Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Monsieur Panunzi, vous proposez de revenir sur la modification introduite en 2017 et de « respécialiser » le reliquat de la DCT. Une telle mesure aurait l’avantage d’être cohérente avec l’objectif initial de cette dotation. Par ailleurs, cette demande émane légitimement du terrain.

Nous pouvons à tout le moins émettre un avis de sagesse, mais nous aimerions connaître l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. La DCT, qui s’établit à 187 millions d’euros par an, est une recette affectée qui vise à compenser les contraintes liées à la continuité territoriale.

Le montant du droit à compensation a été calculé selon les modalités classiques en matière de transferts de compétences, c’est-à-dire au coût historique, de sorte que les crédits transférés par l’État correspondaient aux crédits inscrits en 1992 au budget du ministère chargé des transports.

Les dépenses de continuité territoriale se sont fortement réduites entre 2013 et 2019, passant de 189,5 millions à 161,2 millions d’euros. C’est d’ailleurs pourquoi la loi de finances initiale pour 2017 a ouvert la possibilité d’affecter les reliquats de la DCT à des opérations hors continuité territoriale. Il s’agit en particulier de la réalisation d’opérations d’investissement s’inscrivant dans le cadre d’un projet global de développement du territoire de la Corse, notamment au titre des politiques publiques menées en faveur des territoires de l’intérieur et de la montagne.

La mesure que vous proposez, monsieur le sénateur, est susceptible de rigidifier les marges de manœuvre financières de la collectivité de Corse dans un contexte socio-économique fragile.

Mme Cécile Cukierman. Au contraire !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à votre amendement et vous en demande, si vous le voulez bien, le retrait.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Panunzi. Madame la ministre, je pense que l’on vous a mal informée et que vous n’avez pas analysé le principe de la dotation de continuité territoriale.

Cette dotation, qui représente 187 millions d’euros par an, est versée à la collectivité de Corse pour le transport maritime et aérien. Elle n’est pas consommée en totalité tous les ans. La loi de 1991, dont les rédacteurs avaient compris le principe de cette dotation, permettait d’affecter les reliquats aux infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires.

Avec la « déspécialisation » de l’enveloppe, 50 millions d’euros se sont évaporés, entre 2017 et 2021, dans le budget de fonctionnement de la collectivité territoriale : ils n’ont pas été utilisés pour les infrastructures portuaires, aéroportuaires et routières.

Je demande, en toute logique, que ces crédits soient consacrés aux infrastructures de transport, comme le prévoit la loi. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-126.

(Lamendement est adopté.) – (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Article additionnel après l'article 45 - Amendement n° II-126
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article 45 bis (nouveau)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 45.

L’amendement n° II-568 rectifié, présenté par MM. Delcros et Canévet et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :

Après l’article 45

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucune commune ne peut cumuler au titre du même exercice une attribution au titre de la dotation prévue à l’article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales et de celle prévue à l’article L. 2334-20 du même code. Le cas échéant, elle conserve le bénéfice de la dotation la plus élevée.

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Cet amendement concerne les dotations de péréquation que sont la dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine. Je suis sûr que l’immense majorité des élus locaux pensent que, comme leurs noms l’indiquent, la DSU est réservée aux communes urbaines et la DSR aux communes rurales.

Cela est vrai pour l’immense majorité des collectivités, mais il s’avère qu’il y a quelques anomalies : quelques communes cumulent la DSR et la DSU, ce qui paraît tout de même assez curieux.

Mon amendement tend à interdire ce cumul, tout en permettant à chaque collectivité concernée de garder la dotation la plus importante.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Vous le savez, mon cher collègue, je suis par nature circonspect à l’égard des cumuls, mais il peut arriver que, dans certains territoires, ces deux dotations puissent s’entrecroiser. Nous estimons donc que cette question devrait être expertisée.

En tout état de cause, si l’amendement était adopté, il faudrait penser au cas des communes nouvelles, qui devraient bénéficier d’une exception.

Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Delcros, il me semble que vous venez de voter, il n’y a pas très longtemps – quelques minutes à peine ! –, le cumul de la DSR et de la DSU pour les communes nouvelles. Votre amendement est donc quelque peu surprenant…

Là, vous nous proposez d’interdire ce cumul. Le Gouvernement y est défavorable. D’après les études menées par les services, l’adoption de cet amendement conduirait à de lourdes pertes pour des communes déjà fragiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Corbisez. Je le rappelle, il arrive que des communes cumulent les deux dotations. Je prendrai l’exemple de ma commune, qui était une ville minière. Comme vous le savez, la plupart des communes minières, dans le Nord-Pas-de-Calais ou ailleurs, de plus de 10 000 habitants faisaient partie des communes les plus pauvres de France : elles touchaient la DSU, qui représentait pour ma commune 1,8 ou 2 millions d’euros par an.

Lorsque ma commune est passée juste sous la barre des 10 000 habitants, elle a touché en plus de la DSU de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). J’ai interrogé le préfet, qui m’a dit que cela était possible : c’est le cas pour les trente communes de moins de 10 000 habitants les plus pauvres.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais tout de même attirer l’attention sur un point. Les dispositifs devraient être regardés de près, sans retirer de dotations aux collectivités, afin que les deux ensembles soient disjoints : d’un côté la DSU, de l’autre la DSR.

L’idée est non pas que les communes perçoivent moins, mais que les dotations soient cohérentes.

Mme la présidente. L’amendement n° II-568 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 45 - Amendement n° II-568 rectifié
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2023
Article additionnel après l'article 45 bis - Amendements n° II-75 et n° II-635

Article 45 bis (nouveau)

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 2334-36, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans le département tient compte du caractère écologique des projets pour la fixation des taux de subvention. » ;

2° Après le deuxième alinéa du C de l’article L. 2334-42, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans la région tient compte du caractère écologique des projets pour la fixation des taux de subvention. »

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° II-289 est présenté par M. L. Hervé, au nom de la commission des lois.

L’amendement n° II-409 est présenté par M. Bonhomme.

L’amendement n° II-587 est présenté par Mmes Cukierman, Gréaume et Brulin, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° II-289.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à supprimer l’article 45 bis, qui prévoit l’ajout d’un nouveau critère dans la détermination par les préfets de département et de région du taux de subventionnement des attributions de DETR et de DSIL.

En premier lieu, l’ajout d’un nouveau critère fondé sur le caractère écologique des projets proposés pourrait entrer en contradiction avec les critères déjà définis dans la loi pour l’attribution de ces projets. Il convient de ne pas altérer une procédure d’attribution dont les élus trouvent souvent, en particulier pour la DSIL, qu’elle n’est pas d’une parfaite lisibilité.

En second lieu, le critère proposé est particulièrement vague et pourrait se révéler inopérant. En effet, l’appréciation par le préfet du caractère écologique du projet pourrait s’avérer malaisée : s’agit-il d’évaluer les conditions de réalisation du projet ou son but ?

Faute de nécessaires clarifications, le présent amendement tend donc à supprimer cet article. Ce n’est pas parce qu’on peint une préfecture en vert qu’on fait de l’écologie !

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° II-409.

M. François Bonhomme. L’article 45 bis introduit dans les articles L. 2334-36 et L. 2334-42 du code général des collectivités territoriales un paramètre « écologique » pour le moins surprenant pour la fixation des taux de subvention de DETR et de DSIL par les préfets de département et de région.

La terminologie retenue de « caractère écologique » n’est pas satisfaisante à mon sens. Le mot « écologie » a en effet une connotation plus politique ou scientifique que juridique.

La définition de caractère écologique apparaît beaucoup trop imprécise. Sur quels critères objectifs le préfet va-t-il déterminer qu’un projet est effectivement « écologique » ? Il risque d’y avoir des différences d’interprétations selon les départements.

Cet article vient complexifier inutilement une procédure d’attribution qui n’est déjà pas toujours facile à maîtriser par les élus locaux.

Comme l’a dit Loïc Hervé, il ne suffit pas d’ajouter des adjectifs ou de faire du greenwashing pour être écologiquement vertueux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° II-587.

Mme Céline Brulin. En complément des arguments qui viennent d’être développés par nos collègues, je voudrais citer quelques opérations qui sont aujourd’hui financées par la DETR dans mon département.

Les exemples sont les suivants : l’opération de câblage d’une école pour équiper les écoles en tableaux numériques ; le renforcement de voirie pour que les cars de ramassage scolaire puissent passer dans certaines communes ; ou encore la construction d’une maison d’assistantes maternelles.

Comment faire entrer ces projets, dont je n’ai pas besoin de prouver le caractère essentiel, dans le critère écologique nouvellement institué ?

Par ailleurs, dans les départements, nous sommes capables, en bonne intelligence, de nous mettre d’accord avec les services de l’État et les préfets sur un certain nombre de problématiques à résoudre.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Évidemment !

Mme Céline Brulin. Dans mon département de la Seine-Maritime, nous nous sommes penchés sur l’important dossier de la défense contre les incendies. De manière intelligente, nous avons décidé ensemble que la DETR pourrait financer un certain nombre de travaux destinés à protéger nos communes contre ce risque.

Ce critère est tout à fait malvenu. Comme l’ont dit nos collègues, l’écologie mérite mieux que d’être un critère visant à sélectionner et, pour le dire clairement, à écarter un certain nombre de projets de nos communes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. Mes chers collègues, il faut regarder les choses comme elles sont : cet article 45 bis a été introduit sur la demande des rapporteurs spéciaux à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas une proposition du Gouvernement. Vous le savez, nous ne sommes jamais contre la suppression d’une disposition adoptée par l’Assemblée nationale ! (Sourires.)

Je plaisante bien sûr, je ne voudrais pas que certains me croient !

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Cela pourrait être vrai !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. C’était le premier point que je voulais évoquer…

Deuxièmement, la rédaction de l’article 45 bis prévoit que les préfets « tiennent compte du caractère écologique des projets ».

M. Didier Marie. Pas très normatif !

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. En effet, mon cher collègue ! Le dispositif est moyennement ambitieux.

Globalement, de toute façon, la question des consommations énergétiques et la dimension environnementale sont déjà largement prises en compte aujourd’hui au niveau des commissions.

Nous considérons qu’une telle disposition relève davantage d’une circulaire, c’est-à-dire d’une orientation donnée par le Gouvernement aux préfets, que d’un texte de loi, et qu’il convient de la supprimer.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Très bien, monsieur le rapporteur spécial !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Nous étions pourtant bien partis…

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposez de supprimer l’article 45 bis, qui prévoit l’ajout d’un nouveau critère dans la détermination par les préfets de département et de région du taux de subventionnement des attributions de DETR et de DSIL.

Cet article s’inscrit dans le mouvement de verdissement des concours financiers de l’État aux collectivités locales, traduisant ainsi l’engagement du Gouvernement en faveur de la transition écologique. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Greenwashing !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ne vous moquez pas, s’il vous plaît ! Il n’est pas question de peindre en vert les mairies…

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Nous parlons des préfectures de région !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … ni les préfectures ! Il s’agit bien de verdir nos projets.

Tout en maintenant les critères d’attribution de ces dotations et dans le respect des dispositions législatives et réglementaires auxquelles elles sont soumises, l’article permet d’inciter et d’encourager les projets vertueux pour l’environnement,…

Mme Sophie Primas. Des projets, on en a plein !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … à travers une majoration du taux de subventionnement appréciée par les préfets.

Pour la DETR, cette appréciation s’effectuera, en outre, dans le respect des catégories d’opérations prioritaires et des taux minimaux et maximaux de subventions fixés par la commission des élus. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Sophie Primas. Cela suffit ! Laissez les élus décider !

Mme la présidente. Restons calmes, mes chers collègues !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Merci, madame la présidente !

Cette démarche existe par ailleurs déjà dans certains territoires, tels que l’Ariège, qui a instauré un bonus transition écologique pour la DETR, ou encore la Drôme, qui attribue des bonifications de DETR et de DSIL pour des projets vertueux.

L’enjeu se situe plutôt dans l’amélioration de l’analyse des projets afin d’identifier ceux qui contribuent réellement à la transition écologique. L’instruction ministérielle pour les programmations 2023 portera à la connaissance des préfets une grille d’analyse des projets en ce sens.

Celle-ci permettra, je le pense, aux préfectures de mieux analyser et valoriser les projets présentés par les collectivités qui contribuent positivement à la transition écologique.

Mme Sophie Primas. Vous les mettez sous tutelle !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. On peut ne pas être d’accord !

Mme Sophie Primas. De fait, nous ne sommes pas d’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Madame la ministre, vous qui êtes tellement attachée à la constitutionnalité de ce que nous votons, vous conviendrez que le « caractère écologique » est une notion tout à fait vague, tout à fait imprécise et tout à fait indigne de figurer dans une loi !

Il existe des critères aujourd’hui. Celui que l’article 45 bis nous propose d’ajouter est absolument imprécis. Il ajouterait à la confusion que nous avons évoquée ce matin.

Je pense que la commission des lois et son rapporteur pour avis ont très bien fait de déposer cet amendement de suppression, que je voterai.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, il n’y a plus aujourd’hui de projets qui ne soient pas purs sur le plan écologique ! De fait, il y a tellement de normes qui obligent les maires à des équipements vertueux – et c’est, du reste, très bien ainsi.

Vous avez cité des exemples émanant du terrain. Oui, dans certains départements, les élus et le préfet ont décidé d’organiser les choses de cette manière. C’est l’esprit même de la DETR. Mais pourquoi nécessairement chercher à inscrire dans la loi les bonnes pratiques ?

Il faudrait que nous allions tous faire un tour en Mayenne avec le Président de la République. Celui-ci en appelle à la liberté et aux responsabilités locales, mais les élus sont vertueux, madame la ministre ! Cessons de leur interdire ou de leur imposer des choses qu’ils font naturellement, tout comme M. Jourdain faisait de la prose ! (Très bien ! sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

M. Stéphane Sautarel. Je soutiendrai bien évidemment ces amendements, auxquels la commission a donné un avis favorable.

D’une part, comme l’ont rappelé plusieurs de mes collègues, la liberté locale est importante.

D’autre part, chaque territoire a ses particularités, et la commission d’élus peut fixer un cadre particulier.

Je crains que ce ne soit une fois de plus les routes qui soient, demain, victimes, dans les arbitrages de DETR, de ce critère de « caractère écologique », alors même que c’est un instrument pour toutes les mobilités et que nous n’avons pas construit pour l’instant de fonds dédié au financement de notre voirie communale.

Je souscris donc bien évidemment à ces amendements, qui me semblent sages et de nature à favoriser les libertés locales.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Je m’exprime sous couvert du président de la commission des lois : si la commission des finances est jalouse de la préservation de l’orthodoxie financière, nous sommes, quant à nous, jaloux de la rédaction orthodoxe de la loi et de la qualité du droit ! Nous n’aimons pas les adverbes ni les verbes imprécis.

On ne fait pas la loi en employant des formules aussi vagues que « les préfets veillent ». Avec de telles formules, on est dans l’incantation, et pas loin du greenwashing. Pardon de le dire, mais on alourdit le droit en y faisant figurer des choses qui ne font rien avancer.

L’autre argument qui me semble le plus important est la confiance faite aux élus locaux.

Je vais prendre un exemple tout simple : dans mon département de la Haute-Savoie, les élus locaux ont décidé d’attribuer une bonification de 10 points de DETR pour l’emploi de bois local. Et ça marche !

Allons dans le concret, restons juridiquement précis et abrogeons cet article, qui n’a aucun sens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, je trouve sincèrement dommage que nous n’encouragions pas le Gouvernement, dont nous avons vu depuis longtemps qu’il était profondément écologiste !… (Sourires.) Certes, la rédaction de l’article 45 bis est floue et vague, certes, son dispositif n’a pas de caractère législatif, mais nous pourrions tout de même faire un effort pour l’accepter ! (Nouveaux sourires.)

En fait, ce procédé relève du ripolinage vert. C’est un coup de peinture, un verdissement à caractère cosmétique.

M. Loïc Hervé, rapporteur pour avis. Cela ne coûte rien !

M. Guy Benarroche. Madame la ministre, je propose, pour ma part, que nous travaillions à un amendement, un article ou une loi qui poserait de vrais critères écologiques, qui permette d’avancer, qui tienne la route et qui puisse être appliqué.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Je veux bien croire que nous devions faire preuve d’inventivité. Ce n’est pas pour autant que nous devons nous rallier à un amendement complètement baroque de l’Assemblée nationale !

Cette modification affaiblit ce que l’on croit soutenir. Les exemples que notre collègue a donnés montrent d’ailleurs qu’un certain nombre de projets ne répondent pas stricto sensu à des considérations écologiques. Encore faudrait-il préciser, et c’est là toute la difficulté, ce que l’on entend par « écologique »…

Surtout, ne perdons pas de vue l’essentiel, à savoir que cela traduit quelque chose de symptomatique : le fait que le Gouvernement fait preuve d’un surcroît d’inventivité lexicale et déploie une collection d’adjectifs et d’épithètes pour surmonter la difficulté qu’il rencontre – à l’instar de ses prédécesseurs – à verdir nos politiques publiques.

En dernier lieu, si nous avions un doute, laissons à la commission pour avis la souveraineté de traiter les questions qui doivent être sélectionnées dans les opérations. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Madame la ministre, le nombre important d’interventions sur ce sujet montre qu’il n’est pas du tout anecdotique.

Voilà quarante et un ans, les lois Mauroy-Defferre abolissaient le contrôle d’opportunité sur les décisions des élus locaux, contrôle d’opportunité exercé par les préfets, désignés, à l’égard de maires, de présidents de département et de région, élus.

Très concrètement, par cette proposition issue de l’Assemblée nationale et que vous validez vous-même, vous recréez de fait ce contrôle d’opportunité, sans aucune base sérieuse.

Je pense que l’abrogation que nous défendons montre que, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, de droite à gauche, nous voulons tous préserver l’autonomie des collectivités locales face à un pouvoir central qui devient de plus en plus prégnant – et je reste poli…

Madame la ministre, nous allons vous mettre en minorité – ce ne sera pas la première fois ce soir.

Nous espérons que notre message pourra remonter jusqu’au Président de la République, qui, derrière ses engagements systématiques, semble tout de même oublier que les élus, aujourd’hui, sont le tissu social, le tissu de l’aménagement du territoire dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je souscris à ces amendements déposés sur l’initiative de nos brillants collègues de la commission des lois.

Mme Nathalie Goulet. Ils sont excellents !

M. Marc Laménie. Je rejoins le président de la commission des finances et ses collègues.

De mémoire, la DETR a été instituée en 2011, et la DSIL en 2016. Je rappelle également que deux sénateurs, deux députés, ainsi que des représentants des associations de maires, des EPCI notamment, siègent dans les commissions DETR.

D’un autre côté, je rappelle à celles et ceux qui étaient là à l’été 2017 le combat qu’a mené notre collègue Philippe Bas, qui présidait alors la commission des lois – c’était avant le président Buffet – pour défendre la réserve parlementaire. La dotation d’action parlementaire participait au lien de proximité et au soutien à l’ensemble de nos collectivités locales. (M. Vincent Segouin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Madame la ministre, j’ai vraiment l’impression que vous vous tirez une balle dans le pied, pour une raison très simple : comment le préfet pourra-t-il définir le caractère écologique des projets ?

Dès que vous ferez une route et que vous donnerez une subvention, vous trouverez toujours un particulier ou une association qui fera un recours ! Il en ira exactement de même avec les maires.

M. Laurent Duplomb. C’est vrai !

M. Dominique de Legge. Dès lors, je ne vois pas comment vous pouvez défendre cet amendement, d’autant plus que son dispositif ne faisait pas partie de vos projets au départ. Et, comme cela a excellemment été dit tout à l’heure, ce n’est pas en mettant « écologique » au bout de chaque phrase que l’on fait une politique écologique !

Je crois véritablement que vous êtes en train d’entraver la capacité d’action non seulement des maires, mais aussi du préfet, qui va se retrouver avec une série de recours pour rien du tout.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je veux insister sur le fait que, en réalité, la DETR est un peu le dernier espace de liberté sur nos territoires, le dernier espace où l’intelligence et la créativité des élus, dans le cadre d’un dialogue avec la préfecture, peuvent cerner des sujets d’intérêt particulier sur les territoires, comme l’a notamment expliqué le rapporteur pour avis, Loïc Hervé.

Aujourd’hui, alors que nous sommes complètement phagocytés dans des appels à projets, des guichets, etc., la DETR est l’ultime endroit à offrir un dialogue local et une souplesse, l’ultime endroit où l’accompagnement de l’État s’adapte, pour une fois, à la réalité des territoires.

Par conséquent, permettez que nous conservions cette soupape ! (Très bien ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.