M. Olivier Dussopt, ministre. Au travers de cet amendement, nous proposons au Sénat de supprimer la disposition adoptée par la commission des affaires sociales prévoyant la privation du droit à l’ARE après le refus de trois CDI au cours d’une même année.

Une telle disposition pose en premier lieu une difficulté d’ordre pratique.

En effet, malgré les efforts de la commission des affaires sociales du Sénat, la procédure de notification par les entreprises et de croisement des systèmes d’information rend assez hasardeuse la mise en œuvre d’un tel dispositif – je rejoins M. le sénateur Reichardt sur ce point –, qui plus est à l’échelle d’une seule année. Ainsi, en dépit de toute la bonne volonté employée à rendre le dispositif opérationnel, on peinerait à l’appliquer, sauf à créer une procédure extrêmement lourde de déclaration des CDI par les entreprises et de suivi de ces déclarations par Pôle emploi.

On pourrait d’ailleurs imaginer qu’un demandeur d’emploi refuse au cours d’une même année trois CDI – situation déjà assez rare – dans trois départements différents, voire dans trois régions différentes. Il serait alors très difficile aux agences de Pôle emploi d’en réaliser le suivi.

En second lieu, au-delà de la difficulté pratique, de la lourdeur des procédures et de la quasi-incapacité, d’après moi, de nos services à assurer rapidement un tel suivi, cette disposition pose une difficulté de principe.

Je l’exprimerai sans doute avec moins de verve que Mme Lubin précédemment, mais je considère que lorsqu’un salarié recruté en contrat à durée déterminée honore jusqu’au bout et sans faillir la totalité des engagements contractuels qu’il a pris, il n’y a pas lieu de le sanctionner.

À nos yeux, c’est une situation très différente de l’abandon de poste, qui consiste en une rupture unilatérale d’un engagement contractuel sans crier gare, si vous me permettez cette expression, cette disparition soudaine plaçant le chef d’entreprise dans l’embarras.

A contrario, le fait, à l’issue d’un contrat à durée déterminée, de ne pas souhaiter prolonger son engagement dans le cadre d’un CDI – quand bien même les conditions seraient équivalentes, ce qu’il est difficile de garantir par ailleurs –, après avoir honoré l’intégralité de ses engagements contractuels, ne me paraît pas constituer une forme de faute ou d’erreur. Je ne vois donc pas de raison de le sanctionner.

En revanche, il nous faut travailler sur la question des ORE et sur les sanctions auxquelles le refus d’une telle offre expose le demandeur d’emploi. Sur ce point, je vous renvoie aux dispositions de l’article 6.

Dans l’attente de ce travail, et pour une période de quatorze mois seulement, je vous invite à adopter cet amendement de suppression des dispositions privant d’ARE les titulaires de CDD refusant une offre de CDI à trois reprises au cours d’une même année.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié.

M. Martin Lévrier. Je ne reprendrai pas les arguments brillamment exposés par notre ministre. Je me contenterai de soulever quelques questions qui me préoccupent.

La commission propose que l’employeur avise Pôle emploi. Mais que doit-il notifier et comment ? Il me paraît très important de clarifier ce point : doit-il notifier la raison du refus du salarié ? Doit-il transmettre toutes les pièces permettant de justifier de son offre de CDI ou simplement en informer Pôle emploi ?

Par ailleurs, une immense majorité – il est impossible de préciser quelle proportion, car il n’y a pas d’études sur le sujet – des salariés en CDD qui refusent un CDI ont de bonnes raisons de le faire. La mesure proposée, qui contribuerait à complexifier le code du travail, vise donc à s’attaquer non pas à un raisonnement logique, mais à un aléa.

Admettons néanmoins que cette mesure soit mise en œuvre : vers qui la personne privée d’allocations pour avoir refusé trois CDI se retournerait-elle pour contester la décision ? Vers Pôle emploi ? Vers l’un des trois employeurs éconduits ? Et dans ce cas, comment l’employeur devrait-il justifier du refus du CDI ?

Nous sommes en train de mettre en place une usine à gaz pour les employeurs et pour les allocataires. Si nous voulons aller vers le plein emploi, nous devons au contraire fluidifier le marché du travail. La mesure proposée aurait pour effet de le complexifier au seul motif que l’on s’imagine par principe que les personnes qui refusent un CDI souhaitent simplement profiter de vacances.

Je ne m’inscris pas dans une telle logique.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Capus, Mme Mélot, MM. Chasseing, Grand, Guerriau et Lagourgue, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

équivalente

insérer les mots :

pour une durée de travail équivalente

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. La commission a introduit, via ce nouvel article, la notification par l’employeur à Pôle Emploi d’un refus de CDI au terme d’un CDD. Parmi les critères indiqués pour qu’un tel refus soit comptabilisé, celui de la rémunération au moins équivalente est essentiel pour sécuriser le dispositif, à la fois pour les entreprises et pour les salariés.

Cependant, la rédaction actuelle ne précise pas que cette notion doit s’entendre pour une durée de travail équivalente. L’objet de cet amendement est de préciser cette définition.

M. le président. L’amendement n° 45, présenté par Mme Jacquemet, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette procédure n’est pas applicable aux contrats saisonniers mentionnés au 3° de l’article L. 1242-2.

II. – Alinéa 6

Remplacer les mots :

à trois reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition

par les mots :

, au cours d’une période déterminée par les accords relatifs à l’assurance chômage mentionnés à l’article L. 5422-20, un nombre, fixé par les mêmes accords, de propositions

La parole est à Mme Annick Jacquemet.

Mme Annick Jacquemet. L’article 1er bis AA, introduit dans le texte en commission, sur proposition de nos rapporteurs, prévoit l’annulation des allocations chômage du salarié qui aurait refusé plusieurs fois, sur une période donnée, que son CDD se poursuive en CDI. Estimant que le principe posé par la commission est opportun, je l’ai soutenu en commission.

Toutefois, nous ne disposons pas des statistiques relatives tant à la durée moyenne des CDD qu’au nombre moyen de CDD par salarié sur douze mois. Pourquoi 3 CDD, ou 1, comme proposé via un autre amendement ? Pourquoi sur douze mois ?

Au travers de cet amendement, je propose de conserver le principe de la disposition adoptée en commission, mais de confier à la prochaine convention d’assurance chômage le soin d’en déterminer les critères. Le temps restant entre l’adoption de ce projet de loi et la signature de la prochaine convention d’assurance chômage ou la publication du décret en Conseil d’État visé à l’alinéa 1 de l’article 1er du présent texte permettra de collecter les données objectives afin de rendre ce principe opérant.

Je précise que cet amendement a été cosigné par près de vingt collègues, mais que, du fait d’une erreur technique, ces derniers n’apparaissent pas. Je les prie de bien vouloir m’en excuser.

M. le président. Je vous remercie de cette précision, ma chère collègue.

L’amendement n° 110 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette procédure n’est pas applicable aux contrats saisonniers mentionnés au 3° de l’article L. 1242-2.

La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. L’article 1er bis AA introduit en commission vise à priver les salariés d’indemnisation du chômage en cas de refus répétés d’offres d’emploi en contrat à durée indéterminée au terme de contrats à durée déterminée.

Cet article ne semble toutefois pas distinguer entre les différents cas de recours au CDD. Cet amendement vise donc à exclure du dispositif proposé les travailleurs saisonniers afin de ne pas les pénaliser.

M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 8

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

…°Après le premier alinéa du I de l’article L. 2312-26, il est inséré un alinéa rédigé :

« Les modalités de recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux salariés des entreprises de travail temporaire font l’objet d’une consultation annuelle du comité social et économique et d’un avis conforme. Les contrats ne peuvent être conclus que s’ils respectent les modalités de recours ayant reçu l’avis conforme du comité, qui peut saisir l’inspecteur du travail. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Le présent amendement vise à remplacer le dispositif proposé par la majorité sénatoriale, que nous jugeons particulièrement régressif, par le renforcement des pouvoirs du comité social et économique (CSE) en matière de recours aux formes précaires de contrat de travail – contrats à durée déterminée, intérim – par l’entreprise.

Dans ce domaine, l’avis conforme du comité social et économique doit être requis afin de prévenir de manière effective le développement de contrats atypiques au sein du collectif de travail.

M. le président. L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Retailleau et J.M. Boyer, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Cambon, Anglars, Tabarot, E. Blanc, Reichardt, Cuypers et Sol, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy, Bascher et Burgoa, Mme Dumont, MM. Savin, Milon et Bouchet, Mme Eustache-Brinio, M. Babary, Mme Garnier, MM. Chatillon, Favreau, Decool et de Legge, Mmes Chauvin, Berthet, Gruny et Gosselin, M. C. Vial, Mme Perrot, MM. Bouloux, Bonhomme et Cigolotti, Mmes Bellurot et Herzog et M. Allizard, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Si la privation d’emploi résulte du refus d’une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l’article L. 1243-11-1, le bénéfice de l’allocation d’assurance ne peut pas être ouvert au demandeur d’emploi au titre du 1° du présent I. » ;

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Cet amendement vise à abaisser le seuil de déclenchement de cette disposition de trois refus de CDI à un seul.

Dans nos circonscriptions, de nombreux chefs d’entreprise nous indiquent qu’ils ont beaucoup d’offres d’emploi qui ne sont pas pourvues. Or, après un CDD, un CDI constitue une opportunité de travail pérenne. Par conséquent, pourquoi une personne qui refuserait deux CDI pourrait-elle encore percevoir des allocations chômage ?

Je propose de n’offrir aucune possibilité de refus. Ainsi, si une personne en CDD refuse un CDI, elle est libre de travailler pour une autre entreprise, mais elle ne percevra pas d’allocations chômage.

Revenons aux vraies valeurs du travail ! Se voir proposer un contrat à durée indéterminée après un contrat à durée déterminée constitue plutôt un avantage qu’un inconvénient !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Et voilà !

M. André Reichardt. C’est tout simple !

Article 1er bis AA (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Discussion générale

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Sénat des Philippines, conduite par son président M. Juan Miguel Fernandez Zubiri. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent.)

Cette délégation a été reçue par le groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est, présidé par notre collègue Mathieu Darnaud. La délégation est en France jusqu’au 28 octobre, pour un déplacement axé sur les thématiques de la sécurité alimentaire, de l’énergie nucléaire et de la défense.

Elle a visité hier la centrale de Flamanville et les chantiers de Naval Group. Elle sera reçue ce soir par le président Gérard Larcher et le vice-président Roger Karoutchi.

Nous espérons que les excellents rapports entre nos deux chambres hautes s’intensifieront et seront au cœur de l’épanouissement des relations entre nos pays, alors que la région indopacifique est traversée par de vives tensions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, à nos homologues du Sénat philippin, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)

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Article 1er bis AA (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Article 1er bis AA

Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er bis AA, à l’avis de la commission sur les sept amendements en discussion commune nos 95, 111 rectifié, 9 rectifié, 45, 110 rectifié, 65 et 83 rectifié.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi
Article additionnel après l'article 1er bis AA - Amendement n° 11 rectifié quater

Article 1er bis AA (suite)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sept amendements en discussion commune ?

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Permettez-moi tout d’abord de répondre à Mme Lubin, qui me demandait qui nous étions pour décider qu’un salarié refusant à trois reprises un CDI à l’issue d’un CDD n’aurait pas droit à l’allocation de retour à l’emploi.

Eh bien, ma chère collègue, nous sommes simplement des personnes qui savons lire, car le code du travail conditionne le bénéfice de l’allocation de retour à l’emploi à une privation d’emploi « involontaire ». Une personne refusant un CDI au terme d’un CDD est-elle privée d’emploi de façon involontaire ? Non. Il suffit de lire, ma chère collègue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je réponds ensuite à M. le ministre, tout en rendant son clin d’œil à mon collègue André Reichardt.

Monsieur le ministre, vous affirmez que la mise en pratique de la disposition que nous proposons sera difficile. Peut-être ! Mais est-ce une raison pour y renoncer, si nous sommes d’accord sur le principe ? Dans ce cas – pardonnez-moi de vous le dire –, nous ne servirions pas à grand-chose !

Je considère pour ma part que, lorsqu’on a la volonté et l’ambition, l’aspect opérationnel relève du détail et qu’il nous revient de résoudre les difficultés éventuelles qui peuvent se poser.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Frédérique Puissat, rapporteur. D’où l’avis défavorable de la commission sur les amendements identiques nos 95 et 111 rectifié.

L’amendement n° 9 rectifié de M. Capus tend à préciser que la notion de rémunération au moins équivalente du CDI proposé à l’issue d’un CDD doit s’entendre pour une durée de travail équivalente. Cette précision nous paraissant utile, notre avis sur cet amendement est favorable.

L’amendement n° 45 de Mme Jacquemet vise, d’une part, à exclure les contrats saisonniers du champ d’application de la suppression de l’indemnisation du chômage après trois refus de CDI et, d’autre part, à renvoyer aux partenaires sociaux la détermination du nombre de CDI refusés pour l’application de ce dispositif. La commission estime qu’il convient de ne pas traiter différemment les emplois saisonniers et elle a fait le choix d’inscrire directement dans le texte le nombre de refus de CDI déclenchant l’application du dispositif. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 110 rectifié de Mme Carrère, qui vise également à exclure les contrats saisonniers du dispositif, s’inscrit dans la même logique ; avis défavorable.

L’amendement n° 65 de Mme Apourceau-Poly tend à soumettre à l’avis conforme du CSE les modalités de recours au CDD et au travail temporaire. Il est déjà prévu que le CSE soit consulté sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi. À ce titre, cette instance est informée par l’employeur sur le recours aux CDD et au travail temporaire et peut émettre un avis sur le sujet. En revanche, il n’est pas un organe compétent pour déterminer la politique de recrutement de l’entreprise. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

Quant à l’amendement n° 83 rectifié de MM. Duplomb et Retailleau, vous aurez déduit de mes propos que la commission et le rapporteur y sont favorables. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement maintient son amendement n° 95 de suppression.

Le code du travail prévoit déjà que, à l’issue d’un CDD, un salarié qui est allé au bout de son engagement contractuel et qui refuse le CDI qui lui est proposé à des conditions au moins équivalentes peut ne pas percevoir la prime de précarité. Cela nous paraît suffisant ; nous estimons qu’il n’y a pas lieu de sanctionner davantage ce salarié.

Dans ces conditions, vous comprendrez que je sois trois fois plus défavorable (Sourires.) à l’amendement n° 83 rectifié de M. Laurent Duplomb, qui vise à réduire le nombre de refus de trois à un. J’estime qu’une telle disposition est trop sévère et restrictive.

Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur les amendements nos 45 et 65.

Enfin, sur les amendements nos 9 rectifié et 110 rectifié, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. En effet, il s’oppose aux dispositions adoptées par la commission des affaires sociales, mais si ces dispositions étaient maintenues dans le cadre de la navette, les précisions que ces deux amendements tendent à apporter seraient utiles.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Le fait de savoir lire ne garantit nullement que nous disposions de tous les éléments qui peuvent amener des personnes à refuser un CDI, madame le rapporteur, donc que nous puissions inscrire une telle disposition dans la loi. Je vous renvoie à l’exemple que j’ai donné précédemment, qui est fort répandu.

Cela dit, puisque nous sommes manifestement lancés dans une course à l’échalote, supprimons carrément les indemnisations chômage et l’Unédic ! Il y a fort à parier que tout le monde retrouvera un emploi et que les 320 000 offres d’emploi non pourvues trouveront preneur du jour au lendemain ! (Mme Émilienne Poumirol et Yan Chantrel applaudissent.)

Mme Catherine Procaccia. Tout en nuance !

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.

Mme Nadège Havet. Tout en comprenant la philosophie qui sous-tend cette disposition, je souhaite vous soumettre un exemple, mes chers collègues.

Un demandeur d’emploi doit démarrer en septembre 2023 une formation qui lui permettra d’accepter un emploi dans un métier en tension. En attendant de commencer celle-ci, cette personne enchaîne les CDD « alimentaires », ce qui lui permettra de plus d’avoir des droits pendant sa formation. Si cette personne se voit proposer trois CDI à l’issue de ses CDD et les refuse pour effectuer sa formation, elle perdra ses droits. Le risque est donc que cette personne renonce à sa formation à un métier en tension.

Cela revient à traiter les personnes qui ont honoré leur contrat et leurs engagements comme si elles avaient commis une faute.

Par ailleurs, quid des demandeurs d’emploi qui déclarent ne chercher que des CDD comme offres raisonnables d’emploi ? Les privera-t-on de droits s’ils refusent un CDI ?

Je voterai les amendements de suppression nos 95 et 111 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je voterai également pour ces amendements de suppression.

Poussons un peu le raisonnement. Si l’on prive un salarié d’ARE dès le premier CDI refusé à l’issue d’un CDD, pourquoi l’employeur n’a-t-il pas proposé d’emblée un CDI ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. C’est comme ça !

M. Laurent Duplomb. C’est sa période d’essai !

M. le président. Mes chers collègues, c’est Mme Raymonde Poncet Monge qui a la parole, veuillez l’écouter !

Mme Raymonde Poncet Monge. Vous semblez ne vous intéresser qu’aux employeurs, mes chers collègues, eh bien, pour ma part, quand j’étais employeur, je ne proposais que des CDI, car je souhaitais fidéliser mes salariés.

Faire systématiquement précéder une offre de CDI d’un CDD revient à prolonger la période d’essai d’un à trois mois, c’est un contournement du droit ! Lorsque j’ai dit cela, j’ai causé beaucoup de brouhaha, mais, je le répète, pourquoi les employeurs ne proposent-ils pas un CDI d’emblée ?

Le droit du travail prévoit qu’un salarié en CDD auquel on propose un CDI ne perçoit pas la prime de précarité. Soit, mais s’il est vrai que ce salarié ne subit plus la précarité, il l’a tout de même subie pendant la durée de son CDD, que ce soit pour obtenir un prêt bancaire ou pour se loger, et ce, du fait de l’employeur qui lui a d’abord proposé un CDD.

Les droits et les devoirs concernent les deux parties au contrat. On voit là toute l’absurdité de votre proposition…

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. J’expliquerai pour ma part pourquoi je suis défavorable à ces amendements identiques ; c’est-à-dire favorable à l’application des dispositions prévues au présent article, et même dès le premier CDI refusé.

Dans toutes les zones industrielles de mon territoire, l’ouest de la France, on trouve des panneaux indiquant que l’on cherche du personnel.

M. Laurent Duplomb. Absolument !

M. Philippe Mouiller. Permettez-moi de vous faire part d’une histoire personnelle. Dans ma commune, j’ai accompagné un jeune réfugié dans sa recherche d’emploi. Il a rapidement signé un CDD de six mois avec six autres jeunes. Au terme de son contrat, il me dit qu’il a signé un CDI et qu’il regrette de s’être « fait avoir ». En réponse à mes interrogations, il m’indique que les six autres jeunes n’ont pas accepté le CDI afin de percevoir des allocations chômage avant de signer un nouveau CDD, dont l’offre est abondante dans mon territoire. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

M. Laurent Duplomb. C’est la réalité !

M. Philippe Mouiller. Cette expérience me pousse à soutenir l’amendement n° 83 rectifié. Nous avons des emplois, nous avons également la possibilité d’accompagner les personnes socialement, au-delà de la recherche de travail. Le problème ne vient pas de là. La véritable difficulté est la mobilisation de tous les acteurs pour que les entreprises et les salariés s’y retrouvent. La recherche de cette adéquation bénéficiera à la fois à l’économie et à la réinsertion. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Je connais des exemples similaires à celui que vous donnez, monsieur Mouiller, mais je peux également citer des contre-exemples.

Je connais ainsi des employeurs qui proposent un CDI à l’issue d’un CDD afin de diminuer le salaire de leur salarié, en l’espèce un commercial.

M. Philippe Mouiller. Alors il touchera le chômage !

M. Martin Lévrier. Pas forcément.

Par ailleurs, il est très compliqué de rompre un CDD, pour le salarié comme pour l’employeur. Je connais donc des employeurs qui transforment un CDD en CDI afin de se débarrasser d’un salarié. Est-ce légitime ?

Les dispositions dont nous débattons visent de rares aléas et elles contribueront à complexifier le droit encadrant les CDD et les CDI, qui est plutôt satisfaisant.

Ou alors ouvrons un débat sur le rôle du CDD, mais, en tout état de cause, je suis convaincu que les dispositions dont nous débattons ne sont pas du tout opportunes pour les employeurs.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 95 et 111 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l’amendement n° 83 rectifié.

M. André Reichardt. J’ai déjà exprimé mon scepticisme quant à la possibilité de mettre en œuvre sans difficulté le dispositif introduit en commission. M. le ministre a bien voulu abonder dans mon sens, en reprenant le terme d’« usine à gaz » que j’avais hésité à prononcer. De fait, ce dispositif risque vraiment d’être une usine à gaz et je donne rendez-vous à tous ceux qui le voteront, même si je suis prêt à voter de même par solidarité dans le cas où l’amendement n° 83 rectifié de M. Duplomb ne serait pas adopté. Nous rencontrerons vraisemblablement les mêmes difficultés que celles auxquelles nous nous sommes heurtés avec l’offre raisonnable d’emploi.

J’ai donc réfléchi à la manière de rendre efficace le dispositif proposé par la commission et cet amendement de M. Duplomb me semble la seule voie possible. À partir du moment où l’on a, comme M. Duplomb, la volonté de régler un tant soit peu les tensions actuelles sur le marché de l’emploi – c’est aussi l’objectif de ce projet de loi –, il faut avoir le courage politique de prévoir que, si la privation d’emploi résulte du refus d’une proposition de contrat à durée indéterminée, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne peut pas être ouvert au demandeur d’emploi, et ce dès le premier refus.

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.

Mme Jocelyne Guidez. La disposition proposée aurait de nombreux effets de bord. Quid d’un couple dans lequel l’une des personnes est au chômage, tandis que l’autre sait qu’elle doit être mutée dans une autre région dans un délai de six mois ? Il est certain que celle qui est au chômage n’acceptera aucun CDI, au risque de perdre ses allocations si nous adoptons cet amendement, tout simplement parce qu’elle ne sera pas en mesure de le faire.

En outre, qui dit « pas d’allocation chômage » dit « possibilité de toucher le RSA sous trois mois » ; ainsi, ce sont les départements qui paieront. On peut donc s’interroger sur la recevabilité de cet amendement au titre de l’article 40 de la Constitution, car il crée une charge de trésorerie supplémentaire pour les départements.

Enfin, comment justifier d’un point de vue constitutionnel que l’on empêche une personne de percevoir des allocations, alors qu’elle a cotisé et s’est ainsi vue légalement ouvrir des droits ?

Par conséquent, le groupe Union Centriste ne votera pas cet amendement et s’en tiendra à la proposition initiale de la commission, qu’il trouve équilibrée.