M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout en remerciant François-Noël Buffet d’avoir déposé cette proposition de loi, je crois que nous pouvons dire qu’elle n’est pas l’alpha et l’oméga de la solution à un problème qui est conjoncturel dans notre société : la montée de la violence, la remise en cause de toute forme d’autorité et de celles et de ceux qui l’incarnent, et plus particulièrement les violences exercées envers les élus – sujet qui nous rassemble ce soir.

Permettez-moi d’avoir d’abord un mot pour les élus des communes de Rosier-Côtes-d’Aurec, de Saint-Alban-les-Eaux, de Montbrison, de Chirassimont et tant d’autres dans mon département de la Loire, où les maires, les adjoints, les élus municipaux ont été victimes ces dernières années de violences dans l’exercice de leur mandat.

Cette proposition de loi prend la suite d’un certain nombre de nos travaux, commencés ici en août 2019. Le Sénat a lancé une grande consultation nationale, sous l’égide de la commission des lois, à la suite du décès du maire de Signes, Jean-Matthieu Michel, et, plus récemment, a constitué une mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France, présidée par Maryse Carrère et dont le rapporteur était Mathieu Darnaud.

Je crois que ce texte répond surtout à une actualité, à des problèmes de plus en plus récurrents, comme le rappelait François-Noël Buffet, de menaces, d’insultes et d’agressions auxquelles sont confrontés les élus locaux.

Oui, nous devons nous montrer fermes au regard de l’enjeu. Mais je forme également un vœu : que nous ne cédions pas au catastrophisme ambiant. Le Sénat doit garder une certaine hauteur vis-à-vis de ce phénomène, qui se répète, certes, mais qui demeure réduit au regard du nombre d’élus qui font vivre au quotidien la démocratie dans notre pays.

L’Observatoire des agressions envers les élu(e)s mis en place par l’AMF a comptabilisé 1 500 agressions d’élus liés aux fonctions qu’ils exercent. On a constaté en 2022 une augmentation de près de 15 % de ces actes. Mais en France, aujourd’hui, ce sont quelque 509 000 élus locaux qui incarnent au quotidien les valeurs de la République dans l’ensemble des communes de notre pays.

Oui, il est à présent nécessaire d’avoir une réflexion sur les délais de justice, bien évidemment sans remettre en cause l’indépendance de cette dernière. Madame la ministre, il paraît aujourd’hui inconcevable que des élus doivent attendre plus de six ans pour connaître les suites qui seront données à leur agression. Il y a donc besoin d’une réponse pénale à la hauteur. Certes, selon les départements, les réalités ne sont pas les mêmes. Mais il n’en demeure pas moins que, tout de même, il y a un vrai problème d’efficacité de la réponse pénale dans notre pays.

Je me permets donc, de la tribune qui m’est ici offerte, d’ouvrir un débat plus large : je veux bien entendu parler de la crise de l’engagement qui se profile pour 2026.

Je vous le dis, mes chers collègues, la réponse, aussi indispensable soit-elle, ne peut être la seule question de la sécurité des élus. J’ai été frappée cet été de constater des démissions massives au sein des conseils municipaux liées à des changements de vie, à l’incompatibilité professionnelle, à la perte de sens dans l’exercice d’un mandat d’élu local. Partout, la même inquiétude pointe : comment composer des listes ou avoir suffisamment de candidats en 2026 ? Et cela, alors que des difficultés existaient déjà en 2020.

À ce propos, et sans prétention, je veux rappeler que je me suis toujours positionnée contre la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, plus connue sous son acronyme loi NOTRe, qui ont considérablement affaibli la place des communes et donc, de fait, le pouvoir d’action des élus municipaux et le sens de leur mandat.

Oui, mes chers collègues, l’augmentation des agressions est un fait, mais, fort heureusement, beaucoup d’élus sont aussi reconnus par leurs concitoyens pour tout ce qu’ils font au quotidien.

Madame la ministre, le Gouvernement précédent a constaté lors de la crise de la covid-19 que les élus savaient répondre présent pour pallier les manques de l’État. Sachons donc, collectivement, redonner du poids à l’engagement.

Attelons-nous également à résoudre cette crise de l’engagement en réduisant la difficulté d’être un élu local aujourd’hui, par la mise en place d’un véritable statut de l’élu. C’est bel et bien cette nécessité qui s’impose à nous. Le statut de l’élu ne se résumera pas à quelques phrases supplémentaires au sein du code général des collectivités territoriales, mais posera dans sa globalité la capacité à devenir, à être et à ne plus être élu.

En tout état de cause et pour toutes les raisons que j’ai invoquées, je voterai, comme l’ensemble de mon groupe, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Dominique Théophile.)

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de la sécurité des élus, et plus spécifiquement des maires, n’est, hélas ! plus une nouveauté.

Chacun se rappelle le décès du maire de Signes, en août 2019. Ce drame avait marqué un tournant dans l’idée que nous nous faisions du rapport entre les élus et leurs administrés.

Ce qui se percevait encore quelques années plus tôt comme des faits divers devait dès lors s’inscrire dans une tendance inquiétante, celle de l’augmentation des violences faites aux élus, voire, plus largement, envers toute forme d’autorité publique.

Cette année, certaines de ces violences ont soulevé une forte indignation, notamment parce qu’elles ont été commises directement au domicile des élus.

Nous pensons tous, d’une part, à l’incendie du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, déclenché, au mois de mars 2023, par un groupuscule d’extrême droite dans le contexte d’un projet d’ouverture d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile et, d’autre part, à l’attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans la nuit du 1er au 2 juillet dernier, dans le cadre des émeutes ayant suivi le décès du jeune Nahel à Nanterre.

Les statistiques montrent une hausse constante des agressions contre les élus locaux, lesquels cristallisent sur leur personne les insatisfactions générales à l’égard de la classe politique et l’augmentation de la violence dans nos sociétés.

Dans les communes, ce phénomène est bien connu des maires et des personnels municipaux, au point qu’il n’est plus rare, désormais, que les membres des familles des élus fassent, eux aussi, l’objet d’incivilités, de menaces et d’agressions du simple fait d’être le conjoint, la conjointe, le fils, la fille, le père ou la mère d’un élu.

Naturellement, le Sénat fait preuve d’une grande vigilance sur le sujet et le groupe RDSE est lui aussi mobilisé. Ainsi, la loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression est issue d’une proposition de loi déposée par Nathalie Delattre.

Cette dernière avait mis en lumière l’une des difficultés rencontrées dans la lutte contre ce phénomène : la faiblesse trop fréquente de la réponse judiciaire, soit parce que les élus eux-mêmes ne portent pas plainte, soit parce que les procédures aboutissent péniblement.

Je pense également à l’initiative plus ancienne qu’avait prise Éric Gold, dès 2019, au travers de sa proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public.

En effet, l’absence de réponse forte à ces situations augmente légitimement le sentiment d’abandon et de découragement des élus.

Je saluerai enfin le travail d’Henri Cabanel, particulièrement impliqué sur les sujets de citoyenneté et de renforcement du lien entre les élus et la population.

Son rapport d’information sur la redynamisation de la culture citoyenne montrait très bien que ces agressions étaient l’une des expressions du délitement des liens entre le citoyen et l’action publique et politique.

Naturellement, le groupe RDSE n’est pas le seul à travailler sur ce sujet. En 2019, nous avions tous été éclairés par le rapport d’information de Philippe Bas sur les menaces et les agressions auxquelles sont confrontés les maires. Sa consultation des maires de France avait permis de mettre au jour et de mieux matérialiser les risques auxquels ces derniers sont exposés dans l’exercice de leurs fonctions.

La nouvelle proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans la continuité de ces travaux. Je tiens à saluer ses auteurs, ainsi que notre rapporteure, Catherine Di Folco, pour les améliorations qu’elle a apportées au dispositif.

Nous souscrivons à l’ensemble des mesures proposées, qu’il s’agisse du durcissement du régime pénal en cas d’agression d’élu ou de l’amélioration de la prise en charge des élus victimes de violences.

Sur ce dernier point, néanmoins, des progrès nous semblent possibles. L’amendement qu’avait déposé Ahmed Laouedj a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Il soulevait pourtant une véritable question, puisqu’il tendait à élargir à tous les élus municipaux l’automatisation de la protection fonctionnelle en cas d’agression.

Je sais, madame la rapporteure, que vous subissez, vous aussi, cette irrecevabilité… (Mme le rapporteur acquiesce.)

Enfin, nous devons également réfléchir à des solutions visant à limiter les recours abusifs, qui entravent l’action publique et parfois discréditent, sans raison, les politiques menées par les élus locaux. Voilà un autre sujet qui pourrait nous mobiliser à l’avenir.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Tout à fait !

Mme Maryse Carrère. Sans surprise, notre groupe votera unanimement en faveur de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 août dernier, en Charente-Maritime, le maire de L’Houmeau, était frappé par des gens du voyage qui tentaient de s’installer sur le terrain de football.

Le 7 septembre, dans l’Isère, un conseiller municipal de Gresse-en-Vercors était agressé par une habitante lors d’une commission d’aménagement urbain et de sécurité routière.

Le 27 septembre, dans la Loire, le deuxième adjoint au maire de Rozier-Côtes-d’Aurec était blessé par le mari d’une automobiliste à laquelle il avait fait une remarque au sujet du non-respect d’un feu tricolore.

Le 29 septembre, dans la Meuse, le maire de Cléry-le-Grand était violemment frappé par l’un de ses administrés alors qu’il intervenait à la suite d’un dépôt sauvage.

Le 30 septembre, dans le Gers, le maire de Miradoux recevait deux coups de poing au visage alors qu’il essayait de s’interposer auprès d’un démarcheur sauvage.

Je m’arrête là, car la liste est longue. Ce triste inventaire montre combien les atteintes aux élus sont devenues un véritable fléau. Elles empoisonnent chacun de nos territoires.

Au nom du groupe RDPI, je tiens à adresser un message de solidarité à tous les élus victimes de violences. Ils ont tout notre soutien.

À l’instar des parlementaires, les élus locaux ont toujours été « à portée de gifle » des électeurs. Cependant, si cette expression a longtemps été utilisée au sens figuré, elle s’emploie désormais de plus en plus au sens propre.

Force est de constater que les élus locaux, malheureusement, ne sont plus épargnés par la défiance politique et le rejet. Certains de nos concitoyens – fort heureusement minoritaires – les considèrent non plus comme des adversaires politiques, mais comme des ennemis.

Nos élus sont haïs pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils représentent. L’une des raisons principales de la défiance vis-à-vis des élus est l’anomie, qui fait le lit de la violence.

En réaction, les élus locaux sont mieux écoutés et mieux protégés. Ils peuvent notamment compter sur le soutien de la police et de la gendarmerie, qui sont chargées de les former à la gestion des comportements agressifs et à la désescalade des conflits.

La justice est, quant à elle, plus réactive et plus sévère. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer les récentes condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels de Thionville et de Toulouse.

En Moselle, une femme a été condamnée à six mois d’emprisonnement ferme pour avoir agressé un maire à la fin du mois d’août.

À Toulouse, deux personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis pour des violences commises le soir de la fête de la musique envers des élus locaux, dont le maire.

Depuis 2017, beaucoup a été fait. Cependant, les événements survenus à Saint-Brevin-les-Pins et à L’Haÿ-les-Roses témoignent d’une inquiétante intensification des violences.

Au regard de ce constat, il apparaît indispensable de compléter le dispositif de protection des élus. La présente proposition de loi va dans ce sens ; c’est pourquoi nous y sommes favorables.

Nous saluons la décision du Gouvernement d’engager la procédure accélérée pour l’examen de ce texte. Nous saluons également le plan national de prévention et de lutte contre les menaces et violences faites aux élus, dont certaines mesures trouvent leur traduction législative dans la présente proposition de loi.

En sus de l’aggravation des peines encourues en cas de violences commises sur un élu, des mesures doivent être prises pour accélérer les procédures judiciaires. À cet égard, nous nous réjouissons de la mise en place de filières d’urgence dans les juridictions, afin de raccourcir les délais d’enquête et de jugement.

Il est également nécessaire de renforcer le lien entre les maires et les parquets. La justice et les collectivités territoriales sont deux mondes qui continuent de s’ignorer.

Il est regrettable de constater que certains procureurs n’entretiennent aucune relation avec les élus locaux. Aussi, nous nous félicitons que le Gouvernement souhaite mettre en place des formations croisées.

En ce qui concerne la possibilité, pour les procureurs de la République, de disposer d’un espace de communication dans les bulletins municipaux, j’entends les critiques formulées par nos collègues socialistes. Cependant, nous devons répondre à la demande formulée par les procureurs. L’information de nos concitoyens s’en trouvera renforcée.

Nous accueillons favorablement les modifications apportées par la commission au texte initial.

L’allongement du délai de prescription applicable aux délits d’injure et de diffamation publiques commis à l’endroit des élus locaux apparaît tout à fait opportun. Il permet de prendre en considération les évolutions technologiques.

Il faut également se réjouir de l’extension du dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives.

Plus largement, il nous semblerait utile d’étudier la possibilité d’étendre le dispositif de protection fonctionnelle aux conseillers municipaux n’ayant pas reçu délégation. En effet, tous les élus municipaux sont susceptibles de subir des violences. (Mme le rapporteur acquiesce.)

Les autres dispositions prévues par la proposition de loi sont également bienvenues.

Cependant, les réponses au fléau des violences contre les élus ne sont pas toutes de nature législative. C’est pourquoi nous nous félicitons que le Gouvernement ait décidé de déployer un « pack sécurité ».

Le renforcement du dispositif « alarme élu » et la mise en place de référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats sont également de nature à rassurer les élus locaux.

En outre, la création du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus permettra de mieux comprendre le phénomène des violences et d’y apporter des réponses adaptées.

Parallèlement au renforcement de la sécurité des élus locaux, nous devons impérativement traiter le problème à la racine, en répondant à la crise civique et démocratique que traverse notre pays.

Il est important de lutter contre la défiance des Français vis-à-vis des institutions politiques. Cette défiance touche désormais tous les niveaux de gouvernance, y compris les maires.

Il s’agit d’un travail de longue haleine. La tâche n’est pas simple. Fixons-nous comme objectif de ne pas atteindre un point de non-retour.

Il est d’autant plus urgent d’agir que plus d’un maire sur deux ne souhaite pas se représenter aux élections municipales de 2026.

Pour redonner confiance aux maires et, plus largement, aux élus locaux, nous devons rapidement avancer sur la question de la création d’un statut de l’élu.

À cet égard, nous attendons avec beaucoup d’impatience les annonces qui seront faites à l’occasion du prochain congrès des maires.

Pour l’heure, le groupe RDPI a décidé de voter pour la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 mars dernier, au terme de plusieurs semaines de violences verbales et physiques, la dégradation par le feu du domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, a poussé ce dernier à démissionner de ses fonctions.

Dépité, désabusé, découragé, cet élu engagé pour sa commune, ce médecin dévoué à sa patientèle, renonçait à l’exercice de son mandat.

Il témoignait ainsi de sa solitude face à ses agresseurs et de l’ingratitude de la charge de maire, aussi passionnante et exaltante soit la fonction.

Pour lui, le jeu n’en valait plus la chandelle. Des limites avaient été franchies, des bornes avaient été dépassées.

Des témoignages comme celui de Yannick Morez, nous en entendons souvent. Des situations comme la sienne, nous en connaissons toutes et tous, nous, sénatrices et sénateurs enracinés dans nos départements et engagés au quotidien aux côtés de nos collègues élus locaux.

En Loire-Atlantique, en Charente-Maritime, dans la Meuse, dans le Val-de-Marne, en Moselle, en Isère, dans le Var, dans le Gard, dans l’Aude, dans les Pyrénées-Orientales et dans l’Hérault, le département que je représente, les violences à l’égard des élus se multiplient.

Chaque fois, nous témoignons unanimement notre soutien et notre solidarité à l’égard des collègues victimes. Chaque fois, nous clamons toutes et tous notre indignation, mais rien n’y fait !

Les chiffres sont là ! Les chiffres sont têtus. Les chiffres sont froids, comme notre colère. Les chiffres sont graves, comme notre état d’esprit.

En 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 faits de violences verbales et physiques contre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg !

Dans une société où l’incivisme et la violence grandissent, plus personne n’est à l’abri : ni les enseignants, ni les forces de l’ordre, ni les sapeurs-pompiers, ni les médecins, encore moins les élus.

Or nous le savons toutes et tous : pour amortir les tensions et les crises qui traversent notre société, les maires et leurs équipes municipales sont en première ligne.

L’État, madame la ministre, les mobilise régulièrement pour relayer son action, trouver des solutions et atténuer le choc des crises, qu’elles soient sociales ou sanitaires.

Pour consolider le pacte républicain et entretenir la cohésion sociale, les élus locaux sont toujours disponibles.

Les maires répondent systématiquement présent, par sens du devoir, par goût de l’action publique, par amour de leur commune, par attachement à la République.

Si les élus municipaux aiment le contact avec leurs administrés et s’ils se mettent volontiers « à portée d’engueulade », ils ne sauraient pour autant devenir des boucs émissaires ou des exutoires pour tous les mécontents, tous les frustrés et tous les délinquants.

Notre responsabilité collective est donc de les protéger. C’est le sens des initiatives parlementaires qui se sont multipliées afin de renforcer la législation et de compléter notre arsenal juridique. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Son contenu est dans l’ensemble consensuel et nous souscrivons à nombre des propositions qui sont formulées.

Le premier volet concerne l’aggravation des sanctions encourues par les auteurs de violences à l’égard des élus. Le message ainsi envoyé aux élus est le suivant : « Chers collègues, vous n’êtes pas seuls. Nous sommes à vos côtés. La loi est avec vous. La République vous protège. »

Aussi, nous saluons la volonté des auteurs de la proposition de loi de prendre en compte les nouvelles formes de violence que subissent les élus : le cyberharcèlement, l’injure, la diffamation et la calomnie, qui s’étalent désormais sur les sites internet, les blogs et les réseaux sociaux.

Nous signifions de la même manière, solennellement, que le règne de l’impunité est fini.

Le titre II de cette proposition de loi concerne la prise en charge et l’accompagnement des élus et des candidats victimes de violences au cours de leur mandat ou en campagne.

Nous souscrivons d’autant plus à la plupart des mesures qui y figurent que nombre d’entre elles étaient déjà présentes dans la proposition de loi visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux, déposée le 23 juin 2023 par le groupe socialiste et notamment par Éric Kerrouche et Didier Marie.

Madame la ministre, tout le monde ici connaît votre engagement sur ce dossier. Un sujet mérite plus particulièrement cet engagement : celui de l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus et conseillers municipaux, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires. (Mme le rapporteur et Mme Françoise Gatel acquiescent.)

J’ai déposé sur ce point un amendement qui a été rejeté par application de l’article 40 de la Constitution. (Mme Nathalie Goulet sexclame avec ironie.)

Or, dans leurs interventions respectives, Françoise Gatel, Maryse Carrère et Patricia Schillinger ont formulé une demande identique à la mienne.

Madame la ministre, j’envisageais de présenter ultérieurement un sous-amendement sur ce même point, mais il a également été rejeté sur le fondement de l’article 40. Dont acte !

Vous êtes la seule, ce soir, à pouvoir lever le gage. Je vous mets donc au défi, devant les collègues de tous les groupes ici présents, de lever le gage.

Nous pourrons ainsi mesurer, attester et apprécier votre engagement sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Bien évidemment, toutes les réponses en la matière ne relèvent pas nécessairement du champ législatif.

Dans le département de l’Hérault, dont je suis l’élu, l’association des maires travaille depuis plusieurs années sur cette thématique, de concert avec la préfecture, les institutions judiciaires, la gendarmerie et la police nationale.

Depuis 2021, une dizaine de cas ont été portés à la connaissance de la justice. L’Association des maires de l’Hérault s’est systématiquement constituée partie civile et a obtenu gain de cause.

Ensemble, ils ont permis l’émergence de protocoles pour enregistrer et traiter les plaintes des victimes de violences.

De même, madame la ministre, une convention sera prochainement conclue entre l’association des maires et l’ordre des avocats. Chaque collègue agressé pourra ainsi trouver le soutien juridique qu’il est en droit d’attendre de ses pairs.

Avec cette proposition de loi, nous adresserons un message aux élus de l’Hexagone et des territoires ultramarins, mais aussi aux représentants des Français de l’étranger : nous sommes, toutes et tous, engagés et mobilisés à leurs côtés, qu’il s’agisse du Sénat, mais aussi de l’État et de ses services : préfets, sous-préfets, commandants de police et de gendarmerie, procureurs de la République, ambassadeurs et consuls généraux.

Partout où ils œuvrent, les élus locaux sont les artisans et les gardiens de l’intérêt général. Partout où ils s’engagent, les élus locaux sont les sentinelles du bien commun.

Chaque fois qu’ils reçoivent l’onction du suffrage universel, les élus locaux incarnent la République.

Ce rappel nous oblige à leur apporter la protection et le soutien de la Nation chaque fois qu’ils en ont besoin.

C’est ce que nous ferons à l’issue de nos débats, en votant, je l’espère unanimement, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot.

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement du Sénat, l’initiative qu’ont prise les auteurs de cette proposition de loi et l’ensemble des travaux qui ont été menés dans notre hémicycle depuis 2019 sur cette question.

Je remercie également notre rapporteure pour son travail d’enrichissement et de renforcement d’un texte qui traite d’un sujet grave et préoccupant : les violences commises contre les élus.

Chaque jour, des faits divers nous rappellent que la violence touche l’ensemble de notre société. Elle est toujours condamnable et n’est jamais la réponse, mais s’attaquer aux élus, c’est remettre en cause l’autorité issue du vote démocratique et les fondements même de notre vivre ensemble, notre République.

Désormais, des réponses s’imposent et l’État doit protéger nos élus qui, au quotidien, sont confrontés aux incivilités, agressions physiques ou verbales.

En 2022, le nombre de plaintes et signalements déposés par les élus a bondi de 32 % par rapport à 2021, alors même que toutes les victimes ne portent pas plainte.

C’est l’occasion de redire à nos élus qu’il est absolument indispensable de le faire dans les plus brefs délais. En effet, les classements sans suite, la complexité ou la lenteur des procédures peuvent les décourager et certains font parfois le choix de ne pas porter plainte. Or il le faut.

Dans le département de l’Indre comme dans vos départements, beaucoup d’élus – les maires de Belâbre, de Bonneuil ou de Vatan – ont été agressés.

Les tensions croissantes entre les maires et les administrés rendent l’exercice de ce mandat de plus en plus difficile. Il est demandé aux élus de faire toujours plus avec moins.

Une véritable crise des vocations est donc à craindre pour les prochaines élections municipales.

La protection et la prise en charge des élus par l’État sont perfectibles. Ce texte vise donc à apporter des réponses concrètes et attendues par ces derniers.

Ses dispositions portent non seulement sur les sanctions, qui doivent être renforcées et prononcées, mais également sur les difficultés rencontrées par les élus auprès de leur assurance, qui leur oppose parfois des refus de souscription.

Le monde judiciaire doit accompagner les élus, en rendant compréhensibles les décisions rendues et en renforçant davantage sa présence. Pour ce faire, il faudra évidemment plus de magistrats et de greffiers.

Les élus sont les sentinelles de la République ; nous ne devons pas les abandonner.

Une réponse pénale rapide, ferme et systématique est indispensable si nous voulons endiguer ces violences.

J’appelle donc les ministères concernés à veiller à la bonne application des dispositions qui seront votées, et donc des peines.

Nos élus ont besoin de respect et de reconnaissance. Pour cela, il faut désormais faire savoir que, si agression il y a, sanction il y aura. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Nathalie Goulet, ainsi que M. Hussein Bourgi, applaudissent également.)