Des politiques de prévention existent déjà. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 202.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 84 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Burgoa, Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1434-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sur le territoire des métropoles relevant de l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, des communautés urbaines relevant de l’article L. 5215-20 du même code à statut particulier mentionnées aux articles L. 2512-1 et L. 3641-1 dudit code, le projet régional se décline sous la forme d’un projet métropolitain de santé, qui est co-élaboré par le directeur général de l’agence régionale de santé et le représentant de la collectivité ou du groupement mentionné à cet alinéa. »

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à la création d’un volet métropolitain du projet régional de santé coélaboré et coadopté par les l’ARS et les élus des territoires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable, puisque cet amendement tend à faire valoir la spécificité des métropoles et des communautés urbaines pour leur donner un poids spécifique dans la déclinaison des politiques de santé. Son adoption reviendrait à créer un nouveau projet métropolitain de santé. L’enjeu est plutôt de simplifier le cadre existant, pour favoriser la lisibilité et l’efficacité de l’action en santé à l’échelle locale. De plus, les collectivités territoriales étant membres des CTS, il leur appartient de développer des actions dans ce cadre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 84 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 122 rectifié ter, présenté par MM. Haye, Patriat et Lemoyne, Mme Schillinger, MM. Iacovelli, Rohfritsch et Buis, Mmes Havet et Duranton, M. Omar Oili, Mme Cazebonne, M. Fouassin, Mme Nadille, MM. Bitz, Buval, Kulimoetoke, Lévrier, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1434-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque année, le directeur général de l’agence régionale de santé, ou son représentant, présente au conseil territorial de santé les données, actualisées à l’année n-1, quantitatives relatives à l’offre de soin et qualitatives relatives à l’accès aux soins. »

La parole est à M. Olivier Bitz.

M. Olivier Bitz. Cet amendement a pour objet d’améliorer la communication des informations permettant de définir les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante. En effet, les acteurs des territoires, et en particulier les élus locaux, manquent parfois d’information, ce qui les empêche d’apprécier pleinement la situation sur leur territoire. Cet amendement vise à lever cette difficulté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable, madame la présidente. Il est important que les acteurs de la politique de santé à l’échelle régionale puissent disposer de données leur permettant d’apprécier la situation de l’offre de soins et de données aussi actualisées que possible. Ces informations éclairent les décideurs publics et contribuent à définir les orientations de la politique de santé. Toutefois, il importe aussi de proposer des dispositifs réalistes. Cet amendement propose une actualisation du zonage tous les ans, ce qui paraît très ambitieux… Un autre amendement vise à procéder à une actualisation tous les deux ans, ce qui semble plus faisable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Comme cet amendement me semble satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Il vise à ce que les ARS présentent chaque année à leur CTS les données quantitatives de l’offre de soins et les données qualitatives relatives à l’accès aux soins. Les présidents des CTS associent étroitement les directeurs d’ARS à leurs travaux et ils sont libres de leur demander de présenter tout état des lieux en matière de santé sur le territoire, qu’il s’agisse de l’état de santé de la population, des dispositifs de prévention, de l’accès aux soins ou de l’offre sanitaire et médico-sociale.

M. Olivier Bitz. Je retire cet amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 122 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 190 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 3411-7 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les professionnels de santé concourent au diagnostic, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de la politique de réduction des risques et des dommages et d’amélioration de l’accès aux soins des usagers de drogues. »

II. – Le I de l’article 43 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le directeur général de l’agence régionale de santé et le conseil territorial de santé présentent aux professionnels des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogue mentionnés à l’article L. 3411-9 du code de la santé publique, des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie mentionnés à l’article L. 3411-6 du même code, et des services hospitaliers d’addictologie présents sur leur territoire de ressort, les modalités d’ouverture de l’espace de réduction des risques prévu par l’expérimentation. »

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à répondre à une question simple. Alors que, depuis treize ans, la politique de réduction des risques et des dommages fait partie du code de la santé publique, comment expliquer que les dispositifs ne prennent pas l’envergure qu’ils devraient prendre ?

À Paris, il y a grand besoin d’un dispositif renforcé de réduction des risques en matière d’usage de drogue notamment. Nous avons besoin de lieux de consommation supervisée, de prise en charge sanitaire et sociale, d’hébergements.

Dans quelques mois, nous accueillerons les jeux Olympiques et Paralympiques. Pouvons-nous nous regarder en face et nous dire qu’alors nous préférerons déplacer les usagères et usagers de drogue en province plutôt que de les aider à se soigner ? Il y a clairement un trou dans la raquette.

Partager les dispositifs disponibles avec les professionnels de santé, renforcer leur rôle dans le diagnostic, l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des dispositifs améliorera la situation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable. La première partie de l’amendement concerne la participation des professionnels de santé à la politique de réduction des risques liés aux drogues. Elle est satisfaite par les dispositifs existants. Sa seconde partie porte sur l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque. Elle n’a pas fait l’objet d’une concertation avec les acteurs concernés, et notamment les ARS. Celles-ci sont déjà très sollicitées ; il ne semble donc pas opportun de leur attribuer cette nouvelle mission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je comprends la nécessité d’un dialogue sur cette expérimentation en cours jusqu’en 2025, mais cela ne mérite pas d’être écrit dans la loi.

Les ARS assurent déjà ce dialogue avec les professionnels, mais aussi avec les associations de prévention, sur l’offre de réduction des risques et des dommages et sur l’offre de soins en faveur des usagers de drogue dans leur territoire. Dans ce cadre, les haltes « soins addictions » sont évoquées, puisqu’elles font partie des outils existants.

Au-delà de ces échanges réguliers, les travaux en cours dans le cadre du renouvellement des schémas régionaux de santé ont été de nouveau l’occasion d’interroger le diagnostic et l’offre de chaque territoire sur la problématique des addictions, dans le cadre d’une large concertation avec les parties prenantes. Grâce à ce travail, des projets de haltes « soins addictions » émergent, à des stades plus ou moins avancés, pour enrichir l’expérimentation. Nous examinerons ces projets avec intérêt lorsque nous en serons saisis par les autorités régionales.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 190 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 202 et n° 34 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 bis (début)

Article 2

(Suppression maintenue)

Article 2 (Supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 bis (interruption de la discussion)

Article 2 bis

Les professionnels de santé ayant bénéficié des aides à l’installation et des exonérations relevant des catégories suivantes ne peuvent à nouveau être éligibles aux aides à l’installation et aux exonérations relevant de la même catégorie qu’à l’expiration d’un délai de dix ans :

1° Les aides à l’installation mentionnées à l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales ;

2° Les exonérations prévues aux articles 44 sexies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quindecies du code général des impôts ;

3° Les aides financières à l’installation au titre de la convention prévue à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.

Un décret détermine les conditions d’application du présent article.

Mme la présidente. Les amendements nos 94 rectifié bis et 93 rectifié bis, qui font l’objet d’une discussion commune, ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 25, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an après la publication du décret pris en application du présent article, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les effets des présentes dispositions. Ce rapport d’évaluation est assorti de propositions d’amélioration pour lutter contre le nomadisme des professionnels de santé et évalue, s’il y a lieu, l’opportunité de la mise en place d’une base de données nationale enregistrant notamment les professionnels de santé ayant bénéficié des aides visées au 1° de présent article.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Je sais que notre commission, comme le Sénat en général, n’aime pas beaucoup les demandes de rapport. Mais on assiste parfois à un véritable tourisme, puisqu’un certain nombre de médecins viennent dans des zones de revitalisation rurale (ZRR), touchent des subventions, bénéficient d’un certain nombre de facilités, avant de s’en aller ailleurs. Par cet amendement, nous demandons la remise au Parlement d’un rapport évaluant la possibilité d’une supervision centralisée des aides ou, à tout le moins, permettant de savoir si un médecin qui arrive dans une région ou dans un département a déjà bénéficié d’aides ailleurs. Une forme de traçabilité des aides touchées par les médecins qui s’installent serait une bonne chose. Nous avons tous subi ce tourisme médical, auquel j’essaye modestement de trouver une solution, par l’information des élus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est défavorable, car nous ne recevons malheureusement presque jamais les rapports que nous demandons. Mais votre préoccupation est reflétée, dans le texte, par la limitation dans le temps des aides octroyées à l’installation, pour évider le nomadisme, que nous réprouvons tous.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. C’est en effet un sujet de préoccupation pour tous. Nous pourrons avoir une vue d’ensemble sur les professionnels de santé demandeurs de ces aides avec la mise en place du guichet unique – et grâce à la deuxième mesure évoquée par la rapporteure dans son propos liminaire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. L’amendement présenté par Nathalie Goulet souligne notre défaut d’information sur cette question des aides. Le travail fait par la commission a abouti à une proposition formulée par la rapporteure, plus satisfaisante, car plus restrictive, que le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Pour autant, une vision d’ensemble est nécessaire, ainsi que l’évaluation des dispositifs. Cela serait possible si ce texte était un projet de loi et non une proposition de loi. Le Gouvernement ne cesse de nous présenter des textes et de se cacher derrière des propositions de loi. Résultat : 200 amendements sur une proposition de loi, et pas d’évaluation sur des dispositifs complexes.

Nathalie Goulet pose une vraie question.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Le guichet unique et la limitation dans le temps sont bienvenus, mais il faut aussi une limitation dans l’espace. Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement est adopté.) - (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SER.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, avant que vous ne suspendiez la séance, j’indique aux membres de la commission des affaires sociales que nous tiendrons une réunion pour examiner la fin des amendements à la suspension du soir.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 2 bis (début)
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Discussion générale

3

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement et a trait à une proposition de résolution signée par quatre présidents de groupe de cette assemblée – les présidents Retailleau, Malhuret, Patriat et moi-même.

Nous avons observé avec étonnement que cette proposition de résolution n’avait pas été inscrite à l’ordre du jour par le Gouvernement, et ce sans que nous en soyons prévenus en tant que signataires – en tout cas, je ne l’ai pas été, en dépit de mon souhait de l’être –, ce qui marque tout de même une certaine réserve à l’égard du Parlement.

Cette proposition de résolution indiquait des choses simples : elle qualifiait les faits qui viennent de se produire au Proche-Orient de crimes contre l’humanité et indiquait que le Hamas était un mouvement terroriste qui s’était comporté de façon ignoble. Nous demandions que ces crimes puissent faire l’objet d’une instruction de la part de la France devant la justice internationale. En effet, ce qui a été fait pour les Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan peut l’être en faveur des populations massacrées en Israël.

En outre, à la faveur de cette proposition de résolution, nous aurions pu non seulement débattre, mais aussi voter, ce qui ne sera pas le cas aujourd’hui.

En effet, en application de l’article 50-1 de la Constitution, il nous est proposé un débat, qui consiste en une succession de discours non suivie d’un vote. Dans ce cas, on ignore ce que les uns et les autres pensent.

Monsieur le président, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous allons débattre – c’est mieux que rien ! –, mais nous regrettons véritablement de ne pas avoir eu cette discussion dans le cadre de cette proposition de résolution et, surtout, de ne pas voter – c’est là le principal objet de mon intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et Les Républicains. M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

4

Situation au Proche-Orient

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la situation au Proche-Orient.

La parole est à Mme la Première ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ces dernières semaines ont été marquées par un retour brutal et tragique de la violence au Proche-Orient. Un retour aux conséquences lourdes, qui inquiète beaucoup de nos concitoyens.

Dans ce contexte, vos interrogations sont légitimes et débattre de la situation était un impératif démocratique.

Je voudrais insister sur le caractère extrêmement évolutif de la situation, ce qui est évidemment le cas avec le déplacement, en ce moment même, du Président de la République.

Comme je l’ai fait hier à l’Assemblée nationale, je ne peux pas m’exprimer devant vous sans commencer par revenir sur les faits.

Le 7 octobre dernier, une attaque terroriste barbare a été menée par le Hamas et le Djihad islamique contre l’État d’Israël.

Des crimes odieux ont été commis. Des centaines de civils ont été massacrés. Des jeunes ont été sauvagement assassinés lors d’une fête. Des actes monstrueux ont été perpétrés dans des kibboutz, comme à Be’eri, Kfar Aza ou Réim. Avec une brutalité sauvage, des femmes, des hommes, des personnes âgées, des enfants ont été enlevés ou assassinés.

Au total, près de 1 400 personnes ont été tuées dans les attaques terroristes de ce mois d’octobre. Et si quatre otages ont été libérés, plus de deux cents personnes sont encore retenues. Parmi les victimes, trente de nos compatriotes ont été tués et neuf sont encore retenus en otage ou portés disparus.

Cette attaque n’était en rien comparable aux épisodes de violence, comme il y en a malheureusement eu d’autres dans l’histoire de cette région. Ce déchaînement de barbarie, commandité et mis en œuvre par le Hamas, montre un changement de nature et d’échelle.

Il s’agissait d’une action complexe et préméditée, qui visait à atteindre Israël et sa population en son cœur.

Avant de poursuivre mon propos, je tenais à rappeler ce bilan.

Tout comme le Président de la République a eu l’occasion de le faire encore ce matin, et comme je l’ai déjà fait devant vous, je veux exprimer, une nouvelle fois, ma solidarité envers le peuple israélien dans cette épreuve.

Je veux avoir une pensée particulière pour nos ressortissants, notamment pour les victimes françaises et les disparus, pour leurs proches et leurs familles.

Dès son arrivée en Israël ce matin, le Président de la République a rencontré individuellement les familles des victimes et des disparus pour les assurer de notre plein soutien comme de notre accompagnement dans le deuil et l’inquiétude.

Nous sommes à leurs côtés. Nous partageons leur peine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, minimiser, justifier voire absoudre le terrorisme, c’est accepter qu’il frappe de nouveau demain, en Israël, en France ou partout ailleurs.

Nous ne devons faire preuve d’aucune ambiguïté face à de tels crimes.

Le Président de la République l’a encore affirmé avec force tout à l’heure aux côtés du Premier ministre israélien : Israël a droit à la sécurité, Israël a le droit de se défendre dans le respect du droit international.

Ceux qui confondent le droit du peuple palestinien à disposer d’un État et la justification du terrorisme commettent une faute morale, politique et stratégique.

Soyons très clairs : le Hamas ne porte pas la cause palestinienne. L’Autorité palestinienne est notre interlocuteur légitime, qui se bat depuis des années pour la paix et qui a besoin de notre soutien. Le Président de la République s’entretient d’ailleurs, en ce moment même, avec le président Mahmoud Abbas à Ramallah.

En agissant comme il l’a fait, le Hamas a exposé délibérément, de manière criminelle et cynique, toute la population de Gaza. Il utilise les populations civiles comme bouclier humain. Il met en péril les espoirs de paix dont le peuple palestinien a tant besoin.

Si je souhaitais commencer par rappeler le bilan tragique des attaques terroristes de ce mois d’octobre, si je m’apprête à évoquer les milliers de victimes civiles de Gaza et la situation humanitaire épouvantable dans la zone, c’est parce que nous ne devons pas perdre de vue l’ampleur et la gravité de la crise qui se joue.

Il y a des morts. Il y a des familles brisées.

C’est une tragédie.

Je l’ai dit clairement hier : il n’y a pas de victimes qu’il conviendrait de pleurer moins que d’autres.

Il n’y a pas de vies qui valent moins que d’autres.

Nous sommes aussi aux côtés des familles palestiniennes endeuillées.

Dans chacune de nos interventions, nous aurons l’occasion de faire entendre nos sensibilités politiques et nos différences. Mais face à la gravité de la situation, j’ai confiance dans le Sénat pour débattre en responsabilité, avec la mesure et la hauteur de vue qui caractérisent cette assemblée et que la situation exige.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le 7 octobre, le Président de la République a été en contact très étroit avec les autorités israéliennes.

Il a porté un message clair, qu’il a encore répété tout à l’heure : Israël a évidemment le droit de se défendre face au terrorisme. Les civils doivent être épargnés. La réponse militaire doit se faire dans le respect du droit international, notamment du droit international humanitaire. Les populations ne doivent pas payer pour les crimes des terroristes.

Notre pays ne connaît que trop bien le lourd tribut des attentats. Nous devons l’affirmer avec force : dans la lutte contre le terrorisme, il ne s’agit jamais de se renier. Si le terrorisme doit être combattu, la réponse des démocraties doit être juste.

Même dans les combats les plus durs, les plus âpres, nous ne devons jamais perdre de vue ce qui fait de nous des démocraties. Notre amitié et notre solidarité avec le peuple israélien nous obligent à formuler cet appel : Israël ne doit pas tomber dans le piège du Hamas.

Plusieurs milliers de Palestiniens sont morts à Gaza, dont plus de 2 000 enfants. Des journalistes et plusieurs dizaines d’employés des Nations unies ont été tués. Les deux millions d’habitants de Gaza sont dans une situation d’une extrême gravité. Ces milliers de vies fauchées nous touchent au cœur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce contexte, le Gouvernement est mobilisé sur plusieurs fronts et nous avons pris ces derniers jours les mesures urgentes et immédiates qui s’imposaient.

Tout d’abord, nous agissons depuis la première heure pour la sécurité de nos ressortissants.

Une cellule a immédiatement été activée au centre de crise du ministère des affaires étrangères. Les services du Quai d’Orsay, notre ambassade, notre consulat général à Tel-Aviv et notre consulat général à Jérusalem travaillent jour et nuit pour assurer un soutien aux familles de nos compatriotes portés disparus ou tués dans les attaques.

Bien sûr, nous accordons une attention particulière aux familles des disparus. Je l’ai dit, le Président de la République s’est entretenu avec elles ce matin, dès son arrivée en Israël. Nous sommes en lien permanent avec ces familles pour répondre à leurs inquiétudes.

S’agissant des otages, le Président de la République a rappelé aujourd’hui que notre première priorité était leur libération. Nous mettons tout en œuvre pour l’obtenir au plus vite et sans condition.

Nous sommes par ailleurs en lien avec la communauté française qui est sur place pour lui apporter le soutien nécessaire.

En deux semaines, la France a permis à 3 600 de nos compatriotes de rejoindre le territoire national depuis Israël, grâce à l’affrètement de moyens civils et au soutien de nos armées.

Je n’oublie pas les dizaines de Français bloqués à Gaza, dans des conditions extrêmement précaires. Nous gardons un contact très régulier avec eux. Nous poursuivons nos efforts pour qu’ils puissent quitter la zone.

Permettez-moi de rendre une nouvelle fois hommage aux diplomates, aux militaires, aux fonctionnaires français, engagés sans compter dans cette situation très éprouvante.

Ensuite, la France est mobilisée pour venir en aide aux populations de Gaza.

À Gaza, nous devons regarder en face l’ampleur de la catastrophe humanitaire en cours. Plus d’un million de personnes ont été déplacées. L’accès aux services essentiels est quasiment interrompu. La nourriture et le fioul manquent. Les civils n’ont plus d’eau. Les hôpitaux sont saturés. Personne ne peut rester insensible face à ce drame humanitaire.

Derrière l’ampleur des bilans macabres, il y a des femmes et des hommes. Il y a des familles. Il n’y a pas de nationalité, d’origine ou de religion qui vaille pour mesurer la gravité des événements quand des civils meurent.

Chaque vie civile perdue est un échec pour la communauté internationale. Les populations palestiniennes ne peuvent être abandonnées à leur propre sort. Notre solidarité avec elles ne saurait être mise en doute.

C’est pourquoi nous demandons une trêve humanitaire qui permette un accès sûr et immédiat pour l’acheminement d’eau, de nourriture, de fioul, ainsi que d’aide humanitaire et médicale à Gaza. Cet accès doit se faire sous l’égide des Nations unies et la sécurité des personnels humanitaires doit être garantie.

Même si plusieurs convois ont désormais pu franchir la porte de Rafah, entre l’Égypte et la bande de Gaza, c’est encore insuffisant. Nous appelons à ce que la porte de Rafah reste ouverte pour qu’une aide à la hauteur de la situation puisse être fournie aux populations civiles.

Comme l’a souligné la ministre Catherine Colonna au Caire ce week-end, la distribution d’aide exige une trêve humanitaire qui pourra mener à un cessez-le-feu.

Nous demandons cette trêve au plus vite.

C’est un point important, et je le répète face aux contrevérités diffusées notamment par la propagande russe : au Conseil de sécurité des Nations unies, la France a soutenu le projet de résolution présenté par le Brésil dans cet objectif.

La ministre des affaires étrangères est aujourd’hui à New York, précisément pour faire avancer les négociations au Conseil de sécurité. Nous appelons à mettre fin le plus vite possible à cette période de violence.

De plus, comme le Président de la République l’a affirmé tout à l’heure, l’urgence est à rétablir l’électricité dans les hôpitaux.

La France a toujours soutenu les populations civiles palestiniennes. Elle a ainsi fourni près de 100 millions d’euros d’aide pour les Palestiniens en 2022. Cette aide est concentrée sur des secteurs vitaux : l’eau, la santé, l’éducation, l’agriculture.

Face à la situation actuelle, comme l’a annoncé le Président de la République, nous avons décidé d’une aide supplémentaire de 10 millions d’euros et nous enverrons prochainement un avion de fret humanitaire pour soutenir la population de Gaza.

En outre, face à l’urgence, l’Union européenne a répondu présent : le montant de son aide humanitaire à Gaza a été triplé et deux vols ont permis d’acheminer plus de cinquante tonnes d’aide à la frontière.

Le Conseil européen de cette fin de semaine sera l’occasion de revenir sur le sujet et de faire un point sur le soutien que l’Europe peut apporter.

Puisque j’évoque l’aide que nous apportons à la population palestinienne de Gaza, je voulais en profiter pour revenir sur certaines questions soulevées ces derniers jours.

Il est légitime de s’interroger et de veiller à ce que notre aide humanitaire ne puisse pas tomber entre de mauvaises mains. Pour autant, gardons-nous de jugements hâtifs et définitifs, qui ne se fondent que sur une vision biaisée des faits.

Comme je l’ai dit hier, les procédures mises en place pour éviter tout détournement de notre aide par le Hamas ou le Djihad islamique sont strictes et scrupuleusement respectées.

D’abord, notre aide bilatérale, comme pour tous nos partenaires, est fournie avec l’accord de la communauté internationale, dont Israël, selon des procédures agréées.

Ensuite, notre aide est mise en œuvre par des agences de l’ONU et porte sur des projets concrets, comme je l’ai évoqué.

Enfin, les aides sont contrôlées par l’administration israélienne elle-même. C’est le cas pour nous, comme pour nos partenaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième pilier de l’action de la France, c’est la mobilisation pour éviter un embrasement régional.

Depuis la première heure, le Président de la République, la ministre des affaires étrangères et le ministre des armées ont multiplié les échanges avec leurs homologues de la région.

Le Président de la République est aujourd’hui en Israël, où il a pu marquer notre solidarité envers les familles et faire entendre la voix singulière de la France en faveur d’un processus politique permettant d’éviter l’escalade.

Le Président de la République a été clair sur la responsabilité attendue de certains acteurs de la région, afin d’éviter un embrasement régional.

Il a également proposé de bâtir une coalition régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes qui nous menacent tous. Nous y travaillerons activement avec nos partenaires internationaux.

Mais nous le savons, la lutte implacable contre le terrorisme ne peut remplacer la recherche de la paix.

La France plaide – et plaidera – pour un règlement durable du conflit, autour d’une solution à deux États. Les conditions sont claires : des garanties indispensables pour la sécurité d’Israël et un État pour les Palestiniens. C’est la ligne que la France défend avec constance et qu’elle continuera de porter.

La sécurité durable d’Israël, la lutte résolue pour l’éradication du terrorisme dans la région et le respect des aspirations légitimes de chacun forment un ensemble indissociable.

Les États de la région ont, à ce titre, une responsabilité particulière. La dynamique de normalisation des relations entre Israël et plusieurs des États de la région est souhaitable. Elle doit s’accompagner d’une relance décisive du processus politique pour répondre aux aspirations légitimes des Palestiniens et des Israéliens.

Notre responsabilité est grande et nous l’assumons.

La France est capable de parler à tout le monde. Le Président de la République se rendra d’ailleurs ce soir à Amman.

Cette position indépendante, nous l’avons toujours assumée. Une position qui nous donne un rôle pivot pour aider à tracer le chemin de la paix.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la situation au Proche-Orient est complexe, elle est difficile. Elle conduit à des drames épouvantables, comme nous avons encore pu le mesurer ces derniers jours. Elle a des conséquences lourdes sur la sécurité internationale. Elle trouve un écho particulier dans chaque pays.

Dans ce contexte, la France a une voix singulière. Une voix issue d’une longue histoire qui nous confère une responsabilité. Une voix qui ne méconnaît aucune des souffrances et défend toujours l’exigence de justice et le respect du droit humanitaire.

Cette voix, la France continuera inlassablement de la porter. Nous n’avons pas le droit de renoncer. La seule solution, c’est la paix. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, finalement, c’est non pas l’examen d’une proposition de résolution, mais un débat sans vote… En cela, je souscris au rappel au règlement de mon collègue Hervé Marseille en début de séance.

La différence entre l’examen d’une proposition de résolution et un débat, c’est le vote, qui permet à chacun de s’engager. Mais surtout, la raison d’être d’une assemblée et du Parlement, c’est la délibération.

Nous allons donc débattre.

Entre-temps, un professeur de français est mort. Il a été frappé par la bête immonde islamiste sur le sol de France, sur le sol sacré de l’école républicaine.

Cet événement monstrueux – parce que c’est un événement monstrueux – renforce encore davantage la nécessité pour notre assemblée de débattre et, surtout, de s’exprimer sur ces événements qui sont liés.

Pourquoi ? Parce que, d’une part, comme je l’indiquais, tout est lié et ce qui se passe là-bas nous concerne, ici, en même temps.

Parce que, d’autre part, notre réponse ne peut souffrir la moindre ambiguïté ni la moindre hésitation.

Pourquoi sommes-nous directement concernés par ce qui se passe là-bas ? Nous le sommes pour trois raisons, je crois.

D’abord, nous partageons avec le peuple juif, comme avec tous les peuples du monde, la même condition humaine.

Ce qui est inhumain ne doit pas nous être étranger. Comment ne pas être horrifié par les images qui nous sont parvenues ? Comment ne pas être horrifié par ces familles brûlées vives, par ces femmes enceintes éventrées, par ces enfants – symbole de l’innocence –, nouveau-nés, décapités, parce que juifs ? Comment ne pas être horrifié par ces exactions qui constituent – oui, Hervé Marseille – un crime contre l’humanité ? Comment ne pas voir, dans cette violence paroxystique, la poursuite de l’entreprise génocidaire par d’autres moyens ? Rappelez-vous, les Tutsis ont été massacrés à l’arme blanche, à la machette.

Nous sommes donc concernés et ce lien réside, d’abord, là, dans notre humanité commune.

Il réside ensuite dans cette alliance, dans cette amitié, autant de liens avec Israël, qui sont irrévocables : des liens historiques, forgés dans le creuset de nos racines judéo-chrétiennes, des liens culturels et des liens civiques, parce que nous partageons avec Israël les valeurs communes de la démocratie, si rare au Proche-Orient.

C’est au nom de cette amitié à la fois spirituelle et civique que les terroristes nous visent et veulent nous détruire, comme ils veulent détruire Israël, tout simplement parce que nous figurons tous deux – si j’ose dire – au sommet de l’échelle de la mécréance : nous, en raison de notre laïcité et Israël, parce que c’est le peuple juif.

Enfin, nous sommes liés par le sang versé, par le sang français versé.

Madame la Première ministre, au moment où je vous parle, trente de nos compatriotes sont morts et Dominique Bernard a été lâchement assassiné.

Le sang français versé.

Les images insoutenables que nous avons découvertes nous en rappellent d’autres qui nous hantent encore : celles des attentats.

À mon sens, plus qu’aucun autre peuple sur la planète, le peuple français doit de se tenir aux côtés du peuple juif, car nous avons connu la même morsure sanglante du terrorisme, du totalitarisme islamiste.

Alors que faire, désormais ? D’abord, bien sûr, nous tenir aux côtés d’Israël.

Je soulignerai simplement un point qui me paraît fondamental et que vous avez abordé, madame la Première ministre, dans votre intervention.

Cette violence inouïe n’est pas l’expression désespérée de la cause palestinienne ; c’est la résurgence du totalitarisme islamiste. Que ce soit bien clair !

Le Hamas ne défend pas la cause palestinienne, il l’instrumentalise, il la défigure en l’islamisant, en la talibanisant, en la déshumanisant.

Je ferai quelques rappels à l’adresse de tous les islamo-gauchistes qui se déshonorent en refusant de qualifier de terroristes les crimes qui ont été commis.

Le Hamas n’est pas un mouvement de libération ; c’est un acronyme qui signifie d’ailleurs « mouvement de résistance islamique ».

Le credo de son inspirateur, le cheikh Yassine, qui n’est plus, est non pas de libérer, mais de soumettre la Palestine à la charia, à la loi islamiste.

Il existe des écrits et des dires : les choses doivent être claires !

Depuis des années, tous les efforts du Hamas ont très clairement consisté à saboter tous les efforts de paix, y compris les accords d’Oslo.

Aujourd’hui, ce crime contre l’humanité vise évidemment à empêcher toute réconciliation, notamment entre Riyad et Tel-Aviv, sans doute au bénéfice de l’Iran.

Personne ne le dit – mais je le dis – : l’Iran est vraisemblablement derrière cette opération grâce à différents moyens. Les choses doivent être très claires.

Mais, pour ce qui nous concerne, nous devons être très fermes et tirer tous les enseignements de cette situation.

Tout d’abord, en matière d’antisémitisme, ce doit être la tolérance zéro, même lorsque l’antisémitisme avance masqué derrière l’antisionisme.

Je rappellerai des propos oubliés du grand philosophe Jankélévitch selon lequel l’antisionisme était en réalité bien pratique, car il permettait l’antisémitisme sans le racisme ; c’est exactement cela.

Madame la Première ministre, je vous demande de faire preuve d’une tolérance zéro à l’égard des nouvelles formes d’antisémitisme. En effet, l’antisémitisme a muté en France, dans ses ressorts aussi bien politiques que religieux. Il faut absolument en tenir compte.

Ensuite, deuxième élément – là encore, vous l’avez indiqué, madame la Première ministre –, pas un euro ne doit aller à une organisation de type terroriste comme le Hamas. Pas un euro !

Bien sûr, nous ne pouvons pas retenir les fonds humanitaires, mais nous devons tout vérifier au moyen d’un travail de contrôle extrêmement rigoureux, aussi bien nos aides que les aides européennes, qui constituent un paquet important. C’est absolument fondamental.

Enfin, il est parfaitement possible d’être aux côtés d’Israël et de reconnaître à cet État le droit de se défendre tout en rappelant que les victimes civiles sont toujours un drame. Bien sûr que la vie des uns vaut la vie des autres ! Riposter, c’est éradiquer le Hamas dans le cadre du droit international, parce que l’honneur des démocraties, c’est de ne jamais renier nos valeurs, de ne jamais s’abaisser jusqu’à ceux qui voudraient précisément nous tirer vers le bas.

J’ai écouté, moi aussi, les propos du Président de la République, il y a quelques heures. Se tenir aux côtés d’Israël, fermement et de façon déterminée, cela signifie lui reconnaître le droit de se défendre et d’éradiquer le Hamas. Mais c’est aussi lui tenir un langage de vérité, en rappelant que, depuis trente ans, aucune guerre n’a été gagnée sans solution politique. Les Américains l’ont appris en Afghanistan et en Irak. Nous autres, Français, nous l’avons appris en Afrique, au Sahel. Nous devons le redire : s’il faut, bien sûr, éradiquer le Hamas, il conviendra également de trouver une solution politique pour que le peuple palestinien voie lui aussi se lever une espérance.

Cette espérance – nous l’avons toujours proclamé, fidèles à la ligne de la diplomatie française, qui est aussi celle du Sénat –, c’est la solution à deux États. Bien évidemment, cette perspective, telle que je l’évoque aujourd’hui, depuis cette tribune, ne peut que nous paraître terriblement éloignée, totalement illusoire et utopique. Mais il faut la rappeler, car après toutes ces années où le conflit était en quelque sorte gelé, nous voyons bien que la violence est revenue.

Encore une fois, Israël a le droit de se défendre. Certes, nous voulons qu’il y ait le moins de victimes civiles possible, mais gardons à l’esprit que c’est le Hamas qui a déclenché les hostilités et qui a aboli toute distinction entre les civils et les militaires, en prenant les civils comme des boucliers.

Il faut rappeler cette évidence et, en même temps, déployer tous nos efforts diplomatiques dans les mois à venir pour que la France puisse promouvoir cette solution à deux États, car nous avons un rôle et une responsabilité particulière, que vous avez rappelée, madame la Première ministre.

Pour conclure, ce combat est de nouveau celui sans cesse recommencé contre le terrorisme islamiste. Au moment où je vous parle, le totalitarisme islamiste ne s’est jamais aussi bien porté dans le monde – jamais ! – malgré les interventions occidentales. Il règne à Kaboul ; il revient en Irak ; il s’étend et se répand en Afrique, au Sahel, et il frappe en France. Bien sûr qu’il faut être intraitable ! Notre réponse, que nous adressons aussi au terrorisme islamiste, doit être judiciaire, policière et peut-être législative. Elle doit en tout cas être totale et globale.

Cela peut paraître très paradoxal, mais en nous désignant comme leurs ennemis et en ciblant l’école et la laïcité, les terroristes islamistes nous montrent un chemin de résistance. Ils nous montrent la voie d’une réponse possible, celle de l’idéal républicain, qui s’incarne par exemple dans la laïcité. L’école est un creuset qui sert à transmettre non pas seulement des connaissances ou des compétences individuelles, mais aussi une grammaire collective qui permettra demain à des citoyens d’intégrer pleinement le destin national. L’école est le creuset de cet idéal français qu’est l’idéal républicain.

Madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour l’heure, n’oublions pas les victimes – car il me semble que l’on passe trop vite par pertes et profits les victimes en Israël – et réaffirmons solennellement, ici, au Sénat, dans notre Haute Assemblée, le soutien indéfectible et la solidarité de la France envers la nation israélienne et le peuple juif, qui porte aujourd’hui le flambeau de la démocratie au prix du sang, dans cette région du Proche-Orient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, permettez-moi de commencer ce propos par une citation : « La violence, il faut la dénoncer, il faut la vomir, il faut l’isoler. Ce n’est pas la voie des démocraties. » Ces mots, prononcés par le Premier ministre Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995, lors du grand meeting pour la paix, place des rois d’Israël, à Tel-Aviv, résonnent en nous, dans cette terrible actualité. Quelques minutes plus tard, Yitzhak Rabin était assassiné.

Les heures sombres de l’obscurantisme sont de retour. Les actes terroristes qui ont été perpétrés le 7 octobre dernier doivent nous révolter. Je vous invite à écouter les mots du colonel Weissberg, chargé de l’opération d’identification des victimes – je vous prie par avance de m’excuser pour la dureté de cette description – : « Que dire lorsque vous découvrez le corps d’une femme enceinte, tuée par un terroriste, qui lui a ouvert le ventre, puis en a extrait le fœtus avant de leur couper la tête à tous les deux ? Et que dire encore face aux corps de mères ou de grands-mères qui ont été violées sauvagement ? »

Mes chers collègues, le massacre de femmes, d’hommes et d’enfants dans les kibboutzim du sud d’Israël doit nous révolter. De la même manière, des enfants qui meurent sous des bombardements, des civils privés d’eau, d’électricité et de nourriture, toute une population prise en étau, cela doit nous révolter.

De telles atrocités doivent être nommées et dénoncées. Ne pas le faire serait insupportable et inexcusable, même si nous avons identifié le fait générateur, celui d’une organisation terroriste qui, depuis 2007, pratique la tyrannie, y compris contre le peuple qu’elle est censée représenter.

Israël a le droit et le devoir absolu d’éliminer cette émanation sanguinaire de l’hydre islamiste qu’est le Hamas.

J’ai entendu, ce matin, les mots du Président de la République, visant à créer une coalition internationale, à l’instar de celle qui existe contre Daech.

Madame la Première ministre, nous avons besoin de précisions sur cette annonce, son périmètre exact et son opérationnalité.

Les actes qui ont été commis par le Hamas sont souvent qualifiés d’indicibles, mais, pour moi, ils doivent être nommés de manière très claire : ces monstruosités constituent les pires horreurs que le monde ait connues depuis les années 1990, durant lesquelles eurent lieu le génocide rwandais et le massacre de Srebrenica. Ici, c’est l’acte génocidaire le plus important contre le peuple juif depuis la Shoah et le temps des pogroms.

Et les milliers de civils palestiniens, morts en raison des représailles israéliennes contre le Hamas, sont tout aussi insupportables. Toute vie sacrifiée est un drame pour l’humanité. Tout crime contre l’humanité mérite une réponse.

Mais la sidération ne doit pas nous paralyser, mes chers collègues. Au contraire, nous devons nous élever et constituer de véritables remparts contre les forces obscurantistes. Le Hamas n’est pas une représentation politique. C’est une organisation terroriste qui vise l’islamisation totale en détruisant notre modèle de société. Il cherche non pas à exterminer l’État d’Israël, mais à exterminer tout juif, comme toute personne qui n’accepterait pas de se soumettre à sa loi. Pour vous en convaincre, je vous invite à lire ou à relire les 36 articles de la charte du Hamas. (Lorateur brandit un exemplaire de cette charte.)

Aucune solution politique n’est envisageable avec une telle organisation, qui refuse toute forme de négociation diplomatique. Après les attentats de Paris et de Nice, notre lutte contre Daech comporte bien des similitudes avec la situation présente.

Et pourtant, pour les civils et les otages, il faut avoir du courage et garder pour seuls mots d’ordre : pacifier, protéger, obtenir un cessez-le-feu humanitaire ou, à défaut, assurer un couloir humanitaire solide. Nous supposons que c’est l’objet du déplacement du Président de la République, même si nous aurions préféré, madame la Première ministre, que cette nécessaire visite puisse se dérouler après la fin du débat au Parlement. Croyant à la parole de la France, nous espérons ne pas être déçus par les résultats effectifs de cette visite.

Le Hamas nous replonge dans toute la noirceur de la guerre, ravivant la mémoire des pires épisodes de notre Histoire. Comme Daech, le Hezbollah, le Djihad islamique, Al-Qaïda ou Boko Haram, le Hamas est l’un des bras armés d’une conquête internationale au profit d’un régime totalitaire. C’est la résurgence – mon collègue Retailleau l’a dit – du mouvement islamiste qui parvient à se réinventer chaque jour avec les soutiens que sont le Qatar ou l’Iran. Israël – ne nous y trompons pas –, quelles que soient nos réserves sur les moyens militaires utilisés, représente le premier bouclier contre ce projet politique liberticide et vient d’en être de nouveau la première victime.

À cet instant, j’ai une pensée pour nos compatriotes. Le bilan des victimes françaises est terrible. On en recense au moins trente, ainsi que neuf disparus, otages présumés. Jamais autant de Français n’ont été victimes du terrorisme depuis les attentats de Nice en 2016.

Pour autant, ne faisons pas d’amalgame, mes chers collègues. Dans notre pays, les partisans de la création d’un État islamique ne sont qu’une extrême minorité, mais chaque acte terroriste est un traumatisme national, et cela à juste titre. Je tiens à le rappeler et à le souligner : dans cette période où les tensions communautaires sont exacerbées, le conflit en cours au Proche-Orient ne doit pas être importé sur notre territoire comme un conflit entre religions. Notre responsabilité en tant que politiques est de veiller à ce qu’aucune discrimination ni aucun amalgame ne soit admis.

Pas d’amalgame, mais pas d’angélisme non plus : la tolérance zéro doit s’appliquer face à l’antisémitisme comme face à toute discrimination à l’encontre de nos compatriotes de confession musulmane.

Le principe de laïcité, qui est au cœur de notre République et que nous faisons nôtre, impose le respect et la protection de l’attachement des croyants à la Bible, au Coran ou à la Torah, mais aucun des préceptes de ces livres sacrés ne peut être considéré comme supérieur à la loi de la République. Aristide Briand résumait cela en proclamant – et vous le rappelez souvent, monsieur le président – que « la loi protège la foi tant que la foi ne dicte pas sa loi ».

Transiger avec ces principes, c’est affaiblir durablement notre pacte républicain. Transiger avec ces principes, c’est faire mourir une deuxième fois Samuel Paty et Dominique Bernard.

L’assassinat de ce dernier, il y a onze jours, à Arras, moins d’une semaine après les attaques du Hamas, témoigne des risques qui pèsent dans notre pays. Cet attentat doit nous alerter sur l’absence de risque zéro face à la menace terroriste, mais nous oblige également sur notre devoir de mettre en place des mesures de protection et de prévention.

La sanction est nécessaire, mais quels sont nos moyens de lutter contre la radicalisation, notamment chez les jeunes ? Exclure des élèves de nos établissements scolaires pour comportement inacceptable lors de la minute de silence à la mémoire de Dominique Bernard, bien sûr ! Mais j’ai envie de dire : et après ?

La prévention du poison totalitaire qui infecte des cerveaux perméables à cette idéologie mortifère doit être au cœur de notre action républicaine.

Mes chers collègues, s’il existe des proies dans nos villes et dans nos quartiers, c’est qu’il existe aussi des prédateurs. N’oublions jamais que 75 % des attentats islamistes commis sur notre territoire l’ont été par des Français.

Notre République ne peut s’accommoder de devoir protéger des compatriotes du fait même de leur religion, érigée en identité. Le faire pour des raisons évidentes de sécurité, c’est reconnaître en creux que notre pacte républicain et notre principe du vivre-ensemble sont menacés, voire niés.

C’est la même chose lorsque l’on s’attaque à l’un de nos compatriotes parce qu’il est professeur et qu’il représente notre institution nationale, porteuse d’émancipation et chargée d’éclairer et de forger les esprits critiques. Les semeurs de terreur ont horreur de nos lumières, de la démocratie, de la laïcité, de la liberté d’expression ou encore du droit absolu des femmes à disposer de leur corps.

J’en reviens, pour terminer, à la situation du conflit israélo-palestinien.

Depuis trente ans, la solution à deux États n’est toujours pas mise en œuvre. Depuis 1995 et l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un ultranationaliste israélien, l’esprit des accords d’Oslo n’est qu’un vague souvenir qui se dissipe progressivement dans les vapeurs de l’escalade des violences.

La politique du gouvernement israélien en place n’est pas exempte de critiques. La tendance actuelle est en effet inquiétante et répond à une réelle radicalisation politique à vocation ultranationaliste. Il nous faut condamner avec fermeté les choix opérés depuis de trop nombreuses années, qui mettent en péril toute résolution du conflit. Ces choix contribuent à exacerber les tensions et empêchent toute perspective pour la jeunesse palestinienne, privée de tout espoir d’émancipation. Les réactions désespérées de cette jeunesse, que je condamne, confortent ensuite l’extrême droite israélienne dans sa politique d’annexion. L’engrenage est sans fin.

Ce cercle vicieux condamne toute avancée sur le chemin de la paix. J’ai été horrifié d’entendre, il y a quelques jours, à la radio, ces mots d’un père vivant dans un village dirigé par le Hezbollah, dans le sud du Liban, qui venait de perdre son fils lors d’une incursion en Israël : « La Palestine a besoin du sang de ses martyrs. » Des mots qui font peur, mais qui nous obligent à agir.

En tant que socialistes, nous soutenons la reconnaissance de deux États souverains : c’est le seul chemin que nous devons emprunter, collectivement.

Les progressistes palestiniens comme la gauche israélienne, qui reste puissante, doivent œuvrer dans le sens d’une résolution durable de ce conflit et il est de notre rôle de soutenir toute initiative de leur part. Nous devons relayer ces démarches positives, appelant à combattre la surenchère, favorisant le dialogue et apaisant les tensions intercommunautaires. Je pense aux Guerrières de la paix, au mouvement Women Wage Peace et à tous ces organismes qui proposent de tisser des liens et de créer des ponts plutôt que des murs entre les deux côtés.

Ces militants de la paix sont souvent combattus férocement par les forces extrémistes des deux camps. Cela témoigne de la pertinence de leur combat.

Oui, il faut favoriser une reprise du dialogue. Pour cela, du côté palestinien, une véritable force démocratique et une construction politique tournant le dos notamment à la corruption sont nécessaires. Ne pas encourager cette évolution et ne pas la favoriser, cela reviendrait, de fait, à fragiliser la démocratie israélienne. Sans ces prérequis, aucune négociation n’est possible.

La France et l’Europe doivent insuffler une dynamique. Nous devons collectivement tout mettre en œuvre pour installer un climat de désescalade. Le rapport d’information présenté en décembre 2022 par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et son président de l’époque, Christian Cambon, que je salue, est très inspirant, tant dans son diagnostic que dans ses perspectives et recommandations. Après s’être rendus sur place, les auteurs du rapport ont voulu s’interroger sur les chances de reprise d’un dialogue autour de la solution à deux États. Les conditions d’une nouvelle feuille de route ont été clairement définies. Nous devons les relire et nous les approprier.

En attendant un retour sur le chemin de la raison, ce sont les peuples d’Israël et de Palestine qui sont pris en otages. Cette prise d’otages idéologique est lourde de conséquences mortifères. Ce sont les enfants de ces deux peuples qui subissent les foudres de la violence. Ce sont les enfants de ces deux peuples qui seront marqués dans leur chair, au fer rouge de la guerre. Et pourtant, mes chers collègues, ce sont les enfants de ces deux peuples qui ont la lourde charge de mettre un terme à cette guerre sans fin.

Les solutions existent. Elles reposent sur l’esprit de raison, le respect mutuel et la foi inébranlable en un avenir de paix. Shalom, salam. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Olivier Cadic. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus de deux semaines après les attaques meurtrières du Hamas sur le territoire israélien, qui ont fait plus de 1 400 morts, nous sommes toujours profondément choqués.

Je tiens avant tout, au nom du groupe Union Centriste, à avoir une pensée pour toutes les victimes innocentes. Parmi elles, nous déplorons trente compatriotes tués. Nous comptons toujours également neuf Français portés disparus, dont une jeune femme qui a le statut d’otage. Nous soutenons les efforts du Gouvernement pour obtenir, en priorité, la libération de tous les otages.

Notre groupe exprime sa compassion aux blessés, aux familles des victimes, aux proches des otages enlevés, qui vivent dans l’angoisse.

Nous pensons aussi à toutes les victimes civiles, qu’elles soient en Israël ou à Gaza, et à tous ceux qui sont désormais dans la souffrance.

Nous imaginions avoir connu des sommets de monstruosité avec les attentats d’Al-Qaïda du 11 septembre 2001 ou ceux de Daech, le 13 novembre 2015, à Paris. Avec les exactions du 7 octobre dernier, en Israël, le Hamas s’inscrit dans cette barbare compétition des organisations terroristes islamistes.

Il a enchaîné massacres de masse, actes de torture d’une cruauté bestiale, mais aussi enlèvements de plus de deux cents civils, aujourd’hui séquestrés.

Les mots demeurent impuissants face à l’ignominie. Nous condamnons cette organisation terroriste et ses actes avec force. Israël est en droit de se défendre et de chercher à éliminer le Hamas, qui a pour objectif de faire disparaître l’État hébreu de la carte, dans un premier temps. Car ne nous y trompons pas : le Hamas, tout comme Daech ou Al-Qaïda vit dans la haine de nos valeurs et vise la destruction à terme de la civilisation occidentale. Les attentats d’Arras et de Bruxelles qui ont suivi nous l’ont douloureusement rappelé.

On comprend dès lors pourquoi le Président de la République a pu proposer, aujourd’hui, à Jérusalem, que la coalition internationale actuellement déployée en Irak et en Syrie pour lutter contre l’État islamique « puisse aussi lutter contre le Hamas ».

La population palestinienne de Gaza est aussi l’otage de cette organisation terroriste, qui mène ses attaques militaires depuis des installations civiles. Rien ne serait pire que de vouloir confondre le Hamas avec la cause palestinienne et sa légitime revendication à disposer d’un État autonome.

Le Hamas a franchi une ligne rouge pour qu’Israël ne puisse plus accepter le moindre accord. Dès lors, quelle solution adopter pour Israël à Gaza ?

Déplacer le Hamas au Qatar ou les Palestiniens vers l’Égypte ou la Jordanie ? Impossible ! Aucun État ne l’accepterait.

Faire une barrière avec une démarcation large de plusieurs kilomètres et minée, à l’image de la démarcation entre les deux Corées ? Ce serait condamner la population de Gaza à la misère et laisser la haine grandir en attendant la prochaine éruption.

Bombarder la bande de Gaza indistinctement en exposant toute la population palestinienne ? C’est le piège tendu par le Hamas, qui veut réussir là où Daech a échoué.

Nous souhaitons que la démocratie israélienne combatte en respectant le droit international humanitaire. Mais tout le monde voit bien la difficulté, car les terroristes se cachent au sein même de la population.

Une difficulté supplémentaire pour le gouvernement israélien vient de ce que l’organisation terroriste a le soutien de l’Iran. La déclaration récente du ministre des affaires étrangères iranien, appelant à éradiquer les juifs et à rayer Israël de la carte, en est une nouvelle illustration. Elle vient rejoindre en tout point la doctrine du Hamas.

La Russie jubile, la Chine est le banquier de l’attelage. Vous remarquerez que, pour ces trois États – Iran, Russie et Chine –, le Hamas n’est pas une organisation terroriste.

La situation est très préoccupante. Si Israël bombarde Gaza et élimine le Hamas, qui gérera Gaza en ruines ? Que deviendra alors ce qui ne sera plus qu’un immense bidonville ? Comment éviter que toute la jeunesse palestinienne ne tombe à son tour dans le panneau des sirènes du Hamas, avec l’effondrement de l’autorité palestinienne en Cisjordanie ? Comment ne pas craindre l’escalade régionale avec le Hezbollah, proxy de l’Iran, qui, non content d’étrangler le Liban, est susceptible de plonger de nouveau le pays du Cèdre dans un conflit avec son voisin ?

Hier, j’assistais à la prise d’armes, aux Invalides, présidée par le ministre des armées, Sébastien Lecornu, à l’occasion des quarante ans de l’attentat du Drakkar à Beyrouth, où 58 militaires français ont perdu la vie. Ne les oublions pas !

Quelque 700 militaires français sont déployés dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), à la frontière avec Israël. Ils seraient en première ligne d’une reprise des hostilités. Ne l’oublions pas !

Le rapport d’information de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de Christian Cambon, intitulé Israël-Palestine : redonner un horizon politique au processus de paix, avait anticipé, il y a un peu moins d’un an, l’embrasement que nous déplorons aujourd’hui.

La formation du gouvernement de M. Netanyahou, qui allie la droite avec une extrême droite composée de suprémacistes juifs, tenants d’une idéologie expansionniste et visant un État théocratique soumis à la loi religieuse, menace les fondements de la démocratie israélienne. Ce gouvernement pose un problème de morale et de conscience que les manifestations hebdomadaires dans l’État hébreu ont révélé.

De nombreux articles de presse ont sonné l’alarme. Dans une tribune du journal Le Monde, datée du 9 février dernier, Sophie Bessis écrivait, à la suite de la sanglante attaque d’une synagogue, intervenue deux semaines plus tôt : « D’un côté, les provocations délibérées de ministres israéliens pressés de montrer aux Palestiniens de quel côté se situe la force, de l’autre la montée d’un désespoir mortifère devant la dégradation des conditions de vie en Cisjordanie et l’absence de toute perspective de paix dans la justice ont conduit à l’explosion actuelle. Si rien n’est fait, elle risque de prendre des proportions que nul ne parviendra à contenir. »

Une addition de haines n’a jamais donné un bon résultat pour les peuples. Il est d’une importance majeure de se consacrer dès maintenant à la paix. L’escalade de violences en territoire israélo-palestinien vient nous rappeler que la solution à deux États – un État d’Israël et un État palestinien – est la seule solution viable pour la paix.

Je me réjouis que le Président de la République soit aujourd’hui à Tel-Aviv pour reprendre l’initiative politique et pour réaffirmer une exigence que le général de Gaulle évoquait déjà, de façon visionnaire, lors de sa conférence de presse du 27 novembre 1967.

Mais il est vrai que les accords d’Abraham ont permis des avancées majeures auprès des pays du Golfe. Ils ont apporté une nouvelle dynamique de normalisation israélo-arabe. Comme président du groupe interparlementaire d’amitié France – Pays du Golfe, je n’ai pu que m’en féliciter.

Ces avancées très concrètes se sont traduites par de réelles coopérations sécuritaires et militaires, comme j’avais pu le souligner en mai 2022 lors d’un colloque que j’ai accueilli au Sénat en compagnie du président Roger Karoutchi.

Mais si les accords d’Abraham ont vocation à promouvoir la paix aux frontières d’Israël, tous mes interlocuteurs du Golfe ont toujours affirmé que la résolution du conflit israélo-palestinien restait une priorité pour emporter l’adhésion des populations.

En ne s’alignant pas sur les États-Unis, en 2003, lors de leur intervention en Irak, la France a prouvé son indépendance au Moyen-Orient. La France est un tiers de confiance naturel pour amorcer un nouveau dialogue et pour donner un nouvel horizon au processus de paix.

Notre pays a soutenu sans discontinuer, d’une part, le droit d’Israël à exister et à vivre en sécurité, d’autre part, la création d’un État palestinien délimité par des frontières sûres et reconnues. Il est vital pour tous d’abandonner la stratégie de la cécité volontaire et du déni de réalité à l’égard de la situation palestinienne.

Pour Israël, cela consistera à abandonner sa stratégie de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Pour la Palestine, cela signifie la fixation d’un calendrier démocratique avec des garanties de déroulement des scrutins en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est.

La France doit jouer un rôle d’aiguillon afin que l’Europe mette en place un nouveau dialogue entre Israël et la Palestine.

L’Union européenne a débloqué 200 millions d’euros d’aide aux Palestiniens avant le conflit. Elle doit désormais investir le volet politique en plus du volet humanitaire.

Je salue le rôle de l’Égypte, qui a autorisé le passage d’une aide humanitaire vers Gaza après de longues journées de fermeture du poste-frontière. Il faut en effet porter secours aux civils gazaouis, qui manquent de produits de première nécessité.

La décision d’une aide supplémentaire de 10 millions d’euros, portée par la France, mérite d’être soulignée.

Vendredi prochain, un vol spécial convoiera du fret médical. Une fois de plus, la France répond présente et les sénateurs centristes soutiennent cette initiative.

Être en empathie avec les personnes qui souffrent et provoquer la désescalade par la promotion de la paix, pour apporter l’espoir d’une vie dans la sécurité et la sérénité au Proche-Orient, telle est la démarche d’apaisement qui, je l’espère, sera portée avec succès par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDSE. – MM. Rachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer les tragédies qui se déroulent actuellement au Proche-Orient, où la situation est grave.

Cette région est, depuis plus de soixante-quinze ans, le théâtre de défis, de tensions et de conflits persistants.

Par sa résolution 181 du 29 novembre 1947, l’assemblée générale des Nations unies a adopté le plan de partage de la Palestine, qui pose le principe de la création de deux États souverains et indépendants. En 1948, l’État d’Israël a été institué et le conflit israélo-palestinien est né. Il y a eu les guerres israélo-arabes, notamment la guerre du Kippour. Il y a ensuite eu une première intifada en 1987. Les accords d’Oslo de 1993, appelant à une solution à deux États, ont apporté un vent d’espoir. Malheureusement, il s’agit d’un processus inachevé.

Depuis, l’histoire du conflit se poursuit. Elle est rythmée par de multiples épisodes de tensions, plus ou moins aigus et plus ou moins longs. Le dernier en date est survenu il y a trois semaines, quand les terroristes du Hamas et du Djihad islamique ont attaqué le peuple israélien. Il s’agit d’une « séquence nouvelle d’un conflit qui ne s’est pas éteint », pour reprendre les mots du politologue Bertrand Badie.

Mais ces événements sont inédits par la nature de leur violence. Depuis plusieurs semaines, nous sommes les témoins de nouvelles images d’une barbarie sans précédent. Nous sommes nombreux à exprimer notre colère, notre bouleversement, face à la tragédie qui se déroule sous nos yeux. Les mots ne seront jamais assez forts pour dénoncer ces atrocités.

Le groupe RDPI soutient le peuple israélien et condamne sans détour, avec la plus grande fermeté, ces attaques terroristes. Nous ne le martèlerons jamais assez : rien ne justifie le terrorisme, nulle part, jamais ! C’est une évidence, sauf pour certains…

Pourtant, notre pays a été frappé de nombreuses fois par le terrorisme et l’obscurantisme. Cela a encore été le cas récemment, avec l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras.

La présence du Président de la République en Israël aujourd’hui est un témoignage du soutien entier et sincère que la France apporte à Israël. Ce soutien prend racine dans l’amitié profonde et ancienne qui lie notre Nation au peuple israélien.

Nous avons également une pensée pour le peuple palestinien, qui est pris en étau entre les terroristes du Hamas et l’armée israélienne.

Madame la Première ministre, vous avez raison : les Palestiniens ne sont pas le Hamas, le Hamas n’est pas le peuple palestinien.

En juin 2022, je me suis rendue en Israël, à Gaza et en Cisjordanie avec d’autres membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, alors présidée par M. Cambon, que je salue. Cette mission avait pour thème l’avenir du processus de paix au Proche-Orient. À cette occasion, nous avons ressenti une très forte tension, à Gaza comme à Hébron, et perçu le danger que représentait l’absence de perspectives.

Dans son rapport d’information, où figurent douze recommandations, la délégation a estimé que la solution à deux États restait la seule voie acceptable et crédible, à condition de redonner un horizon politique et un agenda au processus de paix. C’est la seule voie à même de répondre aux aspirations légitimes des Israéliens et des Palestiniens à la sécurité, à l’indépendance, à la reconnaissance et à la dignité.

Malheureusement, un an plus tard, la situation, de plus en plus dégradée, a fini par s’embraser. Nous l’avions pressenti.

Aujourd’hui, le Hamas et le Djihad islamique anéantissent les espoirs et les aspirations légitimes de ces deux peuples à vivre en paix. Les terroristes balaient tous les efforts menés pour bâtir une paix durable ; ils ne sèment que la désolation et la mort. Le Hamas doit être éradiqué !

Le terrorisme n’a pas de frontières. Notre pays se trouve une nouvelle fois endeuillé. Le bilan est lourd pour nos compatriotes. Nous retenons notre souffle, dans l’espoir que les Français portés disparus soient retrouvés sains et saufs.

Le Président de la République a adressé depuis Israël un message fort aux Français victimes de ce conflit, ainsi qu’à leurs familles. Depuis trois semaines, les civils retenus dans les zones de conflit sont en proie à de nombreux périls : les dangers mortels de la guerre, le manque de nourriture, ou encore la pénurie de médicaments. Il faut éviter une nouvelle dégradation de la situation humanitaire.

Madame la Première ministre, comme vous l’avez rappelé hier à l’Assemblée nationale, la porte de Rafah doit être ouverte en permanence, tous les jours, pour permettre aux habitants de la bande de Gaza de recevoir l’aide humanitaire internationale. D’ailleurs, celle-ci doit être renforcée, en suivant l’exemple de la France, qui augmente de 10 millions d’euros l’aide qu’elle verse pour les Gazaouis.

Nous n’assistons pas aujourd’hui à une guerre conventionnelle ; il ne s’agit pas d’un conflit opposant deux armées régulières. Israël a le droit de se défendre contre ces attaques terroristes. Toutefois sa riposte ne peut être menée que dans le respect des obligations du droit international, notamment humanitaire. Le respect du droit est le devoir des démocraties.

À l’heure où le Hezbollah libanais et l’Iran menacent d’ouvrir un second front au nord de l’État hébreu, nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser une désescalade de la violence au Proche-Orient. C’est l’un des buts de la présence du Président de la République en Israël.

La situation géopolitique actuelle du Proche-Orient ne se limite pas aux territoires palestiniens et israéliens, sur lesquels le monde entier a les yeux rivés. L’Iran a menacé de mener une action préventive contre Israël. Des menaces ont également été proférées à l’encontre de soldats américains. Ce contexte nous laisse craindre la multiplication des foyers de conflits et de guerres dans tout le Proche-Orient, voire au-delà. Il faut éviter un embrasement général !

Madame la Première ministre, vous avez affirmé dans cet hémicycle que la France est un artisan de la paix. Comme vous, avec vous, nous sommes convaincus que la France assume un rôle important, aux côtés de ses alliés, pour mettre fin à ce conflit. Les déclarations faites aujourd’hui par le Président de la République en témoignent.

Comme l’a rappelé notre ministre de l’Europe et des affaires étrangères lors du sommet du Caire pour la paix, qui s’est tenu samedi dernier, la solution à deux États est la seule solution viable. Elle seule permettrait aux peuples israélien et palestinien de vivre dans un climat de paix et de sécurité.

Madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous unir derrière la barrière commune de la paix. Nous devons rappeler au monde entier que le seul combat qui doit être mené est le combat pour la paix.

« La paix est une création continue », disait le Président Raymond Poincaré ; continuons donc d’en être les artisans ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Patrick Kanner applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, rien ne justifie l’horreur du samedi 7 octobre 2023. À l’heure où le soleil se lève, la barbarie s’est déchaînée sur Israël. Cette barbarie est le fruit de la volonté du Hamas, qui a revendiqué ces actes de terrorisme islamique.

Ces morts, ces blessés, ces otages, c’étaient des enfants, des femmes, des hommes. Ils ne demandaient qu’à vivre. Ils ont été sauvagement exécutés, violentés, blessés, meurtris à jamais, ou pris en otage.

En ce 7 octobre on fêtait Sim’hat Torah, c’est-à-dire « la joie de la Torah ». Mais le vacarme des actes terroristes a fait taire pour longtemps l’expression de la joie.

Les revendications du Hamas sont claires : tuer du Juif ! Elles nous renvoient à un antisémitisme assumé, multiséculaire au Proche-Orient comme partout dans le monde.

La douleur du peuple israélien est profonde ; nous nous y associons.

Depuis ce samedi 7 octobre, l’engrenage de la violence s’amplifie heure par heure. Nous ne pouvons accepter que l’État d’Israël, que le gouvernement de M. Netanyahou passe du droit de se défendre au droit de se venger.

Je fais miens les mots de Dominique de Villepin, qui rappelait, il y a bientôt quinze jours, que « le droit à la légitime défense n’est pas un droit à une vengeance indiscriminée ».

Un mort est un mort, quelle que soit son ethnie ou sa croyance. Nous refuserons toujours de les trier, de les opposer.

La situation de Gaza n’est ni acceptable ni soutenable : 1 million de personnes ont été déplacées, des missiles sont tirés quasiment en continu, faisant jour après jour des centaines de morts supplémentaires.

Cette situation n’est ni acceptable ni soutenable pour la population gazaouie, qui est aujourd’hui privée des biens indispensables à l’homme. Près de 2 millions de personnes sont privées d’eau potable, obligeant une partie d’entre elles à boire de l’eau de mer, nocive pour leur santé. À cela s’ajoute le manque de nourriture, de carburant et d’électricité. Toutes les organisations le disent : il est indispensable de faire entrer chaque jour à Gaza plusieurs centaines de camions d’aide humanitaire pour assurer la survie des 2 millions d’habitants, bien loin des vingt camions autorisés à circuler actuellement.

Ensuite, cette situation n’est ni acceptable ni soutenable pour le peuple israélien lui-même, car l’appauvrissement et les conditions de survie imposés aux habitants de Gaza sont – nous le savons tous – l’un des terreaux des organisations terroristes islamiques et de la radicalisation à venir d’une partie de la population.

Enfin, cette situation n’est ni acceptable ni soutenable pour la communauté internationale : c’est l’avenir de la sécurité au Proche-Orient et dans le monde qui se joue en ce moment pour plusieurs décennies.

Oui, nous devons combattre la guerre qui se déroule sous nos yeux.

La France doit faire entendre sa voix dans les arènes diplomatiques ; elle doit surtout jouer un rôle indispensable pour faire cesser cette guerre.

On ne peut pas dire : « oui, mais », comme nous l’entendons depuis plusieurs jours. Ce qui s’impose, c’est le respect du droit international et des différentes résolutions de l’ONU, qui requièrent que l’on crée deux États, mais aussi que l’on mette fin à l’occupation et à la colonisation. Ce respect est l’une des conditions fondamentales de la paix.

Cette volonté de paix s’est incarnée dans la remise conjointe, en 1994, du prix Nobel de la paix à Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin. Ce dernier le paya de sa vie, l’année suivante, exécuté par l’extrême droite israélienne qui ne voulait pas de la paix.

Oui, aujourd’hui, des actes forts doivent être pris par la France.

Nous saluons le déplacement du Président de la République Emmanuel Macron en Israël et en Cisjordanie. Si le « mais » nous sépare, le « et » nous rassemble.

Nous avons toutefois été surpris, madame la Première ministre, par les propos qu’a tenus le Président aujourd’hui, lesquels laissent croire à un nouvel engagement militaire de la France dans le cadre d’une extension du champ d’intervention de la coalition internationale contre Daech. Si cela devait se confirmer, un débat et un vote au Parlement seraient indispensables.

Nous devons aller au-delà de ces propos, de ce déplacement.

Ainsi, la France doit être à l’origine d’une nouvelle résolution de l’ONU, exigeant un cessez-le-feu et le respect des résolutions précédentes.

La France doit pouvoir redire à l’État israélien que la libération de Marwan Barghouti est nécessaire. Nombreux sont ceux qui le reconnaissent, en Israël ou en Palestine, comme l’un de ceux qui peuvent devenir des hommes de dialogue entre Israéliens et Palestiniens.

Enfin et surtout, la France doit, au-delà des mots, s’attaquer réellement au Hamas. Je le redis, le Hamas ne peut pas représenter, pour les progressistes que nous sommes, l’avenir du peuple palestinien : la barbarie du 7 octobre dernier le démontre aux yeux du monde entier. Ses liens avec le Djihad islamique et d’autres organisations le placent factuellement dans le camp des ennemis de la liberté.

Ces dernières années, peu nombreuses ont été les voix à s’élever pour dénoncer ses agissements ou pour renforcer le contrôle de l’utilisation des aides internationales et européennes à destination du peuple palestinien.

C’est dans un silence assourdissant que le Hamas a assis sa domination sur Gaza au cours de ces dernières années, affaiblissant par là même le poids de l’Autorité palestinienne.

Alors, soyons fermes en tout point, et reconnaissons que ce n’est pas la destruction de Gaza qui affaiblira le Hamas : ses principaux dirigeants sont actuellement au Qatar ! Du reste, si nous voulons réellement agir, alors cessons nos relations diplomatiques avec ce pays et invitons les autres pays à en faire de même, pour véritablement nous attaquer à cette organisation, qui a replongé le monde dans un temps que nous pensions révolu !

Oui, les auteurs et les instigateurs de ces attentats devront être traduits devant les juridictions internationales et jugés par celles-ci.

Madame la Première ministre, je le redis, nous demandons avec force et détermination un cessez-le-feu immédiat.

Le cessez-le-feu que nous exigeons, et en faveur duquel nous vous demandons d’agir, n’est pas le maintien de la situation actuelle. Il doit mettre fin aux massacres de civils et permettre de libérer tous les otages et de construire la sécurité indispensable à tous les peuples du Proche-Orient.

Nous savons tous ici que, sans cessez-le-feu immédiat, c’est malheureusement l’embrasement de tout Proche-Orient qui se prépare, très certainement. Personne ne domine la guerre et personne ne sait au profit de qui elle se termine.

Madame la Première ministre, la France n’est pas seule ; elle est attendue par de nombreux habitants d’Israël et de Palestine, qui veulent simplement, légitimement, vivre en paix, pouvoir sortir, écouter de la musique, voir grandir leurs enfants.

Je veux saluer ici les habitants de Haïfa, de Nazareth et d’ailleurs qui se regroupent au-delà de leurs origines pour assurer que leur ville, leur territoire ne sombrent pas dans des affrontements entre communautés, qui seraient mortifères pour leurs habitants.

Depuis cette tribune du Sénat de la République française, je veux dire aux enfants d’Israël et de Palestine que nous ne les oublions pas.

Nous serons toujours dans le camp de ceux qui veulent agir pour leur permettre de vivre et de grandir heureux, afin qu’ils voient chaque jour le soleil se lever.

Jean Jaurès déclarait avec force que « l’affirmation de la paix est le plus grand des combats ». Mon groupe et moi-même souhaitons qu’il devienne notre combat à tous. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne puis commencer cette intervention sans condamner, comme tous ceux qui m’ont précédé, l’effroyable massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre dernier ; sans dénoncer ceux qui, chez nous, refusent de le condamner ; sans exprimer notre compassion et notre solidarité envers ses victimes ; enfin, sans avoir une pensée particulière pour nos compatriotes assassinés et pour ceux qui sont aujourd’hui retenus en otages.

Mais quelle que soit notre colère et quelle que soit notre douleur, nous avons le devoir de comprendre pour agir.

Il y aura un avant et un après le 7 octobre 2023, comme il y a eu un avant et un après le 11 septembre 2001 et un avant et un après le 24 février 2022.

Touche par touche, le visage du monde actuel se dessine. Le XXe siècle a vu la lutte à mort des démocraties contre les totalitarismes, que nous avions cru avoir gagnée à jamais le jour de la chute du mur de Berlin.

Le 11 septembre 2001 a révélé comme un coup de tonnerre que les démocraties, jusqu’à la plus puissante, étaient vulnérables.

Le 24 février 2022 a vu se reformer l’internationale des dictateurs contre le monde libre : Russie, Chine, Corée du Nord et Iran se sont alliés dans la guerre contre l’Ukraine, contre l’Europe et l’ordre du monde libéral.

Le 7 octobre 2023 a vu les mêmes quatre cavaliers de l’Apocalypse des dictatures se montrer solidaires dans le refus de dénoncer le terrorisme islamiste. Ce jour a aussi vu le reste du monde ne plus choisir son camp, contrairement au siècle précédent, mais se déterminer au gré de ses intérêts. Le monde bipolaire du XXe siècle a vécu, le monde unipolaire des trente dernières années aussi ; celui d’aujourd’hui voit se recréer l’affrontement des démocraties et des dictatures, mais dans un univers multipolaire où rien n’est joué d’avance. Dans ce monde nouveau, il ne faut pas se le cacher, les démocraties ont perdu beaucoup de terrain en trente ans.

Mais la partie est loin d’être terminée. Et il faut d’abord tordre le cou à une propagande mensongère, qui fait florès grâce à la simplicité de son slogan et à la sous-intelligentsia des pseudo-experts : non, le Sud global n’existe pas.

Loin d’être global, ce prétendu Sud est parfaitement divisé. Une dizaine de pays africains, huit pays d’Amérique latine et surtout l’Inde, qui représente un sixième de l’humanité, ont partagé les condamnations des Occidentaux contre le Hamas.

Beaucoup d’autres n’ont pas pris position, parce qu’ils pensent que cette guerre n’est pas la leur, ou parce qu’ils craignent la fin de la sécurité de leur approvisionnement pétrolier. Ce Sud global allié aux dictateurs est le rêve de l’internationale des tyrans, comme le mouvement des non-alignés était la marionnette de l’URSS ; mais ce n’est aujourd’hui qu’un rêve. Notre responsabilité historique est de faire en sorte qu’il ne devienne pas réalité ; autrement, le XXIe siècle se transformerait en cauchemar.

On peut disserter sans fin des raisons qui ont poussé le Hamas à cet effroyable massacre. Elles sont nombreuses, mais il en est une qui domine toutes les autres : la volonté d’anéantir les accords d’Abraham. Et si les mains qui ont égorgé les enfants israéliens viennent de Gaza, le cerveau qui a conçu ce plan atroce et machiavélique est à Téhéran.

La première des réactions internationales a été celle de Joe Biden ; il faut l’en créditer. Il n’a pas hésité à traverser deux fois l’Atlantique en vingt-quatre heures pour s’entretenir en tête-à-tête avec ses alliés israéliens et tenter, sans succès pour l’heure, de rencontrer les dirigeants arabes modérés.

Seules quelques phrases en langue de bois figuraient dans le communiqué publié après sa rencontre avec le Premier ministre israélien, mais il n’est pas besoin d’être spécialiste de géopolitique pour savoir ce qu’a vraiment dit le président des États-Unis : « Le 11 septembre 2001 a été pour le peuple américain le même choc que le 7 octobre pour le peuple israélien. La colère et la soif de vengeance nous ont conduits à deux erreurs majeures : l’invasion de l’Afghanistan, dont nous sommes repartis vingt ans plus tard aussi humiliés qu’au Vietnam, et l’invasion de l’Irak, qui a embrasé tout le Moyen-Orient et a eu comme conséquence le pire qui pouvait arriver : la création de Daech. C’est exactement ce que souhaitait Ben Laden. Nous continuerons inlassablement de vous aider à assurer l’existence et la sécurité d’Israël, mais ne commettez pas la même erreur ! »

Ce conseil, au lendemain même des attentats abominables du Hamas, qui ne peuvent conduire qu’à un désir de vengeance indiscriminée, était sans doute l’un des plus difficiles que Joe Biden ait donnés de toute sa vie. Les alliés indéfectibles d’Israël que sont les Américains étaient sans doute les mieux placés pour le donner. Mais c’est aussi le seul conseil qui puisse demain faire échouer le plan du Hamas et de l’Iran, en tentant de sauver les accords d’Abraham. Les Européens l’ont relayé ; c’est aujourd’hui le Président français qui délivre le même message.

La nature de la riposte de Tsahal montrera si ces conseils ont porté leurs fruits, si Israël parviendra à distinguer la population palestinienne des terroristes qui la prennent en otage depuis vingt ans, et s’il parviendra, dans ce monde où seules les images comptent, à montrer au monde qu’il le fait. Ce sera effroyablement difficile.

Ne parlons même pas de la situation des otages et du risque de guerre au Nord, avec le Hezbollah et, pire, avec l’Iran.

Il faudra ensuite répondre à une question essentielle : quelles sont les options à moyen terme ? Aucune ne semble pour l’heure crédible. L’occupation est impossible dans la durée, le maintien du Hamas au pouvoir est inacceptable, son remplacement par son rival, le Fatah, est intenable, une force d’interposition arabe est inenvisageable et un gouvernement fantoche est inimaginable.

Une guerre totale contre le peuple palestinien et non pas uniquement contre le Hamas, outre qu’elle serait contraire au droit humanitaire, ruinerait la détente amorcée par Israël depuis les accords d’Abraham avec ses voisins – Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et, potentiellement, l’Arabie saoudite.

Cette détente est le seul espoir d’un Moyen-Orient apaisé et concentré sur son développement économique plutôt que sur l’affrontement des idéologies et les guerres de religion.

Elle vient de subir un coup terrible, et l’échec du sommet pour la paix qui vient d’avoir lieu au Caire entre États arabes et européens n’incite pas à l’optimisme.

À long terme, la seule façon d’éradiquer le terrorisme islamiste est, pour Israël et ses partenaires arabes, de trouver le chemin de la stabilité et, un jour, de la paix. Parvenir à une coexistence pacifiée avec ses voisins est pour Israël non pas un choix, mais une obligation. Cela suppose de résoudre enfin le problème laissé sans réponse depuis toutes ces années : comment réussir la cohabitation de deux peuples qui vivent sur cette même partie du monde et qui y resteront ?

Les accords d’Abraham avaient commencé d’établir une pierre à cet édifice de paix. La prise en compte de l’avenir des Palestiniens, qui constituaient la tache aveugle de ces accords, doit les compléter, si l’on veut que le Moyen-Orient ne reparte pas pour vingt ou trente ans de guerre, analogues aux soixante-quinze ans qui se sont écoulés depuis 1947.

Les massacres du 7 octobre semblent nous éloigner pour longtemps d’une telle réponse, mais l’histoire est faite de surprises. Et le vertige d’un nouvel embrasement dont les conséquences seraient dramatiques peut, sans doute, faire retrouver le chemin de la raison. C’est à cette très fragile espérance que notre pays doit se raccrocher. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 7 octobre dernier, le Hamas a frappé avec une violence abjecte Israël et son peuple.

Lors de cet attentat terroriste, plus de 1 400 personnes ont été massacrées, plus de 3 000 autres ont été blessées ; ces actes de barbarie ont choqué les esprits et révulsé les cœurs aux quatre coins du monde.

Partout, nous pleurons les victimes israéliennes, mais aussi plus de cent personnes de trente-huit nationalités, dont une trentaine de nos compatriotes. Nous déplorons aussi plus de deux cents otages, dont nous demandons la libération immédiate.

Qu’il me soit permis de réitérer à cette tribune notre condamnation la plus ferme de ces atrocités, ainsi que notre soutien plein et entier au peuple d’Israël et à ses amis à travers le monde.

Le 7 octobre 2023 est déjà entré dans les livres d’histoire comme l’une de ces dates charnières que les élèves apprendront par cœur : le jour où l’engrenage s’est enclenché et où le piège du Hamas s’est refermé.

À l’horreur de la barbarie du Hamas a succédé la violente riposte du gouvernement israélien, qui prend la forme d’une punition collective, par un siège destructeur et illégal de la bande de Gaza, noyée sous un tapis de bombes qui tuent indistinctement combattants et civils.

Toutes précautions prises, il ne fait pas de doute que les victimes civiles se comptent par milliers, dont de nombreux enfants. Notre solidarité s’étend naturellement au peuple palestinien et à toutes ces vies fauchées.

Le droit à la sécurité d’Israël, auquel nous sommes profondément attachés, ne peut exister que dans le respect du droit international humanitaire. Ce n’est pas un droit à une vengeance aussi aveugle que contre-productive.

Si la brève histoire du XXIe siècle nous a appris quelque chose, c’est que l’on ne gagne pas les guerres contre la terreur. Quand, pour se prémunir ou se venger du terrorisme, les démocraties se rendent coupables de crimes de guerre et de massacres de civils, elles ne font que renforcer ce qu’elles cherchent à anéantir. Le terrorisme se nourrit du désespoir et de la haine. S’il est possible de tuer les combattants du Hamas, il n’est pas possible de tuer une idéologie. Le combat contre une idéologie ne peut être que politique.

Malheureusement, et tel était l’objectif de l’agresseur, la perspective de résolution politique du conflit a reculé. La haine et le ressentiment sont à leur paroxysme, agités de chaque côté par les partisans de l’anéantissement de l’adversaire, qu’il s’agisse du Hamas ou de l’extrême droite messianique. Ces vitupérateurs, ces pourvoyeurs de haine masquent la réalité structurelle, qui n’est certes pas celle de l’instant : l’immense majorité des Palestiniens et des Israéliens aspirent à vivre en paix.

Alors que Tsahal prépare une intervention terrestre dans la bande de Gaza, la perspective de paix s’éloigne non seulement pour Israël et la Palestine, mais pour toute la région, voire au-delà. Au nord d’Israël, les échanges de tirs se multiplient entre le Hezbollah et Tsahal, entraînant, le week-end dernier, l’énonciation par l’Iran de premières menaces, à peine voilées, auxquelles la diplomatie américaine a immédiatement répondu. Entre stratégie de dissuasion et perspective d’un conflit généralisé, le monde vit dans l’expectative.

Plus que jamais, il est temps de sortir de cet engrenage de violence mortifère, qui ne peut qu’affaiblir davantage nos démocraties déjà fragiles face aux empires autoritaires. Ces derniers observent avec intérêt la dégradation du climat international pour mener à bien leurs propres velléités expansionnistes, à commencer par la tentative de conquête de l’Ukraine.

En conséquence, nous demandons un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt des combats. Ces crimes de guerre doivent cesser. Une intervention de Tsahal au sol, opération militaire aux objectifs et à l’efficacité plus qu’incertains, serait dramatique et extrêmement coûteuse en vies humaines, qu’il s’agisse des soldats et réservistes israéliens ou des civils palestiniens. Il est également indispensable d’augmenter massivement l’intervention humanitaire dans la bande de Gaza. L’ONU estime les besoins à plus de cent camions par jour ; nous en sommes très loin.

Madame la Première ministre, si nous avons entendu une inflexion bienvenue dans votre discours, où vous parlez d’une « trêve humanitaire », le propos qu’a tenu le Président de la République ce midi à Tel-Aviv nous inquiète grandement.

Que signifie, pour l’exécutif, faire « participer » « la coopération internationale de lutte contre Daech […] à la lutte contre le Hamas » ? S’il s’agit de participer à des bombardements de la bande de Gaza, c’est parfaitement inacceptable ; s’il s’agit de livrer des armes, ça l’est tout autant.

Rappelons que les bombardements contre Daech ont fait entre 1 300 – selon les sources officielles – et 12 000 – selon des sources journalistiques – victimes civiles, dans des territoires infiniment moins denses que la bande de Gaza.

Loin de telles velléités belliqueuses, la France doit retrouver la voix forte qui était celle de Jacques Chirac ; la voix qui n’hésitait pas à refuser d’engager nos armées dans une inutile « guerre contre la terreur » en Irak ; la voix qui était saluée en Palestine comme partout dans le monde arabe.

M. Guillaume Gontard. Il est indispensable que la France fasse de nouveau entendre cette voix, qu’elle la fasse résonner dans toute l’Europe.

Depuis trop d’années, l’Europe a fait sienne, à propos du conflit israélo-palestinien, la vieille maxime d’Henri Queuille selon laquelle « il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ». Symbole s’il en est de lâcheté politique, ce principe porte pourtant une signification trop souvent oubliée : l’absence de solution provoquera une résolution simpliste du problème, dans la douleur ou par la violence. Il serait déplorable que nous en arrivions là.

Depuis trop d’années, nous avons laissé prospérer le Hamas sur les ruines du processus de paix, anéanti par l’assassinat de Yitzhak Rabin, et sur celles de l’Autorité palestinienne, dévitalisée et démonétisée par l’usure du pouvoir, par la corruption, mais surtout par l’absence de toute perspective politique. Or, sans perspective politique, le choix du peuple palestinien se résume ainsi : suicide à petit feu ou explosion de violence.

Je n’ai pas le temps de reprendre le cours d’une histoire tumultueuse et complexe, de plus de sept décennies, mais nous faisons nôtre le propos tenu hier à la tribune de l’Assemblée nationale par M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, ainsi que sa démonstration magistrale.

Il a tracé le chemin qui pourrait permettre à la classe politique, loin des polémiques, de parler d’une seule voix, en rappelant que le préalable à tout processus de paix est l’arrêt et le reflux de la colonisation illégale qui, depuis deux décennies, ghettoïse et démantèle la Cisjordanie.

Dans son annonce de reprise du processus de paix, le Président de la République semble partager ce constat. Nous le saluons, mais chat échaudé craignant l’eau froide, nous nous méfions de ses grands discours rarement suivis d’effet.

Aux promesses doivent succéder les actes, et ce sans tarder ; aussi demandons-nous au Président de la République de reconnaître l’État palestinien, comme l’ont déjà fait 138 pays dans le monde.

Pour construire la paix demain, il faudra un interlocuteur. Nous souhaitons que la France pèse de tout son poids pour organiser une transition démocratique à la tête de l’Autorité palestinienne.

Pour ce faire, il convient de plaider pour la libération des prisonniers politiques palestiniens, notamment de ceux qui seraient à même d’incarner cette transition. Nos pensées à ce sujet, que nous partageons avec Dominique de Villepin, vont en premier lieu vers Marwan Barghouti.

Si Israël et la communauté internationale étaient incapables d’accompagner une telle transition démocratique, alors ce serait toute la Cisjordanie qui menacerait de plonger dans le chaos à la mort de Mahmoud Abbas, occultant tout espoir de paix.

Il est encore temps d’agir avec force en jouant une partition différente de celle des États-Unis. Par son existence même, l’Union européenne fait la preuve que les ennemis irréductibles d’hier peuvent devenir les alliés de demain. L’Union doit jouer un rôle d’arbitre pour construire la paix, condition sine qua non de la sécurité d’Israël, et pour que cesse ce conflit qui, depuis trois quarts de siècle, a engendré tant de souffrances, tant d’humiliations, et emporté tant de vies.

Il est encore temps d’agir pour la paix, « une juste cause » qui « finira par triompher », comme le disait Yitzhak Rabin. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

(Mme Sophie Primas remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sophie Primas

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 4 mars 1982, le président François Mitterrand s’exprimait ainsi à la Knesset : « Je ne sais s’il y a une réponse acceptable par tous au problème palestinien. Mais nul doute qu’il y a problème et que non résolu il pèsera d’un poids tragique et durable sur cette région du monde. »

Quatre décennies plus tard, le 7 octobre dernier, Israël a été confronté au lourd poids de la tragédie.

Les Israéliens ont vécu un drame absolu : l’assassinat aveugle de plus de 1 300 personnes par le Hamas, essentiellement des civils, dont certains binationaux, et l’enlèvement de près de 200 hommes, femmes et enfants vivant dans le sud du pays.

Les conditions de ce massacre ont profondément choqué, elles ont sidéré. Comme j’ai pu le dire dans cet hémicycle le 11 octobre dernier, de telles atrocités ne laissent pas de place à la nuance ou à la polémique.

Une nouvelle fois, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen condamne sans réserve ces attaques terroristes. Nous avons une pensée pour toutes les victimes ; nous avons également à l’esprit les familles françaises touchées par cette tragédie. Neuf de nos compatriotes figurent parmi les otages ; tout doit être mis en œuvre pour les libérer.

Rien ne peut justifier un tel acharnement sur des civils. Une fois de plus, le terrorisme islamique a montré qu’il était sans égard pour la vie humaine. Des attentats de septembre 2001 aux États-Unis à ceux de novembre 2015 à Paris, on pensait avoir vu le pire. Ce n’était, hélas ! pas le cas.

Malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, le drame du 7 octobre a conduit à un autre drame, celui que vit en ce moment la population palestinienne, prise sous le feu de Tsahal dans Gaza assiégé. Deux peuples souffrent aujourd’hui.

Israël a riposté pour défendre ses concitoyens ; comment pouvait-il en être autrement au regard de tous ces meurtres impensables ? Comment ne pas comprendre que ce pays défende, tout simplement, son droit à la sécurité ? Un droit d’autant plus légitime que les actes du Hamas portaient en eux le germe du génocide, renvoyant la population juive à un passé particulièrement douloureux.

Pour autant, il est vrai que cet enchaînement produit un résultat : la souffrance des Israéliens entraîne celle des Palestiniens. La douleur n’a ni frontière ni religion, au moins pour ceux qui ne sont pas tombés dans l’abîme de l’obscurantisme.

À Gaza, on compterait plus de 4 000 morts, des centaines de milliers de personnes déplacées et une situation humanitaire catastrophique.

Si l’on s’interroge parfois, dans un conflit, sur les buts de guerre, l’objectif du Hamas était clair : semer une discorde irréconciliable entre Palestiniens et Israéliens pour mieux en tirer les bénéfices à Gaza, voire au-delà, comme on le constate tristement dans certaines régions du monde où le Hamas sert d’étendard à une fierté retrouvée.

Nous le savons, les têtes pensantes du Hamas, des autocrates souvent confortablement installés hors de Gaza avec la complaisance de certains États, recherchent cette escalade : parce que le Hamas est l’ennemi de la paix ; parce que le Hamas est l’ennemi du peuple palestinien ; parce que le Hamas parie sur la stratégie du chaos.

La communauté internationale doit trouver les moyens de sortir de ce piège. Il faut nous en convaincre et convaincre : à terme, la solution n’est certainement pas militaire.

On le voit bien, une position d’équilibre est difficile à trouver entre le droit d’Israël à se défendre et le respect du droit international, en particulier du droit international humanitaire.

Le droit de la guerre est une sorte d’oxymore : la réalité de la guerre est bien trop brutale et reste rarement dans le cadre de ces règles. La communauté internationale va-t-elle le supporter longtemps ?

Alors que les États-Unis sont un allié inconditionnel d’Israël, nous avons tous clairement entendu le message du président américain à l’attention du gouvernement de Benjamin Netanyahou : « Ne répétez pas les erreurs que nous avons faites après le 11 septembre, ne soyez pas consumés par la rage ! »

Ces mots sont bien évidemment difficiles à entendre pour une opinion publique israélienne traumatisée. Pourtant, la diplomatie doit rapidement reprendre le dessus, car le risque d’un embrasement régional plane sur le conflit. Du Hamas au Hezbollah, il n’y a qu’un pas, et du Hezbollah à Téhéran, le chemin est court !

Aussi, je salue les efforts de la France, qui est sur tous les fronts au sein de la communauté internationale et qui dialogue avec plusieurs pays de la région.

Vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, préserver autant que possible la population civile palestinienne doit aussi être une priorité. Le principe de la trêve humanitaire que vous demandez est naturellement conforme aux valeurs humanistes que la France défend.

L’eau, la nourriture, les médicaments doivent entrer à Gaza, il y va de la survie des victimes du conflit. Il s’agit aussi de redonner du sens au droit humanitaire.

Sur le front politique, la solution à deux États refait surface ; c’est une bonne chose. Les accords d’Abraham ont paru suffire à garantir une sécurité relative à Israël ; le Premier ministre Netanyahou s’est sans doute bercé d’illusions avec ces relations de bon voisinage, comme il a pensé que l’affaiblissement de l’Autorité palestinienne n’était pas si mal venu.

Le Président de la République entend défendre cette option, qui regagne du terrain. Il faut en effet rapidement combler le vide diplomatique qui s’était installé autour du conflit israélo-palestinien.

De leur côté, les Palestiniens doivent absolument restaurer sur leur territoire une autorité politique engagée clairement dans la lutte contre le terrorisme.

Mon groupe partage cette orientation, car, à l’évidence, ni la terreur ni la vengeance n’apporteront la paix. Cela ne sera pas facile. Le sommet pour la paix qui vient tout juste de se tenir en Égypte le démontre : l’heure n’est pas tout à fait à la convergence, tant l’épée de Damoclès d’un assaut israélien sur Gaza pèse lourd.

Enfin, parce que ce conflit trouve un écho au-delà du Proche-Orient, notre responsabilité, en tant qu’élus républicains, est de ne pas faire de la Palestine un enjeu de solidarité sur notre territoire, afin de ne pas accentuer des fractures déjà palpables.

Nous devons, dans notre pays, tenir un langage de vérité, en particulier auprès des jeunes, pour que ceux-ci gardent la distance nécessaire et ne décryptent pas le monde dans lequel ils vivent au travers d’un prisme culturel ou religieux.

D’une façon générale, ne baissons pas les bras face à l’obscurantisme, où qu’il se trouve ! Madame la Première ministre, nous serons à vos côtés pour soutenir toutes les initiatives de la France pour la paix et la démocratie.

En 1919, Clemenceau, dans son discours à Verdun, soulignait qu’il était bien plus difficile de faire la paix que la guerre. Malgré toutes les embûches, la paix doit toujours rester la première boussole des peuples. Gardons à l’esprit aussi les mots de Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’heure où tous les regards se portent, encore une fois, sur la poudrière du Proche-Orient, dans l’attente anxieuse de sa probable explosion, permettez-moi d’avoir une pensée émue pour toutes les victimes de ce conflit, en particulier pour nos trente compatriotes assassinés par les terroristes du Hamas et pour les neuf Français encore portés disparus, que nous espérons toujours vivants.

Oui, le Hamas est bien une organisation terroriste, parmi les plus horribles du genre. Si certaines personnes avaient encore un doute à ce sujet, les macabres découvertes de leurs sévices et de leurs crimes les plus abjects faites depuis le 7 octobre n’en laissent plus aucun aux hommes et aux femmes de bonne volonté.

Seuls d’indignes calculs électoraux et d’infâmes idéologies pourraient inciter des politiques irresponsables à qualifier les actes du Hamas, ou cette organisation elle-même, de « résistance », souillant ainsi ce beau mot pour lequel tant de Français sont morts.

Face à cette barbarie, Israël, seule vraie démocratie du Proche-Orient, a le droit, et même le devoir, de défendre sa population, dans le respect – bien sûr ! – du droit international.

Dans ce contexte extrêmement tendu, animé de mauvaises passions, l’on aurait pu espérer une voix française forte, au-dessus de la mêlée. Hélas ! trois fois hélas ! la voix de la France est portée depuis plus de six ans par un homme qui avait déclaré, avant d’accéder aux plus hautes fonctions, qu’il n’y avait pas de culture française.

Comment, dès lors, lui reprocher de ne pas comprendre ce qui fait sa singularité, ce qui fait que cette voix française était autrefois attendue, écoutée et respectée partout dans le monde et notamment au Proche-Orient, où l’histoire nous avait donné une place particulière ?

Loin de saisir l’enjeu crucial du moment, le Président de la République a préféré, au lendemain des carnages du 7 octobre, se rendre en Allemagne pour un séminaire intergouvernemental, puis en Albanie, dont il veut apparemment faire un nouveau membre de l’Union européenne, contre toute logique et contre toutes les opinions publiques.

Il aura fallu attendre dix-sept jours pour qu’il atterrisse enfin en Israël, bien après tous les autres dirigeants européens. Pour y dire quoi ? Puisque notre singularité n’est plus, que dira le Président de la République que n’aura dit un Olaf Scholz, ou même une Ursula von der Leyen, qui se prend apparemment pour une cheffe d’État ?

Pour que la voix de la France porte de nouveau, il faut retrouver notre tradition diplomatique, alliée, mais non alignée, forte, car libre, et constante dans le temps.

C’est tout l’objectif de la déclaration des droits des peuples et des nations que Marine Le Pen a présentée il y a quelques semaines. Les grands principes énoncés dans cette charte, à commencer par l’égalité en dignité et en droits de tous les peuples et de toutes les nations, pourraient servir de guide pour trouver demain un règlement au conflit israélo-palestinien, prémices à la normalisation des relations interétatiques au Proche-Orient.

Cette proposition pourra devenir un outil que la France, de tout temps créatrice de droits nouveaux, portera dans le monde. Notre pays retrouvera ainsi cette place si particulière dans le concert des nations que beaucoup de pays du Proche-Orient attendent de nouveau ; cette place qui lui permet en même temps d’assurer la sécurité des Français, de promouvoir nos intérêts nationaux et de rester fidèle à notre histoire, selon la formule employée par Clemenceau à cette tribune même, le 11 novembre 1918 : « La France sera toujours le soldat de l’idéal. »

M. Mickaël Vallet. Encore un effort et nous aurons droit à Jaurès !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger.

M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité et des Français de létranger. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite répondre à plusieurs questions soulevées dans les interventions des différents orateurs.

Vous nous interrogez sur les formes que pourrait prendre l’extension à la lutte contre le Hamas de la coalition internationale contre le terrorisme. La coalition formée contre Daech n’implique pas exclusivement des actions militaires ; elle englobe également des actions en matière de renseignement, de lutte contre le financement du terrorisme, ainsi que de lutte contre le djihadisme en ligne et sur les réseaux sociaux.

Le Président de la République vient d’ailleurs de déclarer que cette lutte contre le terrorisme nécessite la coopération de tous et que c’est le prix nécessaire pour assurer la sécurité et la paix dans la région.

Je voudrais rassurer M. Retailleau : la tolérance zéro qu’il nous demande face à l’antisémitisme est bien la politique du Gouvernement.

En ce qui concerne l’aide humanitaire et la vigilance nécessaire pour que le Hamas n’en perçoive pas le moindre euro, je rappellerai que notre aide est acheminée via des agences de l’ONU, notamment l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (UNRWA) et le Programme alimentaire mondial (PAM), mais aussi via le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et diverses ONG. Nous veillons scrupuleusement à ce qu’aucun de ces fonds ne parvienne au Hamas.

Je tiens à remercier M. Cadic, qui a évoqué les trente Français assassinés par le Hamas ainsi que nos neuf compatriotes toujours portés disparus. Soyez assurés que nous déployons tous les efforts requis pour que ces derniers soient rendus à l’affection de leurs familles.

Je souhaite également rassurer M. Malhuret et Mme Carrère sur la pleine mobilisation de notre diplomatie pour éviter toute escalade dans la région. La préservation des accords d’Abraham demeure, en particulier, une priorité à nos yeux.

Enfin, l’absence de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères ce soir s’explique par sa participation au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle y plaide pour une trêve humanitaire, que nous demandons depuis près d’une semaine, ainsi que pour, à terme, un cessez-le-feu, condition de la reprise des négociations politiques en faveur d’une solution à deux États. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que ce débat touche à sa fin, je tiens à remercier les oratrices et les orateurs de tous les groupes politiques.

Vous l’avez tous souligné, la situation est grave. Elle exigeait un débat respectueux, à la hauteur des circonstances ; cela a été le cas, et je tiens à le saluer.

Nos parcours, nos idées et nos visions ne sont pas les mêmes, nos sensibilités peuvent parfois différer, c’est la démocratie. Cependant, au-delà de ces divergences, nos points de vue convergent sur plusieurs points essentiels, ce qui revêt une importance particulière dans de telles circonstances.

Premièrement, je constate qu’il existe un large consensus pour condamner sans ambiguïté l’attaque terroriste du Hamas sur Israël. Nous sommes tous d’accord pour nommer l’agression barbare dont ce pays a été victime et pour dénoncer l’horreur et la tragédie que constituent ces attentats.

Les mots ont un sens, et le refus d’en prononcer certains en a également un. Au Sénat, personne n’a d’états d’âme pour qualifier le Hamas de groupe terroriste, et je veux le saluer. Collectivement, nous reconnaissons également à Israël le droit d’assurer sa défense dans le respect du droit international.

Le deuxième point qui nous rassemble largement est la volonté de protéger les civils et l’attention portée aux populations de Gaza. Nous nous accordons pour affirmer que les populations palestiniennes sont également les victimes du Hamas et pour dénoncer la catastrophe humanitaire en cours à Gaza, ainsi que la mort de milliers de civils palestiniens.

Il n’y a pas de double standard face aux victimes : nous les pleurons toutes ; pas de double standard face aux civils : tous doivent être protégés.

La position de la France est claire et je l’ai réaffirmée devant vous : nous appelons à des trêves humanitaires qui pourront mener à un cessez-le-feu et à l’accès immédiat et sécurisé de l’aide à Gaza.

Enfin, je note un troisième point d’accord : notre recherche de la paix durable.

Comme vous, je crois que nous devons tout faire pour éviter un embrasement régional ; comme je l’ai dit en introduction, je suis convaincue que, par son histoire et sa voix indépendante, la France a un rôle à jouer, à court terme comme de manière plus durable, pour bâtir la paix et trouver une solution politique à ce conflit.

C’est précisément dans cette optique que le Président de la République s’est rendu dans la région aujourd’hui : tout faire pour éviter l’escalade et créer les conditions d’une reprise du processus politique pour une solution à deux États.

Comme il vient de le déclarer après son entretien avec le président Mahmoud Abbas, « nous sommes convaincus qu’une initiative forte pour la paix et la sécurité doit être conduite », car « la quête légitime de la sécurité demeurera une illusion tant qu’une paix juste ne sera pas durablement établie ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre débat portait sur la situation au Proche-Orient, mais vous avez aussi exprimé au cours de vos interventions des inquiétudes sur l’impact de ce conflit dans notre pays. Nous les entendons et nous y répondons.

Avec le Président de la République et tout le Gouvernement, nous continuons à combattre inlassablement l’antisémitisme sous toutes ses formes. L’antisémitisme est un poison et, comme toutes les haines, il n’a pas sa place dans notre République. Dans ce combat, notre détermination est totale.

Dès l’attaque contre Israël, avec le Président de la République, nous avons demandé au ministre de l’intérieur d’adresser un message de vigilance aux préfets et aux forces de l’ordre. Nous avons aussi rehaussé la protection des lieux sensibles, en particulier des écoles et des lieux de culte, grâce, notamment, à l’opération Sentinelle.

Comme je l’ai indiqué hier, depuis le 7 octobre, plus de 300 personnes ont été arrêtées pour des actes ou des menaces antisémites ; nous avons également reçu plus de 4 000 alertes pour des contenus haineux en ligne via la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos). Plus de 300 de ces signalements sont désormais entre les mains de la justice, dans l’objectif d’identifier et de punir les auteurs de ces contenus.

Nous ne faiblirons pas face au fléau de l’antisémitisme ; en ligne comme dans la rue, nous ne laisserons rien passer.

Enfin, je veux condamner de nouveau l’attitude de ceux qui voudraient utiliser ce conflit comme prétexte à toutes les outrances et à toutes les dérives, notamment à des fins électoralistes. C’est irresponsable et dangereux pour notre pacte républicain ; je me réjouis que cette position soit largement partagée sur les travées du Sénat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les circonstances sont graves. Dans ces moments, nous avons un devoir de cohésion nationale, un devoir de responsabilité, un devoir de dire les choses et de ne pas attiser les tensions de notre société. Je sais pouvoir compter sur le Sénat dans l’accomplissement de cet objectif.

Avec le Gouvernement, c’est toujours la voie que nous choisirons ; avec le Président de la République, nous défendrons toujours le chemin de la justice et de la paix. C’est l’honneur et la singularité de la France que de rester une Nation indépendante, capable de se tenir aux côtés du peuple israélien comme du peuple palestinien. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement relative à la situation au Proche-Orient.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Article 2 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 2 rectifié quinquies

Amélioration de l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 2 rectifié quinquies tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendements n° 185 rectifié, n° 133 rectifié, n° 17 rectifié bis, n° 128 rectifié, n° 37 rectifié quater, n° 45 rectifié bis, n° 26 rectifié et n° 44 rectifié bis

Après l’article 2 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié quinquies, présenté par M. Fichet, Mmes Artigalas, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mme Canalès, M. Cozic, Mme Daniel, MM. Darras, Gillé, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Ouizille, Redon-Sarrazy, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, Ziane, M. Weber et Kerrouche, Mme Lubin et MM. Pla, Cardon et Ros, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 2° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ….° Au nom du principe d’équité territoriale, les zones prioritaires pour l’installation des médecins exerçant une activité libérale caractérisée par une offre médicale insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins pour la spécialité concernée, afin de garantir aux populations un accès à ces professionnels de santé par voie terrestre dans un délai de transport inférieur à trente minutes. »

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement vise à instaurer une obligation d’installation des nouveaux médecins prioritairement dans les zones sous-denses.

Il tend ainsi à rendre le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) compétent, non seulement pour définir ces zones, mais aussi pour faire de l’installation des médecins libéraux dans lesdites zones une priorité, afin de rendre effectif le droit à la santé pour tous, quel que soit le lieu d’habitation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins sont définies par le code de la santé publique. Il est déjà prévu que ces zones bénéficient de dispositifs d’aide incitatifs visant à faciliter l’installation des professionnels de santé libéraux et à encourager l’exercice coordonné dans ces territoires.

La commission considérant cet amendement comme satisfait, son avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de lorganisation territoriale et des professions de santé. Je souscris aux propos de Mme la rapporteure : des dispositions pertinentes figurent déjà dans le code de la santé publique.

J’ajoute, même si nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des amendements suivants, que ce n’est pas en ajoutant des normes et des contraintes administratives que nous rétablirons la confiance dans nos territoires sous-denses, qui ont tant besoin que l’on incite des médecins à s’y installer. Les voies de contournement – déconventionnement, départ à l’étranger, réorientation professionnelle, etc. – sont du reste trop nombreuses.

Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement n’est pas satisfait. Un certain nombre – pour ne pas dire une accumulation – de dispositions ont effectivement été adoptées depuis de nombreuses années afin de tenter de favoriser l’installation des médecins dans les territoires sous-denses, mais aujourd’hui, le résultat est nul ! Aucun des dispositifs incitatifs existants ne fonctionne.

Constant dans ma demande depuis plusieurs années, je soumets donc cet amendement au vote afin de passer à un dispositif plus coercitif, tout en modérant ma proposition par rapport aux années précédentes, puisque le dispositif que je propose n’impose pas de durée minimale d’exercice dans les zones sous-denses après l’obtention du diplôme et qu’il laisse la main aux ARS.

Un tel dispositif est très attendu et j’estime que, contrairement aux dispositifs existants, il sera d’une certaine efficacité.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié quinquies.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 2 rectifié quinquies
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 78 rectifié ter

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 70
Contre 237

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 185 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 4111-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins et les chirurgiens-dentistes sont autorisés à exercer leur activité en ville dans les conditions prévues à l’article L. 4111-1-3. » ;

2° Après l’article L. 4111-1-2, il est inséré un article L. 4111-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4111-1-…. – Toute nouvelle installation d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste en ville au sens de l’article L. 4111-1 est subordonnée à l’autorisation de l’agence régionale de santé du territoire où se situe la résidence professionnelle principale du médecin ou du chirurgien-dentiste, après avis simple, rendu dans les trente jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l’ordre dont il relève.

« Si la résidence professionnelle principale du médecin ou du chirurgien-dentiste est située dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4 du présent code, l’autorisation est délivrée de droit.

« Dans le cas contraire, l’autorisation d’installation ne peut être délivrée qu’à la condition qu’un médecin ou un chirurgien-dentiste de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité.

« Les conditions d’application de ces dispositions sont définies selon les modalités définies de la convention mentionnée à l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale ».

II. – Si, dans les douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, aucune disposition d’application des 1° et 2° du I du présent article n’a été instituée dans les conditions prévues aux 8° et 9° de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, ces dispositions sont précisées par décret et entrent en vigueur au plus tard le 1er septembre 2024.

III. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui formule des propositions afin de cibler des aides à l’installation vers les zones où l’offre de soins est la plus dégradée.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à réguler l’installation des médecins dans les zones où l’offre de soins est au moins suffisante. L’autorisation de s’installer dans un tel territoire sera délivrée uniquement si cette installation intervient à la suite de la cessation d’activité d’un médecin y pratiquant la même spécialité.

Avec cet amendement, nous abordons un vaste sujet qui cristallise les débats et est au centre de l’attention de la profession.

Rappelons les faits : la régulation de l’installation ne remet pas en cause l’exercice libéral et ne dévalorise pas la profession médicale.

Ce n’est pas non plus une lubie : une telle régulation a montré son efficacité dans d’autres pays. Au Québec, les mesures de régulation, couplées à l’incitation, ont permis en quatre ans une augmentation de 76 % des installations de médecins dans les zones sous-dotées.

J’ajoute qu’il n’y a rien de révolutionnaire dans cette proposition, puisque le Président de la République lui-même proposait une régulation de l’installation dans son programme électoral de 2022.

Nous portons, avec le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux de l’Assemblée nationale, l’idée d’un nouveau contrat entre la Nation et les professionnels du soin, contrat indispensable pour que notre système public de santé puisse continuer d’exister.

Mme la présidente. L’amendement n° 133 rectifié, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 4111-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les médecins et les chirurgiens-dentistes sont autorisés à exercer leur activité en ville dans les conditions prévues à l’article L. 4111-1-3. » ;

2° Après l’article L. 4111-1-2, il est inséré un article L. 4111-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4111-1-…. – Toute nouvelle installation d’un médecin ou d’un chirurgien-dentiste en ville au sens de l’article L. 4111-1 est subordonnée à l’autorisation de l’agence régionale de santé du territoire où se situe la résidence professionnelle principale du médecin ou du chirurgien-dentiste, après avis simple, rendu dans les trente jours suivant sa saisine, du conseil départemental de l’ordre dont il relève.

« Si la résidence professionnelle principale du médecin ou du chirurgien-dentiste est située dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4, l’autorisation est délivrée de droit.

« Dans le cas contraire, l’autorisation d’installation ne peut être délivrée qu’à la condition qu’un médecin ou un chirurgien-dentiste de la même spécialité et exerçant dans la même zone cesse concomitamment son activité. Cette autorisation est de droit.

« Les conditions d’application de ces dispositions sont définies par décret en Conseil d’État, pris après avis du conseil national de l’ordre des médecins et du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes. »

II. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui formule des propositions afin de cibler des aides à l’installation vers les zones où l’offre de soins est la plus dégradée.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Cet amendement, issu des travaux du groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux de l’Assemblée nationale, vise à créer un dispositif de régulation de l’installation selon les besoins de santé des territoires, de manière à flécher l’installation des médecins généralistes et spécialistes, ainsi que des chirurgiens-dentistes, vers les zones où l’offre de soins est insuffisante. En zone sous-dotée, l’autorisation serait délivrée de droit pour toute nouvelle installation.

Il s’agit d’un premier pas dans la régulation de l’installation des médecins et des chirurgiens-dentistes sur le territoire, qui permettra à tout le moins de stopper la progression des inégalités entre les territoires.

Ce dispositif vise à orienter l’installation des professionnels de santé vers les zones où l’offre est la moins dense par un aménagement du principe de liberté d’installation, lequel continuerait de prévaloir.

Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Bonneau, Médevielle, Canévet et Guerriau, Mme Jacques, M. Cambier, Mme Antoine, M. Kern, Mmes Herzog et Perrot, MM. J.M. Arnaud, Folliot, Maurey, Verzelen et Cigolotti, Mme Saint-Pé et M. Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’article L. 162-2, après les mots : « le malade, », les mots : « la liberté d’installation du médecin, » sont supprimés ;

2° Après l’article L. 162-2-1, il est inséré un article L. 162-2-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 162-2-1…. – L’installation d’un médecin libéral en dehors d’une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante, au sens du 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, est subordonnée à une autorisation de l’agence régionale de santé. Seuls les médecins disposant de cette autorisation peuvent être conventionnés par l’assurance maladie.

« L’autorisation ne peut être accordée que si le demandeur assure la succession d’un professionnel libéral, relevant de la même spécialité médicale, qui cesse définitivement son activité dans la zone. Un décret en Conseil d’État précise selon quelles modalités le médecin libéral mettant fin à son activité désigne son successeur.

« En l’absence de successeur désigné, l’agence régionale de santé peut autoriser l’installation d’un médecin libéral qui en a fait la demande, selon des critères et une procédure définis par décret en Conseil d’État.

« À titre exceptionnel, en l’absence de cessation d’activité d’un confrère, le conventionnement peut être accordé, dans des conditions précisées par décret, à un médecin libéral qui fait état de raisons personnelles dûment justifiées, afin notamment de lui permettre de se rapprocher de son conjoint à la suite d’une mutation professionnelle ou d’une personne en situation de perte d’autonomie dont il est le proche aidant. »

La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Cet amendement, comme les précédents, vise à instaurer un dispositif de régulation de l’installation des médecins selon les besoins des territoires.

Le dispositif proposé conditionne en effet l’installation des médecins à une autorisation de l’agence régionale de santé, qui ne pourra être accordée dans les zones surdotées qu’après la cessation d’activité d’un médecin exerçant dans la même spécialité.

Une dérogation est néanmoins prévue pour tenir compte de certaines situations personnelles, notamment le rapprochement d’un conjoint.

Je tiens à préciser qu’une telle régulation existe déjà pour d’autres professions de santé.

Mme la présidente. L’amendement n° 128 rectifié, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le III de l’article L. 1434-10 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin d’atteindre les objectifs fixés au présent article, dans les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé mentionnées au 2° de l’article L. 1434-4, le conventionnement d’un médecin libéral en application de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans des conditions équivalentes dans la même zone, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Par cet amendement, nous proposons également un conventionnement sélectif à l’installation, de sorte que l’installation d’un médecin dans une zone à forte densité médicale ne puisse intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité d’un autre médecin exerçant dans la même zone.

Plusieurs orateurs ont déjà évoqué les limites des dispositifs d’incitation, qui sont coûteux et placent les collectivités en situation de concurrence pour attirer des médecins sur leur territoire.

Je suis consciente que les médecins sont réfractaires aux mesures de coercition. Je rappelle toutefois que notre pays compte de nombreuses zones sous-denses – selon les estimations, la proportion de déserts médicaux se situe entre 30 % et 85 % du territoire national – et que la liberté d’installation sera de ce fait grandement préservée.

En outre, un tel dispositif de régulation bénéficiera en premier lieu aux médecins eux-mêmes, car ceux qui exercent dans des zones tendues ne parviennent plus à accueillir leur vaste patientèle comme il le faudrait et souffrent d’épuisement.

Je ne suis a priori défavorable ni à l’exercice libéral ni à la liberté d’installation, mais j’estime que, face au constat de l’échec de ce système, face à la détresse, au désarroi et même à la colère de nos concitoyens confrontés à ces difficultés, le rôle de la puissance publique est d’organiser les choses.

Mme la présidente. L’amendement n° 37 rectifié quater, présenté par Mme Lermytte, MM. Chasseing, Wattebled, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Verzelen et Guerriau, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Saint-Pé et Josende et MM. Maurey et Longeot, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-6-…. – Dans les zones mentionnées au 2° de l’article L. 1434-4, le conventionnement d’un médecin libéral en application de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans des conditions équivalentes dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Alors que le nombre de médecins titulaires d’un doctorat a augmenté de 180 % depuis 1990, les médecins sont de moins en moins nombreux à s’installer en exercice libéral et souhaitent souvent être salariés.

Dans ce contexte, lorsqu’un médecin rencontre des difficultés à trouver un successeur, comme cela m’est arrivé, une commune peut soudainement se trouver « désertifiée » faute de médecin.

Je ne suis pas forcément favorable aux coercitions, mais compte tenu de cette situation, celle que je vous propose au travers du présent amendement me paraît acceptable, mes chers collègues.

Cet amendement vise à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l’installation qui existe dans plusieurs professions de santé.

Dans des zones, définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux, dans lesquelles existe un fort excédent en matière d’offre de soins – si de telles zones n’existent pas, la présente disposition ne s’appliquera tout simplement pas –, un nouveau médecin libéral ne pourra s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone aura cessé son activité.

Le principe de la liberté d’installation demeurera donc, mais le conventionnement ne sera possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans ces zones.

Mme la présidente. L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, M. P. Joly, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Blatrix Contat, MM. Chaillou, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … Dans les zones définies au 2° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national dans lesquelles est constaté un excédent en matière d’offre de soins, les conditions du conventionnement à l’assurance maladie de tout nouveau médecin libéral sous réserve de la cessation d’activité libérale concomitante d’un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa ; ».

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise, lui aussi, à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l’installation qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé : pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, etc.

Dans des zones, définies par les ARS en concertation – je le souligne – avec les syndicats médicaux, dans lesquelles existe un excédent en matière d’offre de soins – je rappelle que plus de 80 % du territoire sont considérés comme des déserts médicaux –, un nouveau médecin libéral ne pourra recevoir un conventionnement à l’assurance maladie lors de son installation que lorsqu’un autre médecin libéral de la même zone cessera son activité.

Le principe de la liberté d’installation demeurera donc, mais le conventionnement ne sera possible que de manière sélective pour les nouvelles installations dans les zones surdotées.

Les mesures incitatives qui ont été mises en place, partout sur le territoire, n’ont pas fonctionné. De surcroît, elles ont occasionné des coûts élevés pour les collectivités territoriales qui ont opté pour ce type d’aménagements. Ces derniers ont même entraîné des effets pervers en plaçant les collectivités en situation de concurrence et en permettant des abus de la part de quelques médecins.

Nous ne pouvons pas persévérer dans une telle logique. Tout en ayant conscience que des mesures de coercition pures ne seraient pas efficaces, j’estime que, pour lutter efficacement contre les déserts médicaux, il faut restaurer l’attractivité de la médecine générale et réformer la formation des médecins.

Il conviendrait par exemple – cela a déjà été évoqué à plusieurs reprises – de favoriser les stages auprès des médecins généralistes en zone sous-dense, ou encore les stages dans les hôpitaux secondaires.

Il est aujourd’hui crucial d’adopter un dispositif susceptible de rééquilibrer les installations sur notre territoire en mobilisant l’ensemble des solutions possibles. La disposition que je vous propose n’est qu’une de ces solutions, mes chers collègues, mais elle a montré son efficacité pour d’autres professions de santé.

Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 20° bis ainsi rédigé :

« 20° bis Les conditions à remplir pour être conventionné, notamment celles relatives aux zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ; ».

II. – Si dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, aucune mesure de limitation d’accès au conventionnement n’a été instituée dans les conditions prévues au 20° bis de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de la présente loi, l’accès des médecins au conventionnement prévu par l’article L. 162-5 du même code est régulé dans les conditions suivantes :

1° Le directeur général de l’agence régionale de santé détermine par arrêté, après concertation avec les représentants des médecins, les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé ;

2° Dans les zones mentionnées au 1°, un médecin ne peut accéder au conventionnement que concomitamment à la cessation d’activité d’un confrère exerçant dans la même zone. Est assimilé à une cessation d’activité le transfert de la résidence professionnelle du confrère vers une zone mentionnée au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique.

III. – Le II cesse d’avoir effet à la date d’entrée en vigueur des mesures de limitation d’accès au conventionnement instituées dans les conditions prévues au 20° bis de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.

IV. – Les modalités d’application du II sont fixées par décret en Conseil d’État.

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise, lui aussi, à encadrer le conventionnement des médecins dans les zones où l’offre est la plus élevée.

La pénurie de médecins est une préoccupation majeure pour les élus et les habitants de certains de nos territoires ; on le voit bien quand on va à leur rencontre. Il est crucial que l’État joue, enfin, son rôle de régulateur pour remédier à cette situation.

Dans une publication récente, l’Insee classe mon département, l’Ain, au troisième rang national des départements ayant la plus faible densité de médecins. Avec 174 médecins pour 100 000 habitants, l’Ain est deux fois moins doté que les départements voisins.

Comme cela a été rappelé, les médecins mettent les communes en concurrence ; malgré les nouvelles installations qu’elles financent, elles ne parviennent pas à attirer de médecins.

En tant que législateur, il nous incombe de tirer les leçons de la réalité des déserts médicaux et d’agir immédiatement. Par le présent amendement, je vous propose donc d’amorcer une première étape, pragmatique, de la réponse à ce défi.

Nous ne pouvons pas tolérer que certains de nos concitoyens soient privés d’un accès élémentaire aux soins médicaux, comme c’est le cas dans mon département. L’État doit jouer pleinement son rôle – c’est une question de justice et d’équité.

Les mesures incitatives ne fonctionnent pas, cela a été dit. J’estime qu’en dépit du risque que certains médecins choisissent de s’installer dans un autre pays – cette menace est souvent évoquée – nous devons essayer de réguler l’installation des médecins. C’est même une nécessité pour certains de nos territoires.

Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Perrin, Rietmann, Brisson, J.P. Vogel, Bacci, Burgoa et Bonhomme, Mme Dumont, MM. Tabarot, Gremillet, H. Leroy, Panunzi, Cadec, E. Blanc, Bouchet et Lefèvre, Mme Ventalon, MM. D. Laurent, Menonville, Genet et de Nicolaÿ, Mmes Noël, Josende et P. Martin, MM. Belin, Pointereau, Anglars, Hingray, Cambon, Folliot, Maurey, Delcros, Sido et de Legge et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-6-…. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, le directeur général de l’agence régionale de santé détermine par arrêté, après concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins, les zones dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins. Dans ces zones, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone.

« Un décret, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du présent article. »

II. – En l’absence de convention conclue dans les conditions prévues au 21° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.

Six mois avant la fin de l’expérimentation prévue au même I, un comité composé de députés, de sénateurs, de représentants des collectivités territoriales, des administrations compétentes de l’État et des ordres des professions de santé concernées procède à l’évaluation de la mise en œuvre du présent article et propose les mesures d’adaptation qu’il juge nécessaires. Le rapport établi par ce comité est transmis au Gouvernement ainsi qu’au Parlement.

La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces huit amendements tendent à réguler l’installation des médecins généralistes.

Avant d’aborder ce débat récurrent, il importe de rappeler les faits.

La profession connaît de fortes tensions démographiques, puisque notre pays a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021.

Mme Cathy Apourceau-Poly. La faute à qui ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Plus de 85 % du territoire se situe en zone sous-dense. En 2022, 65 % des médecins ont déclaré avoir refusé de nouveaux patients comme médecin traitant, alors qu’ils n’étaient que 53 % en 2019. Telle est la réalité !

L’accès aux soins, à un médecin traitant et à des spécialistes de secteur 1 peut s’avérer difficile partout, en territoire rural comme en ville.

Toutefois, la régulation de l’installation ne résoudra aucune de ces difficultés, mes chers collègues.

M. Bruno Belin. Très bien !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cela reviendrait, au contraire, à envoyer un signal de défiance.

Ce signal – je le crains – est du reste déjà parvenu jusqu’aux étudiants en médecine. Comme l’a rappelé Véronique Guillotin, les étudiants placent en effet la médecine générale en quarante-deuxième position sur quarante-quatre spécialités.

Voter un dispositif de régulation serait donc le plus sûr moyen de les décourager de s’installer et de réduire l’attractivité des principales spécialités concernées, alors que celle de la médecine générale recule déjà et que la spécialité ne fait plus le plein d’étudiants.

Faire ce choix, ce serait également aggraver les tensions entourant la reprise déjà fragile des négociations conventionnelles.

L’exemple du Québec, qui a été cité tout à l’heure, montre précisément que les déserts médicaux perdurent en dépit de dispositifs de répartition et d’obligation d’installation en zone sous-dense. (Mme la ministre déléguée le confirme. – Exclamations sur des travées du groupe SER.) Cela ne fonctionne pas, car, il faut bien le dire, ce pays, comme le nôtre, n’a pas formé suffisamment de médecins.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Non, ma chère collègue, les dernières données montrent que cela ne fonctionne pas.

Pis, l’adoption de telles dispositions entraînerait un vent de déconventionnements. Je ne le dis pas pour vous faire du chantage, mes chers collègues, mais parce que je sais que nous sommes tous attachés au modèle de la sécurité sociale, et que celui-ci s’en trouverait fragilisé, au bénéfice d’une médecine à plusieurs vitesses que nous ne souhaitons pas.

Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est déjà le cas !

Mme Corinne Imbert, rapporteur. Certes, mais la dynamique s’accélérerait encore ! En effet, de telles dispositions encourageraient le développement d’assurances complémentaires proposant la prise en charge de trois ou quatre consultations d’un coût de 50 euros chacune par an, ce qui aboutit à une réduction du temps médical.

M. Alain Milon. Bien sûr !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Aujourd’hui, toutes les assurances proposent dans leur panier de soins des consultations chez l’ostéopathe pour un montant pouvant aller jusqu’à 200 euros par an et par bénéficiaire.

En votant ces dispositions, nous risquons d’encourager cela, mes chers collègues. C’est pourquoi je vous prie d’entendre mon avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous n’assurerons pas un juste accès aux soins par des improvisations menées contre les médecins. Nous avons besoin des médecins et des soignants, et ce n’est pas en allant contre eux que nous améliorerons l’accès aux soins dans notre pays.

M. Bruno Belin. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement sur ces huit amendements est également défavorable.

Comme cela a été indiqué par plusieurs orateurs, 87 % du territoire national est en situation de désert médical. Il n’y a donc pas de zones surdotées dans notre pays.

M. Patrice Joly. C’est faux !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Non, il n’y a pas de zones surdotées ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

L’enjeu est aujourd’hui de renouer la confiance avec la médecine libérale et d’assurer l’engagement collectif des médecins tout en restaurant, comme Mme Poumirol l’a souligné, l’attractivité de la médecine générale.

Les solutions à la désertification médicale et au manque de soignants ne fonctionneront que si nous les construisons, non pas contre les médecins, mais avec eux, car ils sont les premiers concernés. Dans la grande majorité de vos territoires, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont du reste les solutions coconstruites qui fonctionnent.

Dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, il a été permis à chaque profession d’inclure des mesures de régulation démographique dans ses négociations conventionnelles avec l’assurance maladie. Les chirurgiens-dentistes ont été la première profession médicale libérale à s’emparer de cette possibilité.

Je le redis, l’adhésion des professionnels de santé est nécessaire pour que ces mesures fonctionnent.

Mme la rapporteure a parlé des jeunes ; je peux en faire de même, puisque j’ai souvent l’occasion de les rencontrer.

Soyons extrêmement vigilants au message que nous envoyons aux jeunes qui souhaitent s’engager dans la voie des études de médecine : nous ne devons en aucun cas les décourager, car nous avons besoin que des jeunes se tournent vers les professions de santé. À l’heure où le télétravail se développe à grande vitesse dans de nombreux métiers de service, le choix de la médecine est un véritable engagement. Je le répète, nous devons encourager ces vocations et non en détourner les jeunes, qui sont attentifs à nos débats !

Mme la rapporteure l’a relevé : si les étudiants en médecine rechignent à choisir la médecine générale au terme des épreuves classantes nationales, c’est notamment à cause des travaux parlementaires relatifs à la coercition et de la régulation. (Mme Nadia Sollogoub le confirme.) C’est leur motif pour ne pas choisir la médecine libérale.

Il s’agit donc là d’un grand point de vigilance. Ces jeunes diplômés sont courtisés par de nombreux pays étrangers ; or ils constituent une ressource précieuse, qu’il nous faut conserver.

J’en viens à présent aux médecins plus âgés, à ceux qui approchent de la retraite.

Tout d’abord, je tiens à leur dire une nouvelle fois qu’ils ne sont pas responsables des choix effectués par le passé. Le numerus clausus a été supprimé beaucoup trop tard, nous le savons tous. Grâce à cette suppression, nous aurons certes 20 % de médecins supplémentaires, mais pas avant huit ans.

En parallèle – il faut le dire –, les dispositions de ces amendements s’opposent très clairement au caractère de la médecine libérale.

La médecine libérale, c’est bien la liberté d’installation…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Allez le dire aux habitants !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Instaurer des mesures de coercition ou de régulation, c’est porter atteinte aux modalités d’accès à la médecine libérale.

Les médecins qui s’apprêtent aujourd’hui à prendre leur retraite n’ont jamais compté leur temps. Les praticiens de cette génération travaillent en moyenne plus de soixante-dix heures par semaine, parfois encore en exercice solitaire, ce que les jeunes ne veulent plus faire ; nous devons donc les accompagner vers les nouveaux modes d’exercice. Il s’agit là d’un véritable enjeu.

Il faut donc poursuivre le travail d’écoute pour renouer le lien de confiance et faire face aux défis des années à venir. Mais, j’y insiste, faciliter l’exercice professionnel des médecins libéraux, ce n’est pas les brider.

La faiblesse de la densité médicale est un phénomène mondial. Ce n’est pas un problème purement français : le monde entier est devenu un désert médical. Il faut en avoir conscience.

Un praticien peut tout à fait partir à l’étranger ; certains médecins français ont déjà fait ce choix. D’autres, une fois en âge de prendre leur retraite, cessent complètement leur activité, même si nous avons favorisé le cumul emploi-retraite. D’autres encore décident malheureusement de changer d’activité professionnelle.

Certains voudraient nous faire croire qu’un médecin de moins en centre-ville, c’est un médecin de plus en milieu rural : c’est faux ! Un praticien que l’on voudrait forcer à s’installer à la campagne risque fort de renoncer tout simplement à l’exercice de la médecine. Dès lors, on n’aura plus de médecin du tout, ni en ville ni en zone rurale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons impérativement renouer la confiance avec les médecins libéraux, avec les médecins généralistes. Nous devons travailler à l’attractivité de ces métiers. Or, à l’heure où 87 % de la France est un désert médical, à l’heure où nous manquons cruellement de médecins, le vote de ces amendements de régulation ou de coercition serait un mauvais signal envoyé à la profession. Je vous le dis très sincèrement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, pour explication de vote.

M. Bruno Belin. Madame la ministre, le problème ne vient pas de la suppression tardive du numerus clausus

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. En partie, si !

M. Bruno Belin. Peut-être le numerus clausus a-t-il été trop abaissé dans les années 1990 ; peut-être n’a-t-on pas suffisamment tenu compte, à cette époque, des défis démographiques qui se profilaient.

Je me tourne à présent vers ceux d’entre nous qui souhaitent, par leurs amendements, instaurer des mesures de coercition.

Chers collègues, la menace est une grave erreur. En la brandissant, on oublie en effet un facteur dont nous n’avons pas encore parlé au cours de ces débats : je veux parler de la motivation. Le jour où vous obligerez un étudiant en médecine à aller au fin fond du Finistère, de la Meurthe-et-Moselle…

M. Jean-François Husson. Très bien ! (Sourire.)

M. Bruno Belin. … ou d’un autre département, il arrivera en faisant la grimace. Il ne sera absolument pas motivé ; et un médecin qui n’est pas motivé ne sera pas assez à l’écoute de sa patientèle.

M. Jean-Luc Fichet. Propos scandaleux !

M. Bruno Belin. Mais vous faites encore une autre grave erreur : vous proposez, en somme, de transformer les agences régionales de santé en agences de régulation des soins, ou du système de santé. Mais comment allez-vous décider qui peut s’installer ici ou ailleurs ? Vous ne ferez, en définitive, que créer un nouveau concours. Les mieux classés pourront choisir leur lieu d’installation et les derniers seront stigmatisés : ils seront forcés d’aller dans les zones les plus rurales, où personne ne veut exercer. (Mme Émilienne Poumirol sexclame.) Ce serait une première étape vers la médecine à deux vitesses.

La menace du déconventionnement est certes une réalité ; mais, sans aller si loin, force est de constater que la médecine salariale cherche tous les jours à recruter. Regardez le nombre de postes de médecin coordonnateur proposés dans les Ehpad : vous en trouverez demain matin autant que vous voudrez ! Ce sont des postes sans astreintes, sans gardes, sans permanence des soins.

Bref, un tel système ne peut pas fonctionner.

À l’inverse, je rejoins Mme la ministre au sujet des médecins en fin de carrière : aujourd’hui, le défi – nous en reparlerons sans doute au cours de la soirée ou demain –, c’est de garder le plus longtemps possible les médecins en activité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. J’adhère complètement aux propos de Mme la rapporteure, de Mme la ministre et de M. Belin.

Mes chers collègues, la loi instaurant le numerus clausus date de 1971 et la première ministre de la santé à l’appliquer fut Simone Veil, en 1973. Ses successeurs ont régulièrement baissé le numerus clausus, en particulier sous François Mitterrand. Il n’a été rehaussé qu’au début des années 2000, lorsque Lionel Jospin était Premier ministre et Jacques Chirac Président de la République. Les différents Premiers ministres qui ont suivi M. Jospin ont fait de même. Reste que, pendant des années, le nombre de médecins a régulièrement diminué du fait de l’application de la loi de 1971.

Ce rappel étant formulé, j’en viens à la situation des zones dites « surdotées », que beaucoup ont mentionnées ce soir. Sans doute pensent-ils d’abord à la Côte d’Azur ; je suis au regret de leur dire qu’ils font erreur.

Certes, beaucoup de praticiens sont inscrits à l’ordre des médecins dans les départements de la Côte d’Azur. J’ai un âge certain, je suis toujours inscrit à l’ordre, mais je n’exerce plus. Comme moi, nombre de médecins recensés sur la Côte d’Azur sont en fait retraités. Le doyen de la faculté de médecine de Nice me confiait d’ailleurs récemment qu’entre Saint-Raphaël et Nice, soit sur cent kilomètres de côte, il n’y a pas un seul dermatologue libéral…

Enfin, je reviendrai brièvement sur la logique de coercition.

L’Espagne a opté pour un système médical plutôt coercitif. Or, au cours des dix dernières années, 18 000 docteurs en médecine ont demandé, sitôt sortis de la faculté, à quitter le pays pour exercer ailleurs.

Le Canada a, lui aussi, fait le choix de la coercition : les docteurs en médecine sont tenus d’exercer pendant deux années au moins dans des zones sous-dotées. En contrepartie, leurs consultations sont largement majorées : un médecin qui s’installe dans un territoire canadien sous-doté gagne l’équivalent de 370 000 euros par an…

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Alain Milon. Malgré ces avantages, ils quittent leur lieu d’exercice au terme de cette période de deux ans et désormais, au Canada, les nouveaux docteurs en médecine ne veulent plus aller dans les zones sous-dotées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Madame la rapporteure, je vous rejoins au moins sur un point : le nombre de médecins a effectivement reculé. Il s’agit là d’un très grave problème, face auquel nous devons mener un grand effort de formation…

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Céline Brulin. Nous progressons un peu en ce sens, mais insuffisamment à mes yeux. J’ai coutume de dire, de manière un peu schématique, que pour remplacer un médecin qui part aujourd’hui à la retraite il en faut quasiment deux,…

M. Patrice Joly. Et même trois !

Mme Céline Brulin. … voire trois. On mesure l’ampleur de l’effort qui nous attend.

Nous reviendrons sur ce sujet : nous ne devons pas nous limiter aux capacités de nos universités et aux effectifs actuels de maîtres de stage. Cet effort de formation est indispensable.

La médecine générale subit une désaffection réelle. La création d’une quatrième année d’internat, portant la durée des études de médecine à dix ans, a peut-être joué un rôle en la matière – je le signale, même s’il est probablement un peu tôt pour évaluer les effets de cette mesure.

En parallèle, les médecins revendiquent une augmentation de leurs tarifs : peut-être pourrait-on leur donner gain de cause, dans le cadre des négociations conventionnelles, en contrepartie de certains engagements…

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Ça, on a essayé !

Mme Céline Brulin. Cette forme de régulation s’apparenterait à un donnant-donnant.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous accusez de brandir une menace. Mais les enseignants ne choisissent pas leur lieu d’affectation ; ils ne choisissent pas leurs élèves : parle-t-on pour autant de menace ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Ils sont fonctionnaires !

Mme Céline Brulin. Nous trouvons tous que c’est tout à fait normal.

Madame la ministre, certains membres de cette assemblée s’opposent avec constance à toute forme de régulation ; en ce sens, ils font preuve de cohérence. Mais le conventionnement sélectif, c’est le Président Macron qui l’a proposé lors de la dernière campagne électorale… (Mme la ministre déléguée proteste.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement, en 2022 !

Mme Céline Brulin. Comment se fait-il que vous n’y adhériez plus, une fois M. Macron réélu ?

Enfin, vous nous dites redouter une médecine à deux vitesses : nous sommes déjà en plein dedans.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Céline Brulin. Allez sur Doctolib : vous trouverez un rendez-vous dans la semaine, dans le quartier du Sénat,…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Et même pour le lendemain !

Mme la présidente. Merci, madame Brulin !

Mme Céline Brulin. … à des tarifs que peu de Français peuvent assumer. La médecine à deux vitesses existe donc déjà, et il est grand temps de corriger cela !

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Les mesures proposées ici ne répondront pas à la détresse de nos concitoyens : quand on n’a pas assez à distribuer, on ne peut pas faire de la régulation. En tant que telle, la pénurie empêche toute redistribution des ressources.

Ainsi, à l’hôpital, les médecins font l’objet d’une politique de régulation : leurs postes sont ouverts en fonction des besoins des différents services. Or, aujourd’hui, l’on manque de médecins dans tous les hôpitaux de France, même à Nice ou à Paris. On manque partout de médecins hospitaliers : à l’évidence, ce système ne fonctionne pas.

Si l’on optait pour le mode de régulation en vigueur en Allemagne, que se passerait-il dans les faits ? On ne répondrait que partiellement à vos préoccupations, mes chers collègues, car on commencerait par aider les zones les plus en détresse, à savoir les territoires ultramarins. Pendant plusieurs années, on se concentrerait sur leurs difficultés et non sur celles des déserts médicaux de métropole, sur lesquels vous insistez du reste à juste titre.

La régulation est un sujet de désespoir pour les étudiants en médecine ; je le confirme, c’est le spectre de la régulation qui les détourne de la spécialité de médecine générale.

J’entends aussi que la régulation est en vigueur chez les infirmiers, ou encore chez les kinés…

Mme Élisabeth Doineau. Elle est effectivement appliquée pour ces professionnels, mais, aujourd’hui, on ne manque pas moins d’infirmiers et de kinés. Vous voyez bien que la régulation ne répond pas à nos problèmes.

M. Bruno Belin. Et les pharmaciens !

Mme Élisabeth Doineau. En effet, les inscriptions en études de pharmacie sont, elles aussi, en baisse.

J’en suis persuadée : le déconventionnement serait vraiment très lourd de conséquences. En particulier, les jeunes médecins seraient fortement incités à opter pour le remplacement. Ce faisant, ils cesseraient d’assurer l’animation de nos territoires. Ce n’est donc pas une véritable solution face au déficit de médecins,…

Mme la présidente. Merci, madame Doineau !

Mme Élisabeth Doineau. … et je ne parle pas des problèmes de spéculation lors de la transmission des cabinets médicaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, vous dites que la médecine libérale, c’est la liberté d’installation : je l’entends. Mais la liberté des Français qui n’ont pas de médecin, quelle est-elle ?

Mme Monique Lubin. Vous hochez la tête ; pour notre part, nous ne savons plus quoi dire à nos concitoyens.

Mme Monique Lubin. C’est précisément la raison pour laquelle je vais voter certains de ces amendements.

Je n’ai vraiment aucun goût pour les obligations de cette nature. Mais l’enjeu aujourd’hui est le suivant, je le répète : que répondons-nous à nos concitoyens qui n’ont pas de médecin et ne peuvent pas se faire soigner ? Que répondons-nous à nos concitoyens qui, lorsqu’ils ont un pépin après vingt heures ou vingt et une heures, ne trouvent pas de solution, entre des urgences hospitalières qui ne sont plus toujours ouvertes à tout le monde et des médecins qu’ils ne peuvent plus consulter ? Que leur répondons-nous ? Que nous proposez-vous ?

Les médecins ne veulent pas de coercition ; ils entendent conserver leur liberté d’installation. On peut bien sûr le comprendre. On comprend aussi les citoyens qui ne peuvent plus se soigner correctement, faute de médecins. Très bien : mais, une fois que l’on a compris tout le monde, qu’est-ce qu’on fait ?

M. Bruno Belin. Et qu’a fait Jospin ?

Mme Monique Lubin. Pour notre part, nous proposons des solutions. Elles ne sont certainement pas parfaites ; j’attends donc que l’on m’en présente d’autres, afin que, demain, des médecins s’installent partout en France.

En son temps, Pierre Mauroy avait dit que tous les enfants de France, même ceux du Nord, avaient droit à des enseignants.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. On manque aussi d’enseignants…

Mme Monique Lubin. De même, tous les citoyens, quels qu’ils soient, ont droit à des médecins !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. À en croire certains, les dispositions de nos amendements iraient à l’encontre des médecins…

M. Jean-Luc Fichet. Pas du tout ! Nous voulons agir, non pas contre les médecins, mais pour les territoires.

M. Bruno Belin. C’est contre-productif !

M. Jean-Luc Fichet. Notre assemblée compte un certain nombre de médecins et, plus largement, de professionnels de santé ; mais nous sommes tous, d’abord et avant tout, des élus de territoires. Or, pour la plupart, ces territoires sont aujourd’hui en très grande souffrance. On ne peut plus l’occulter.

Face à cette situation, vingt-six ou vingt-sept textes de loi se sont succédé depuis dix ans. On a multiplié les abondements, les financements, les aides attribuées par les départements et les régions. On serait d’ailleurs stupéfait de la masse atteinte par tous ces crédits cumulés : en faisant le calcul, on constaterait que l’on a mobilisé des sommes absolument considérables, pour un résultat proche de zéro.

On insiste sur le fait que, lors du choix des spécialités, la médecine générale arrive désormais en quarante-quatrième position. Comment s’en étonner lorsque, à la suite de la récente proposition de loi de notre collègue Bruno Retailleau, on crée une dixième année d’études de médecine ?

M. Jean-Luc Fichet. Dans le même temps, pour lutter contre les déserts médicaux, on a choisi de faire appel à des médecins seniors, parce que l’on ne voulait pas affronter la question de la coercition.

Nous sommes dans la même situation qu’il y a dix ans. Notre pays forme de nombreux médecins, mais seulement 11 % d’entre eux s’installent en exercice libéral : où vont les autres ? Au titre de leur formation médicale, ils ont pourtant bénéficié de l’argent et de l’intervention de la puissance publique : on peut quand même le dire ! Pourquoi n’exprimerait-on pas quelques exigences à leur égard ? Pourquoi n’auraient-ils pas autant de devoirs que de droits ?

M. Jean-François Husson. Vous avez eu cinq ans pour le faire sous François Hollande !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Pour ma part, je suis prêt à examiner absolument tout type de mesure : la régulation et l’obligation ne me posent aucun problème philosophique. Ce qui me pose problème, ce sont les mesures dont on sait à l’avance qu’elles ne fonctionneront pas.

La vraie difficulté, c’est que, pour 100 000 médecins généralistes formés dans notre pays, seuls 50 000 sont installés. La vraie difficulté, c’est la question de l’attractivité, citée par Émilienne Poumirol et par d’autres encore.

Mes chers collègues, les jeunes médecins ne veulent pas exercer de la même manière que leurs aînés. Lors du dernier choix, au mois de septembre 2023, la médecine générale a encore reculé et – vous pouvez en être sûrs – ceux qui l’ont choisie par défaut, parce qu’ils étaient en fin de classement, iront très vite faire autre chose.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Oui !

M. Bernard Jomier. On nous propose d’empêcher l’installation des médecins dans les zones surdotées, lesquelles ne représentent qu’une toute petite partie de notre pays : comment une telle mesure pourrait-elle apporter quoi que ce soit aux autres territoires ? Elle ne servira à rien, un point c’est tout ! Nous pouvons bien sûr la voter, mais elle n’aura aucun impact, ne serait-ce que pour cette raison : la contrainte s’exercera sur l’exercice libéral et non sur l’exercice salarié. S’ils veulent aller dans les zones surdotées, les médecins se contenteront d’opter pour le salariat, et ils trouveront de la place partout !

À l’évidence, un tel dispositif ne fonctionne donc pas.

J’ai entendu dire, au cours du débat, qu’il marchait pour les infirmières et les kinés. Mes chers collègues, fondez-vous sur des données précises, consultez des atlas démographiques ! Je prends tout l’hémicycle à témoin : vous verrez que, des trois professions dont il s’agit – infirmiers, kinés et médecins généralistes –, la mieux répartie sur le territoire, c’est la troisième, celle qui n’est pas régulée. En tout cas, il est faux de dire qu’un tel système a fonctionné : il ne marche pas du tout.

Les solutions sont complexes et longues à mettre en œuvre : c’est là qu’est tout le problème. La filière visuelle a commencé sa réorganisation et la redistribution de ses rôles il y a une dizaine d’années et les premiers résultats sont là. Pour autant, l’on n’a empêché aucun ophtalmo de s’installer où que ce soit.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Alain Milon l’a déjà rappelé : par le passé, le numerus clausus a été appliqué de manière beaucoup trop restrictive. De fait, on est longtemps parti du principe que, plus il y avait de médecins, plus la sécurité sociale était en déficit… Pour combler le déficit de la sécurité sociale, il fallait donc réduire le nombre de médecins. Or ce raisonnement était erroné – on en est sûr aujourd’hui.

Mme Émilienne Poumirol. Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous parlez tous de la menace du déconventionnement. Dans mon département, certains syndicats de médecins libéraux militent avec beaucoup d’ardeur pour cette formule ! Il s’agit bel et bien d’une menace, mais elle est relative et intimement liée au contexte de pénurie que nous connaissons : ces médecins partent du principe que, même si leurs consultations étaient portées à 50 euros, ils auraient toujours des patients.

Madame la ministre, la médecine est libérale jusqu’à un certain point : les consultations sont quand même remboursées par la sécurité sociale. (Mme Laurence Harribey acquiesce.) Elles sont financées par des deniers publics ! Un médecin n’est pas un commerçant, un épicier ou un boucher, qui prend des risques et exerce son métier comme il l’entend. Dès lors que la sécurité sociale assure le remboursement, la médecine n’est pas, à proprement parler, un métier libéral.

Personnellement, j’en ai la certitude – j’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire tout à l’heure –, il faut renforcer l’attractivité de la médecine générale : je reste en effet persuadée que c’est le plus beau métier du monde.

Il faut sensibiliser les jeunes à la beauté de ce métier en misant sur l’exercice coordonné et sur des stages répétés. (Mme la ministre déléguée le confirme.) Lorsqu’il accomplit un stage dans une région, si désertifiée soit-elle, un jeune médecin y crée vite des attaches : il y constitue sa patientèle et a tendance à y rester.

Bernard Jomier vient d’évoquer le cas des ophtalmos. Dans le domaine de la médecine, il faut dix ans pour que les mesures prises prennent pleinement effet.

La régulation n’est sans doute pas l’alpha et l’oméga,…

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !

Mme Émilienne Poumirol. … mais, en attendant mieux, elle peut nous offrir une meilleure répartition des médecins sur le territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. À mon tour, je tiens à réagir brièvement à certains propos que j’ai entendus.

Tout d’abord, M. Fichet suggère de calculer le montant total consacré au financement des études de médecine ; mais les étudiants en médecine donnent tant d’heures sous-payées à l’hôpital…

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous sommes bien d’accord !

M. Jean-Luc Fichet. C’est encore un autre sujet !

Mme Nadia Sollogoub. … qu’en définitive l’État leur devrait plutôt de l’argent !

Ensuite, on évoque les jeunes médecins qui n’ont pas très envie d’aller dans certains territoires. L’enjeu, à cet égard, c’est l’organisation des études de médecine, et ce depuis la première année : le meilleur moyen pour qu’un médecin souhaite s’installer dans une région, c’est qu’il en soit originaire. En ce sens, nous avons un très gros effort à faire.

Si plus de jeunes de mon département de la Nièvre accomplissent des études de médecine, ils s’y installeront beaucoup plus facilement que d’autres. (M. Bruno Belin acquiesce.) En la matière, nous payons sûrement des inégalités anciennes ; il est grand temps de rétablir une véritable équité, en donnant les mêmes chances aux jeunes de tous les territoires. C’est un axe sur lequel il est urgent de travailler.

À l’inverse – M. Jomier le souligne avec raison –, les mesures coercitives ne serviront à rien.

Enfin, je déplore que l’on n’attende pas de voir les effets de diverses dispositions déjà votées, à commencer par la quatrième année de spécialité en médecine générale. Des docteurs juniors vont accomplir une dernière année en ambulatoire dans les territoires…

Mme Cathy Apourceau-Poly. En étant sous-payés eux aussi !

Mme Nadia Sollogoub. Au cours de cette année de fin d’études, ils pourront tout à fait avoir un coup de cœur pour telle ou telle région. Il n’y a pas de mystère : c’est auprès de leurs maîtres de stage que nombre de jeunes médecins décident de s’installer. (Mme la ministre déléguée opine.) J’en ai fait l’expérience moi-même.

Malgré les réticences observées ici ou là, cette dernière année d’études s’accomplit d’ores et déjà dans les territoires ; pourquoi ne pas attendre que la mesure fasse effet ? Ne plaçons pas la charrue avant les bœufs. À ce titre, il est urgent d’attendre : avant de prendre des mesures supplémentaires, évaluons les effets de cette disposition.

M. Bruno Belin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.

M. Olivier Bitz. En écoutant ce débat, on a l’impression qu’il y a, d’un côté, des territoires surdotés et, de l’autre, un vaste désert médical. Mais un tel tableau gomme de nombreuses nuances : ainsi, ne serait-ce que pour atteindre la moyenne nationale, le département dont je suis l’élu devrait doubler son nombre de médecins généralistes. Certains déserts sont encore plus asséchés que les autres !

Pour ma part, je suis favorable à une régulation résultant d’une concertation avec les professionnels de santé et acceptée par eux ; un tel travail a pu être mené à bien le 21 juillet dernier avec les chirurgiens-dentistes, dans le cadre de leurs discussions avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).

J’observe aujourd’hui que, malgré les nombreuses demandes formulées, les fortes pressions exercées et les graves difficultés auxquelles nous faisons face, nous n’arrivons pas à aboutir sur ce sujet avec les médecins généralistes. C’est la raison pour laquelle, en attendant un tel accord, en attendant une régulation acceptée par les professionnels, je voterai, à titre personnel, en faveur de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. Avant tout, mes chers collègues, restons attentifs au vocabulaire que nous utilisons : il n’est pas question ici de coercition, mais de régulation. En choisissant le premier terme, on risque fort de se livrer à une forme de manipulation intellectuelle…

De même, on voudrait nous faire croire qu’il n’y a pas de territoires surdotés, alors que c’est évidemment le cas. Ces zones regroupent 13 % de la population française. Bien sûr, elles ne sont pas surdotées dans l’absolu, au regard de normes optimales ; mais, en réalité, un territoire est surdoté dès lors qu’il se trouve au-dessus de la moyenne et, en temps de pénurie, il faut savoir prendre les mesures qui s’imposent.

Bref, soyons attentifs à la situation et faisons preuve de rigueur intellectuelle.

Quant au nombre de médecins, je m’interroge. J’ai vérifié les chiffres : la France dénombrait 260 000 médecins en 2010 ; elle en compte aujourd’hui plus de 310 000.

Je le sais bien, la part des spécialistes augmente au détriment des généralistes et, en progressant, la féminisation tend à réduire le temps de médecin. Toujours est-il qu’il y a des médecins dans ce pays, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire. La question est donc la suivante : comment les répartir correctement sur l’ensemble du territoire en leur demandant, par simple esprit de solidarité, de prendre leur part de l’effort collectif ? Je le répète, dans toutes les périodes de pénurie, de telles mesures d’organisation ont été prises.

Un certain nombre de territoires, non seulement ruraux, mais aussi urbains, ont besoin de cette présence médicale. Bon nombre de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant et, même s’ils souffrent de pathologies lourdes, sont privés d’un suivi médical correct.

On a cité la loi de 1971 et les décisions de 1981 : ne remontons pas jusqu’à la préhistoire ! Sur ce sujet, tout le monde a eu plus ou moins tort, plus ou moins raison ; toujours est-il qu’aujourd’hui nous avons un problème devant nous. Par exemple, dans le département dont je suis l’élu, 20 % des habitants n’ont plus de médecin traitant : comment fait-on ?

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Joly !

M. Patrice Joly. Enfin, je ne saurais accepter que l’on invoque la motivation des médecins, lorsque des kinés, des infirmiers ou encore des fonctionnaires font,…

M. Patrice Joly. … malgré les contraintes qui pèsent sur eux, leur travail avec tout le sérieux que l’on peut attendre d’eux.

L’urgence est là. Nos territoires se meurent ; il faut trouver des solutions ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Il faut être concis !

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, personne ici n’entend stigmatiser la profession médicale, les médecins dans leur ensemble. On sait combien ils donnent quotidiennement, on sait combien ils ont donné face à la crise du covid-19, comme d’autres professions d’ailleurs, qu’il s’agisse des infirmières, des aides-soignantes ou des aides à domicile.

Il n’empêche que nous sommes face à cette question : concrètement, que faire aujourd’hui ?

Ces chiffres ont déjà été rappelés : les zones sous-denses représentent 85 % du territoire national et 6 millions de Français n’ont plus de médecin traitant.

Ces dernières années, on a tout essayé. On a donné des aides à l’installation. On a consenti de nombreux investissements publics. Les maires ont ainsi construit un certain nombre de maisons de santé, dont certaines sont complètement vides, faute de médecins. À présent, des maires ruraux payent 1 500 ou 2 000 euros sur des sites internet pour qu’on leur trouve des médecins ! Ils sont prêts à mettre à disposition de ces derniers des moyens tout à fait importants, à commencer par des locaux et un secrétariat.

On a essayé ces solutions. On les essaye encore et toujours : elles ne fonctionnent pas, on en reste à 85 % de zones sous-denses.

Madame la ministre, je vous pose la même question que Monique Lubin : que doit-on faire ? que nous proposez-vous ?

Pour notre part, nous ne parlons pas de mesures coercitives – personne ne défend de telles formules –, mais de régulation. Que fait-on pour nos zones sous-denses ? Que répondons-nous aux habitants qui viennent nous voir chaque jour, y compris dans nos permanences parlementaires, en nous suppliant presque de leur trouver un médecin traitant ?

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !

Mme Cathy Apourceau-Poly. À vous entendre, les mesures que nous présentons ne sont pas les bonnes ; j’en déduis que vous avez des propositions à nous faire. Nous les attendons !

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. À mon sens, nous sommes confrontés à un problème non pas de répartition, mais de pénurie. Or il n’est pas possible de répartir la pénurie.

Mme Véronique Guillotin. Mais non, mon cher collègue ! Et puis, vous avez dépassé votre temps de parole de vingt-deux secondes tout à l’heure : alors, laissez-moi terminer, je ne me suis pas encore exprimée sur ce sujet.

Pour moi, je le redis, il n’y a pas de problème de répartition : il existe certes quelques zones surdenses dans l’Ouest, mais elles sont en définitive très peu nombreuses. Je ne sais même pas s’il s’agit de zones surdenses en médecins généralistes – puisque c’est la question qui nous préoccupe aujourd’hui.

Si l’on empêche ces médecins de s’installer dans le sud-ouest de la France, on ne parviendra pas pour autant à combler les territoires sous-dotés.

Par ailleurs, mes chers collègues, connaissez-vous un seul sénateur dans cet hémicycle prêt à concéder que son territoire est suffisamment pourvu en médecins généralistes et à déclarer qu’il préfère que ces professionnels s’installent dans le département d’à côté ? Pas un seul d’entre nous ne dira que tout va bien, je vous en donne mon billet ! Les amendements déposés sur ce texte le montrent bien d’ailleurs.

Certains d’entre vous ont mis en avant les autres professions de santé, notamment les infirmiers et les pharmaciens. Prenons ce dernier exemple : il s’agit d’une profession régulée, les pharmaciens ont l’obligation de s’installer ici ou là. Or tout ne va pas si bien : les études de pharmacie sont délaissées et certaines officines ne sont pas reprises en milieu rural. La problématique est donc la même que pour les médecins. (M. Jean-Luc Fichet proteste.)

Notre collègue a évoqué la situation des instituteurs, mais leur cas est un peu différent. Cela étant, même certains jeunes instituteurs disent aujourd’hui qu’ils ne veulent pas enseigner à l’autre bout de la France, là où ils ont été envoyés, et qu’ils préfèrent changer de métier.

Le monde a complètement changé, mes chers collègues ! Aujourd’hui, nous assistons à une transformation complète du monde de la santé et des moyens d’exercice.

Il ne faut pas mentir aux Français, mais leur tenir un discours de vérité : nous allons avoir des problèmes dans les territoires pendant plusieurs années, mais il est tout à fait possible de les résoudre, et nous allons y parvenir.

Mon territoire, par exemple, était désertifié, paupérisé. Une maison de santé y a été créée ; eh bien, je regrette de devoir vous le dire, mais cela fonctionne ! Il s’agit de l’une des plus importantes maisons de santé du nord-est de la France, dans l’un des territoires les plus compliqués. On y trouve des maîtres de stage, et les jeunes viennent frapper à la porte.

Il faut cesser de dire qu’il n’y a pas de solutions. Il en existe, mais il faut laisser le temps au temps et attendre que les choses évoluent.

Dans très peu de temps, un bataillon de docteurs juniors sera en mesure d’exercer…

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !

Mme Véronique Guillotin. Anticipons et faisons-leur de la place dans les territoires ruraux, afin qu’ils aient envie de les découvrir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Bravo ! C’est essentiel, ce que vous venez de dire, ma chère collègue !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Tous les amendements dont nous discutons ne sont pas identiques.

Ainsi, l’amendement n° 37 rectifié quater de Mme Lermytte, que j’ai présenté tout à l’heure, vise à créer un dispositif de régulation dans des zones, définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux, qui présentent un fort excédent de médecins.

Alain Milon vient de déclarer qu’il n’existe pas de zones excédentaires : dans ce cas, notre amendement est sans objet, mais, de grâce, il n’est pas interdit de chercher à répartir les médecins sur le territoire !

Je comprends que cet amendement, dont je suis cosignataire, puisse être mal perçu, mais je le voterai, parce qu’il y a trop d’angoisse chez nos concitoyens qui vivent dans les déserts médicaux.

Il faut certes continuer à encourager l’installation des jeunes médecins. Ce qu’a prévu le Gouvernement pour les médecins candidats à l’installation dans les zones sous-denses est à cet égard très important : 50 000 euros offerts à l’installation, une exonération d’impôt pendant cinq ans, des possibilités de financement pour les maisons de santé…

Pour autant, il ne serait pas si terrible de prévoir quelques mesures de coercition. D’autant que les amendements dont nous discutons ne sont pas coercitifs, puisque nous proposons simplement un dispositif de régulation à l’installation dans les zones hyperdenses, s’il s’en trouve.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Madame la ministre, j’avais déposé un amendement portant article additionnel après l’article 5 bis, qui a malheureusement été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Si je le mentionne, c’est pour répondre à tous ceux qui doutent que nous ayons des idées : nous faisons des propositions, même si, je vous l’accorde, nous ne voulons pas de mécanisme coercitif. Et encore, ce n’est pas parce que cela nous dérange, mais parce que les jeunes étudiants en médecine n’en veulent pas !

Mme Pascale Gruny. La coercition ne sert à rien. On se contente de gérer la pénurie, ce qui est très compliqué à faire.

Mon amendement tendait à acter la création d’antennes universitaires des unités de formation et de recherche (UFR) Santé dans les territoires sous-dotés, afin de favoriser l’ancrage des étudiants dans les zones déficitaires – ma collègue Nadia Sollogoub en a parlé – et ainsi d’augmenter la capacité de formation des universités.

Il est vraiment dommage que nous ne puissions pas examiner cet amendement. Si j’évoque le sujet ce soir, madame la ministre, c’est pour que vous l’examiniez de plus près.

Dans mon département, l’Aisne, il n’y a pas d’université. Nos étudiants partent faire leurs études à Amiens, à Lille ou à Reims. Les universités d’Amiens et de Lille acceptent que ces jeunes reviennent faire leur stage dans l’Aisne ; en revanche, l’université de Reims a dressé une barrière géographique entre nos départements, si bien que nous ne pouvons pas récupérer les jeunes du sud de mon département. Nous avons cherché à négocier – sans succès, hélas !

Nous avons donc vraiment besoin, madame la ministre, que vous vous penchiez sur cette question.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 185 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 10 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 263
Pour l’adoption 53
Contre 210

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur les amendements nos 133 rectifié et 17 rectifié bis. Puis-je considérer que ces votes sont identiques au scrutin public qui vient de se tenir ? (Assentiment.)

En conséquence, les amendements nos 133 rectifié et 17 rectifié bis ne sont pas adoptés.

Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l’adoption 107
Contre 216

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur les amendements nos 37 rectifié quater, 45 rectifié bis et 26 rectifié. Puis-je considérer que ces votes sont identiques au scrutin public qui vient de se tenir ? (Assentiment.)

En conséquence, les amendements nos 37 rectifié quater, 45 rectifié bis et 26 rectifié ne sont pas adoptés.

Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié bis.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendements n° 185 rectifié, n° 133 rectifié, n° 17 rectifié bis, n° 128 rectifié, n° 37 rectifié quater, n° 45 rectifié bis, n° 26 rectifié et n° 44 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 76 rectifié ter

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 12 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l’adoption 124
Contre 188

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 78 rectifié ter, présenté par MM. P. Joly et Fichet, Mmes Narassiguin et Espagnac, MM. Darras, Marie, Roiron et Tissot, Mme Monier, M. Michau, Mme Blatrix Contat, M. Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, MM. Cozic et Ziane, Mme Lubin et M. Kerrouche, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-6-…. – L’exercice de la médecine à tout autre titre que ceux mentionnés à l’article L. 4131-6 est subordonné à l’exercice préalable de la médecine générale, pendant douze mois en équivalent temps plein, dans l’une des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4. Cette durée est accomplie sur une période maximale de vingt-quatre mois dès l’obtention du diplôme.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

II. – Le I n’est pas applicable aux médecins qui, à la date de publication de la présente loi, remplissent les conditions mentionnées au I de l’article L. 632-2 du code de l’éducation.

La parole est à M. Patrice Joly.

M. Patrice Joly. Nous proposons ici une mesure de régulation relative à l’installation des jeunes médecins.

Plus précisément, cet amendement vise des médecins qui, quoique formés à la médecine générale, n’exercent pas devant des malades, mais dans des laboratoires ou dans d’autres institutions ou organismes.

Une étude de 2015 a démontré que 25 % des médecins formés n’exerçaient pas devant des malades. Nous proposons que ces médecins, en fonction des circonstances et de l’urgence, puissent donner de leur temps à l’ensemble des territoires.

Il s’agirait de faire en sorte qu’ils exercent dans des territoires non surdotés durant douze mois en équivalent temps plein. Ils auraient le choix de le faire soit sur une période de deux ans, ce qui reviendrait à un exercice à mi-temps dans une telle zone, soit en une seule fois, ce qui leur permettrait de passer leur première année à exercer la profession dans laquelle ils envisagent de s’établir.

Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai dès à présent l’amendement n° 76 rectifié ter.

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 78 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 42

Mme la présidente. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 76 rectifié ter, présenté par MM. P. Joly et Fichet, Mmes Narassiguin et Espagnac, MM. Darras, Marie, Roiron et Tissot, Mme Monier, M. Michau, Mme Blatrix Contat, M. Redon-Sarrazy, Mme Bonnefoy, MM. Cozic, Ziane et Kerrouche et Mme Lubin, et ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131-6-…. – La signature d’une convention prévue à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale par un médecin, généraliste ou spécialiste, installé dans une zone caractérisée par une offre de soins particulièrement élevée au sens du 2° de l’article L. 1434-4 du présent code, est subordonnée à l’exercice préalable de son activité, pendant au moins dix-huit mois en équivalent temps plein sur une période maximale de trois ans dans une zone autre que celles évoquées aux 1° et 2° de l’article L. 1434-4 du même code. Cette durée peut être accomplie, selon le choix du médecin – généraliste et spécialiste -, de manière continue ou par intermittence et à un rythme qu’il détermine.

« Dans l’une des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° du même article L. 1434-4, cette durée est réduite à douze mois sur une période maximale de deux ans. Cette durée peut être accomplie, selon le choix du médecin – généraliste et spécialiste -, de manière continue ou par intermittence et à un rythme qu’il détermine. Le cas échéant, la période accomplie dans cette zone est prise en compte pour le calcul de la durée mentionnée au premier alinéa du présent article si le médecin – généraliste et spécialiste - concerné s’installe ultérieurement dans une zone relevant du 2° de l’article L. 1434-4.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

II. – Le I n’est pas applicable aux médecins - généralistes et spécialistes - qui, à la date de publication de la présente loi, remplissent les conditions mentionnées au I de l’article L. 632-2 du code de l’éducation.

Veuillez poursuivre, monsieur Joly.

M. Patrice Joly. Cet amendement-ci concerne les médecins qui, formés à la médecine générale, vont effectivement exercer devant des malades.

Il leur est proposé, là encore, de consacrer du temps aux patients des zones non surdotées à raison de dix-huit mois en équivalent temps plein, exercice qu’ils pourraient accomplir sur une période de trois ans s’ils préfèrent travailler à mi-temps dans ces territoires et consacrer le reste de leur temps aux autres zones.

Si les médecins acceptent d’exercer dans des zones sous-dotées, la durée de cet exercice préalable serait réduite à douze mois, qu’ils pourraient réaliser soit en une seule fois, soit à mi-temps sur une période de deux ans. Ils pourraient exercer soit en exercice libéral soit en tant que salariés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je ne souhaite pas rouvrir le débat, mais je considère qu’il n’est ni possible ni souhaitable de demander à l’ensemble des étudiants en médecine, quelle que soit leur spécialité, d’exercer devant des patients en zone sous-dense.

Si j’ai bien compris, monsieur Joly, par votre premier amendement, vous demandez à des médecins formés, qui n’exercent pas devant des patients, mais qui ont suivi de longues études et ont obtenu un diplôme, de ne pas exercer tout de suite pour aller pratiquer la médecine générale en zone sous-dense.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. C’est pourtant ainsi que votre amendement est rédigé.

M. Patrice Joly. Pas du tout !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. C’est en tout cas ainsi que je comprends ce que vous proposez. Vous faites comme si nous n’avions pas besoin de médecins de santé publique, de médecins biologistes…

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 78 rectifié ter.

L’amendement n° 76 rectifié ter, quant à lui, vise à conditionner le conventionnement en zone surdense à un exercice préalable d’une durée minimale en zone normale ou en zone sous-dense. Cette mesure de régulation concernerait indifféremment médecins généralistes et spécialistes.

Imaginez un instant que l’on demande à un médecin spécialiste, diplômé, d’exercer la médecine générale en zone sous-dense pendant dix-huit mois… (Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. Patrice Joly. Mais non, un spécialiste exercera dans sa spécialité !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Quoi qu’il en soit, la commission est défavorable à cet amendement aussi.

M. Bruno Belin. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.

Certains jeunes font le choix de devenir médecins, mais ne souhaitent pas pour autant exercer devant des patients. Ils le revendiquent très clairement ainsi : c’est un choix qu’il nous faut respecter.

J’ajoute que nous avons besoin de ces médecins de santé publique. Je peux vous assurer que, dans mon ministère, nous sommes bien heureux de pouvoir disposer de ces professionnels spécialisés, qui nous aident à travailler sur un certain nombre de sujets.

Nous devons respecter le choix de ces jeunes qui s’engagent dans certaines spécialités : ils n’ont pas été formés pour exercer en tant que médecins généralistes.

Puisque j’ai été interpellée à plusieurs reprises sur les solutions qu’il conviendrait de mettre en place, je vais tâcher d’apporter des réponses.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’équation est simple : 87 % de la France est un désert médical.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Si ! Or les étudiants en médecine qui deviendront médecins à la suite de la suppression du numerus clausus, les 15 % de médecins formés supplémentaires, ne seront pas opérationnels avant huit ans.

D’ici là, dès maintenant, il nous faut tout à la fois répondre aux attentes des professionnels en exercice et trouver des mesures qui permettent de répondre aux besoins en santé de nos concitoyens.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Des solutions de toute nature existent.

Tout d’abord, comme vous le savez, l’enjeu est de parvenir à dégager du temps médical.

Je ne reviendrai pas sur la question des assistants médicaux et des certificats médicaux. J’insisterai en revanche, comme vous l’avez fait, madame Poumirol, sur la pratique de l’exercice coordonné.

Mme Émilienne Poumirol. Oui, j’y tiens !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il faut donner confiance à ces jeunes médecins dans l’exercice coordonné.

Il a par exemple été démontré que le duo ophtalmologue-orthoptiste produisait des résultats : les délais pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue commencent à diminuer, parce que ce duo fonctionne bien.

Il faut inculquer aux jeunes médecins cette culture du travail en commun avec d’autres professionnels exerçant à leurs côtés, dans le cadre d’un exercice coordonné et dans le respect des compétences des uns et des autres.

Il faut également donner aux jeunes médecins à voir dans les territoires. Il faut les inciter, les inviter à se rendre compte de ce qu’est la pratique médicale dans un hôpital de proximité, dans un territoire sous-dense.

En réponse à Mme Gruny, qui déplore que son amendement ait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, je précise que Mme Retailleau et moi-même défendons l’idée que les étudiants en médecine devraient pouvoir exercer dans des villes où il n’y a pas d’université. Vingt-cinq conventions ont d’ores et déjà été signées entre des universités et de telles villes, comme Corte, Dunkerque, Le Havre ou encore Arras.

Nous souhaitons continuer à encourager ces pratiques pour donner envie aux jeunes de se rendre dans les hôpitaux de proximité ou de périphérie, mais aussi dans les territoires sous-denses. Il faut vraiment insister en ce sens.

Je veux aussi souligner l’importance de l’exercice pluriprofessionnel. Les maisons de santé pluriprofessionnelles fonctionnent bien lorsque le projet est conçu par les professionnels en collaboration avec les collectivités territoriales. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Je peux témoigner, après avoir effectué près de cent soixante-dix déplacements, qu’il existe de très beaux projets, qui fonctionnent bien, dans tous les territoires, lorsque ceux-ci ont été conçus par les professionnels.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il faut accompagner ce mouvement, ce que nous nous efforçons de faire.

Alors, évidemment, je comprends la détresse des élus – j’en suis moi-même une. Sachez que je les rencontre régulièrement et qu’ils me font part, tous les jours, de leurs difficultés. J’ai la liste des territoires qui ne disposent pas de suffisamment de médecins, mais ce n’est ni le lieu ni le moment de les égrener.

Il nous faut apporter des réponses en ces temps difficiles, mais ce n’est pas en votant une mesure qui ne fonctionne pas… (Protestations sur des travées du groupe SER.)

M. Jean-Luc Fichet. Vous n’en savez rien !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. … et qui risque de produire des effets délétères pour les jeunes générations, dont nous avons besoin, que nous ferons avancer les choses, bien au contraire.

J’ajoute un dernier mot sur le déconventionnement : 2 500 médecins environ se sont dits prêts à se déconventionner. Cela aurait un effet désastreux pour nos concitoyens et pour l’accès aux soins, parce que tout le monde n’a pas les moyens de payer une consultation auprès d’un médecin déconventionné, a fortiori si elle n’est pas remboursée.

Le déconventionnement n’est donc pas une solution dans le cadre de notre système de protection sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je voudrais, sur ces deux amendements, présenter un contre-argument.

Nous avons voté, il y a un an à peine, la mise en place d’une quatrième année de médecine générale. Cette mesure a été adoptée difficilement et n’a pas reçu un écho très favorable, alors qu’il s’agissait d’abord de garantir une meilleure formation aux médecins. Mais l’autre objet de la mesure était de permettre l’envoi d’un bataillon de jeunes médecins, de docteurs juniors, dans les territoires. Ces médecins seront prêts à exercer d’ici deux ou trois ans.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Non, quatre ans !

Mme Véronique Guillotin. Dès lors que les mesures que vous défendez, monsieur Joly, ne pourront pas être mises en place rapidement, vos amendements sont quasiment satisfaits, car, dans trois ans,…

Mme Véronique Guillotin. Bref, dans peu de temps, un certain nombre de médecins généralistes finiront leurs études et iront directement exercer et s’installer dans les territoires, irriguant ainsi les zones sous-denses.

Dans ces conditions, il me semble inutile d’ajouter, comme vous le proposez, une année supplémentaire, voire deux, au cursus de formation des jeunes médecins, dont la durée des études est déjà d’au moins dix ans. Selon moi, ce n’est pas raisonnable.

Il convient désormais de réfléchir aux outils dont nous disposons et de travailler dans les territoires pour faire en sorte d’attirer ces jeunes.

Il faut surtout tout faire pour éviter de décourager les jeunes qui souhaiteraient s’engager dans la filière de médecine générale : en effet, on constate une usure – qu’il faut entendre – à la fois morale et physique des anciens, mais aussi un découragement des jeunes.

M. Thierry Cozic. Et les habitants ?

Mme Véronique Guillotin. Il nous revient aujourd’hui d’envoyer des messages positifs et de faire en sorte de redonner à la médecine générale, qui est une discipline très spécifique, tout son intérêt auprès des étudiants en médecine. Il est primordial que nous parvenions enfin à réimplanter des médecins dans nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Pour aboutir à ces amendements, Patrice Joly part d’un constat qui est juste, celui d’une évaporation des futurs jeunes médecins en fin d’études.

Ce phénomène ne concerne pas que les jeunes médecins, puisqu’il touche aussi les infirmières : à la fin de leur cursus dans un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), 20 % à 30 % – je n’ai pas le chiffre exact – des infirmières formées ne veulent pas exercer. Autrement dit, après avoir effectué leurs stages, découvert le milieu hospitalier et vu comment cela se passait concrètement, elles décident d’abandonner.

Ce phénomène existe donc chez tous les jeunes professionnels de santé ; pourtant, il ne nous viendrait pas à l’esprit d’obliger une jeune infirmière, par exemple, à soigner des patients. Nous devons prendre cette tendance pour ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire une perte d’attractivité de ces métiers pour des raisons qui restent complexes.

Le constat de notre collègue Patrice Joly est juste et mérite d’être dressé. Je ne suis en revanche pas tout à fait d’accord avec la solution qu’il propose – cela n’étonnera personne.

Je veux profiter de cette occasion pour verser un nouvel élément au débat que nous avons depuis tout à l’heure.

J’ai entendu l’un de nos collègues mentionner la convention des chirurgiens-dentistes. Cet exemple est intéressant, dans la mesure où ces derniers ont fini par accepter la régulation libérale, mais à la condition qu’elle s’applique aussi aux salariés. Ils se sont donné dix-huit mois – c’est ce délai qui a été retenu, me semble-t-il, mais Mme la ministre doit le savoir mieux que moi – pour se mettre d’accord sur les modalités de ce dispositif.

Je le redis, tous les amendements qui viennent de nous être présentés, dès lors qu’ils ne visent que l’installation en exercice libéral, sont inefficients, parce qu’ils souffrent d’un scotome total sur le salariat. Quand il nous faudra réguler l’installation des médecins salariés, ce sont les centres de santé que l’on va attaquer.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Tout à fait !

M. Bernard Jomier. Dès lors, la question sera autrement plus complexe à régler, et je ne suis pas sûr que certains de mes collègues persisteront dans cette voie.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je veux juste dire quelques mots avant que nous ne passions au vote sur les amendements nos 78 rectifié ter et 76 rectifié ter.

S’agissant de ces mesures de régulation, nous sommes tous d’accord sur le constat à poser, notamment celui d’un manque de professionnels. Nous partageons également tous la volonté de trouver des solutions. Plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont même interrogé Mme la ministre sur les solutions qu’elle pourrait apporter.

Madame la ministre, pour ma part, je voudrais vous parler de confiance. Nos concitoyens, confrontés au manque de professionnels de santé, qu’ils doivent endurer au quotidien, manquent de confiance dans les politiques qui sont menées et doutent des solutions qui pourraient être trouvées.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Les élus locaux, qui nous côtoient quotidiennement, notamment pendant la récente campagne électorale, nous relaient d’ailleurs les préoccupations de nos concitoyens à ce sujet. Ils nous interrogent régulièrement sur ce que nous faisons concrètement pour résoudre leurs difficultés.

Si la question se pose, c’est bien parce que les mesures adéquates n’ont pas été mises sur la table.

Madame la ministre, vous avez, par une multitude de textes, mis en place un certain nombre de dispositifs d’accompagnement, mais les professionnels de santé eux-mêmes ont perdu confiance aujourd’hui. La preuve en est que, alors que le Gouvernement est en pleine négociation avec les médecins, nous sommes de nouveau amenés à examiner un texte sur l’engagement territorial des professionnels de santé.

Nous agissons comme si ce texte avait vocation à apporter une réponse au problème, alors que nous savons tous ici, tout comme les professionnels eux-mêmes, que ce n’en sera pas une, mais bien une nouvelle raison de perdre confiance.

Face au marasme que nous connaissons, il existe pourtant bien des solutions, mais leur mise en œuvre se heurte à la perte de confiance que je viens de décrire, qui conduit certains à ne plus entendre la parole politique.

Au fil des textes qui se succèdent, on n’entrevoit que des bouts de solution, un catalogue de mesures. À chaque examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, on tente d’adjoindre à ce texte budgétaire quelques dispositions sur l’organisation du secteur de la santé.

Globalement, on voit bien qu’il y a un problème de stratégie globale : aucun vrai message de vérité, aucun message crédible sur les solutions à apporter n’est adressé aux Français, et cette tendance s’inscrit dans le temps.

En tout cas, le terme de « confiance » est essentiel. Dans la situation actuelle, nous n’aurions pas à débattre de ce texte si nous avions le sentiment que le Gouvernement est en mesure de rétablir la confiance dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié ter.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 76 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 ter (Supprimé)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 13 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 257
Pour l’adoption 27
Contre 230

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, je suis également saisie d’une demande de scrutin public sur l’amendement n° 76 rectifié ter. Puis-je considérer que le vote est identique ? (Assentiment.)

En conséquence, l’amendement n° 76 rectifié ter n’est pas adopté.

L’amendement n° 42, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est remis au Parlement un rapport sur le fonctionnement du Centre national de gestion dans les six mois de la publication de la présente loi.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Nous sommes tous des malades en puissance, et ce souvent dans des départements qui manquent de médecins. Il est donc bien compréhensible que nous soyons très inquiets.

Je suis avec une grande attention ce débat. Je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur le Centre national de gestion (CNG). J’ai saisi votre cabinet de cette question à plusieurs reprises cet été, j’ai même posé une question écrite. Le CNG doit réguler l’arrivée des médecins étrangers, dont nous avons évidemment tous besoin, et instruire leurs procédures d’accréditation : c’est un système plus ou moins indigne, j’en conviens, mais c’est comme cela que les choses se passent : on compte des médecins étrangers dans tous les départements.

Or le site internet du CNG ne fonctionne pas et ses agents sont injoignables par téléphone, d’autant qu’aucun organigramme n’existe qui permettrait de joindre un interlocuteur spécifique. De même, lorsque l’on envoie des dossiers de régularisation ou des demandes d’accréditation, on ne sait pas qui pourra les examiner.

C’est la raison pour laquelle j’ai posé cette question écrite et interrogé votre cabinet à de très nombreuses reprises pendant l’été – période déjà très chargée pour ceux d’entre nous dont le siège était renouvelable.

Je demande donc, par cet amendement, que soit remis au Parlement un rapport sur l’activité du CNG, afin que nous sachions précisément comment sont traitées les demandes de régularisation des médecins étrangers présents sur le territoire et, plus généralement, comment ce centre fonctionne, puisque sa gestion me semble particulièrement opaque.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. J’entends bien les interrogations de notre collègue, mais cet amendement n’est autre qu’une demande de rapport. Ces derniers sont rarement remis, on le sait. Aussi l’avis de la commission est-il défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il est également défavorable.

Cependant, madame la sénatrice, j’espère que ce débat aura permis de répondre à vos interrogations sur ce sujet.

Le CNG a dû traiter, avant le 30 avril dernier, tout le stock des dossiers des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) qui exerçaient déjà en 2019. Mais pendant qu’il gérait ces dossiers, le flux des dossiers des nouveaux praticiens étrangers a conduit à la formation d’un nouveau stock.

Nous aurons l’occasion d’aborder la question des Padhue plus avant dans l’examen de ce texte. Le CNG n’est qu’un maillon de la chaîne, au même titre que l’ordre des médecins et la direction générale de l’offre de soins (DGOS) : tous ces acteurs participent à l’évaluation des Padhue.

Nous sommes bien conscients qu’il est nécessaire d’aller encore plus vite. Nous avons réglé la problématique du stock, conformément à l’engagement que nous avions pris dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Avec les propositions que nous faisons à présent, nous essayons d’accélérer, parce que, comme vous l’avez dit, nos hôpitaux ont besoin de ces praticiens. Mais nous devons le faire dans le respect des procédures fixées par la loi.

Un effort a été demandé au CNG pour répondre à vos demandes et, surtout, aux besoins des praticiens et des directeurs d’hôpitaux dans les délais impartis. Nous avons aussi décidé de déconcentrer à l’échelle régionale certaines procédures de validation des acquis de l’expérience, mais nous en discuterons plus précisément lors de l’examen de l’article 9, relatif aux Padhue.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, vous avez bien conscience que ce débat est un galop d’essai avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Nous n’avons pas de chiffres, les procédures ne sont pas claires, on ne sait pas combien de praticiens attendent aujourd’hui une accréditation. Or nos territoires ont besoin d’eux. Je sais que le Sénat n’est jamais très favorable aux demandes de rapport, mais je maintiens cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. Que faire face à la raréfaction médicale ?

La contrainte est source d’imagination. Celle-ci est galopante : on essaie de trouver des médecins par tous les moyens possibles, y compris la coercition, alors que l’on sait que celle-ci ne marche pas. (On le conteste sur des travées du groupe SER.)

Les conseils départementaux ont inventé la médecine salariée : dans mon département, cela fonctionne, mais ce n’est qu’une solution d’attente, dans l’espoir que des médecins s’installent et que l’on puisse passer à autre chose.

Mais nous devons aussi faire confiance aux médecins, qui savent faire preuve d’inventivité. Connaissez-vous, madame la ministre, l’association Médecins solidaires ? Le principe est simple : comme nous manquons de médecins de famille, on réinvente des familles de médecins ! Cette association est née de l’expérience du docteur Martial Jardel, qui, après ses études de médecine, a pris son mobil-home et est parti faire des remplacements dans des territoires qui n’avaient pas de médecin. Il a observé, analysé la situation, avant de proposer une solution. À présent, son association invite chaque médecin généraliste de France à donner une semaine de son temps dans l’année, pour examiner entre 120 et 130 patients qui, parfois, n’ont pas vu de médecin depuis plusieurs années. Je précise que les médecins sont défrayés durant cette semaine, à hauteur de 1 000 euros, grâce à un contrat conclu avec le concours de l’ARS. Cette formule fonctionne !

Nous devons faire confiance aux médecins, leur laisser un espace de liberté pour faire preuve de création. Il faut réinventer la médecine générale : toutes les idées sont bonnes à prendre, ou du moins à étudier. N’oublions pas que le métier de médecin repose non seulement sur des compétences, mais aussi sur une relation avec un patient – quelque chose qui ne s’achète pas, mais se construit. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 42
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendements n° 63 rectifié, n° 85 rectifié et n° 89 rectifié

Article 2 ter

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Wattebled, Malhuret et Chasseing, Mmes Lermytte et Bourcier, MM. A. Marc et Verzelen, Mme L. Darcos, MM. Rochette, V. Louault, Courtial et Lemoyne, Mme Romagny et MM. Folliot et Gremillet.

L’amendement n° 86 rectifié est présenté par Mme Guillotin, M. Bilhac, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 182 est présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 512-7, les mots : « , 7° et 8° » sont remplacés par les mots : « et 7° » ;

2° L’article L. 512-8 est complété par des 8° et 9° ainsi rédigés :

« 8° D’un médecin exerçant dans un cabinet libéral situé dans une zone mentionnée au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, sous réserve qu’il ait changé de résidence professionnelle depuis moins de trois mois et participe à la mission de service public mentionnée à l’article L. 6314-1 du même code ;

« 9° D’une maison de santé mentionnée à l’article L. 6323-3 dudit code située dans une zone mentionnée au 1° de l’article L. 1434-4 du même code, sous réserve que plus de la moitié des médecins y exerçant participent à la mission de service public mentionnée à l’article L. 6314-1 du même code. » ;

3° Après le même article L. 512-8, il est inséré un article L. 512-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 512-8-1. – La mise à disposition prévue aux 8° et 9° de l’article L. 512-8 est prononcée pour une durée qui ne peut excéder trois mois, renouvelable deux fois. »

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié.

Mme Marie-Claude Lermytte. Cet amendement vise à ouvrir aux maisons de santé et aux cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux.

Pour réduire les inégalités en matière de santé et favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, de nombreux dispositifs d’aide à l’installation ont été mis en place dans les zones sous-denses, tels que le contrat d’aide à l’installation des médecins, qui permet de financer les frais d’installation jusqu’à 60 000 euros, ou encore l’aide à l’embauche d’assistants médicaux dans les cabinets libéraux, pouvant atteindre 36 000 euros par an.

Le dispositif d’amorçage envisagé viendrait en complément de ces aides à l’installation et de celles qui sont proposées par la Cnam et les ARS.

Cette mise à disposition constituerait une exception au dispositif en vigueur aujourd’hui, qui est réservé à des entités de droit public exerçant une mission de service public, ou – à titre expérimental et sur un champ restreint – à des organismes sans but lucratif. Elle ne serait en aucun cas gracieuse ou définitive. Elle donnerait en effet lieu à un remboursement obligatoire, par l’entité d’accueil, du salaire du fonctionnaire et des cotisations associées, conformément à l’article L. 512-15 du code général de la fonction publique.

L’agent public mis à disposition continuerait à percevoir sa rémunération, qui serait toujours versée par son administration d’origine, qui serait ensuite remboursée par l’entité d’accueil.

De plus, cette mise à disposition temporaire n’exonérerait pas les médecins du recrutement ultérieur de leur propre personnel. Elle constituerait une aide provisoire et exceptionnelle, pour une durée maximale de trois mois, renouvelable deux fois, et son octroi serait conditionné à une arrivée récente sur le territoire.

Le fonctionnaire mis à disposition, riche de sa connaissance de la collectivité d’accueil, de la patientèle et des professionnels de santé sur place, serait un atout indéniable pour faciliter l’arrivée du médecin et son intégration sur le territoire.

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !

Mme Marie-Claude Lermytte. Ce dispositif constituerait ainsi un outil supplémentaire pour les collectivités territoriales dans la lutte contre les déserts médicaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié.

Mme Véronique Guillotin. Son objet a été fort bien présenté à l’instant, madame la présidente.

J’insiste toutefois sur un point : le mécanisme de mise à disposition proposé est une possibilité supplémentaire offerte aux collectivités, une sorte de dispositif d’amorçage temporaire pour faciliter l’accueil d’un médecin généraliste qui vient s’installer dans un territoire qu’il ne connaît pas. Ajoutons que ce ne serait pas gratuit, puisque les frais engagés devraient être remboursés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour présenter l’amendement n° 182.

Mme Anne Souyris. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 131, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la fin du 2° de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « 30 % du tarif opposable ».

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à encadrer les dépassements d’honoraires que peuvent pratiquer les médecins conventionnés en secteur 2, en les limitant à 30 % du tarif opposable.

L’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale dispose que « peuvent faire l’objet d’une sanction, prononcée par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie, les professionnels de santé qui […] exposent les assurés à des dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure ».

Cette formulation floue et imprécise ne permet pas de garantir à chacun un accès aux soins équitable, abordable et encadré. En effet, dans la situation actuelle, où l’accès à un professionnel de santé, qu’il s’agisse d’un médecin généraliste ou d’un spécialiste, est compliqué et s’effectue dans des délais de plus en plus longs, le recours à un professionnel pratiquant des dépassements d’honoraires est souvent l’unique solution.

Toutefois, dans la mesure où les professionnels ont la possibilité de réaliser des dépassements d’honoraires en fonction de leur seule volonté et sans autre consigne que le respect du « tact et de la mesure », les nombreux patients qui ne peuvent pas payer ces frais supplémentaires, qui ne sont pas pris en charge, se privent de soins.

C’est pourquoi nous proposons une formulation limitant clairement les dépassements d’honoraires à 30 % du tarif opposable.

La revalorisation des métiers de la santé doit passer par une réforme globale et ambitieuse, pour que les patients puissent, enfin, avoir accès à une offre de soins digne sur l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les amendements identiques nos 3 rectifié, 86 rectifié et 182 visent à rétablir l’article 2 ter dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, même si l’exposé des motifs de l’amendement n° 182 ne correspond pas à son dispositif.

Le Sénat a rejeté à une vaste majorité, le 16 mars 2023, un dispositif très similaire à celui de l’article 2 ter. Fidèle à la position du Sénat, la commission a donc supprimé cet article, considérant qu’il n’exprimait pas une demande forte des médecins et qu’il ne répondait pas davantage aux attentes des collectivités territoriales : l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et l’Assemblée des départements de France (ADF) craignent en effet que le dispositif ne conduise à alimenter une concurrence néfaste entre collectivités pour attirer les professionnels de santé, tout en mettant sous pression leurs ressources humaines dans un contexte déjà marqué par des difficultés de recrutement significatives.

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de rétablissement de cet article.

La commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 131, qui vise à limiter à 30 % du tarif opposable les dépassements d’honoraires que peuvent pratiquer les médecins conventionnés en secteur 2.

Son adoption porterait en effet atteinte à un pilier de la médecine libérale, auquel les médecins du secteur 2 sont très attachés : la liberté de fixer leurs honoraires. Je rappelle que l’option de pratique tarifaire maîtrisée, l’Optam, permet déjà d’inciter les médecins exerçant en secteur 2 à limiter leurs dépassements d’honoraires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il est favorable sur les amendements identiques nos 3 rectifié, 86 rectifié et 182.

Le dispositif en question est facultatif, temporaire et assorti du remboursement des frais avancés. Mme la rapporteure ayant évoqué un tel argument, je tiens à dire qu’il ne serait pas question de mettre en difficulté une petite commune qui n’aurait pas la possibilité d’assurer un tel détachement. Il s’agit simplement d’autoriser toute commune qui le peut et le veut à mettre des fonctionnaires territoriaux à la disposition d’un médecin afin de faciliter son intégration dans la commune, et ce, j’y insiste, pour un temps limité.

J’émets en revanche un avis défavorable sur l’amendement n° 131. Ses auteurs souhaitent sanctionner les médecins conventionnés en secteur 2 qui pratiquent des dépassements d’honoraires supérieurs de 30 % au tarif opposable. Toutefois, la rédaction proposée pourrait s’avérer contre-productive, car elle revient, en fait, à systématiser un droit à dépassement d’honoraire à hauteur de 30 % du tarif opposable ; je doute que cela corresponde à l’intention des auteurs de l’amendement. Ce sujet relève en outre prioritairement de la convention médicale, pour laquelle les négociations viennent de reprendre. L’ensemble de ces raisons justifie notre avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je ne comprends pas pourquoi l’amendement n° 131 est en discussion commune avec les trois premiers, alors qu’ils n’ont strictement rien à voir !

Je trouve ces trois amendements inquiétants : le Sénat avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de rejeter au printemps dernier une proposition de loi à l’objet similaire défendue par M. Chasseing.

Il est en effet inquiétant que l’on demande à des collectivités d’assurer une telle mise à disposition. Certes, j’entends bien, comme l’a indiqué Mme la ministre, qu’il s’agirait de communes qui le veulent ou le peuvent. Mais comment un secrétaire de mairie pourrait-il assurer, pendant trois ou six mois, un travail de secrétaire médical alors qu’il n’a pas du tout été formé pour exercer ce métier ?

Voilà qui revient à mettre encore une fois à contribution les collectivités territoriales, alors que, comme cela vient d’être dit, les mesures d’incitation à l’installation sont déjà multiples – contrat d’engagement de service public (CESP), aides diverses, mesures de défiscalisation, etc. – et ne donnent rien. Il est donc illusoire de croire que la mise à disposition pendant trois ou six mois d’un secrétaire, dont le coût devra être remboursé – du moins je l’espère, car si c’était gratuit, cela serait encore pire ! –, fonctionnera. Nous sommes donc résolument opposés à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. J’irai dans le même sens que Mme Poumirol.

Je note une contradiction : vous disiez tout à l’heure que les dispositifs qui ont déjà été mis en place pour favoriser l’installation des médecins dans les zones de désertification n’avaient servi à rien. Or là, tout d’un coup, vous ouvrez la voie à un nouveau dispositif, qui reposera, comme par hasard, sur les collectivités et non sur l’État. La contradiction est patente !

Si les collectivités peuvent jouer un rôle, c’est – vous l’avez reconnu, madame la ministre, en reprenant les propos de Mme Poumirol – en facilitant la démarche coopérative des professionnels de santé, en travaillant à l’élaboration d’un projet de santé, mais non en assurant le fonctionnement du cabinet.

Chacun voit la contradiction, madame la ministre, et vous la reconnaissez vous-même, lorsque vous dites que, si la commune n’est pas en mesure de le faire, elle ne le fera pas. C’est bien la preuve que le dispositif proposé ne constituerait nullement une solution, puisque c’est bien dans ces communes que le problème de la désertification médicale est le plus sensible.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. Nous sommes dans une situation incroyable ! Il est en effet aberrant de demander à des agents territoriaux de venir donner un coup de main à un médecin pour l’aider à mieux connaître le territoire lors de son installation.

Je veux apporter un témoignage : je connais le cas d’une station balnéaire dans laquelle un médecin accepte de venir, mais à la condition que la commune lui donne un terrain à bâtir en zone littorale et lui fournisse un secrétariat gratuit ! Nous sommes nombreux, sur nos différentes travées, à avoir reçu des témoignages similaires de la part de maires. D’autres médecins réclament une voiture gratuite, ou je ne sais quoi encore. Les demandes s’accumulent et les médecins menacent de partir en cas de refus. Finalement, les maires sont pris en tenailles entre des médecins qui exigent l’impossible et des habitants qui leur demandent de céder, car il leur faut un médecin coûte que coûte.

Je pense d’ailleurs que ces demandes sont illégales, car les collectivités n’ont pas pour objet de financer des initiatives privées : on parle bien de médecins libéraux. J’aimerais avoir votre avis, madame la ministre, sur ces comportements abusifs de médecins, que nous connaissons tous.

Dans une autre commune que je connais, des médecins qui sont installés depuis douze ans et dont l’activité fonctionne très bien réclament désormais à la mairie la gratuité totale des locaux, faute de quoi ils menacent de partir dans la commune d’à côté. On assiste dès lors à des bagarres et à des surenchères entre les maires au sein des intercommunalités. C’est pourquoi j’aimerais que cet aspect soit pris en compte dans nos discussions sur ces amendements. (M. Bruno Sido applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je ne comprends pas le blocage que suscitent ces amendements, alors que leur ambition n’est pas démesurée : le dispositif proposé est limité à une période de trois mois, renouvelable une fois, remboursable et fondé sur le volontariat.

Certes, le risque de concurrence territoriale que vous pointez est réel, nous devons même le regarder de près, mais ces concurrences existent déjà, et ce ne sont pas les dispositifs proposés qui posent problème à cet égard. Nous connaissons tous des maires qui ont salarié des médecins : voilà qui va bien au-delà d’une aide provisoire, limitée à trois mois et à une maison de santé ! (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

M. Jean-Luc Fichet. Justement, ils sont salariés : c’est très différent !

Mme Véronique Guillotin. Vous êtes pourtant plutôt favorables au salariat, au développement des médecins salariés…

Ce sont bien les collectivités – les mairies et les intercommunalités, avec l’aide des départements et des régions – qui portent les maisons de santé aujourd’hui.

Nous sommes d’ailleurs unanimes pour demander que les collectivités s’impliquent auprès des professionnels de santé. Je crois que cette piste constituera, en dépit des écueils qu’il faut surveiller, la solution : les élus et les professionnels de santé doivent travailler ensemble à l’élaboration d’un projet de santé. Les élus sont déjà très impliqués et je ne suis pas sûre que l’on puisse dire que nous n’avons pas voulu cette situation, dans la mesure où nous réclamons, sur toutes nos travées, qu’ils soient présents dans toutes les instances.

Ces amendements ne sont qu’une petite goutte par rapport à ce que font déjà les collectivités. Pourquoi s’opposer à leur adoption, puisqu’elle pourrait permettre d’avancer ?

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. J’irai tout à fait dans le sens des propos de Mme Guillotin. Mme Poumirol et M. Fichet montent en épingle de petits amendements !

Mettre une personne à disposition d’un médecin lorsque celui-ci arrive dans une commune qu’il ne connaît pas du tout incitera ce dernier à y rester. Il ne s’agit pas de demander à la personne concernée de se transformer en secrétaire médicale – le médecin pourra en recruter une.

Ce que fait le Gouvernement pour aider les jeunes médecins – aides à l’emploi d’assistantes médicales, soutien au développement des maisons médicales, aides aux médecins, etc. – est très important. C’est ainsi que l’on incite les jeunes médecins à s’installer en milieu rural.

Ces amendements ne visent qu’à donner une faculté supplémentaire aux collectivités. Je rappelle par ailleurs que la loi interdit la mise à disposition gratuite d’un secrétariat. Les frais doivent être remboursés. (On renchérit sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Ces amendements ne visent qu’à apporter une petite contribution au médecin pendant trois mois afin qu’il puisse mieux connaître le territoire et sa patientèle. En tout état de cause, un tel mécanisme n’aura aucun coût pour la collectivité, mais peut inciter le médecin à rester fidèle, dans la durée, à la collectivité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Certains ne sont pas à une contradiction près ! Après nous avoir expliqué que le système libéral est le meilleur possible, même si les temps sont durs et risquent de s’aggraver encore, on nous demande désormais de permettre la mise à disposition de fonctionnaires pour des cabinets, ou des maisons de santé, libéraux…

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Elle a raison !

Mme Céline Brulin. Mme la ministre nous a expliqué que la régulation ne fonctionnait pas et qu’il fallait procéder autrement. Ces amendements ne créeraient pas d’obligation pour les collectivités et reposeraient sur le volontariat. Mais c’est ignorer la pression que subissent les maires de la part de leurs concitoyens, pour qui ce sujet constitue la préoccupation numéro un !

De plus, le dispositif proposé renforcera la concurrence entre les territoires. En effet, lorsqu’une ville ne pourra pas, pour des raisons financières par exemple, mettre ainsi à disposition un fonctionnaire, le médecin pourra être tenté d’aller dans une autre commune, plus grande, dans une métropole ou une communauté urbaine, qui pourra satisfaire ses demandes.

Non seulement ces dispositifs ne vont pas dans le sens de la régulation, mais ils risquent de participer à un accroissement des fractures territoriales, ce qui me semble extrêmement dangereux, sans même parler de la situation financière des collectivités… Celles-ci ne demandent pas à assumer des missions régaliennes de l’État. Elles font déjà beaucoup, elles font preuve d’innovation pour lutter contre la désertification médicale. Leur demander d’aller encore plus loin, c’est, si vous me permettez l’expression, un peu fort de café !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié, 86 rectifié et 182.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 131.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 ter demeure supprimé.

Article 2 ter (Supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 99 rectifié ter

Après l’article 2 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 63 rectifié est présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, M. P. Joly, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 85 rectifié est présenté par Mme Micouleau, MM. Burgoa, Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer.

L’amendement n° 89 rectifié est présenté par Mme Guillotin, M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 ter (Supprimé)

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 123-5 du code général de la fonction publique, après les mots : « réglementaire du travail » sont insérés les mots : « et inférieure ou égale à 90 % pour les professionnels de santé définis à l’article L. 4111-1 du code de la santé publique ».

La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.

M. Bernard Jomier. Cet amendement a pour objet les conditions de cumul d’activité des professionnels de santé territoriaux.

Dans le cadre du plan Ma santé 2022, ces conditions ont été assouplies pour les professionnels de santé relevant de la fonction publique hospitalière. Les soignants apprécient plutôt la possibilité d’exercer une activité diversifiée, répartie entre plusieurs lieux. Cette possibilité n’est toutefois pas ouverte aux agents de la fonction publique territoriale.

Ainsi, les départements qui emploient des soignants dans les centres de protection maternelle et infantile éprouvent des difficultés à recruter des médecins pour exercer dans ces structures. En effet, les professionnels de santé territoriaux, dès lors qu’ils exercent un emploi à 70 % de la durée légale de travail, ou davantage, ne bénéficient pas de la possibilité d’exercer une autre activité dans une autre structure.

Cet amendement vise donc à donner de la souplesse, pour favoriser la polyvalence des soignants et l’exercice dans plusieurs lieux, ce qui contribuera à rendre ces métiers plus attractifs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 89 rectifié.

Mme Véronique Guillotin. Il a également été défendu, et même très bien défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le régime de cumul d’activité des praticiens hospitaliers, sur lequel ces amendements tendent à aligner les régimes applicables aux professionnels médicaux de la fonction publique d’État et territoriale, est dérogatoire.

En effet, il permet à un praticien hospitalier dont la durée de travail est inférieure à 90 % de la durée légale de travail de cumuler son activité hospitalière avec une autre activité lucrative, alors que cette possibilité n’est ouverte, dans le droit commun de la fonction publique, que pour les agents dont la durée du travail est inférieure à 70 % de la durée légale de travail.

Lorsque le statut de praticien hospitalier a été réformé par ordonnance en 2021, l’argument avancé pour leur offrir ces conditions dérogatoires de cumul d’activité était précisément le caractère dérogatoire de leur statut au regard de celui de la fonction publique. Une attention particulière avait été portée au fait que ces conditions dérogatoires ne soient pas introduites dans le droit commun de la fonction publique.

L’adoption de tels amendements risque de créer un précédent et d’ouvrir la porte aux revendications d’autres catégories d’agents publics, alors même que le non-cumul d’une activité lucrative avec un emploi d’agent public est un garde-fou important du droit de la fonction publique qu’il convient de protéger.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié, 85 rectifié et 89 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendements n° 63 rectifié, n° 85 rectifié et n° 89 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 158 rectifié quinques

Mme la présidente. L’amendement n° 99 rectifié ter, présenté par Mme Lassarade, M. Milon, Mme Micouleau, MM. Daubresse, Panunzi, Cadec, Burgoa, D. Laurent, de Nicolaÿ, Genet et Belin, Mme Joseph, MM. C. Vial, Cambon, Perrin et Rietmann et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 1225-61 du code du travail, les mots : « constatés par certificat médical » sont remplacés par les mots : « attestés sur l’honneur ».

La parole est à Mme Florence Lassarade.

Mme Florence Lassarade. Cet amendement vise à remplacer le certificat médical pour congé enfant malade par une attestation sur l’honneur, la durée et l’absence de rémunération de ce congé étant déjà encadrées par le code du travail. Cette proposition correspond à l’attente des médecins en termes de réduction des certificats médicaux inutiles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission a estimé que cet amendement pourrait permettre de libérer du temps médical effectif au service des patients, tellement précieux dans un contexte de raréfaction de l’offre de soins. Ce faisant, il répond à la demande des médecins de limiter le nombre de certificats médicaux superflus à établir.

De plus, cet amendement ne présente pas de risque de détournement excessif pour les entreprises, compte tenu de la limitation à trois jours par an du congé pour enfant malade, de surcroît non rémunéré.

Par conséquent, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Cet amendement vise à permettre à un salarié de justifier une absence pour enfant malade sans certificat médical et sur simple présentation d’une attestation sur l’honneur. L’objectif est de dégager du temps médical, en réduisant la longue liste des certificats médicaux qui sont aujourd’hui nécessaires.

Je partage naturellement l’objectif de libérer du temps médical, mais en droit du travail toute absence du salarié entraîne la suspension du contrat de travail à condition que le salarié fournisse un justificatif de son absence. En ce qui concerne un enfant malade, ce justificatif doit, à ce jour, être un certificat médical relatif à l’enfant.

Le type de mesure proposé par cet amendement doit être préparé en amont avec les partenaires sociaux, en particulier les organisations patronales, parce que ses implications sont importantes pour les entreprises.

Nous savons tous que nous devons avancer sur la question des certificats médicaux pour dégager du temps médical – nous avons d’ailleurs déjà commencé ce travail –, mais on ne peut pas le faire par la voie d’un amendement qui n’a pas fait l’objet d’une concertation préalable.

Par conséquent, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 99 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 99 rectifié ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 221

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 ter.

L’amendement n° 158 rectifié quinquies, présenté par Mme Romagny, M. Médevielle, Mme O. Richard, M. Canévet, Mme Gatel, MM. Bleunven, Menonville, Kern, J.M. Arnaud, Duffourg et Longeot et Mme Doineau, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du sport est ainsi modifié :

1° L’article L. 231-2 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi rédigé :

« I. – Pour les personnes majeures, et sans préjudice de l’article L. 231-2-3, l’obtention ou le renouvellement d’une licence, permettant ou non de participer aux compétitions organisées par une fédération sportive, est subordonné à l’attestation du renseignement d’un questionnaire relatif à l’état de santé du sportif majeur. Lorsqu’une réponse au questionnaire de santé conduit à un examen médical, l’obtention ou le renouvellement de licence nécessite la production d’un certificat médical attestant l’absence de contre-indication à la pratique sportive » ;

b) Le II est abrogé.

2° L’article L. 231-2-1 est ainsi modifié :

a) Le II est ainsi rédigé :

« II. – Pour les personnes majeures non licenciées, et sans préjudice de l’article L. 231-2-3, l’inscription est subordonnée au renseignement d’un questionnaire relatif à l’état de santé du sportif majeur.

Lorsqu’une réponse au questionnaire de santé conduit à un examen médical, l’inscription à une compétition sportive nécessite la présentation d’un certificat médical attestant l’absence de contre-indication à la pratique sportive. » ;

b) Le III est abrogé.

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Depuis 2022, l’exigence d’un certificat médical d’absence de contre-indication à la pratique d’un sport est laissée à la libre appréciation des fédérations sportives.

Cet amendement vise à limiter les demandes superflues de ce type pour les personnes majeures, qu’elles soient licenciées ou non. Il prévoit, en s’inspirant du modèle qui existe déjà pour les mineurs, la mise en place d’un questionnaire simplifié relatif à l’état de santé.

Bien sûr, cette mesure ne concernerait pas les personnes en affection de longue durée ou présentant des symptômes ; dans ces cas, un examen médical plus approfondi devrait être mené.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cette mesure, déjà appliquée pour les mineurs, permettrait de libérer du temps médical précieux et contribuerait à limiter la part de l’activité des médecins consacrée à réaliser des démarches purement formelles, qui semblent parfois superflues. En ce sens, elle remplit les attentes des professionnels.

En outre, en cas de risque identifié dans le questionnaire de santé, un certificat médical pourrait tout de même être demandé au sportif. Les personnes dont la santé est la plus fragile feraient donc toujours l’objet d’un suivi médical soutenu visant à garantir la compatibilité de l’activité sportive avec leur état.

Par ailleurs, pour la pratique de certains sports présentant des contraintes particulières, un certificat médical pourrait toujours être demandé.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non pas sur le fond, mais en raison de sa temporalité.

Nous sommes d’accord sur le fait que nous devons avancer sur la question des certificats médicaux et je rappelle que le Parlement a déjà voté une disposition rendant non nécessaires les certificats pour les mineurs. Cependant, cette dernière mesure n’est toujours pas pleinement appliquée – nombre de médecins nous le disent régulièrement – et il nous faut sans cesse le répéter aux associations et fédérations sportives.

En ce qui concerne les personnes majeures, nous souhaitons continuer d’avancer. D’ailleurs, certaines fédérations le font déjà ; c’est le cas, en particulier, du cyclisme, du ski, du tennis, du golf, du char à voile, du cyclotourisme ou encore du squash.

Notre priorité est d’appliquer pleinement la mesure qui a été adoptée concernant les mineurs. Concernant les majeurs, nous pourrons réenclencher le travail avec les fédérations après les jeux Olympiques et Paralympiques. Vous reconnaîtrez que l’année 2024 est particulière de ce point de vue et il nous semble plus logique d’attendre la fin des jeux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je comprends l’objectif de l’amendement : libérer du temps médical, en déchargeant les médecins de la tâche de remplir des certificats qui seraient inutiles.

Il me semble que, pour les enfants, cela ne pose pas de problème, parce qu’ils se soumettent déjà à des examens médicaux obligatoires tout au long de leur croissance.

Les choses sont différentes pour un adulte qui, par exemple, reprend une pratique sportive à 40 ans ou 45 ans, alors qu’il fume. Dans ce type de cas, il me semble important de conserver l’obligation d’un certificat médical, quitte à ce qu’il ne soit pas demandé tous les ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, vous venez de citer un exemple qui m’étonne. Vous nous dites que certaines fédérations sont déjà revenues sur l’obligation de présenter un certificat médical et vous citez notamment le squash.

Or, pour moi, le squash est justement le sport le plus dangereux en l’espèce ! Je pense par exemple aux personnes qui ont fait du tennis dans leur jeunesse et qui se mettent au squash à 40 ans ou 45 ans entre midi et deux heures, parce qu’une salle a ouvert à proximité de leur bureau.

Je suis d’accord pour dire que cela énerve les médecins – c’était mon cas ! – de rédiger un certificat pour la danse de salon, alors que, entre parenthèses, on ne demande rien pour aller en boîte… Toutefois, cela me semble très important pour le squash ou le tennis.

C’est pourquoi le groupe SER s’abstiendra sur cet amendement. Il reste des circonstances où le certificat médical préalable à la pratique sportive est justifié.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Vous allez dans le sens de ce que j’ai dit, madame Poumirol. Je me suis moi aussi interrogée sur la décision de la fédération de squash de supprimer le certificat médical pour les majeurs – les personnes concernées doivent quand même remplir un questionnaire –, parce que chacun sait que le squash est un sport exigeant physiquement, mais la fédération a fait ce choix après concertation avec le ministère des sports.

C’est d’ailleurs ce même travail que le ministère des sports et le ministère de la santé doivent réaliser avec les autres fédérations pour envisager d’avancer sur ce sujet. Il y aura des débats et certaines fédérations ne voudront peut-être pas supprimer les certificats médicaux pour les majeurs.

Mais aujourd’hui, le monde sportif est engagé dans la préparation des jeux Olympiques. Ce n’est donc pas le moment, selon nous, d’élargir la suppression des certificats médicaux pour la pratique du sport.

J’ajoute que les fédérations que je vous ai citées et qui ont supprimé cette obligation ont mis en place un questionnaire de santé. Si un futur pratiquant répond oui à l’une des vingt-quatre questions, il doit passer une visite médicale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je veux simplement préciser que le certificat médical ne serait pas complètement supprimé, si cet amendement était adopté. Il existe de toute façon un questionnaire pour les personnes qui ont un souci de santé et, pour les sports dangereux, l’amendement ne supprime pas le certificat médical.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Je vais peut-être étonner l’assemblée, mais je rejoins mes collègues médecins sur ce sujet.

Je voudrais cependant poser une question complémentaire au Gouvernement. Madame la ministre, vous nous dites que le majeur concerné doit remplir un questionnaire : dans ce cas, qui est responsable ? La personne ou la fédération sportive ? Quand un médecin signe un certificat, c’est lui qui s’engage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je crois que notre commission a montré beaucoup de sagesse et de rigueur pendant tous ces débats et qu’il faut lui faire confiance. Si elle a émis un avis favorable, il faut voter cet amendement avec enthousiasme ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 158 rectifié quinquies.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 ter.

M. Alain Milon. Mme la ministre ne m’a pas répondu !

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 158 rectifié quinques
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 quater

Mme la présidente. L’amendement n° 221, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 36 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Les mots : « réalisé au domicile du patient » sont remplacés par les mots : « , réalisé au domicile du patient aux horaires et dans les conditions fixés par décret, » ;

b) Les mots : « par le fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 1435-8 du code de la santé publique, » sont remplacés par les mots : « par l’assurance maladie » ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ce forfait ne peut excéder celui mentionné à l’article L. 162-5-14-2 du code de la sécurité sociale. »

2° La seconde phrase du II est supprimée.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a autorisé, à titre expérimental, la signature des certificats de décès par les infirmiers dans la limite de six régions. Presque un an après l’adoption de cette disposition, l’expérimentation n’est toujours pas lancée, même si je sais, madame la ministre, que vous avez beaucoup travaillé sur la rédaction des textes d’application.

Je rappelle que cette expérimentation est soumise à diverses conditions : pas de mort violente, un décès à domicile, une personne déjà suivie par l’infirmier en question.

Dans la mesure où l’établissement d’un certificat de décès conditionne l’autorisation de fermeture du cercueil et où les familles, déjà dans la détresse, sont parfois contraintes d’attendre de nombreuses heures faute de médecin disponible, une telle mesure apparaît urgente. Elle doit donc être permise dans l’ensemble des régions.

C’est pourquoi le présent amendement vise à étendre l’expérimentation prévue à l’ensemble du territoire national.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Cet amendement vise à étendre l’expérimentation de la réalisation des certificats de décès par les infirmiers diplômés d’État (IDE) à tout le territoire national et à en modifier les modalités de financement.

Je rappelle qu’il est prévu que cette expérimentation soit réalisée sur un délai très court – un an – et un large territoire – six régions. Les textes nécessaires à sa mise en œuvre sont en cours de rédaction.

L’accompagnement des ARS et de tout l’écosystème intervenant dans le dispositif a déjà été réalisé ; il a nécessité un travail important qui doit maintenant se mettre en place. L’extension du dispositif à d’autres régions retarderait sa mise en œuvre.

En outre, il est nécessaire de maintenir cette expérimentation limitée à six régions pour permettre à chacun de s’approprier le dispositif et de bien accompagner les infirmiers dans l’exercice de cette nouvelle compétence afin qu’ils se sentent en sécurité. Des temps de formation sont ainsi prévus et seuls les infirmiers volontaires seront inclus dans l’expérimentation.

Une extension à plus de six régions ne permettrait pas d’évaluer correctement le dispositif, ce qui serait regrettable compte tenu de l’enjeu de santé publique.

Les modalités de prise en charge définies dans l’expérimentation permettent de tester le dispositif vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur tous les territoires concernés, et d’en tirer des conclusions.

Je rappelle aussi que l’expérimentation ne couvre pas le périmètre total des certificats de décès : elle ne concerne pas le décès des mineurs et il s’agit uniquement des décès à domicile. En outre, le dispositif autorise le recours à l’expertise médicale si besoin. Pour ces raisons, le tarif prévu est différent de celui qui s’applique aux médecins.

Au regard de ces éléments, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 221.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 ter.

Article additionnel après l'article 2 ter - Amendement n° 221
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 quinquies (Supprimé)

Article 2 quater

L’article 138 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est ainsi modifié :

1° Après la dernière occurrence du mot : « à », sont insérés les mots : « , respectivement, soixante-quinze et » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les reports de limite d’âge mentionnés au premier alinéa du présent article sont également applicables dans les centres de santé gérés par les collectivités territoriales ou leurs groupements mentionnés à l’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique, pour les professionnels mentionnés au 8° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ou auxquels s’applique l’article L. 84 du code des pensions civiles et militaires de retraite. »

Mme la présidente. L’amendement n° 132, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. L’article 2 quater de ce texte prévoit d’ouvrir aux praticiens des centres de santé la possibilité d’accéder aux dispositifs de cumul emploi-retraite jusqu’à 75 ans contre 72 ans aujourd’hui.

Je ne vais sans doute surprendre personne en disant que le groupe communiste n’est pas tout à fait favorable à ce que l’on recule sans cesse l’âge de départ à la retraite, que ce soit pour les médecins ou pour toute autre personne…

On a beaucoup débattu jusqu’à maintenant, et à juste titre, de la nécessité de rendre attractive la profession de médecin ; je ne suis pas sûre que ce type de mesure aille vraiment dans ce sens.

Je ne suis pas sûre non plus que cela permette de répondre au problème de démographie médicale que nous connaissons.

C’est une sorte de pis-aller qui ne peut pas remplacer la nécessité de mettre en place un plan de formation beaucoup plus ambitieux que ce qui se fait aujourd’hui.

Enfin, ce dispositif de cumul emploi-retraite permet à ceux qui s’y engagent de bénéficier d’exonérations de cotisations sur la retraite, ce qui ne nous semble pas du tout constituer une bonne idée compte tenu des recettes que nous cherchons les uns et les autres pour assurer une retraite digne à chacun.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission ne peut être que défavorable à un amendement de suppression d’un article qu’elle a auparavant approuvé.

Plus de 1 500 médecins et infirmiers exercent aujourd’hui en cumul emploi-retraite à l’hôpital, la majorité au-delà de l’âge limite de droit commun. Ces professionnels et leur engagement doivent être salués.

Face aux difficultés d’accès aux soins que rencontrent nos concitoyens partout sur le territoire, il ne semble pas opportun que des obstacles de nature statutaire s’opposent aux professionnels qui ont la volonté et la capacité de continuer d’exercer au bénéfice des patients.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Madame la sénatrice, cette mesure n’est pas un pis-aller, c’est une solution parmi d’autres et il nous revient d’essayer d’apporter toutes les solutions possibles pour permettre l’accès aux soins sur tous les territoires. J’ajoute qu’elle est fondée sur le volontariat.

Votre amendement propose de supprimer cette autorisation d’exercice.

Or cette disposition a pour vocation de permettre aux médecins et infirmiers de bénéficier de ce cumul emploi-retraite jusqu’à l’âge de 75 ans, contre 72 ans aujourd’hui, pour travailler au sein des établissements publics de santé jusqu’à l’année 2035, le temps de passer les années les plus difficiles en termes de démographie des professionnels de santé.

Elle a aussi pour vocation d’élargir le dispositif aux médecins et infirmiers employés dans les centres de santé gérés par les collectivités territoriales, dès lors que ceux-ci sont situés dans une zone caractérisée par des problèmes d’accès aux soins.

Elle répond en cela aux besoins de structures qui peinent à recruter ces professionnels. De nombreux représentants de collectivités territoriales nous en ont fait la demande.

C’est un dispositif transitoire reposant sur le volontariat, qui apporte de la souplesse. C’est une réponse parmi beaucoup d’autres !

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Cet article concerne uniquement les établissements de santé et les centres de santé, pas la médecine libérale. Comme chacun le sait, les libéraux peuvent travailler sans limite d’âge, s’ils en ont envie et tant que leur état de santé le permet…

Il y a peu, le Parlement – ce n’était pas notre position ! – a décidé de reculer l’âge de la retraite de 62 ans à 64 ans pour l’ensemble des salariés, cette mesure ayant rencontré le succès populaire que chacun connaît…

Il nous semble donc quelque peu indécent de reculer l’âge de départ à la retraite de 72 ans à 75 ans pour les infirmiers et médecins à l’hôpital ou en centre de santé.

On nous parle d’une mesure de souplesse fondée sur le volontariat ; il n’empêche qu’on devrait faire passer un examen de santé à ces professionnels – nous avions déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

C’est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Il faut savoir raison garder ! Je connais un professionnel de 75 ans qui est intervenu cet été dans deux hôpitaux à Villefranche-de-Rouergue et Montauban en gynéco-obstétrique : s’il n’avait pas été là, les services concernés auraient eu les plus grandes difficultés à fonctionner.

Il faut faire attention, quand on veut limiter l’âge d’exercice des professionnels de santé. Des gens de 75 ans sont tout à fait en bonne forme physique et intellectuelle pour continuer de travailler.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 230 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 231 est présenté par Mme Imbert, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « et dans les centres de santé qui leur sont rattachés » ;

La parole est à Mme la ministre déléguée, pour présenter l’amendement n° 230.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Cet amendement vise à inclure dans le dispositif de cet article les professionnels de santé travaillant dans des centres de santé gérés par des établissements de santé – il est utile de les inclure, même s’il y en a peu : trente-trois.

Je rappelle que ce dispositif, qui est fondé sur le volontariat, constitue une réponse aux difficultés d’accès aux soins de nos concitoyens et apporte de la souplesse au système de santé.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 231.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. En travaillant sur ce texte, j’avais identifié cette lacune : les professionnels des centres de santé gérés par des établissements de santé n’étaient pas concernés par le recul de l’âge limite d’exercice en cumul emploi-retraite prévu à l’article 2 quater.

Pour autant, la commission ne pouvait pas déposer cet amendement, car il aurait été irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Je remercie donc le Gouvernement d’avoir déposé l’amendement n° 230 qui permet de rendre le nôtre, identique, recevable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 230 et 231.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 quater, modifié.

(Larticle 2 quater est adopté.)

Article 2 quater
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 sexies

Article 2 quinquies

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 173, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1411-11 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Un indicateur territorial de l’offre de soins évalue la densité de l’offre de soins des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale. Il prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé, de l’offre de soins par convention médicale, du temps d’activité médicale et du temps de consultation effectif auprès du patient et les professions de santé auxquelles la population a le plus fréquemment recours. L’indicateur est mis à jour tous les deux ans, après une première actualisation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n°… du … visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, par l’agence régionale de santé, en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé et fait l’objet d’une publication sur le site des agences régionales de santé. L’indicateur est un outil d’aide à l’élaboration des documents d’orientation de la politique de soins, notamment du projet régional de santé et de la stratégie nationale de santé.

« Cet indicateur est élaboré pour les professions médicales mentionnées aux livres I et II de la quatrième partie. La méthodologie, la liste des spécialités ou des groupes de spécialités médicales et les professions de santé concernées sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Dans la définition des objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins, le conseil territorial de santé se fonde sur l’indicateur mentionné au présent article. » ;

2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « par arrêté, » sont remplacés par les mots : « tous les deux ans par arrêté, en se fondant sur l’indicateur mentionné à l’article L. 1411-11 du présent code et » ;

b et c) (Supprimés).

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à rétablir la création d’un indicateur territorial de l’offre de soins (Itos). Certes, il existe des indicateurs et des statistiques sur l’accessibilité de l’offre de soins, mais, mes chers collègues, avez-vous déjà eu accès à ces indicateurs et statistiques ? Vous les a-t-on présentés ? Étaient-ils facilement accessibles ?

Soyons efficaces ! Il ne sert à rien de réinventer l’eau chaude. Cet Itos pourrait être construit à partir des indicateurs existants. D’ailleurs, notre amendement laisse le pouvoir réglementaire préciser la méthodologie.

Il est nécessaire de rendre publics de tels indicateurs et de faire en sorte qu’ils soient accessibles et lisibles. Un indicateur agrégeant les données existantes de manière claire au cœur du projet régional de santé permettrait d’atteindre cet objectif.

Se satisfaire de la situation actuelle, c’est accepter que les données territoriales de l’accès aux soins restent une affaire de spécialiste. Et je ne m’en satisfais pas !

Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, M. P. Joly, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Blatrix Contat, M. Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1411-11 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Un indicateur territorial de l’offre de soins évalue la densité de l’offre de soins des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale. Il prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé et les professions de santé auxquelles la population a le plus fréquemment recours. Il prend également en compte le repérage des besoins réels de la population et le temps médical conventionné disponible sur le territoire. L’indicateur est mis à jour tous les deux ans, après une première actualisation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n°… du … visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, par l’agence régionale de santé, en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé. L’indicateur est un outil d’aide à l’élaboration des documents d’orientation de la politique de soins, notamment du projet régional de santé.

« Cet indicateur est élaboré pour les professions médicales mentionnées aux livres Ier et II de la quatrième partie. La méthodologie, la liste des spécialités ou des groupes de spécialités médicales et les professions de santé concernées sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Dans la définition des objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins, le conseil territorial de santé se fonde sur l’indicateur mentionné au présent article. » ;

2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « par arrêté, » sont remplacés par les mots : « tous les deux ans par arrêté, en se fondant sur l’indicateur mentionné à l’article L. 1411-11 du présent code et » ;

b et c) (Supprimés).

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à rétablir l’article 2 quinquies adopté à l’Assemblée nationale et supprimé par la commission.

Nous disposons déjà d’outils, par exemple le rapport annuel de l’ordre des médecins ou l’accessibilité potentielle localisée (APL) qui est calculée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), mais ils manquent à la fois de visibilité et de reconnaissance.

L’objectif de cet indicateur territorial de l’offre de soins serait d’orienter véritablement les politiques de santé. En étant mis à jour annuellement, il permettrait de dresser une cartographie très fine des besoins médicaux sur le territoire.

Il serait élaboré par les services de l’État en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour disposer d’une cartographie précise par bassin de vie de la répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire.

Il définirait également, dans les zones sous-dotées, un niveau minimal d’offres de soins à atteindre pour chaque spécialité médicale.

Nous souhaitons l’enrichir d’un impératif de repérage des besoins réels de la population et surtout du temps médical conventionné réel disponible sur le territoire sans dépassement d’honoraires.

L’objectif de cet indicateur territorial est avant tout d’être un outil uniforme d’aide à la décision pour les ARS.

Ainsi, outre la répartition des médecins généralistes et spécialistes, l’indicateur devrait tenir compte des facteurs, comme l’âge, la prévalence des risques ou le non-recours aux soins, qui peuvent nécessiter une offre renforcée.

Le directeur général de l’ARS devra donc s’appuyer sur cet indicateur pour déterminer annuellement les zones qui sont caractérisées par une offre de soins insuffisante, ainsi que les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé. Cet indicateur nous apportera une cartographie précise.

Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Burgoa, Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1411-11 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Un indicateur territorial de l’offre de soins évalue la densité de l’offre de soins des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale. Il prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie et du temps d’activité médicale et du temps de consultation effectif auprès du patient des professions de santé et les professions de santé auxquelles la population a le plus fréquemment recours. L’indicateur est mis à jour tous les deux ans, après une première actualisation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n°… du … visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, par l’agence régionale de santé, en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé. L’indicateur est un outil d’aide à l’élaboration des documents d’orientation de la politique de soins, notamment du projet régional de santé.

« Cet indicateur est élaboré pour les professions médicales mentionnées aux livres Ier et II de la quatrième partie. La méthodologie, la liste des spécialités ou des groupes de spécialités médicales et les professions de santé concernées sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Dans la définition des objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins, le conseil territorial de santé se fonde sur l’indicateur mentionné au présent article. » ;

2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « par arrêté, » sont remplacés par les mots : « tous les deux ans par arrêté, en se fondant sur l’indicateur mentionné à l’article L. 1411-11 du présent code et » ;

b et c) (Supprimés).

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à prendre en compte le temps d’activité médicale et le temps effectif de consultation dans l’indicateur territorial de l’offre de soins.

Mme la présidente. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mme Micouleau, MM. Burgoa, Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1411-11 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Un indicateur territorial de l’offre de soins évalue la densité de l’offre de soins des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale. Il prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie et du temps d’activité médicale des professionnels de santé et les professions de santé auxquelles la population a le plus fréquemment recours. L’indicateur est mis à jour tous les deux ans, après une première actualisation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n°… du … visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, par l’agence régionale de santé, en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé. L’indicateur est un outil d’aide à l’élaboration des documents d’orientation de la politique de soins, notamment du projet régional de santé.

« Cet indicateur est élaboré pour les professions médicales mentionnées aux livres Ier et II de la quatrième partie. La méthodologie, la liste des spécialités ou des groupes de spécialités médicales et les professions de santé concernées sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Dans la définition des objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins, le conseil territorial de santé se fonde sur l’indicateur mentionné au présent article. » ;

2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « par arrêté, » sont remplacés par les mots : « tous les deux ans par arrêté, en se fondant sur l’indicateur mentionné à l’article L. 1411-11 du présent code et » ;

b et c) (Supprimés).

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Il s’agit d’un amendement de repli, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 151, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1411-11 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Un indicateur territorial de l’offre de soins évalue la densité de l’offre de soins des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale. Il prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé et les professions de santé auxquelles la population a le plus fréquemment recours. L’indicateur est mis à jour tous les deux ans, après une première actualisation dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n°… du … visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, par l’agence régionale de santé, en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé. L’indicateur est un outil d’aide à l’élaboration des documents d’orientation de la politique de soins, notamment du projet régional de santé.

« Cet indicateur est élaboré pour les professions médicales mentionnées aux livres Ier et II de la quatrième partie. La méthodologie, la liste des spécialités ou des groupes de spécialités médicales et les professions de santé concernées sont déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé.

« Dans la définition des objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins, le conseil territorial de santé se fonde sur l’indicateur mentionné au présent article. » ;

2° L’article L. 1434-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « par arrêté, » sont remplacés par les mots : « tous les deux ans par arrêté, en se fondant sur l’indicateur mentionné à l’article L. 1411-11 du présent code et » ;

b et c) (Supprimés).

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Je dois avouer que, lorsque j’ai découvert cet article, je me suis demandé à quoi allait bien pouvoir servir un indicateur de plus. Nous n’avons pas besoin d’indicateurs, nous avons besoin de médecins !

Et puis, j’ai examiné le problème avec plus d’attention.

Les indicateurs qui existent, par exemple celui de l’accessibilité potentielle localisée (APL) qui est utilisé par les ARS, traduisent très mal la situation de nos territoires au point que certaines agences sont contraintes de piocher dans les crédits du fonds d’intervention régional pour compléter ce qui sort, si vous me permettez l’expression, de l’algorithme de l’APL.

Ensuite, ce nouvel indicateur est intéressant en ce qu’il fait appel à des critères sociaux. Or on sait que les difficultés d’accès aux soins ne sont pas seulement d’ordre géographique, elles sont aussi d’ordre social. Ce critère est donc tout à fait pertinent.

Enfin, nous débattions un peu plus tôt de la régulation de l’installation des médecins et certains s’interrogeaient sur l’existence de zones réellement surdotées, puisque 87 % du territoire est considéré comme étant dans un désert médical, tandis que d’autres se demandaient qui accepterait de voir un médecin s’installer ailleurs, même si c’est pour aller dans un territoire dont la situation est encore moins favorable que le sien.

Un indicateur élaboré de manière pertinente permettrait de ne pas réguler à la petite semaine et de prendre en compte la diversité des situations, parce qu’au fond, au sein des 87 % qui ont été évoqués, les situations sont très variées.

Voilà pourquoi j’ai changé d’avis : je pense désormais que cet indicateur nous serait fort utile.

Mme la présidente. L’amendement n° 38 rectifié ter, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. L. Vogel, Capus et Verzelen, Mme L. Darcos, MM. Guerriau et Daubresse, Mme Saint-Pé, MM. Folliot et Menonville, Mme Josende et M. Longeot, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le mot : « détermine », la fin du premier alinéa de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « annuellement par arrêté, après concertation avec le conseil territorial de santé mentionné à l’article L. 1434-10 : ».

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Les zonages relatifs à l’offre de soins réalisés par les ARS permettent de définir les territoires qui connaissent le plus de difficultés. De ce travail dépend l’éligibilité à différentes aides financières, ce qui affecte l’attractivité des territoires concernés.

L’évolution de l’offre de soins est constante et particulièrement marquée par le vieillissement des professionnels avec de nombreux départs à la retraite, notamment chez les médecins comme le soulignent les dernières données de la Drees.

Pourtant, le code de la santé publique ne prévoit actuellement aucune temporalité relative à la révision des zonages. Ainsi, si la dernière révision date de 2022, la précédente datait de 2018 dans la majorité des territoires. Cet intervalle de quatre ans ne permet pas refléter correctement l’évolution rapide de la démographie des professionnels de santé et limite l’actualisation des aides au plus près des besoins.

Cet amendement tend à rétablir l’article 2 septies supprimé en séance publique à l’Assemblée nationale. La mesure proposée prévoit une actualisation annuelle des zonages afin de pouvoir informer régulièrement les acteurs concernés de l’évolution de l’offre de soins sur leur territoire.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par Mme Sollogoub, M. Guerriau, Mme Noël, MM. J.M. Arnaud et Laugier, Mme N. Goulet, M. Levi, Mme Vermeillet, MM. Delahaye et Rochette, Mme Gatel, MM. Houpert, Bonnecarrère, Chasseing et Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Duffourg, Mme Perrot, M. J.P. Vogel, Mme O. Richard, M. Chevalier, Mme Dumont, MM. Henno, Kern et Lemoyne, Mme Herzog, M. Wattebled, Mme Richer, M. Chatillon, Mmes Romagny et Demas, M. Canévet, Mmes Lermytte et Saint-Pé, MM. Lefèvre et Roux, Mmes Jacquemet et Guidez, MM. Menonville et Cadic, Mme Josende et MM. Belin, L. Vogel, Verzelen, Cigolotti et Gremillet, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après le mot : « détermine », la fin du premier alinéa de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « tous les deux ans, par arrêté, après concertation avec le conseil territorial de santé mentionné à l’article L. 1434-10 : ».

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Mon amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté. En effet, le délai de quatre ans est beaucoup trop long, car il ne correspond pas à la réalité des territoires, mais le délai d’un an semble trop court pour une mise en œuvre effective.

Je prends un exemple. Dans mon territoire, nous avons besoin d’urgence d’une révision du zonage dentaire. Les dentistes ne s’y installent pas, malgré les besoins. Les instances viennent de s’engager en 2023 à lancer la révision, mais elles nous annoncent que cela sera fait courant 2025. J’en déduis que le délai de deux ans est tenable. Les révisions suivantes devront se faire ensuite automatiquement selon cette temporalité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Sur les amendements nos 173, 48 rectifié, 70 rectifié, 71 rectifié et 151, qui ont pour objet de rétablir l’article créant l’indicateur territorial de l’offre de soins, l’avis est défavorable.

Si la commission est soucieuse de l’objectivation des inégalités territoriales d’accès à l’offre de soins, elle constate néanmoins l’existence d’une diversité d’indicateurs et de statistiques permettant d’appréhender ces déséquilibres de façon assez complète et précise. Ceux-ci sont tout à fait accessibles et l’apport d’un nouvel indicateur serait pour le moins limité.

De plus, la fréquence élevée d’actualisation de cet indicateur nécessiterait de mobiliser des moyens humains considérables et une expertise technique dont ne disposent pas nécessairement les ARS.

Les auteurs des amendements nos 38 rectifié ter et 5 rectifié quater proposent une actualisation des zonages, tous les ans pour le premier et tous les deux ans pour le second. Aujourd’hui, la loi ne prévoit aucune fréquence d’actualisation de ces zonages, pourtant essentiels pour orienter l’installation des professionnels. Les ARS proposent parfois une révision tous les trois ans, mais, dans les faits, c’est plutôt quatre ans. Or, dans ce dernier délai, la situation peut se dégrader fortement dans un territoire. C’est pourquoi une actualisation tous les deux ans me paraît intéressante. L’avis de la commission est donc défavorable sur l’amendement n° 38 rectifié ter et favorable sur l’amendement n° 5 rectifié quater.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Nous sommes défavorables aux amendements nos 173, 48 rectifié, 70 rectifié, 71 rectifié et 151. Bien sûr, il nous faut des indicateurs pour prendre de bonnes décisions. Je partage vos préoccupations, mais ces indicateurs existent déjà en grand nombre, et ils permettent d’appréhender les déséquilibres territoriaux.

Nous sommes également défavorables aux amendements nos 38 rectifié ter et 5 rectifié quater. Une actualisation chaque année ou tous les deux ans du zonage ne paraît pas opportune. Dans la mesure où il convient de donner de la visibilité aux professionnels qui souhaitent s’installer, une actualisation tous les trois ans, comme la prévoient les textes actuels, est préférable, d’autant que les ARS peuvent procéder à une actualisation plus fréquente si la situation du territoire le justifie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je ne suis pas favorable à la réintroduction d’un indicateur. Pour moi, le vrai problème réside plutôt dans la dispersion des données entre les ARS, les territoires, etc. Je vous donne un exemple concret. Dans ma région existe une plateforme dénommée Geminstal, qui est un guichet unique. La personne qui s’en occupe pour orienter les jeunes professionnels de santé sur tel ou tel territoire a exprimé le besoin d’avoir des données consolidées.

Les jeunes médecins en voie d’installation nous en demandent également pour savoir quel médecin référent, quel infirmier, quelle maison de santé se trouvent dans le territoire où ils souhaitent venir.

Ce travail de consolidation est en cours pour que les guichets uniques, les professionnels, voire les citoyens, puissent disposer d’une cartographie. On n’est pas dans l’intelligence artificielle, mais ce travail nous sera utile, sans qu’il soit besoin de créer un nouvel indicateur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 173.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 70 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 151.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié quater.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 quinquies est rétabli dans cette rédaction.

Article 2 quinquies (Supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 2 octies

Article 2 sexies

Le 3° de l’article L. 1432-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Les mots : « à l’installation » sont supprimés ;

1° bis (nouveau) Le mot : « associées » est remplacé par le mot : « associés » ;

2° Sont ajoutés les mots et une phrase ainsi rédigée : « , les collectivités territoriales, leurs groupements et la caisse primaire d’assurance maladie. Il assiste les professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives, notamment celles effectuées dans le cadre de leur installation ou de leur remplacement. »

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.

M. Marc Laménie. Je veux d’abord saluer le travail qui a été fait au sein de la commission des affaires sociales sur ce texte important, qui participe aussi d’une politique d’aménagement du territoire. Madame la ministre déléguée, j’en profite pour vous remercier d’être venue voilà quelques semaines dans le département des Ardennes pour soutenir des maisons de santé en secteur rural.

L’article 2 sexies vise l’élargissement des missions et de la composition des guichets uniques départementaux d’accompagnement des professionnels de santé. Il y avait un réel problème de lisibilité des dispositifs d’aide à destination des professionnels de santé – Caisse nationale de l’assurance maladie, ARS, collectivités territoriales –, pour remédier aux problèmes d’offre de soins et de démographie médicale. La création de ce guichet unique départemental était inscrite dans le PLFSS pour 2023. Il convient de lui donner des moyens humains et financiers suffisants pour aider les professionnels de santé dans leurs démarches administratives complexes. Tel est l’objet de cet article, qui ouvre la composition de ce guichet unique aux collectivités territoriales, à la CPAM, mais aussi à d’autres partenaires institutionnels, comme le monde étudiant. Je soutiendrai bien évidemment cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, MM. Jomier et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, M. P. Joly, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Blatrix Contat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 3° de l’article L. 1432-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« 3° Un guichet unique départemental d’accompagnement des professionnels de santé géré par les instances départementales et l’agence régionale de santé, auquel sont associées les instances territorialement compétentes des ordres professionnels concernés, les collectivités territoriales, leurs groupements et la caisse primaire d’assurance maladie. Il assiste les professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives, notamment celles effectuées dans le cadre de leur installation ou de leur remplacement. »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Nous sommes favorables à ce guichet unique, mais souhaitons, avec cet amendement, préciser son organisation et sa gouvernance. Nous nous sommes inspirés de l’initiative du département des Pyrénées-Atlantiques, qui a mis en place, depuis quelques années, le dispositif Présence médicale 64. Il s’agit d’un guichet unique copiloté par le département et l’ARS. Le portage se fait donc par le conseil départemental, qui, vous le savez, est garant des solidarités humaines et territoriales. Grâce à sa connaissance fine des acteurs locaux et à ses compétences en aménagement du territoire, il apparaît comme l’échelon idoine pour garantir le maillage et l’équité territoriaux. Le pilotage et la prise de décision sont partagés avec l’ARS départementale.

Ce copilotage répond à un double enjeu de la couverture médicale : un impératif de santé publique assuré par l’ARS, garante des politiques nationales de santé, et un objectif d’aménagement du territoire, avec la revitalisation des territoires ruraux grâce à l’installation de professionnels de santé, pris en charge par le département. Il permet un accompagnement humain et sur mesure des internes et des médecins dans la construction de leur projet de vie, tant professionnel que personnel, et laisse une place centrale aux médecins dans la gouvernance.

L’aspect personnel, qui concerne la situation des conjoints, des enfants, est aussi important. À cet égard, le département peut « vendre » son attractivité et son cadre de vie. Le département de l’Aveyron a très bien su le faire.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, cette initiative a permis une hausse de 2 % du nombre de médecins généralistes installés en quatre ans, alors que la baisse constatée était de 0,9 % en moyenne les années d’avant. On a également constaté une baisse de quatre ans de la moyenne d’âge des médecins,…

Mme la présidente. Veuillez conclure.

Mme Émilienne Poumirol. … et une augmentation de 14 % du nombre de médecins maîtres de stage universitaires sur le territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je pense qu’il convient de séparer la participation de la cogestion. Tel qu’il est modifié par l’article 2 sexies, le guichet unique départemental prévoit déjà la participation des services des collectivités territoriales, dont les départements, ce qui est une bonne chose, puisque cela permettra aux professionnels de santé d’avoir un interlocuteur unique pour les accompagner dans l’ensemble de leurs démarches administratives. Nous sommes donc en phase sur le principe du guichet unique et sur le fait d’associer les collectivités territoriales, notamment les départements.

Toutefois, instaurer une cogestion serait source d’inefficacité et entraînerait d’importantes contraintes organisationnelles pour ces structures, dont le déploiement n’est même pas finalisé aujourd’hui. En effet, nous voyons sur nos territoires que le guichet unique, créé par le PLFSS pour 2023, a du mal à voir le jour.

Laissons à ces structures la possibilité de pleinement se déployer au sein des ARS avant de décider qui doit piloter. Pour l’instant, laissons-les travailler avec les autres acteurs sur cette phase de mise en place.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il est également défavorable.

Les collectivités territoriales, notamment départementales, sont effectivement des acteurs importants pour faciliter l’installation des professionnels de santé dans les territoires. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a accueilli favorablement en première lecture à l’Assemblée nationale un amendement visant à associer à ce guichet unique les collectivités territoriales, en particulier le département. Cette proposition va permettre de fédérer les pouvoirs publics locaux pour accompagner et faciliter l’arrivée de jeunes professionnels de santé.

Toutefois, les ARS, en tant qu’instances chargées d’assurer un pilotage unifié de la santé dans chaque région, doivent conserver la gouvernance de ce guichet. Les contextes sont différents selon les territoires et l’ambition de ce guichet unique est d’associer tous les acteurs utiles localement à ses missions.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 91 rectifié, présenté par Mme Guillotin, M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Avant les mots :

les collectivités

insérer les mots :

les unions régionales des professionnels de santé territorialement compétentes

La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Cet amendement assez simple vise à introduire les unions régionales des professionnels de santé (URPS) comme entités associées au guichet unique départemental d’accompagnement. Cette proposition nous semble pertinente, sachant que, dans certains territoires, ce sont elles qui assument le fonctionnement de certains guichets. Par ailleurs, elles fédèrent les professionnels de santé libéraux, qui sont eux-mêmes potentiellement intéressés pour aller vers ces guichets départementaux.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Doineau, MM. Levi, Laugier et Bonnecarrère, Mme de La Provôté, MM. Longeot et Canévet, Mmes Jacquemet, Gatel, Vérien, Romagny, Sollogoub et O. Richard, MM. Kern, Lafon, Fargeot, Capo-Canellas et Bleunven, Mme Billon et MM. Hingray et J.M. Arnaud.

L’amendement n° 167 est présenté par Mme Aeschlimann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

groupements

insérer les mots :

, les unions régionales des professionnels de santé

La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

M. Michel Canévet. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 167.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Il s’agit de reconnaître le rôle et l’utilité des unions régionales des professionnels de santé (URPS), absentes sur le papier du guichet unique départemental qui a été créé voilà un an, alors qu’elles jouent un rôle très utile pour l’installation et l’exercice des professionnels de santé sur le terrain.

Dans la région Île-de-France, que je connais particulièrement bien, ces URPS conseillent, informent, participent, y compris aux montages des dossiers de financement, sans toutefois se prononcer sur l’opportunité de ces projets.

Les URPS se sentent un peu les oubliées de ce texte. En effet, elles ne sont pas mentionnées, au contraire des autres parties prenantes de ces guichets uniques, qui sont citées nominativement dans l’article 2 sexies, qui modifie l’article L. 1432-1 du code de la santé publique.

J’ajoute que, réunies le week-end dernier à Marseille, l’ensemble de ces URPS se sont prononcées favorablement pour leur association concrète, et de façon très officielle et institutionnelle, à ces guichets uniques.

Enfin, il nous a été indiqué en commission que les ordres professionnels participaient à ces guichets uniques et étaient donc susceptibles de représenter les URPS. Les ordres professionnels ont vocation à défendre leurs membres et ont une mission disciplinaire. Leur objet n’est donc pas celui des URPS. Nous insistons pour que ces dernières soient associées de façon très formelle à ces instances.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Dans le texte actuel, rien n’empêche les URPS volontaires de collaborer avec les guichets uniques départementaux. Certaines d’entre elles ont parfois été à l’origine de ces guichets uniques. Je les encourage même à y participer dans tous les départements.

Nous ne remettons pas en cause le rôle et l’importance des URPS, dont nous connaissons tous l’intérêt. Pour autant, lors des auditions, aucune volonté forte et consensuelle d’ajouter des membres obligatoires aux guichets uniques n’est ressortie. Le risque serait de tomber dans un inventaire à la Prévert, car je ne doute pas que d’autres acteurs voudront aussi apparaître dans la loi. Ne faisons pas des lois bavardes et comptons sur les acteurs locaux pour faire ce qu’ils estiment nécessaire.

La commission a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il est également défavorable.

Nous ne considérons pas que les URPS ne sont pas des acteurs incontournables de l’accompagnement des professionnels de santé, mais nous estimons que doit prévaloir la même logique que celle qui a prévalu pour les CTS de l’article 1er. Il faut donner de la souplesse aux territoires pour organiser ces guichets uniques. Qu’est-ce que cela signifie ? L’ARS pilote cette plateforme, mais tous les acteurs souhaitant s’impliquer peuvent le faire. Je le répète, les URPS sont bien des acteurs incontournables, mais nous ne voulons pas non plus d’un inventaire à la Prévert ni d’une loi bavarde. Si nous avions inscrit les URPS, je suis prête à parier que nous aurions dû ajouter les ordres et peut-être d’autres professionnels de santé.

Mme la présidente. Madame Guillotin, l’amendement n° 91 rectifié est-il maintenu ?

Mme Véronique Guillotin. Je vais le retirer, madame la présidente, non sans avoir alerté mes collègues : faisons attention à ne pas empiler les différents guichets départementaux. En effet, j’en ai déjà vu apparaître d’autres, ce qui nous fait perdre en lisibilité.

Mme la présidente. L’amendement n° 91 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié et 167.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Haye, Patriat et Lemoyne, Mme Schillinger, MM. Iacovelli, Rohfritsch et Buis, Mmes Havet et Duranton, M. Omar Oili, Mme Cazebonne, M. Fouassin, Mme Nadille, MM. Bitz, Buval, Kulimoetoke, Lévrier, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud et Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

groupements

insérer les mots suivants :

, la chambre de commerce et d’industrie, les communautés professionnelles territoriales de santé

La parole est à M. Olivier Bitz.

M. Olivier Bitz. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 49 rectifié est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, MM. Jomier et Kanner, Mmes Canalès, Conconne, Féret, Lubin et Rossignol, M. P. Joly, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Blatrix Contat, M. Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 90 rectifié est présenté par Mme Guillotin, M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, M. Fialaire, Mme Girardin, MM. Gold, Grosvalet, Guérini, Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Après le mot :

groupements

insérer les mots :

, les représentants des étudiants en santé et des jeunes professionnels

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre déléguée, j’ai bien entendu votre souhait d’éviter un inventaire à la Prévert. Avec cet amendement, j’ai conscience d’ajouter un élément à cet inventaire en demandant que soit sanctuarisée la place des représentants des étudiants et des jeunes professionnels au sein des guichets uniques. Leur généralisation, qui a été actée dans le PLFSS pour 2023, était une demande forte des représentants des internes en médecine générale. J’ai pu en faire le constat en participant l’an dernier à l’assemblée générale de l’Isnar-IMG. Un ensemble de dix recommandations a d’ailleurs été publié pour que les guichets uniques répondent vraiment aux attentes des professionnels ciblés. Parmi celles-ci, l’association des étudiants en médecine à ces structures.

Cependant, je le répète, j’ai bien entendu votre argumentaire, semblable à celui développé à l’article 1er, que nous n’avions pas amendé. Aussi, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 49 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié.

Mme Véronique Guillotin. Il est défendu et maintenu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis favorable. (Mme Émilienne Poumirol sexclame.) Incroyable ! Le seul qu’il ne fallait pas retirer… (Expressions amusées.) Soyez généreux, vous ne serez pas récompensé ! (Sourires.)

Mme Émilienne Poumirol. Face à une telle générosité, puis-je reprendre mon amendement ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je me tourne vers la présidence…

Mme la présidente. La commission peut le reprendre.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je le reprends, ma chère collègue. C’est cadeau !

Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est rare… mais c’est bien !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Merci de le souligner, même si j’ai quand même donné quelques avis favorables depuis le début de notre discussion.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 233, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéa 4

Après le mot :

groupements

insérer les mots :

, les représentants des étudiants en santé et des jeunes professionnels

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Pas d’inventaire à la Prévert, je le maintiens, mais je vais faire une exception avec cette proposition d’associer les représentants des étudiants en santé et des jeunes professionnels aux guichets uniques départementaux. Pourquoi ? Parce que cela se fait très peu pour l’instant. Or je considère, au regard des débats que nous avons eus voilà quelques heures, qu’il faut tendre la main aux jeunes médecins diplômés, aux jeunes étudiants en médecine, pour les sensibiliser à l’importance de l’installation sur l’ensemble du territoire national.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Nous devons être logiques, en même temps (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), avec ce que nous avons dit à l’article 1er et avec ce que nous défendons depuis le début de la soirée : il faut envoyer des signaux très forts aux jeunes professionnels de santé qui veulent s’engager. En revanche, leurs associations ne sont pas présentes sur tout le territoire. Peut-être faut-il inciter les jeunes à en créer pour travailler au côté des ARS dès le début de leur engagement dans les métiers de la santé.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 90 rectifié et 233.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 sexies, modifié.

(Larticle 2 sexies est adopté.)

Article 2 sexies
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Article 2 nonies (Supprimé)

Article 2 octies

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4113-15 ainsi rédigé :

« Art. L. 4113-15. – Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes mentionnés à l’article L. 4111-1 communiquent à l’agence régionale de santé et au conseil de l’ordre dont ils relèvent leur intention de cesser définitivement leur activité dans le lieu où ils exercent, au plus tard trois mois avant la date prévue pour la cessation de cette même activité, sauf exceptions prévues par décret. »

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Milon et Mmes Gruny, Deseyne et Lassarade, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Je connais la réponse de Mme la rapporteure, mais je vais quand même le défendre. (Sourires.) Cet article 2 octies impose, sauf cas de force majeure prévue par décret, un préavis de six mois aux médecins, chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes qui quittent leur lieu d’exercice. Cette mesure nous semble contraire au statut libéral et elle risque d’entraîner de fortes crispations sur le territoire. C’est pourquoi nous demandons sa suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable. La commission a recherché un point d’équilibre sur cet article en réduisant le délai de préavis de six mois à trois mois.

L’ordre national des médecins était favorable à ce préavis, considérant qu’il fallait lutter contre le phénomène des médecins qui enlèvent leur plaque du jour au lendemain, sans prévenir…

M. Alain Milon. Ce n’est pas le cas de tout le monde !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Certes, et heureusement ! Dans cet esprit, et même si cela ne réglera pas tout, la commission a choisi de ramener le préavis à trois mois, ce qui me paraît raisonnable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. L’idée est non pas de stigmatiser les professionnels qui souhaitent arrêter leur exercice, mais d’organiser au mieux les successions. Pour organiser le territoire, il faut donner de la visibilité aux ARS sur les prochains départs de professionnels. Il importe d’éviter toute rupture de prise en charge des patients, notamment ceux qui sont atteints de maladie chronique. C’est une mesure de continuité. Même si nous étions plutôt favorables au délai de six mois, nous sommes défavorables à la suppression de cet article.

Mme la présidente. Monsieur Milon, l’amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Alain Milon. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Levi et Laugier, Mme de La Provôté, MM. Longeot, Bonnecarrère et Canévet, Mmes Jacquemet, Gatel, Vérien, Romagny, Sollogoub et O. Richard, MM. Kern, Lafon, Fargeot, Capo-Canellas et Bleunven, Mme Billon et MM. Hingray et J.M. Arnaud, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

santé

insérer les mots :

, à l’union régionale des professionnels de santé dont ils relèvent

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Comme les URPS ont pour mission de contribuer à l’organisation de l’offre de soins sur leur territoire, il paraît légitime de les informer de la cessation d’activité des professionnels libéraux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La déclaration de cessation d’activité peut être sensible dans certains cas. La commission a jugé préférable de maintenir le champ existant des destinataires, limité aux ARS et aux ordres. Le ministère nous a indiqué qu’il étudiait dans quelle mesure et de quelle manière cette information pourrait être communiquée aux acteurs contribuant à l’organisation des soins sur le territoire.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Monsieur Canévet, l’amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 2 octies.

(Larticle 2 octies est adopté.)

Article 2 octies
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Article 2 decies

Article 2 nonies

(Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié ter, présenté par Mme Lermytte, MM. Chasseing et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Wattebled, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Guerriau et Verzelen, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et Menonville, Mme Josende et M. Longeot, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre V du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 5125-5-… ainsi rédigé :

« Art. L. 5125-5-…. – Toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d’une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, au sens du 1° de l’article L. 1434-4, à l’initiative d’un ou de plusieurs pharmaciens ou de sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou de plusieurs officines doit faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé, après consultation des organisations syndicales représentatives de la profession, au sens de l’article L. 162-33 du code de la sécurité sociale, du conseil de l’ordre des pharmaciens territorialement compétent et du conseil territorial de santé.

« La cessation définitive d’activité de l’officine ou des officines concernées est constatée dans les conditions prévues à l’article L. 5125-22 du présent code. Toutefois, la cessation définitive d’activité ne peut être constatée si les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits de manière optimale ou si elle entre en contradiction d’une autre manière avec les objectifs déterminés par le projet territorial de santé au sens de l’article L. 1434-10. »

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Selon une position constante, la commission des affaires sociales n’est pas favorable aux dispositions législatives visant à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement. Aussi a-t-elle souhaité supprimer cet article dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale en séance. Eu égard au caractère urgent de la situation, nos travaux ne peuvent se satisfaire d’une demande de rapport, dont la portée ne peut qu’être limitée, si toutefois le rapport est déposé. Nous proposons plutôt de rétablir la rédaction de cet article adoptée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Aux termes de cette rédaction, les opérations de restructuration du réseau officinal doivent faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de la santé, lorsqu’elles sont réalisées en zone sous-dense et qu’elles donnent lieu à une indemnisation de cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines. Cet avis intervient après consultation des organisations syndicales représentatives de la profession, du conseil de l’ordre des pharmaciens territorialement compétent et du conseil territorial de santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Si la concentration du réseau officinal et les opérations de restructuration constituent un sujet important, les dispositions initiales de l’article ont été remplacées à l’Assemblée nationale, avec l’accord de leur auteur, M. Valletoux, parce qu’elles sont apparues peu opérationnelles et conduisaient à des difficultés juridiques de qualification des opérations.

La commission a, en conséquence, émis un avis défavorable sur leur rétablissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 nonies demeure supprimé.

Article 2 nonies (Supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Après l’article 2 decies

Article 2 decies

Le n du 2° du II de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La première phrase est ainsi modifiée :

a) Au début, les mots : « L’article L. 5125-4 » sont remplacés par les mots : « Les 2°, 3° et 4° de l’article L. 5125-1-1 A, le premier alinéa de l’article L. 5125-16, le deuxième alinéa de l’article L. 5125-17 et le troisième alinéa de l’article L. 5125-18 » ;

b) Les mots : « l’organisation de la dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques par un pharmacien, à partir d’une officine d’une commune limitrophe ou la plus proche » sont remplacés par les mots : « la création d’une antenne par le ou les pharmaciens titulaires d’une officine d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche » ;

2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’antenne fait partie de cette officine et relève de la même entité juridique. » ;

3° La dernière phrase est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « ordre », sont insérés les mots : « des pharmaciens territorialement compétents » ;

b) Après le mot : « représentatifs », sont insérés les mots : « de la profession ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Kristina Pluchet, sur l’article.

Mme Kristina Pluchet. Puisque nous en arrivons à évoquer le réseau officinal, je veux décrire les réalités de terrain auxquelles sont confrontées les populations rurales.

Dans certains villages survit parfois difficilement une petite officine arrimée à un dernier médecin généraliste proche de la retraite. Dans d’autres, la mobilisation des élus a certes permis l’installation d’une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) dynamique et florissante, mais l’éloignement ou l’inaccessibilité des officines rurales alentour oblige l’ensemble des patients à des trajets supplémentaires, dans un contexte où nous cherchons pourtant tous à optimiser les déplacements.

J’appelle donc à l’évolution de concert des cartes médicale et officinale, car ces deux activités sont interdépendantes en milieu rural. Il est primordial de penser les deux problématiques de manière conjointe pour un accès aux soins cohérent sur un territoire donné. J’appelle aussi pour ce faire à la pleine application de l’article L. 5125-6 du code de la santé publique, dont la publication du décret d’application est attendue depuis quatre ans. En effet, ce texte permettrait d’apprécier plus souplement le critère démographique pour « les territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante ». Or ces territoires n’ont toujours pas été définis, et les mesures assouplies proposées ne peuvent toujours pas être appliquées.

Permettez-moi enfin d’insister particulièrement sur la nécessité de recourir à la catégorie juridique du « territoire » comme échelon d’appréciation du critère démographique d’existence d’une officine dans les zones rurales désertifiées, bien plus pertinente que celle de la « commune », actuellement retenue alors qu’elle est trop restrictive.

Mme la présidente. Mes chers collègues, il est minuit : je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, sur l’article.

Mme Marie-Pierre Richer. Je veux dire ma satisfaction quant au contenu de cet article. Depuis trois ans, j’ai interpellé à plusieurs reprises les ministres successifs sur l’expérimentation qui nous est proposée. En effet, le Cher fait partie des départements les plus affectés par le manque de professionnels, tant généralistes que spécialistes, mais également par le nombre de fermetures d’officines de pharmacie – cinq en 2022 et déjà deux en 2023.

Comme Isabelle Chopineau, pharmacienne dans le Cher, avec laquelle je travaille depuis quatre ans, je suis convaincue de l’impérieuse nécessité de permettre à une officine socle de s’associer à une officine annexe pour en éviter la fermeture définitive.

Cette question concerne pleinement l’aménagement du territoire puisque nous parlons ici de proximité. En effet, il y va aussi de l’accès aux soins de nos habitants, d’autant plus que les pharmaciens ont vu leur périmètre d’intervention élargi. Nous sommes donc prêts pour l’expérimentation. Ne laissons pas s’installer la désertification pharmaceutique ! C’est ainsi que je concluais mon intervention, il y a déjà plus d’un an, et je le réitère ce soir avec force : il y a urgence ! (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l’article.

M. Laurent Duplomb. Je voudrais remercier Mme la rapporteure et M. le président de la commission des affaires sociales. Dans mon département, la commune de La Séauve-sur-Semène a malheureusement perdu son officine de pharmacie et sa population n’a plus accès à ce service.

Cet article permettra, je l’espère, d’ouvrir une pharmacie annexe dans cette commune de moins de 2 500 habitants. J’y vois une avancée dans la reconnaissance des difficultés en milieu rural et dans l’équité de traitement entre les citoyens issus des territoires comme les nôtres : il n’est pas normal de s’habituer à fermer tous les services au public, sous prétexte que cette évolution serait inéluctable, et que la seule solution pour les habitants serait de faire quelques kilomètres supplémentaires pour accéder au même service. Non : je m’y refuse, car l’intelligence parlementaire peut apporter une solution à la désertification médicale.

Grâce à cet article, l’officine pourra être ouverte par le ou les pharmaciens d’une officine d’une commune limitrophe, ou, à défaut, de l’officine la plus proche. Selon moi, c’est une bonne solution, car elle invite les différentes officines du territoire à jouer leur rôle pour garantir une harmonie dans l’accès aux soins des citoyens. Si elle permet de répondre aux difficultés que rencontrent les habitants de La Séauve-sur-Semène, je tiens à vous en féliciter ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

Mme la présidente. L’amendement n° 172 n’est pas soutenu.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. La commission le reprend !

Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 234, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

création d’une

insérer le mot :

seule

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. M. Laurent Duplomb a présenté les arguments en faveur de la création de ces structures ; cependant, nous avons entendu certaines inquiétudes quant à une possible financiarisation de la profession. Pour éviter cela et trouver un point d’équilibre, nous soutenons très fortement l’expérimentation, tout en la limitant à une seule antenne par pharmacie. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable – non pas pour le principe, puisqu’il semble en effet pertinent de limiter l’expérimentation à une seule antenne, pour éviter le risque de financiarisation notamment.

D’ailleurs, c’est bien comme cela que l’expérimentation est pensée : l’usage du singulier dans la rédaction actuelle le confirme. La précision que vous proposez d’ajouter ne relève pas de la loi. Dans le cahier des charges national en cours de finalisation, il sera fait mention de la limite d’une seule antenne par pharmacie. Pour cette raison, je vous propose de retirer votre amendement, car nous sommes d’accord sur le principe. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 234.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 134, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« … – L’agrément des pharmacies Filieris gérées par la caisse de sécurité sociale dans les mines est étendu à tous les assurés sociaux. »

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Une disposition publique de 2007 a autorisé la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) à accueillir tous les assurés sociaux au sein de ses centres de santé et de ses services. Le recours à ces derniers est facilité, notamment pour les personnes les plus précaires, par la pratique généralisée du tiers payant et l’absence de dépassement d’honoraires.

Le réseau Filieris est devenu désormais un acteur essentiel de la santé au sein d’anciens bassins miniers où les populations subissent encore les conséquences sociales et économiques de l’abandon de l’industrie lourde qui n’ont pas été compensées à ce jour.

Par ailleurs, la faiblesse d’attractivité de ces territoires ajoute une difficulté supplémentaire à l’installation de professionnels de santé. Aussi, la pérennité de ce réseau de santé sur ces territoires désertifiés doit être assurée sous l’autorité et les moyens du régime spécial de sécurité sociale en pleine coopération avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).

Plus de 66 % des patients qui fréquentent les centres de santé Filieris ne sont pas affiliés au régime de sécurité sociale minière.

Dans le prolongement des décisions du législateur, il est nécessaire de donner accès à tous les assurés sociaux aux services des pharmacies de ce réseau sur ces territoires particuliers.

J’en profite, madame la ministre, pour vous poser une question que j’ai adressée à plusieurs reprises au précédent ministre de la santé, M. François Braun. Ce dernier m’avait répondu que, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre l’État et la CANSSM pour la période 2022-2024, des réflexions visant à assurer la pérennité des structures de soins étaient en cours. Au mois d’octobre 2023, pouvez-vous m’en dire plus ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis défavorable. Cette mesure n’a fait l’objet d’aucune demande pendant les auditions et ne figurait pas parmi celles que réclament les associations représentatives des assurés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il est également défavorable. Les pharmacies minières sont au nombre de vingt-quatre ; elles ne sont ouvertes qu’aux affiliés du régime minier. Leur ouverture à l’ensemble de la population a déjà été discutée il y a une dizaine d’années, et avait été refusée.

Pour répondre à votre question, je suis avec attention la pérennité des centres de santé et établissements de Filieris. C’est une offre nécessaire. Comme tous les centres de santé, nous surveillons leur modèle économique ; une mission de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) est d’ailleurs en cours.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Excusez-moi, mais je pense que vous n’avez pas bien compris ma question, madame la ministre. Je ne vous interrogeais pas sur la pérennité des centres de santé, mais bien sur la pérennité des pharmacies des mines.

À une question écrite et orale que je lui avais posée ici même lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, votre prédécesseur, M. François Braun, avait répondu que des réflexions étaient en cours pour assurer la pérennité de ces structures dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la CANSSM pour 2022-2024. En l’occurrence, il parlait des pharmacies minières. À quelques mois de l’année 2024, il me paraît légitime de vous reposer la question.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je vous apporterai la réponse en 2024, car je ne l’ai pas actuellement.

M. Laurent Duplomb. Ça, c’est de la réponse !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. La convention d’objectifs et de gestion s’étend sur une période allant de 2022 à la fin de 2024.

M. Laurent Burgoa. Ce sera pour Noël 2024, alors ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Nous pourrons faire un point d’étape en début d’année 2024, à mi-chemin de la durée de la convention.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 134.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 decies, modifié.

(Larticle 2 decies est adopté.)

Article 2 decies
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Article 2 duodecies

Après l’article 2 decies

Mme la présidente. Les amendements nos 110 et 109 ne sont pas soutenus.

Article 2 undecies

I. – A. – Par dérogation au IV de l’article 3 de l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 portant modification du régime des autorisations d’activités de soins et des équipements matériels lourds, pour les titulaires d’autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds dont la liste est fixée par décret ou en l’absence de publication au 1er juin 2023 des décrets mentionnés au même IV, la prorogation mentionnée audit IV prend fin le lendemain de la publication de la présente loi. Les titulaires sollicitent, le cas échéant, le renouvellement de l’autorisation concernée prévu à l’article L. 6122-10 du code de la santé publique.

B. – Par dérogation au A du présent I et aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 6122-10 du code de la santé publique, les titulaires mentionnés au A du présent I qui auraient dû déposer une demande de renouvellement d’autorisation entre la publication de l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 précitée et la publication du schéma régional de santé, ou de la présente loi si sa promulgation est postérieure audit schéma, sollicitent le renouvellement de leur autorisation lors de la première période mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 6122-9 du code de la santé publique postérieure à la publication du schéma régional de santé, ou de la présente loi si sa promulgation est postérieure audit schéma. Ils peuvent poursuivre leur activité jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur demande. À défaut de dépôt d’une telle demande, l’autorisation prend fin le lendemain de la fin de ladite période ou à la date d’échéance initiale de l’autorisation.

À défaut d’injonction dans un délai de quatre mois à compter de la fin de la période de dépôt prévue au premier alinéa du présent B, l’autorisation est tacitement renouvelée.

II. – (Non modifié) Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 6122-9 du code de la santé publique, les nouvelles demandes d’autorisations mentionnées au premier alinéa du IV de l’article 3 de l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 précitée peuvent être accordées sans recueillir l’avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire, sur critères d’offre, de qualité ou de sécurité des soins définis par décret en Conseil d’État.

III. – (Non modifié) Au dernier alinéa de l’article L. 6133-7 du code de la santé publique, les mots : « dont la seule autorisation d’activité de soins dont il est titulaire est une autorisation d’activité biologique d’assistance médicale à la procréation » sont remplacés par les mots : « autorisé à pratiquer les seules activités de soins dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ».

IV. – L’article L. 6133-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, reste applicable jusqu’à la publication du décret en Conseil d’État mentionné au dernier alinéa de l’article L. 6133-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant du III du présent article, et au plus tard deux mois après la publication de la présente loi. – (Adopté.)

Après l’article 2 decies
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article 3 (Supprimé)

Article 2 duodecies

(Non modifié)

I. – (Supprimé)

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 162-5-3 est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Durant l’année qui suit le départ à la retraite ou le changement de département du médecin que les patients avaient déclaré comme médecin traitant. » ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 162-26 est complété par les mots : « ni aux assurés mentionnés au 5° de l’article L. 162-5-3 du présent code ». – (Adopté.)

Article 2 duodecies
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 51 rectifié bis

Article 3

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 183, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

I. – L’article L. 1434-12 est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La communauté professionnelle territoriale de santé associe les maires des communes et des représentants des collectivités et groupements dont le périmètre administratif est concerné, des représentants d’usagers, et des représentants des établissements de santé. » ;

2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « , après avis des représentants des collectivités et de leurs groupements dont le périmètre administratif est concerné » ;

3° Au quatrième alinéa, la première phrase est complétée par les mots : « , après avis des maires et des représentants des collectivités et de leurs groupements dont le périmètre administratif est concerné ».

II. – Après l’article L. 1434-12- 2, il est inséré un article L. 1434-12-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1434-12-…. – Lorsque la communauté professionnelle territoriale de santé a conclu la convention mentionnée au I de l’article L. 1434-12- 2, l’ensemble des professionnels de santé relevant d’une des conventions mentionnées aux articles L. 162-14- 1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale et les centres de santé relevant de l’accord mentionné à l’article L. 162-32- 1 du même code en deviennent membres, sauf opposition de leur part effectuée dans des conditions définies par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Ces mêmes professionnels de santé peuvent à tout moment se retirer de la communauté professionnelle territoriale de santé à laquelle ils ont été rattachés. »

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à améliorer le lien entre, d’une part, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et, d’autre part, les services publics de proximité, les représentants territoriaux, notamment les maires, les usagères et usagers, ainsi que les établissements de santé, comme les hôpitaux. Il est essentiel que les maires soient associés aux CPTS pour mieux prendre en compte les attentes et les demandes des professionnels de santé ; à l’inverse, les usagères et les usagers doivent se rapprocher des CPTS pour que les professionnels entendent mieux leurs propres attentes.

Mme la présidente. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par Mme Micouleau, M. Burgoa, Mmes Bellurot et Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le quatrième alinéa de l’article L. 1434-12 du code de la santé publique est complété par les mots : « , après avis des représentants des collectivités et de leurs groupements dont le périmètre administratif est concerné ».

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à associer les collectivités et regroupements concernés au découpage des CPTS.

Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 39 rectifié ter est présenté par Mmes Lermytte et Bourcier, MM. Wattebled, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Verzelen, Mme L. Darcos, MM. Guerriau et Daubresse, Mmes Saint-Pé, Guidez et Josende et M. Longeot.

L’amendement n° 104 rectifié ter est présenté par MM. Chasseing, Médevielle et Rochette, Mme O. Richard et MM. Menonville, Buis, Nougein, Panunzi et Cadec.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 1434-12-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-12-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1434-12-. – Lorsque la communauté professionnelle territoriale de santé a conclu la convention mentionnée au I de l’article L. 1434-12-2, l’ensemble des professionnels de santé relevant d’une des conventions mentionnées aux articles L. 162-14-1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale et les centres de santé relevant de l’accord mentionné à l’article L. 162-32-1 du même code en deviennent membres, sauf opposition de leur part effectuée dans des conditions définies par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Ces mêmes professionnels de santé peuvent à tout moment se retirer de la communauté professionnelle territoriale de santé à laquelle ils ont été rattachés. »

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié ter.

Mme Marie-Claude Lermytte. Créées en 2016 par la loi de modernisation de notre système de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé constituent un dispositif souple à la main des professionnels pour répondre aux besoins de santé spécifiques d’un bassin de population.

Ces CPTS ont vocation à rassembler les « acteurs de santé » de leur territoire. En effet, elles se composent de professionnels des soins de premier ou de second recours, mais aussi hospitaliers, médico-sociaux et sociaux d’un même territoire. Ainsi contribuent-elles à une meilleure coordination de ces professionnels de même qu’à la structuration des parcours de santé des usagers, patients et résidents.

Il est donc essentiel que tous les acteurs de santé se regroupent et se coordonnent. À ce titre, cet amendement vise à rétablir l’article 3 rendant automatique l’adhésion à une CPTS, sauf opposition de leur part.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 104 rectifié ter.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à rétablir l’article 3 qui instaurait le rattachement automatique de tous les professionnels de santé aux CPTS, tout en conservant un droit de retrait à tout moment : il n’y a donc pas de contrainte. Les CPTS ne peuvent en effet fonctionner correctement qu’avec la participation de tous les professionnels libéraux. Leur rattachement automatique rendra les CPTS plus efficaces et garantira une meilleure coopération entre les soignants – ce qui devrait inciter les professionnels réticents à rester au sein de la CPTS.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces quatre amendements visent à rétablir l’article 3, qui a été supprimé par la commission.

La suppression de l’article 3 ne remet pas en cause la pertinence des communautés professionnelles territoriales de santé, dès lors que les professionnels de santé s’en saisissent, mais l’automaticité de l’inscription des professionnels de santé au sein d’une CPTS.

Il nous semble donc essentiel que les CPTS demeurent des outils de coordination à la main des professionnels, qui peuvent s’en emparer sur un territoire pour améliorer la coordination des soins et la structuration des parcours.

Conserver l’article 3 reviendrait à constituer des CPTS dont les professionnels de santé ne se saisiraient pas, et qui resteraient par conséquent des coquilles vides, à défaut de répondre aux problématiques liées à l’offre de soins dans les territoires.

Cela serait contre-productif et risquerait d’éloigner les professionnels de santé qui hésitent encore, ou qui n’ont pas le temps de s’impliquer dans les CPTS. En effet, je constate que dans certains départements, les CPTS sont absentes des zones où la densité médicale est la plus faible : c’est aussi cela, la réalité ! Imposer l’automaticité d’inscription du professionnel de santé au sein d’une CPTS est une fausse bonne idée.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 183, 74 rectifié, 39 rectifié ter et 104 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 183 et 74 rectifié, et s’en remettra à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 39 rectifié ter et 104 rectifié ter.

Pourquoi deux avis différents ? Parce que ces amendements ont un double objet. Ils visent d’abord à rétablir l’article 3 relatif à l’adhésion automatique des professionnels de santé à la CPTS. Comme Mme la rapporteure, je tiens à vous dire combien je partage votre ambition de renforcer les CPTS, dont les bénéfices sur les territoires sont incontestables. J’ai d’ailleurs lancé cet été le plan 100 % CPTS, qui vise à garantir une couverture de l’ensemble de la population par une CPTS et à consolider les missions et les outils de ces structures.

Cette adhésion automatique a fait l’objet de nombreux débats, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, alors qu’elle est une incitation à fédérer la communauté des soignants d’un territoire. Certains ont pu y voir une forme de contrainte ; aussi, dans un esprit de consensus, je m’en remets sur ce point à la sagesse du Sénat.

Par ailleurs, vous proposez de renforcer la représentation des élus locaux dans la gouvernance des CPTS, ainsi que l’intégration systématique des établissements de santé et représentants des usagers au sein de ces dernières. Le dialogue entre les CPTS et les élus locaux est fondamental – nous avons eu l’occasion de le rappeler plusieurs fois ce soir –, notamment dans le partage d’éléments de diagnostic sur l’état de santé de la population du territoire comme des moyens à déployer pour y répondre. De nombreux dispositifs et instances ont d’ailleurs comme objet de consolider ce dialogue, notamment la participation des CPTS aux contrats locaux de santé et aux conseils territoriaux de santé renforcés dans leur mission et leur composition par l’article 1er.

En outre, de nombreuses CPTS intègrent déjà des établissements de santé et collaborent étroitement avec des associations représentant les usagers du système de santé. Si nous souhaitons les rendre aussi inclusives que possible, il est essentiel au respect de la philosophie du dispositif de ne pas imposer une liste obligatoire des membres de la CPTS.

En effet, je le redis : les CPTS doivent rester avant tout à la main des professionnels de santé, au risque d’être perçues comme un échelon administratif supplémentaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. J’étais très favorable à la suppression de l’article 3, sans remettre en cause pour autant l’intérêt des CPTS, lorsqu’elles fonctionnent correctement et que les professionnels s’en sont emparés ; je partage les avis de Mme la rapporteure et de Mme la ministre à ce sujet. Nous en avons de très beaux exemples ; cependant, dans certains territoires, cela fonctionne moins bien.

Ces structures sont encore jeunes. Les maisons de santé pluriprofessionnelles ont mis du temps à émerger et à trouver leur public ; il en ira sans doute de même pour les CPTS, mais il serait contre-productif de rendre l’adhésion automatique. Laissons ces outils à la main des professionnels : le temps fera son œuvre, et le succès de certaines CPTS entraînera une extension du dispositif sur le territoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Nous sommes tous persuadés que les CPTS marchent bien seulement si des médecins volontaires et dynamiques font vivre le projet de territoire et se chargent de son organisation, laquelle est souvent complexe ; ainsi, sur mon territoire, la CPTS réunit déjà plus de 500 professionnels de santé, alors même qu’une commune de 10 000 habitants s’apprête à y adhérer. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

Mais il me semble quand même que, sans obligation, nous ne parviendrons pas à atteindre l’objectif de couvrir 100 % du territoire. Je crains que nous ne soyons confrontés une nouvelle fois à un manque d’adhésion de la part des médecins, qui y voient une structure supplémentaire et une nouvelle charge administrative. Ils ne souhaitent pas s’impliquer dans la CPTS, alors que cette dernière défend des projets extrêmement intéressants.

Au nom de mon groupe, je suis donc favorable à une adhésion obligatoire, même si je suis consciente de la contradiction qui en résulte : l’adhésion est obligatoire, mais on peut s’en retirer à chaque instant ! (Mme Véronique Guillotin sourit.) Cependant, l’idée de l’obligation me paraît importante.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 183.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié ter et 104 rectifié ter.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 demeure supprimé.

Article 3 (Supprimé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 75 rectifié bis et n° 40 rectifié bis

Après l’article 3

Mme la présidente. L’amendement n° 51 rectifié bis, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, MM. Jomier et Kanner, Mmes Canalès, Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, M. P. Joly, Mme Narassiguin, M. Ziane, Mme Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Blatrix Contat, M. Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , d’une maison de santé ou d’une convention entre professionnels de santé de soins de premier recours dont au moins un médecin généraliste de premier recours » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2026, l’exercice libéral de la médecine générale de premier recours est organisé sous la forme d’équipes de soins primaires. »

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise à mettre en place une organisation coordonnée du parcours de soins de premier recours – c’est mon dada.

Cette mesure a pour objectif de faciliter, pour chaque patient et dans chaque territoire, grâce au gain de temps médical et à la coordination entre les professionnels, une prise en charge par une équipe de soins de proximité.

L’exercice coordonné dans des équipes de soins primaires (ESP) pourra prendre la forme d’une convention d’équipe de soins primaires – il m’a été dit tout à l’heure que cela existait ; nous n’inventons rien ici –, d’une maison de santé pluriprofessionnelle – on connaît l’attachement que suscite ce dispositif – ou d’un centre de santé. Il faut que les territoires promeuvent un projet de santé, qui permette de faire évoluer la situation ; sans cela, nous nous retrouvons avec des coquilles vides. Nombre de communes ont construit des bâtiments sans pouvoir y faire venir de médecins, faute de projet de santé défendu par le territoire.

Cette nouvelle organisation de soins coordonnée centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé au travers d’un protocole dûment établi par l’équipe permettra de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en affection de longue durée (ALD).

L’équipe de soins sera coordonnée par un médecin généraliste et devra être la plus inclusive possible, associant, le cas échéant, des spécialistes de second recours dont le rôle dans le parcours de soins est lui aussi important. Cette équipe soignante devra également être renforcée par des assistants médicaux et des infirmières de pratique avancée (IPA), dont l’importance sera capitale.

Cette coordination optimisée entre les professionnels de santé doit permettre une prise en charge plus adaptée des patients, en particulier de nouveaux patients n’ayant pas de médecin traitant référent : c’est le cas de 6 millions de Français. L’exercice isolé, tel qu’il a été pratiqué pendant des dizaines d’années, est maintenant terminé : il n’est plus souhaitable. Je crois en l’avenir des MSP ou des centres de santé, qui représentent un modèle d’exercice idéal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La notion d’équipe de soins primaires n’est pas nouvelle : elle existe, mais elle n’est peut-être pas assez connue par les professionnels de santé. Il s’agit d’une simple association : il suffit de trois professionnels de santé pour se constituer en équipe de soins primaires.

Il serait intéressant que les guichets uniques départementaux, pour aider les professionnels de santé à s’installer, parlent aussi de ce dispositif, qui constitue un premier niveau de réponse.

Mme Émilienne Poumirol. Et ce sera moins complexe qu’une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) !

Mme Corinne Imbert, rapporteure. En effet ! Une équipe de soins primaires, c’est l’association de trois professionnels, c’est facile à créer, mais ce n’est pas assez connu. Une des missions des guichets uniques départementaux sera aussi l’information des professionnels sur les différents dispositifs et exercices coordonnés.

En revanche, votre amendement consiste à obliger l’exercice libéral de la médecine générale de premier recours à s’organiser sous la forme d’équipes de soins primaires. Dès lors que c’est une obligation, j’y vois une mesure de coercition ; aussi, fidèle à l’esprit dans lequel nous avons débattu précédemment, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Vous le savez, madame la sénatrice, je suis très favorable au développement de l’exercice coordonné, sous toutes ses formes. Les CPTS, dont nous venons de parler, les MSP et les centres de santé sont des outils efficaces pour améliorer l’accès aux soins des patients. C’est la raison pour laquelle nous défendons un plan de 4 000 MSP ainsi que le plan 100 % CPTS. J’aurai aussi l’occasion de vous présenter un plan sur les centres de santé, qui sont l’une des manières de répondre à la volonté des jeunes médecins de s’installer en tant que salariés.

L’équipe de soins primaires est une autre réponse. Cependant, nous manquons d’informations, peu d’études ayant été consacrées à ce sujet. Mais pour qu’elle marche, comme pour le reste, cette mesure ne doit pas faire l’objet d’une obligation, mais bien d’une adhésion volontaire du professionnel : il doit s’agir d’un projet mûri par les trois membres de l’équipe.

Je ne suis pas favorable à cette contrainte, car, dans cet exercice à trois – c’est-à-dire une équipe rétrécie –, elle risque d’avoir des effets encore plus délétères que dans d’autres domaines. Votre amendement ne me semble pas du tout adapté à l’objectif que vous visez : c’est la raison pour laquelle j’y suis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 51 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 188 rectifié

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par Mme Micouleau, M. Burgoa, Mmes Bellurot, Bonfanti-Dossat et Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Chatillon, Gremillet et Houpert, Mme Josende, M. Lefèvre, Mme Muller-Bronn, M. Piednoir et Mme Richer, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1434-12 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la communauté professionnelle territoriale de santé relève en tout ou partie de leur ressort territorial, le maire et le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés sont signataires de la convention mentionnée au I de l’article L. 1434-12-2 du code la santé publique. »

La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Cet amendement vise à rendre les élus locaux signataires des conventions conclues entre la CPTS, l’agence régionale de santé et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par Mme Lermytte, M. Chasseing, Mme Bourcier, MM. Wattebled, A. Marc et Brault, Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Verzelen, Mme L. Darcos, MM. Guerriau et Daubresse, Mmes Saint-Pé et Guidez, MM. Maurey, Folliot et Menonville, Mme Josende et M. Longeot, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le II de l’article L. 1434-12-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la communauté professionnelle territoriale de santé relève en tout ou partie de leur ressort territorial, le maire et le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés sont signataires de la convention mentionnée au I. »

La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Cet amendement vise à rendre les élus locaux signataires des conventions conclues entre les communautés professionnelles territoriales de santé, l’agence régionale de santé et la caisse primaire d’assurance maladie portant sur l’amélioration de l’accès aux soins, l’organisation de parcours de soins, le développement d’actions territoriales de prévention, le développement de la qualité et de la pertinence des soins, l’accompagnement des professionnels de santé sur leur territoire et la participation à la réponse aux crises sanitaires.

Pour atteindre ces objectifs, une articulation étroite est nécessaire avec le projet de territoire mis en place par les élus du bloc communal, afin que les synergies puissent être renforcées avec l’ensemble des compétences et prérogatives communales, intercommunales et métropolitaines dans les domaines du logement, de la mobilité, de l’action sociale, de la prévention, de la petite enfance, de l’éducation, etc.

Sans imposer aux CPTS d’aligner leur périmètre sur celui des contrats locaux de santé, cet amendement vise à renforcer la cohérence territoriale par l’association systématique des élus à l’action stratégique des CPTS.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les CPTS sont des outils de coordination à la main des professionnels de santé. Il faut conserver cette logique ascendante. Les CPTS travaillent pour améliorer la coordination des soins ou la structuration des parcours sur un territoire. Ne complexifions pas les choses. Imaginez qu’une CPTS ne partage pas l’orientation du contrat local de santé élaboré par les élus : ce serait dommage.

La signature par le maire de la convention n’apporterait rien. Laissons donc la CPTS à la main des professionnels de santé et ne dissuadons pas ces derniers de s’impliquer dans ces communautés.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Il est également défavorable.

Il est important, comme vient de le dire Mme la rapporteure, de préciser que les CPTS sont des outils à la main des professionnels de santé. Le travail des CPTS avec les collectivités territoriales est naturel, bien sûr, comme avec l’hôpital.

Ne faisons pas une institution de cette association conçue pour les professionnels de santé. Ce n’est pas ce que ces derniers nous demandent. Ils souhaitent travailler entre eux, avec les acteurs du territoire, pour apprendre à se connaître d’abord, pour apporter une réponse coordonnée à nos concitoyens ensuite.

Il est donc important, je le répète, de laisser cet outil à la main des professionnels.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 75 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendements n° 75 rectifié bis et n° 40 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 112 rectifié ter (début)

Mme la présidente. L’amendement n° 188 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, MM. Parigi et Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatrième alinéa de l’article L. 4131-2 du code de la santé publique, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Un médecin ne peut cumuler plus de quatre années d’exercice au titre de remplaçant en libéral, à l’exclusion des remplacements effectués en application des circonstances définies :

« 1° Aux sixième et septième alinéas du présent article ;

« 2° Aux 7° et 8° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ;

« 3° Dans le cadre des périodes de cumul d’une activité professionnelle et d’une pension de retraite telles que définies au deuxième alinéa de l’article L. 161-22 du même code. »

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Le présent amendement, fruit d’une proposition du groupe de travail transpartisan de l’Assemblée nationale sur les déserts médicaux, a pour objet de limiter la durée des remplacements en libéral à quatre ans dans la carrière d’un praticien.

On me rétorquera que cet amendement aurait pour effet de supprimer la souplesse du système ou qu’il serait coercitif – j’ai beaucoup entendu ce mot. Or il ne semble pas déraisonnable de considérer que, après des années d’études, après avoir eu la possibilité d’exercer quatre années en intérim et d’effectuer quatre années de remplacement, un professionnel devrait avoir trouvé un territoire sur lequel s’installer.

Autrement dit, le système de l’installation des praticiens doit être encadré. Cet amendement vise à proposer une solution raisonnable afin de favoriser l’installation durable de médecins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Si l’on peut partager l’intention d’encourager les professionnels libéraux à s’installer, je ne pense pas que limiter les temps de remplacement constitue une solution efficace pour améliorer l’accès aux soins.

En effet, les remplaçants permettent souvent de maintenir une offre de soins dans des territoires sous-dotés. L’un des objectifs assignés à la quatrième année de diplôme d’études spécialisées de médecine générale est, précisément, d’améliorer la professionnalisation des étudiants et d’encourager à l’installation.

Enfin, certains médecins n’effectuent que des remplacements et soulagent bien les médecins généralistes installés en leur permettant de « souffler » de temps en temps.

La proposition qui nous est faite ici est une fausse bonne idée, la commission y est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Comme tous ici, le Gouvernement partage la volonté de favoriser les installations durables, notamment dans les déserts médicaux.

Comme l’a dit Mme la rapporteure, la quatrième année a aussi pour but de permettre aux internes de se familiariser avec l’exercice de la médecine libérale afin de favoriser une installation rapide. Limiter la possibilité d’effectuer des remplacements ne me paraît pas être une bonne idée, bien au contraire. Les remplacements permettent de soulager les médecins installés, qui peuvent ainsi prendre des vacances, et d’assurer la continuité de la prise en charge. En outre, ils sont l’occasion pour les jeunes médecins de découvrir des territoires dans lesquels ils n’auraient pas eu l’idée de s’installer. Je pense ainsi aux territoires ultramarins.

Pour toutes ces bonnes raisons, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 188 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 188 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 112 rectifié ter (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’amendement n° 112 rectifié ter, présenté par Mmes Sollogoub et N. Goulet, M. H. Leroy, Mme Guidez, M. Chasseing, Mme O. Richard, M. Canévet, Mme Gatel, MM. Guerriau, Menonville et Laugier, Mme Romagny, M. Lafon, Mme Josende, M. Anglars, Mme Perrot et MM. Levi, J.M. Arnaud, Hingray, Longeot et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le II, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« II bis – Lorsque le centre de santé est placé hors de la convention en application des dispositions de l’article L. 162-32-3 du code de la sécurité sociale, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer la fermeture immédiate, totale ou partielle, de l’activité du centre et, lorsqu’elles existent, de ses antennes. » ;

2° Au III, après les mots : « du II », sont insérés les mots : « ou du III ».

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement tend à prévoir que le directeur général de l’ARS puisse prononcer dans certaines conditions particulières la fermeture immédiate, totale ou partielle, de certains centres de santé.

En effet, la procédure de déconventionnement des centres de santé par la caisse primaire d’assurance maladie n’entraîne pas directement la fermeture d’un centre de santé alors même que cette sanction est prise en raison de la violation des engagements prévus par l’accord national, en premier lieu pour fraude à l’assurance maladie.

Ainsi, si la fraude à l’égard des organismes de sécurité sociale constitue l’un des motifs de déclenchement d’une procédure de sanction par le directeur général de l’ARS au titre de l’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique, cette procédure est longue, car elle respecte le principe du contradictoire, et mobilise des ressources humaines rares en agence, alors même que la fraude est avérée et le respect du contradictoire garanti par la procédure exécutée par l’assurance maladie.

De plus, si l’application des tarifs d’autorité à l’issue du déconventionnement du centre de santé dont les montants sont prohibitifs pour les patients peut entraîner la fermeture de la structure par son gestionnaire, cette fermeture n’est pas systématique et peut prendre un certain temps.

Enfin, la fermeture du centre de santé par le gestionnaire ne permet pas au directeur général de l’ARS de refuser l’ouverture d’un nouveau centre de santé par un même gestionnaire pendant huit ans, ce qui est possible dès lors que la fermeture est une décision de ce même directeur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Nous comprenons l’intention de l’auteur de cet amendement, qui vise à renforcer les contraintes pesant sur les centres de santé déviants. Pour autant, il ne semble pas apporter en droit de solution nouvelle. Le directeur général de l’ARS peut déjà fermer un centre de santé pour un motif de santé publique.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement émet pour sa part un avis favorable sur cet amendement, qui vise à garantir la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients des structures ayant été sanctionnées en raison de violations des engagements prévus par l’accord national avec l’assurance maladie.

Ces violations peuvent entraîner des dégradations de la qualité et de la sécurité des soins pratiqués au sein de ces structures. Il est donc préférable de pouvoir les fermer.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 112 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Mes chers collègues, je vais lever la séance. Nous avons examiné 91 amendements au cours de la journée ; il nous en reste 100 à étudier sur la proposition de loi.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 112 rectifié ter (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels
Discussion générale

5

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 octobre 2023 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (texte de la commission n° 49, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 25 octobre 2023, à zéro heure quarante.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER