M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Christophe Combe, ministre. J’aborderai brièvement trois points pour conclure cette discussion générale.

Premièrement, je me réjouis sincèrement de l’inscription aussi rapide dans un texte des engagements, pris à l’occasion de la Conférence nationale du handicap, relatifs à l’emploi des personnes en situation de handicap. C’est un beau symbole que le ministre du travail et moi-même présentions aujourd’hui ces mesures. Cela montre que l’on passe d’une vision d’accès aux droits fondamentaux pour les personnes en situation de handicap à un droit et milieu ordinaires.

Deuxièmement, je me félicite que vous ayez tous montré beaucoup d’intérêt pour la politique d’accueil du jeune enfant. J’ai entendu aussi vos diverses inquiétudes et nous y reviendrons à l’occasion de l’examen de l’article 10. Je voudrais vous rassurer, comme j’ai essayé de le faire par anticipation, en vous disant que les moyens sont bien là pour déployer une politique ambitieuse pour l’emploi, pour lutter contre les inégalités de destin, pour l’égalité entre les femmes et les hommes et pour la natalité dans notre pays.

Les moyens sont exceptionnels ; c’est inédit. Je l’ai dit, j’ai signé ce matin la convention d’objectifs et de gestion de la Cnaf. Tous les acteurs présents étaient ravis. Ils ont reconnu l’investissement considérable de l’État dans cette politique publique.

Oui, les moyens sont là. Je veillerai à ce qu’ils répondent de façon très effective – et nous travaillerons ensemble aussi avec les collectivités et la branche famille pour les mettre en œuvre – aux préoccupations des maires tout particulièrement. On a bien entendu encore une fois leurs craintes quant aux modalités de financement : moins sur l’investissement et plus sur le fonctionnement, disent-ils. Il y aura un véritable rééquilibrage pour favoriser la création de places et pour aider dans la gestion de ces services publics.

Je prendrai, là aussi, des engagements sur les compensations vis-à-vis des collectivités. Être en mesure de les accompagner pour améliorer l’attractivité des métiers est notre plus grand défi demain pour pouvoir déployer les places d’accueil dans notre pays.

Troisièmement, il n’y a pas directement dans ce projet de loi de mesures en lien avec la lutte contre la pauvreté. Je redis simplement que le choix que nous faisons – je le porte depuis très longtemps, y compris dans mes engagements précédents –, c’est celui de l’emploi. La meilleure des politiques sociales, c’est permettre d’accéder à l’emploi à des personnes qui en sont éloignées. Il n’y a pas de doute là-dessus.

La Première ministre et moi-même présenterons prochainement un pacte des solidarités, qui prendra le relais de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, et sur lequel nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs de la solidarité : les associations, les caisses de sécurité sociale et les élus. Il s’agit, là aussi, de continuer à lutter de façon importante contre la pauvreté. Sans entrer dans le détail des quatre axes, je tiens à vous dire que la place de France Travail dans l’insertion par l’emploi est l’un des axes majeurs de ce plan. On travaillera en particulier en vue d’aller chercher les personnes qui sont les plus éloignées de l’emploi.

Vous l’avez sans doute constaté, j’ai fait de la question de l’accès aux droits une priorité de la lutte contre le non-recours. La semaine dernière, j’ai installé le comité de coordination de l’accès aux droits, qui a été lancé officiellement avec les territoires choisis pour l’expérimentation des « territoires zéro non-recours ». Ainsi, trente-neuf bassins de vie se sont engagés à lutter contre le non-recours.

Le Gouvernement agit et fait beaucoup dans la lutte contre la pauvreté, pour l’accès aux droits fondamentaux de chacun de nos concitoyens et pour le déploiement de cette politique sociale volontariste.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi pour le plein emploi

TITRE Ier

UN ACCOMPAGNEMENT PLUS PERSONNALISÉ DES DEMANDEURS D’EMPLOI DANS LE CADRE D’UN CONTRAT D’ENGAGEMENT UNIFIÉ ET D’UN RÉGIME DE DROITS ET DEVOIRS RÉNOVÉ

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour le plein emploi
Article 1er (début)

M. le président. L’amendement n° 389, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

À l’intitulé

Remplacer les mots :

contrat d’engagement

par les mots :

contrat d’engagement réciproque

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Au titre Ier du présent projet de loi, l’article 2 prévoit la création d’un contrat d’engagement.

Or il existe déjà un contrat d’engagement réciproque qui est censé constituer l’un des dispositifs centraux de l’accompagnement des allocataires du RSA, même si seulement 50 % de ceux qui sont orientés vers un tel parcours en bénéficient.

La suppression de l’adjectif qualificatif « réciproque » trahit peut-être la volonté du Gouvernement de conditionner davantage le droit au RSA à un devoir d’activation des allocataires, alors que ce droit à un revenu minimal devrait être garanti. On présuppose ainsi que les allocataires n’auraient aucune activité et qu’ils seraient passifs et l’on prévoit à leur encontre moult sanctions et contrôles alors que ce n’est pas le cas pour la réciprocité de l’engagement, qui reste à peine évoquée.

Le contrat se révèle déséquilibré et il convient, monsieur le ministre, de rétablir cette évidence : il faut être deux pour contracter et les engagements obligent les deux parties.

À moins que vous ne souhaitiez, en considérant que le contrat engage surtout l’allocataire, le contraindre à l’activité en échange d’un revenu minimum.

Nous ferons des propositions qui porteront sur l’article 2 et sur l’ensemble du texte, mais nous nous inquiétons de ces changements sémantiques successifs par lesquels on glisse des droits aux devoirs et du projet au contrat, alors que les sanctions sont réservées à une seule des parties contractantes.

Aussi, pour nous rassurer, monsieur le ministre, il convient de réaffirmer le caractère réciproque du contrat d’engagement, en procédant à l’ajout que nous vous proposons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Un nouveau contrat d’engagement unique remplace le contrat d’engagement réciproque conclu par les bénéficiaires du RSA, ainsi que le projet personnalisé pour les demandeurs d’emploi et le contrat d’engagement jeune (CEJ). Au sein de ce dispositif unifié, les droits et les devoirs seront bien réciproques. Autrement dit, en passant ce contrat, les deux parties s’engageront réciproquement, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’ajout que vous proposez.

L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

L’article 2 précise bien que ce contrat est conclu entre l’organisme de référence – via les conseillers chargés du suivi – et l’allocataire. Dans une logique de simplification du dispositif, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, si tout est si simple, pourquoi refuser d’ajouter le terme « réciproque » ?

Certes, un contrat est par nature réciproque, dans la mesure où il est signé par deux parties qui s’engagent, de sorte qu’elles ont des droits et des devoirs. En supprimant le terme « réciproque », vous laisseriez entendre – à tort, nous dites-vous – que le contrat n’engagerait que l’allocataire.

Le rétablir permettrait d’affirmer que Pôle emploi – ou France Travail – a aussi des devoirs et pourrait être sanctionné en cas de non-atteinte de ses objectifs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 389.

(Lamendement nest pas adopté.)

Intitulé du titre Ier
Dossier législatif : projet de loi pour le plein emploi
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° La section 1 est ainsi modifiée :

a) L’article L. 5411-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5411-1. – Sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 :

« 1° La personne en recherche d’un emploi qui demande son inscription ;

« 2° La personne qui demande le revenu de solidarité active mentionné à l’article L. 262-1 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité. Cette disposition ne s’applique pas lorsque la personne est un assuré mentionné à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale qui a atteint l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du même code ou qui justifie, à partir de l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 dudit code, d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à la limite prévue au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du même code ;

« 3° La personne, mentionnée à l’article L. 5314-2 du présent code, qui sollicite un accompagnement par un organisme mentionné à l’article L. 5314-1 ;

« 4° La personne qui sollicite un accompagnement par un organisme de placement spécialisé dans l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap mentionné à l’article L. 5214-3-1.

« À la suite de son inscription, la personne bénéficie de l’orientation prévue à l’article L. 5411-5-1. » ;

b) Le premier alinéa de l’article L. 5411-2 est ainsi rédigé :

« Les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi renouvellent périodiquement leur inscription selon des modalités fixées, en fonction de leur classement dans les catégories mentionnées à l’article L. 5411-3, par arrêté du ministre chargé de l’emploi et du ministre chargé des solidarités. » ;

c) L’article L. 5411-5 est abrogé ;

2° Après la même section 1, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Orientation et accompagnement des demandeurs demploi

« Art. L. 5411-5-1. – I. – La personne mentionnée à l’article L. 5411-1 est orientée par un organisme mentionné au II du présent article, selon les critères mentionnés au III, vers un des organismes référents mentionnés au IV. Elle bénéficie d’un accompagnement vers l’accès ou le retour à l’emploi, le cas échéant par la reprise ou la création d’entreprise, qui peut notamment comporter des aides à la formation, à la mobilité et à visée d’insertion sociale.

« Toutefois, lorsqu’il apparaît que des difficultés tenant notamment à son absence de logement, à ses conditions de logement, à sa situation de proche aidant ou à son état de santé font temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d’emploi, la personne bénéficie au préalable, de la part de l’organisme référent vers lequel elle est orientée, d’un accompagnement à vocation d’insertion sociale.

« II. – La décision d’orientation vers l’organisme référent chargé d’assurer l’accompagnement mentionné au I est prise :

« 1° Par l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 pour toute personne qui n’est pas bénéficiaire du revenu de solidarité active ;

« 2° Par le président du conseil départemental, dans les conditions prévues à l’article L. 262-29 du code de l’action sociale et des familles, pour tous les bénéficiaires du revenu de solidarité active résidant dans son département. Il peut déléguer cette compétence à l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du présent code, par convention signée avec cette dernière ;

« 3° Par les organismes mentionnés à l’article L. 5314-1, pour les personnes mentionnées à l’article L. 5314-2 qui les sollicitent et ne relèvent pas du 2° du présent II.

« III. – La décision d’orientation mentionnée au II est prise en fonction de critères définis dans les conditions prévues à l’article L. 5311-9. Ces critères tiennent compte du niveau de qualification de la personne, de sa situation au regard de l’emploi, de ses aspirations et, le cas échéant, des difficultés particulières qu’elle rencontre, notamment en matière de santé, de logement et de garde d’enfant.

« Lorsque des circonstances locales le justifient, les critères mentionnés au premier alinéa du présent III peuvent être précisés, pour l’orientation des personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active résidant dans le département, par arrêté conjoint du représentant de l’État dans le département et du président du conseil départemental, pris après avis de l’instance départementale mentionnée à l’article L. 5311-10.

« L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, le président du conseil départemental et les organismes mentionnés au 3° du II du présent article transmettent à l’instance nationale mentionnée à l’article L. 5311-9 les informations relatives aux orientations qu’ils ont prononcées et à la mise en œuvre des critères mentionnés au premier alinéa du présent III. Ils transmettent les mêmes informations aux instances départementales mentionnées à l’article L. 5311-10, pour les personnes qui relèvent du ressort de ces dernières.

« La liste des informations devant être transmises et la périodicité de leur transmission sont fixées dans les conditions prévues à l’article L. 5311-9.

« IV. – Les organismes référents vers lesquels peuvent être orientées les personnes mentionnées à l’article L. 5411-1 sont :

« 1° L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 ;

« 2° Les conseils départementaux ;

« 3° Les organismes délégataires d’un conseil départemental, dans des conditions fixées par une convention signée entre le conseil départemental et l’institution mentionnée au même article L. 5312-1, après avis de l’instance départementale mentionnée à l’article L. 5311-10 ;

« 4° Les missions locales mentionnées à l’article L. 5314-1 ;

« 5° Les organismes de placement spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap mentionnés à l’article L. 5214-3-1.

« Un décret, pris après avis de l’instance nationale mentionnée à l’article L. 5311-9, fixe les conditions dans lesquelles ces personnes peuvent être également orientées vers d’autres organismes référents, publics ou privés, fournissant des services relatifs au placement, à l’insertion, à la formation, à l’accompagnement et au maintien dans l’emploi des personnes en recherche d’emploi, ainsi que les conditions à remplir par les organismes en question.

« Art. L. 5411-5-2. – I. – L’organisme référent chargé de l’accompagnement réalise, conjointement avec la personne qu’il doit accompagner, un diagnostic global de sa situation. Ce diagnostic global est réalisé suivant un référentiel défini selon les modalités prévues à l’article L. 5311-9.

« II. – Lorsque, à la suite de l’établissement du diagnostic global ou au cours de l’accompagnement, la situation de la personne fait apparaître qu’un autre organisme référent serait mieux à même de conduire les actions d’accompagnement nécessaires, l’organisme référent, à la demande de la personne ou de sa propre initiative, saisit, en vue d’une nouvelle décision d’orientation :

« 1° L’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 lorsque la personne n’est pas bénéficiaire du revenu de solidarité active ;

« 2° Le président du conseil départemental du lieu de résidence de la personne lorsque cette dernière est bénéficiaire du revenu de solidarité active ;

« 3° (nouveau) Les organismes mentionnés à l’article L. 5314-1, lorsque la personne a fait l’objet d’une décision d’orientation mentionnée au 3° du II de l’article L. 5411-5-1.

« III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »

bis (nouveau). – L’article L. 5524-1 du code du travail est abrogé.

II. – Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2025. À cette date, l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi mentionnée à l’article L. 5411-1 du même code les personnes qui ont conclu un des contrats mentionnés aux articles L. 5131-4 et L. 5131-6 dudit code ou qui sont bénéficiaires du revenu de solidarité active et qui n’y sont pas inscrites. Cette inscription n’est toutefois pas effectuée lorsque la personne est un assuré mentionné à l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale qui a atteint l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 du même code ou qui justifie, à partir de l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 dudit code, d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à la limite prévue au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du même code.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 1er prévoit l’inscription automatique des allocataires du RSA comme demandeurs d’emploi auprès des agences regroupées dans le réseau France Travail. Il prévoit également la contagion automatique de cette inscription au partenaire du demandeur.

La méthode est assez particulière puisque le dispositif s’attache non plus aux personnes, mais aux ménages. Or, comme nous l’avons vu lors des débats sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés, la prise en compte individuelle est un enjeu important.

En outre, le caractère automatique de la démarche nous inquiète encore davantage. Où trouver les agents qui accompagneront les demandeurs d’emploi ? Quels moyens humains seront déployés pour procéder à ces inscriptions ? La dématérialisation ne doit pas faire disparaître les guichets, l’accueil et l’accompagnement.

À moins que ce projet de loi n’ait qu’une visée statistique ? Il suffirait alors de modifier un paramètre dans un tableau et la vie des Français précaires n’en serait pas améliorée.

Depuis 2017, nous avons pu constater les prétendus bienfaits de la dématérialisation des services publics : profitable à ceux qui n’ont aucun souci, elle devient un parcours du combattant dès lors que l’on a des difficultés à utiliser les outils numériques.

Nous recevons régulièrement dans nos permanences des personnes démunies, qui se retrouvent dans des situations ubuesques, faute d’avoir reçu de l’aide pour s’orienter. Cela concerne en particulier les personnes précaires que vise ce projet de loi.

Oui aux droits automatiques, mais non aux algorithmes.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.

Mme Victoire Jasmin. Le plein emploi peut susciter de l’espoir. J’aurais souhaité que ce texte s’adapte à la réalité de nos différents territoires d’outre-mer, où le taux de chômage est bien supérieur à celui de l’Hexagone.

Mais il ne répond pas aux besoins des personnes qui, dans nos territoires, sont confrontées aux difficultés de la vie quotidienne, qui connaissent la précarité et qui vivent dans des conditions difficiles.

Il manque une ambition réelle pour ces territoires et une organisation qui favorise l’inclusion et l’accès à l’emploi. Pourtant nous le voulons tous et nous sommes favorables au plein emploi.

Certes, il fait bon vivre dans nos territoires, mais les difficultés y sont grandes. Dans certains archipels, comme en Guadeloupe, les déplacements sont compliqués. En Guyane, ils se font en pirogue, dans des conditions parfois difficiles, notamment en cas d’intempéries. Les problèmes de transport adapté aux personnes en situation de handicap, de logement ou de garde d’enfant sont légion dans nos territoires.

Ce texte sur le plein emploi, tel que le Gouvernement l’a voulu, ne répond pas aux besoins des outre-mer. Il faut l’adapter, en travaillant davantage avec les collectivités. Nous avons besoin de mesures de différenciation.

Monsieur le ministre, les éléments de langage que vous utilisez témoignent sans doute d’une ambition pour le territoire national, mais ils ne s’adaptent pas à la réalité des outre-mer. Il est temps de prendre en compte les réels besoins de nos territoires, en concertation avec les élus. Ne cherchez pas à faire un package qui ne s’adaptera jamais à la réalité de nos territoires et à la situation des personnes qui y vivent, car ce sont ces personnes qu’il est urgent de prendre en compte.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. L’article 1er prévoit une inscription généralisée et automatique sur la liste des demandeurs d’emploi.

La recherche d’emploi devrait pourtant rester un acte volontaire de la personne, dans le respect de ses libertés fondamentales. Or cette obligation fait fi des particularités et des difficultés de certains de nos concitoyens, notamment de ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi.

Nous ne pouvons accepter que les personnes qui feront demain une demande de RSA auprès des caisses d’allocations familiales soient automatiquement inscrites comme demandeurs d’emploi ainsi que leurs conjoints.

Cette inscription automatique fait de l’aptitude des personnes à prendre ou à retrouver un emploi, un préalable au versement du RSA, avant même de tenir compte d’éventuelles difficultés ou d’un besoin d’accompagnement social.

Or, nous le savons bien, tous les demandeurs d’emploi ne sont pas en mesure de reprendre une activité rapidement. De même, chacun sait que l’on ne vit pas confortablement avec une allocation différentielle d’un montant maximal de 600 euros par mois.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.

Mme Émilienne Poumirol. En préambule, nous regrettons que dans le cadre de l’examen de cet article nous ne puissions débattre du non-recours aux aides, du RSA jeune ou encore du revenu de base. Il s’agit pourtant de questions majeures et primordiales dans un texte relatif au travail.

En effet, souhaitant ouvrir de nouvelles perspectives sur ces sujets – nous les appelions déjà de nos vœux lors de l’examen de la réforme des retraites –, nous avions déposé un certain nombre d’amendements, malheureusement déclarés irrecevables en raison du périmètre très restreint de ce projet de loi.

Nous aurions souhaité débattre du non-recours aux aides, que ce texte ne fera qu’aggraver. Ainsi, à la suite de ce qu’envisageait notre collègue Rachid Temal dans sa proposition de loi relative à la protection sociale globale, nous proposions que l’accès à un dispositif d’aide déclenche automatiquement l’examen de l’éligibilité aux autres aides. Il est urgent d’instaurer une automaticité des droits compte tenu du contexte social et de la montée de l’inflation, car le non-recours aux aides aggrave les difficultés des Français les plus fragiles et détériore leurs conditions de vie.

De plus, afin de poser la première pierre d’un dispositif universel conduisant les jeunes vers l’autonomie et l’émancipation, nous proposions qu’à titre expérimental et pour une durée de trois ans le revenu de solidarité active soit accordé aux jeunes dès 18 ans. Tel était le sens de la proposition de loi de notre collègue Rémi Cardon, qui visait à accorder aux citoyens majeurs et mineurs émancipés ce droit social élémentaire.

Enfin, nous avions pour ambition de proposer la mise en place d’une expérimentation sur le revenu de base, en nous inspirant de la démarche engagée dans mon département de la Haute-Garonne ; lors de la délibération du 14 décembre 2021, l’on y a instauré le revenu de base pour les jeunes de 18 à 25 ans. Il s’agissait de prévoir un filet de sécurité pour tous afin de mettre fin aux situations de pauvreté.

Malgré la suppression de ces amendements, j’espère, monsieur le ministre, que nous aurons l’occasion de débattre des sujets qu’ils visaient lors de l’examen d’une prochaine loi relative au travail.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 243 rectifié est présenté par Mmes Poumirol, Féret, Le Houerou, Meunier et Lubin, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme Rossignol, MM. Gillé, Redon-Sarrazy et Devinaz, Mmes Artigalas et Monier, M. Houllegatte, Mme Harribey, MM. Tissot, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, M. Filleul, Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 355 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol pour présenter l’amendement n° 243 rectifié.

Mme Émilienne Poumirol. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 1er.

En effet, celui-ci prévoit l’inscription généralisée et automatique sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de Pôle emploi de tous les demandeurs d’emploi, de tous les bénéficiaires ou demandeurs du RSA – ainsi que leur conjoint ou concubin –, de toutes les personnes en situation de handicap sollicitant un accompagnement auprès de Cap emploi et de tous les jeunes sollicitant un accompagnement auprès des missions locales.

Nous comprenons bien la logique de cette inscription généralisée qui vise à pourvoir aux besoins en main-d’œuvre des entreprises. Cependant, cette mesure semble contraire à l’esprit initial du projet de loi, qui veut que la recherche d’emploi et l’inscription sur la liste des demandeurs relèvent d’un acte volontaire.

De plus, la mesure consistant à procéder à l’inscription automatique et indifférenciée auprès de Pôle emploi de tous les allocataires du RSA fait primer une logique de retour à l’emploi, qui n’est pas toujours adaptée aux besoins spécifiques des personnes. En effet, pour atteindre le plein emploi, on considère que les allocataires sont employables à n’importe quel prix. Comme je l’ai déjà dit, le RSA, plutôt que d’être une allocation de subsistance, deviendrait alors une allocation de retour à l’emploi. L’évolution concernerait de la même manière les jeunes et les personnes en situation de handicap, qui ont besoin d’un accompagnement adapté.

Cette logique ne fera qu’aggraver la pauvreté en France, alors qu’il faut privilégier une politique « d’aller vers » pour aider les personnes qui sont les plus éloignées de l’emploi.

Un diagnostic global de la personne sur la base d’un référentiel national doit être réalisé, mais les éléments de définition de ce référentiel ne sont pas définis.

Nous proposons donc la suppression de l’article 1er, qui semble poser les bases d’un outil de contrôle des demandeurs d’emploi par Pôle emploi. Nous rejetons à tout prix cette logique.