Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.

1. Procès-verbal

2. Éloge funèbre de Philippe Madrelle, sénateur de la Gironde

M. le président

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

3. Hommage aux victimes d’une attaque à la préfecture de police de Paris

Suspension et reprise de la séance

4. Modification de l’ordre du jour

5. Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Motion d’ordre

Demande de la commission d’examen séparé des amendements nos 384 rectifié, 431 rectifié, 270 rectifié et 751 rectifié, à l’article 1er. – Adoption.

Discussion générale (suite) :

M. Éric Kerrouche

Mme Nathalie Delattre

M. Arnaud de Belenet

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

M. Philippe Adnot

Mme Cécile Cukierman

M. Alain Marc

M. Roger Karoutchi

M. Jean-Marie Mizzon

Mme Agnès Canayer

M. Didier Marie

M. Henri Cabanel

M. Dany Wattebled

M. Laurent Lafon

M. Jean-Marc Boyer

Mme Sylviane Noël

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Max Brisson

M. Sébastien Lecornu, ministre

Clôture de la discussion générale.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

M. Mathieu Darnaud, rapporteur

M. Sébastien Lecornu, ministre

Article additionnel avant le titre Ier

Amendement n° 745 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Articles additionnels avant l’article 1er

Amendements nos 179, 180 rectifié, 174, 175 et 177 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenus.

Amendement n° 744 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Amendement n° 746 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 1er

M. Roland Courteau

M. Antoine Lefèvre

Mme Cécile Cukierman

M. Yves Daudigny

M. Jean-Yves Roux

M. François Bonhomme

M. Maurice Antiste

M. Max Brisson

Mme Corinne Féret

Amendement n° 383 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendement n° 590 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.

Amendement n° 748 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 674 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Rejet.

Amendement n° 20 de M. Jean-Pierre Grand. – Retrait.

Amendement n° 124 rectifié bis de M. Patrice Joly. – Rejet.

Amendement n° 633 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.

Amendement n° 462 de M. François Patriat. – Retrait.

Amendement n° 904 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.

Amendement n° 636 rectifié de M. Henri Leroy. – Adoption.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

6. Mise au point au sujet d’un vote

7. Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 1er (suite)

Amendement n° 384 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet par scrutin public n° 2.

Amendement n° 431 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendement n° 270 rectifié de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.

Amendement n° 172 rectifié ter de M. Jean-Marie Mizzon. – Adoption par scrutin public n° 3.

Amendement n° 646 rectifié de Mme Martine Berthet. – Retrait.

Amendement n° 718 rectifié de Mme Jocelyne Guidez. – Retrait.

Amendements nos 203, 340, 333, 341, 343, 342 et 344 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenus.

Amendement n° 75 rectifié de M. Henri Cabanel. – Devenu sans objet.

Amendement n° 126 rectifié de M. Patrice Joly. – Devenu sans objet.

Amendement n° 738 rectifié de M. Bernard Delcros. – Devenu sans objet.

Amendement n° 145 rectifié bis de M. Jean-François Longeot. – Retrait.

Amendement n° 651 de M. Alain Marc. – Devenu sans objet.

Amendement n° 439 rectifié de Mme Catherine Fournier. – Retrait.

Amendement n° 484 rectifié de M. Laurent Lafon. – Retrait.

Amendement n° 591 rectifié bis de M. Maurice Antiste. –Devenu sans objet.

Amendement n° 440 rectifié de Mme Catherine Fournier. – Retrait.

Amendement n° 387 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Retrait.

Amendement n° 750 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.

Amendement n° 751 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 549 de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.

Amendement n° 385 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendement n° 386 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendements identiques nos 435 rectifié de M. Éric Kerrouche, 584 rectifié de Mme Nathalie Delattre, 734 rectifié bis de M. Bernard Delcros et 807 de M. Philippe Bonnecarrère. – Adoption des amendements nos 435 rectifié, 584 rectifié et 734 rectifié bis, l’amendement n° 807 n’étant pas soutenu.

Amendement n° 905 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rectification.

Amendement n° 905 rectifié bis de M. Olivier Jacquin. – Adoption.

Amendement n° 486 rectifié de M. Laurent Lafon. – Rejet.

Amendement n° 675 rectifié de M. Hervé Maurey. – Retrait.

Amendement n° 676 rectifié de M. Hervé Maurey. – Rejet.

Amendement n° 442 de M. Arnaud de Belenet. – Rejet.

Amendement n° 463 de M. François Patriat. – Rejet.

Amendement n° 485 rectifié de M. Laurent Lafon. – Retrait.

Amendement n° 217 rectifié de M. Henri Cabanel. – Retrait.

Amendement n° 76 rectifié de M. Henri Cabanel. – Rejet.

Amendement n° 749 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Yves Daudigny,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 3 octobre 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Éloge funèbre de Philippe Madrelle, sénateur de la Gironde

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, madame, c’est – souvenons-nous – avec beaucoup d’émotion et de tristesse que nous avons appris, le 27 août dernier, la disparition du doyen de notre assemblée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, et M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales, se lèvent.)

Philippe Madrelle nous a quittés au terme d’un combat contre la maladie qu’il menait courageusement, en poursuivant ses activités. Nous avons encore tous en mémoire – c’était au cours de la première session extraordinaire de cet été – l’intervention qu’il avait tenu à faire lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement.

Présent à ses obsèques, le 2 septembre, en l’église Notre-Dame de Bordeaux, je lui ai rendu un premier hommage, au nom du Sénat tout entier, lors de cette cérémonie d’adieu à laquelle assistaient un millier d’habitants de la Gironde et de nombreuses personnalités politiques, dont le président de son groupe, le groupe socialiste et républicain, Patrick Kanner.

Figure emblématique du département de la Gironde, Philippe Madrelle voua sa vie entière à un engagement inlassable au service de ses compatriotes et de l’intérêt général. Ses grandes facultés d’écoute et d’empathie, son humanisme, son indéfectible esprit de justice, de solidarité et de fraternité étaient unanimement salués et suscitaient le respect de tous.

Profondément ancré dans son territoire – oui, « son » territoire ! –, il exerça avec une longévité exceptionnelle, et sans doute inégalée, ses mandats locaux et nationaux. Il fut maire de Carbon-Blanc pendant un quart de siècle, de 1976 à 2001. La confiance des électeurs du canton de Carbon-Blanc, jamais démentie, renouvelée à sept reprises, lui permit de siéger sans discontinuité quarante-sept années durant au sein de l’assemblée départementale. Il présida aux destinées du département de la Gironde pendant trente-six ans, jusqu’en 2015, avec une brève interruption de 1985 à 1988. Élu pour la première fois au Sénat en 1980, après douze ans de mandat de député, et ensuite réélu sénateur à quatre reprises, il siégea pendant près de trente-neuf ans dans notre hémicycle.

Comme il en convenait lui-même en prenant la parole devant le Sénat, à cette place même, comme doyen d’âge en 2017, « sans doute ne sera-t-il plus possible, à l’avenir, de s’exprimer avec le recul de cinquante années de vie parlementaire ». Et pourtant, ce recul n’est pas inutile, me semble-t-il, à notre vie démocratique…

Philippe Madrelle était né le 21 avril 1937 à Saint-Seurin-de-Cursac, petite commune du Blayais dans le nord de la Gironde, là même où il repose aujourd’hui.

Il fut immergé dans la vie politique dès son plus jeune âge. Son père, contrôleur des contributions, était aussi un militant SFIO et un élu local, conseiller municipal, puis maire de la commune.

Le sport occupa une place importante dans sa jeunesse. Coureur de fond, il fut plusieurs fois champion universitaire de 400 mètres. Ainsi qu’il le déclara plus tard, cette dure école du sport lui donna des leçons de courage, d’endurance, d’humilité et de loyauté.

Titulaire d’un baccalauréat de philosophie et d’un certificat d’études littéraires générales de la faculté de Bordeaux, il débuta dans la vie professionnelle comme instituteur dans un village, puis comme professeur d’anglais.

Mais Philippe Madrelle fut très tôt attiré par la vie politique, où l’entraînèrent tant ses inclinations personnelles que cette solide tradition de militantisme familial. Son père déclarait pourtant qu’il l’avait plutôt poussé vers l’enseignement, car « la politique, c’est instable. Mieux vaut avoir un métier ». (Sourires.) De même, son frère Bernard, également enseignant à l’origine, s’orienta ensuite vers la politique et fut longtemps député de la Gironde, de 1978 à 2007.

Dès 1965, à l’âge de 28 ans, Philippe Madrelle fut élu conseiller municipal d’Ambarès. Deux ans plus tard, il devint le suppléant du député René Cassagne. Cet ami de son père, autre grande figure du socialisme girondin, fut, selon ses propres dires, « l’inspirateur de toute [sa] carrière ».

Philippe Madrelle lui succéda à l’Assemblée nationale en 1968. À l’âge de 31 ans, il fut alors le plus jeune député de France et le benjamin du groupe socialiste. Il ne savait pas encore que le destin le conduirait, cinquante années plus tard, à devenir le doyen du Sénat.

Il fut successivement conseiller général en 1969, adjoint au maire de Carbon-Blanc en 1971, puis, comme je l’ai évoqué, maire de cette commune.

Quelques mois après son élection comme maire, il devint, à 39 ans, le plus jeune président de conseil général de France.

Il s’investit avec passion dans cette fonction. Il s’attacha sans relâche à favoriser le développement de son département – un développement, je souhaite le préciser car c’est un point auquel il tenait par-dessus tout et dont il m’avait entretenu, équilibré entre espace urbain et monde rural, entre la métropole bordelaise et les autres composantes du plus vaste département de France métropolitaine.

Pour ce faire, il dota l’assemblée départementale d’instruments d’action novateurs, comme le fonds départemental d’aide à l’équipement des communes. Il mit également en place des contrats de développement social, urbain et rural, pour soutenir tant les quartiers sensibles que les zones rurales fragilisées.

En 1980, il fit donc son entrée au Sénat. Expliquant son choix de quitter l’Assemblée nationale pour rejoindre notre assemblée, il déclarait alors que sa fonction de président de conseil général l’orientait tout naturellement vers la chambre représentant les collectivités territoriales.

En 1981, il succéda à André Labarrère comme président du conseil régional d’Aquitaine. Pendant quelques années, il fut à la fois sénateur, président de conseil général et président de conseil régional ! (Murmures amusés dans lassemblée.)

C’est une frange de l’histoire qui passe, avec cet hommage que nous rendons, aujourd’hui, dans cet hémicycle, à notre collègue Philippe Madrelle !

À un journaliste du Monde, qui l’avait interpellé sur le cumul de ces lourdes responsabilités, il avait rétorqué qu’il serait prêt à donner l’exemple en cas de vote d’une loi limitant le cumul des mandats, tout en faisant observer que « la carte de visite est imprimée par le [seul] suffrage universel ». (Sourires.)

Au Sénat, Philippe Madrelle choisit de siéger à la commission des affaires étrangères et de la défense, dont il fut membre pendant plus de vingt ans avant de rejoindre la commission de la culture en 2011, puis la commission de l’aménagement du territoire en 2014. C’est donc tout naturellement qu’il prenait régulièrement part aux débats sur les questions de politique étrangère ou de défense.

Il avait gardé de sa jeunesse un intérêt particulier pour le milieu sportif et avait à cœur d’intervenir, presque chaque année, sur le budget de la jeunesse et des sports.

Il profitait également, le plus souvent possible, des séances de questions orales pour défendre les intérêts de son cher département de la Gironde sur des questions qui lui tenaient à cœur.

Philippe Madrelle fut un acteur majeur de la décentralisation en Gironde. Décentralisateur acharné, il était, dans tous les sens du terme, un « Girondin ». Dès 1980, il déclarait croire profondément en l’avenir de la décentralisation, « cette réforme essentielle pour l’avenir démocratique de notre pays ». Aussi s’engagea-t-il avec conviction en faveur des lois de décentralisation initiées par le président Mitterrand et Gaston Defferre.

Il fut en même temps, tout au long de sa carrière politique, un défenseur du monde rural et des collectivités territoriales, tout particulièrement du binôme département-communes. Son épouse me disait combien la rencontre avec les maires, jusqu’au dernier instant, était pour lui un moment où il nourrissait son action.

En 1998, il écrivait dans une tribune libre publiée dans Le Figaro : « Comment imaginer de renoncer à l’inestimable atout de proximité que constitue le couple département-communes ? » Il considérait ces collectivités comme des « socles de notre démocratie ».

En 2002, il défendait, cette fois dans le journal Sud-Ouest, l’avenir du département comme « territoire de référence et d’appartenance » et « collectivité de solidarité ».

En 2014, au cours de la campagne pour les élections sénatoriales, il dénonçait, transgressant même le périmètre établi par sa propre formation politique, la réforme territoriale en cours comme portant atteinte à ce binôme département-communes, qui avait permis – je reprends ses mots – de « mettre fin à des siècles de féodalité ».

Philippe Madrelle avait pressenti, avant tout autre, le péril mortel que ferait courir à notre démocratie une fracture territoriale qui ne cesse, depuis des années, de s’élargir. Souvenons-nous de son allocution de président d’âge en 2017 : « nous avons tous conscience qu’il y a urgence à prendre en compte la lassitude et les attentes des élus locaux, qui animent dans la proximité les cellules de base de la République et de notre démocratie représentative ».

Sa carrière de parlementaire et d’élu local l’avait également convaincu, depuis longtemps, de la nécessité d’une seconde chambre, assurant la représentation de la Nation selon une approche fondée sur les territoires, et ce même s’il pensait que le Sénat devait sans cesse s’adapter et se moderniser.

Je reviens une fois de plus à l’allocution qu’il fit, en qualité de doyen d’âge, en 2017. Il avait tenu à se référer, en tant que Girondin, à Montesquieu, pour qui le bicamérisme était une condition essentielle de l’équilibre des pouvoirs. Il avait également rappelé que le bicamérisme était « la marque des régimes démocratiques ». Selon ses propres mots, le Sénat, loin d’être l’assemblée conservatrice parfois décrite par ses détracteurs, était l’assemblée de l’approfondissement du travail législatif, « un lieu de travail serein et sincère, dont la valeur essentielle est le respect : respect des principes de la République, respect du Gouvernement, respect du pluralisme et de la diversité idéologique, et surtout respect des collègues et de leurs expressions ou opinions, en toutes circonstances ». Ces mots, je crois, sont la meilleure présentation du Sénat.

Soucieux de la préservation et de la transmission de la mémoire de l’action des sénateurs, Philippe Madrelle a tenu à déposer au Sénat, au début de cette année, son fonds d’archives privées liées à l’exercice de son mandat sénatorial.

L’hommage que nous lui rendons aujourd’hui n’est pas uniquement solennel ; il est aussi affectif. C’est un hommage à un parlementaire estimé, un humaniste. C’est un hommage à un défenseur inlassable de la ruralité et des collectivités territoriales, un acteur majeur de la décentralisation et de l’aménagement du territoire, un partisan du bicamérisme, et notre doyen – ce qui a un sens pour chacun d’entre nous, quel que soit le groupe dans lequel nous siégeons.

À ses anciens collègues des commissions des affaires étrangères, de la culture et de l’aménagement du territoire, à ses amis du groupe socialiste et républicain, j’exprime toute notre sympathie.

À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille et à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur chagrin.

Philippe Madrelle, nous ne l’oublierons pas comme ça, comme le temps qui passe !

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame, nous sommes aujourd’hui réunis pour honorer la mémoire du sénateur Philippe Madrelle. En tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, j’ai témoigné, lors de ses funérailles à Bordeaux, au nom du Gouvernement, de la reconnaissance de la République à l’un de ses plus fidèles serviteurs.

Philippe Madrelle aura connu un parcours politique exceptionnel. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président, lui-même indiquait, lors du discours qu’il prononça comme doyen d’âge du Sénat, à l’ouverture de la séance ayant suivi le dernier renouvellement de la Haute Assemblée, en 2017, que des parcours comme le sien ne seraient bientôt plus possibles.

Il aura en effet exercé les mandats de sénateur, député, maire de Carbon-Blanc, président du conseil général de la Gironde et président du conseil régional d’Aquitaine. C’est une vie entière consacrée à la politique et au bien commun !

Cet engagement tient sans doute à un atavisme paternel. C’est son père Jacques, adhérent de la SFIO et lui-même maire, qui l’éveillera à la politique et au militantisme.

Mais il y a une dimension personnelle dans ce parcours hors du commun : Philippe Madrelle aimait la politique dans le sens le plus noble du terme, parce qu’il aimait les gens et ne répugnait pas non plus au combat politique – on peut même dire qu’il en avait le goût. « Seule la victoire a un intérêt », avait-il confié à son biographe dans la perspective de la publication d’un ouvrage retraçant son parcours.

Cette ardeur au combat politique n’était peut-être pas étrangère à son goût pour la compétition sportive, qu’il pratiqua dès son plus jeune âge, remportant, année après année, le cross de l’école primaire avant de devenir le champion de 400 mètres que vous avez évoqué, monsieur le président.

Mais cet homme politique d’une redoutable pugnacité était aussi un homme chaleureux et sensible. L’un n’allait pas sans l’autre, et la longévité de son parcours illustre la confiance qu’il aura su inspirer à ses électeurs, pour lesquels il éprouvait un attachement sincère et réel. Il savait se montrer à l’écoute de chacun, avec une curiosité inépuisable et une profonde empathie.

Après ses premiers pas dans l’enseignement à Ambarès, il fut élu conseiller municipal SFIO en 1965, à l’âge de 28 ans, puis succéda à René Cassagne en qualité de suppléant, devenant à 32 ans le plus jeune député de France, du département le plus grand de France métropolitaine.

En 1967, il devient président du conseil général, fonction qu’il exercera, à l’exception d’une période de trois ans, entre 1985 et 1988, jusqu’en 2015.

Précurseur de la décentralisation, il crée en 1977 un fonds départemental d’aide à l’équipement des communes, qui constituera un instrument d’aménagement précieux au service d’une exigence de justice et d’équité territoriales. Seul le Lot de Maurice Faure et la Nièvre de François Mitterrand s’étaient alors dotés d’un instrument comparable.

Il manifesta ainsi précocement les qualités qui feront de lui le grand aménageur auquel les lois Defferre permettront de donner sa pleine mesure. « Pas de Gironde à deux vitesses », se plaisait-il à dire, et il mettra en place, au fil des années, les instruments permettant aux 535 communes de son territoire, qu’elles soient petites ou grandes, de se couvrir d’équipements structurants : places, salles polyvalentes, gymnases – tous ces lieux où se tissent les liens invisibles et indispensables qui font la cohésion sociale.

En 2017, dans son discours d’ouverture de la séance publique, il portait un regard rétrospectif sur son action et disait avoir découvert, dans ses fonctions d’élu local, « l’importance déterminante du rôle des politiques d’aménagement et de solidarité mises en place par des institutions de proximité comme le conseil départemental ».

À cette attention portée à l’équilibre territorial s’ajoutait un combat contre les inégalités. Philippe Madrelle s’investit tout particulièrement dans la politique de l’aide sociale à l’enfance, qui constitua l’un des axes de ses mandats de président de département et fut sa fierté, lui qui avait débuté sa carrière en tant qu’enseignant.

Son territoire, il en avait une intime connaissance, connaissance des lieux, du patrimoine – du plus grandiose au plus modeste –, des élus aussi. Hervé Gillé, qui lui succède, a confié à la presse ses souvenirs de la campagne électorale de 2014, et son admiration de voir Philippe Madrelle appeler par leurs nom et prénom tous les maires et les adjoints rencontrés à cette occasion. Évoquant son souvenir, votre collègue Françoise Cartron a pu déclarer facétieusement : « Pas besoin de GPS avec Philippe Madrelle : il connaît toutes les routes de Gironde ! »

C’est fort de cet enracinement local que Philippe Madrelle deviendra député, puis sénateur. Après avoir siégé à l’Assemblée nationale de 1968 à 1980, il entra au Sénat et fut réélu à cinq reprises. Il y siégera près de trente-neuf ans.

Ardent défenseur du bicamérisme, il voyait la Haute Assemblée, non seulement comme une « tribune » des territoires, pour reprendre le terme qu’il employait, mais aussi comme une institution essentielle à l’équilibre des pouvoirs, cher à Montesquieu, comme lui Girondin.

Philippe Madrelle avait une longue expérience, mais ne se laissait pas entraîner à la facilité d’une nostalgie stérile. Il constatait les modifications profondes d’exercice du mandat parlementaire, en particulier, et des mandats politiques, en général. Il appelait de ses vœux l’approfondissement du travail des assemblées, tout en souhaitant que le Sénat puisse continuer à relayer les préoccupations de toutes les collectivités territoriales.

Ce fut un homme qui suscita des vocations et forma des générations de jeunes élus talentueux et dévoués. Pour son territoire, pour la République, il eut la générosité de se projeter au-delà de lui-même. Il était conscient de la défiance manifestée par nos concitoyens envers nos institutions et ceux qui les incarnent, et appelait à la vigilance face à une lassitude des élus.

Le projet de loi que le Sénat s’apprête à examiner lui aurait sans doute donné l’occasion de débattre avec le Gouvernement des moyens de conforter ces hommes et ces femmes politiques sans lesquels la démocratie ne peut fonctionner.

Philippe Madrelle aura incarné une certaine génération d’hommes politiques, pour lesquels l’engagement était celui d’une vie. Fidèle à ses électeurs, fidèle à son parti, fidèle à son territoire, inlassable bâtisseur, il laisse un vide béant pour ses proches, pour son épouse, ses enfants, sa famille, ses collaborateurs, ses concitoyens, ses collègues du groupe socialiste et républicain, l’ensemble de ses collègues au Sénat. Je leur adresse à tous, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, mes condoléances attristées.

M. le président. Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous invite maintenant à partager un moment de recueillement à la mémoire de notre doyen Philippe Madrelle. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme et MM. les ministres, observent une minute de silence.)

3

Hommage aux victimes d’une attaque à la préfecture de police de Paris

M. le président. Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de suspendre la séance, conformément à notre tradition, en signe d’hommage à Philippe Madrelle, je vous propose maintenant d’avoir une pensée pour les quatre fonctionnaires de la préfecture de police de Paris, morts en service jeudi dernier et auxquels la Nation a rendu hommage ce matin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme et MM. les ministres, observent une minute de silence.)

Nous allons suspendre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que le Sénat sera appelé à se prononcer le jeudi 10 octobre, à dix heures trente, sur les conclusions de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable relatives à la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête afin d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.

Le délai limite pour le dépôt des amendements sur cette proposition de résolution est fixé à demain, mercredi 9 octobre, à dix-sept heures.

Avant le vote du texte, la parole sera accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe pour une durée de deux minutes trente.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Article additionnel avant le titre Ier - Amendement n° 745 rectifié bis

Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (projet n° 677 rectifié [2018-2019], texte de la commission n° 13, rapport n° 12).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, État et collectivités ont la République en partage. Les élus locaux, au premier rang desquels les maires, sont au plus près des citoyens, de leurs demandes, encouragements ou récriminations.

Dans tous mes déplacements, je constate la volonté inébranlable de femmes et d’hommes portés par la fierté d’agir au quotidien pour leurs habitants. Ils conduisent leur mandat avec un engagement sans limite.

Lors des consultations menées dans le cadre du grand débat national, les maires ont pu témoigner de cet engagement. Ils ont également confié leurs attentes et leurs aspirations. Ces attentes, je les comprends au regard de la complexité de la tâche à accomplir et de leur farouche volonté d’apporter à nos concitoyens les meilleures réponses à leurs problèmes du quotidien.

Le projet de loi dont votre assemblée entame l’examen est une première réponse concrète. Il est porté par Sébastien Lecornu, qui a mené une large concertation, tant avec les élus locaux qu’avec les parlementaires.

Ce texte propose deux leviers majeurs. D’une part, il redonne des libertés locales, afin que les élus retrouvent des capacités d’action et que les décisions se rapprochent du terrain, en proposant une meilleure articulation entre communes et intercommunalités. D’autre part, il lève certains freins à l’engagement et au réengagement des élus locaux dans la perspective des prochaines élections municipales.

Les propositions de ce texte sont résolument pragmatiques : elles visent à donner plus de souplesse et à remettre de la proximité dans l’exercice des politiques publiques.

Ces actions sont très attendues au sein des territoires. Elles s’inscrivent dans la droite ligne de la mission que je mène à la tête de mon ministère : relever le défi de la cohésion des territoires.

À cette fin, nous avons renouvelé notre cadre d’action publique. Nous partons des besoins, des modes de vie locaux, pour proposer un accompagnement sur mesure des projets de territoire à travers les programmes d’appui. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités territoriales pour revitaliser les centres-villes, promouvoir le retour de l’industrie dans nos campagnes, conforter le lien social et l’emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ou encore assurer le déploiement du service public. De manière générale, nous voulons que chacun de nos concitoyens dispose des mêmes chances et des mêmes possibilités, quel que soit l’endroit où il habite.

L’État devient facilitateur, accompagnateur des élus locaux, au lieu de se conduire en prescripteur. C’est ainsi que nous avons conçu l’agenda rural, que le Premier ministre et moi-même avons présenté au congrès des maires ruraux, le 20 septembre dernier à Eppe-Sauvage, dans le département du Nord. D’ailleurs, nombre de mesures inscrites dans le projet de loi que nous vous présentons aujourd’hui sont la traduction de mesures proposées dans cet agenda rural.

C’est cette même philosophie qui guide les travaux préalables au prochain acte de décentralisation et de différenciation ; ce nouveau texte, appelé désormais « 3D » – décentraliser, différencier, déconcentrer –, vise plus largement à incarner les nouvelles relations entre l’État et les collectivités. Il permettra de développer une boîte à outils pour adapter notre action commune aux réalités locales. Il sera le réceptacle pour envisager de potentiels transferts de compétences entre l’État et les collectivités ou entre les collectivités elles-mêmes. Il sera également le réceptacle des mesures qui permettront, demain, d’assouplir la procédure d’expérimentation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de céder la parole à Sébastien Lecornu, je tiens à vous le dire une nouvelle fois : l’État et les collectivités – j’en ai la conviction – ont destin lié pour dessiner l’avenir de nos territoires. La cohésion des territoires, objectif qui nous réunit, c’est le pari d’une France conquérante, parce qu’elle est attractive. Nous ne relèverons ce pari qu’en faisant alliance avec les collectivités territoriales, qui ont fait la démonstration de leur pleine maturité.

Je n’en doute pas : le Sénat, dans sa grande sagesse, mettra tout en œuvre pour renforcer ces libertés et responsabilités locales, comme il l’a encore signifié récemment.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ces enjeux sont tellement importants pour l’avenir de nos territoires qu’il nous faut y travailler collectivement, et de façon constructive ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président du Sénat, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Jacqueline Gourault vient de le rappeler : la question territoriale a déjà fait l’objet de nombreux actes législatifs. Je pense évidemment à la proposition de loi de Mme Gatel relative aux communes nouvelles,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !

M. Sébastien Lecornu, ministre. … texte que nous avons su examiner collectivement il y a de cela quelques mois.

En la matière, d’autres textes sont à venir : le présent projet de loi, que je vais vous présenter succinctement dans un instant, le projet de loi de finances pour 2020 et, bien entendu, le projet de loi de décentralisation auquel Mme la ministre a fait référence.

Monsieur le président du Sénat, il y a maintenant quelques mois, je m’étais engagé auprès de vous à changer de méthodologie dans la construction du présent texte. Ainsi, nous avons mené des consultations directes avec les associations d’élus – nous en avons désormais l’habitude et, à ce titre, je n’oublie pas les 96 heures de débats entre le Président de la République et les maires de France, pendant le grand débat national… (M. Philippe Dallier sexclame.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. C’était un monologue !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Dallier, 96 heures de débats, cela s’entend, cela s’écoute…

M. Philippe Dallier. Religieusement ! (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. D’ailleurs, à cette occasion, un certain nombre de maires de Seine-Saint-Denis sont venus à la rencontre du Président de la République.

Monsieur le président du Sénat, je me suis également engagé auprès de vous à mener la meilleure coproduction possible avec la Haute Assemblée. Avec votre accord, avec votre concours, nous nous sommes donc inspirés de nombreux travaux du Sénat, qu’il s’agisse de propositions de loi passées – je pense aux textes élaborés par Alain Marc et par Mathieu Darnaud – ou des recommandations formulées par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel. De plus, nous avons rencontré l’ensemble des présidents de groupe afin de faire converger toutes les sensibilités ici représentées vers un texte pragmatique.

Or, en la matière, la seule manière d’être pragmatique, c’est de répondre aux attentes des 600 000 élus locaux que dénombre notre pays.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Sébastien Lecornu, ministre. En résumé, nous devons répondre à trois sentiments, qu’expriment nos collègues maires, adjoints au maire et conseillers municipaux : le présent texte traite essentiellement du bloc communal, et le projet de loi de Jacqueline Gourault sera, quant à lui, consacré davantage aux questions départementales et régionales.

Le premier sentiment est, sans nul doute, celui de la complexité : il est plus difficile d’être maire ou adjoint au maire aujourd’hui qu’il y a quinze, vingt ou trente ans. (Mme Brigitte Micouleau opine.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bien souvent, nos collègues élus locaux expriment ce sentiment avec beaucoup de force, et ils s’adressent à nous, membres du Gouvernement, députés et sénateurs : les normes dont il s’agit traduisent parfois une pression sociétale, exercée par nos concitoyens.

Bien souvent, la simplification, c’est compliqué. Les quelque mille amendements déposés sur ce texte en témoignent : il existe une forte volonté normative de garantir une égalité territoriale pour l’ensemble du pays. Bien souvent, nous faisons de grands discours pour parler de liberté ; mais, très vite, cette autre valeur républicaine essentielle qu’est l’égalité vient concurrencer la liberté. N’est pas tocquevillien qui veut, monsieur le président de la commission des lois !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En effet…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Aussi, nous vous adressons un certain nombre de propositions qui, grâce à la discussion parlementaire, pourront sans doute aller beaucoup plus loin.

Nous proposons un certain nombre de dérogations, notamment un dispositif opérationnel en faveur du patrimoine en danger ; nous traitons de l’organisation des délégations entre élus au sein des collectivités territoriales ; du rapprochement entre différentes collectivités ; de certaines obligations qui, n’étant pas tout à fait nécessaires, pourraient céder la place à des dispositions facultatives – je m’attends déjà à un débat nourri quant à la faculté, pour les conseillers communautaires, d’instituer ou non un conseil de développement.

Nous défendons également plusieurs innovations territoriales : je pense par exemple au médiateur territorial, dont le groupe du RDSE a suggéré la création via une proposition de loi. Nous devons encore avancer dans l’écriture de ces dispositions ; mais ces dernières présentent un intérêt certain. Plus largement, le débat et la navette parlementaires vont permettre, j’en suis persuadé, d’enrichir ces différents dispositifs.

Le deuxième sentiment que nous avons entendu et que nous entendons, de la part des élus locaux, lorsque nous nous rendons dans nos territoires, c’est celui de la dépossession.

Monsieur le président du Sénat, vous le dites souvent : « Les maires sont à portée d’engueulade. » Encore faut-il qu’ils se fassent « engueuler » pour ce qu’ils ont vraiment décidé, et non pour des mesures prises à d’autres endroits, à d’autres niveaux ! Naturellement, c’est toute la question de la relation entre la commune et son intercommunalité.

L’intercommunalité a été un outil populaire chez les élus locaux. Malheureusement, certaines dispositions de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, sont venues créer des « irritants » – je revendique la paternité de ce mot ! (Sourires.) Petit à petit, elles ont conduit à organiser une concurrence au sein du bloc communal. Sans cesse plus intégrés, toujours plus grands, les établissements publics de coopération intercommunale finissent par oublier que c’est le maire qui doit être au cœur de l’intercommunalité, et pour cause : l’EPCI est non pas une collectivité territoriale, mais un établissement public au service des communes.

M. Bruno Sido. Voilà !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit donc, en suivant ce chemin de crête, de continuer à défendre l’intercommunalité. En cette année 2019, nous fêtons les vingt ans des lois Chevènement, mais nous ne devons pas occulter les différentes irritations et incompréhensions que nous entendons sur le terrain, autour du triptyque bien connu : gouvernance – à ce sujet, nous nous inspirerons des travaux du Sénat, en particulier de la proposition de loi d’Alain Marc, que je salue –, compétences – je n’ignore pas que la question de l’eau et de l’assainissement devient également politique : nous devons la traiter avec beaucoup de calme et de pragmatisme – et périmètres.

Au sujet des périmètres, les élus municipaux de la mandature 2014-2020 ont connu d’immenses bouleversements ! Pour notre part, nous voulons proposer des outils pour corriger, sans pour autant sacrifier les élus en exercice entre 2020 et 2026, car nos collègues demandent des corrections et, en aucun cas, un grand soir.

Le troisième sentiment entendu sur le terrain est plus terrible, plus redoutable : c’est le besoin de protection, qui soulève plusieurs enjeux, à commencer par l’engagement. Les élus s’interrogent : « Pourquoi m’engager ? Pourquoi donner du temps à la cité ? » Bien souvent, ils accomplissent leur mission bénévolement : l’essentiel des élus municipaux de notre pays ne perçoivent aucune indemnité.

M. Jean-François Husson. Il est bon de le rappeler, monsieur le ministre !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout à fait monsieur Husson, et j’ajoute que la question de l’engagement ne se pose pas seulement pour les élus municipaux. Est-il plus compliqué, aujourd’hui qu’il y a vingt ans, de trouver des sapeurs-pompiers volontaires ? La réponse est oui. Est-il plus difficile, aujourd’hui qu’il y a vingt ans, de recruter des réservistes dans les armées ou dans la gendarmerie ? La réponse est oui. Est-il plus difficile, aujourd’hui qu’il y a vingt ans, de trouver des bénévoles pour faire vivre nos associations ? La réponse est oui.

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. C’est vrai !

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’engagement local, l’engagement municipal n’échappent pas à cette évolution. Nous devons aborder la question aussi sereinement que possible, et avec beaucoup d’humilité. Face à ce mouvement de décomposition très lent que connaît notre société, il n’y aura peut-être pas de solution miracle. Mais collectivement, avec beaucoup de pragmatisme, nous pouvons redonner envie, en mettant de nouveau en lumière la beauté de l’engagement, du don de soi pour la République, et notamment pour la démocratie locale – nous y reviendrons.

Il s’agit de traduire ces ambitions par des mesures concrètes. D’aucuns parlent de statut de l’élu. Toutefois, sur le terrain, certains n’apprécient pas ce terme. Ils nous disent : « Je ne veux pas un statut, mais un cadre pour m’engager. Je ne veux pas être le salarié, l’agent de ma commune, je veux en être l’élu. »

Je vous propose donc tout simplement une série de mesures pragmatiques et calmes, concernant, notamment, la question des indemnités. Je tiens à saluer sincèrement, madame Gatel et monsieur Darnaud, votre prise de position sur ce point. Je dois vous avouer que j’ai écrit à beaucoup d’associations d’élus à ce propos, et que certaines d’entre elles, pourtant éminentes, n’ont toujours pas pris la peine de répondre au Gouvernement pour se positionner sur la proposition gouvernementale ou sur celle de la commission des lois.

Je salue le Sénat, singulièrement sa commission des lois, qui a pris cette question à bras-le-corps. On sait que la vérité n’est pas évidente à identifier en la matière dans notre pays, mais je crois que nous avançons et je tiens à m’en réjouir.

La question de la formation est évidemment importante. Aujourd’hui, un élu départemental, régional, d’une grande métropole ou d’une grande ville, a facilement accès au budget qui y est consacré, mais nous devons aller plus loin s’agissant de formation des élus ruraux, même si Jacqueline Gourault, lorsqu’elle siégeait parmi vous, a fait avancer les choses avec le DIF, le droit individuel à la formation.

En ce qui concerne les frais d’accompagnement pour celles et ceux qui sont chargés de famille ou de personnes en situation de handicap, nous devons comprendre que nous ne sommes pas égaux : on ne peut pas s’absenter si facilement pour un conseil municipal ou pour une commission municipale lorsque l’on est dans cette situation. Sur ce point également, la solidarité nationale est appelée en soutien, notamment pour toutes les communes jusqu’à 3 500 habitants. Arnaud de Belenet a déposé un amendement, que je salue, visant à leur permettre de voir ces différents frais pris en charge par l’État.

Le pragmatisme, encore, monsieur le sénateur Éric Kerrouche, me conduit à vous indiquer que je vais lever le gage sur un amendement que vous avez déposé concernant l’adaptation des frais spécifiques de déplacement pour les élus en situation de handicap, et qui n’est pas directement recevable au titre de l’article 40. C’est une proposition qui devrait nous rassembler et j’émettrai un avis favorable à son endroit.

Monsieur le président du Sénat, vous étiez vous-même à Signes ; nous ne pouvons pas débuter la discussion de ce texte sans avoir une pensée particulière pour le maire de Signes, qui a fait don de sa vie dans l’exercice de ses fonctions.

Cela a mis un coup de projecteur, dans les médias, sur l’autre casquette des maires dans leur commune : ils sont non seulement patrons de leurs collectivités territoriales, mais ils sont aussi officiers de police judiciaire, agents de l’État dotés de pouvoirs de police depuis maintenant plus de deux siècles. C’est un héritage de la Révolution française.

On a parfois laissé les maires trop seuls dans l’exercice de cette mission, dans une société sans cesse plus violente au sein de laquelle certains de nos concitoyens multiplient, malheureusement, les incivilités et manquent de respect envers nos élus locaux.

Sur ce point également, ce projet de loi prévoit un certain nombre d’outils de protection et, lorsqu’il est malheureusement trop tard, d’accompagnement juridique et psychologique.

Il y a quelques semaines, avec Mme la sénatrice Gatel et quelques autres, nous avions reçu des élus qui avaient été agressés dans le cadre de leurs fonctions. Par pudeur, ceux-ci avaient refusé de présenter à leur conseil municipal une facture de cabinet d’avocats, mais, arrivés au tribunal correctionnel en tant que victime, ils avaient constaté que leurs agresseurs, eux, avaient un avocat.

De cela nous ne voulons plus et nous entendons donc garantir un niveau d’équité entre tous les élus de la République en matière d’accompagnement juridique ; ceux-ci sont en droit d’en bénéficier non seulement lorsqu’ils sont mis en cause, mais également lorsqu’ils sont victimes. C’est une mesure qui va dans le bon sens et qui doit faire honneur à la République.

Il sera également nécessaire d’être plus en confiance : on parle beaucoup de liberté, mais, bien souvent, lorsqu’il s’agit d’attribuer des compétences nouvelles aux élus locaux, tout le monde résiste.

Ces compétences nouvelles relèvent non pas seulement de la décentralisation, mais aussi de la déconcentration, s’agissant de certains pouvoirs de police, notamment administrative, qui sont traditionnellement aux mains des préfets, mais qui, demain, doivent pouvoir revenir aux maires afin de leur garantir l’exécution des décisions qu’ils ont prises.

Sur ce sujet aussi, le projet de loi contient un certain nombre d’éléments. Je tiens à saluer les travaux de la commission des lois, une fois de plus, qui souhaite enrichir les dispositions que nous avons proposées.

En conclusion, monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de cette coproduction, nous la devons aux 600 000 élus locaux de ce pays, je vous remercie également des 1 000 amendements que vous avez déposés et qui traduisent une vitalité démocratique qui me semble de bon ton. (Sourires.) Même si, comme le président du Sénat l’a rappelé, l’urgence a été déclarée sur ce projet de loi.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous le savez, monsieur Roger Karoutchi, vous qui avez été ministre en charge des relations avec le Parlement, certaines dispositions doivent produire leurs effets au 1er janvier prochain ; l’urgence n’a pas été décidée pour le plaisir, mais bel et bien parce que beaucoup de nos collègues élus sur le terrain attendent les effets juridiques de ce texte de loi au 1er janvier.

M. Roger Karoutchi. Je n’y suis pour rien !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne doute pas que vous serez attentif à ces attentes de terrain !

J’appliquerai trois principes à l’égard des amendements déposés, d’où qu’ils viennent, car il nous faut collectivement tirer les conclusions de l’épisode de la loi NOTRe. Comme vous le savez, quand j’étais maire de Vernon et président du conseil départemental de l’Eure, je m’étais opposé farouchement à ce texte.

M. Roger Karoutchi. À juste raison !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je resterai constant dans cette opposition. Ces trois critères me semblent importants.

Le premier, ainsi que je l’ai dit précédemment, est le suivant : des corrections, oui, le grand soir, non. Nos collègues élus locaux ne comprendraient pas que nous nous lancions dans un énième big-bang territorial, je n’en entends pas le souhait sur le terrain, mais je serai heureux d’en débattre avec vous.

Je vous présente le deuxième critère sans filtre : tout le monde parle de liberté, mais beaucoup d’amendements visent encore et toujours à rigidifier et à normer ce qui se passe dans les collectivités territoriales. C’est le droit le plus souverain du Parlement que de le définir, puisque les collectivités territoriales, dont l’autonomie est certes reconnue par la Constitution, sont tout de même soumises aux lois, lesquelles doivent elles-mêmes être constitutionnelles.

Il faut néanmoins être cohérents : l’on affirme la liberté, en accusant souvent l’État, les préfets ou le Gouvernement d’être une source de rigidité, mais j’aurai l’occasion de rappeler que, sur le millier d’amendements déposés, beaucoup d’entre eux ne vont pas forcément dans le sens de la liberté.

Le troisième critère est l’impact financier. Si, pendant les discussions de la loi NOTRe, on s’était davantage interrogé, au moment de toucher aux questions institutionnelles, sur les conséquences réelles que ces mesures pouvaient emporter sur le périmètre des intercommunalités, sur le degré d’intégration fiscale, sur le calcul du potentiel financier ou, évidemment, sur la question des compétences, certains de nos collègues élus, confrontés à certains choix, n’auraient peut-être pas pris les décisions qu’ils ont prises sur le terrain.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

M. Bruno Retailleau. Le Conseil constitutionnel a abdiqué sur l’exigence d’une étude d’impact !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je souhaite seulement que les commissaires aux lois n’ignorent pas, par ailleurs, le très bon travail des commissaires aux finances de cette institution ! Nous ne pouvons pas, monsieur le président Retailleau, passer plusieurs heures à travailler avec cette assemblée, qui a d’ailleurs voté la mission « Relations avec les collectivités territoriales » l’année passée sur le rapport du sénateur Charles Guené ici présent, sans nous interroger sur un certain nombre d’effets. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Sans simulation !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur Dallier, il n’y a pas besoin de simulation pour savoir que lorsque l’on modifie une compétence, le coefficient d’intégration fiscale, le CIF, bouge !

M. Philippe Dallier. Merci de la leçon, mais ce n’est pas suffisant !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour le coup, n’importe quel étudiant en première année de finances publiques le sait !

Je me réjouis de me retrouver devant vous et de réaliser cette œuvre collective tous ensemble, au service de nos collectivités territoriales, de notre territoire, mais également de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC, RDSE et SOCR. – M. Bruno Sido et Mme Michelle Gréaume applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est forts d’un esprit pragmatique que nous abordons l’examen de ce texte, parce que les temps l’exigent, parce que les élus attendent de nous des actes et que nous les entendons.

Ce pragmatisme ne nous a jamais fait défaut depuis que nous nous sommes penchés sur ce texte ; nous l’avons encore démontré mercredi dernier en présentant un plan d’action pour la sécurité des maires. Je veux rendre hommage, à ce sujet, au président de la commission des lois, M. Philippe Bas, ainsi qu’à ma collègue Françoise Gatel.

Oui, il nous faut être pragmatiques ; oui, il est grand temps de passer des paroles aux actes et de montrer que, sur ces questions, nous savons parfois faire front commun. Ce qui est en jeu, c’est avant tout la démocratie locale et la vitalité de cette France communale. N’entendez pas dans mes propos une opposition entre l’intercommunalité d’un côté et la commune de l’autre ; pour nous, les choses sont claires : la commune, c’est la porte d’entrée de l’intercommunalité, l’échelon de base de la démocratie, le lieu où l’on crée du lien social, le creuset des solidarités.

Ici au Sénat, nous avons à cœur de réaffirmer aujourd’hui sa place dans des ensembles intercommunaux où règne un esprit de coopération, de mutualisation et de projets. Ce bloc intercommunal est avant tout un couple, qui, avec le temps, devient indissociable, mais qui n’oublie jamais que la commune est la porte d’entrée.

Nous allons le réaffirmer de manière très symbolique dans ce texte, madame et monsieur les ministres, car pour nous il n’est pas question, aujourd’hui ou demain, que les membres des intercommunalités soient élus au suffrage universel direct.

Nous avons fait la preuve de ce pragmatisme lors de l’examen de nombreuses dispositions du texte. Ainsi – Françoise Gatel reviendra sur la question des compétences –, nous avons la volonté d’intégrer de la souplesse, le maximum de libertés conventionnelles, de faire du cousu main afin que ce texte réponde aux différentes spécificités territoriales.

Madame la ministre, vous avez évoqué le texte à venir sur la différenciation territoriale, mais il me semble que nous devons adopter cet état d’esprit dès la discussion de ce texte sur l’engagement et la proximité. Nous devons prendre en compte la nécessité de permettre à ce projet de loi, comme à ceux qui vont venir, de s’adapter aux réalités territoriales.

C’est peut-être là l’écueil majeur : la loi NOTRe a cherché à légiférer de façon uniforme, alors que les élus sur les territoires attendent aujourd’hui un peu plus de souplesse et la reconnaissance de leur capacité à s’organiser.

Au-delà du pragmatisme, nous souhaitons redonner du relief et du souffle à cette France communale et remettre enfin l’élu au cœur de la décision. Là est peut-être le point le plus important. Nous l’avons fait au travers de plusieurs dispositions relatives à la composition des commissions de coopération intercommunale ou aux pactes de gouvernance, nous avons voulu donner aux femmes et aux hommes qui souhaitent s’engager le sentiment que la représentation parlementaire est là pour les soutenir et pour répondre à leurs exigences en matière de conditions d’exercice des mandats locaux.

Cela concerne la formation, la question des indemnités, la protection fonctionnelle, tout ce qui, aujourd’hui, contribue à donner à celles et ceux qui veulent s’engager au service de la démocratie locale la capacité de le faire.

Permettez-moi, enfin, de mettre l’accent sur la richesse des travaux du Sénat. Je le disais, nous avons eu à cœur d’être à l’écoute de tous les territoires, de nous y rendre pour en prendre le pouls et pour connaître les exigences de leurs élus, mais aussi de ceux qui aspirent à s’engager dans la vie locale.

Au-delà du travail que nous nous apprêtons à faire, au-delà de l’architecture institutionnelle, ce qui est en jeu, c’est l’essentiel : notre capacité à donner du souffle à la démocratie locale et, conformément à l’intitulé de ce texte, de la vitalité à ce lien de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et RDSE.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1789, Mirabeau déclarait à l’Assemblée nationale qu’il fallait rapprocher l’administration des hommes et des choses ; en 2019, soit 230 ans plus tard, le mouvement des « gilets jaunes » et le grand débat national expriment, à leur manière, la même vérité.

Mirabeau se serait-il donc fracassé sur l’atavisme jacobin de la quête du Graal d’un idéal égalitaire uniformisant ? Pour parodier Georges Brassens, « le temps ne fait rien à l’affaire » ! Qu’avons-nous donc fait de la valeur unique et si précieuse de l’engagement des 600 000 élus locaux, ce long cortège de sentinelles de la République, et de ses valeurs ?

Désenchantés, fatigués de réorganisations à marche forcée et de baisses des dotations, trop de maires réclament un cessez-le-feu en matière de big-bang territorial ; en même temps, tenus d’inventer des possibles pour leurs concitoyens et leur territoire, ils nous demandent d’effacer les irritants et de desserrer l’étau.

Telle est votre volonté, monsieur le ministre, et je la salue d’autant plus sincèrement que le Sénat a quelque peu inspiré votre projet de loi. C’est avec cette même volonté de redonner aux élus une véritable capacité à agir, de retisser, au sein du bloc communal, des relations apaisées et positives, que la commission des lois s’est engagée dans la voie de la souplesse et du sur-mesure.

Tout d’abord, comme vous le proposez, il s’agit de replacer le maire et les élus municipaux au cœur des décisions, car, aux yeux de nos concitoyens, le maire est celui qui porte la responsabilité et qui en rend compte, celui qui est « à portée d’engueulade », comme aime à dire notre président. Le pacte de gouvernance, la conférence des maires, l’association des élus municipaux à la vie de l’intercommunalité sont de bonnes mesures, que nous saluons.

Un second axe vise à donner à chaque territoire la possibilité de choisir le niveau le plus pertinent de l’action publique en sortant de cette rigidité normative parfois bloquante. N’est-ce pas là, monsieur le ministre, l’origine et la raison de votre projet de loi ?

Mon collègue Mathieu Darnaud a indiqué que l’intercommunalité était un fait, une nécessité incontournable qui renforce la capacité du bloc local. Pourquoi, toutefois, l’étouffer en lui attribuant des compétences qu’elle ne peut parfois exercer que difficilement parce que son territoire est trop vaste ou trop hétérogène ou que sa ville-centre est trop faible pour entraîner ses territoires ?

L’intercommunalité a une vocation : la subsidiarité, qui consiste à faire ensemble ce que l’on ne peut faire tout seul. Tel est le sens de nos propositions. La réussite des territoires repose sur la coopération intelligente entre les communes et les intercommunalités. Aussi le Sénat propose-t-il davantage de souplesse et d’agilité en supprimant la catégorie des compétences optionnelles, en ouvrant la voie à des transferts à la carte de compétences facultatives aux EPCI, en permettant d’inscrire dans la loi la procédure de restitution de compétences d’un EPCI à fiscalité propre.

Il s’agit d’assouplir, de faciliter et de différencier pour permettre d’agir.

Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, lors du grand débat, le Président de la République a déclaré : « Il ne doit pas y avoir de tabou. » Il ne saurait donc y avoir de pré carré dogmatique intouchable ! Il y a juste, pour nous tous, une urgente et ardente obligation d’efficience de l’action publique dès lors que la République veut reconquérir le cœur de ses concitoyens.

Votre texte est ambitieux, monsieur le ministre, vous entendez redonner confiance et envie aux élus locaux. Ici, dans cette chambre des territoires, en pensée avec le maire de Signes et avec tous les élus locaux, cette armée des faiseurs de la République du quotidien, nous vous disons, comme Mirabeau et sous le regard de Portalis, que les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois.

Alors, madame la ministre, monsieur le ministre, faites encore un effort pour nous rejoindre un pont plus loin : celui de la libre administration et de la responsabilité, celui de la confiance dans la République des territoires qui font la France ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, je suis heureux de m’exprimer à cette tribune en qualité de président de la délégation aux collectivités territoriales. Je mesure le caractère exceptionnel de cette prise de parole, que je prends comme une reconnaissance du travail de notre délégation, dont l’un des traits est l’investissement dans une coconstruction souvent fructueuse avec l’exécutif.

Je veux saluer ici l’esprit de dialogue des ministres Jacqueline Gourault puis Sébastien Lecornu, avec lesquels nous avons travaillé très en amont du projet de loi. En effet, dès la finalisation du rapport de la délégation que nous avons présenté, en présence du président Larcher, en juillet 2018, des contacts ont eu lieu aux niveaux politique et administratif afin d’identifier très concrètement les pistes de mise en œuvre.

Nous avons pu mener ce travail préparatoire parce que nous nous sommes rapidement saisis du sujet, conformément au souhait exprimé par le président du Sénat dès la fin de 2017, alors que la crise des vocations s’amplifiait, que notre délégation conduise une réflexion sur les conditions d’exercice des mandats locaux.

Cette démarche s’est faite en dialogue avec le Gouvernement, certes, mais aussi, et d’abord, avec les élus locaux. Nous avons fondé nos recommandations sur une longue série d’auditions, sur l’échange étroit et constant avec les associations d’élus, mais aussi, à la base, sur une consultation nationale des élus locaux de France, qui a reçu plus de 17 000 réponses. Du jamais vu !

Ce travail a eu des effets concrets rapides pour les élus locaux, puisqu’un certain nombre de mesures réglementaires, avant même les projets de loi, ont mis en œuvre, chemin faisant, sans tarder, certaines de nos propositions, en matière de régime social, par exemple, afin de mieux diffuser l’information sur les conditions dans lesquelles les élus locaux ont la possibilité d’assurer sans sanction financière leur mandat pendant un congé de maladie. Quelques cas d’irritants s’étaient manifestés et, maintenant, un formulaire spécifique d’affiliation des élus locaux au régime général de sécurité sociale a été mis en place. De même, la prise en charge des frais d’hébergement des élus locaux, dans le cadre de leurs fonctions, a été améliorée.

Ces avancées sont certes insuffisantes, mais elles remédient à un certain nombre de difficultés ponctuelles, mais irritantes et injustes, signalées par les élus et leurs associations. Je forme le vœu que d’autres avancées suivent.

En parallèle, nous avons engagé une mission pour mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités. Sous une forme ou une autre, nous en trouvons l’écho dans ce texte dans le pacte de gouvernance, la conférence territoriale, le conseil des maires ou la meilleure association des conseils municipaux aux travaux des intercommunalités. Ces idées ont fait l’objet de propositions dans notre rapport, mais beaucoup les avaient déjà évoquées, notamment au sein des associations. Nous les avons mises en forme et en perspective.

J’ajoute que, dans notre esprit, il s’agit d’abord de bonnes pratiques à diffuser. Il faut sans doute éviter d’aller trop loin vers de nouvelles obligations normatives au risque de rigidifier le travail des élus. Il en faut, mais pas trop ! Autant dire que, sur ces points, l’esprit du texte ne nous semble pas opposé à nos propres recommandations. C’est la raison pour laquelle nos amendements s’inscrivent dans sa dynamique.

Je relève toutefois une exception, concernant la réécriture de l’article sur les modalités de fixation du taux maximal d’indemnisation des maires. Compte tenu des effets que ne manquerait pas d’avoir la mise en œuvre de ces modalités, qui pèserait avant tout sur les plus modestes des élus locaux, ceux des petites communes, je ne peux que m’associer à la volonté de la commission d’infléchir la rédaction du projet de loi sur ce point.

Je termine en saluant de nouveau le travail accompli par les collègues de notre délégation, toutes sensibilités confondues, en bonne intelligence avec les ministres et avec la commission des lois et je forme le vœu que cette convergence au service des élus locaux demeure à toutes les étapes du processus.

Puisse ce texte, après la crise de vocation que j’évoquais au début de mon propos, constituer un signal, certes modeste, mais net, de manière à permettre à un certain nombre de nos concitoyens, dans la perspective des prochaines élections municipales, de s’engager, dans la tradition des maires de France, ces fantassins de la proximité. Souhaitons qu’ils en aient l’envie et qu’ils se sentent soutenus, car, on le sait bien, le déclic est souvent psychologique. Il y a l’amour, mais il y a aussi les preuves d’amour ! C’est dans cet esprit que nous allons, je l’espère, construire ce texte qui n’est que le point de départ de réformes attendues. Il donnera le ton, à nous de jouer ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Motion d’ordre

M. le président. Je suis saisi par la commission des lois d’une demande d’examen séparé des amendements nos 384 rectifié, 431 rectifié, 270 rectifié et 751 rectifié à l’article 1er, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.

Cette demande légitime vise à permettre un débat clair, qui se déroule de la meilleure façon possible.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous citer, ce que je fais assez rarement.

Dans le dossier de presse de ce projet de loi Engagement et proximité, vous écrivez : « Ce texte comporte des mesures concrètes, qui repartent de la vie quotidienne des élus, pour leur donner des marges de décision sur le terrain […] et pour lever les freins à l’engagement ou au réengagement […] Objectif : clarifier le cadre d’exercice de leurs mandats alors que se multiplient les témoignages de maires qui ne veulent pas se représenter et qu’attirer de nouvelles personnes à l’engagement devient nécessaire. »

Comme tous les textes du Gouvernement, ce projet de loi est présenté comme très ambitieux, voire disruptif, conformément à votre manière habituelle de procéder.

Les objectifs que vous affichez sont louables et ne peuvent être que partagés. Néanmoins, le contexte est tout à fait particulier : une défiance s’est installée entre votre majorité et les territoires, qui s’est encore manifestée lors du congrès des régions à Bordeaux.

Sachez que ce désamour est toujours d’actualité ! Dans une enquête commandée par notre groupe et réalisée en coopération avec le Cevipof, 27 % des maires interrogés font confiance au Gouvernement pour la mise en œuvre des réformes locales, soit moins d’un tiers d’entre eux.

En tout état de cause, la première chose à faire est de vous féliciter de votre capacité d’adaptation puisque, en moins d’un an, nous sommes passés du hashtag #BalanceTonMaire au hashtag #CajoleTonÉlu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Si l’on était moqueur, ce dont vous ne pouvez me soupçonner, on ne pourrait que souligner l’heureux calendrier de ce projet de loi, qui, par le plus grand des hasards et parce qu’il est évidemment très utile, doit absolument être voté avant les élections municipales. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Chacun sait ici que cette coïncidence est purement fortuite et que les propositions qui nous sont faites témoignent avant tout d’un intérêt sincère…

M. François Bonhomme. Quoique récent !

M. Éric Kerrouche. … pour les maires et les élus locaux, intérêt que le Gouvernement tentera sans doute de prolonger jusqu’en septembre 2020.

M. Roger Karoutchi. Sûrement… (Nouvelles exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Kerrouche. Mais cela n’est que conjecture de ma part. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Monsieur le ministre, j’ai lu votre texte, je l’ai travaillé et je me suis demandé dans quelle mesure il répondait aux objectifs que vous affichez et que vous présentez comme étant de bon sens, ce qui est, comme chacun sait, la chose la moins bien partagée.

Je constate un écart entre la volonté que vous affichez et les dispositions que vous proposez. Pour le dire autrement, il me semble qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Un texte parle aussi par ses manques ; nous y reviendrons.

Abordons d’abord le couple communes-communauté. Vous présentez parfois l’intercommunalité comme une entrave et vous l’instrumentalisez dans une volonté de séduction des élus locaux, suivis, en cela, par la majorité de droite.

La loi NOTRe a-t-elle été problématique à certains endroits ? La réponse est oui ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

A-t-elle suscité parfois un sentiment de dépossession ? La réponse est oui ! (Mêmes mouvements.)

Je suis un militant de l’intercommunalité, mais je constate qu’à certains endroits les élus peuvent se sentir perdus dans des grands ensembles. Faut-il alors corriger les périmètres « XXL » qui sont dysfonctionnels ? La réponse est encore oui, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Il est toujours important de corriger et d’évaluer les effets d’un texte, en particulier ses effets pervers. Mais à l’inverse, faut-il se contenter d’une réponse qui peut s’assimiler à une remise en cause, alors qu’il faut avant tout permettre aux spécificités territoriales de s’exprimer ? La réponse est non !

Votre texte veut faire du « cousu main », mais il ne prend pas les mesures nécessaires. À ce sujet, vous avez vous-même reconnu, lors de votre audition au Sénat, qu’il était difficile de savoir combien d’intercommunalités allaient être concernées possiblement par les scissions. Après les irritants, vous prenez le risque de provoquer de nouvelles allergies. Il est plus important de travailler à la démocratisation des intercommunalités qu’à leur remise en cause.

Faut-il prendre le risque de scission à un moment où les édifices se stabilisent ? Je ne le crois pas. À toutes fins utiles, je rappelle à tout le monde que l’avant-loi NOTRe n’était pas plus le paradis de l’intercommunalité que l’après-loi NOTRe n’est son enfer.

Je remarque juste qu’avant ce texte certains EPCI n’étaient pas en situation de mettre en place des politiques structurantes. C’est d’ailleurs probablement pour ce motif qu’une grande partie de cette assemblée – y compris à droite, bien que les intéressés aient tendance à l’oublier de manière fort opportune –, a voté le texte de la loi NOTRe. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Dans la version du Sénat !

M. Philippe Dallier. Je ne l’ai pas votée !

M. Jean-Pierre Sueur. Alors c’est le Saint-Esprit qui l’a votée ?

M. Éric Kerrouche. Vous l’aurez compris, si nous pouvons réfléchir à certains assouplissements correctifs, nous serons opposés à la remise en cause du couple communes-communauté. Comme le disait Pierre Mauroy, l’intercommunalité permet d’assurer un avenir à la commune. C’est bien aussi la solitude qui tue les petites communes.

Dans le même temps, nous avons un gouvernement « Janus », qui, avec ce texte, passe la main dans le dos des élus, mais qui se prépare dans le projet de loi de finances à remettre en cause les moyens dont ils disposent.

Vous me direz qu’il faut attendre de nouveaux textes, notamment le « 3D ». Je ne suis pas sûr que les effets spéciaux suffiront à combler les élus locaux. Bien entendu, s’agissant des dotations financières, vous me renverrez à la diminution des dotations du précédent quinquennat.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Oui !

M. Philippe Dallier. On s’en souvient bien !

M. Éric Kerrouche. Je vous rappellerai qu’elles ont été nécessaires essentiellement en raison des comptes publics, enfin, de ceux que nous avons trouvés en arrivant au pouvoir en 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Chapeau, il fallait oser !

M. Éric Kerrouche. C’est pourtant une vérité !

M. Philippe Dallier. C’est la vôtre !

M. Éric Kerrouche. J’en viens à la démocratisation et à la parité. L’un des manques les plus criants concerne justement la démocratisation et la parité. Dans le texte initial, la logique indemnitaire que vous proposiez plaçait les élus devant un choix qu’ils ne pouvaient pas faire par manque de moyens.

Il s’avère que le statut des élus, qui devait être le pilier de ce texte, n’en est plus qu’un élément, et c’est regrettable. Des sujets utiles comme la formation et la reconversion professionnelle seront de nouveau traités, mais par le biais d’une ordonnance.

Monsieur le ministre, tout se passe comme si vous considériez que les élus forment un groupe homogène et qu’il ne fallait pas traiter différemment des situations qui sont différentes. Il le faut pourtant.

S’agissant enfin de la parité, vous évitez courageusement et avec détermination le sujet (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.), bien aidé en cela par une droite qui a toujours eu du mal à supporter la fin du patriarcat en politique, et qui, à l’Assemblée nationale, préfère payer 1,8 million d’euros plutôt que d’avoir plus de femmes élues. (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mais la démocratie est aussi attaquée quand le texte rend facultatifs les conseils de développement. À un moment où on demande plus de participation, vous enlevez l’un des rares outils qui permet justement que s’exprime la diversité sociale.

Pour conclure, monsieur le ministre, ce texte est-il mauvais ? Non, mais il n’est pas en phase avec les objectifs que vous avez vous-même affichés. À vrai dire je suis très sévère, parce que nous aurions aimé que vos annonces soient suivies d’effets aussi importants. Du grand débat sort malheureusement un trop petit texte, notamment au regard du statut de l’élu.

Il reste que, malgré ce jugement en demi-teinte, ce texte a le mérite de nous permettre de discuter tous ensemble de ces sujets. Certaines mesures seront utiles : je pense au pacte de gouvernance, à l’amélioration des prises en charge des frais de déplacement, éventuellement au vote des élus et aux améliorations apportées en commission des lois, notamment sur la représentativité des communes.

Comme le Petit Poucet, monsieur le ministre, nous ramasserons les cailloux qui nous semblent intéressants tout en faisant en sorte de proposer d’autres améliorations parce que, encore une fois, nous aurions souhaité que l’ambition initiale soit respectée. Nous tenterons donc, avec les amendements du groupe socialiste et républicain, de faire progresser encore ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, le maire est la pierre angulaire de notre culture républicaine, la clé de voûte de notre pacte social, le visage familier de notre quotidien. Il est l’élu préféré des Français.

Mais malheureusement, depuis 2015 et le vote de la loi NOTRe, nos élus locaux se sentent dépossédés de leurs compétences. Que ce soit au profit des plus grands ensembles ou du fait de complexités administratives, le premier édile a vu son champ d’action se réduire alors que les attentes des citoyens à l’égard de son action municipale se font de plus en plus exigeantes.

Les tensions exercées autour des budgets municipaux sont également sources d’inquiétudes. Malgré la prévision d’allocations compensatrices par le Gouvernement, l’avenir reste préoccupant pour nos maires : baisse de dotation globale de fonctionnement, suppression des contrats aidés, incertitudes quant à la suppression de la taxe d’habitation et quant à l’équilibre du dispositif compensatoire, non-application de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives prévue dans le projet de loi de finances pour 2020…

Comment en vouloir à nos maires d’être aussi interrogatifs ? Comment ne pas comprendre leur anxiété face à l’impossible équation de « faire mieux avec moins » ?

Face à ces multiples défis, je ne peux donc que saluer l’initiative du Gouvernement de présenter un projet de loi visant à revaloriser la fonction de maire et son rôle au sein du modèle communautaire, à faciliter l’exercice de son mandat, notamment en étendant son pouvoir de police, et à susciter de nouvelles vocations pour un engagement local.

Vous dire que ce texte était attendu, tant ici au Sénat, grand défenseur des collectivités territoriales, qu’au cœur de nos territoires, serait un euphémisme. Je regrette néanmoins qu’il manque de souffle pour l’avenir de notre modèle communal. J’espère donc que le Gouvernement sera sensible aux propositions formulées par le RDSE tout au long des débats pour remettre les maires au cœur de l’action, et la mairie, non pas au cœur du village – elle y est déjà –, mais au cœur de la République.

Concernant la place du maire au sein du modèle intercommunal, ce texte de loi généralise des pratiques qui sont en fait déjà instaurées dans une grande majorité d’intercommunalités. Pour aller plus loin dans le pacte de gouvernance, le RDSE a souhaité introduire des amendements permettant d’y aborder certains sujets cruciaux, comme le schéma de mutualisation des services et le renforcement des solidarités financières. Nous avons proposé, dès le travail en commission, d’inclure le partage de documents essentiels aux fins de favoriser une bonne circulation de l’information au sein de tout EPCI pour l’ensemble des conseillers municipaux, ces exemplaires devant pouvoir être consultables en mairie, faute parfois d’accès informatique ou de réseau.

Dans la version initiale du texte, le Gouvernement n’a pas souhaité aborder la question de la répartition des compétences. Malgré les frustrations générées par la loi NOTRe au sein de nos mairies, malgré l’objectif partagé de « conforter chaque maire dans son intercommunalité », seules les possibilités d’adaptation ou d’assouplissement sous contrôle de l’EPCI sont proposées. Il me paraît donc important de souligner le travail ambitieux mené par la commission des lois, sur l’initiative courageuse de ses rapporteurs, pour permettre un transfert de compétences à la carte.

Le texte du Sénat supprime également le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement dans les communautés de communes et les agglomérations, ce que prônait le RDSE. C’est dans ce même esprit que j’ai souhaité déposer un amendement visant à conditionner l’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal à un transfert volontaire et explicite de cette compétence « PLU » par la commune vers l’EPCI.

Concernant le pouvoir de police du maire, le RDSE a tenu à vous soumettre des propositions concrètes. Ainsi, pour les débits de boissons, l’amendement déposé complète votre dispositif de fermeture en prévoyant que le maire puisse émettre formellement un avis simple et consultatif sur le dossier de demande d’ouverture des débits de boissons sur sa commune.

Pour le défrichement, nous proposons aussi d’introduire un mécanisme d’information du maire.

S’agissant de la gestion des épaves de voitures, la proposition du rapporteur d’une astreinte pesant sur le propriétaire est évidemment la bienvenue, mais, lorsque le propriétaire est inconnu, les frais restent à la charge de la commune. C’est pourquoi il est crucial de donner à la DGFiP un accès direct au système d’immatriculation des véhicules, le SIV, lui permettant d’identifier rapidement le dernier propriétaire de la carte grise, allégeant ainsi la procédure de recouvrement au nom des communes.

Concernant la simplification du droit applicable aux élus, je tenais à vous remercier à cette tribune, monsieur le ministre, pour votre encouragement répété en faveur de ma proposition de loi visant au développement des médiateurs territoriaux dans nos collectivités. Intégré en commission à votre projet de loi, ce socle de médiation permettra, j’en suis persuadée, de faire prospérer un mode de règlement à l’amiable de conflits susceptible de faciliter ou de réinstaurer le dialogue entre les collectivités et leurs habitants. Il s’agit d’un outil de proximité, à l’image des élus locaux, au service du bien-vivre ensemble.

Étant convaincue des bienfaits de la médiation, vous ne serez pas étonné de me voir porter également des amendements de défense et de promotion de nos conseils de développement.

En conclusion, après cette scène 1, acte II des relations entre les collectivités territoriales, nous attendons avec impatience l’examen futur des textes annoncés par le Gouvernement sur la décentralisation et la différenciation, ainsi que sur la sécurité locale. Dans cette perspective, si notre groupe souhaite que le présent projet de loi Engagement et proximité soit une première pierre pour des textes plus refondateurs, il conditionnera son vote à l’adoption des amendements précités et au maintien des avancées introduites par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Bernard Buis et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je craignais que cette discussion générale ne soit une succession de propos consensuels, parfois lénifiants et assez unanimistes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Jamais au Sénat !

M. Arnaud de Belenet. Notre collègue socialiste m’a rassuré sur ce point : il y a malgré tout sur ce texte qui nous fédère quelques polémiques, quelques querelles partisanes. C’est sans doute la nécessité du débat démocratique !

À ce propos, permettez-moi de dire un mot de la démocratie. Nos démocraties connaissent depuis plus de vingt ans des transformations d’ampleur. Elles touchent aux clivages politiques, aux systèmes partisans, aux affiliations des électeurs et même à l’attachement aux libertés publiques.

Tout semble bouger, dans une accélération du temps qui donne le sentiment d’une grande incertitude quant à la marche du monde, et favorise une forme de populisme par nature liberticide.

L’horizon de l’idéal démocratique s’éloigne. Plus de 36 % des Français estiment qu’un autre système pourrait être aussi bon que celui de la démocratie. Les plus jeunes sont particulièrement favorables à une alternative à la démocratie.

Nos concitoyens consentent à se départir des libertés publiques parce qu’ils sont inquiets, sans doute, face aux mutations climatiques, économiques, mais plus profondément, parce qu’ils se pensent moins comme citoyens que comme individus, prêts à ce que la liberté de tous s’efface pour peu que la leur soit garantie sous une forme de droit à jouir d’objets variés, de temps de loisirs, d’informations digestes. Pierre Rosanvallon appelle cela « l’individualisme de singularité ».

Si la démocratie représentative est interrogée, je crois profondément en la démocratie territoriale, au plus près des besoins et des aspirations populaires, comme un moyen pertinent de convaincre nos compatriotes de se penser et d’agir en citoyens, comme un gage et un facteur de cohésion. Je voudrais remercier le Gouvernement de mettre la démocratie territoriale à l’honneur dans ce texte Engagement et proximité.

Dans le droit-fil de cette réflexion, les élus locaux sont et seront plus encore le rempart face à ce mouvement indicible que j’évoquais. Ils renouent et renoueront avec le collectif face à l’individu. Nous avons plus que jamais besoin d’eux.

Après avoir mis un terme à la baisse des dotations, stabilisé les moyens d’agir et stoppé les évolutions institutionnelles, le Gouvernement a souhaité les conforter dans leur rôle, consolider leur statut, clarifier leur environnement institutionnel.

Ce texte comporte des mesures concrètes pour redonner aux élus, en particulier aux maires, la capacité d’agir plus librement, plus efficacement, plus simplement au quotidien : meilleure gouvernance et information dans les intercommunalités, clarification des compétences dans le couple communes-intercommunalité, renforcement des pouvoirs de police du maire. Il comporte également des mesures pour lever les freins à l’engagement ou au réengagement : il s’agit des sujets d’indemnités, de formation, de prise en charge des frais de garde ou de protection fonctionnelle.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui procède en grande partie des travaux issus de notre assemblée, que ce soient des propositions de loi de nos collègues, de rapports issus de la commission des lois ou de rapports faits au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je pense notamment au rapport, trop rarement cité en commission ou à cette tribune, de nos collègues Patricia Schillinger et Antoine Lefèvre, intitulé Mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités : valoriser les bonnes pratiques. Ce rapport a été une source d’inspiration.

Je salue le Gouvernement qui nourrit sa réflexion des travaux du Parlement. Notre assemblée a été invitée à renforcer et à enrichir ce projet de loi, et la commission des lois a pu apporter des modifications substantielles.

Les points de consensus sont nombreux. C’est le cas par exemple pour le renforcement des pouvoirs de police du maire.

Je me réjouis que notre amendement de suppression de l’article 42 de la loi NOTRe ait été adopté par la commission – il fallait qu’il le soit avant le 1er janvier puisque cet article supprimait les indemnités d’un certain nombre d’élus dans les syndicats.

Je me réjouis également que l’amendement visant à rehausser de 1 000 à 3 500 habitants le seuil de prise en charge par l’État des frais de garde ait été adopté par notre commission, dont je salue le président ainsi que les rapporteurs.

Quelques points restent toutefois à discuter dans les deux semaines qui viennent, et certainement dans la navette. Ainsi, le curseur de la relation communes-intercommunalité trouvera certainement un positionnement plus abouti au cours de nos travaux.

Je n’évoque pas les questions de l’eau et de l’assainissement, ni la problématique du transfert obligatoire, sur lesquelles nous reviendrons certainement.

Je m’étonne du recours très important à l’article 40 dans le cadre de l’examen de ce texte, notamment sur le sujet des indemnités, pour un amendement qui prévoyait un seuil plancher sur lequel le conseil municipal pouvait revenir.

À titre illustratif, je suis un peu plus circonspect quant à l’adoption d’un amendement, qui me semble de circonstance, visant à autoriser les élus locaux à poursuivre l’exercice de leurs fonctions pendant leur arrêt maladie sauf avis contraire de leur médecin. Pour paraître anecdotique, cela illustre une problématique à laquelle nous sommes confrontés. Ce faisant, la logique est inversée : faciliter l’exercice d’un mandat, oui, mais trouver des dispositifs dont la décence n’est pas immédiatement caractérisée me semble un risque à éviter.

En ce qui concerne la formation et l’aide à la reconversion des élus, la commission a accepté d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance tout en apportant des dispositions qui vont dans le bon sens, telles que la validation des acquis de l’expérience ou la possibilité pour le CNFPT de dispenser des formations aux élus.

J’espère que nous évoquerons également le principe d’une formation socle qui pourrait être similaire à celle des agents publics, et pas seulement en matière de police judiciaire, mais aussi la possibilité d’être accompagné dans la perspective d’une fin de mandat pour une nouvelle carrière, voire une reconversion en valorisant les expériences acquises, ou encore les congés de formation.

Enfin, s’agissant de la protection des élus, la commission a enrichi le texte initial tout en approuvant les mesures gouvernementales proposées. Je ne reviens pas dans le détail sur les dispositifs.

Pour conclure, je dirai que nous avons assisté jusqu’à maintenant à un travail collectif et constructif au sein de la commission des lois ; je ne doute pas que cet état d’esprit présidera à nos débats, dans l’intérêt des élus locaux dont nous sommes les représentants et, à travers eux, dans l’intérêt de notre démocratie, des libertés publiques et de l’efficacité de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.)

(Mme Valérie Létard remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec Arnaud de Belenet, il ne faut pas arriver en retard ! Il est rare qu’un orateur disposant d’un temps de parole de treize minutes ne s’exprime que pendant six ou sept minutes ; félicitations, mon cher collègue ! (Sourires.)

Cette assemblée compte suffisamment de spécialistes des communes et des intercommunalités pour défendre tous les sujets qui le méritent ; je ne vais donc rien ajouter à ce qu’ils vont dire.

Je me concentrerai sur l’article 17. Permettez-moi de dire, à ce sujet, que je me réjouis de la position d’ouverture du Gouvernement et de la position qu’a prise la commission sous l’autorité des deux rapporteurs, avec un appui particulier de notre collègue Jacques Genest.

Le dispositif qui va être proposé constitue une avancée qui permettra de coller aux réalités du terrain. Toutes les intercommunalités ne se ressemblent pas – par leur taille, par leurs besoins et leurs capacités d’investissement. Cette avancée permettra de faire vivre le droit à l’initiative.

L’article 17 porte sur la « sécabilité », c’est-à-dire sur la possibilité, pour une collectivité, de transmettre à une autre entité la capacité de porter une partie de ses responsabilités. Cela me paraît extrêmement important, y compris pour les départements.

Vous le savez, mon passé m’autorise à parler des relations entre les intercommunalités et les départements. Les départements sont comme les intercommunalités : il y en a de toutes les catégories, de toutes les capacités, de toutes les nécessités.

Permettez-moi de dire quelques mots sur le département de l’Aube. Nous nous sommes intéressés à l’enseignement supérieur : tous les départements ne se sont pas intéressés à l’enseignement supérieur et, pour autant, si on ne l’avait pas fait, personne d’autre ne l’aurait fait à notre place. Nous nous sommes intéressés à des parcs d’activités départementaux : si on ne l’avait pas fait, personne d’autre n’aurait porté ces projets à notre place.

Nous l’avons fait parce que nous étions la collectivité de proximité capable de porter financièrement ces projets dans le temps, d’aménager par anticipation, et parce que nous disposions de l’ingénierie nécessaire.

Or sans ce texte, tout aurait pu s’arrêter, les départements ne pouvant plus reconstituer de réserves foncières ni réaliser d’aménagements. Ce texte le permettra et je pense qu’en ce sens il est extrêmement important, à condition bien sûr que son application se fasse en partenariat avec les collectivités de base.

Je souhaite que l’article 17, qui a été remarquablement corrigé par la commission, soit maintenu en l’état, et qu’il nous permette ainsi de faire vivre le concept essentiel de droit à la différence, de droit à l’initiative, et d’encourager la souplesse, la réactivité et l’esprit d’entreprise. C’est l’avenir de nos territoires. Par avance, je remercie tous ceux qui vont le faire aboutir dans cet esprit. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rapporter une anecdote en préambule. Hier, un réseau social bien connu me rappelait qu’il y a six ans je déclarais au sujet de la loi Maptam que j’arrivais au Sénat pour « la poursuite des débats sur le texte des métropoles. Nous allons continuer à défendre l’idée que l’aménagement des territoires n’est pas la compétitivité entre eux, la suprématie de la métropole sur le reste. Au contraire, pour nous, l’urbain et le rural se complètent, l’État doit affirmer la solidarité entre les territoires tout en valorisant leurs atouts respectifs ».

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Après la loi Maptam, la loi NOTRe a également été votée. Elles ont entraîné une réorganisation de nos territoires, aggravant la situation que nous vivions dans notre pays précédemment.

Nous avons donc le choix : nous pouvons mettre des pansements sur des plaies ouvertes et non refermées depuis plusieurs années, ou au contraire nous attaquer réellement à la problématique de l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique, comme le titre de votre projet de loi nous y invite, monsieur le ministre.

Ce texte n’arrive pas au hasard. Il arrive en effet en milieu de quinquennat, après deux ans et demi de rapports que l’on peut qualifier de compliqués, parfois même conflictuels, entre le Président de la République, son gouvernement et les élus locaux.

Il arrive également à un moment de crispation au sein de la société, après la crise des « gilets jaunes » et le grand débat qui a suivi, et qui, au vu des décisions prises et annoncées, a fait pschitt !

Une fois de plus, et comme pour le grand débat, ce texte arrive à grands coups de communication. Pourtant, faut-il le rappeler, c’est un texte attendu par les élus et dont nous attendons tous des outils qui viennent en renfort de ces derniers.

Le contexte doit être pris en compte, car nous avons connu ces derniers mois, voire ces dernières semaines, des épisodes d’agressions successives – je pense particulièrement à deux d’entre eux qui ont eu lieu dans mon département – et même un décès, avec la tragédie qui a touché la commune de Signes et son maire Jean-Mathieu Michel.

Tous ces événements viennent donc inévitablement poser la question de la place de l’élu dans notre société, mais aussi des moyens que cette société lui donne dans l’exercice de son mandat. Ce point est très important, car il est un enjeu de la démocratie locale : il nous faut redonner du sens à l’action publique des élus envers les citoyens et les administrés.

Le désengagement citoyen face à la perte d’engouement pour la participation politique n’est pas nouveau. L’abstentionnisme existait, mais il se renforce élection après élection. Les maires qui ne souhaitent pas renouveler leur mandat sont de plus en plus nombreux, d’où la nécessité de redonner du sens à cet engagement.

Malgré les effets d’annonce, le texte initial qui devait être un grand projet de loi devient un simple ajustement technique où persiste à nos yeux un manque criant d’ambition. Le texte manque d’envergure : il répond certes à des problèmes particuliers, mais il ne répond pas globalement à la problématique de l’engagement des élus et de la population dans notre pays.

Monsieur le ministre, vous l’avez vous-même rappelé dans vos propos : pas de big-bang ni de grand soir. Mais d’ailleurs, en faudrait-il ? Sur ce sujet comme sur d’autres, l’histoire nous a démontré certainement qu’il ne le fallait pas.

À la lecture précise de votre texte, il n’y a que parcimonie, des avancées timides qui soulignent des problèmes criants sans les résoudre réellement et surtout dans la durée.

Vous nous direz que tout ne relève pas de ce projet de loi et vous aurez raison. Vous nous direz d’ailleurs que de nombreux points évoqués seront traités plus tard, dans d’autres textes, que tel ou tel point relève du débat budgétaire. En bref, de vous-même, vous nous ferez comprendre que vous êtes loin de répondre aux attentes et d’apporter les solutions.

Le texte aura alors suscité plus d’espoir que de résultats. Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir qu’en politique susciter de l’espoir et ne pas y répondre est souvent dangereux.

Alors d’ores et déjà, sachez que nous serons vigilants sur le projet de loi de finances, sur le futur projet de loi dit « 3D » que vous annoncez, madame la ministre, en espérant que nous ayons les bonnes lunettes pour pouvoir bien le lire, qui concernera la décentralisation, la différenciation et la déconcentration.

Monsieur le ministre, puisque vous considérez vous-même ce projet de loi comme le premier d’une série, permettez-moi de vous dire qu’il manque un véritable point de départ : quel bilan faites-vous de la décentralisation ? Où se trouve cet état des lieux ? Nous en débattrons très rapidement, puisque l’un de nos premiers amendements porte sur ce sujet.

Vous entendez traiter des conséquences sans même vous attaquer aux causes des problèmes ni revenir à la source des effets néfastes que vous semblez pourtant remarquer. Si l’ambition affichée est réelle, il faut savoir dresser un bilan et en tirer les conséquences. Sans cela, il n’y aura ni rupture ni réorientation.

Pour autant, il faut l’admettre, ce projet de loi marque un vrai coup d’arrêt à la politique des gouvernements successifs qui, avec les lois RCT, Maptam et NOTRe, ont, en leur temps, suscité colère et désespoir. Ces trois sigles ont plongé notre organisation territoriale dans de l’obligatoire et de l’injonction. On est bien loin du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Je veux dire ici que la mobilisation des élus et les remarques que certains groupes, dont le nôtre, ont formulées, ici et ailleurs, sont enfin en partie entendues. Pour la première fois en dix ans, on ne cherche plus à faire grossir les EPCI et à retirer des compétences aux communes.

Toutefois, un peu comme si nous étions toujours dans l’« ancien monde », il nous faut hélas nous dépatouiller avec des monstres qu’une partie de cet hémicycle a contribué à engendrer. Rassurez-vous, mes chers collègues, l’heure n’est pas et ne sera pas aux règlements de compte !

Cela étant, faire de la politique, c’est un peu comme un récit de la mythologie grecque : il convient parfois de rappeler que ce sont toujours les choix des hommes qui décident du présent et de l’avenir. Ce que nous ferons ou ce que nous ne ferons pas sera décisif pour l’organisation territoriale de notre pays et la satisfaction des besoins des populations. Ce texte peut être l’occasion de montrer ce que nous sommes capables de faire réellement pour les communes, les citoyens et les citoyennes.

Voyez-vous, monsieur le ministre, il n’y aura pas de posture de notre part. Cela étant, dans votre intervention, vous avez cité des sénateurs issus de six groupes politiques différents. Or je vous rappelle qu’il y a sept groupes constitués dans cet hémicycle et qu’il faut éviter d’en rejeter certains. Comme je ne crois pas au hasard en politique, je me permets de vous l’indiquer. (Marques dapprobation sur les travées du groupe CRCE.)

Je voudrais par ailleurs saluer le travail des deux rapporteurs de la commission des lois, laquelle a enrichi le texte, même si, sur certains aspects, nous pouvons – nous en sommes convaincus – aller plus loin encore. Je me garderai bien, évidemment, de prendre un ton professoral à cette tribune et dirai simplement : « De bons efforts à poursuivre et à concrétiser ! »

Pour finir, je veux revenir sur le fait que la presse s’est parfois polarisée ces derniers jours, à l’évocation de ce texte, sur les agressions de maires – loin de moi l’idée d’en minimiser l’importance – et les indemnités des élus. Je tiens à réaffirmer ici que le fait de s’attaquer aux élus revient à s’attaquer à la démocratie, et que la démocratie a un coût, si l’étymologie de ce mot a réellement un sens. Si l’on souhaite que le pouvoir du peuple s’exerce, il faut trouver les moyens juridiques et financiers permettant à tout un chacun d’exercer ce beau mandat d’élu local.

Ce texte doit répondre aux enjeux de notre pays : parvenir à une organisation territoriale équilibrée, renforcer le pouvoir du maire en vue d’une meilleure reconnaissance, accroître les droits des élus pour que tout citoyen puisse le devenir. Dire cela, c’est évidemment parler de République, de démocratie, et des besoins des populations et des territoires.

De fait, ce projet de loi ne peut pas être un texte à la petite semaine. Oui, la crise de l’engagement est manifeste dans la vie de nos communes. Elle l’est aussi, comme vous l’avez rappelé, à la mairie, dans les associations ou la vie syndicale.

Mais comment voulez-vous que les gens s’engagent, madame, monsieur les ministres, alors que les budgets diminuent année après année ? D’ailleurs, vous prévoyez un nouveau gel des dotations, puisque la solidarité entre les communes s’exercera au sein de l’enveloppe globale dédiée aux collectivités territoriales, et que l’État ne participe plus aux efforts de solidarité financière entre collectivités.

Mme Éliane Assassi. Très juste !

M. Jean-Marc Boyer. C’est vrai !

Mme Cécile Cukierman. Année après année, vous avez retiré des compétences aux communes. Année après année, la présence des services publics et de l’État a été réduite comme une peau de chagrin dans les territoires. Et ce ne sont pas les maisons France services que vous annoncez qui viendront redonner du service public pour nos concitoyens, une présence de l’État pour accompagner les élus dans la réalisation de leurs projets.

Finalement, cette situation incite de plus en plus souvent les élus à faire appel à des consultants privés. Chaque semaine, en inaugurant telle ou telle réalisation, nous mesurons bien ce que le recours à de tels cabinets coûte à la collectivité.

Comment s’engager quand il n’y a plus les moyens de porter des projets, le sentiment que tout se complexifie, que la proximité fait place aux grands EPCI et aux grandes régions ? Comment, dès lors, répondre aux besoins des populations ?

La crise est là et appelle des réponses publiques et politiques. Nous n’aurons peut-être pas les mêmes idées ou les mêmes réponses, mais telle est la démocratie. Débattons de ce texte en sortant de l’incantation et des postures. Sachons revitaliser l’échelon communal et retisser le lien entre nos concitoyens et les élus. Telle doit être notre seule ligne directrice. Notre vote dépendra bien évidemment de nos débats.

À nos yeux, ces quinze jours de discussions, loin de favoriser l’entre-soi, doivent être au service des femmes et des hommes de nos communes, départements et régions dans leurs diversités.

Ces diversités sont une chance : sachons incarner l’assemblée qui les fédère et qui ne les oppose pas. Évitons les clivages et les postures caricaturales entre campagne et ville. Évitons de creuser davantage l’écart entre communautés de communes et communautés d’agglomération, d’un côté, communautés urbaines et métropoles, de l’autre. En effet, le seul clivage réel, le seul fossé qui existe dans notre société est celui qui se creuse jour après le jour entre élus et citoyens.

Ce texte doit être envisagé comme un texte non pas pour les élus, mais pour les citoyens, qui doivent retrouver le goût de l’engagement, la confiance en leurs élus et la proximité de leur commune et des services publics. Sachons redonner du sens à la politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR, RDSE et UC.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)

M. Alain Marc. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le constat est clair : depuis plusieurs années, les maires se sentent dépossédés et impuissants face à la baisse des dotations de l’État et à la marche forcée vers les grandes intercommunalités, notamment durant la précédente mandature présidentielle.

Aussi, à cinq mois des élections municipales, le Gouvernement en nous soumettant ce projet de loi a l’ambition de replacer les maires au cœur de l’action publique locale et d’enrayer la crise des vocations.

Je ne peux que m’en réjouir !

En effet, les 600 000 élus locaux sont épuisés par les nombreuses réformes successives. Le transfert de la gestion des déchets, de l’eau, de l’assainissement, de la voirie, du tourisme et du plan local d’urbanisme aux intercommunalités a donné aux maires et aux conseillers municipaux le sentiment d’être dépouillés et éloignés des décisions.

Il est urgent de donner dès à présent aux élus la capacité d’agir, de décider librement et en responsabilité de la meilleure organisation pour leur territoire. En effet, le maire est l’interlocuteur naturel des administrés. Lorsqu’un habitant rencontre un problème, une difficulté, c’est au maire qu’il s’adresse spontanément, et non à l’intercommunalité.

Vis-à-vis de leurs concitoyens, les maires doivent être en situation de rester des décideurs. Or il existe chez les élus locaux un fort sentiment de dépossession, qui est souvent lié à l’organisation intercommunale, et qui est relayé par les travaux du Sénat.

Si le projet de loi que nous allons examiner vise à apporter des corrections à la loi NOTRe, afin d’en expurger un certain nombre d’« irritants », comme le disait M. le ministre, la commission des lois a amélioré très significativement ce texte, ce dont je me félicite.

Lors de l’examen des amendements, j’aurai l’occasion de revenir sur divers sujets qui auront pour vertu, je l’espère, d’assouplir les relations entre communes et intercommunalités, mais aussi entre communes, intercommunalités et départements. À mon avis, le nombre de communes en France n’est pas un problème. Je crois même qu’il s’agit plutôt d’une chance.

Je souhaite aborder plus particulièrement la question des compétences eau et assainissement.

La loi NOTRe a prévu le transfert obligatoire de la distribution de l’eau potable et de l’assainissement des eaux usées aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020, malgré les réserves exprimées par le Sénat.

Dans certaines communes, le transfert obligatoire de ces compétences avait fait craindre une augmentation du coût de l’eau, une gestion moins directe de la ressource, ainsi qu’une perte de la connaissance du réseau.

La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes a toutefois apporté quelques assouplissements bienvenus, sans être suffisants.

Cette loi a permis aux communes membres d’une communauté de communes qui n’exerce pas les compétences eau ou assainissement de s’opposer au transfert obligatoire de ces deux compétences ou de l’une d’entre elles, si, avant le 1er juillet 2019, au moins 25 % des communes membres de cette communauté de communes, représentant au moins 20 % de la population, ont délibéré en ce sens . Je vous l’accorde, il s’agit d’une disposition extrêmement technique.

Ce dispositif, qui institue une minorité de blocage, ne répond toutefois aux problèmes que de manière transitoire puisque, si ces conditions sont réunies, le transfert n’est repoussé que de six ans et prend effet au 1er janvier 2026.

L’article 5 du présent projet de loi apporte des assouplissements bienvenus, mais qui ne vont pas aussi loin que je l’aurais souhaité.

Ainsi, le mécanisme de délégation proposé par le Gouvernement démontre la prise en compte de ces difficultés, mais demeure limité en raison de sa complexité : en excluant les syndicats de communes du dispositif, il ne permet en effet pas l’exercice des compétences eau et assainissement au niveau pertinent.

Au vu de ces difficultés, je me félicite que la commission ait préféré faire confiance aux élus locaux, suivant ainsi la position désormais traditionnelle du Sénat sur le sujet. Elle considère que, lorsque les transferts sont pertinents, ceux-ci sont réalisés. S’ils ne le sont pas, c’est qu’ils ne correspondent pas aux spécificités locales.

Plutôt que d’imposer des directives extrêmement verticales, je préférerais que l’on fasse confiance aux élus locaux : les résultats d’analyse de l’eau transmis par les ARS obligent les maires, soit à opter pour l’interconnexion, soit à améliorer la qualité de cette eau au niveau des stations d’épuration. Arrêtons d’embêter les élus locaux : ils savent ce qu’il y a à faire. Selon moi, il est inutile de légiférer. Je demeure favorable à un transfert facultatif de ces compétences.

Avant de conclure, je voudrais saluer ici, à cette tribune, le travail accompli par nos collègues Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, et souligner la qualité de leur rapport.

Particulièrement attentif aux préoccupations exprimées par les collectivités territoriales, notre groupe Les Indépendants demeure très attaché à une meilleure reconnaissance de la place centrale des maires et des élus, ainsi que de leur engagement. Il votera donc ce projet de loi amélioré par les travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, historiquement, la France s’est construite autour de son État.

Sous Louis XIV, c’était « l’État, c’est moi ». Sous Napoléon, c’était « l’État d’abord ». Sous Clemenceau, c’était « l’État fait la guerre, je fais la guerre ». En réalité, rien ou presque rien n’existait en dehors de celui-ci. Le jacobinisme était à la mode, et dominait même totalement.

Après la Seconde Guerre mondiale, la haute administration jacobine, sous la contrainte d’un pays détruit, a bien voulu accepter que la France s’engage sur la voie de la déconcentration et de la décentralisation, mais à la condition que les décisions continuent de se prendre à Paris ! La Datar et le Commissariat au Plan, c’était parfait, car cela permettait à la haute administration de conserver la main.

Et puis voilà que, depuis vingt ans, la situation est devenue difficile, parce que l’État n’a plus autant de pouvoir, n’a plus les moyens financiers dont il disposait, ni l’autorité ou le crédit qu’il avait. À cela se sont ajoutés le discrédit de la parole publique dans l’opinion ainsi que la montée des antagonismes, des égoïsmes et des agressions.

Selon les gouvernements, la réaction a été très différente. Certains d’entre eux, comme ce fut le cas récemment, ont considéré que, comme nous n’avions plus rien et que l’État était désargenté, il fallait réduire d’autant les dotations des collectivités pour essayer de redresser les comptes publics. Or cela ne marche pas ! Cela favorise même les crises, comme celle des « gilets jaunes », la contestation générale. Cela crée un pays fracturé, un pays déséquilibré, qui ne se reconnaît plus.

Depuis quelques années, on se dit que, finalement, la démocratie, c’est peut-être bien ces 600 000 élus locaux, ces maires, ces maires adjoints, ces conseillers municipaux, que certains dans l’administration considéraient comme des enfants gâtés, comme des personnes qui, par définition, n’ont pas de compétences et doivent naturellement écouter la parole préfectorale ou la parole administrative qui, elle, est tellement rationnelle.

On se dit aussi que la décentralisation et la déconcentration pourraient peut-être aussi venir de la base. Un gouvernement – pourquoi pas le vôtre, monsieur, madame les ministres ? – devrait peut-être se demander si, en rendant le pouvoir aux maires, en rétablissant leur capacité d’agir aux communes, on ne contribuerait pas à restaurer la démocratie, à restaurer ce lien social tant distendu et presque disparu.

Cela permettrait peut-être à ce pays, au-delà des communes et des élus locaux, de se parler. On ne peut plus accepter cette parole qui vient d’en haut, quand elle peut être – c’est la démocratie ! – contestée et critiquée.

En revanche, tous les citoyens admettent que le maire incarne le pouvoir de proximité, qu’il est à l’écoute et qu’il est responsable : par définition, ils peuvent en changer ou le garder tous les six ans – d’ailleurs, ils le gardent le plus souvent, parce que le maire est extrêmement attentif à leurs besoins.

Alors oui, on a peu à peu décidé au nom de la rationalité de créer des territoires de plus en plus grands : on a créé de grandes régions et des intercommunalités de plus en plus vastes, parce que cela devait soi-disant permettre de rationaliser la dépense. En réalité, on n’a rien rationalisé du tout sinon le discrédit. Et les citoyens se sont sentis complètement écartés de la décision !

Mme Anne Chain-Larché. Tout à fait !

M. Roger Karoutchi. Aujourd’hui, il faut faire le travail inverse, non pas tout déconstruire et défaire ce qui a été réalisé au niveau des intercommunalités, des départements ou des régions, mais faire en sorte que la cellule de base qu’est la commune redevienne ce qu’était l’agora athénienne. Si la commune ne parvient pas à recouvrer cette forme originelle de la démocratie, cette dernière sera en péril dans notre pays.

Sur d’autres sujets, j’entendais le Président de la République se demander ce qu’est la Nation et ce qu’est la France aujourd’hui. Eh bien, en ce qui me concerne, monsieur le ministre, madame la ministre, je répondrai que ce pays tiendra d’autant plus que vous restituerez aux communes et aux 600 000 élus locaux leur capacité d’agir matérielle, financière, morale et intellectuelle. Retrouvons la démocratie ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et RDSE. – MM. Bernard Buis et Martial Bourquin applaudissent également. – Lorateur rejoint sa place sous les bravos de son groupe.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Mizzon. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mandat municipal qui s’achève aura été, à plus d’un titre, à nul autre pareil.

Jamais, depuis tant d’années, les communes n’avaient connu des changements aussi profonds dans une période aussi courte. Rappelons-en les principaux : la réforme territoriale et ses conséquences sur la réorganisation des territoires ; des nouveaux transferts de compétences que cette même réforme a entraînés ; la baisse des dotations de l’État et ses répercussions sur les budgets locaux ; enfin, la suppression progressive, partielle et bientôt presque totale de la taxe d’habitation, dont on ne sait toujours pas, de manière précise, par quoi et comment elle sera remplacée.

Sans doute ces épisodes qui ont laissé un goût amer à nombre d’élus locaux ont-ils contribué à nourrir leur découragement, au point que l’on estime aujourd’hui que près d’un maire sur deux ne se représentera pas dans moins de six mois maintenant.

Le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner est-il de nature à réparer ce passé récent ?

Pas vraiment. En effet, il ne revient pas sur les principaux griefs formulés à l’encontre des dernières réformes, qu’il s’agisse de la baisse des dotations ou des transferts de compétences imposés par la loi.

Ce texte est-il annonciateur d’une ère nouvelle dans laquelle les relations entre l’État et les communes seraient empreintes de plus de respect et de confiance mutuels ?

Peut-être. En tout cas, il s’agit d’un premier pas en ce sens, d’un pas que nous apprécions, même si le chemin est encore long.

Ce projet de loi est-il de nature à mettre un peu de baume au cœur des élus ?

À l’évidence, oui, car toutes les propositions qu’il comporte vont dans la bonne direction. Celles-ci manquent quelque peu de souffle et d’envergure, mais elles apportent un petit plus pour les libertés locales, après les années de régression qu’ont imposées des lois venues de l’enfer.

On sent comme un parfum de liberté dans ce texte, mais ce n’est qu’un parfum !

D’autres textes permettront au Gouvernement de montrer plus clairement ses véritables intentions. Je pense bien sûr au prochain projet de loi de finances qui, pour les collectivités, sera centré sur la question primordiale de la compensation de la suppression intégrale de la taxe d’habitation afférente à l’habitation principale, mais aussi au nouvel acte de la décentralisation qui devrait intervenir au premier semestre de l’année 2020.

En attendant, ce projet de loi conforte le rôle du maire et de la commune. Il s’agit de l’une des réponses pour lutter contre la fracture territoriale dénoncée par les mouvements sociaux de ces derniers mois.

Nous le savons, les Français aiment leur maire et leur commune plus que tous les autres responsables ou institutions politiques. Toutes les études le montrent, y compris celle qui a été réalisée par l’IFOP le mois dernier pour le compte de notre groupe, dans la perspective du colloque sur le droit à la différenciation que nous avons organisé ici même le 23 septembre dernier.

À la question de savoir auquel des trois niveaux de collectivité, auxquels a été joint l’EPCI, elles souhaiteraient attribuer davantage de pouvoir, les personnes interrogées ont sans surprise placé la commune en tête. C’est d’ailleurs la seule collectivité qui recueille plus de 50 % des votes.

Il est donc bienvenu de renforcer le rôle et la place des maires dans la gouvernance des EPCI à fiscalité propre. Le conseil ou la conférence des maires n’est pas une nouveauté et donne satisfaction partout où il a été mis en place. Je crois à l’expertise, mais je crois plus encore à l’expérience. Voilà pourquoi je me réjouis que la commission des lois l’ait conforté.

Mais je souhaite que nous puissions aller plus loin. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement visant à le rendre obligatoire dans tous les EPCI. Cela peut paraître contradictoire avec l’esprit du texte, qui en laisse l’initiative aux maires eux-mêmes, le cas échéant, mais je considère qu’il ne faut pas hésiter à généraliser une instance qui a fait ses preuves et à l’installer partout.

De même, faire en sorte que le maire soit systématiquement le représentant de sa commune dans l’EPCI, dès lors qu’il en est d’accord, contribuera à un meilleur fonctionnement de la coopération intercommunale et, donc, à une plus grande efficacité de son action.

Pareillement, faciliter la représentation des communes au sein des commissions de l’EPCI ou encore élargir la transmission des informations tenant aux réunions des conseils communautaires à l’ensemble des élus municipaux du territoire permettront de mieux les associer aux affaires communautaires et concourront à l’appropriation progressive du fait intercommunal.

L’attribution des compétences eau et assainissement a suivi un parcours assez chaotique ces nombreux mois. Il est difficile d’expliquer aux maires que leur transfert a été imposé par la loi pour une plus grande efficacité, puis d’expliquer que cette efficacité passe par un retour à l’échelon communal. L’efficacité maximale eût donc été de ne rien faire !

Votre gouvernement n’est pas à l’origine de ce parcours, mais il avait la possibilité, l’année dernière, de sortir de cet imbroglio par le haut. Tel n’a pas été son choix et je le regrette. C’était avant, avant les mouvements sociaux qui l’ont amené à porter un regard nouveau sur les communes. Il n’est jamais trop tard, mais s’agissant de ces compétences, je pense que la commission des lois a adopté une position pertinente et cohérente, dans la droite ligne de ce qu’a toujours défendu le Sénat sur ce sujet.

M. Jean-Marie Mizzon. Je salue également la suppression de la révision automatique tous les six ans des schémas départementaux de coopération intercommunale. Le Président de la République l’a rappelé, les intercommunalités ne sont jamais que des constructions au service de la population. Elles doivent permettre aux communes de mieux répondre aux défis auxquels elles sont confrontées.

La révision sexennale favorisait une logique de massification, notamment là où les préfets de département faisaient du zèle. Et il y en a eu !

Désormais, la carte intercommunale bénéficiera d’une certaine stabilité, ce qui donnera davantage de lisibilité aux EPCI et leur permettra de porter des projets à long terme.

Enfin, ce projet de loi traite également du pouvoir de police des maires. Il propose d’ajouter à l’arsenal juridique existant quelques moyens nouveaux, dont la mise en œuvre est aisée. L’efficacité devrait être au rendez-vous. Ce volet paraît mineur. Il l’est assurément pour les maires des grandes villes, mais il en va différemment des autres, qui ne bénéficient pas des mêmes services.

Qu’il s’agisse des établissements recevant du public, de la tranquillité publique, de l’urbanisme opérationnel ou encore de comportements troublant la sécurité publique, tous ces domaines peuvent être sources de tensions qui empoisonnent le quotidien des élus. Mais ces choses-là, on ne les mesure pleinement que si l’on va les voir « avec les pieds », que si l’on prend le temps d’aller sur le terrain pour être à l’écoute.

Précisément, l’écoute semble être la marque de fabrique de ce projet de loi, et c’est tant mieux ! Je ne saurais que trop vous inviter, madame, monsieur les ministres, à prolonger cette écoute et, peut-être, entendrez-vous alors la voix du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, attendu de longue date, le projet de loi Engagement et proximité dont nous débattons aujourd’hui arrive à un moment choisi pour répondre aux attentes largement exprimées par les élus locaux et relayées depuis longtemps par le Sénat.

Alors que les échéances de mars 2020 approchent, un maire sur deux hésite toujours à se représenter. Les raisons avancées sont toujours les mêmes : perte d’efficacité et d’utilité, absence de moyens et poids grandissant des responsabilités.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que 67 % des Français font confiance à leur maire, bien plus qu’à leur député ou sénateur.

Les causes de la baisse du moral des élus locaux sont connues : loi NOTRe, baisse des dotations durant le précédent quinquennat, multiplication et complexité des normes, désengagement des services de l’État. Et les inquiétudes pour l’avenir existent, notamment en raison du flou qui persiste autour de la réforme de la fiscalité locale.

Formulées lors du grand débat, ces attentes ont été enfin entendues par le Gouvernement. Les nombreux travaux du Sénat, tant ceux de la délégation aux collectivités territoriales sur le statut de l’élu que ceux de la commission des lois, sous l’égide de son président Philippe Bas, sur la réforme de la décentralisation et les irritants de la loi NOTRe ont largement inspiré les rédacteurs du présent texte.

Je me félicite, comme l’a affirmé le Premier ministre au cours de sa déclaration de politique générale au Sénat le 13 juin dernier, que 80 % des dispositions de ce texte résultent des travaux du Sénat. C’est bien, mais peut mieux faire !

L’excellent travail de nos rapporteurs Mathieu Darnaud et Françoise Gatel contribue à enrichir le texte initial, afin de prendre en compte toute la réalité du vécu quotidien des maires et éviter que ce texte attendu ne rate sa cible.

Conforter les maires dans leur rôle impose de redonner de la proximité à leur action et de favoriser leur engagement.

La perte de proximité constitue un leitmotiv. Beaucoup de maires rencontrés affirment être trop souvent dépourvus face à des décisions intercommunales prises sans leur consentement, ou des mesures législatives ou réglementaires déconnectées de la réalité et appliquées uniformément par les préfets. L’application du règlement départemental de défense extérieure contre l’incendie en Seine-Maritime en est une parfaite illustration.

Plus récemment, la faible information des maires lors de l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen – je pense à ma collègue Catherine Morin-Desailly – a privé la chaîne de communication auprès des citoyens d’un maillon essentiel, relais de proximité nécessaire. (Mme Catherine Morin-Desailly opine.)

Le texte dont nous débattons répond à ce besoin de proximité.

S’inspirant des trente propositions de la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des lois de réforme territoriale pour revitaliser l’échelon communal, dont M. Darnaud était le rapporteur, et de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, il tend à rééquilibrer les relations entre communes et EPCI pour que l’intercommunalité soit au service de la commune, et non l’inverse.

Souhaitant aller plus loin, la commission des lois a renforcé la place de la commune, en autorisant le transfert de l’intercommunalité vers la commune de compétences ou de la gestion d’équipements de proximité. Cette nouvelle souplesse permettra d’adapter l’organisation des EPCI aux spécificités locales, de faire du sur-mesure et d’éviter le modèle unique.

Si la proximité est essentielle pour redonner du sens à l’action municipale, elle ne peut suffire pour favoriser l’engagement des maires. L’amélioration des conditions d’exercice des mandats locaux est vitale pour encourager les vocations et favoriser l’engagement en politique, notamment des femmes. Seuls 16 % des maires sont aujourd’hui des femmes ; on ne peut que le déplorer.

La conciliation de la vie professionnelle, de la vie politique et de la vie familiale reste difficile. La prise en charge des frais de garde et de déplacements est une première avancée. Pour répondre à la demande d’élus, j’ai déposé un amendement tendant à faciliter le télétravail pour les élus. Son adoption permettra de rapprocher le maire de sa commune en lui libérant du temps de trajet.

L’augmentation du plafond des indemnités réclamée par les élus doit rester supportable par les budgets communaux et acceptable par les administrés. C’est tout le sens des améliorations introduites par les rapporteurs.

Enfin, la perte de ressources et de cotisations retraite liée à l’engagement politique et la gestion de la fin de mandat restent de véritables sujets de préoccupations pour les élus locaux, sur lesquels nous devons encore progresser ensemble.

Le texte Engagement et proximité répond en grande partie aux attentes des élus locaux, grâce aux avancées obtenues collectivement. Le groupe Les Républicains le votera, tel qu’il a été profondément amélioré par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Didier Marie. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le texte, je veux évoquer le contexte.

Monsieur le ministre, nous sommes à cinq mois des élections municipales et nous avons compris qu’il était temps, pour l’exécutif, de tenter de combler le fossé qu’il a creusé avec les élus locaux, l’éloignant des territoires.

En effet, les décisions négatives se sont multipliées depuis le début du quinquennat, suscitant interrogations, inquiétude, défiance et, parfois, colère.

Dès 2017, alors que le Président de la République affichait sa volonté de dialogue avec les élus locaux en instituant la conférence des territoires, le Gouvernement annonçait, sans concertation, l’annulation de plus de 300 millions d’euros de crédits d’investissement dédiés aux collectivités. C’était mal parti !

Suivaient la diminution drastique du nombre d’emplois aidés, amputant les politiques d’insertion, affaiblissant les associations et obligeant les communes à voler à leur secours, la baisse des APL, impactant le modèle économique des HLM et, par conséquent, les politiques d’urbanisme et de logement des maires et, enfin, la disparition de services publics locaux, celle des trésoreries en étant le dernier avatar.

Puis – je vous passe des étapes – est venue l’annonce de la suppression de la taxe d’habitation, qui fera l’objet non pas d’un dégrèvement, mais d’une compensation par transfert de fiscalité, rappelant la suppression, de triste mémoire, de la taxe professionnelle et ses conséquences sur les finances locales.

Enfin, cerise sur le gâteau, le hashtag #BalanceTonMaire a démontré toute la considération du Gouvernement et de la majorité pour les 600 000 élus locaux qui, chaque jour, s’engagent au bénéfice de leurs concitoyens et de leur territoire. (Mme la ministre et M. le ministre protestent.)

Il aura fallu la crise des « gilets jaunes » et l’appel à la rescousse des maires pour que le Président de la République découvre qu’ils étaient indispensables au lien social, à la cohésion territoriale et, tout simplement, à la République, dont ils sont bien souvent le rempart. C’est à cette occasion que M. Macron a découvert que nos collègues étaient en souffrance et qu’ils avaient le blues, à tel point que nombre d’entre eux n’envisageaient pas de se représenter et que l’on pouvait craindre une crise des vocations.

Ce texte arrive, par un pur hasard de calendrier, juste avant les échéances municipales et sénatoriales de 2020, avec l’ambition affichée de répondre aux attentes des maires, de retisser du lien, de redonner confiance. Nous ne sommes pas dupes de la manœuvre, mais, en responsabilité, nous sommes prêts à prendre tout ce qui améliorera la vie de ces élus, même si le projet de loi est loin de répondre à l’ambition affichée.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, madame la ministre, que demandent les maires ? Ils attendent d’abord de la considération. À cet égard, ils ne se contenteront pas d’un hashtag #CâlineTonMaire. Comme l’a dit en substance le président Jean-Marie Bockel, vous leur faites des déclarations d’amour, ils veulent des preuves d’amour !

Ensuite, ils demandent des moyens. De ce point de vue, la perspective du gel de l’évolution des bases locatives et d’une augmentation de seulement 0,2 %, hors FCTVA, des concours de l’État aux collectivités dans la prochaine loi de finances ne les rassure pas.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est tout de même mieux qu’une baisse !

M. Didier Marie. Enfin, ils veulent retrouver de la liberté d’action, sans contractualisation étouffante, sans tutelle suffocante des services préfectoraux, sans avalanche de normes nouvelles.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez fait le choix de reprendre de nombreuses dispositions déjà votées par le Sénat, souvent à l’unanimité, qui, malheureusement, faute de relais au Gouvernement et au sein de la majorité de l’Assemblée nationale, n’avaient pas pu prospérer. Nous considérerons donc un bon nombre de vos propositions avec bienveillance.

Cependant, notre approche sera également exigeante.

Votre texte a été amendé par la commission des lois, qui en a renforcé certains aspects, ce dont il faut se réjouir, mais qui a aussi introduit, sous couvert de gommer certains irritants, des dispositions qui pourraient en créer de nouveaux.

Plusieurs de nos propositions ont été reprises, essentiellement sur les droits des élus. Nous nous en félicitons.

Nous présenterons, en séance, d’autres amendements, qui, nous l’espérons, pourront rassembler.

Ainsi, pour ce qui concerne la consolidation de la place de la commune et du maire dans l’intercommunalité, nous invitons nos collègues à aller plus loin que nos rapporteurs, en rendant obligatoires le pacte de gouvernance et la conférence des maires, considérant que c’est dans les territoires où ils n’existent pas encore qu’ils seront les plus utiles et que, sans obligation, il y a peu de chances qu’ils y voient le jour.

Nous veillerons, par ailleurs, à ce que les possibilités de scission d’EPCI soient bien réservées aux quelques cas d’intercommunalités « XXL » posant difficulté, en fixant des bornes quant à leur taille, et à ce que l’assouplissement de la répartition des compétences n’ouvre pas de remise en cause insidieuse de l’intercommunalité. Il ne faudrait pas que la suppression des compétences optionnelles et l’introduction des compétences à la carte fragilisent tout l’édifice d’une intercommunalité en cours de stabilisation.

Comme le souligne Mme le rapporteur, l’intercommunalité est une chance et une force pour nos territoires. À cet égard, nous sommes convaincus que la si décriée loi NOTRe a redonné aux EPCI des capacités d’action – il en va de même pour les communes.

S’agissant des conditions d’exercice des mandats locaux, nous nous félicitons que la commission ait retenu notre proposition selon laquelle seul le maire peut demander une indemnité inférieure au plafond. Nous aurions souhaité que les indemnités des maires et des adjoints puissent être augmentées de façon dégressive, au-delà de 3 500 habitants jusqu’à 100 000 habitants, strate au-dessous de laquelle l’indemnité du maire est inférieure au salaire médian français.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Didier Marie. De nombreuses autres dispositions vont dans le bon sens, bien qu’elles ne révolutionnent pas le quotidien des élus et que ce soit au final le budget communal qui devra, s’il en a les moyens, assumer celles qui ont un coût. Je veux citer la prise en compte des frais de déplacement et des frais de garde, qui, effectivement, améliorera le quotidien des élus.

Cependant, ce texte opère également des reculs. Je pense, concernant la participation des citoyens à la vie locale, à la remise en cause des conseils de développement.

Il présente également des manques, notamment sur la parité, alors que ce texte devrait permettre de la faire progresser au sein des EPCI, qui ne comptent qu’un tiers de femmes et seulement 8,9 % de femmes présidentes.

Enfin, il ne lève pas certaines incertitudes, la question essentielle de la formation étant renvoyée à une ordonnance.

En outre, nous déplorons que l’après-mandat soit le grand absent du texte. On n’en parle pas, alors que c’est une condition de l’engagement. Qu’en est-il de la validation des acquis de l’expérience ? Qu’en est-il de la reconversion professionnelle ? Sur ce plan, nous aurions souhaité que le texte prévoie le bénéfice de l’ancienneté des élus dans le cas d’une reprise d’activité, amplifie l’allocation différentielle de fin de mandat, soutienne la création d’entreprise, en faisant bénéficier l’élu de prêts en quasi-fonds propres. Nous aurions aussi voulu réformer le régime de retraite des élus, alors que celle-ci est, aujourd’hui, indigente.

Ces sujets ne figurent pas dans le texte, et l’article 40 de la Constitution ne nous permet pas de les y intégrer. Nous regrettons que le Gouvernement n’en ait pas pris l’initiative.

Madame la ministre, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, la question de l’engagement citoyen est primordiale. Ce texte va-t-il décider des élus sortants hésitants à se représenter ? Va-t-il susciter de nouvelles vocations ? Nous ne le croyons pas. Il ne règle en rien la question des moyens financiers. Il ne règle pas plus celle d’une liberté retrouvée ni celle de la sécurité des élus.

Ce texte est, certes, utile, mais c’est un petit texte, qui ne répond pas à une grande ambition et qui risque malheureusement de susciter quelques frustrations. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle démocratie voulons-nous pour demain ? C’est le véritable enjeu de ce texte de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui, dans son intitulé, énonce deux fondamentaux de la vie politique : l’engagement et la proximité.

L’engagement à servir l’intérêt général, les populations et les territoires doit être le moteur de tout mandat.

La proximité est quant à elle un fondement de notre République.

La France est souvent montrée du doigt pour ses 35 000 communes et ses 503 000 élus municipaux. Ce serait trop.

Trop pour leur budget ? Nous le savons tous ici, ce sont très majoritairement des bénévoles qui consacrent leur quotidien à leur ville ou à leur village, 72 % des communes comptant moins de 1 000 habitants.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Henri Cabanel. Tout cela ne représente jamais que 1,2 % du budget des communes.

Trop de moyens humains ? Quand on constate leur sacerdoce, comment nier le rôle évident des élus locaux ? « Nous sommes de véritables amortisseurs sociaux », m’a dit une maire que j’ai rencontrée lorsque j’ai fait le tour de mon département de l’Hérault. J’aime à répéter cette phrase, qui reflète la réalité des élus communaux.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Henri Cabanel. De fait, les élus locaux sont présents sept jours sur sept, quasiment jour et nuit.

M. Henri Cabanel. La plupart indiquent remplacer certains services qui ont déserté les communes rurales ou les agents municipaux que leur petit budget ne peut assumer.

Bref, notre République s’appuie sur ces élus, qui offrent à notre pays un véritable équilibre, une paix dans un contexte pour le moins agité. Si l’on peut débattre de leur nombre au sein du conseil municipal quand on connaît la difficulté qu’ont certains candidats à constituer une équipe, la nécessité des élus et l’importance de leurs missions sont, elles, incontestables. Dès lors se pose une question fondamentale : comment les soutenir dans leur mandat ?

Merci pour ce texte, qui, dans ses quatre parties, a pour objectif d’apporter des réponses aux problèmes des maires, s’agissant notamment de leur positionnement au sein des EPCI ou encore de leurs pouvoirs de police.

Toutefois, je regrette deux éléments majeurs. En premier lieu, monsieur le ministre, l’intitulé du projet de loi ne mentionne pas le « statut de l’élu local » dont vous avez parlé tout à l’heure. En second lieu, le texte ne prévoit que des droits, et pas de devoirs.

Le « statut de l’élu » est-il devenu un gros mot ? Avons-nous peur des citoyens ? Depuis des années, les élus locaux revendiquent un statut. Pour rappel, ce terme n’a rien de subversif ! Il s’agit uniquement d’un ensemble de textes qui règlent la situation d’une personne ou d’un groupe. Depuis des décennies, les textes s’empilent sur le sujet, sans qu’il y ait eu de réforme radicale.

Le présent projet de loi est l’occasion de s’emparer de la question, à la condition, bien évidemment, que nous soyons écoutés. Pour l’heure, il consiste en un mélange de mesures, certes utiles – je pense notamment à la formation ou à la prise en charge des frais de garde –, mais il ne va pas au fond du sujet.

Les enjeux du statut de l’élu sont triples. Alors que plus de deux maires sur cinq sont des retraités, alors que seulement 16 % des maires sont des femmes, ces enjeux sont ceux de notre société : il s’agit de lutter contre les freins à l’engagement liés à l’activité professionnelle, à la parité et à la représentation de la société dans la vie publique.

Les chiffres publiés sur le site de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité montrent une progression de la part des retraités. Cela indique de façon très claire la difficulté qu’ont les salariés, et plus particulièrement ceux du privé, à réintégrer leur entreprise à l’issue de leur mandat. Une quantification du temps qu’exige l’exercice d’un mandat municipal s’impose pour expliquer aux citoyens la nécessité de réformer les retraites et les indemnités des élus locaux.

À cet égard, ce texte aurait dû associer les droits et les devoirs. Comment, dans un contexte social en crise, dans une défiance exacerbée des citoyens envers leurs gouvernants, imaginer des droits sans devoirs ? Alors que le « tous pourris » inonde les réseaux sociaux, les élus locaux font les frais de ce manque de confiance, mais également de l’absence de respect, qui s’amplifie.

Quel est le contexte sous-jacent du drame de Signes intervenu cet été ? Celui de citoyens qui ne respectent plus les élus et de fortes menaces pesant sur l’autorité du maire.

La commission des lois du Sénat a lancé récemment une consultation auprès des maires. Les chiffres qui ont été communiqués démontrent ce malaise : 92 % des participants à la consultation ont déjà subi des incivilités, des injures, des menaces ou des agressions physiques.

Rédiger des textes de loi pour renforcer les moyens de contrainte, c’est bien. Expliquer, c’est essentiel, car la citoyenneté ne se décrète pas, pas plus que la confiance.

C’est pourquoi nous devons collectivement œuvrer pour reconquérir les Français. Nous devons collectivement débattre, expliquer, quels que soient nos mandats et quels que soient les publics.

Pourquoi, par exemple, ne pas imposer à chaque élu de consacrer une demi-journée par mois à une rencontre avec les jeunes ? La citoyenneté se crée dès le plus jeune âge, et je peux vous dire, pour rencontrer les conseils municipaux de jeunes, mais également des élèves et des étudiants du CE2 jusqu’au master 2, qu’il y a une vraie appétence pour nos institutions. Ainsi, dans une décennie, la situation pourrait être inversée, à la condition toutefois que nous expliquions bien nos droits et nos devoirs.

La nécessité de détenir un casier vierge, pour les candidats aux élections, est l’un de ces devoirs. Une telle condition paraît d’ailleurs évidente pour les élus locaux qui la réclament. J’ai réalisé une enquête dans mon département : 82 % des maires qui ont répondu y sont favorables.

D’après ce même questionnaire, pour 74 % des maires, l’exigence accrue des citoyens représente le principal frein à l’engagement. C’est pourquoi il est fondamental de témoigner, d’informer sur le rôle majeur de nos élus et de soutenir encore et toujours cet extraordinaire maillage de notre pays.

En ce sens, le groupe RDSE a déposé de nombreux amendements qui vont plus loin que le texte examiné, car, si le débat a le mérite d’être posé sur plusieurs sujets, certaines propositions sont perçues par les élus locaux comme des effets d’annonce ou de communication. Par exemple, quelle valeur aura la possibilité, pour un EPCI, de déléguer la compétence eau et assainissement aux communes qui le souhaitent, si cette délégation est soumise au vote de l’établissement ? Dans la réalité, certains EPCI ont une gouvernance de baronnie et des postures politiciennes qui bloqueront toute délégation. Par conséquent, il faut soit figer la situation voulue par la loi NOTRe, soit revenir purement et simplement sur celle-ci, en annulant le transfert. Tel n’est pas votre choix, mais la disposition du texte n’est pas tenable dans la réalité. Il faut aller plus loin.

L’augmentation du pouvoir de police du maire est également une bonne intention. Toutefois, dans la réalité, certains pensent que cela les mettra encore plus en danger.

M. Henri Cabanel. Un accompagnement par les services d’État est donc nécessaire.

M. Philippe Dallier. Un peu de courage !

M. Henri Cabanel. Enfin, proposer une hausse des indemnités prélevée sur le budget communal est irréaliste. C’est presque une injure pour les plus petites communes. Dans un contexte financier contraint, une telle mesure est illusoire ! L’État devrait en assumer la charge. C’est le prix à payer pour soutenir l’engagement citoyen. C’est le prix à payer pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Didier Marie et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qu’il nous est donné d’examiner aujourd’hui marque une prise de conscience par le Gouvernement du rôle des élus locaux dans notre démocratie et de la nécessité de mieux les considérer.

En effet, chez les élus, un sentiment latent de dépossession s’est installé. Successivement, ils ont dû affronter les baisses de dotations de l’État, qui ont affecté toutes les collectivités de manière indistincte et non concertée, puis la marche forcée vers les grandes intercommunalités et les grandes régions et, demain, la réforme de la fiscalité locale.

Ce projet de loi entend ainsi valoriser et accompagner ceux qui s’engagent pour la démocratie et la collectivité, en améliorant les conditions d’exercice des mandats locaux.

Dans le même esprit, il vise à étendre les libertés locales, à conforter le rôle du maire pour assurer un meilleur équilibre avec l’intercommunalité, à simplifier le quotidien des élus locaux et à mieux adapter certaines règles ou certains seuils aux réalités territoriales.

Je me réjouis tout particulièrement que ce texte vise à opérer de réelles avancées pour redonner des libertés locales aux élus, afin que ces derniers retrouvent des capacités d’action qui leur ont été enlevées par les lois NOTRe et Maptam.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Dany Wattebled. Sans remettre ces lois en cause, il paraît nécessaire de conforter le rôle des maires au sein des intercommunalités, d’améliorer la gouvernance des EPCI pour permettre des ajustements à la carte lorsque cela ne marche pas et de redonner du pouvoir aux maires.

Il est primordial de faire de l’intercommunalité un véritable instrument au profit des maires. N’oublions pas que ce sont les communes qui font l’intercommunalité, et non l’intercommunalité qui fait les communes !

M. Emmanuel Capus. C’est vrai !

M. Dany Wattebled. Je suis heureux également que ce projet de loi prévoie de lever des freins à l’engagement et au réengagement, pour attirer de nouvelles personnes à se présenter et pour ne pas décourager les élus locaux, alors que la menace de voir des listes incomplètes aux élections de 2020 se fait jour.

Je pense toutefois qu’il faudrait aller plus loin.

En effet, sur le terrain, les maires, notamment ceux des communes de moins de 1 000 habitants, réclament une diminution du nombre de conseillers municipaux, car ils rencontrent des difficultés à constituer des listes en vue des prochaines élections.

Ainsi, dans les communes comptant jusqu’à 100 habitants, il faut 7 conseillers municipaux. À partir de 101, il en faut déjà 11, soit plus de 10 % de la population ! Pourquoi ne pas porter le nombre de conseillers à 7 dans les communes de 1 à 199 habitants, à 9 dans les communes de 200 à 499 habitants et à 13 dans celles de 500 à 1 499 ?

De plus, l’abaissement du seuil du scrutin proportionnel en contrepartie, en le fixant, par exemple, à 200 habitants, favoriserait la parité et la démocratie et réduirait l’iniquité qui existe actuellement pour le même scrutin. En effet, pour les communes de 1 000 habitants prévaut actuellement le panachage, ce qui se réduit parfois à un jeu de chamboule-tout, quand les autres connaissent le scrutin proportionnel. Nous avons déposé des amendements en ce sens.

Avant de conclure, je veux saluer, à cette tribune, l’immense travail accompli par les élus locaux, au premier rang desquels les maires, qui sont toujours au plus près des citoyens, de leurs demandes, de leurs encouragements, mais aussi de leurs récriminations.

Oui, le travail que mènent les élus au quotidien au service des habitants, au niveau communal comme au niveau intercommunal, doit être simplifié et soutenu. Oui, le bloc communal doit être valorisé et remis au cœur de notre démocratie. C’est une valeur essentielle de notre République !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, réenchanter l’exercice de ce bel engagement qu’est le mandat local est à portée de main. Si ce texte en ouvre la perspective, je me félicite que la commission des lois ait apporté de nombreuses et importantes modifications afin de mieux sécuriser, motiver et outiller les élus locaux, en les dotant d’une plus grande capacité à agir.

Rendre l’engagement citoyen attractif pour de nouveaux élus et répondre aux demandes des maires d’aujourd’hui : voilà l’urgence à laquelle ce texte doit répondre.

Pour cette raison, le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi, enrichi largement et significativement par les travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Arnaud de Belenet et Yves Bouloux applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Laurent Lafon. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, aujourd’hui, notre Haute Assemblée entame l’examen d’un projet de loi dont l’objet est essentiel.

Essentiel, parce qu’il traite de la difficile et nécessaire représentation locale de l’ensemble de nos concitoyens.

Essentiel, parce qu’il touche le socle même de notre modèle démocratique.

Essentiel, enfin, parce qu’il rappelle le rôle premier de notre chambre, tel qu’énoncé à l’article 24 de la Constitution française : celui d’assurer la représentation des territoires de la République.

Assurer leur représentation, c’est accompagner les élus locaux dans l’exercice de leurs missions ainsi que dans la gestion de leur commune, dont ils connaissent mieux que quiconque les réalités, les exigences et les turpitudes du quotidien.

Accompagner les élus locaux, c’est aussi les défendre lorsqu’ils sont menacés ou lorsque certains cris d’alerte ne sont plus audibles.

En juin dernier, nos collègues Antoine Lefèvre et Patricia Schillinger ont rédigé, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, présidée par notre collègue, Jean-Marie Bockel, un remarquable rapport alertant notamment sur les difficultés rencontrées par les élus locaux dans la gouvernance des intercommunalités.

Malgré la volonté affichée de décentralisation, l’atavisme jacobin rattrape malheureusement trop souvent les 35 000 communes qui composent notre territoire. Le trouble est important pour les élus locaux, qui assurent avec beaucoup de dignité des fonctions parfois difficiles. Surtout, la nature et le rôle de l’élu s’en trouvent considérablement transformés.

Ces dernières années, nous avons bien senti dans nos territoires une forme de découragement, qui a saisi de nombreux élus. Ce découragement est engendré par le décalage entre l’envie d’agir des élus et les trop nombreux obstacles auxquels ces derniers doivent faire face, se sentant souvent trop seuls face à la complexité de nos organisations institutionnelles et la diminution des moyens de nos collectivités territoriales.

Les fonctions que nous occupons aujourd’hui au Sénat, celles que nous exercions hier dans nos communes, comme maires, adjoints au maire, conseillers municipaux, départementaux ou régionaux, nous ont placés quotidiennement au contact de la France des élus locaux, de l’engagement, du courage et de la prise de risque, celle des communes, grandes et petites, celle des petits bourgs, des communautés d’agglomération et des métropoles.

C’est pourquoi nous mesurons, mieux que d’autres peut-être, le gâchis des énergies contenues dans nos territoires. Disons-le clairement : depuis cette position privilégiée, à cette tribune comme dans les allées des marchés, nous mesurons à quel point la volonté, l’abnégation et le sens du mouvement se heurtent à chaque instant aux forces du statu quo.

Non, gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromages n’est pas chose facile. (Sourires.) Sur ce plan, les échanges constructifs entre le Gouvernement, quel qu’il soit, et le Sénat sont une école de réalisme : on n’administre pas un pays contre ses élus locaux.

Oui, la condition de nos élus locaux se dégrade. De nombreux exemples nous l’ont malheureusement montré.

D’abord, les efforts à fournir pour assurer une fonction dont l’indemnisation est faible au regard du temps consacré et des efforts consentis sont considérables. Surtout, la délégation de compétences aux EPCI et la diminution des moyens mis à la disposition des communes nourrissent les tensions, les incompréhensions et, à terme, les divisions entre les élus et leurs administrés, dont les problématiques, aux facteurs éminemment locaux, trouvent rarement une réponse simple, concrète et efficace.

La dégradation de la fonction d’élu doit être une préoccupation majeure pour notre assemblée, parce que nous sommes les représentants des élus, mais aussi et surtout parce qu’une remise en cause du rôle de l’élu local est une mise à mal de notre socle démocratique.

L’élu local et la commune étaient au cœur des grandes avancées vers la décentralisation de notre pays. Les lois Defferre constituèrent des avancées considérables pour la démocratie. Les récentes tentatives de décentralisation sont, elles – il faut le reconnaître –, bien plus floues. En effet, la décentralisation a conduit à un enchevêtrement des compétences, qui obscurcit les réalités et dilue les responsabilités.

Aujourd’hui, posons-nous les bonnes questions. Quel élu voulons-nous pour demain ? Celui-ci doit-il être un professionnel, un expert, ou doit-il rester un représentant des habitants ? L’élu de demain devra-t-il renoncer définitivement à toute carrière professionnelle ? Devra-t-il appliquer des directives venues d’« en haut », sans aucune prise avec le quotidien d’« en bas » ? Le texte que nous étudions aujourd’hui vise à apporter des réponses à ces questions.

Mes chers collègues, le Gouvernement reprend les travaux préliminaires du Sénat et défend le texte en première lecture devant nous. Cela témoigne, madame, monsieur les ministres, d’une confiance en la capacité de notre assemblée à se saisir de sujets aussi importants pour la démocratie locale. C’est dans cet esprit de confiance et de proximité que nous assumerons pleinement notre rôle.

Je tiens évidemment à saluer le remarquable travail réalisé par nos deux rapporteurs, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, qui ont permis à la commission des lois d’améliorer significativement le texte qui nous est soumis aujourd’hui.

Tout d’abord, le projet de loi renforce le maire au sein de l’intercommunalité. Il apporte, au titre Ier, la nécessaire clarification du rôle des maires dans les EPCI, à travers la possibilité d’élaborer un pacte de gouvernance ainsi qu’une conférence des maires.

Ensuite, les pouvoirs de police du maire et les libertés locales sont renforcés. Le sentiment d’impuissance face à certaines incivilités est réel. Dès lors, il est urgent d’accorder à cet élu un pouvoir de sanction réglementé et, bien entendu, délimité.

L’article 20 est également louable, en ce qu’il permettra aux relations entre la commune et l’État d’aller de l’avant et de connaître davantage de fluidité.

Enfin, le dernier titre du texte entend mieux accompagner l’élu dans l’exercice de ses fonctions comme de sa carrière professionnelle. C’est un point fondamental. L’exercice d’un mandat permet d’acquérir de nombreuses compétences. Celles-ci doivent être reconnues.

Une élection ne peut plus être un frein ou une parenthèse dans une carrière professionnelle. À ce titre, les actions de réinsertion doivent faire partie des formations financées sur les budgets locaux, dans l’enveloppe de formation déjà prévue par le code général des collectivités territoriales.

Il s’agit ainsi d’encourager la réinsertion des élus, et donc la fluidité de leur carrière professionnelle. Nous aurons l’occasion d’y revenir durant le débat. En pratique, ces formations restent très peu mobilisées. Les élus locaux doivent être mieux accompagnés dans leur reconversion professionnelle, notamment par la validation des acquis de l’expérience, la VAE. Il s’agit d’assurer la cohérence entre cet outil de formation et le DIF.

Enfin, saluons la volonté d’avancer sur la question des indemnités. Même si le sujet est sensible, parler de l’engagement des élus sans l’aborder aurait été une erreur.

Ce texte se veut une réponse au mal-être des élus. Il ne réglera pas la question dans son intégralité : les problèmes sont si divers que la réponse ne peut être unique.

Madame, monsieur les ministres, vous affirmez l’ambition de clarifier le rôle de l’élu dans un cadre qui a évolué et de concevoir l’élu local que nous voulons pour demain. Notre société ayant changé, les élus locaux, eux aussi, sont amenés à évoluer. Ils aspirent désormais à plus d’autonomie et de responsabilité, dans tous les domaines. Cela est encore plus vrai des nouvelles générations qui arrivent.

Par plaisanterie, on a pu dire de la politique qu’elle était l’art d’empêcher les gens de s’occuper de leurs propres affaires. Il nous faut aujourd’hui faire tout le contraire. L’exigence pour les prochaines années, c’est la redistribution des pouvoirs. Or il n’y aura pas de partage des pouvoirs sans véritable décentralisation. Le mot reste cependant ambigu : il accrédite l’idée que les pouvoirs viennent d’en haut et que c’est le sommet de l’État qui décentralise « ses » pouvoirs au profit des collectivités territoriales. La décentralisation cache souvent une simple déconcentration des pouvoirs. Il nous faudra remettre la décentralisation à l’endroit.

Ce texte peut être une première pierre à l’édifice. Les échanges qui suivront doivent viser à présenter une analyse de la situation, à donner du sens à notre action et à montrer sur quoi peuvent déboucher les efforts de nos élus. Ils aboutiront, je l’espère, à affirmer une vision optimiste, et non à élaborer un énième texte sur le statut des élus.

Il ne tient qu’à nous de faire de ce projet de loi, à la veille des élections municipales, une réponse aux personnes, déjà élues, qui se demandent si elles seront candidates à un nouveau mandat, et à celles, pas encore élues, qui se posent la question de leur présence sur une liste municipale.

Simplifier la gestion de nos communes, élargir de nouveau le champ des possibles pour les élus, redonner du sens et de l’envie à l’engagement : tels sont les trois enjeux des débats que nous entamons aujourd’hui. Sachons saisir l’occasion d’y apporter des réponses appropriées. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, chers collègues, les premiers mots de l’intitulé de ce projet de loi mettent en valeur « l’engagement dans la vie locale ».

Au regard de ce réel engagement quotidien, le premier constat est que nos élus locaux ne sont pas entendus, voire qu’ils sont méprisés : je pense, par exemple, au hashtag #BalanceTonMaire… Mes propositions visent à rendre hommage à nos maires, à nos élus locaux, afin de les valoriser et de susciter des vocations. Ils sont avant tout enracinés dans leurs territoires, dévoués à leurs concitoyens et passionnés par la vie publique. Donnons-leur la reconnaissance qu’ils méritent !

Le deuxième constat est que les élus dans leur ensemble sont fustigés sur les réseaux sociaux et par certains médias. Ces dernières années, une médiatisation à outrance de quelques affaires a terni l’engagement quotidien et désintéressé des quelque 35 000 maires de France. Il est impératif de communiquer sur cet engagement au service du bien commun.

Troisième constat, face aux grandes intercommunalités, nos élus se sentent exclus, privés de parole, et donc démotivés. Il faut redonner la parole aux maires des petites communes, leur accorder la place qui doit être la leur pour qu’ils puissent répondre au mieux aux besoins de leur territoire.

Le quatrième constat est relatif aux transferts de compétences. Nos maires se sentent déshabillés. Il est essentiel de redonner du pouvoir de décision à nos élus. Je salue à cet égard le travail de nos rapporteurs. Fidèle à l’esprit du Sénat et à sa connaissance du terrain, la commission a supprimé le transfert obligatoire de la compétence en matière d’eau et d’assainissement – une aberration que nous n’avons de cesse de dénoncer. Le Gouvernement entendra-t-il raison à ce sujet ?

Le cinquième constat concerne les indemnités et leur caractère dérisoire au regard des responsabilités des maires de nos petites communes, taillables et corvéables à merci vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La reconnaissance passe aussi par la revalorisation de leurs indemnités, que je demandais déjà au travers de la proposition de loi de septembre 2018 pour une juste indemnisation des élus municipaux des petites communes.

De nombreux élus locaux vivent, selon leurs propres mots, un « véritable malaise » et une « crise des vocations ». En effet, le poids des responsabilités et la complexité de leurs missions n’ont cessé de croître, alors que leur statut, notamment leur indemnisation, n’a pas évolué en parallèle. Ce projet de loi peut nous permettre d’y remédier, et je remercie les rapporteurs pour leur travail sur ce sujet. Garder les trois premières strates actuelles, telles qu’adoptées en commission, me paraît aussi nécessaire pour la cohérence et l’acceptation de la valorisation indemnitaire.

Cette reconnaissance passe aussi par certains symboles, notamment quand d’autres élus locaux et nationaux en bénéficient déjà. Je pense ici à la cocarde tricolore, que nos maires ne peuvent rendre visible dans leur véhicule sous peine d’être verbalisés, comme le fut le plus ancien maire de mon département, après cinquante ans de mandat… Madame la ministre, il s’agit ici du champ réglementaire : pourriez-vous faire évoluer cette pratique afin de bien marquer le respect dû à la fonction de maire ?

Mon sixième constat est celui de l’impunité ou en tout cas du sentiment d’impunité des agresseurs de nos maires. La récente consultation sénatoriale auprès de nos édiles montre que ces faits divers sont une réalité trop répandue. Nos maires, pourtant officiers de police judiciaire, vivent mal le classement sans suite de plaintes et les procédures judiciaires sans fin, alors que la responsabilité pénale du maire est trop souvent engagée. Madame la ministre, pouvez-vous vous saisir du sujet avec votre collègue Mme la garde des sceaux, afin que les plaintes soient prises en considération, que les sanctions soient exemplaires, que justice soit faite ?

Mon septième constat est celui du manque de sécurité, qui entraîne une crise des vocations. Certes, être élu n’est pas un métier ; toutefois, pour susciter des vocations, il faut rendre la fonction plus respectée et attractive. Le sujet de la formation des élus est primordial : il importe de permettre à l’élu de poursuivre une carrière professionnelle qu’il a sacrifiée ou ébréchée pendant son mandat. Il faut aussi faciliter la mise en disponibilité, pour l’exercice de leur mandat, aux élus salariés du privé, sur les mêmes bases que pour les agents de la fonction publique. La problématique est abordée dans le projet de loi, mais celui-ci renvoie à des ordonnances.

Enfin, à propos de proximité, on ne peut que déplorer, en tant qu’élu de la Nation, la fin du cumul entre un exécutif local, particulièrement dans une petite commune, et un mandat de parlementaire. Ce cumul permettait, comme le dit si justement mon collègue Rémy Pointereau dans sa proposition de loi visant à garantir une République de proximité en rendant possible le cumul de mandats, de renforcer le lien unissant les territoires à leurs représentants nationaux.

Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues faisons en sorte que le texte qui sortira des travaux du Sénat soit à la hauteur des attentes de nos maires ! C’est l’intérêt général qui guide l’action de nos élus locaux : leur engagement mérite une reconnaissance pleine ; cela est légitime et juste ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, j’ai été maire d’une commune rurale de 450 habitants durant dix années : cette expérience ne me quitte pas et nourrit chaque jour mes réflexions et mon travail de législateur.

C’est vous dire combien j’étais sinon impatiente, du moins curieuse, madame, monsieur les ministres, de découvrir le grand projet de loi annoncé par le Gouvernement et destiné – je cite l’exposé des motifs – « à lutter contre la fracture territoriale » et « à réconcilier la métropole, la ville moyenne et le rural » : rien de moins !

Personne n’est dupe de cette « opération séduction » lancée à quelques mois des élections municipales, et il faudra bien plus qu’un projet de loi pour renouer la confiance avec les maires et les élus locaux.

Ainsi, il aura fallu la crise des « gilets jaunes » pour que l’exécutif se rende enfin compte des difficultés rencontrées au quotidien par les maires, expliquant pourquoi un maire sur deux déclare ne pas vouloir se représenter lors des élections municipales de mars 2020.

Oui, les communes sont le socle de la République, les maires sont les premiers agents de l’État sur le territoire : un État qui, sans les élus locaux, serait bien en peine de préserver la cohésion sociale.

Aujourd’hui, pardon de le dire, ils sont bien mal payés en retour avec ce projet de loi. En effet, malgré les intentions affichées par le Gouvernement, le compte n’y est pas : rien sur les baisses de dotations de l’État, ni sur la suppression de la taxe d’habitation, qui bat en brèche l’autonomie financière des collectivités territoriales, pourtant inscrite dans la Constitution ; peu de choses sur les intercommunalités « XXL » et rien sur les super-régions qui éloignent le pouvoir du terrain et laissent les élus communaux seuls en première ligne ; service minimum sur l’assouplissement maintes fois annoncé de la loi NOTRe ; rien sur l’acte III de la décentralisation que réclament en vain les associations représentatives des communes, des départements et des régions ; surtout, rien sur ce qui constitue le vrai problème, à savoir qu’avec la réforme territoriale et la priorité donnée au couple intercommunalité-région, avec la marche forcée vers les grandes intercommunalités, la légitimité technique par la compétence est, peu à peu, en train de remplacer la légitimité politique par le suffrage. Place aux « technotables » !

Telle est la vérité du malaise des élus locaux, et pas seulement des maires. Vous dites vouloir donner plus de pouvoirs aux maires, mais ce n’est pas en les autorisant à fermer les débits de boissons à la place des préfets que vous rétablirez la confiance. Cela conduira surtout à soulager une fois de plus les services de l’État d’une tâche subalterne et à placer les maires dans des situations délicates.

Donner des pouvoirs aux maires ? Mais pour faire quoi, et avec quels moyens ? Ce que nos collègues élus locaux réclament, c’est déjà de pouvoir disposer de moyens suffisants pour exercer leurs responsabilités actuelles. Commençons par là : ce serait déjà bien. C’est en tout cas que m’ont répondu les maires de la Haute-Savoie que j’ai pris soin de consulter sur la base de votre projet de loi et dont je me fais l’interprète aujourd’hui.

Enfin, à quoi bon vouloir légiférer tout le temps et sur tout ? Je fais ici référence au projet de pacte de gouvernance et à la conférence territoriale des maires, qui se pratiquent déjà sous des formes diverses sur le terrain sans qu’il soit besoin de loi pour cela, tout simplement parce que la solidarité entre les territoires et la confiance entre les élus locaux ne décrètent pas, mais se vivent au quotidien.

Le vécu quotidien des maires et de leurs adjoints – ne les oublions pas –, c’est souvent le choix de ne pas percevoir ses indemnités pour ne pas grever un budget communal déjà faible. À cet égard, le relèvement du plafond des indemnités que vous proposez et dont vous laissez la modulation à la discrétion des maires est une réponse insuffisante.

Le vécu quotidien des maires et des adjoints, c’est la difficulté à concilier vie professionnelle, vie familiale et mandat électif, en particulier pour les femmes, nombreuses à être engagées dans la vie publique locale.

Le vécu quotidien des maires et de leurs adjoints, c’est le maintien coûte que coûte d’un service de proximité et de qualité répondant aux besoins de leur population. Quand j’entends le Gouvernement annoncer la création de plusieurs milliers de maisons des services au public, tout en laissant leur fonctionnement futur à la charge des communes, je réponds qu’il existe déjà près de 35 000 maisons des services au public en France : cela s’appelle les mairies !

Le vécu des maires et des adjoints, c’est le temps qui manque pour se former et la difficulté à conserver une activité professionnelle régulière et, le cas échéant, à retrouver une activité ou à se reconvertir en fin de mandat.

Sur tous ces points, je ferai des propositions, notamment pour étendre le bénéfice du temps partiel, pour instaurer un fonds visant à financer des prêts pour les anciens élus désireux de créer leur entreprise ou pour que soit pris en compte, au titre du calcul des droits à la retraite, le temps consacré bénévolement à la collectivité et au public.

Madame, monsieur les ministres, nous autres montagnards sommes des taiseux ; nous ne donnons pas notre confiance comme cela, nous jugeons aux actes. Comme se plaisait à le dire Churchill, « que la stratégie soit belle est un fait, mais n’oubliez pas de regarder le résultat » ! Comme beaucoup de mes collègues, j’attendrai donc de voir quelle suite vous réserverez aux propositions du Sénat pour me prononcer. Il ne tient qu’au Gouvernement de faire en sorte que ce débat ne soit pas une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, comme le soulignait fort justement le président de la Haute Assemblée, Gérard Larcher, « le temps est venu de recréer des ponts entre les collectivités territoriales et l’exécutif ». En effet, le lien de confiance entre les élus locaux et l’État a été fortement et durablement endommagé. Disons-le sans ambages, il ne tient plus qu’à un fil.

Les dégâts occasionnés par le chamboule-tout des réformes territoriales bâclées, le diktat des contraintes financières étranglant l’autonomie fiscale locale, les ravages causés par les mensonges de la Conférence nationale des territoires, l’ignominie du hashtag #BalanceTonMaire doivent être réparés maintenant ! (M. Jackie Pierre applaudit.)

En point d’orgue de cette vertigineuse dégradation, la grave crise dite des « gilets jaunes » est venue stopper net l’arrogance du « nouveau monde » et a plongé le pouvoir dans la crainte et la fébrilité. Après avoir fait un chèque sans provision de plus de 10 milliards d’euros pour acheter la paix sociale, le Président de la République s’est lancé avec frénésie dans un tour de France des élus locaux, ne comptant plus son temps, prenant force notes et découvrant enfin les vertus de la proximité. « En même temps », il n’avait pas le choix, parce que c’est aux fantassins de la République, aux élus eux-mêmes qu’il faut redonner confiance, et ce maintenant. Il est indispensable de leur apporter l’appui de la Nation qu’ils incarnent au quotidien auprès de nos concitoyens, de leur signifier que la confiance des Français, dont plus de 80 % ont une image positive de leur maire, se traduit en actes, en clair qu’on ne les laisse pas tomber.

Est-ce réellement pour atteindre cet objectif que le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique nous est présenté aujourd’hui ? D’un naturel optimiste, je me plais à le croire. Car oui, la situation est devenue intenable pour les élus locaux, les maires en tête. Entre sentiment d’abandon et absence de reconnaissance, ces derniers ont exprimé récemment un sentiment d’usure et d’impuissance encore jamais éprouvé jusqu’alors.

Au Sénat, conformément à la responsabilité que nous confère l’article 24 de la Constitution, nous avions entendu de longue date les appels au secours montant des territoires. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui reprend d’ailleurs un grand nombre des positions tenues par le Sénat depuis plusieurs années, notamment sur l’articulation communes-EPCI ou encore sur les conditions d’exercice des mandats. Il était plus qu’urgent d’agir !

Apportant la preuve tangible que la vision du Sénat n’est pas « datée », sous l’impulsion de son président Philippe Bas, que je veux ici saluer, la commission des lois a lancé, de manière inédite, une vaste consultation des maires, des adjoints et des conseillers municipaux bénéficiant d’une délégation de fonctions. Les résultats n’ont pas tardé à remonter du terrain, en France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer.

La commission des lois a donc logiquement pris en compte leurs justes demandes et amendé profondément le projet de loi Engagement et proximité. Sur tous les points sur lesquels le texte initial avait été jugé timoré ou frileux par les associations d’élus, nous avons ajouté des dispositions nettement plus ambitieuses. Comme le soulignait Mathieu Darnaud voilà quelques instants, il ne s’agit évidemment pas d’opposer communes et intercommunalités, mais il est grandement nécessaire de rappeler que la commune est la porte d’entrée de l’intercommunalité, et non l’inverse.

C’est ainsi que nous avons entendu le souhait mille fois répété des associations d’élus de voir supprimer purement et simplement le transfert obligatoire de la compétence en matière d’eau et d’assainissement dans les communautés de communes et d’agglomération. Il ne s’agit plus là du mécanisme limité et compliqué proposé au travers du texte initial, mais d’une solution simple et efficace.

En ce qui concerne le renforcement des pouvoirs de police du maire, nous proposons notamment d’augmenter fortement le montant des amendes pouvant accompagner une astreinte et de codifier la possibilité d’interdire la vente de boissons alcoolisées la nuit dans les communes.

C’est à nous qu’il revient de faire en sorte que des orientations fermes de politique pénale en cas d’agression d’élus locaux soient diffusées à l’ensemble des parquets. C’est à nous de faire en sorte que les conditions de mutualisation des polices municipales soient assouplies.

Mes chers collègues, chacun d’entre nous le sait personnellement, la vie politique est ardue, chronophage et souvent ingrate. Mais chacun d’entre nous sait aussi qu’elle offre toutes les richesses d’un engagement humain au service de l’intérêt général, d’un projet de territoire, d’une Nation. Il est du devoir de notre démocratie de protéger ceux qui représentent la République ; la République doit aussi savoir se faire respecter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, Jean-Raymond Hugonet ayant déblayé le terrain et Roger Karoutchi évoqué Louis XIV, Bonaparte et Clemenceau, il ne me reste plus qu’à vous parler de ce que je connais, c’est-à-dire des Pyrénées-Atlantiques ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mon département abrite la plus grande communauté d’agglomération de France par le nombre de communes membres : 158, pour 238 conseillers communautaires. (Même mouvement.)

« En même temps », comme dirait le Président de la République, en Béarn, la communauté de communes de la vallée d’Ossau ne compte, elle, que 18 communes.

Certes, dans un cas comme dans l’autre, c’est la volonté des élus qui s’est exprimée, à de larges majorités : en Pays basque, elle était le puissant écho d’une volonté d’existence institutionnelle ; en Béarn, c’est l’esprit montagnard et « valléen » qui s’est manifesté.

Au-delà de ces contingences locales, ces exemples démontrent que le découpage intercommunal recouvre aujourd’hui des réalités bien différentes. Or la législation n’a jamais été adaptée à cette diversité des situations.

En effet, sous le quinquennat précédent, deux courbes ont été prolongées sans jamais qu’elles se rencontrent, avec, d’une part, le meccano institutionnel de la loi NOTRe, qui fut tout sauf l’acte III de la décentralisation, cher Éric Kerrouche, et, d’autre part, l’énergie déployée par les préfets pour établir de vastes intercommunalités, parfois en recourant au « passer outre », c’est-à-dire en passant outre la volonté des élus.

Pourtant, en 1981, Gaston Defferre soulignait que « c’est bien servir la France que de permettre aux élus de décider sur place des solutions à apporter aux problèmes qu’ils connaissent mieux que quiconque ». A-t-on continué dans cette voie au cours des dernières années ? Hélas, non ! Bien au contraire, la tentation recentralisatrice a pris le dessus.

L’actuel gouvernement n’y fut pas insensible – c’est le moins qu’on puisse dire –, comme l’a souligné Jean-Raymond Hugonet. En atteste la contractualisation, dont l’esprit est jacobin dans son essence, et la méthode infantilisante.

Mes chers collègues, comme vous, c’est donc avec un certain plaisir que j’ai accueilli les orientations de ce projet de loi, qui reprennent largement les travaux du Sénat. Ce texte ne règle pas tout, mais il recherche, pour la première fois depuis longtemps, un nouvel équilibre entre la commune et l’intercommunalité. Il vise à une meilleure participation des maires à la gouvernance des intercommunalités, renouant ainsi avec une vision essentielle : la commune est le premier lieu où se vit la démocratie. L’intercommunalité relève d’une dynamique territoriale, elle ne saurait être une instance surplombant les communes et leur imposant ses décisions.

Madame la ministre, le projet de loi que vous présenterez prochainement pourrait être l’occasion d’aller plus loin en mariant, dans les intercommunalités « XXL », cohérence des politiques publiques à grande échelle et proximité dans la gestion grâce aux pôles territoriaux.

Enfin, en bon girondin et élu du Pays basque que je suis, j’avoue aussi attendre de votre texte un nouvel et réel acte de décentralisation et la traduction d’une volonté sincère d’installer solidement dans notre pays le droit à la différenciation.

Je dois le dire, cette attente forte a été largement refroidie par le discours du Premier ministre à Bordeaux. Madame, monsieur les ministres, merci de la réchauffer ! Vous pourrez compter sur l’expertise du Sénat pour débattre de ce projet de loi avec responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je répondrai rapidement à chacun des dix-sept orateurs de la discussion générale, sans anticiper sur le débat à venir, pour évacuer les sujets les plus politiques ; nous pourrons peut-être ensuite nous accorder sur le droit que nous devons élaborer au service des 600 000 élus locaux de notre pays.

Messieurs Kerrouche et Marie, vous avez distribué beaucoup de bons et de mauvais points sur le fondement du dossier de presse accompagnant ce projet de loi. En tant qu’ancien maire et ancien président de conseil départemental, j’ai quant à moi lu attentivement non pas le dossier de presse, mais les textes de la loi Maptam, de la loi NOTRe et des lois de finances que vous avez soutenues ici même pendant cinq ans : ils ont entériné une baisse de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités territoriales, agrandi les intercommunalités de manière autoritaire, transféré les compétences de façon également autoritaire, créé de grandes régions en méconnaissant la géographie de notre pays… (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment pouvez-vous faire ici la leçon à la nouvelle majorité présidentielle aussi tranquillement, avec un aplomb aussi invraisemblable ? (M. René Danesi applaudit.)

Mme Annie Guillemot. Vous n’avez rien changé !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Que l’on soutienne ou pas ce gouvernement, force est de constater que le mal causé par la loi NOTRe est très profond. Ne cherchez pas à le minimiser ! Très franchement, monsieur le sénateur Kerrouche, à votre place, au lieu d’employer un ton offensif, pour ne pas dire quelque peu agressif, j’aurais plutôt présenté des excuses pour avoir soutenu la loi NOTRe et les lois de finances du quinquennat précédent ! (M. Jean-Marie Bockel applaudit. – Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.) Vous vous étonnez de notre volonté de faire adopter ce projet de loi avant les élections municipales, mais si la loi NOTRe n’existait pas, nous ne serions pas réunis ici pour en gommer les irritants.

Mme Annie Guillemot. Et #BalanceTonMaire, c’est qui ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, soit vous avez la preuve que le Gouvernement est à l’origine de ce hashtag, soit vous cessez de tenir de tels propos. Je vous le dis comme je le pense ! (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Balance ton Darmanin !

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’ai été maire, j’ai été président de conseil départemental, je suis élu municipal : je n’ai pas de leçons à recevoir sur ce sujet. Arrêtons les caricatures, madame la sénatrice ! Le hashtag #BalanceTonMaire me révolte, me dégoûte. Je l’ai condamné. Vous ne pouvez pas l’imputer au Gouvernement, en particulier aux deux ministres présents ce soir.

M. Olivier Paccaud. Le Gouvernement l’a soutenu !

Mme Annie Guillemot. Le tweet est signé Darmanin !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Messieurs les sénateurs Kerrouche et Marie, vous parlez d’une loi opportuniste intervenant avant les élections municipales. Nous assumons notre volonté que ce texte produise ses effets juridiques au 1er janvier prochain, tout simplement parce que certaines dispositions de votre loi NOTRe, que j’avais pour ma part combattue, entreront en application le 1er janvier 2020. Si nous voulons désamorcer ces dispositions – je pense par exemple au rétablissement des indemnités dans les syndicats infracommunautaires –, nous devons donc adopter le présent projet de loi avant le 31 décembre.

Vous avez dit que la question de la formation des élus était anecdotique. Je ne partage pas cette opinion. Vous avez également dit que nous portions un dur coup aux conseils de développement en les rendant facultatifs. Là encore, il va falloir que nous nous accordions sur la doctrine à appliquer pour l’examen de ce projet de loi : soit on prône les libertés locales et la confiance aux élus locaux, auquel cas il faut « dénormer » quelque peu et laisser aux élus le soin d’adapter ou pas ces conseils à l’échelle de leur intercommunalité, soit on norme à tout-va. On ne peut soutenir les deux positions.

M. Éric Kerrouche. Il faut faire confiance aux citoyens !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour ma part je fais confiance aux élus locaux, monsieur le sénateur Kerrouche ! Pourquoi vouloir forcer un président d’intercommunalité et ses conseillers communautaires à mettre en place un conseil de développement s’ils ont imaginé un autre outil de concertation territoriale avec les associations, le monde de l’entreprise ou les agriculteurs, par exemple ? Si telle est votre intention, dites clairement devant la Haute Assemblée que vous aimez les normes et la rigidité des cadres appliqués sur l’ensemble du territoire.

M. André Reichardt. Ce n’est pas faux, ils aiment bien ça !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cela aurait au moins le mérite de la cohérence.

M. Didier Marie. C’est caricatural !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice Delattre, il n’y a pas eu de baisse de la DGF depuis 2017.

M. Laurent Duplomb. C’est faux !

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’enveloppe globale est normée et stable, monsieur Duplomb. Il existe des variations à l’échelle des communes, qui tiennent premièrement à la péréquation en faveur des communes les plus fragiles – DSU pour les communes urbaines et DSR pour les communes rurales –, et deuxièmement à l’évolution du chiffre de la population. Il est bien normal que la DGF d’une commune qui gagne des habitants augmente et que celle d’une commune qui en perd diminue. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’élaboration du budget. Vous ne pouvez pas dire que la DGF diminue globalement alors que vous-même avez voté les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui prévoient sa stabilité.

Selon Mme Delattre, ce projet de loi manque de souffle. Je peux l’entendre, mais, après m’avoir dit et répété pendant trois semaines que j’avais intégralement copié les propositions du Sénat, on me dit maintenant que le texte manque de souffle et qu’il est heureux que le travail de la commission des lois ait permis de l’enrichir… (« Cest vrai ! » sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. C’est toujours vrai !

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’en suis très heureux, parce que seul le résultat compte. Là encore, faisons moins de politique en nous disputant la maternité ou la paternité de telle ou telle proposition. Sinon, on n’en finira pas d’invoquer la loi NOTRe, entre ceux qui la soutiennent et qui continuent visiblement de la soutenir, ceux qui ne l’ont pas soutenue mais l’ont tout de même votée, ceux enfin qui ne l’ont ni soutenue ni votée. Pour ma part, je n’étais ni ministre ni parlementaire à l’époque, mais j’ai combattu cette loi. Nous n’allons pas y revenir sans cesse pendant quinze jours ! Quelle que soit l’appartenance politique de chacun, il s’agit, au-delà des procès d’intention, de trouver des solutions opérationnelles et concrètes pour l’ensemble de nos élus locaux.

Mme Delattre a commencé à défendre, au nom du groupe RDSE, un certain nombre d’amendements, portant notamment sur les pouvoirs de police du maire. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Monsieur de Belenet, je vous remercie de vos propos sur la formation des élus. Concernant les indemnités des élus dans les syndicats intercommunaux, le Gouvernement a levé le gage en commission des lois, ce qui a permis aux différents groupes de la Haute Assemblée de déposer un certain nombre d’amendements sur ce sujet. Vous avez souhaité fixer à 3 500 habitants le seuil de population pour le bénéfice de l’ensemble des dispositions d’accompagnement. Cela permet de couvrir l’essentiel de la ruralité. Il me semble donc que là aussi les choses vont dans le bon sens.

J’indique à M. Adnot que Jacqueline Gourault aura l’occasion de revenir sur l’ensemble des délégations au travers du projet de loi relatif à la décentralisation et à la déconcentration, cette question recoupant évidemment celle de la répartition des compétences entre les différentes strates. En tant qu’ancien président d’un conseil départemental, je suis particulièrement attentif à ce sujet. Il nous faudra être extrêmement vigilants en écrivant la loi, puisqu’il ne peut y avoir de tutelle d’une délégation sur une autre. Nous devrons veiller à ce que de bonnes intentions n’accouchent pas d’un enfer légal !

Madame Cukierman, je vous dois des excuses, à vous et à l’ensemble des membres de votre groupe. En effet, tout à l’heure, m’exprimant sans notes à la tribune, je vous ai oubliés de manière totalement involontaire. Nous avons eu une longue réunion de travail, voilà maintenant plusieurs semaines, comme j’en ai eu avec l’ensemble des présidents de groupe et des sénateurs chefs de file sur ces questions. Nous avons pu avancer sur un certain nombre de points. Je pense d’ailleurs que quelques-uns de vos amendements devraient recevoir un avis favorable tant de la commission que du Gouvernement, car ils vont dans le bon sens. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin. C’est bien !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous semblez regretter que nous renvoyions certains sujets à d’autres textes. Pour autant, l’examen de ce projet de loi, dont tout le monde dit qu’il manque d’ambition ou qu’il est très technique, durera déjà quinze jours, près de 1 000 amendements ayant été déposés. Nous assumons notre méthode, qui donne aussi le temps, madame la sénatrice, de faire de la pédagogie auprès de nos collègues élus locaux. En effet, on a bien vu qu’il était très difficile de leur faire comprendre et appliquer les grandes lois qui bouleversent tout, telle la loi NOTRe.

Vous avez pris acte de la philosophie du texte de loi, à savoir tourner la page du gigantisme en matière d’intercommunalités. À cet égard, ce projet de loi représente une rupture culturelle avec la démarche qui a prévalu pendant une décennie.

Selon vous, l’État ne participerait plus financièrement à la solidarité entre les communes. Tel n’est pas le cas : cette année, la DGF s’élève à 28 milliards d’euros, et les crédits d’investissement à 2 milliards d’euros. Au demeurant, votre groupe est cohérent, puisque vous souhaiteriez davantage. (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

Monsieur Alain Marc, vous avez rappelé l’essentiel des enjeux en matière d’assouplissement concernant les délégations. Nous en discuterons plus avant au moment de l’examen de l’article en question.

M. Karoutchi est parti…

M. Michel Savin. Il est à la commission d’investiture.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je l’ai moi-même fréquentée, dans le passé, avant d’être exclu des Républicains ! (Exclamations amusées.)

M. Karoutchi a vraiment placé le débat au bon niveau. Il a donné de la profondeur historique à ce que nous cherchons à faire ; là est le vrai fil d’Ariane. Il aurait d’ailleurs pu remonter encore un peu plus loin qu’il ne l’a fait, en partant de 1789, puisque l’acte fondateur de la commune a été posé lors de la Révolution française. En effet, dès le 12 novembre 1789, les Constituants, par un décret et non par une loi, ont transformé ce que l’on appelait les groupements de campagne et les paroisses en communes. Ils ont ensuite décidé, dans un second texte, de construire une maison commune, que l’on appellera la mairie, dans laquelle devront se tenir le maire et l’administration municipale. Tout ce que M. Karoutchi a rappelé est parfaitement exact et nous devrons, au cours de nos travaux, toujours nous référer à ce cadre historique.

Monsieur Mizzon, vous m’avez invité en conclusion à « trouver la voie du Sénat ». Je ne sais pas comment je dois le comprendre. Vous souhaitez, par le biais d’amendements, normer un certain nombre de choses. En même temps, vous avez évoqué un « parfum de liberté » du texte de loi. Je ne vous en fais pas reproche, bien au contraire, puisque vous vous inscrivez ainsi dans la problématique qui imprégnera nos discussions des deux semaines à venir : comment faire bien sans rendre plus rigide ? Peut-être nos avis initiaux sur un certain nombre d’amendements pourront-ils évoluer en séance. En effet, si l’expérience de nos départements ou terres d’élection peut nous guider pour élaborer la loi, la traduction en droit d’une refonte globale d’un système s’avère délicate. Vous pourrez ainsi constater, je pense, que le principe de la liberté obligatoire n’est pas simple à transcrire en droit…

Madame Canayer, vous êtes revenue sur un certain nombre de dispositions. Nous devons continuer d’expertiser l’une de vos propositions, relative au télétravail, car elle n’est pas sans soulever, potentiellement, quelques difficultés pour les employeurs. Il me semble que, au sein du groupe Les Républicains, on aime aussi la liberté d’entreprendre !

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Absolument !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vous le rappellerai à propos d’un certain nombre d’amendements ! À nos yeux, il s’agit d’un fil conducteur intéressant. Ne rendons pas nos collègues élus locaux inemployables ! Il ne faudrait pas que, croyant leur rendre service, on les discrimine à leur corps défendant aux yeux des employeurs, surtout en milieu rural.

Monsieur Marie, quelques amendements du groupe socialiste et républicain vont dans le bon sens et nous les examinerons avec bienveillance, comme je m’y suis engagé auprès du président Kanner. Je pense notamment à cet amendement relatif aux frais de déplacement des élus en situation de handicap, qui a retenu l’attention de Sophie Cluzel et sur lequel, je le redis, je lèverai le gage.

Monsieur Cabanel, vous avez évoqué assez courageusement les devoirs, à côté des droits. Vous êtes d’ailleurs le seul à l’avoir fait. Ce sujet mérite que l’on s’y arrête. Soyons là aussi attentifs à la rédaction que nous adopterons. En effet, il s’agit davantage, au travers de ce texte, de redonner de la confiance et de la liberté, que d’introduire de nouvelles contraintes. Faut-il inscrire dans la loi que l’engagement est, comme vous le dites, le combat de demain et que les élus d’aujourd’hui ont un devoir de transmission dans les écoles ? Je n’en suis pas certain. Cela étant, vous avez eu raison d’indiquer que nous devons être, collectivement, les promoteurs de cet engagement.

Sur les pouvoirs de police du maire, je ne suis pas vraiment d’accord avec vous. J’ai mené de nombreuses consultations, de même que Françoise Gatel et Mathieu Darnaud. Certains maires ne souhaitent pas avoir davantage de pouvoirs de police : nous n’entendons pas en rendre obligatoire l’extension. Aucun maire ne sera forcé de recourir à des pouvoirs de police qu’il n’a pas envie d’utiliser. La majeure partie des maires demandent néanmoins à disposer des moyens de faire exécuter les décisions de police. Je me suis amusé à regarder le flux de courriers que nous recevons, Jacqueline Gourault et moi-même, depuis maintenant plus d’un an. Aucun maire ne nous a écrit pour nous dire qu’il ne voulait plus être agent de l’État, être OPJ, disposer de pouvoirs de police. Les maires nous demandent des moyens, juridiques ou matériels, pour réaffirmer leurs pouvoirs de police, auxquels nul d’entre eux n’entend renoncer.

M. André Reichardt. Des moyens matériels, surtout !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pas seulement, monsieur le sénateur. Bien souvent, les maires ne peuvent rien faire de la qualité d’OPJ qu’on leur a conférée. Constater et traduire devant le parquet ou devant un juge ne relève pas que de moyens matériels ; l’écriture du droit compte aussi. Cela participe, comme je le disais tout à l’heure, d’une forme de déconcentration de pouvoirs détenus auparavant par l’autorité judiciaire et, surtout, par l’autorité administrative.

Un autre texte de loi relatif aux questions de sécurité, je l’ai déjà dit plusieurs fois publiquement, sera présenté l’année prochaine. Il s’agira notamment non pas de réinventer les gardes champêtres, mais de mettre en place une véritable police municipale adaptée au milieu rural et complètement mutualisable. Tous les chantiers ne peuvent pas être menés au travers d’un unique projet de loi.

Monsieur Wattebled, je partage complètement votre constat. C’est en effet la commune qui fait l’intercommunalité. Je le redis pour MM. Kerrouche et Marie, l’EPCI est un établissement public au service de ses adhérents que sont les communes. L’ensemble forme le bloc communal, Lyon, où la métropole est devenue collectivité territoriale, constituant un cas à part. Si l’on veut changer de modèle – tel n’est pas mon cas –, il faut le dire clairement, monsieur Kerrouche !

Je l’ai déjà dit en commission des lois, Mme Gourault, le ministre de l’intérieur et moi-même serions éventuellement prêts à examiner une proposition concernant la diminution du nombre d’élus municipaux, à la condition expresse qu’il y ait véritablement consensus sur vos travées. En effet, je note que le Gouvernement est l’objet de nombreux procès d’intention. Il ne faudrait pas que ceux-là mêmes qui nous incitent à réduire le nombre d’élus dans les communes rurales viennent expliquer ensuite que ce gouvernement n’aime pas les communes rurales !

Monsieur Lafon, votre long constat était éloquent. Je m’y rallie sans réserve. Vous avez su poser, sur le sujet de l’engagement, des questions assez préoccupantes pour l’avenir. L’élu salarié du secteur privé relèvera toujours, malheureusement, d’un modèle d’engagement spécifique. Quoi qu’il en soit, je note qu’aucune solution miracle ne figure dans les différents rapports sénatoriaux, propositions de loi ou résolutions, tout simplement parce que la question renvoie à d’autres contraintes.

Monsieur Boyer, j’ai déjà répondu sur #BalanceTonMaire. Je n’y reviens, croyant avoir été clair.

Puisque nous nous rejoignons tous sur le constat, il est temps maintenant de trouver des solutions. Je ne pense pas que, dans cet hémicycle, il y ait, d’un côté, ceux qui n’aiment pas les communes, et, de l’autre, ceux qui les aiment, sauf à vouloir faire un procès d’intention ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En tout cas, il sera compliqué de démontrer que Jacqueline Gourault et moi-même n’aimons pas les communes.

Je le disais à l’oreille du président Bas, on peut avoir une vision exclusivement financière des choses. J’ai souvenir d’un candidat à l’élection présidentielle qui envisageait initialement de réaliser 20 milliards d’euros d’économies sur les collectivités territoriales. Finalement, ce chiffre a été ramené à 8 milliards d’euros, puis le projet a été abandonné par le président de l’Association des maires de France quand il a conduit la bataille des législatives en 2017. Le sujet est donc délicat. Aujourd’hui, on nous fait reproche de la stabilité de la DGF, mais du moins elle ne diminue pas. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne demande pas à ce que l’on nous en félicite, mais telle est la vérité des faits ! J’ajoute que vous avez voté à l’unanimité les crédits concernés lors de l’examen du projet de loi de finances ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le répète, la DGF ne diminue pas. Dire autre chose, c’est faire de la politique ! Je respecte cela, mais, M. Guené, le président Éblé et M. le rapporteur général de la commission des finances le savent, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que vous avez votés à l’unanimité sur ces travées, prévoyaient la stabilité de la DGF.

Mme Sophie Primas. Sauf pour certaines communes !

M. Sébastien Lecornu, ministre. La DGF baisse ou augmente selon les situations, madame la sénatrice ! De nombreuses communes des Yvelines bénéficient de la solidarité au titre de la DSU. Les dotations de l’État aux grandes communes de votre département comptant des quartiers prioritaires de la politique de la ville témoignent de cet effort consenti au titre de la péréquation, laquelle a été décidée par les majorités précédentes… (Mme Sophie Primas proteste.)

Si vous voulez être parfaitement cohérents, déposez des amendements visant à stopper l’effort de péréquation au titre de la DSR cible ! Je le rappelle, nous proposerons cette année de l’augmenter encore de 80 millions d’euros, de même que la DSU. Certes, en affaiblissant la péréquation en faveur des communes les plus fragiles ou en y mettant fin, la DGF sera encore plus stable, mais il y a un choix à faire par les sénateurs et les députés ! La péréquation est un vrai choix politique. On ne peut pas défendre la DSR et la DSU, tout en s’étonnant que la dotation forfaitaire puisse diminuer pour certaines communes. Cela fait quarante ans que le Comité des finances locales a construit ses critères ! M. Laignel les définissait déjà quand je n’avais aucune responsabilité politique. À mon avis, ce choix de la solidarité va dans le bon sens.

Madame Noël, personne n’est dupe de cette « opération séduction » lancée à quelques mois des élections municipales, dites-vous. En quoi cette loi aurait-elle une incidence sur les élections municipales ? (Rires sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.) Peut-être avez-vous en tête d’autres élections qui auront lieu également en 2020…

J’appartiens à une génération d’élus municipaux qui ont passé leur mandat à participer à la commission départementale de la coopération intercommunale, à refaire leur budget en raison d’une diminution autoritaire de la DGF, à s’adapter au redécoupage de leur canton et de leur région.

M. François Bonhomme. C’est vrai !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour la génération d’élus à venir, celle de 2020-2026, le seul vœu que je formule, en tant que ministre, c’est que le paysage soit le plus clarifié possible : voilà ce que nous lui devons !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Le premier des rendez-vous, c’est bien sûr la clarification de la relation à l’intercommunalité, qui constitue un gros morceau de ce projet de loi. Au lendemain des élections municipales, les nouveaux élus municipaux, devenus élus communautaires, seront concernés par cette problématique. C’est la raison pour laquelle nous nous hâtons de proposer différentes corrections en la matière.

Je ne reviens pas, madame la sénatrice, sur vos propos un peu gratuits sur le fait que l’exécutif découvrirait le malheur des maires. Ce malheur, je l’ai connu en tant qu’élu local dans mon propre département.

Vous dites qu’il n’y a rien, dans ce projet de loi, sur les départements et les régions. J’ai déjà répondu sur ce point : comment réfléchir aux relations entre département et région sans s’interroger sur le rôle de l’État ? Le sujet difficile de l’articulation entre les régions et les départements, tout comme celui des métropoles, trouvera sa place dans le projet de loi que défendra Jacqueline Gourault.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Un amendement déposé par Mme Assassi nous permettra néanmoins d’évoquer les départements. Je peux d’ores et déjà vous affirmer que le Gouvernement croit fermement à la strate départementale et à l’avenir des conseils départementaux quant à leur capacité à organiser les solidarités territoriales de proximité. Cela fait quinze ans que les départements traînent des difficultés financières, de quinquennat en quinquennat et la loi NOTRe est venue gommer un certain nombre de leurs compétences. Le projet de loi de Jacqueline Gourault permettra d’apporter des réponses.

Pour ce qui concerne la fermeture des débits de boissons, l’État ne cherche nullement à se débarrasser du problème, madame la sénatrice. D’un côté, on nous reproche de ne pas écouter les élus ; de l’autre, on accuse l’État de vouloir se décharger sur eux quand nous les écoutons. S’il s’agit là d’une stratégie d’opposition, vous allez devoir finir par prendre un parti ! Sinon, vous ne serez pas audibles ! (Mme Cécile Cukierman sexclame.)

M. André Reichardt. L’État s’est déjà beaucoup déchargé.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pour ma part, je reste persuadé qu’un grand nombre de maires souhaitent voir leurs pouvoirs de police reconnus et respectés. Pour autant, ils ne seront pas obligés de se servir des outils que nous allons, je l’espère, décider ensemble de mettre à leur disposition. Il s’agira d’une simple faculté. Si, chaque fois qu’une liberté nouvelle est donnée aux élus locaux, vous soupçonnez l’État de vouloir se décharger sur eux, vous rejoignez MM. Marie et Kerrouche ! Pour ma part, je soutiens l’extension des pouvoirs de police des maires. Il ne s’agit pas, pour l’État, de se décharger de quoi que ce soit ; il s’agit de liberté et de confiance.

Monsieur Hugonet, j’ai connu de votre part des mélodies plus bienveillantes. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Mais il ne joue pas du pipeau !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends la stratégie politique consistant à dire que des malheurs terribles s’enchaînent depuis deux ans, mais ce n’est pas ainsi que nous avancerons dans le bon sens et que nous serons crédibles collectivement aux yeux des élus locaux. Les opposants au président Pompidou lui reprochaient déjà de ne pas avoir été élu local et de ne rien comprendre aux territoires et aux collectivités.

M. Jean-Raymond Hugonet. Il aura été député, au moins !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout cela renvoie à une période, remontant à une quinzaine d’années, durant laquelle les gouvernements successifs ont profondément hésité à donner de véritables pouvoirs aux élus locaux, un avenir à la strate départementale, de la clarté à la fiscalité. Sur ce dernier point, on pourrait évoquer la suppression de la taxe professionnelle sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la baisse de la DGF et la loi NOTRe sous celui de François Hollande… Après avoir dit ce que nous avions à dire sur le plan politique, nous allons devoir rendre collectivement des comptes. Au moment d’aborder la discussion des articles, je forme le vœu que, plutôt que de faire la généalogie de mesures, bonnes ou mauvaises, remontant pour certaines à ma tendre enfance, nous fassions ensemble, Sénat et Gouvernement, une belle œuvre afin d’améliorer la vie au quotidien des 600 000 élus locaux de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur quelques travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pris soin de répondre dans le détail aux interventions de nos collègues ; je suis sûr qu’ils y ont été sensibles.

Je n’imaginais pas que le jour viendrait où j’aurais avec vous une querelle de paternité. Nous avons adopté, en 2017, une loi sur la compétence eau et assainissement, et, le 13 juin 2018, une proposition de loi de portée plus large sur l’équilibre des territoires. Ce dernier texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Pourtant, vous aviez tout loisir de le faire, puisque vous considériez que notre travail était une bonne base de départ. Il vous aurait d’ailleurs été loisible, si vous l’aviez inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, de faire amender cette proposition de loi par votre majorité. Si vous aviez opté pour une telle démarche, il n’y aurait eu aucune querelle de paternité. Surtout, votre ambition de voir adopter le présent projet de loi avant le 31 décembre 2019 aurait pu être aisément réalisée, puisque nous vivrions sans aucun doute depuis un an sous le régime d’une loi qui aurait supprimé les irritants de la loi NOTRe, qui semblent aujourd’hui vous donner tant d’urticaire !

Par conséquent, vous avez eu tout loisir de vous inspirer de notre proposition de loi, mais vous n’avez pas voulu l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et vous avez choisi de déposer votre propre texte. Tout cela nous a fait prendre un grand retard dans l’aménagement des dispositions applicables aux collectivités territoriales, concernant notamment la relation entre l’intercommunalité et ses communes membres.

Par ailleurs, j’aimerais évoquer la véritable signification de notre débat. Selon vous, il s’agit de savoir si nous sommes favorables aux libertés locales et si nous faisons confiance aux élus. Je trouve que cette manière de poser le problème augure bien de notre débat. Malheureusement, le Gouvernement a déposé un certain nombre d’amendements qui ne me paraissent pas cohérents avec le propos que vous nous avez tenu. En effet, qui a voulu plus de libertés locales ? C’est la commission des lois.

Je citerai quelques exemples à cet égard : les pôles territoriaux avec délégation de compétences, vous n’en voulez pas ; la répartition des compétences entre les communes et l’intercommunalité, avec la fin des compétences optionnelles, vous n’en voulez pas ; la disposition qui vise à neutraliser les effets d’un retour de compétences aux communes sur le montant total des dotations d’intercommunalité, vous n’en voulez pas ! Vous avez fait une proposition sur les indemnités des élus ; nous aurons à discuter de la nôtre. J’espère que vous l’accepterez, car son adoption évitera au maire d’une commune de moins de 500 habitants de quémander à son conseil municipal un triplement de son indemnité à la charge de la commune.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Quant aux pouvoirs du maire, je vous sais gré d’avoir ajouté dans votre propre texte, via une lettre rectificative, quelques dispositions à celles qui y figuraient initialement. Je serais heureux que vous acceptiez les propositions que nous avons formulées et d’ores et déjà intégrées au texte de la commission des lois pour renforcer l’autorité des maires, leurs pouvoirs de police et leur capacité à lever des amendes administratives sans passer par la procédure pénale, pour développer les polices intercommunales – c’est une liberté locale qu’il nous faut fortifier – et pour mieux protéger les élus lorsqu’ils sont menacés ou font l’objet d’agressions. Il est absolument nécessaire que les maires soient confortés par rapport à toutes ces incivilités et à toutes ces violences qui aujourd’hui accablent certains d’entre eux.

Le Gouvernement a eu deux ans, monsieur le ministre, pour réfléchir. Vous nous demandez une année supplémentaire pour franchir une étape dans le développement des libertés locales, en invoquant toute la difficulté technique qu’il y aura à poser de nouvelles règles pour les départements et les régions. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts. J’ai déposé avec Mathieu Darnaud et Bruno Retailleau des textes, prévoyant même un socle constitutionnel. Nous souhaitons pouvoir en débattre très rapidement. Pourquoi vous faut-il tant de temps pour réfléchir alors que la question des libertés locales est aujourd’hui cruciale, comme vous l’avez vous-même expliqué il y a un instant ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je voudrais réagir aux propos de M. le ministre.

S’agissant de l’utilisation de l’expression « copier-coller », monsieur le ministre, j’ai simplement dit, sans aucun esprit polémique, que nous devions faire front commun et que les travaux du Sénat allaient un peu plus loin que le texte proposé par le Gouvernement.

La commission a estimé qu’il fallait donner davantage de souffle à ce projet de loi. On ne peut nous reprocher un manque de pragmatisme, voire de plasticité. Pour ne prendre que le seul exemple de la délégation que le Gouvernement a souhaité introduire pour la compétence eau et assainissement, nous avons dit « chiche ! » à son extension à d’autres compétences, considérant qu’il s’agissait peut-être là de la souplesse et de la capacité d’adaptation qu’appellent de leurs vœux nombre d’élus de nos territoires. Je m’empresse d’indiquer à l’adresse de certains de nos collègues socialistes que, sans opposer les tenants de l’intercommunalité à ceux de la commune, il apparaît nécessaire de mettre de l’huile dans les rouages. Je l’ai souligné dans la discussion générale, nos rapports se fondent sur un constat partagé par nombre d’élus sur les territoires. Notre collègue Max Brisson a cité l’exemple de sa communauté d’agglomération, qui compte 158 communes : on voit bien qu’il y a, dans le fonctionnement quotidien, dans la gouvernance, dans la gestion de certaines compétences, une visée stratégique et une visée de proximité.

Pour notre part, nous essayons d’être pragmatiques. Françoise Gatel et moi-même appelons à un souffle nouveau, le souffle de l’audace. Ce texte ne doit pas se résumer à une simple boîte à outils ; il doit nous permettre d’aller plus loin pour résoudre certaines difficultés qui marquent très clairement, en termes de gouvernance et d’exercice des compétences, les limites de l’intercommunalité telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Le temps est venu du second souffle, qui passe par plus de souplesse et une plus grande capacité d’adaptation aux problématiques locales. C’est un pont que nous jetons vers le futur projet de loi relatif à la décentralisation, à la différenciation territoriale et à la déconcentration. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je lève le gage sur un certain nombre d’amendements relatifs à la participation à l’Agence France locale.

Le ministre n’étant pas présent en commission des lois, j’ai souhaité que le Gouvernement dépose un certain nombre d’amendements pour que nous puissions avoir un débat libre et éclairé sur certains sujets, notamment celui de la délégation.

Par ailleurs, monsieur le président de la commission des lois, s’il est facile de voter certaines dispositions pour créer de la liberté, cela impose aussi de recalculer l’intégration fiscale et les dotations.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Oui, c’est logique, mais il n’y a plus personne ensuite pour expliquer et défendre de telles mesures sur le terrain ! (Mme le rapporteur proteste.) La neutralisation du coefficient d’intégration fiscale, le CIF, appelle la fin de l’intercommunalité telle qu’on la connaît aujourd’hui. C’est donc une réforme profonde que vous proposez ! Nous aurons en tout cas ce débat. Je serais d’ailleurs curieux de savoir ce qu’en pensent certaines associations d’élus…

Ma volonté, monsieur le président de la commission des lois, n’est pas de fermer la porte à un certain nombre de libertés. Je souhaite simplement que le débat puisse avoir lieu. Lors de l’élaboration de la loi NOTRe, si les impacts financiers et budgétaires avaient été examinés avec davantage de prospective, un certain nombre d’élus n’auraient peut-être pas constaté des variations aussi brutales de la DGF que celles que déplore à juste titre M. Duplomb. En effet, quand une commune a changé d’intercommunalité pour en rejoindre une plus riche, sa DGF diminue. Mais ce sont les mêmes critères qui sont en vigueur depuis quarante ans.

En ce qui concerne les pouvoirs de police du maire, vous avez rappelé, monsieur le président Bas, que la commission des lois a enrichi le texte. Quant à la décentralisation, ne soyez pas impatient : la dernière loi de décentralisation remonte à 2003. Vous exerciez d’ailleurs déjà des fonctions éminentes à cette époque, puisque vous étiez secrétaire général de la présidence de la République ! Il n’y a pas eu d’autre loi de décentralisation depuis. La commission des lois a commis quelques propositions de loi organiques ou constitutionnelles. J’imagine que c’est pour les verser au débat que nous allons avoir. Un an pour réfléchir à la place de l’État, à la coordination du bloc départemental, du bloc régional et du bloc communal, ce n’est pas trop. Je crois d’ailleurs savoir que, même au sein de cet hémicycle, le débat n’a pas encore eu lieu, puisque les propositions de loi que j’évoquais n’ont pas encore été examinées par le Sénat. Nous serons heureux, avec Jacqueline Gourault, de pouvoir y participer le moment venu !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 744 rectifié

Article additionnel avant le titre Ier

Mme la présidente. L’amendement n° 745 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mme Gréaume, M. Collombat, Mme Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

I. – Avant le titre Ier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3111-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3111-– La République reconnaît les départements comme division territoriale essentielle, inhérente à l’organisation administrative et politique française et nécessaire à son bon fonctionnement, notamment par leurs compétences en matière de solidarités et leur soutien aux communes. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

Titre préliminaire

Le rôle des départements

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à consacrer le rôle du département comme division administrative française, afin de le protéger.

La loi NOTRe a déjà retiré la clause de compétence générale aux départements et transféré un grand nombre de leurs compétences aux régions, notamment en matière de transport et de développement économique. Les élus s’inquiètent à juste titre de la future réforme de la fiscalité locale, qui portera un nouveau coup dur aux départements et à leur autonomie.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit d’ôter aux départements leur dernier levier en matière de fiscalité locale, la taxe sur le foncier non bâti, supprimant ainsi tout lien entre les citoyens et les finances des départements. En tant qu’élue régionale, je puis vous assurer que quand une collectivité n’a quasiment plus aucune marge de manœuvre en termes de fiscalité, le lien entre elle et les citoyens s’affaiblit fortement !

Le rôle du département ne doit pas se réduire aux questions sociales, comme on l’entend souvent dire, puisqu’il est né d’une volonté de rapprocher les administrés de l’administration : il a été conçu afin que nul citoyen ne soit éloigné de plus d’une journée à cheval de la préfecture. Il doit rester un échelon adapté à la mise en œuvre des solidarités territoriales et à l’accompagnement en termes d’ingénierie.

Monsieur le ministre, j’ai parfois tendance, entre autres défauts, à faire à la fois les questions et les réponses. Vous avez indiqué tout à l’heure que la question des départements et des régions serait traitée dans un autre texte. Or parler de la commune, c’est aussi parler du lien entre l’État et les différentes collectivités. Pourquoi, par conséquent, repousser ce débat aux calendes grecques ou à même à 2020 ? Il me paraît pertinent de réaffirmer d’ores et déjà, au travers du présent texte, la place du département.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement empreint d’empathie à l’égard des départements relève d’une simple déclaration de principes et n’a pas de valeur normative. Mue par la volonté de privilégier la sobriété et l’efficacité de la loi, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice, j’ai cru comprendre qu’il s’agissait là d’un amendement d’appel. Oui, le Gouvernement croit en la strate départementale. Les conseils départementaux ont un avenir. Dans cette optique, il faut trouver des solutions sur le plan financier. Je ne partage pas complètement votre opinion sur la réforme de la fiscalité. L’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, ou le revenu de solidarité active, le RSA, sont des dépenses dynamiques, pour des raisons structurelles dans le premier cas, conjoncturelles dans le second. Vous qui êtes élue régionale, vous n’ignorez pas que les régions ne voulaient pas de la TVA il y a quelques années. Aujourd’hui, aucune ne songerait à y renoncer ! Affecter un impôt national aussi dynamique que la TVA aux conseils départementaux est plutôt une bonne idée à mon sens, mais nous aurons l’occasion d’en parler lors de l’examen du projet de loi de finances.

En tout état de cause, ne souhaitant pas émettre un avis défavorable sur un amendement qui parle à mon cœur, puisque j’aime la strate départementale, j’en demande le retrait. Ces questions pourront être mieux examinées lors de la discussion du projet de loi que présentera Jacqueline Gourault.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, mon objectif est de parler non pas à votre cœur, mais à votre raison, car nous sommes ici pour faire la loi, hors de toute passion ! (Sourires.)

Nous ne partageons pas votre vision du devenir de la fiscalité ; nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de finances. Libre à vous d’estimer que la TVA est un impôt juste ; ce n’est pas notre cas.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit : il est dynamique !

Mme Cécile Cukierman. Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui souhaitent que l’on remplace un impôt dynamique par un autre, certes lui aussi dynamique, mais totalement injuste !

Madame la rapporteure, votre réponse m’étonne quelque peu. J’ai souvenir que, lors de la discussion de la loi Maptam ou de la loi NOTRe, nous avions entériné, afin de permettre l’adoption finale de ces textes modifiés par le Sénat, un certain nombre de principes pour réaffirmer la place de la commune ou la libre administration des collectivités territoriales dont la portée législative n’était guère évidente. Comme l’a rappelé la semaine dernière M. le président de la commission des lois, certaines choses vont mieux en les disant !

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, je vais retirer cet amendement, en vous donnant rendez-vous pour l’examen du projet de loi de Mme Gourault. Nous verrons alors quel sort vous entendez réserver aux départements. Bien que laïque, je suis comme saint Thomas : je ne crois que ce que je vois !

Mme la présidente. L’amendement n° 745 rectifié bis est retiré.

TITRE Ier

LIBERTÉS LOCALES : CONFORTER CHAQUE MAIRE DANS SON INTERCOMMUNALITÉ

Chapitre Ier

Le pacte de gouvernance : permettre aux élus locaux de s’accorder sur le fonctionnement quotidien de leur EPCI

Article additionnel avant le titre Ier - Amendement n° 745 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 746 rectifié bis

Articles additionnels avant l’article 1er

Mme la présidente. Les amendements nos 179 et 180 rectifié, faisant l’objet d’une discussion commune, ne sont pas soutenus, non plus que les amendements nos 174, 175 et 177.

L’amendement n° 744 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mme Gréaume, M. Collombat, Mme Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République est abrogée.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet après-midi, plusieurs intervenants ont fait référence à la loi NOTRe, certains vantant ses mérites, d’autres dénonçant ses effets néfastes pour nos collectivités. Pour notre part, en parfaite cohérence avec nos positions passées, nous avons déposé cet amendement visant à l’abroger.

Cette loi marque le paroxysme des politiques menées depuis la fin du XXe siècle, et plus particulièrement ces dernières années, en matière de décentralisation, après la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales et la loi de 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ses dispositions ont dénaturé radicalement l’esprit ayant présidé à la création des EPCI : mettre en œuvre une intercommunalisation volontaire au service des communes, en complément du triptyque républicain communes-départements-régions.

L’application de la loi NOTRe a eu des conséquences néfastes pour le bon fonctionnement des collectivités territoriales, avec une intercommunalisation à marche forcée écrasant les communes pour créer des EPCI géants dont le périmètre n’a parfois aucune pertinence et dépouillant les communes de compétences qui leur tenaient pourtant à cœur et dont elles pouvaient assurer le bon exercice.

Dans le même temps, cette loi a révélé un désir de réduire, progressivement mais sûrement, la place des départements, qui ont perdu leur clause de compétence générale et vu nombre de leurs compétences passer aux mains des régions. Les gouvernements successifs menant ces politiques ne rêvent que de grandes régions européennes et de métropoles.

Aux contours naturels des territoires se sont substitués de grands ensembles irrationnels. Au libre transfert de compétences par les communes ont succédé des transferts forcés, au détriment du lien de proximité avec les citoyens qu’assuraient des élus désormais dépités, fatigués, démunis !

Nous refusons la politique de rafistolage du Gouvernement. Bien qu’il semble avoir compris que la voie ouverte par la loi NOTRe est profondément mauvaise, il ne propose que des modifications à la marge. Nous lui demandons aujourd’hui, ainsi qu’au Sénat, de prendre ses responsabilités.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement procède effectivement d’une grande cohérence, mais il est quelque peu disruptif… On reconnaît bien là l’audace des sénateurs, parfois sous-estimée !

Cet amendement vise à demander l’abrogation de la loi NOTRe ; on ne peut pourtant pas dire que le roi est nu ! Les élus locaux ne veulent plus de big-bangs territoriaux. Certains d’entre eux sont insatisfaits, certes, mais il est nécessaire d’avancer. Les trois années d’efforts considérables de réorganisation qu’ils ont consentis ne doivent pas être vaines. Il faut desserrer l’étau, assouplir et aller un peu plus loin, monsieur le ministre.

Même si je partage un certain nombre de vos constats, madame la sénatrice, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Là encore, il s’agit à mon sens d’un amendement d’appel visant à orienter la réflexion. J’en appelle cette fois à votre raison, et non à votre cœur, madame la sénatrice : abattre d’un coup de hache la loi NOTRe créerait une insécurité juridique. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable, dans l’hypothèse où cet amendement ne serait pas retiré.

Mme Éliane Assassi. Je retire cet amendement d’appel, madame la présidente.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 744 rectifié
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Article 1er (début)

Mme la présidente. L’amendement n° 744 rectifié est retiré.

L’amendement n° 746 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Conformément à l’article 37-1 de la Constitution et pour une durée maximale de trois ans, le représentant de l’État dans le département, ou le préfet de police à Paris, peuvent expérimenter, dans les départements et régions volontaires, pour un maximum de deux régions et de six départements, la mise en place d’un comité d’évaluation des politiques de décentralisation depuis la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Les membres de ce comité ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à son fonctionnement ne peut être pris en charge par une personne publique.

II. – Cette expérimentation permet de faire un bilan des politiques de coopération intercommunale en analysant les conséquences en termes de services publics, de contrôle des citoyens sur l’action publique et d’efficacité financière, sociale et organisationnelle.

III. – Cette expérimentation donne lieu à un rapport permettant d’apprécier l’opportunité de telles politiques imposant aux communes la coopération intercommunale et des transferts obligatoires de compétences.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, ce projet de loi marque tout de même un point d’arrêt par rapport à un certain nombre de lois précédentes visant en réalité à dévitaliser l’échelon communal, sous couvert de décentralisation.

Nous souhaitons qu’un point soit fait sur les politiques de décentralisation conduites depuis les années quatre-vingt dans notre pays. Dans cette optique, le présent amendement vise à permettre leur évaluation par la voie de l’expérimentation dans les départements et les régions.

Cela nous paraît nécessaire avant de légiférer de nouveau. Il convient en effet de ne pas naviguer à l’aveugle, sachant que rien aujourd’hui ne nous permet d’affirmer que les politiques successives d’intercommunalisation à marche forcée répondent effectivement aux enjeux.

Vous parlez de lever les irritants de la loi NOTRe, monsieur le ministre, mais nous demandons davantage pour notre part. Il nous paraît nécessaire d’étudier la mise en œuvre des différentes lois que j’évoquais pour comprendre comment ont pu apparaître ces fameux irritants, qui ne sont pas simplement issus de la loi NOTRe. Il conviendrait également de savoir ce que ces politiques ont apporté aux citoyens, aux élus, aux collectivités et in fine à la République.

À l’heure où le Gouvernement souhaite rationaliser les services publics en coupant dans les moyens et dans les effectifs, pouvez-vous nous dire si les conséquences financières de ces politiques ont été positives ? Peut-on parler de mesures efficaces au vu de la complexité de la répartition des compétences ? La mandature qui s’achèvera au mois de mars prochain a été marquée à cet égard par un grand chamboule-tout institutionnel.

Nous nous intéressons aussi aux conséquences sociales et culturelles de ces réformes, ainsi qu’au vécu des élus et des administrés. Nous ne pouvons rester inactifs devant le découragement des élus et les fractures territoriales qui s’amplifient.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, l’appel à l’évaluation est entendu par tous, me semble-t-il. Nous devrions d’ailleurs pratiquer cet exercice plus régulièrement. Toutefois, votre proposition de créer des comités d’évaluation expérimentaux de la mise en œuvre des lois de décentralisation intégrant des préfets me semble satisfaite : n’est-ce pas le rôle du Parlement d’évaluer et de contrôler ? Le président de la commission des lois a d’ailleurs mis en place une mission d’évaluation des lois d’organisation territoriale. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Cukierman, l’amendement n° 746 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Je ne le retire pas.

J’entends ce que vous dites sur le rôle du Parlement, madame la rapporteure. Loin de nous l’intention de le fragiliser dans son action de contrôle et d’évaluation, d’autant que l’on pourrait faire beaucoup mieux. Nous pourrions, par exemple, revoir comment l’on entend collectivement, du côté tant du Parlement que du Gouvernement, cette mission de contrôle.

Je me permets d’insister sur l’objet premier de cet amendement, qui est d’organiser une expérimentation au sein des collectivités territoriales, en associant l’ensemble des acteurs qui ont apprécié ou subi, selon les cas, les différentes lois de décentralisation. Le dispositif de cet amendement ne s’oppose pas au rôle du Parlement. Il pourrait au contraire en être tout à fait complémentaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 746 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 746 rectifié bis
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Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Relations entre les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et leurs communes membres

« Art. L. 5211-11-1. – I. – Après chaque renouvellement général des conseils municipaux ou une opération prévue aux articles L. 5211-5-1 A ou L. 5211-41-3, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre inscrit à l’ordre du jour de l’organe délibérant un débat et une délibération sur l’élaboration d’un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement.

« Si l’organe délibérant décide de l’élaboration d’un pacte, il l’adopte dans un délai de neuf mois à compter du renouvellement général ou de l’opération prévue au premier alinéa du présent I, après avis des conseils municipaux des communes membres.

« II. – Le pacte détermine :

« 1° Dans les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, s’il est créé une conférence des maires telle que mentionnée à l’article L. 5211-11-2 ;

« 2° Le cas échéant, la composition et les modalités de fonctionnement de la conférence des maires ;

« 3° Les modalités de mutualisation de services entre les services de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ceux des communes membres afin d’assurer une meilleure organisation des services ;

« 4° Les conditions dans lesquelles est mis en œuvre l’article L. 5211-57 ;

« 5° Éventuellement, les missions, la composition et les modalités de fonctionnement des commissions créées dans les conditions prévues aux articles L. 2121-22 et L. 5211-40-1.

« III. – Le pacte peut prévoir :

« 1° Les conditions dans lesquelles l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut, par convention, confier la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs de ses communes membres. La convention répond aux mêmes exigences que celles prévues à l’article L. 1111-8 ;

« 2° Les conditions dans lesquelles le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut déléguer au maire l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires. Dans ce cas, le pacte fixe également les conditions dans lesquelles le maire dispose d’une autorité fonctionnelle sur les services de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, dans le cadre d’une convention de mise à disposition de services.

« IV. – La modification du pacte suit la même procédure que son élaboration.

« Art. L. 5211-11-2. – I. – La conférence des maires est une instance de coordination entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes membres, au sein de laquelle il peut être débattu de tous sujets d’intérêt communautaire ou relatifs à l’harmonisation de l’action de ces personnes publiques.

« La création d’une conférence des maires est obligatoire dans les métropoles.

« Dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sa création est facultative. Toutefois, dès lors que 30 % des maires des communes membres de la communauté urbaine, de la communauté d’agglomération ou de la communauté de communes considérée en ont fait la demande par courrier adressé au président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, la création de la conférence des maires est obligatoire.

« II. – La conférence des maires est présidée de droit par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et comprend, en outre, les maires des communes membres.

« Elle se réunit, sur un ordre du jour déterminé, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à la demande d’un tiers des maires.

« Le présent II s’applique sous réserve des mesures prévues par le pacte de gouvernance mentionné à l’article L. 5211-11-1. »

II. – Les articles L. 5211-40 et L. 5217-8 du code général des collectivités territoriales sont abrogés.

III. – L’article L. 5832-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis Les articles L. 5211-11-1 et L. 5211-11-2 ; »

2° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° L’article L. 5211-40-1 ; ».

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Le pacte de gouvernance pourra prévoir la mise en place d’une instance de dialogue des maires de communes appartenant à un même EPCI, autrement dit d’un conseil ou d’une conférence des maires. Il en existe déjà dans de nombreux EPCI. Ces instances ont un objet d’intérêt général, à savoir conforter la place des maires au sein des EPCI, notamment lorsqu’ils ne sont pas membres du bureau. Trop souvent en effet, les maires des petites communes ont des difficultés à se faire entendre au sein des intercommunalités.

Par ailleurs, créer une telle instance de dialogue et de concertation entre les exécutifs locaux sur des projets communautaires, ainsi que sur des questions de coordination entre les actions engagées par les communes et celles des EPCI, constituerait une réelle avancée.

Depuis des mois, nous débattons de ce sujet. Même si une très large majorité des EPCI ont déjà instauré une telle instance de dialogue, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas le cas d’un nombre important d’entre eux.

Faut-il rendre obligatoire la mise en place d’une telle conférence des maires, sorte de bureau élargi, avec le risque d’alourdir la réglementation et d’imposer de nouvelles contraintes ? Doit-on, au contraire, la rendre facultative ? Dans certains cas, elle ne verra alors pas le jour, l’exécutif intercommunal pouvant n’avoir aucun désir de voir se réunir régulièrement l’ensemble des maires. Faut-il opter pour un dispositif facultatif, mais en donnant la possibilité, par exemple à 30 % des maires de l’EPCI, d’imposer la création d’une telle instance de dialogue, avec le risque d’aboutir à des situations de désaccord entre les maires et de « gâcher l’ambiance » ? En outre, à quel niveau fixer le seuil : 20 %, 25 %, 30 %, 33 % ?

Bref, aucune de ces solutions n’est exempte de critiques. Chacune peut être source de problèmes. La plus satisfaisante consisterait sans doute à créer cette instance de dialogue dès lors que le bureau de l’EPCI ne comprendrait pas l’ensemble des maires des communes membres. Ce serait d’ailleurs un bon moyen d’inciter les maires à faire partie du bureau de l’EPCI. Nous présenterons un amendement en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Lefèvre, sur l’article.

M. Antoine Lefèvre. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à laquelle j’ai l’honneur et le grand plaisir d’appartenir depuis sa création, se préoccupe de la question de la place des élus municipaux dans les intercommunalités depuis très longtemps. Elle avait ainsi relevé, en septembre 2018, dans son ample rapport sur les conditions d’exercice des mandats locaux, le sentiment d’inquiétude et de dépossession des élus municipaux résultant de l’orientation prise par la construction intercommunale depuis les lois Maptam et NOTRe. Des voix de plus en plus nombreuses s’élevaient pour dire que « l’esprit n’y était plus ». Le président du Sénat notait que « les élus municipaux ont le sentiment d’être pris dans de vastes ensembles, et parfois décrochent ».

Certains de nos collègues ont eu la gentillesse de le rappeler, Patricia Schillinger, que je salue, et moi-même avons produit un rapport, adopté le 6 mai 2019 à l’unanimité par notre délégation. Au travers d’exemples concrets, nous y avons répertorié et mis en valeur les bonnes pratiques en matière d’organisation des relations entre l’intercommunalité et les communes. Outre la mise en place d’une consultation numérique, qui a permis de recueillir près de 4 000 réponses, nous nous sommes déplacés sur le terrain et avons fait partout le même constat : les maires et les élus municipaux non communautaires ne se sentent pas suffisamment associés à la gouvernance des EPCI.

Nous avons donc formulé douze recommandations visant à renforcer la place des élus municipaux dans cette gouvernance. La première d’entre elles est ainsi intitulée : « se doter d’une charte de gouvernance pour définir les rôles respectifs entre les communes et la communauté, et formaliser la coopération entre communes membres dans le respect de chaque territoire ». Je citerai encore la proposition n° 4 : « prévoir, dans le fonctionnement de l’EPCI, une instance spécifique de dialogue des maires et faire en sorte que ceux-ci deviennent des relais de l’action communautaire dans chaque territoire ».

Ces recommandations sont reprises au travers de l’article 1er du présent projet de loi, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Cela témoigne d’une belle concordance de nos préoccupations s’agissant des « irritants » de la loi NOTRe. Croyez bien, monsieur le ministre, que nous sommes sensibles à cette convergence de propositions relatives à la gouvernance et au conseil des maires, que nous entendons comme la résultante des bonnes pratiques observées sur le terrain. Nous devons nous en inspirer avec pragmatisme, tout en évitant de créer de nouvelles obligations normatives.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Mon intervention portera en fait sur l’ensemble des articles du titre Ier. Elle est inspirée par notre volonté de conforter la place du maire au sein de l’intercommunalité.

Dans le cadre de rencontres organisées sur le territoire avec les élus locaux, nous avons constaté que persistait un sentiment de frustration, dû notamment à un manque de débat tenant soit au nombre important d’élus dans les grandes intercommunalités, qui nuit à la qualité des échanges et réduit les possibilités d’intervenir, soit tout simplement à la multiplicité des questions inscrites à l’ordre du jour. Lorsqu’il reste, à vingt-trois heures trente, encore dix points à aborder, certains élus n’osent plus s’exprimer ; cela peut d’ailleurs les mettre en difficulté lorsqu’ils reviennent devant leur conseil municipal…

Du fait des regroupements de communes à marche forcée, beaucoup d’intercommunalités n’ont plus aujourd’hui aucune cohérence. On voit les limites de cette démarche, y compris dans le fonctionnement des EPCI.

Nous avons toujours milité pour des intercommunalités à taille humaine, fondées sur un projet territorial commun, et nous continuerons à le faire au cours de la discussion de ce projet de loi. Nous présenterons des amendements visant à redonner du pouvoir aux maires au sein des intercommunalités. Nous pensons en effet qu’au-delà de l’affirmation des grands principes, il est nécessaire de mettre des outils à disposition et d’aller plus loin sur un certain nombre de points pour redonner aux maires la maîtrise des enjeux politiques au sein des intercommunalités.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.

M. Yves Daudigny. Je parcours moi aussi chaque week-end mon département, qui comprend quelque 800 communes et 20 intercommunalités, pour 530 000 habitants. Je rencontre des maires, des femmes, des hommes déterminés, parlant avec enthousiasme de leur village, décrivant une qualité de vie recherchée. Ils constituent la première marche de la démocratie dans notre pays, ils mettent en œuvre des projets d’aménagement, ils sont les animateurs infatigables de leur commune, ils donnent une portée concrète à un premier niveau de solidarité.

Je veux me faire ici l’écho de leurs difficultés, mais aussi de leur volonté de construire, encore et toujours, un avenir possible sur des territoires économiquement et socialement éprouvés.

Dans la crise exacerbée de la représentation politique que nous connaissons, le maire conserve largement la confiance des citoyens. Il est celui que l’on identifie, qu’il est possible d’interpeller dans la rue, celui que l’on imagine encore chargé de régler tous les problèmes de la vie quotidienne, alors que désormais ceux-ci relèvent souvent de l’échelon communautaire.

Assumé la plupart du temps à titre quasiment bénévole, l’engagement du maire est synonyme de sacrifices personnels. Son coût humain est important en termes de responsabilité, d’exposition à la violence, de normes à appréhender, de vie familiale perturbée, de compatibilité avec un exercice professionnel.

Évolution ou suppression des services publics, extension souvent à marche forcée des périmètres des intercommunalités amenant à s’interroger sur la nature des processus démocratiques qui se déroulent en leur sein, dévitalisation des centres-bourgs ou centres-villes, concentration de familles en grande souffrance : les élus locaux sont confrontés à des problématiques qui dépassent leur pouvoir d’action, mais dont les effets les touchent directement.

L’échelon communal a bien sûr perdu sa pertinence en termes d’offre de nouveaux services à la population, d’investissements, d’aménagements lourds, et la dimension communautaire est aujourd’hui incontournable. Mais la présence, l’autorité, l’initiative du maire demeurent indispensables à une vie équilibrée dans la ruralité de notre pays.

Vous l’aurez compris, je soutiendrai la création de conseils des maires, prévue à l’article 1er, même si son caractère facultatif et les modalités proposées ne permettront pas qu’elle suffise à remédier aux dysfonctionnements dans les relations entre l’intercommunalité et ses communes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux, sur l’article.

M. Jean-Yves Roux. Le département des Alpes de Haute-Provence compte deux communautés d’agglomération, six communautés de communes dont le siège est situé dans le département et quatre autres dont le siège est hors du département. Nous sommes donc en présence d’EPCI pouvant compter quarante, voire soixante communes membres, et à cheval sur deux départements, parfois même sur deux régions.

Le périmètre d’action des intercommunalités rurales et de montagne renforce, à n’en pas douter, le sentiment d’éloignement et de disparition des communes membres dans des ensembles dont l’identité est en construction. Dans ce contexte, le transfert de compétences complet et le transfert de compétences morcelé, quand il s’agit par exemple de la compétence scolaire ou de l’urbanisme, sont largement vécus comme une dépossession par les maires des petites communes.

La création de la conférence des maires est une bonne chose. Pour autant, à notre sens, elle n’est pas suffisante.

Pierre Mendès France écrivait, dans La République moderne, que « la démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen non seulement sur les affaires de l’État, mais sur celles de la région, de la commune, de la coopérative, de l’association, de la profession. »

Il en va de même pour les maires de petites communes membres de grandes communautés de communes. Nous pensons qu’il faut inventer un autre mode de gouvernance, associant de manière plus continue les maires. Ce texte, de manière générale, tend à renforcer le rôle institutionnel des maires, en améliorant la communication et en renforçant les possibilités de blocage d’un projet. C’est une étape à prendre en compte. Il faudrait, en parallèle, veiller à améliorer le rôle décisionnel des communes et mettre en place une véritable codécision, un travail en commun. Notre groupe présentera plusieurs amendements en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

M. François Bonhomme. Le Gouvernement entend affirmer sa volonté de conforter le rôle du maire au sein d’une intercommunalité qui a été profondément bouleversée par la mise en œuvre de la loi NOTRe. Avec celle-ci, on a en effet réussi le tour de force de fragiliser les communes comme échelons de proximité et d’affaiblir l’idée intercommunale au profit d’une supracommunalité ivre d’elle-même et portée par une logique d’intégration à marche forcée.

Ce double mouvement, à l’œuvre depuis quelques années, a profondément bouleversé l’équilibre au sein du bloc communal et nourri des tensions très dommageables dans le couple communes-communauté de communes. Cette situation conduit aujourd’hui le Gouvernement – sur la requête, il est vrai, du Sénat – à tenter de réformer et de répondre à un besoin de proximité de plus en plus fort issu des territoires, dans l’attente d’un projet de loi relatif à la décentralisation annoncé pour le second semestre de 2020.

Le présent article a au moins le mérite de chercher à redonner une place véritable, si possible centrale, au maire. Oui, il est impératif d’inverser la logique à l’œuvre ces dernières années, qui a nourri chez les maires un réel sentiment de dépossession. Il faut que l’intercommunalité se construise avec le consentement des élus communaux, et non contre ou malgré eux.

Vous pouvez compter sur le Sénat et sa commission des lois pour renforcer les mesures proposées par le Gouvernement, pour peu, évidemment, qu’elles visent à consolider la place des communes et des maires dans le fonctionnement de l’intercommunalité. C’est l’objet de cet article, qui prévoit l’instauration d’un pacte de gouvernance. Seule une véritable association des maires à la gouvernance de l’intercommunalité permettra de trouver un équilibre entre les communes, dont l’intercommunalité est en principe l’émanation.

L’intercommunalité doit se construire à partir d’une vision et d’un projet intercommunaux, construits collectivement. De même, l’instauration d’un conseil des maires est un moyen de favoriser le dialogue et la connaissance des problématiques communes et, finalement, de faire en sorte que la commune redevienne, comme l’a dit notre collègue Mathieu Darnaud, la porte d’entrée de l’intercommunalité.

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.

M. Maurice Antiste. Je vais vous étonner, mes chers collègues, mais, pour une fois, je suis en accord avec la méthode qui a conduit à l’élaboration de ce projet de loi, d’une part, et avec l’objectif de celui-ci, d’autre part.

Le présent texte a ainsi été élaboré à la suite de rencontres avec les associations d’élus, les parlementaires engagés sur le sujet des collectivités territoriales et les présidents de groupe du Sénat. Plus de 500 contributions ont ainsi été reçues, analysées et intégrées. L’exécutif ne nous avait pas habitués à tant d’égards ! Il faut dire que les maires et, plus généralement, les 600 000 élus locaux, se sentant dépossédés, déclassés et impuissants, ont fait entendre leurs doléances pendant le grand débat national.

L’objectif annoncé de « revaloriser le bloc communal et la figure du maire, qui est centrale dans notre histoire et notre identité commune » – je reprends ici vos propos, monsieur le ministre – ne peut trouver qu’un écho favorable en ce lieu.

Ce texte entend valoriser et accompagner ceux qui s’engagent pour la collectivité, en améliorant les conditions d’exercice des mandats locaux. Il vise également à étendre les libertés locales, à conforter le rôle du maire pour que celui-ci puisse trouver un meilleur équilibre avec son intercommunalité, à simplifier le quotidien des élus locaux et à mieux adapter certaines règles ou certains seuils aux réalités territoriales.

Si ce projet de loi va effectivement dans le bon sens, ses mesures, par ailleurs hétéroclites, seront-elles suffisantes pour atténuer le mal-être des maires, dont près de la moitié sont prêts à jeter l’éponge à l’occasion du prochain scrutin municipal de mars 2020 ? Elles constituent plutôt, à mon sens, une avancée, un premier pas qui doit en amener d’autres ! Il y a urgence à revaloriser, à revitaliser la démocratie en agissant au plus près des territoires.

Cela devrait également passer, et c’est ce qui manque aussi à ce texte, par une prise en compte, au titre du calcul des droits à la retraite, du travail de maire. J’espère que cette lacune sera corrigée à très court terme.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Monsieur le ministre, vous m’avez quelque peu chagriné : vous avez répondu à tous les intervenants dans la discussion générale, sauf à moi ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Cela m’oblige à reprendre la parole…

L’article 1er a pour objet la place des maires dans l’intercommunalité. Les pôles territoriaux seront-ils dotés, au travers du présent texte ou de celui que défendra Mme Gourault, d’un cadre clair au sein des intercommunalités « XXL », voire « XXXL » pour ce qui concerne le Pays basque ?

En effet, la relation des maires avec une intercommunalité qui compte 158 communes et 238 conseillers communautaires passe obligatoirement aussi par des pôles territoriaux. Les maires ont besoin, dans ces grands ensembles qu’ils ont certes voulus – au Pays basque, par exemple, il n’y a pas eu besoin de « passer outre » –, de pouvoir se retrouver au sein d’un ensemble territorial de plus petit périmètre pour évoquer les dossiers concrets, en retrouvant les principes mêmes qui ont guidé la création des grandes intercommunalités : synergie et cohérence pour la définition de schémas à grande échelle, qui est parfois la bonne, et proximité pour la gestion du quotidien.

Aujourd’hui, lorsqu’un administré de Mauléon est confronté à un problème de conteneur, il doit s’adresser à une lointaine administration, situé à Bayonne, pour le régler. Certes, le schéma de collecte et de traitement des déchets doit être élaboré à grande échelle, celle du Pays basque. J’étais favorable, en tant qu’élu, à la création de la grande intercommunalité du Pays basque, mais certainement pas pour que cela conduise à ce que nos concitoyens se perdent dans le dédale d’une administration tentaculaire pour régler des problèmes de conteneur !

Certes, nos concitoyens ne connaissent que le maire, qui est « à portée d’engueulade », comme le dit le président Larcher, mais trop d’engueulades peuvent mener au découragement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, sur l’article.

Mme Corinne Féret. Dans mon département du Calvados comme ailleurs, les maires, en particulier ceux des petites communes rurales, demandent que la création de cet outil de dialogue et de concertation qu’est la conférence des maires soit obligatoire. Je les comprends, car une intercommunalité ne peut convenablement fonctionner si elle n’est pas, d’une certaine manière, « partagée ». J’aurais d’ailleurs pu dire la même chose au sujet du pacte de gouvernance.

En l’état actuel du texte, le caractère facultatif de la création de la conférence des maires et les modalités proposées risquent de rendre le dispositif insuffisant pour résoudre les dysfonctionnements. Rappelons que cette instance aura pour objet de débattre des orientations politiques et des décisions importantes de l’EPCI.

En rendant obligatoire, et non plus facultative, la mise en place d’un tel outil, on assurerait à toutes les petites communes rurales une certaine visibilité dans le traitement des projets intercommunaux. C’est très important ; elles ne sont pas des communes de seconde zone ! Le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, n’a-t-il pas récemment présenté un « agenda rural » ?

Il faut passer de la parole aux actes : au sein des intercommunalités, tout doit être fait pour garantir l’équilibre territorial, le respect de la souveraineté des communes, la recherche du plus large consensus et le partage des décisions. En rendant la création de la conférence des maires obligatoire, on reconnaîtra le rôle central des maires. Il me semble que telle est l’ambition de ce texte. (M. Roland Courteau applaudit.)

Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 383 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. L. 5211-11-1. – I. – Dans chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, il est établi un pacte de gouvernance.

« Le pacte de gouvernance détermine les modalités de la coopération entre les communes et l’établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres. Il est élaboré après chaque renouvellement général des conseils municipaux ou une opération prévue aux articles L. 5211-5-1 A ou L. 5211-41-3. Il est adopté, après avis des conseils municipaux des communes membres, au plus tard le 31 décembre de l’année du renouvellement général ou dans les neuf mois qui suivent une opération prévue aux articles L. 5211-5-1 A ou L. 5211-41-3.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, vous avez choisi de caricaturer une partie de nos propos. Pourquoi pas, mais il faut désormais entrer dans le cœur de notre discussion, et essayer d’améliorer autant que faire se peut le texte, voire nous accorder sur certaines dispositions.

En l’espèce, j’ai du mal à comprendre ce qui empêche de faire du pacte de gouvernance la règle de droit commun dans les EPCI, comme nous le proposons. Vous me répondrez qu’il faut faire confiance aux élus dans les territoires. Nous sommes tout à fait d’accord sur ce point, mais, « en même temps », il est nécessaire d’associer au mieux les conseillers municipaux, les conseillers communautaires et les maires au sein de l’instance intercommunale. Quoi de mieux à cet égard que d’instaurer l’obligation de conclure, à chaque renouvellement de celle-ci, un pacte fixant les règles du jeu pour les six années à venir ? Pourquoi ne serait-il pas possible de mettre en place une instance dont l’existence même permettrait le rapprochement, que vous dites souhaiter, entre les communes et l’intercommunalité ?

Mme la présidente. L’amendement n° 590 rectifié, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Duran et Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 5211-11-1. – I. – Dans les dix mois qui suivent le renouvellement général des conseils municipaux ou une opération prévue par l’article L. 5211-41-3, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale adopte un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres.

« Après chaque renouvellement général des conseils municipaux ou une opération prévue aux articles L. 5211-5-1 A ou L. 5211-41-3, l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale adopte un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres.

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Le pacte de gouvernance vise à améliorer la coopération entre communes et intercommunalité. Son instauration est souhaitée de longue date par beaucoup d’acteurs locaux et elle est saluée par de nombreux élus.

Cependant, le lien entre communes et intercommunalité étant souvent insuffisant, nous devons rendre obligatoire la création de ce nouvel outil de renforcement de la relation entre les différents maillons de la politique locale. Cet amendement a pour objet de faire en sorte que les éléments bénéfiques de ce pacte puissent profiter à toutes les communes de France.

Par ailleurs, le délai de six mois prévu dans le projet de loi pour l’adoption du pacte semble trop court. L’amendement vise donc à le porter à dix mois.

Mme la présidente. L’amendement n° 748, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

1° Remplacer la référence :

L. 5211-5-1 A

par la référence :

L. 5211-5-1

2° Supprimer les mots :

à fiscalité propre

3° Remplacer les mots :

un débat et une délibération sur l’élaboration d’un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement

par les mots :

l’élaboration d’un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement de coopération intercommunale dont elles sont membres

II. – Alinéa 5

Remplacer les mots :

Si l’organe délibérant de l’élaboration d’un pacte, il adopte dans un délai de neuf mois à compter du

par les mots :

Ce pacte est adopté dans les neuf mois qui suivent le

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise également à rendre l’établissement du pacte de gouvernance obligatoire. Un tel outil est en effet essentiel au bon fonctionnement d’un EPCI. Il permet d’établir des relations satisfaisantes avec les communes et leurs élus. L’établissement d’un pacte de gouvernance est, d’ores et déjà, une pratique courante, et le présent dispositif reprend largement ce qui existe dans nombre d’EPCI.

Tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales, nous estimons que donner à ce pacte un caractère facultatif n’encouragera pas les EPCI au sein desquels les relations avec les mairies sont tendues et problématiques à le mettre en place. Un tel pacte risque de n’être conclu que dans les intercommunalités où règne une bonne entente.

Rendre obligatoire ce pacte permettra de poser un cadre consensuel de réflexion sur la gouvernance de l’intercommunalité et les relations avec les communes membres. À chaque renouvellement ou création d’un EPCI, il semble cohérent de partir sur de bonnes bases en ouvrant ce débat entre les communes et en leur laissant ensuite la possibilité ensuite de définir ce pacte comme elles le souhaitent, en coordination avec l’EPCI.

Mme la présidente. L’amendement n° 674 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly et Billon, M. Prince, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ et P. Martin, Mme Létard, M. Decool, Mme Ramond, M. Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Gremillet et H. Leroy, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Après la référence :

L. 5211-41-3,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

un pacte de gouvernance entre les communes et l’établissement public de coopération intercommunale dont elles sont membres est adopté dans les neuf mois, par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, après avis des conseils municipaux des communes membres.

II. – Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Cet amendement, dont Hervé Maurey est le premier signataire, vise à rendre obligatoire l’adoption d’un pacte de gouvernance entre les communes et l’EPCI dans les neuf mois suivant la mise en place du conseil communautaire.

Il est très important de rendre la conclusion d’un tel pacte obligatoire. On sait dans quelles conditions se déroule souvent l’élection du président, des vice-présidents et du bureau de l’intercommunalité… On ne consacre pas assez de temps, au sein des intercommunalités, à définir des principes et des règles de gouvernance. La mesure proposée nous semble aller dans le bon sens.

Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’élaboration d’un pacte est obligatoire pour les métropoles.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. L’étude d’impact du projet de loi indique que les métropoles sont des EPCI très intégrés. Le présent article prévoit ainsi l’obligation de créer une conférence des maires pour les métropoles, en remplacement de l’actuelle conférence métropolitaine. Je propose de rendre également obligatoire l’élaboration d’un pacte de gouvernance pour les métropoles.

Je siège depuis mars 1983 au sein de l’intercommunalité de Montpellier, jusqu’à il y a deux ans en tant que maire et désormais comme simple conseiller métropolitain. J’ai assisté à la dérive épouvantable qui s’est produite depuis la constitution de la métropole. Le président de la métropole de Montpellier considère que celle-ci n’est pas un EPCI, mais une collectivité de plein exercice. Cela signifie, en définitive, que la loi n’y est pas respectée. Nous voulons qu’elle le soit !

Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié bis, présenté par MM. P. Joly, Lozach et Antiste, Mme Jasmin, MM. Tourenne, Courteau, Vaugrenard et Tissot, Mmes Féret et Perol-Dumont, MM. Montaugé, Duran et Temal et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dès lors que l’organe délibérant décide de l’élaboration d’un pacte de gouvernance, est systématiquement évoquée la question de la création d’un conseil de développement.

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Il s’agit d’un amendement de repli, dans l’hypothèse où les conseils de développement deviendraient facultatifs.

Les conseils de développement sont en cours de généralisation dans les intercommunalités de plus de 20 000 habitants. Cette dynamique est récente et fragile. Pour perdurer, elle a encore besoin d’être encouragée et accompagnée, jusqu’à assurer un maillage suffisant dans l’ensemble des territoires, ruraux et urbains.

Ne pas favoriser l’existence des conseils de développement briserait l’élan et constituerait un retour en arrière en matière de mobilisation citoyenne, fragilisant les plus récents d’entre eux dans un contexte de renouvellement des mandats.

Il y a lieu de prendre en compte les apports des conseils de développement. Outre leur contribution à l’enrichissement des politiques publiques, ils constituent, à l’échelle intercommunale, l’un des seuls lieux organisés dans lesquels les désaccords peuvent s’exprimer de manière argumentée et se réduire de façon apaisée. Dans un contexte marqué par la défiance et l’urgence écologique, ils font vivre et contribuent à diffuser les valeurs d’écoute et de respect de l’autre, d’attention à l’intérêt général et d’une citoyenneté active et responsable.

Il est donc nécessaire, à défaut de conserver l’article L. 5211-10-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction actuelle, de prévoir au moins la tenue d’un débat, dès le renouvellement des mandats intercommunaux, sur la mise en place d’un conseil de développement.

Mme la présidente. L’amendement n° 633 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Meurant et Frassa, Mme Deromedi, M. Guerriau et Mmes Bruguière et Sittler, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

Si l’organe délibérant décide de l’élaboration d’un pacte, il

par les mots :

L’organe délibérant

La parole est à M. Henri Leroy.

M. Henri Leroy. Le pacte de gouvernance est un outil important, qui permet aux élus locaux, et surtout à l’exécutif de chaque commune membre, de s’accorder sur le fonctionnement de leur EPCI, ainsi que sur l’ordre du jour de la prochaine séance.

En l’état, le projet de loi prévoit que sa création soit une simple possibilité. Compte tenu de sa pertinence et de son indubitable utilité, je propose de rendre sa conclusion obligatoire.

Mme la présidente. L’amendement n° 462, présenté par MM. Patriat, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

neuf

par le nombre :

six

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Ce modeste amendement de bon sens vise à réduire de neuf à six mois le délai pour la conclusion du pacte de gouvernance. Si l’élection a lieu en mars, un délai de six mois conduit à la fin septembre : cela laisse le temps de travailler avant l’été et de finaliser le pacte pour la rentrée. Avec le délai de neuf mois prévu par le texte actuel, c’est une année pleine qui passe avant que le pacte soit conclu. On perd alors cette période stratégique qu’est la première année du mandat. On sait en effet que, dans les intercommunalités, l’essentiel se met en place au cours de cette période.

Mme la présidente. L’amendement n° 904 rectifié, présenté par M. Jacquin, Mmes Jasmin et Conway-Mouret et MM. Vaugrenard, Temal, Tissot et Daudigny, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Remplacer le mot :

neuf

par le mot :

douze

II. – Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ….° Les conditions dans lesquelles l’intercommunalité entend coopérer avec les collectivités voisines.

La parole est à M. Olivier Jacquin.

M. Olivier Jacquin. Le présent amendement a un double objet.

En premier lieu, il vise à instaurer davantage de cohésion à l’intérieur du bloc communal en disposant que le pacte de gouvernance prévoie, le cas échéant, l’établissement de liens avec les collectivités voisines. En effet, les périmètres administratifs ne correspondent pas systématiquement aux bassins de vie ni aux périmètres de pertinence de certaines politiques publiques, qui nécessitent d’être définies à une échelle plus vaste. C’est le cas, par exemple, pour les mobilités, l’économie, le tourisme, la santé, les réseaux numériques, etc.

Ainsi, pour pleinement satisfaire l’ensemble des communes et des administrés d’un EPCI, il peut être nécessaire d’envisager des partenariats avec les collectivités voisines, a fortiori en l’absence de pôles d’équilibre territorial et rural.

Adopter une telle disposition serait gage d’une plus grande cohésion et permettrait de rassurer les communes excentrées au regard de la mise en œuvre de certaines politiques publiques : elles auraient la garantie que leur EPCI se donne au moins une obligation de moyens en vue de bien les raccorder à celle-ci.

Vu sous un autre angle, celui du regard de nos concitoyens, les habitudes de vie de ceux-ci dépassent souvent le cadre administratif de leur EPCI de résidence. Aussi, même avec des EPCI agrandis, il s’agit d’anticiper le fait que ces continuités s’épanouiront et que des connexions seront tentées, voire établies. En présence d’un PETR, qui a pour objet partiel de répondre à cette logique, l’EPCI en périphérie de ce PETR visera à s’assurer des continuités hors PETR pour certaines politiques publiques.

En second lieu, l’amendement vise à porter le délai d’élaboration du pacte de gouvernance de neuf à douze mois, compte tenu de l’importance de ce document.

Mme la présidente. L’amendement n° 636 rectifié, présenté par MM. H. Leroy, Laménie, Meurant et Frassa, Mme Deromedi, M. Guerriau et Mmes Bruguière et Sittler, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet article par les mots :

et l’annexe à son règlement intérieur

La parole est à M. Henri Leroy.

M. Henri Leroy. Cet amendement tend à s’inscrire dans la continuité de ma proposition précédente.

Afin de permettre une meilleure lisibilité des documents qui ont trait au fonctionnement interne de l’EPCI, je vous propose, mes chers collègues, d’inscrire dans la loi que le pacte de gouvernance doit être annexé au règlement intérieur des EPCI.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’ensemble de ces amendements a pour objet cette nouveauté qu’est le pacte de gouvernance. Celui-ci répond, je le crois, à l’aspiration des communes d’être plus associées, au souhait que soit bien respecté le principe de coopération intercommunale et à la volonté de remettre le maire et les élus locaux au cœur des décisions.

Les amendements nos 383 rectifié, 590 rectifié, 748, 674 rectifié bis et 633 rectifié visent l’obligation pour tous les EPCI de conclure un pacte de gouvernance, l’amendement n° 20, que je rattache aux précédents, ayant quant à lui pour objet d’instaurer cette obligation seulement pour les métropoles.

Avec ce texte, nous voulons accorder de la liberté et remettre le maire au cœur du village républicain, si je puis dire. Un élément extrêmement important doit être pris en considération : la discussion portant sur l’élaboration ou non d’un pacte de gouvernance est obligatoire, puisqu’elle est inscrite dans la loi. Nul ne peut donc esquiver ce sujet.

Le pacte de gouvernance permettra aussi d’associer les communes, puisque leur consultation pour avis a été introduite dans le texte par la commission des lois. Afin que les élus disposent de suffisamment de temps, et que les communes puissent être sollicitées, nous avons prévu un délai de neuf mois.

Enfin, mes chers collègues, si nous instituions l’obligation de conclure un pacte de gouvernance, celui-ci pourrait n’être qu’une enveloppe vide. C’est la raison pour laquelle nous avons défini un certain nombre d’items qui doivent figurer dans ce pacte : je pense notamment à la suggestion de certains collègues, dont Bernard Delcros, d’y intégrer les éléments de solidarité financière, et à l’évocation des délégations qui pourraient être accordées.

Nous avons intégré dans la loi un dispositif assez complet, mais les discussions nous ont montré qu’il y avait presque autant d’EPCI que de réalités territoriales et de réalités de gouvernance. Tout EPCI peut compléter le pacte de gouvernance à sa guise, en y ajoutant des éléments qui relèvent même du règlement intérieur. Ce pacte peut donc être enrichi selon les choix et la volonté des élus locaux. Je rappelle par ailleurs que l’avis des communes membres sera bien sollicité.

Nous avons apporté là, me semble-t-il, une excellente réponse à l’expression des élus, qui demandent à être davantage associés. Néanmoins, il faut que nous soyons raisonnables quant à ce que nous allons mettre dans la loi. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements que j’ai cités. Et j’indique que la commission des lois a prévu que la conférence des maires était obligatoire.

M. Joly souhaite, au travers de l’amendement n° 124 rectifié bis, que soit systématiquement évoquée dans le pacte de gouvernance la question de la création d’un conseil de développement.

Je ne développerai pas plus avant ce sujet, parce qu’il faut garder un peu de plaisir pour plus tard et que nous ne manquerons pas d’avoir des échanges stimulants… Je rappelle simplement que la commission des lois a conservé le caractère facultatif des conseils de développement. (MM. Antoine Lefèvre et André Reichardt manifestent leur approbation.)

Toutefois, nous avons proposé à M. Joly d’émettre un avis favorable à son amendement sous réserve qu’il rectifie ce dernier, en prévoyant que le pacte de gouvernance peut définir les modalités d’association des acteurs socio-économiques, c’est-à-dire pour laisser aux EPCI le choix de le faire ou non et de décider des modalités concrètes de cette association. M. Joly nous a indiqué qu’il ne souhaitait pas changer d’avis. L’avis de la commission est donc défavorable.

Enfin, s’agissant des amendements nos 462 et 904 rectifié, j’ai bien entendu, mon cher collègue Arnaud de Belenet, votre impatience à conclure un pacte de gouvernance. Je m’en réjouis, mais le délai de neuf mois permet parfois d’accoucher de choses absolument superbes ! (Sourires.)

M. Loïc Hervé. Pour les éléphants, c’est plus long !

M. Antoine Lefèvre. Il y a parfois des prématurés !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce temps est nécessaire, me semble-t-il. Il ne s’agit pas de retarder et diluer, mais, si nous voulons qu’un véritable projet politique et de territoire soit élaboré et que l’avis des communes soit recueilli, ce qui est important, je crois souhaitable de prévoir un délai de réalisation de neuf mois. À défaut de retrait de ces deux amendements, mon avis serait donc défavorable.

En revanche, et je terminerai de manière plus positive, nous émettons un avis favorable sur l’amendement de M. Leroy qui propose que le pacte de gouvernance soit annexé au règlement intérieur de l’EPCI.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. L’avis du Gouvernement est globalement le même que celui de la commission. On parle de liberté, mais on est déjà en train de rendre toute une série d’éléments obligatoires.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je ne reprendrai pas ce que j’ai déjà dit depuis le début de la discussion ; je maintiens mon avis défavorable à tout ce qui tend à rendre obligatoires les outils d’adaptation locale.

De plus, en l’état actuel du texte, le président de l’intercommunalité ne peut forcer les choses, puisqu’une partie des maires membres de l’EPCI est susceptible d’imposer l’inscription de points à l’ordre du jour et même de rendre obligatoires les conseils des maires.

Nous avons un dispositif équilibré. C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement sera défavorable sur les amendements nos 383 rectifié, 590 rectifié, 748, 674 rectifié bis et 20.

Je m’arrête quelques instants sur l’amendement n° 124 rectifié bis de M. Joly, qui a déjà pour objet de traiter de l’affaire du conseil de développement. Je n’y suis pas opposé : je souhaite que le recours au conseil de développement soit facultatif ; il faut bien, dès lors, que la question se pose à un moment ou à un autre du mandat. Même si la commission a émis un avis défavorable, j’émets un avis de sagesse, pour que l’on se rappelle dans la suite de la discussion que je n’y suis pas défavorable.

En revanche, je suis défavorable pour les raisons que j’ai déjà indiquées, à l’amendement n° 633 rectifié, qui tend à instituer une obligation ferme.

J’en viens à l’amendement n° 462 de M. Patriat, défendu par M. de Belenet. Six ou neuf mois ? Je vous répondrai : peu importe, et raisonnons autrement.

L’EPCI dispose d’un délai de six mois pour élaborer son règlement intérieur. On ne peut pas parler de simplification pendant les deux heures de la discussion générale et ensuite imaginer des délais différents pour l’élaboration du pacte de gouvernance et du règlement intérieur !

Il faut faire attention : soit on porte tous les délais à neuf mois, soit – c’est ce que j’espère – on les porte à six mois. Quand on est président d’une communauté de communes de 16 000 habitants, on a autre chose à faire que de passer sa vie à regarder dans le CGCT à examiner ce qui relève des six mois et des neuf mois ! Cela correspond vraiment à ce que je souhaite : l’avis du Gouvernement est donc favorable sur l’amendement de M. de Belenet, qui vise à fixer tous les délais à six mois, ce qui représente un peu moins de 10 % des six ans du mandat : c’est déjà une durée importante.

J’entends le bon argument de Mme Gatel : c’est vrai, quand l’EPCI comprend de nombreuses communes membres, il faut consulter et faire délibérer chacune d’entre elles. Mais puisque cet amendement tend à prévoir un délai de six mois et qu’il n’y a pas d’amendement pour fixer à neuf mois le délai pour le règlement intérieur, j’émets donc un avis favorable.

Enfin, pour les raisons que je viens d’indiquer, monsieur Jacquin, l’avis du Gouvernement est défavorable sur votre amendement n° 904 rectifié. Un an sur six ans de mandat, c’est considérable.

M. André Reichardt. Pourquoi pas deux ans ? Cela fait beaucoup !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends votre souci de laisser du temps au temps, mais, en l’occurrence, les deltas de temps commencent à être assez considérables !

Enfin, monsieur Leroy, en ce qui concerne votre amendement n° 636 rectifié, relatif au lien entre le règlement intérieur et le pacte de gouvernance, comme je viens de le dire, j’émets un avis plutôt favorable, dès lors que le délai est de six mois dans les deux cas.

Or je ne vois pas très bien comment on peut ajouter une annexe au règlement intérieur… Vous m’avez compris, il faut que l’on fasse œuvre de simplification, sinon nous n’allons pas nous en sortir. Et là, pour être honnête, ce sont deux supports pour deux objets différents : le règlement intérieur ne concerne que les assemblées délibératives, en clair le conseil communautaire et les commissions ; le pacte de gouvernance, lui, peut aller au-delà, notamment avec les questions de représentation et de délégation – on y reviendra à propos d’autres articles du projet de loi.

Je le répète, ce sont deux objets juridiques différents, mais je ne vois pas d’obstacle particulier à ce qu’ils soient ensuite annexés au même support. Il faut rester vigilant sur un point, celui des délais.

L’avis du Gouvernement est donc favorable sur l’amendement n° 636 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je voudrais revenir sur l’amendement n° 462 et la question des délais. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que votre argument technique…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Non, ce n’est pas technique !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. … me semble quelque peu léger par rapport à l’enjeu du pacte de gouvernance.

Le pacte de gouvernance, c’est un projet politique et un projet de territoire. Il me semble que s’engager à réaliser un tel document dans un délai de six mois est une gageure, qui va mettre les élus en difficulté. On l’a bien dit, l’intercommunalité est un espace de consensus et d’élaboration de projets collectifs. Soit l’on apaise les relations au sein des intercommunalités, soit l’on continue à mener les choses à la hussarde en faisant semblant.

Je crois en votre sincérité quand vous dites que vous voulez apaiser les relations et faire de l’intercommunalité heureuse. Si c’est ce que vous voulez, maintenez le délai de trois mois pour donner aux communes le temps de s’exprimer ! Sinon, vous allez seulement les contrarier.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mettez tout à neuf mois !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’entends votre argument de tout fixer à neuf mois. Mais cette position trop dogmatique ne vous ressemble pas, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. J’éprouve des difficultés à comprendre les blocages des rapporteurs, d’autant que je viens d’écouter attentivement Mme Gatel, qui nous explique que le pacte de gouvernance devait être un projet politique et un projet de territoire ; nous sommes, bien évidemment, d’accord !

Nous ne comprenons pas pourquoi la définition d’un projet politique et d’un projet de territoire ne peut pas être obligatoire dans un EPCI.

À l’inverse, si le président d’une intercommunalité, surtout si celle-ci comprend de nombreuses communes, ne proposait qu’un débat et passait outre l’avis des maires, la mise en œuvre de ce pacte serait privée de cette fameuse liberté que l’on veut leur donner, de ce droit à avoir tout simplement voix au chapitre.

Nous demandons que ce pacte soit effectivement garanti et qu’il concoure à la cohésion de l’EPCI. En ce qui concerne les délais pour le mettre en œuvre, que ce soit six, neuf ou douze mois… Pour nous, cela doit être fait à la fin de l’année qui suit le renouvellement général dans les communes, donc l’installation de l’EPCI.

Il faut mettre de l’huile dans les rouages, nous en sommes tous d’accord. Là où cela grince et là où il n’y a pas aujourd’hui de pacte de gouvernance, c’est la plupart du temps parce qu’il y a des difficultés : il est donc nécessaire de les résoudre.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Tout d’abord, je veux insister sur l’importance du pacte de gouvernance.

Dans les nouvelles instances intercommunales issues des élections municipales siégeront, à la fois, des élus anciens, qui connaîtront déjà bien le fonctionnement, et des élus nouveaux, qui auront tout à découvrir. Il est extrêmement important que l’on puisse débattre d’un certain nombre de sujets : le fonctionnement de la communauté – la commission l’a prévu –, la mutualisation de certains services, et évidemment des données financières. On sait en effet qu’il y a une interaction très forte entre les choix financiers réalisés par l’intercommunalité et les dotations ou les finances des communes.

Ensuite, s’il doit y avoir un pacte de gouvernance, je suis favorable à ce que l’on maintienne un délai de neuf mois, monsieur le ministre. Comme le disait Françoise Gatel, cela reste malgré tout un projet politique, qu’il faut construire avec de nouvelles instances et de nouveaux élus, en demandant l’avis des conseils municipaux… Il est préférable de laisser un délai de neuf mois pour se donner toutes les chances d’avoir un pacte bien construit, ce qui permettra de faciliter la gestion de la communauté et les projets pour les années à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Je m’interroge, parce que je n’ai pas obtenu aucune réponse du rapporteur et du ministre sur la partie rectifiée, qui en est pourtant l’élément essentiel, de mon amendement.

Monsieur le ministre, madame le rapporteur, vous m’avez répondu sur les questions de délai, mais pas sur un point extrêmement important, qui ne figure nulle part dans le texte : celui des relations entre EPCI.

Je proposais que le pacte de gouvernance prévoie clairement les conditions dans lesquelles l’intercommunalité entend coopérer avec les collectivités voisines.

Monsieur le ministre, il me semble qu’il s’agit d’une question importante de cohésion. Aucun périmètre administratif n’est parfait. Vous le savez, il arrive que la politique des transports qui est pensée pour le cœur d’une intercommunalité ne convienne pas pour une commune excentrée : il faut trouver une solution avec un voisin. Intégrer cette question dans le pacte de gouvernance ne me semble absolument pas pesant, et ce serait très rassurant pour les communes périphériques.

J’aimerais obtenir une réponse sur cette question d’avenir qui me semble très importante. Nos périmètres administratifs sont dépassés par les modes de vie de nos habitants : il est souvent nécessaire de trouver des solutions de partenariat avec les voisins. Cela permettrait de donner davantage de cohésion et de solidité au bloc communal.

Je vous remercie de votre éclairage sur ce point, qui, je le rappelle, est très important ; nous l’aborderons d’ailleurs certainement de nouveau dans le projet de loi dit « 3D » – décentralisation, différenciation, déconcentration.

En l’espèce, nous débattons du pacte de gouvernance, et cette question a pleinement sa place ici. J’espère vivement, monsieur le ministre, madame le rapporteur, avoir votre avis sur l’amendement n° 904 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je soutiens totalement les propositions de Mme le rapporteur concernant le pacte de gouvernance, parce que je suis commissaire aux lois et que ce travail a été fait par notre commission, mais surtout parce que je suis convaincu que nous sommes parvenus à un équilibre dans le texte sur la question du pacte de gouvernance.

Mes chers collègues, s’agissant du caractère facultatif ou obligatoire du pacte de gouvernance, je me vois mal commencer un travail qui va durer quinze jours sur un projet de loi intitulé « Engagement et proximité » par une obligation ! (M. le ministre approuve.)

Je vois M. le ministre opiner du chef, mais nous avons dit qu’il fallait essayer de remédier aux difficultés essentielles liées à la désaffection des maires – je ne reprendrai pas les propos qui ont été tenus lors de la discussion générale –, en donnant davantage de liberté.

C’est le moment de montrer et de confirmer cette volonté de donner plus de liberté aux acteurs des collectivités locales.

M. Jean-Pierre Grand. Vous ne diriez pas la même chose si vous étiez élu à Montpellier !

M. André Reichardt. À titre personnel, j’estime qu’il aurait pu être utile, comme l’ont proposé de nombreux collègues dans leurs amendements, que toutes les collectivités élaborent un pacte de gouvernance. Naturellement, pour y parvenir, instituer une obligation permettrait de répondre à cette demande.

En réalité, là encore, je suis persuadé qu’en laissant les acteurs libres – un pacte de gouvernance est de l’intérêt de tous les acteurs au sein de l’intercommunalité, du président de celle-ci bien sûr, mais aussi de tous ses membres –, on parviendra tôt ou tard à généraliser ce pacte à toutes les intercommunalités.

Même s’il est souhaitable que chaque intercommunalité ait son pacte de gouvernance, l’obligation est une mauvaise recette : laissons faire les choses, donnons de la liberté, et nous parviendrons à ce résultat, car c’est dans l’intérêt de tous.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Bockel. Une fois n’est pas coutume, je partage totalement les propos d’André Reichardt.

Je souhaite à mon tour insister sur l’équilibre auquel la commission est parvenue. Les obligations doivent rester l’exception, même s’il est vrai que rendre obligatoire la conférence des maires ou la discussion sur le pacte est une bonne chose.

Je veux simplement me référer aux travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, particulièrement au rapport d’Antoine Lefèvre et Patricia Schillinger sur les relations entre les communes et les communautés, auquel plusieurs de nos collègues ont fait référence.

Ils sont vraiment partis de l’idée des bonnes pratiques. Au fond, ce sont les bonnes pratiques d’hier, que nous avons tous connues – je les ai moi-même expérimentées dans ce domaine – et qui ont été rendues possibles par le champ de liberté découlant du fait que tout n’était pas codifié. C’est comme cela que l’on invente des bonnes pratiques.

J’avais à l’époque appelé « charte » l’équivalent du pacte, et cela nous a beaucoup aidés. Ce texte va devoir vivre et s’inscrire dans la durée : il faut maintenir des espaces de bonnes pratiques et d’expérimentations, celles-ci pouvant d’ailleurs, dans certains cas, être reprises et généralisées.

Il s’agit là en quelque sorte d’une question philosophique : si l’on commence par tout codifier d’emblée, nous obtiendrons des résultats qui seront peut-être à l’inverse de ce que nous voulons, alors que, avec cet espace de liberté, les choses se feront, et peut-être même mieux, en termes de contenu et d’acceptation de ces pactes.

Je plaide donc, à mon tour, pour la position sage et équilibrée de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.

M. Didier Rambaud. Pour assister très assidument, aux débats depuis le début de l’après-midi, j’ai l’impression que l’intercommunalité est quelque peu dans le collimateur, si j’ose dire, et cela me dérange. (M. le président de la commission des lois sexclame.)

J’ai présidé une intercommunalité pendant dix ans, alors peut-être vois-je les choses sous ce prisme… Ce qui fait la force d’une intercommunalité, c’est son projet de territoire. Pourquoi cela a-t-il raté jusqu’à présent dans beaucoup d’endroits en France ? On a commencé par dire qu’il fallait fusionner en fixant tel périmètre sans définir le projet de territoire. En revanche, si l’on fait ce travail, cela va tout seul !

Je partage tout à fait les propos de Didier Marie : il faut rendre cette étape obligatoire. Pour que l’intercommunalité fonctionne, elle ne peut être une auberge espagnole.

J’ai entendu dire pendant les débats que ce sont les communes qui font l’intercommunalité. Si l’on commence par dire cela, il est certain qu’on va à l’échec ! Ce sera une auberge espagnole, dans laquelle chaque commune voudra se servir… Ce n’est pas comme cela qu’il faut s’y prendre. Rendons obligatoire ce projet de territoire ! Sur un territoire donné, demandons-nous quelles politiques publiques on veut mener ; ensuite, la gouvernance, le périmètre, les compétences, cela ira tout seul !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Je voudrais insister sur le délai de neuf mois. S’il y a un point qui nous est commun à toutes et tous, c’est qu’un jour nous avons débuté ! À ce moment-là, peut-être l’avons-nous oublié, c’était difficile, parce qu’il fallait appréhender quantité de choses.

Le Gouvernement le reconnaît d’ailleurs, puisqu’il a introduit dans le projet de loi un important volet formation, parce qu’il faut maîtriser l’ensemble des éléments de la politique locale, et Dieu sait qu’ils sont nombreux…

Pour y parvenir, il faut un délai suffisant – d’autant que dans les neuf mois, il y a deux mois de vacances, puisque certains partent en juillet et d’autres en août. (Sourires.) Ce sont pratiquement deux mois qui sont neutralisés, et au fond nous ne sommes plus très loin des six mois. Finalement, le délai de neuf mois satisferait tout le monde ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Je ne comprends pas ce débat.

Tout d’abord, monsieur le ministre, vous avez évoqué le règlement intérieur et le délai de six mois. Mais on ne parle pas de la même chose ! Il s’agit d’une différence non pas seulement de degré, mais de nature entre un règlement intérieur, qui prévoit les modalités de fonctionnement, et un projet de territoire, qui indique ce qu’on va faire ensemble pendant un temps donné. Je ne vois pas où est le problème.

Ensuite, je voudrais citer un extrait du discours de Stockholm d’Albert Camus : « L’art vit de contraintes et meurt de liberté. » C’est exactement la même chose. La question que nous nous posons tous ici est la suivante : comment faire en sorte, surtout au début d’une mandature, qu’il y ait une osmose entre les représentants des conseils municipaux et les conseillers communautaires ? Comment faire fonctionner cet ensemble ? On y parviendra avant tout avec un projet de territoire.

C’est pour cette raison que ce projet ne doit pas être facultatif : j’y insiste, réfléchir ensemble à ce que sera notre projet politique doit être non pas une faculté, mais une obligation. Sinon l’intercommunalité n’a pas de sens ; elle se contente d’être uniquement un regroupement de communes, alors que, je vous le rappelle, elle est définie certes comme un groupement de communes, mais qui se réunissent autour d’un projet pour former un espace de solidarité. Le pacte de gouvernance est le moyen de cette solidarité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. Je voudrais revenir sur le caractère obligatoire ou non du pacte de gouvernance. J’ai rencontré un certain nombre de maires, et je peux vous dire que beaucoup d’entre eux se sentent exclus des EPCI. C’est une réalité ! Cette sensation d’exclusion est remontée dans les questionnaires que nous leur avons adressés.

Aujourd’hui, il faut faire confiance aux maires et plus largement aux élus. Rendre le pacte de gouvernance obligatoire, c’est redonner la parole aux élus et surtout les associer à l’EPCI.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Ce débat un peu long nous invite à reprendre les discussions que nous avons eues au moment de la rédaction des amendements au sein, je l’imagine, de tous les groupes sur la nécessité ou non de rendre le pacte de gouvernance obligatoire par principe.

Tout d’abord, dans la plupart des intercommunalités, quelle que soit leur taille, l’équivalent du pacte de gouvernance, appelé ainsi ou autrement, existe déjà, et se construit parce qu’il est indispensable à la bonne vie de l’intercommunalité.

Depuis le début, j’avoue ma réticence à l’idée de faire du pacte une obligation, y compris donc par rapport à l’amendement de mon groupe en ce sens, parce que nous devons nous prémunir contre un écueil : défendre, ici au Sénat, la libre administration des collectivités territoriales tout en leur disant, ainsi qu’à leurs groupements, ce qu’elles doivent faire, dès lors que ce qui se dit dans les débats politiques locaux ne nous plairait pas.

Ensuite, après avoir entendu un certain nombre d’orateurs défendre le caractère obligatoire du pacte, j’estime qu’il faut prendre garde à ne pas inverser la logique. Si l’on aboutit aujourd’hui à des intercommunalités « XXL », si un certain nombre de communes ne trouvent pas leur place dans les intercommunalités, je ne suis pas sûre que c’est en rendant obligatoire et en imposant un pacte de gouvernance qu’on réglera ces problèmes.

En effet, au vu des problèmes qui se posent et eu égard au nombre d’intercommunalités, il faut cesser de se raconter des histoires et revenir à la réalité : tous les élus ne pourront pas contribuer à l’élaboration du pacte de gouvernance, même si le délai est de neuf mois. Réduire ce dernier aboutirait d’ailleurs à un résultat encore plus catastrophique, sauf à admettre que les élus ne rédigeront pas leur propre pacte de gouvernance.

Monsieur Rambaud, vous avez dit que les communes ne faisaient pas l’intercommunalité. Eh bien si, justement ! Pour ma part, je suis attachée au fait que les communes contribuent ensemble à faire l’intercommunalité, et non l’inverse.

Personnellement, je ne voterai pas les amendements qui tendent à rendre obligatoire le pacte de gouvernance.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Messieurs Reichardt et Bockel, je vous remercie d’avoir rappelé la philosophie sous-tendant notre projet. Dans un tel cadre, commencer par imposer une obligation ne m’apparaît pas très opportun pour la suite de nos discussions et pour l’image que nous renverrions à l’extérieur. C’est néanmoins un débat important, qui, on le voit bien, n’est pas complètement tranché.

Je vous remercie aussi, madame la sénatrice Cécile Cukierman : vous avez tenu à peu près les mêmes propos, avec vos propres mots, et vous êtes, vous aussi, inscrite dans la philosophie globale de la démarche.

Par ailleurs, il ne faut pas, à mon sens, mélanger projet de territoire et gouvernance de ce projet. Si je veux entrer sur le terrain de la provocation, je dirai qu’il ne serait pas envisageable d’inscrire dans la loi l’obligation, pour un député ou un sénateur, d’avoir un programme électoral.

M. Loïc Hervé. Cela pourrait être utile !

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est la démocratie, monsieur Hervé ! Par définition, ce sont nos concitoyens qui jugent ; c’est le principe.

Que l’on cherche à encadrer strictement les modalités de gouvernance est une chose – une fois de plus, je suis prudent sur ce sujet, étant partisan d’une grande liberté –, mais le projet de territoire découle directement des campagnes électorales, puisque ce sont les conseillers municipaux, élus lors des élections municipales, qui sont appelés à devenir conseillers communautaires. J’ai peu de doute sur ce point, mais nous pourrons en débattre.

En tout cas, je ne crois pas à une injonction à avoir un projet, tel François Guizot clamant « Enrichissez-vous ! » Si le concept est de faire confiance aux élus, il n’est tout de même pas simple de défendre une telle position.

Enfin, que l’on ne s’y méprenne pas, je ne suis pas opposé au délai de neuf mois. Mais, une fois de plus, monsieur Kerrouche, l’approche doit être non pas universitaire ou conceptuelle, mais bel et bien pragmatique.

Je proposerai donc, si nous en restons à neuf mois – je ne sais pas si le sénateur Arnaud de Belenet en sera d’accord, mais ce me semble être une bonne chose –, de prévoir, au cours de la navette, l’inscription dans le texte d’un délai obligatoire pour l’adoption du règlement intérieur d’un EPCI également fixé à neuf mois. On ne m’ôtera pas cette idée qu’une homogénéisation des délais constitue, en soi, une mesure de simplification.

M. Sébastien Lecornu, ministre. N’aurions-nous pas l’air malins s’il nous fallait expliquer à certains élus qu’ils ont dépassé les délais, pour s’être mélangé les pinceaux entre les échéances à six mois et à neuf mois ?

Je le répète, un délai de neuf mois me paraît correct. Si c’est celui qui est retenu, nous profiterons de la navette pour procéder à cette homogénéisation.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. La proposition que nous formulons est équilibrée. Je ne crois pas que l’on puisse décréter qu’un espace intercommunal devra avoir « envie d’avoir envie », pour paraphraser quelqu’un de célèbre…

Le pacte de gouvernance repose avant tout sur l’envie. En le rendant obligatoire, on prendrait le risque d’en faire un document complètement vide de sens. C’est pourquoi nous maintenons l’avis exprimé.

Cher Olivier Jacquin, pardon de ne pas avoir apporté de réponse concernant votre amendement.

Il est bien évident que toutes les intercommunalités peuvent être amenées à travailler sur des espaces élargis, dans le cadre de schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, d’espaces touristiques, etc. Une intercommunalité peut tout à fait décider de l’inscrire dans son pacte de gouvernance, mais il ne nous semble pas forcément pertinent de rendre cette démarche obligatoire par la loi, sachant que les adhésions à des espaces plus vastes relèvent de délibérations prises par le conseil communautaire, et parfois même soumises à l’avis des conseils municipaux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 383 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 590 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 748.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 674 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Jean-Pierre Grand. Je retire l’amendement n° 20, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 20 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 124 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 633 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Arnaud de Belenet. Je retire l’amendement n° 462, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 462 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 904 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 636 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.)

PRÉSIDENCE DE M. Thani Mohamed Soilihi

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Discussion générale

6

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien.

Mme Michèle Vullien. Monsieur le président, je souhaite procéder à une rectification de vote.

À l’occasion du scrutin public n° 1 ayant porté, lors de la séance du 1er octobre 2019, sur l’article unique de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des évènements et à l’exercice d’activités autorisés par la loi, j’ai été inscrite comme ayant voté pour, alors que je souhaitais m’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

7

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Article 1er (début)

Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen des amendements à l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

M. le président. L’amendement n° 384 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 16 à 21

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 5211-11-1. – La création d’une conférence des maires est obligatoire dans tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

« La conférence des maires est une instance de concertation entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes membres, au sein de laquelle il est débattu de tous sujets d’intérêt intercommunal ou relatifs à l’harmonisation de l’action entre les communes et l’intercommunalité.

« Cette instance est présidée de droit par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et comprend les maires des communes membres. Le pacte de gouvernance peut prévoir la présence des maires délégués au sein de la conférence des maires.

« Elle se réunit au moins deux fois par an, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, à la demande de l’organe délibérant de l’établissement ou du tiers des maires des communes membres, sur un ordre du jour déterminé.

« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les bureaux sont déjà composés de l’intégralité des maires sont dispensés de cette mesure. »

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Je souhaite tout d’abord féliciter le président Philippe Bas de la tenue des débats de la commission des lois et pour ses conclusions.

Le présent amendement nous semble important. Il vise l’instauration d’une conférence des maires au sein des intercommunalités.

Monsieur le président, puis-je présenter en même temps l’amendement n° 431 rectifié, qui est un amendement de repli ?

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 431 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :

A. Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

B. Alinéas 16 à 21

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 5211-11-1. - La création d’une conférence des maires est obligatoire dans tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plus de vingt communes, à l’exception des métropoles mentionnées aux chapitres VII, VIII et IX du présent titre.

« La conférence des maires est une instance de concertation entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes membres, au sein de laquelle il est débattu de tous sujets d’intérêt intercommunal ou relatifs à l’harmonisation de l’action entre les communes et l’intercommunalité.

« Cette instance est présidée de droit par le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et comprend les maires des communes membres. Le pacte de gouvernance peut prévoir la présence des maires délégués au sein de la conférence des maires.

« Elle se réunit au moins deux fois par an, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, à la demande de l’organe délibérant de l’établissement ou du tiers des maires des communes membres, sur un ordre du jour déterminé.

« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les bureaux sont déjà composés de l’intégralité des maires sont dispensés de cette mesure. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Éric Kerrouche. Selon l’enquête réalisée en octobre 2018 par l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF, quelque 84 % des EPCI étaient déjà dotés d’une conférence des maires.

Par ailleurs, dans l’enquête que nous avons menée auprès d’un échantillon représentatif de maires français, 90 % des élus sondés estimaient que cette instance devait être obligatoire.

Dans la perspective d’une meilleure association des maires à l’intercommunalité, il nous semble effectivement que cette instance, faisant office de « sas », est nécessaire et utile.

Si toutefois cette position n’était pas partagée, l’amendement de repli n° 431 rectifié tend à rendre obligatoire cette conférence des maires dans les EPCI regroupant plus de 20 communes.

Cette mesure est reprise d’une intéressante proposition de loi présentée par MM. Philippe Bas, Mathieu Darnaud et Bruno Retailleau. J’espère donc que cette mesure, au moins, recueillera l’aval de M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Les amendements nos 384 rectifié et 431 rectifié visent à rendre obligatoire la création d’une conférence des maires dans les EPCI, sauf si le bureau comprend déjà tous les maires.

L’amendement n° 384 rectifié viserait l’ensemble des EPCI ; l’amendement n° 431 rectifié, présenté comme un amendement de repli, uniquement les EPCI de plus de 20 communes.

Il nous semble que cette instance est suffisamment souple pour pouvoir rendre sa création obligatoire dans l’ensemble des EPCI à fiscalité propre.

Chacun peut s’étonner que la commission soutienne une proposition visant à rendre obligatoire la création d’une institution, mais cela me semble aller dans le sens que nous défendons depuis le début, à savoir redonner aux maires une vraie capacité à agir sur les décisions.

Toutefois, parmi tous les amendements reprenant cette proposition, la rédaction de l’amendement n° 172 rectifié ter nous est apparue comme étant la plus satisfaisante.

Aussi, monsieur Kerrouche, considérez votre demande comme satisfaite, même si je vous propose de retirer ces deux amendements au profit de l’amendement n° 172 rectifié ter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je partage l’avis de la commission et demande le retrait de tous ces amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Une conférence des maires, c’est très bien ! Mais imaginez, mes chers collègues, que les intercommunalités qui ne désirent pas en avoir – elles représentent 10 % à 15 % des EPCI – ont de bonnes raisons pour cela ! Mon intercommunalité, par exemple, compte 60 conseillers communautaires et 54 maires… Dans un tel cas, si le conseil communautaire recoupe en fait la conférence des maires, quelle est l’utilité de cette dernière ?

À mes yeux, il ne faut donc absolument pas rendre ce dispositif obligatoire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, je soutiens fermement l’amendement présenté par M. Éric Kerrouche. J’ai présidé pendant longtemps une intercommunalité et, durant toutes ces années, je me suis rendu compte que, pour des projets importants, ou moins importants d’ailleurs, le fait de réunir les maires permet de voir rapidement si la décision passe ou ne passe pas. La conférence des maires est, à cet égard, très précieuse.

M. André Reichardt. Ce n’est pas certain !

M. Jean-Pierre Sueur. Si la décision ne passe pas, on en tire la leçon et on attend avant de présenter le projet devant l’assemblée communautaire.

Comme nous l’avons toujours dit, l’intercommunalité n’est pas la négation des communes !

M. Jean-Pierre Sueur. On a tort chaque fois que l’on veut faire de la supracommunalité en niant la réalité des communes, d’où l’importance d’organiser de temps en temps une conférence des maires.

C’est au sein de cet organe que l’on testera les projets. Ces tests seront sans enjeu, la conférence des maires n’ayant pas de pouvoir délibératif, mais ils seront précieux, car ils permettront qu’aucune commune ne se sente exclue de la décision.

Ce serait d’autant plus nécessaire si le modèle lyonnais se développait. En effet, on se retrouverait alors avec des intercommunalités au sein desquelles toutes les communes ne seraient pas forcément représentées.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. J’ai du mal à saisir, madame le rapporteur, en quoi la rédaction de l’amendement n° 172 rectifié ter est meilleure que celle que nous proposons.

Nous apportons en effet une précision importante, en prévoyant que l’instance soit effective et se réunisse au moins deux fois par an, sur l’initiative du président de l’EPCI. Cela évitera d’avoir des coquilles vides et garantira le bon fonctionnement de ces institutions.

Nous maintenons donc nos deux amendements, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je suis assez surprise par l’argument que vous avez avancé, monsieur Sueur. J’étais prête à voter cet amendement, mais je m’interroge, du coup, sur le bien-fondé de ma position…

En effet, si cet amendement a pour objet d’instaurer des garde-fous au cas où, demain, on chercherait à dupliquer le dispositif adopté pour la métropole de Lyon sur les autres territoires, le mieux est de commencer par se dire que l’on ne reproduira pas l’erreur commise pour cette métropole, une erreur décidée ici, alors que MM. Gérard Collomb et Michel Mercier siégeaient dans cette assemblée. On nous expliquait alors que tout irait bien et que l’on ne rencontrerait aucun problème de démocratie locale… Et aujourd’hui, on essaie tous de faire du rafistolage, conscients du fait que, demain, certains maires ne pourront pas siéger au sein de la métropole de Lyon !

Par conséquent, je ne comprends plus trop le sens de l’amendement n° 384 rectifié, si ce n’est que l’on se heurte, une fois de plus, à l’écueil repéré depuis le départ : doit-on rendre obligatoire, ou pas, la conférence des maires ?

Notre groupe a présenté un amendement visant à abaisser la proportion de maires qui doivent demander l’organisation d’une conférence des maires pour rendre celle-ci obligatoire, si elle n’a pas été prévue au sein de l’EPCI, de 30 % à 20 % des maires de l’intercommunalité.

Tout cela, en définitive, peut nous conduire à nous interroger sur le nombre d’intercommunalités qui, aujourd’hui, sauf cas particulier comme celui qui vient d’être évoqué, ne disposent pas d’une conférence des maires.

Combien de territoires sont concernés ? Il faut tout de même rappeler que les présidents d’intercommunalités sont élus par les maires et les représentants des communes ; qu’il y a dans les EPCI, malgré tout ce que l’on peut en dire, une vie démocratique ; que l’on procède à des élections, au cours desquelles on élit un président, qui annonce ses intentions, ou pas, et que l’on peut d’ailleurs choisir de remplacer à l’élection suivante.

J’ai également du mal à saisir, madame le rapporteur, la nuance – très certainement subtile – entre l’amendement n° 384 rectifié et l’amendement n° 172 rectifié ter, que vous nous invitez à voter.

En tout cas, il me semble préférable d’oublier le dernier argument de M. Sueur : on ne peut pas l’employer pour soutenir ces amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. Chacun a ses arguments !

Mme Cécile Cukierman. Nous n’étions déjà pas d’accord à l’époque, lors de l’adoption de la loi Maptam !

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Dans la lignée des propos que j’ai précédemment tenus sur le pacte de gouvernance, il ne me semble pas souhaitable de rendre cette conférence des maires obligatoire.

J’avancerai deux raisons, la première de forme et la seconde de fond.

Sur la forme, nous venons de rendre le pacte de gouvernance facultatif. Or c’est dans le cadre du pacte de gouvernance que, dans les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, on décide de la création de la conférence des maires.

Dès lors que le pacte de gouvernance est facultatif, j’ai quelques difficultés à voir comment cette conférence des maires pourrait être obligatoire, à l’exception, naturellement, du dispositif dérogatoire instauré, en commission des lois, pour les métropoles.

Sur le fond, ma position reste la même que pour le pacte de gouvernance.

Nul ne doute qu’une conférence des maires est utile ; de la même façon, nul ne doute qu’un pacte de gouvernance est utile. Mais laissons les acteurs locaux se rendre compte d’eux-mêmes de l’opportunité, de l’utilité de l’un comme de l’autre !

Par le passé, il m’est arrivé, en qualité de maire, de ne pas siéger au sein d’une communauté urbaine à laquelle ma commune appartenait, ayant laissé l’un de mes adjoints prendre cette place. C’était une erreur, car je pense que le maire doit siéger. Mais, de ce fait, j’appréciais de pouvoir participer à la conférence des maires dont l’instauration, qui était facultative, avait été décidée au niveau local.

Je puis donc témoigner de l’intérêt de cette instance. Pour autant, il ne faut pas la rendre obligatoire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Ce soir, demain, après-demain et au-delà, monsieur le président, vont s’affronter des positions divergentes.

Si je respecte totalement les propos que notre collègue André Reichardt vient de tenir, je crois – c’est l’une de mes faiblesses – que la loi est faite pour être respectée. Or on sait qu’elle ne l’est pas dans certaines intercommunalités. C’est le cas, par exemple, dans la métropole de Montpellier, où elle l’est de moins en moins.

La conférence des maires est tout aussi essentielle qu’un pacte de gouvernance, à condition, naturellement, que ces dispositifs soient bordés.

Il faut savoir, de temps en temps, modifier les lois que l’on vote. Les métropoles datent de 2015… Il ne serait pas totalement inutile de faire un point sur leur évolution, de repérer ce qui fonctionne bien – cela concerne, je l’espère, le plus grand nombre de ces intercommunalités – et ce qui fonctionne mal, puis d’essayer d’apporter les rectifications nécessaires.

Or, mes chers collègues, quand c’est la démocratie locale qui dysfonctionne, il revient au Sénat de s’en préoccuper !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. C’est ce qu’il fait !

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Ce texte, tel qu’il nous a été présenté par le Gouvernement et par les rapporteurs, a pour objectif de replacer le maire et la commune au cœur de l’intercommunalité. Il faut passer des paroles aux actes !

Si bon nombre d’EPCI ont déjà mis en place ces conférences des maires, une petite proportion d’entre elles ne l’a pas fait. Des exceptions peuvent exister, comme celle que M. Charles Guené a évoquée, mais, la plupart du temps, l’absence de conférence des maires s’explique par un mauvais fonctionnement de l’intercommunalité.

La loi doit donc faire en sorte d’améliorer ce fonctionnement ; d’où notre volonté de rendre ces conférences des maires obligatoires.

Aussi, là où les maires pourraient être exclus de la gouvernance, là où ils seraient empêchés de donner leur avis sur le projet de territoire, là où ils ne seraient pas associés à la vie de l’intercommunalité, on leur permettrait de le faire.

Nous souhaitons que les maires, quand ils ne siègent pas au bureau, puissent disposer d’une instance pour faire part de leurs avis et de leurs appréciations sur le fonctionnement de l’intercommunalité, en laissant, bien évidemment, toute l’intelligence territoriale fonctionner pour déterminer la nature des discussions qui doivent se tenir au sein de la conférence des maires et la portée des avis que cette dernière serait susceptible d’émettre.

Ces points précis pourraient faire l’objet de discussion entre les maires. Encore faut-il que ces derniers puissent se réunir !

M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour explication de vote.

M. Michel Forissier. En tant qu’élu de la métropole lyonnaise, mes chers collègues, j’ai participé à un certain nombre de conférences des maires. Je puis vous dire que l’on éprouve toujours une certaine frustration ensuite, car ce n’est pas une assemblée délibérante. Il faut donc la replacer à son niveau.

Rendre cette instance obligatoire dans toutes les intercommunalités, c’est tout de même provoquer de nombreuses réunions supplémentaires – l’on se réunit déjà souvent dans les collectivités importantes –, alors que, en réalité, la gouvernance se situe forcément au niveau de l’assemblée délibérante votant le budget. La conférence des maires m’apparaît, à ce titre, comme un alibi de démocratie « Canada Dry ».

Il faut donc laisser l’initiative de sa création à ceux qui souhaiteraient la mettre en place. S’ils ont l’intention de la faire fonctionner, elle fonctionnera, mais elle n’aura pas d’autre portée que la sienne : ce n’est pas un lieu de gouvernance !

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. À mes yeux, la conférence des maires n’est pas seulement souhaitable ; elle est obligatoire.

Que constate-t-on sur le terrain ? L’élargissement des périmètres des intercommunalités, issu de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, a eu tout de même des conséquences significatives sur leur fonctionnement.

Avant cet élargissement, sur de nombreux territoires, les maires étaient associés au bureau, donc parties prenantes des décisions de la communauté.

Aujourd’hui, après cet élargissement, les maires de nombreuses communes – notamment de petites communes rurales –, ne siégeant plus au bureau des intercommunalités, sont totalement déconnectés de la vie communautaire. Cela suscite chez eux un sentiment d’exclusion, car, lorsqu’ils se rendent au conseil communautaire, les dossiers ont été préparés et ces instances, d’une certaine manière, font office de chambres d’enregistrement. Il ne peut pas en être autrement !

C’est pourquoi il me semble nécessaire que cette conférence des maires se réunisse… C’est souvent le cas, mais pas toujours. Or cette absence est dommageable pour le bon fonctionnement de l’intercommunalité.

Je soutiendrai donc l’amendement n° 172 rectifié ter de mon collègue Jean-Marie Mizzon.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. Pour moi, mes chers collègues, c’est une fausse bonne idée !

Ce qui devrait être obligatoire, et le témoignage d’André Reichardt est tout à fait éclairant à ce sujet, c’est la présence du maire au sein de l’intercommunalité pour représenter sa commune. Voilà, s’il fallait créer une obligation, celle qui devrait s’imposer ! (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

M. Éric Kerrouche. Et si le maire ne veut pas ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Une communauté de communes – c’est bien souvent le problème – ne peut pas fonctionner si le maire, n’y siégeant pas, est en désaccord avec les décisions prises. J’en ai moi-même l’expérience…

Au lieu d’imposer, à nouveau, une obligation aux collectivités, laissons-les s’organiser ! Un président d’intercommunalité qui ne suivrait pas l’avis des maires irait droit dans le mur.

En tout cas, j’y insiste, s’il faut créer une obligation, c’est celle qui imposerait aux maires de siéger dans l’intercommunalité. (M. René-Paul Savary applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Dans une communauté de communes, on trouve des communes de taille importante, avec des maires très visibles et présents, qui savent souvent bien s’exprimer, et de nombreuses communes de taille plus modeste, dont les maires peuvent se retrouver quelque peu noyés dans la masse. Bien souvent, ces maires des plus petites communes n’osent même plus s’exprimer au sein des conseils communautaires.

Ils sont demandeurs – dans mon département, en tout cas – d’une obligation d’instaurer une conférence des maires. Parce que tous les présidents d’intercommunalités ne jouent pas le jeu ou ne transmettent pas les informations, ils ont l’impression d’être mis au pied du mur lorsque survient la réunion du conseil communautaire.

J’ai conscience de la lourdeur suscitée par une nouvelle obligation. Ce n’est pas forcément ce que nous pourrions souhaiter. Mais, dès lors que les choses ne fonctionnent pas correctement, je suis personnellement favorable à rendre la création de cette instance obligatoire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je redoute beaucoup que l’on ne crée, au travers de la loi, des structures sans compétence. En ce sens, je suis assez d’accord avec l’argumentation avancée par M. Michel Forissier.

Ainsi, on instaure une conférence des maires. On se réunit… C’est la grande mode ! Dès lors que l’on cause, c’est participatif. Mais pour quelles décisions ? Pour quelles informations ? Pour quelles certitudes quant à la suite ?

Doit-on considérer qu’on n’est pas capable, dans ce pays, de se parler et de se réunir régulièrement ? Dans l’intercommunalité que j’ai présidée, nous nous réunissions avec les maires, et ce même si nous étions loin d’être tous d’accord !

Là, on crée une structure sans compétence. Ce pourrait très bien être une coquille vide !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Cela ne fait rien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais nous sommes tout de même en train d’élaborer une loi, ma chère collègue !

Mme Cécile Cukierman. Non à la réunionite !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et, pendant ce temps-là, on ne s’interroge pas sur les dysfonctionnements du système actuel des intercommunalités, que l’on a voulues gigantesques, où certains élus se sentent noyés, dans lesquelles les communes ne sont pas représentées…

Pour faire semblant de résoudre ce problème – dans certains territoires, on peut le dire, cela ne marche vraiment pas du feu de Dieu –, on va instaurer une conférence des maires.

À mes yeux, la dilution des responsabilités dans notre République contribue à affaiblir la démocratie. Je suis donc plutôt favorable à l’existence des conférences des maires, mais je ne vois aucun intérêt à inscrire une telle obligation dans la loi.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Les positions, je le constate, sont assez partagées. Rien d’étonnant à cela ! Considérons en effet certains éléments de circonstances, notamment le fait que l’on est passé de 4 000 à 1 300 EPCI, ce qui, forcément, a créé un effet de masse.

Nous avons tous connaissance de la situation de ces grandes intercommunalités. Max Brisson a cité cette communauté du Pays basque, qui compte plus de 200 élus et doit se réunir dans un amphithéâtre. Imaginez, dans ces conditions, comment les petits maires du Pays basque, ou d’autres régions encore, peuvent valablement s’exprimer !

Il ne s’agit pas de délibérer pour délibérer et de verser dans l’inflation verbale. Il s’agit d’une position de principe : même restreinte à deux réunions par an, la discussion impose d’échanger les opinions ; et, en général, si les uns et les autres sont animés de bonnes intentions, elle permet de rapprocher les points de vue.

Bref, je suis partagé, mais je suis tout de même plutôt favorable.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Voilà ! Partagé, mais favorable !

M. François Bonhomme. Il faut garantir un minimum de discussion à ce titre, dès lors que la gouvernance des intercommunalités est perçue de manière assez personnelle.

Je le répète, c’est la fusion des intercommunalités, et l’effet de masse entraîné par elle, qui appellent cette correction. Aujourd’hui, nous sommes face à de vastes territoires intercommunaux. Même s’ils ne sont pas tous de taille « XXL », dès lors que le bureau de l’intercommunalité atteint quarante-cinq ou cinquante personnes, la discussion est forcément plus compliquée.

Aussi, je penche plutôt pour deux réunions par an minimum.

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour explication de vote.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Mes chers collègues, ce débat est passionnant et passionné : chacun livre l’expérience qu’il a vécue ou qu’il vit encore.

À Agen, la conférence des maires existe : c’est le bureau des maires. Ces derniers, au nombre de trente-deux, se réunissent tous les jeudis soir. Avec ses 40 000 habitants, Agen est la commune la plus peuplée de la communauté d’agglomération ; certaines communes, elles, flirtent tout juste avec les 1 000 habitants.

Aussi, le jeudi soir, les trente-deux maires se réunissent, et nous sommes allés jusqu’à donner une voix à chacun d’eux. Bien sûr, l’instance de décision, c’est le conseil communautaire. Mais si, après que chaque maire s’est exprimé, l’on s’est mis d’accord en amont, le conseil communautaire ne se déroule que mieux : les petits maires ont de véritables raisons de s’y rendre et d’y faire valoir leur point de vue !

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Mes chers collègues, j’ai présidé pendant seize ans la communauté de communes de Mad & Moselle, où l’on a créé l’une des premières conférences des maires de France. À l’époque, l’on avait constaté que certains maires ne siégeant pas au conseil communautaire apprenaient par voie d’arrêté préfectoral le transfert de telle ou telle compétence !

Voilà pourquoi il fallait inventer une instance permettant de traiter des questions de subsidiarité. C’est à cette fin que nous avons instauré une conférence des maires, et en aucun cas pour concurrencer le conseil communautaire. Pour ce qui concerne les compétences intercommunales, cette instance est souveraine. Mais la conférence des maires, réunie en amont pour traiter des prises de compétences, présente un véritable intérêt.

Certains, dans cet hémicycle, constatent des dysfonctionnements dans leur intercommunalité et veulent, en somme, doublonner le conseil communautaire. C’est visiblement le cas à Agen, avec le bureau des maires : cette instance me semble intéressante, mais elle risque fort de vider de sa substance le conseil communautaire.

M. Olivier Jacquin. Quoi qu’il en soit, notre conférence des maires fonctionne bien. Les transferts de compétences ne sont décidés qu’après l’avis unanime de la conférence des maires. Cette dernière mène également des travaux de prospective et gère l’amicale des maires.

D’ailleurs, le président de cette amicale copréside la conférence des maires : membre du bureau exécutif, il prend part au vote. Vous voyez, il s’agit là d’un exemple original. Il est peut-être peu reproductible, mais il est tout à fait représentatif de l’esprit de subsidiarité.

Ainsi mise en œuvre, la conférence des maires joue un rôle positif ; si, dans une intercommunalité regroupant peu de communes, l’ensemble des maires siège au bureau, elle n’est pas nécessaire, bien sûr. À ce titre, nous avons d’ailleurs déposé un autre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. L’intercommunalité, c’est une communauté de vues et de destins au sein d’un territoire. Ce sont des personnes qui travaillent ensemble ; mais parfois, dans un conseil communautaire, soixante ou quatre-vingts membres cohabitent, et l’on parvient difficilement à dégager une ligne directrice, à créer de la convivialité.

À cet égard, la question est aussi celle des ressources humaines. Il y va de l’efficacité du travail collectif, qui suppose des liens directs entre des individus qui doivent défendre un même projet pour le territoire.

Dans une grande intercommunalité, les petites communes peuvent réellement se sentir écrasées. Dans le département dont je suis l’élu, une collègue maire m’a dit clairement : « J’ai 99 habitants. Quand je vais au conseil communautaire, je n’ose même pas prendre la parole ! »

Or, dans une conférence des maires, on est entre pairs. (Sourires.) Les échanges sont plus directs, plus naturels. Il s’agit là d’un outil de bon sens !

Il ne faut pas le sacraliser, il ne faut pas surestimer son importance, en exagérant le caractère formel du conseil communautaire. C’est, tout simplement, un endroit où l’on travaille ensemble : on se réunit autour de la table et l’on discute. Si tous les maires ne sont pas appelés à travailler ensemble d’une autre manière, la conférence leur donne l’occasion de dialoguer.

Mes chers collègues, cet enjeu est au centre des revendications exprimées depuis le début de notre débat. La commune doit être au cœur de l’intercommunalité ; et qui peut mieux la représenter que son maire ?

Ne nous posons pas trop de questions : créons cet outil, rendons-le obligatoire, afin que les intercommunalités fonctionnent de manière homogène, simple et spontanée, grâce à des élus prenant le temps de s’écouter et de se comprendre.

M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.

M. Pierre Louault. Mes chers collègues, que chacun se rassure, la conférence des maires n’est pas une création tout à fait nouvelle ! Elle existe depuis un certain temps dans plusieurs communautés de communes. Dans mon territoire, nous disposons d’une conférence des maires depuis que la communauté de communes existe, et elle joue son propre rôle face au conseil communautaire, instance décisionnaire qui met en œuvre les actions et engage le budget.

N’oublions pas qu’une communauté de communes reçoit des délégations des communes ! Or – c’est l’une des difficultés –, pour fonctionner, elle doit conserver des liens étroits avec les communes. C’est bien le rôle des maires que de tisser ces liens. Ils fixent les grandes orientations d’évolution pour l’intercommunalité. En même temps, ils sont à l’écoute des besoins du territoire, plus restreint, de leur commune. Il n’y a donc aucune antinomie entre la conférence des maires et le conseil communautaire.

Pour ma part, j’ai connu, dans mon département, deux communautés de communes, une petite et une grande – j’ai contribué à former la seconde, qui dénombre aujourd’hui soixante-huit communes.

Je puis vous l’assurer : dans une petite intercommunalité, le bureau peut être élargi à tous les maires ; dans une grande, sans conférence des maires, les maires des petites communes ne prennent pas la parole au sein du conseil communautaire, et ils se sentent exclus du fonctionnement de la communauté de communes.

Mme Cécile Cukierman. Mais, à cinquante, on ne prend pas la parole comme à quinze, tout simplement !

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je comprends les arguments de certains quant au caractère obligatoire de ces dispositions. Mais, d’autres l’ont dit avant moi, cette méthode ne fonctionne pas partout.

Dans une communauté de communes, c’est l’instance de gouvernance qui tient les rênes. Quand on n’en fait pas partie, on peine un peu à s’exprimer… Nous le savons tous : au sein du conseil communautaire, les communes reçoivent un nombre de sièges proportionnel à leur population. En général, l’exécutif revient donc plutôt aux grandes communes qu’aux petites.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Tout à fait !

M. Henri Cabanel. Avec ce texte, le Gouvernement entend redonner toute sa place au maire. À cet égard, il ne faut pas faire de différence entre le maire d’une grande ville et le maire d’une petite commune.

Toutefois, le seul endroit où tous les maires seront à égalité, c’est la conférence des maires : les uns et les autres auront tout loisir de s’exprimer, ce qui ne sera pas le cas au conseil communautaire. (M. Jérôme Durain opine.)

Dans le territoire dont je suis l’élu, les maires qui n’appartiennent pas aux instances de gouvernance intercommunales ne viennent même plus au conseil communautaire ! Ils disent que cela ne sert à rien,…

M. Jérôme Durain. C’est sûr !

M. Henri Cabanel. … qu’ils ne veulent plus siéger dans une chambre d’enregistrement où ils ne peuvent absolument pas s’exprimer ; où il faut, au cours d’une même soirée, enchaîner les dossiers par dizaines, à la hussarde.

Pour qu’une véritable cohérence d’action soit garantie au sein des territoires, pour que chacun puisse s’exprimer convenablement, la conférence des maires est indispensable !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Mes chers collègues, je le sais, certains d’entre vous ont une vision très intégratrice de l’intercommunalité : selon eux, un seul projet de territoire pourrait résoudre la plupart des problématiques et des maux propres aux EPCI…

Pour ma part, j’estime, comme beaucoup d’autres, que la commune reste inexorablement la porte d’entrée de l’intercommunalité.

En ce sens, le présent texte arrive à point nommé : en débattant de ce premier sujet qu’est la conférence des maires, l’on constate que l’intercommunalité n’est pas arrivée à maturité. Elle pose des problèmes de périmètre et de gouvernance, car ses instances peuvent se révéler pléthoriques.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Il est grand temps de mettre de l’huile dans les rouages et, surtout, de s’interroger sur la pertinence de son mode de fonctionnement, tout en étudiant les moyens de corriger tel ou tel périmètre. Nous allons examiner certaines dispositions à ce titre. Dans le même temps, il faut bien sûr conforter ce qui fonctionne bien : c’est tout le sens de certains amendements présentés aujourd’hui.

Beaucoup d’entre nous ont été, sinon maires, du moins membres d’exécutifs d’intercommunaux, et nous le voyons clairement : il est nécessaire de prévoir une instance où les maires peuvent s’exprimer.

La conférence me paraît être le lieu pertinent. N’oublions pas que, par la voix des maires, ce sont des particularités communales qui doivent s’exprimer dans le concert des EPCI, qu’il s’agisse de communautés de communes où d’ensembles beaucoup plus intégrés, communautés d’agglomération, communautés urbaines ou métropoles. Il est essentiel de s’en souvenir aujourd’hui.

Enfin, je le répète, cessons d’opposer les tenants de l’intercommunalité aux défenseurs de la commune ! Pour créer une complémentarité et, ce faisant, arriver progressivement à maturité, il faut que les maires reçoivent des outils, afin d’exprimer les préoccupations de leur commune à l’échelon intercommunal. Sinon, nous laisserons se creuser un fossé qui, dans cinq ou dix ans, ne pourra plus être comblé.

Le moment est venu de se pencher sur cette question : c’est ce que nous faisons à travers diverses dispositions de ce texte, et notre effort est tout à fait vertueux !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Mme Angèle Préville. Je suis tout à fait favorable à cet amendement.

Nous le savons tous : les nouvelles communautés de communes, qui existent depuis très peu de temps, éprouvent des problèmes de gouvernance et souffrent même de dysfonctionnements. À mes yeux, cette instance tout à fait singulière qu’est la conférence des maires est à la fois très intéressante et très politique : elle permet aux élus de se retrouver entre eux, et elle complète parfaitement le conseil communautaire.

Dans le département dont je suis l’élue, les communautés de communes restent à taille humaine : elles ne sont pas « XXL » ! Mais les maires me certifient qu’ils se réunissent systématiquement entre eux avant chaque conseil communautaire…

Mes chers collègues, les maires doivent retrouver la place qui leur revient. Ils doivent pouvoir se réunir pour dialoguer entre pairs. Le meilleur moyen de rendre justice à leur responsabilité propre, c’est de faire en sorte que la conférence des maires devienne obligatoire !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Kerrouche, vous vous demandez pourquoi la commission préfère retenir l’amendement n° 172 rectifié ter, présenté par M. Mizzon.

Nos débats le montrent bien : la liberté est bien difficile à définir, car, suivant son expérience, chacun apporte son propre témoignage, qui est juste est vrai, et chacun défend ses propres convictions. À cet égard, nous avons opté pour une solution de convergence : nous proposons une conférence des maires à caractère obligatoire. Toutefois, nous confions au pacte de gouvernance le soin de définir son mode d’organisation et de réunion.

La conférence des maires peut être une réunion annuelle, si les maires le décident. Elle peut aussi adopter un rythme de réunions plus soutenu. Nous répondons à une préoccupation que M. le ministre a clairement évoquée : il faut tenir compte des maires qui se sentent éloignés du centre de décision.

Ainsi, l’amendement n° 172 rectifié ter vise à laisser au pacte de gouvernance la capacité de définir les modalités d’organisation de la conférence des maires.

M. Éric Kerrouche. Mais vous la rendez facultative !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 384 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Mes chers collègues, je vous invite à vérifier que votre carte de vote est bien insérée dans votre terminal.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater les résultats du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 2 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l’adoption 93
Contre 221

Le Sénat n’a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote sur l’amendement n° 431 rectifié.

M. Éric Kerrouche. Je suis vraiment très chagriné que Mathieu Darnaud rapporteur ne soit pas en phase avec Mathieu Darnaud proposeur. Je ne puis que le regretter !

Pourtant, ces dispositions constituaient, à mon sens, un bon amendement de repli. Nous pourrons toujours les défendre de nouveau en examinant la prochaine proposition de loi du groupe Les Républicains…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 431 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 270 rectifié, présenté par Mme Guidez, MM. Milon, Dallier, Guerriau, Janssens, Cazabonne, Prince, Médevielle et Cigolotti, Mmes Kauffmann et Billon et MM. Chasseing, de Nicolaÿ, Canevet et Laménie, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 16, 19 et 20

Remplacer les mots :

l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

par les mots :

la métropole

III. – Alinéas 17 et 18

Supprimer ces alinéas.

IV. – Après l’alinéa 21

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 5211-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre autres que les métropoles, les maires des communes membres qui n’ont pas été désignés par l’organe délibérant dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 5211-6, participent aux travaux du bureau de manière consultative. Ils ne peuvent recevoir de délégation. » ;

2° À l’article L. 5217-18, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;

3° À la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 5218-6, les mots : « deuxième à quatrième » sont remplacés par les mots : « troisième à cinquième ».

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. Mes chers collègues, nous avons longuement parlé de la différenciation et, sur ce sujet, nous avons chacun une expérience à livrer !

Mieux prendre en compte et mieux informer les maires qui ne seraient pas élus au sein d’un EPCI est une ambition légitime. Dans de nombreux territoires, certains élus ont souvent fait part de leur désarroi lors de situations inverses : si certains EPCI ont déjà engagé des démarches pour mieux les associer, ce n’est pas le cas de tous.

Au travers de ce projet de loi, le Gouvernement entend agir sur ce point. En effet, l’article 1er offre la possibilité aux communautés de communes, aux communautés d’agglomération et aux communautés urbaines d’organiser une conférence des maires.

Toutefois, à l’heure où les élus locaux demandent de la simplification – ils exigent notamment la fin des superpositions de structures –, cette nouvelle conférence apparaît comme un organe supplémentaire. Il serait plus cohérent de faire entrer ces élus au bureau de l’intercommunalité, qui, lui, existe déjà. Ce faisant, l’on s’épargnerait des réunions supplémentaires…

Aussi, cet amendement tend à remplacer la conférence des maires par la possibilité, pour les maires des communes membres de l’EPCI non représentées au bureau, qu’ils soient membres de l’organe délibérant ou non, d’être inclus au bureau de manière consultative – je précise que la conférence des maires resterait obligatoire au sein des métropoles.

Enfin, les maires dont il s’agit participeraient de droit aux réunions du bureau, mais avec une voix purement consultative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la conférence des maires et à obliger les EPCI à associer, de manière consultative, l’ensemble des maires à leur bureau. Or certains EPCI rassemblent 80, 100 communes…

Mme Françoise Férat. Et même davantage !

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous venons même d’évoquer une intercommunalité de 158 communes, au Pays basque ! Dans de tels cas, ces dispositions poseraient de véritables difficultés.

Voilà pourquoi, même si je comprends la préoccupation qu’elles traduisent, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je le confirme, il ne faut pas confondre la conférence des maires et le bureau communautaire, d’autant que ce dernier peut recevoir des délégations.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est d’ailleurs ce qui le distingue du bureau municipal : tel qu’il est actuellement rédigé, le code général des collectivités territoriales n’ouvre pas cette faculté. Plutôt que de créer un bureau élargi, restons-en à la conférence des maires, dont nous avons déjà beaucoup débattu.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Guidez, l’amendement n° 270 rectifié est-il maintenu ?

Mme Jocelyne Guidez. Effectivement, nous avons consacré un important débat à cette question. En la matière, je pense surtout aux petits EPCI. J’ai présidé une intercommunalité regroupant onze communes et 26 000 habitants : nous invitions l’ensemble des maires, même s’ils n’étaient pas élus ! D’ailleurs, presque tous les maires, excepté un ou deux, siégeaient au bureau… En les associant, et en leur confiant un rôle consultatif, on pouvait travailler utilement.

Ces précisions étant apportées, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 270 rectifié est retiré.

Je suis saisi de vingt et un amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 172 rectifié ter, présenté par M. Mizzon, Mme Billon, MM. Canevet, Cazabonne et Cigolotti, Mme N. Goulet, MM. Henno, Kern, Lafon, Masson, Médevielle et Moga, Mme Morin-Desailly, M. Vanlerenberghe, Mme Vullien, M. L. Hervé et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

mentionnée à l’article L. 5211-11-2

III. – Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« La création d’une conférence des maires est obligatoire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sauf lorsque le bureau de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre comprend déjà l’ensemble des maires des communes membres.

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-Marie Mizzon. Mes propos ne seront pas très éloignés de ceux qu’ont pu tenir plusieurs des orateurs précédents, en particulier M. Kerrouche.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er permet la création d’une conférence des maires, sous certaines conditions qui – il faut le reconnaître – sont assez faciles à réunir.

Toutefois, ce dispositif a fait ses preuves partout : l’expérimentation de longue durée dont il a bénéficié s’est révélée tout à fait concluante. Voilà pourquoi je propose de le rendre obligatoire partout où le bureau de l’intercommunalité ne comprend pas déjà l’ensemble des maires. (Mme le rapporteur acquiesce.)

Mes chers collègues, au fond, qu’est-ce qu’un EPCI ? Je l’ai déjà dit : ce n’est jamais qu’une construction, et au service de qui ? Au service des communes et de leur population.

M. Jean-Marie Mizzon. En toute logique, si l’on a de l’ambition pour les communes, on doit en avoir pour leurs maires et pour les EPCI auxquels elles se rattachent.

Je crois beaucoup à l’expertise, mais je crois plus encore à l’expérience. En l’occurrence – j’y insiste –, l’expérience est concluante : tirons-en profit, généralisons la conférence des maires.

Certes, madame Lienemann, cette instance n’a pas de pouvoir décisionnel. Mais souvent, le pouvoir n’est pas là où l’on croit. (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) À mon sens, il est très important que chaque maire ait voix au chapitre : les décisions ne se prennent pas dans l’instant, elles se préparent où vous savez !

M. Jean-Marie Mizzon. Tel est l’objet de cet amendement, soutenu par l’ensemble de mes collègues du groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. L’amendement n° 646 rectifié, présenté par Mme Berthet, MM. Joyandet, de Nicolaÿ et Decool, Mme Lamure, MM. Gilles, A. Bertrand et Vogel, Mme Duranton, MM. H. Leroy et Moga, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli, Savary et Laménie, Mme Deromedi, M. Guerriau, Mme Gruny, MM. Poniatowski et Cuypers et Mme Bories, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

II. – Alinéa 17

Remplacer les mots :

les métropoles

par les mots :

tous les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Faire en sorte qu’aucune commune ne se sente oubliée au sein de l’intercommunalité : tel est bien l’un des enjeux de ce projet de loi.

Voilà pourquoi je suis pour la conférence des maires : grâce à cette instance, les maires des petites communes qui ne sont pas présents au bureau de l’intercommunalité ne se sentent plus écartés des prises de décision. Bien au contraire, ils contribuent à définir les orientations générales de l’intercommunalité.

Toutefois, je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 172 rectifié ter, dont les dispositions me semblent plus adaptées. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. L’amendement n° 646 rectifié est retiré.

L’amendement n° 718 rectifié, présenté par Mme Guidez, MM. Vanlerenberghe, Henno et Prince, Mme Bories, M. H. Leroy, Mme Vermeillet, MM. Canevet et Lafon, Mme Perrot, MM. Laménie, Chasseing et Danesi, Mme Saint-Pé, MM. Delcros et Le Nay, Mme Billon et M. Moga, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Supprimer les mots :

les communautés de communes,

II. Alinéa 18, seconde phrase

Supprimer les mots :

ou de la communauté de communes

III. – Après l’alinéa 22

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Après l’article L. 5214-8 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5214-… ainsi rédigé :

« Art. L. 5214-…. – Les maires des communes membres qui n’ont pas été désignés par le conseil de la communauté de communes dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 5211-6 participent aux travaux du bureau de manière consultative. Ils ne peuvent recevoir de délégation. »

La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Mme Jocelyne Guidez. À mon sens, dans les petites intercommunalités, il suffit d’associer tous les maires au bureau.

Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 718 rectifié est retiré.

Les amendements nos 203, 340, 333, 341, 343, 342 et 344 ne sont pas soutenus.

L’amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 16

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

II. – Alinéas 17 et 18

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les bureaux sont déjà composés de l’intégralité des maires sont dispensés de cette mesure.

« Les membres de cette instance ne sont pas rémunérés et aucun frais lié à son fonctionnement ne peut être pris en charge par une personne publique.

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Je me suis déjà exprimé en défense de l’amendement de M. Éric Kerrouche.

Nous souhaitons rendre obligatoire la création d’une conférence des maires dans les EPCI, parce que nous considérons que les maires des petites et moyennes communes peinent à se faire entendre au sein de ces assemblées, face aux maires des plus grandes villes.

Le rapport d’information du Sénat sur la revitalisation de l’échelon communal relevait, dans sa recommandation n° 23, que les maires des petites communes étaient en minorité par rapport à ceux des communes plus grandes.

Notre groupe maintient donc sa position sur le caractère obligatoire de cette instance, qu’il avait déjà fait adopter par le Sénat en janvier 2019, lors de l’examen de la proposition de loi socialiste visant à améliorer la représentativité des conseils communautaires. Nous restons sur cette ligne.

M. le président. L’amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. P. Joly, Lozach, Tourenne, Todeschini, Temal, Duran et Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Féret, MM. Tissot et Antiste, Mme Jasmin et MM. Vaugrenard et Courteau, est ainsi libellé :

Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Une conférence des maires est instituée dans chaque communauté de communes. Elle débat notamment des orientations politiques de la communauté.

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Cet amendement vise à rendre obligatoire la mise en place d’une conférence des maires au sein de tous les EPCI à fiscalité propre.

M. le président. L’amendement n° 738 rectifié, présenté par M. Delcros, Mme Vullien, MM. Canevet et Henno, Mme de la Provôté, MM. Capo-Canellas et Laurey, Mmes C. Fournier et Vermeillet, M. Détraigne, Mme Billon, M. Lafon, Mmes Morin-Desailly et Sollogoub, M. Louault, Mme Saint-Pé et MM. Longeot et Moga, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Remplacer le mot :

métropoles

par les mots :

établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

II. – Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Delcros.

M. Bernard Delcros. Je me joins aux propos de Jean-Marie Mizzon : partout où les conférences des maires ont été mises en place, les résultats sont probants.

Il s’agit donc de généraliser un dispositif qui a fait ses preuves.

M. le président. L’amendement n° 145 rectifié bis, présenté par MM. Longeot, Cigolotti, Médevielle, Bignon et Guerriau, Mme Tetuanui, MM. Henno et Luche, Mmes Goy-Chavent et Vermeillet, M. Prince, Mme Billon, M. Moga, Mme de la Provôté, MM. Decool, Laugier et Le Nay, Mme Vullien, MM. Kern, Canevet et Delcros, Mme C. Fournier et M. Capus, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

, les communautés de communes et les communautés d’agglomération

II. – Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Cet amendement est rédigé dans des termes très proches des précédents. Il me semble qu’aucun de ses signataires ne verra d’objection à se rallier à celui qu’a défendu Jean-Marie Mizzon.

Je le retire donc, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 145 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 651, présenté par MM. A. Marc et Wattebled, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

II. – Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Nous défendons la même idée que nos collègues : il s’agit de rendre obligatoire le conseil des maires dans tous les EPCI à fiscalité propre.

M. le président. L’amendement n° 439 rectifié, présenté par Mmes C. Fournier et Billon, MM. Cadic, Delcros et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Henno, Janssens, Kern, Lafon et Le Nay, Mme Létard, MM. Longeot et Mizzon et Mmes Morin-Desailly, de la Provôté, Vermeillet et Vullien, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

et dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

La parole est à Mme Catherine Fournier.

Mme Catherine Fournier. Il me semble que nous en avons suffisamment discuté, mais je voudrais revenir sur ce qu’est une intercommunalité. Comme le disait M. le ministre, ce sont les communes qui font tout dans l’intercommunalité.

Il paraît ainsi inconcevable que ce représentant d’une commune membre qu’est le maire ne soit pas présent, au moins pour fixer les orientations politiques et prendre les décisions essentielles de la communauté.

Je suis donc favorable à une conférence des maires obligatoire, qui fait l’objet des amendements nos 439 rectifié et 440 rectifié, que j’ai déposés. Il a été question, dans notre débat, de laisser de la liberté ; être libre, toutefois, ce n’est pas se contenter de la possibilité de ne pas faire.

Comme l’a rapporté Jean-Marie Mizzon, une expérimentation a eu lieu, qui a démontré que, là où un conseil des maires a été mis en place, les projets étaient mieux menés qu’auparavant, dans le cadre de l’intercommunalité.

À mon sens, rendre obligatoire la conférence des maires, c’est aussi rendre leur liberté d’expression à tous les maires des petites communes, maires qui se sentent parfois démunis face à leur intercommunalité et aux décisions qui y sont prises, car les clés de répartition sont fonction de la population des communes.

Le président Gérard Larcher aime à dire que le maire est à portée d’engueulade, mais, vous le savez, nos administrés ne font pas la différence entre ce qui est décidé par la mairie et ce qui émane de l’intercommunalité.

Cela dit, je retire l’amendement n° 439 rectifié au bénéfice de l’amendement n° 172 rectifié ter de M. Mizzon, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 439 rectifié est retiré.

L’amendement n° 484 rectifié, présenté par MM. Lafon et Cadic, Mme Guidez, M. Mizzon, Mme Morin-Desailly, MM. Capo-Canellas et Prince, Mme Goy-Chavent, MM. Canevet et L. Hervé, Mme Billon et MM. Moga et Delahaye, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

et les établissements publics territoriaux

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Il s’agit du même amendement que les précédents, mais appliqué aux établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris.

Toutefois, je le retire au bénéfice de l’amendement n° 491 rectifié ter, qui sera soumis au vote à la fin de la discussion de l’article 1er, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 484 rectifié est retiré.

L’amendement n° 591 rectifié bis, présenté par M. Antiste, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Duran et Daudigny et Mme Monier, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est aussi obligatoire pour les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre lorsque l’ensemble des maires des communes membres ne siègent pas en leur bureau.

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. La conférence des maires est une instance de dialogue et de coordination particulièrement utile quand tous les maires des communes membres d’un EPCI ne siègent pas en son bureau.

Cet amendement vise donc à rendre sa création obligatoire dans une telle situation.

M. le président. L’amendement n° 440 rectifié, présenté par Mmes C. Fournier et Billon, M. Cadic, Mme de la Provôté, MM. Delcros et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Henno, Janssens, Kern, Lafon, Le Nay, Longeot et Mizzon et Mmes Morin-Desailly, Vermeillet et Vullien, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Fournier.

Mme Catherine Fournier. Je le retire également, au profit de l’amendement n° 172 rectifié ter, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 440 rectifié est retiré.

L’amendement n° 387 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 18, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Toutefois, dès lors que la totalité des maires des communes membres de la communauté urbaine, de la communauté d’agglomération ou de la communauté de communes considérée ne siège pas au sein du bureau de l’établissement public de coopération à fiscalité propre, la création de la conférence des maires est obligatoire.

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Le débat avance ! Le nombre d’amendements allant dans le sens de l’obligation de la création d’une conférence des maires dans chaque EPCI semble grandir.

Pour ce qui nous concerne, monsieur le président, nous retirons cet amendement au bénéfice de celui de M. Jean-Marie Mizzon, en considérant qu’une intercommunalité ne peut se construire que dans le consensus et le compromis et qu’il n’y a pas mieux que les maires pour le rechercher et l’obtenir.

M. le président. L’amendement n° 387 rectifié est retiré.

L’amendement n° 750 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

Alinéa 18, seconde phrase

Remplacer le taux :

30 %

par le taux :

20 %

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. La commission a adopté un amendement qui tend à rendre la création d’une conférence des maires obligatoire dans les métropoles, mais facultative dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Le rapporteur a souhaité fixer à 30 % la proportion de maires de communes membres de l’EPCI requise pour obtenir la création de cette instance, qui deviendra alors obligatoire.

Par cet amendement, nous entendons fixer ce seuil à 20 % des maires, tant il nous semble que trop de dispositions de ce projet de loi demeurent facultatives. Nous agissons ainsi dans l’intérêt de la démocratie locale, puisque l’abaissement de ce seuil permettra à cette instance d’être le lieu privilégié de validation politique des orientations communautaires et des évolutions organisationnelles.

Cette démarche répond également à notre volonté de donner plus de pouvoir aux maires au cœur de l’intercommunalité et d’empêcher les tensions qui pourraient surgir après le renouvellement des conseils municipaux, ainsi que le montrent les simulations que nous avons réalisées sur un certain nombre de communes.

Baisser de dix points le seuil nécessaire à la création d’un conseil des maires nous semble être une mesure raisonnable, de nature à apaiser le devenir des intercommunalités.

On peut discuter tant que l’on veut de la nécessité ou non de rendre la création de ce conseil obligatoire. Mais une chose est sûre, pour l’avoir tous vécue dans différentes instances : faire jouer une minorité de blocage, fédérer un certain nombre d’élus contre la majorité qui viendra d’être désignée, ce n’est pas chose aisée.

Afin d’assouplir les possibilités de faire vivre la démocratie locale, nous proposons donc de faire passer de 30 % à 20 % le seuil permettant d’obtenir la création d’un conseil des maires, quand celui-ci n’a pas déjà été mis en place, sous quelque forme que ce soit, par l’intercommunalité, de la communauté de communes jusqu’à la métropole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 75 rectifié, 126 rectifié, 738 rectifié, 651, 591 rectifié bis, 750 rectifié.

Toutefois, elle est favorable à l’amendement n° 172 rectifié ter, lequel vise à créer une conférence des maires obligatoire tout en tendant à laisser à l’EPCI la liberté de l’organiser comme il l’entend. La rédaction de cet amendement confirme en outre que l’intercommunalité procède bien de la commune.

Enfin, M. Lafon a retenu notre proposition de retirer l’amendement n° 484 rectifié au profit d’un amendement ultérieur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je distingue bien la voie du compromis : M. Marie a raison, l’idée d’une obligation est en train de cheminer, avec cet amendement de consensus de la commission.

Je reste néanmoins ferme sur l’état d’esprit de ce que nous souhaitons faire. Nous parlons continuellement de liberté, mais le mot que nous avons entendu le plus souvent depuis tout à l’heure, c’est « obligatoire ».

Je ne puis que constater le hiatus énorme qui sépare nos débats des grands discours de tribune sur la liberté que l’on devrait accorder au bloc communal. Même le puissant directeur général des collectivités locales, ici présent, n’oserait pas employer si souvent le mot « obligatoire » !

Pour le coup, je reste constant et je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais je me vois mal, dès le début de ces quinze jours de discussion, émettre au nom du Gouvernement, un avis favorable sur une mesure obligatoire.

Faire confiance aux élus locaux, c’est ne pas se méfier d’eux et les laisser organiser la gouvernance comme ils le souhaitent. Aussi, 30 % des maires, le cas échéant, auront la faculté d’aller chercher l’assentiment du président de l’intercommunalité, si la conférence des maires n’existait pas.

Rendre cela obligatoire, nuitamment, depuis Paris, dans cette assemblée, voire à l’Assemblée nationale, n’est pas du tout conforme à notre état d’esprit, non plus qu’au message que nous souhaitons adresser à nos territoires et à nos collègues élus locaux.

Liberté, liberté, liberté ! Cessons d’invoquer Tocqueville alors que, une fois de plus, on parle d’obligation ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Je devrais m’opposer à cet amendement, pour les raisons que j’ai avancées précédemment : la communauté dont ma commune est membre appartient aux 10 % auxquelles les dispositions contenues dans cet amendement ne s’appliqueraient pas, tout en rendant, de fait, cette instance obligatoire.

Je pourrais donc céder à l’argumentation de M. le ministre, qui est tout à fait recevable. Cependant, je vais voter cet amendement par solidarité, parce que je pense que les 10 % ou les 15 % de communautés de communes qui sont dans le cas que j’évoque sauront composer avec cette disposition et constituer un conseil des maires auquel elles conféreront un rôle limité. À mon sens, cela fonctionnera.

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention, sur un point : ce n’est certes pas cette disposition de votre texte qui rendra véritablement obligatoire cette instance, mais plus sûrement le II, déjà inscrit dans le projet de loi par le Gouvernement et repris par la commission, qui abroge l’article L. 5211-40.

Or sans conférence des maires, ou conseil des maires, on ne pourra pas consulter les communes et bénéficier de cette disposition. C’est ainsi que, par la bande, la création de cette instance apparaît comme obligatoire.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je voterai l’amendement n° 172 rectifié ter, parce que c’est un amendement que notre groupe a cosigné, parce que j’avais déposé, il y a quelque temps, une proposition de loi qui suggérait de rendre obligatoire la conférence des maires, et, surtout, parce qu’il me semble utile de disposer de cet espace.

C’est en effet le seul lieu où un maire, quelle que soit la taille de sa commune, se trouve à égalité avec les autres maires, où le maire d’une petite commune est sur le même pied que le maire d’une grande commune. C’est quelque chose d’extrêmement important.

Je me souviens que, dans cet hémicycle, lors de l’examen d’un précédent texte de réforme des collectivités locales, Jean-Pierre Chevènement, qui était sénateur et qui est, comme vous le savez, le père de l’intercommunalité, avait rappelé qu’en créant les communautés de communes, il avait voulu créer des coopératives de communes.

Si nous voulons retrouver cette notion, il faut créer un espace où tout le monde se retrouve sur le même plan. Je voterai donc cet amendement. Je n’ai pas voté, en revanche, celui qu’a défendu M. Éric Kerrouche parce qu’il m’a semblé que, lorsque tous les maires siègent au bureau, il n’était pas utile d’ajouter une couche. J’ai moi-même présidé une communauté de communes dans cette configuration, et j’atteste qu’une conférence des maires y aurait été inutile.

J’ajoute, en réponse à la remarque de M. le ministre selon laquelle nous devrions nous garder d’ajouter sans cesse des obligations, car ce serait contraire à la liberté à laquelle nous sommes tous attachés, que toute liberté doit être régulée.

À défaut, dans tous les domaines et dans tous les secteurs de la vie, le gros mange le petit ! Faire valoir quelques principes communs et disposer de cet espace d’égalité est un important pas en avant, que les petites communes attendent.

Il ne suffit pas de dire que l’on peut créer des conférences des maires ou établir des pactes de gouvernance : c’était déjà le cas, rien ne s’y opposait, même si ce n’était pas inscrit dans la loi.

Je suis donc favorable à cet amendement, comme j’étais favorable à l’instauration obligatoire du pacte de gouvernance.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, je ne sais pas ce que nous faisons à cet instant. De deux choses l’une : soit l’on met en place des dispositifs facultatifs, soit l’on met en place des dispositifs obligatoires.

M. Jackie Pierre. Exactement !

M. Éric Kerrouche. En ce moment, nous légiférons sur des potentialités de faire !

Il ne fallait pas inscrire ces dispositions dans la loi comme vous l’avez fait. Il eût été beaucoup plus simple de produire un guide des bonnes pratiques sur lesquelles nous aurions pu nous mettre d’accord ; nous n’aurions pas, dès lors, à voter ces dispositions.

Je ne sais pas ce que vous faites maintenant. Nous, qui avons pour la plupart une expérience de l’intercommunalité, vous expliquons que, pour respecter les maires, pour les placer sur un pied d’égalité, pour renforcer le dialogue au sein de l’intercommunalité, pour faire en sorte que les projets les plus importants soient connus de tous et que tous puissent donner leur avis sur telle ou telle politique publique, il est important que cette conférence, dont le rôle est informel, existe.

Encore une fois, si vous ne vouliez pas que nous légiférions sur ce point, comme sur le pacte de gouvernance, vous n’auriez pas dû nous le proposer ! Vous avez beau jeu de nous expliquer que l’on est contre une liberté que vous avez vous-même mise en péril par les éléments que vous avez placés dans le texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. En vous écoutant, monsieur Kerrouche, on comprend mieux pourquoi la loi NOTRe a été écrite comme elle l’a été. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SOCR.) À la fin de votre démonstration, on ne sait plus du tout comment les choses pourraient fonctionner !

Je vais me contenter de vous indiquer ce qu’il y a dans le texte du Gouvernement : une disposition simple, facultative, qui crée du droit, notamment pour un tiers des maires, qui peuvent demander que le conseil des maires soit instauré dans l’intercommunalité.

Je vais le dire plus clairement encore : je suis maire d’une commune rurale dans une intercommunalité dont le président bloque potentiellement le système, ou ne veut pas la conférence des maires, 30 % des maires – Mme Cécile Cukierman propose un autre seuil, nous pourrons en débattre – peuvent imposer sa création.

Au moins êtes-vous cohérent, monsieur Kerrouche : vous aimez les obligations, vous aimez normer ; c’est complètement respectable, et je le comprends très bien. Vous garantissez ainsi l’uniformité sur l’ensemble du territoire.

À une intercommunalité qui fonctionne bien, nous allons imposer une obligation supplémentaire, alors qu’elle n’a rien demandé. Doit-on lui répondre que, certes, ce sera obligatoire, mais qu’elle pourra ne rien faire ? C’est de la liberté au rabais, cela !

Ne me dites pas que ce dispositif ne crée pas de droit : il en crée pour un tiers des maires. Soit le président de l’intercommunalité crée de lui-même la conférence des maires – c’est le terme dans la rédaction du moment –, soit un tiers des maires l’impose. C’est plein de bon sens ; cela s’appelle écouter les territoires et les laisser s’organiser comme ils le souhaitent.

Je note donc une fois de plus que ce n’est pas toujours le méchant Gouvernement qui souhaite imposer des obligations aux collectivités territoriales !

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, pourquoi faites-vous preuve d’une telle animosité à notre égard chaque fois que nous abordons ces sujets ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous savez que je vous aime bien, monsieur Marie !

M. Didier Marie. Ces sujets, manifestement, ne concernent pas seulement notre groupe, mais semblent être partagés par d’autres groupes et par bon nombre de nos collègues ici présents, qui ont une expérience de l’intercommunalité.

Monsieur le ministre, vous portez en permanence la liberté en étendard. Toutefois, la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres !

M. Jacques Grosperrin. C’est le contraire !

M. Didier Marie. La liberté, ce n’est pas : « Chacun pour soi, faites comme bon vous semble ! », ce n’est pas donner à 80 % des maires la faculté d’imposer aux 20 % restant ce qu’ils veulent.

La liberté est garantie par la Constitution, laquelle, me semble-t-il, est un ensemble de règles et d’obligations. Cela s’appelle la démocratie, et c’est cela que nous voulons dans nos intercommunalités.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, je ne parviendrai pas à vous convaincre, puisque, manifestement, vous êtes tous favorables à cette conférence des maires.

Pour ma part, si je suis favorable à ce que les maires se réunissent, je partage le vœu de Jean-Pierre Chevènement : je suis pour une coopérative de communes. Or une coopérative, ce n’est pas « cause toujours » ; c’est le partage du pouvoir. Je conteste la manière selon laquelle est organisé le pouvoir au sein de ces gigantesques intercommunalités, dans lesquelles, en effet, une grande partie des petites communes n’arrive pas à se sentir entendue.

Nous essayons de trouver un substitut à cette incapacité de penser l’intercommunalité en permettant aux petites communes d’avoir leur part de pouvoir, et donc d’information automatique devant la décision.

Toutefois, nous sommes en train d’inscrire dans une loi un objet légal non identifié, parce que, si l’on veut être de mauvaise foi – certaines intercommunalités le sont sans doute ! –, il suffit de réunir cette instance deux fois par an, de ne partager que les informations que l’on veut bien partager et, pour peu qu’un consensus relatif s’installe entre les maires pour ne pas travailler d’un commun accord, on peut institutionnaliser tout ce que l’on veut, cela ne débouchera pas sur une meilleure association des petites communes.

Ensuite, on ne sait même pas de quoi cette instance est censée traiter.

Enfin, aucune sanction n’est prévue si, malgré tout, cette conférence n’était pas mise en place. Il s’agit donc encore d’une loi molle, créant seulement une structure. Vous savez, par exemple, que la loi, depuis les années 1990, a rendu obligatoire la mise en place de conseils de quartier. Pourtant, personne n’en crée, et ceux qui le font tout de même ne le font pas en référence à la loi ! Nous inventons des systèmes qui ne sont pas conformes à l’organisation des pouvoirs publics.

Quant à moi, qui n’ai pas voté la loi NOTRe, je revendique que l’on revoie, de manière stratégique, la manière dont est organisé le pouvoir dans les intercommunalités. De plus, je considère que le périmètre de beaucoup d’entre elles n’est pas suffisamment proche des citoyens pour répondre à l’aspiration d’une coopérative de communes telle que le proposait Jean-Pierre Chevènement.

M. Antoine Lefèvre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Où est la liberté lorsque des communes ont dû fusionner ou rejoindre des intercommunalités contre leur gré ? Où est la liberté lorsque des communes ont vu leurs compétences remonter de façon autoritaire à l’intercommunalité ?

Si l’on parle de liberté, prenons bien garde à border le sujet, parce que, effectivement, la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Cette maxime s’applique, à mes yeux, à tous les champs de l’intercommunalité.

Je l’avais dit en défendant un autre amendement qui sera discuté à l’issue de cette longue série, et mon groupe le répète depuis le début de cette séance, je ne suis pas convaincue que rendre obligatoire la conférence des maires apporte la réponse que chacun souhaite entendre. Susciter de l’espoir et ne pas le satisfaire, comme c’est le cas ici, c’est souvent dangereux.

Puisque chacun cite ses exemples, issus de ses rencontres sur le terrain, allons-y : oui, dans la métropole que j’ai en tête, qui regroupe 53 communes dont l’une a un peu plus de 170 000 habitants et quelques autres beaucoup moins de 500, le bureau rassemble bien les 53 maires. Or les maires des plus petites communes me disent qu’ils n’y prennent pas la parole.

Il ne suffit donc pas de créer un conseil des maires pour permettre à tous les maires d’être entre pairs, donc de débattre librement, parce que la hiérarchie des collectivités est une réalité, qui s’accompagne d’un sentiment d’inégalité dans la capacité à prendre la parole et à appréhender les débats. Il ne faudrait pas donner le sentiment que, en créant un conseil des maires qui se réunirait deux fois par an, tout irait bien, youpi tralala ! Ou que, là où l’on a donné naissance à des intercommunalités « XXL », tout le monde serait content et heureux et qu’il n’y aurait plus de problème !

Au contraire, cela doit nous inviter à être encore plus exigeants sur ce point. En passant d’une communauté de communes à quinze à une communauté de communes à quarante-deux, le tour de table entre les maires n’est plus le même.

Il n’est pas possible aujourd’hui de nous contenter de créer un costume pour habiller le monstre mythologique que l’on a engendré avec la loi NOTRe !

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. On évoque la liberté, mais parlons simplement de gouvernance. Je suis d’accord avec le ministre : il y a des règles de base, mais laissons de la souplesse dans la gouvernance de chaque communauté de communes.

J’ai le sentiment que chacun raconte l’histoire de sa propre communauté de communes. Il y en a de toutes sortes,…

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. C’est tout le problème !

M. Michel Raison. … mais ce qui a été oublié dans ces débats, c’est l’homme, c’est le charisme de chacun !

« Un petit maire », qu’est-ce que cela veut dire ? Il y a de petites et de grosses communes, mais j’ai été premier adjoint d’une commune de soixante-dix habitants et je n’ai pas eu l’impression d’être un plus petit adjoint que celui de la ville d’à côté. C’est le charisme, le bon sens et l’honnêteté de chacun qui fait la qualité de la gouvernance de la communauté de communes, non une loi qui obligerait à faire des choses qui ne sont que facultatives. De plus, celles-ci se font déjà !

Ensuite, cela revient à mépriser le délégué que le maire a envoyé à l’exécutif de la commune. On l’oublie un peu, celui-là ! Cela signifierait que seul le maire aurait, dans la commune, la capacité de discuter dans un exécutif ; pourtant, les adjoints ou le délégué jouissent aussi de l’intelligence qui leur permet de le faire.

Enfin, les maires se parlent. Je n’ai jamais vu un maire qui ne parlerait pas avec le président de la communauté de communes, même sans faire partie de l’exécutif.

Je propose donc que l’on en revienne au bon sens et au respect, que l’on fasse confiance au charisme et à l’intelligence de chacun. Il y aura des élections municipales au printemps, les électeurs essayeront de choisir les gens les plus capables pour diriger leur commune et pour la représenter au sein des divers organismes, tels que la communauté de communes ou les quelques syndicats qui existent encore ou pour aller négocier avec le préfet telle ou telle subvention. Ce n’est pas toujours le maire qui s’occupe de cela.

Restons simples, fidèles aux règles de base et faisons preuve de bon sens et de confiance envers nos élus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, tout ce que vous dites est naturellement frappé au coin du bon sens, parce que vous vous exprimez d’abord en ministre responsable, mais aussi à partir de votre expérience de président d’exécutif qui a fait fonctionner les choses comme elles devaient fonctionner. La plupart de ceux qui s’expriment sont dans le même état d’esprit, mais moi, ce soir, je m’exprime comme membre d’une métropole de 500 000 habitants où tout est par-dessus tête !

Au sein de la conférence des maires, huit maires, parmi les plus importants, ont été virés par le président et remplacés aux postes de vice-présidents par des conseillers municipaux aux ordres.

De pauvres maires qui ont pris leur retraite ou qui sont à mi-temps se voient expliquer dans le creux de l’oreille que, s’ils ne vont pas dans le droit-fil de ce que demande le président, ils seront remplacés et perdront 2 500 euros par mois.

Je veux que l’on combatte cela ! Et nous avons besoin de vous, monsieur le ministre, car ce n’est plus acceptable. J’ai vécu comme maire pendant trente-quatre ans dans une intercommunalité que présidait Georges Frêche : ce n’était certes pas le fleuve le plus tranquille, mais jamais il n’aurait fait ça !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Mizzon. Quel est le rôle premier de la loi ? Pour moi, c’est de défendre le plus faible. (Exclamations ironiques dans les travées du groupe CRCE.)

La loi peut être appréhendée de manières différentes : elle doit bien sûr servir l’intérêt général, mais il est des lois, de grandes lois, qui prennent en compte les intérêts des plus petits. Actuellement, à l’Assemblée nationale, se trouve en discussion une loi qui porte sur une minorité ; mais cela n’en fait en rien une petite loi.

Dans nos intercommunalités, nous avons des petits maires.

M. Michel Raison. Il n’y a pas de petits maires !

M. Jean-Marie Mizzon. Je retire ce que j’ai dit – il est tard… Nous avons des maires de petites communes. Or ces derniers sont souvent marginalisés. (Mme Sophie Primas le conteste.)

Si le projet de loi reste en l’état, il ne fera qu’ouvrir une possibilité. Comme le disait Michel Raison, chaque communauté est différente, mais la loi doit porter sur toutes les communautés. La seule chance que l’on se parle, que l’on dialogue et que l’on apprenne à se connaître au sein des communautés, c’est de rendre obligatoire la constitution d’une conférence des maires.

J’ai dit dans la discussion générale que le projet de loi que vous nous soumettez avait pour caractéristique l’esprit d’écoute, monsieur le ministre. Je le crois toujours, mais l’esprit d’écoute suppose qu’on se parle.

Pour cela, encore faut-il que chacun ait voix au chapitre dans les mêmes conditions. Or cette possibilité ne sera effective au sein des intercommunalités qu’à la condition de la généralisation de la conférence des maires. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.

M. Didier Mandelli. Monsieur le ministre, je partage avec vous le souhait de laisser plus de liberté aux collectivités locales et aux élus locaux. J’aurais aimé d’ailleurs que ce soit également le cas de votre collègue du Gouvernement, qui, il y a une dizaine de jours, a tenté d’imposer, dans ce même hémicycle, une obligation, en l’occurrence la consigne, contre l’avis de l’ensemble des associations d’élus et du Sénat…

Si l’on veut aller jusqu’au bout de votre logique, je vous propose tout simplement de rendre facultatifs les conseils de développement. Il paraît en effet incongru que les membres du conseil de développement aient plus de capacité à orienter les décisions que les maires eux-mêmes.

M. Sébastien Lecornu, ministre. C’est prévu !

M. Didier Mandelli. Je le sais, mais j’y insiste. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour explication de vote.

M. Alain Duran. Nous passions plutôt une bonne soirée, jusqu’à ce que le ministre nous secoue quelque peu, mais je suppose qu’il voulait nous réveiller et nous voir retrouver de la vigueur ! (Sourires.)

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce texte n’est pas le grand soir. Il s’agit pour le Gouvernement d’apporter des corrections. Si la liberté locale et la liberté de s’organiser suffisent, nul n’est besoin de corriger. Et s’il faut corriger, c’est qu’il y a des choses qui ne vont pas, ou alors nous allons retrouver la liberté d’aller nous coucher et tout le monde s’organisera de manière autonome sur les territoires.

Il est tout de même nécessaire d’encadrer la liberté par des règles, et nous sommes là pour les fixer.

Vous avez eu l’amabilité de rappeler que la loi NOTRe avait été votée il y a quelques années, monsieur le ministre. Il serait d’ailleurs intéressant de relire les débats de l’époque pour examiner qui l’a votée et qui ne l’a pas votée.

Quoi qu’il en soit, il me semble assez malvenu de tenter de nous faire passer pour les méchants alors que nous essayons simplement d’écouter ce qui se passe. Les propos de notre collègue Jean-Marie Mizzon me paraissent très justes : il y a des endroits où ça se passe bien – tant mieux ! –, mais il en est d’autres où les choses sont plus compliquées ; il me semble d’ailleurs que c’est l’un des motifs de projet de loi.

Il nous paraît sain de rendre obligatoire la création d’un espace de dialogue où les maires, à parité et sans considération de taille des communes ni de poids politique, définissent ensemble la meilleure façon de gouverner l’intercommunalité.

Il ne me semble pas souhaitable qu’on se laisse culpabiliser sur notre souhait de bien faire notre travail d’organisation du bloc communal et des rapports entre la commune et l’intercommunalité.

Je trouve paradoxal que votre gouvernement se présente comme le principal défenseur des libertés locales, alors que, le 17 juillet 2017, à quelques encablures d’ici, le Président de la République disait qu’il avait trop d’élus en France. Il lui appartient certes d’exercer sa liberté de jugement…

Nous considérons pour notre part que la liberté locale mérite d’être encadrée dans le bon sens, dans la raison et dans le pragmatisme. C’est ce que propose notre collègue Jean-Marie Mizzon.

M. Jean-François Husson. C’est surréaliste !

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Quand on a été président d’une intercommunalité – c’est le cas de nombreux collègues présents –, on sait que la meilleure stratégie pour fédérer les maires et pour créer une dynamique collective, c’est la stratégie de la fourchette. Allons-nous pour autant obliger les présidents d’EPCI à organiser quatre repas par an avec les maires ? C’est exactement la même logique.

Tout au long de l’année, nous entendons et relayons avec raison des slogans tels que « laissez-nous faire », « laissez-nous travailler » ou « faites-nous confiance ».

Je ne voterai pas en faveur du caractère obligatoire de ces conférences, car, de la même manière que le Sénat est unanimement capable de dire « laissez-nous faire », je souhaite que l’on laisse faire les territoires et que l’on s’en remette à leur intelligence.

Par ailleurs, un dispositif permet déjà à ceux qui sont « opprimés » – je reprends un terme qui a été employé – de provoquer la réunion des maires dans les intercommunalités qui dysfonctionnent ; il suffit que 30 % des maires en fassent la demande. Il est donc totalement faux de dire qu’il n’y a pas de mécanisme permettant à ceux qui sont prétendument opprimés de se mobiliser.

Malheureusement, ces amendements ne me semblent pas correspondre à la liberté des territoires que nous prônons au Sénat, pas plus qu’ils ne visent à la création d’outils utiles pour favoriser l’intelligence collective. Tout est déjà dans le texte, et si nous sommes cohérents avec nous-mêmes, nul n’est besoin d’amender.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 172 rectifié ter.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Mes chers collègues, je vous invite à vérifier que votre carte de vote est bien insérée dans votre terminal.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater les résultats du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l’adoption 157
Contre 156 (Exclamations.)

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

En conséquence, les amendements nos 75 rectifié, 126 rectifié, 738 rectifié, 145 rectifié bis, 651, 591 rectifié bis et 750 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 751 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 7 et 17

Remplacer les mots :

une conférence des maires

par les mots :

un conseil des maires

II. – Alinéas 8 et 18, seconde phrase

Remplacer les mots :

de la conférence des maires

par les mots :

du conseil des maires

III. – Alinéa 19

Remplacer les mots :

La conférence des maires est présidée

par les mots :

Le conseil des maires est présidé

IV. – Alinéa 20

Remplacer le mot :

Elle

par le mot :

Il

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Le présent amendement peut être considéré comme rédactionnel. Nous invitons en effet à une clarification, car entre le projet de loi initial et le texte élaboré en commission, une confusion tend à s’installer entre un certain nombre d’expressions.

Nous proposons de conserver le nom initial de « conseil des maires », afin de distinguer celui-ci des conférences territoriales des maires, puisqu’il s’agit bien de deux instances distinctes.

Ce choix est à mettre en cohérence avec les propositions précédentes de conserver, parmi les outils disponibles dans le pacte, les conférences territoriales des maires à côté du conseil des maires, dès lors que ce dernier sera rendu obligatoire si les maires ne sont pas dans les bureaux.

Ces deux instances, aux finalités différentes, sont tout aussi importantes l’une que l’autre pour le bon fonctionnement des EPCI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, nous proposons au contraire de garder les termes de « conférence des maires », puisque le terme « conseil » est plutôt réservé au conseil communautaire. Cela nous semble plus clair et moins équivoque.

Je sollicite donc le retrait de votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Maintenant que l’on a rendu ces instances obligatoires, leur nom a du sens. Le Gouvernement proposait de parler de « conseils ». La commission des lois, sans doute pour des raisons de débats internes, a opté pour « conférence ».

Par cohérence avec la position initiale du Gouvernement, j’émets un avis favorable, mais je ne suis pas certain qu’une telle modification changerait grand-chose.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 751 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 549, présenté par M. Roux, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les modalités par lesquelles les établissements publics de coopération intercommunale rendent compte au sein des conseils municipaux des actions engagées en faveur de chaque commune ;

La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Cet amendement a pour objet de prévoir que le pacte de gouvernance doit préciser les modalités par lesquelles les établissements publics de coopération intercommunale rendent compte au sein des conseils municipaux des actions engagées en faveur de chaque commune.

Il s’agit de créer un outil dont les modalités doivent être adaptées au cas par cas, procédant de la logique de renforcement de l’évaluation par la commune des actions menées par l’intercommunalité. L’objectif est également de renforcer les liens et les synergies entre conseils municipaux et EPCI, tout en rapprochant le maire des centres de décision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement me semble satisfait pour deux raisons : la première est que les modalités d’information des conseils municipaux sont déjà définies dans le CGCT ; la seconde est que chaque intercommunalité, selon le principe de liberté cher à la plupart d’entre nous, peut compléter librement ces modalités.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Roux, l’amendement n° 549 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Roux. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 549 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 385 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Cet amendement vise à supprimer la disposition prévoyant que les missions, la composition et les modalités de fonctionnement des commissions sont déterminées par le pacte de gouvernance.

En effet, cet alinéa entretient une confusion entre ce qui relève de ce pacte, qui, comme son nom l’indique, est destiné à définir les modalités de gouvernance de l’intercommunalité, et ce qui relève du règlement intérieur de l’EPCI, qui, lui, répond à d’autres objets.

M. le président. L’amendement n° 386 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et Sutour, Mme Blondin, MM. Montaugé, Courteau, Daunis, Bérit-Débat, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

aux articles L. 2121-22 et

par les mots :

à l’article

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Il s’agit ici plutôt d’une demande d’explication. En effet, nous avons constaté que l’alinéa, tel qu’il est rédigé, fait référence aux articles L. 2121-22 et L. 5211-40-1 du CGCT. Or l’article L. 2121-22 concerne prioritairement les communes. La présence de la référence à ces deux articles dans le même alinéa nous semble générer une confusion.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons procéder à une simplification du texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il nous semble que le fonctionnement et l’organisation des commissions intercommunales, comme ils procèdent de la volonté d’associer le plus largement possible l’ensemble des conseillers municipaux, relèvent du pacte de gouvernance plutôt que du règlement intérieur.

Je sollicite donc le retrait de l’amendement n° 385 rectifié. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 386 rectifié, l’article que vous évoquez ne définit pas les commissions municipales. En effet, l’article L. 5211-40-1 du CGCT rend seulement applicable aux EPCI l’article L. 2121-22, qui, lui, définit la composition des commissions municipales.

Je demande donc également le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. J’émets un avis de sagesse sur l’amendement n° 385 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 386 rectifié, la démonstration de M. Marie sur la référence aux commissions municipales crée un trouble. J’émets donc également un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Sur le plan juridique, certes, on peut très bien estimer que les modalités de fonctionnement des commissions relèvent du règlement intérieur de l’EPCI. Mais celui-ci ne les prévoit pas nécessairement, alors qu’il s’agit pourtant d’un élément de gouvernance.

Il me semble donc positif de rendre obligatoire qu’elles sont fixées dans le pacte de gouvernance, même si, juridiquement, je conviens que ce n’est pas parfait.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Puisque le Gouvernement fait preuve de sagesse – nous l’en remercions –, nous maintenons nos amendements. Nos propositions permettront de clarifier la portée juridique de ces dispositions.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 385 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 386 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 435 rectifié est présenté par MM. Kerrouche, Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur, Sutour et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Courteau, Daunis, Montaugé, Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 584 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Dantec, Gabouty, Gold, Jeansannetas, Labbé, Requier, Roux et Vall.

L’amendement n° 734 rectifié bis est présenté par MM. Delcros et Bonnecarrère, Mmes Vullien et Guidez, MM. Canevet, Henno, Capo-Canellas, Maurey et Laurey, Mmes C. Fournier et Billon, M. Lafon, Mmes Vérien et Sollogoub, M. Louault, Mme Saint-Pé, MM. Longeot, Moga et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 807 est présenté par M. Bonnecarrère.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les moyens de renforcer les solidarités financières au sein du territoire, ainsi que les objectifs à poursuivre, le cas échéant, par la réalisation d’un pacte financier et fiscal entre l’intercommunalité et ses communes membres.

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 435 rectifié.

M. Didier Marie. La commission des lois du Sénat a réécrit les dispositions du projet de loi relatives au pacte de gouvernance en vue d’en faire un rendez-vous en début de mandature, lors duquel les nouvelles équipes définiront les principaux fondements des relations entre l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les communes membres.

Outre les considérations liées au fonctionnement des instances politiques et à la mutualisation des services, déjà traités, prévoir que le pacte de gouvernance traite des moyens de renforcer les solidarités financières consoliderait la portée et la cohérence de cette étape initiale.

L’exercice de définition des objectifs d’un éventuel pacte financier et fiscal amène en effet les élus à prendre la mesure de la situation budgétaire et financière au sein du couple communes-communautés, et à définir la trajectoire des moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre du projet de territoire intercommunal et à l’exercice des compétences par les communes et l’EPCI à fiscalité propre.

Ce temps trouvera donc toute sa place dans le cadre du pacte de gouvernance en début de mandature, pour faciliter le travail des élus municipaux et communautaires dans le cadre de leur intercommunalité.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 584 rectifié.

Mme Nathalie Delattre. L’article 1er de ce projet de loi généralise à tous les EPCI à fiscalité propre l’adoption d’un pacte de gouvernance, qui vise principalement à créer un cadre de coordination entre collectivités territoriales.

Dans la version du texte issue des travaux de la commission des lois, il est prévu que ce pacte détermine notamment les modalités de mutualisation de services, les conditions de création ou de gestion d’équipements et de services, les conditions d’engagement de certaines dépenses d’entretien, etc.

Toutefois, il n’est pas prévu que le pacte de gouvernance traite d’un sujet clé du modèle intercommunal : le renforcement des solidarités financières entre les différentes collectivités. Cette composante est pourtant un élément déterminant de l’esprit communautaire, dans lequel il est important d’impliquer l’ensemble des maires.

Si l’objectif partagé du pacte de gouvernance est de mieux coordonner les interventions des communes au sein de l’EPCI et de rationaliser l’organisation, la question de la péréquation financière intercommunale ne peut être éludée dans ce cadre.

C’est pourquoi cet amendement, en toute simplicité, tend à garantir que le pacte de gouvernance traite des moyens de renforcer les solidarités financières dans les EPCI.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 734 rectifié bis.

M. Bernard Delcros. Nous avons tous rappelé l’importance du pacte de gouvernance. Je rejoins d’ailleurs tout à fait votre point de vue, monsieur le ministre, quant à la nécessité de distinguer le pacte de gouvernance et le projet de territoire. Le pacte de gouvernance vise à poser en début de mandat les bases des relations entre l’intercommunalité et les communes. (M. le ministre approuve.)

La commission a utilement souhaité préciser les sujets à débattre au sein du pacte de gouvernance. Comme mes collègues, je pense qu’il est important qu’à l’occasion de l’élaboration du pacte de gouvernance, la question des relations financières entre l’intercommunalité et les communes soit traitée. Elle se pose pour un certain nombre de dotations, pour la fiscalité, pour le fonds de péréquation intercommunal et communal. Par exemple, applique-t-on le droit commun ou pas en la matière ?

Il me semble très important d’inclure la question des solidarités financières dans le pacte de gouvernance, qui, le cas échéant, pourra d’ailleurs se traduire par un pacte fiscal et financier.

M. le président. L’amendement n° 807 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il nous semble important que le sujet des solidarités financières soit intégré dans le pacte de gouvernance. Sachant que le délai pour élaborer un pacte de gouvernance est de neuf mois, toutes les conditions de solidarité financière auront toutefois été définies avant.

J’émets donc un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Plus on rend les choses rigides, plus je me méfie…

En outre, ces questions liées à la mécanique de solidarité financière peuvent être abordées dans le cadre des discussions autour des attributions de compensation ou lors des grands débats budgétaires au sein de l’intercommunalité. Il y a tout de même plusieurs occasions de les évoquer dans l’année.

J’émets donc un avis de sagesse, et même de grande sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 435 rectifié, 584 rectifié et 734 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 905 rectifié, présenté par M. Jacquin, Mmes Jasmin et Conway-Mouret et MM. Montaugé, Tissot et Daudigny, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les conditions dans lesquelles l’intercommunalité entend informer et associer les citoyens à la prise de décision.

La parole est à M. Olivier Jacquin.

M. Olivier Jacquin. Cet amendement vise à préciser un aspect du pacte de gouvernance. Il a tout simplement pour objet de définir les conditions dans lesquelles l’intercommunalité entend informer et associer les citoyens à la prise de décision – un mot que nous n’avons pas encore beaucoup entendu ce soir.

Nous sommes en train de définir le pacte de gouvernance. Il s’agit de préciser les grands principes de fonctionnement entre les communes et l’EPCI, donc sur le territoire et au bénéfice des citoyens concernés.

Les citoyens sont la finalité des politiques publiques, et dans la strate intercommunale, ils sont particulièrement éloignés de l’élu. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Outre l’indispensable information des citoyens, incluse dans l’objet de cet amendement, il s’agit de mieux associer ces derniers, pour plus d’efficacité. Presque tous les maires ont recours aux citoyens pour leur expertise d’usage dans des aménagements urbains, par exemple. Celle-ci est plus que reconnue.

Mme Sophie Primas. Pas besoin de loi pour cela !

M. Olivier Jacquin. Nous proposons ainsi d’associer les forces vives, en ayant recours à l’expertise thématique des citoyens. Le pacte de gouvernance peut clarifier le rôle des différentes instances de cette concertation, sans rien ôter aux élus.

Mme le rapporteur m’a proposé une autre rédaction, mais, avant de l’envisager, je souhaiterais entendre l’avis de M. le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. M. Jacquin vient de dévoiler ce qui n’était pas un secret, puisque nous en avons débattu en commission. (Sourires.)

Cet amendement vise à inclure dans le pacte de gouvernance la définition des conditions d’association des citoyens. La commission a formulé une proposition différente, sur laquelle M. le ministre pourra nous donner son avis, afin de mieux cibler les acteurs socio-économiques.

Ainsi, nous vous proposons d’insérer après l’alinéa 9 un alinéa ainsi rédigé : « Les modalités d’association des acteurs socio-économiques à la prise de décision ».

M. le président. Monsieur Jacquin, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par la commission ?

M. Olivier Jacquin. Madame le rapporteur, nous avons déjà débattu de ce point. Vous dites préférer les termes d’« acteurs socio-économiques » à celui de « citoyens ». Tout à l’heure, je vous ai proposé de lier les deux concepts, en tentant d’expliquer comment l’on pourrait associer les citoyens et les forces socio-économiques d’un territoire.

Cela me semble être un bon compromis, mais je crains que votre proposition ne l’emporte sur la mienne, madame le rapporteur. Pour accélérer les choses, j’accepte votre suggestion, que je considère comme un repli.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 905 rectifié bis, présenté par M. Jacquin, Mmes Jasmin et Conway-Mouret et MM. Montaugé, Tissot et Daudigny, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les modalités d’association des acteurs socio-économiques à la prise de décision ;

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans ce cas, l’avis de la commission est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je comprends votre intention, monsieur le sénateur, mais, au risque de mettre de nouveau les pieds dans le plat, est-ce que l’on connaît beaucoup d’élus locaux, municipaux et communautaires, qui ne rendent de comptes à personne, qui s’enferment pendant six ans dans leur mairie, leur hôtel d’agglomération ou de communauté de communes sans consulter aucun acteur socio-économique ou aucun de leurs concitoyens ?

De plus, cet amendement n’a pas un caractère très normatif. Et il tend à envoyer le signal qu’il est indispensable d’inscrire dans la loi que les élus sont obligés d’associer leurs concitoyens à leur prise de décision…

C’est un peu comme si le ministre chargé des relations avec le Parlement vous demandait de bien veiller à ce que le règlement intérieur du Sénat comporte des dispositions permettant aux sénateurs de rendre des comptes à nos concitoyens et aux grands électeurs.

M. Martial Bourquin. C’est lamentable, monsieur le ministre !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Pas du tout ! Je suis désolé, mais j’ai le droit de défendre mon point de vue, monsieur le sénateur, et vous devez le respecter.

M. Martial Bourquin. Apprenez à débattre autrement ! Cessez de donner des leçons !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je suis moi aussi élu local et j’entends pouvoir défendre mon opinion.

M. Martial Bourquin. Vous êtes insupportable ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Sébastien Lecornu, ministre. Vous avez le droit de le penser, mais j’ai le droit de défendre mes idées ! J’ai donc le droit de défendre les libertés et de considérer que la démocratie représentative mérite d’être défendue.

Je pense que la transparence va dans le bon sens et qu’il est possible de prendre un certain nombre de dispositions pour atteindre cet objectif. Je suis désolé, monsieur le sénateur, mais je pense que les élus n’ont pas besoin d’une loi pour rendre des comptes à leurs concitoyens !

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.

M. le président. Monsieur Bourquin, si vous souhaitez intervenir, il suffit de me le demander. Mes chers collègues, cessez de vous interrompre les uns les autres, s’il vous plaît !

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, puisque vous me donnez la parole…

M. le président. Non, monsieur Bourquin, plusieurs de vos collègues me l’ont demandée avant vous !

M. Martial Bourquin. Pardonnez-moi, monsieur le président, j’ai cru que vous me l’aviez donnée.

J’aurais pu aussi m’exprimer dans le cadre d’un rappel au règlement. En effet, la manière dont le ministre mène les débats est assez incroyable ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Monsieur le ministre, il n’est pas de bon ton de vouloir simplifier à l’extrême les propos tenus par les sénatrices et les sénateurs dans cet hémicycle.

M. Martial Bourquin. En effet, vous caricaturez, monsieur le ministre !

M. Didier Marie. La caricature n’est jamais bonne. Je crois préférable de discuter du fond.

De quoi est-il question ? Si je ne m’abuse, le Président de la République a demandé au Gouvernement de désigner par tirage au sort un certain nombre de citoyens pour participer à une convention citoyenne pour le climat au cours de laquelle ceux-ci devront faire des propositions, qui pourront acquérir une valeur législative si le Gouvernement les transmet au Parlement.

Avec cet amendement, nous sommes exactement dans le même esprit : il s’agit non pas de créer des conseils de citoyens pour obliger les élus à rendre des comptes, mais d’associer nos concitoyens à la vie locale, de faire en sorte qu’ils soient parties prenantes et codécident avec nous de tout ce qui concerne leur vie quotidienne, en leur permettant de formuler un certain nombre de propositions. Tel est l’objet des instances participatives.

Mme Sophie Primas. Il est inutile de légiférer pour cela !

Mme Catherine Troendlé. C’est du bon sens !

M. Didier Marie. Aujourd’hui, le Président de la République considère lui-même qu’il faut beaucoup mieux associer nos concitoyens que l’on ne le faisait auparavant.

Mme Sophie Primas. On le sait !

M. Didier Marie. Nous vous demandons donc tout simplement de transférer au niveau local ce qui existe au niveau national, en associant davantage nos concitoyens dans des conditions qui restent à déterminer dans le cadre du pacte de gouvernance.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.

M. Olivier Jacquin. Je vous remercie de me rendre la parole, monsieur le président. Je remercie également mes collègues d’avoir clairement réagi aux propos du ministre.

Je remarque en effet que vous avez tenté de réduire mes propos à une caricature, monsieur le ministre. Alors que j’ai moi-même été élu local, vous me prêtez des propos que je n’ai pas tenus : je ne cherche pas à imposer des contraintes aux élus quand ils communiquent avec les citoyens. Les élus sont assez grands pour le faire par eux-mêmes !

Monsieur le ministre, il y a quelques mois, lors du grand débat, je vous ai vu à la télévision tenir un discours totalement inverse sur la nécessaire implication de nos concitoyens. Mon collègue Didier Marie vient par ailleurs de rappeler que certaines propositions actuelles visent à mieux associer les citoyens aux décisions, et ce n’est pas par démagogie.

En présentant cet amendement, je défends l’efficacité de démarches entreprises par certaines associations d’habitants. Il me semble de bonne gestion pour les communes, les intercommunalités et les différentes forces vives d’un territoire de proposer un tel dispositif dans un pacte de gouvernance.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, il faut faire attention à ce que l’on dit quand on parle des citoyens.

Je vous rappelle les termes de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Parler d’associer les citoyens à la prise de décision des élus n’est donc pas un gros mot, monsieur le ministre. C’est le sens de la démocratie, et cela ne mérite pas la caricature. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. À trop vouloir compliquer les choses, on oublie l’essentiel : la démocratie s’exerce d’abord par ses représentants.

M. Éric Kerrouche. Et par le peuple !

Mme Éliane Assassi. Par les citoyens !

M. François Bonhomme. C’est le principe originel, j’en suis désolé. On en arrive à inciter ou à inviter les élus à mieux consulter, mieux concerter ou informer les populations de leur prise de décision, alors que, vous m’excuserez, c’est inhérent à la démocratie et au principe représentatif.

Si un représentant, un maire par exemple, ne sait pas qu’il a tout intérêt à promouvoir la concertation et à inviter ses concitoyens à participer aux discussions s’il souhaite se faire entendre et être réélu, il n’a rien compris.

M. Martial Bourquin. C’est un discours politicien !

M. François Bonhomme. Tout ce débat me paraît tout à fait inutile, superfétatoire et, d’une certaine façon, contre-productif ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

Mme Éliane Assassi. Vos propos sont réactionnaires ! (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Cela faisait longtemps !

M. Jacques Grosperrin. Toujours dans la nuance !

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Mes chers collègues, je ne comprends pas de quoi l’on parle depuis quelques instants.

Je croyais que nous examinions un projet de loi visant à simplifier les relations entre les collectivités, à faciliter la vie des maires et à faire jouer de nouveau à ces derniers un rôle central dans le lien de proximité qui existe entre élus et citoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les notions de « citoyens » ou « d’acteurs socio-économiques » ne sont certes pas des gros mots, mais on n’a pas besoin de les faire figurer dans le pacte !

Mme Éliane Assassi. Mais les citoyens, qu’en faites-vous ?

Mme Sophie Primas. Comme un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, j’ai été maire. Dans la rue, on parle aux citoyens, on ne parle pas qu’aux électeurs !

Mme Éliane Assassi. Eux aussi parlent !

Mme Sophie Primas. Parfois, ces citoyens sont mécontents et vous invectivent.

On organise des réunions de quartier, des réunions de projets. On interroge en permanence nos concitoyens, sans avoir besoin d’inscrire cette pratique dans le dur de la loi.

Je ne comprends pas ce que vous voulez faire : on est en train de remettre des barrières, de restaurer des contraintes dans les instances, alors que l’on voulait au contraire libérer et donner un peu d’air aux maires, et les remettre à la place qui est la leur, c’est-à-dire dans une relation de proximité avec nos concitoyens. Je ne comprends vraiment pas cette logique.

Je m’en excuse par avance, madame le rapporteur, mais j’aurai du mal à voter cet amendement, même rectifié par vos soins. En réalité, en procédant ainsi, on annihile le lien de proximité que le maire noue avec nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Rétablissez le cumul ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Mes chers collègues, on a le sentiment de revenir aux débats d’il y a quinze ans. On a l’impression qu’il n’y a aucune désaffection des citoyens à l’égard de la démocratie, notamment locale, qu’il n’y a aucune défiance vis-à-vis des élus,…

Mme Sophie Primas. Pas à l’égard des maires !

Mme Catherine Troendlé. Les maires ne sont pas concernés !

M. Jérôme Durain. … qu’il n’y a pas d’abstentionnisme, de montée des extrêmes, qu’il n’y a pas eu de crise des « gilets jaunes ». (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Cela n’a rien à voir !

M. Jérôme Durain. Faut-il que le Gouvernement ait beaucoup à se faire pardonner des élus pour défendre des arguments aussi démagogiques – passez-moi le terme, monsieur le ministre ? L’élu local connaît son territoire, ses élus, il n’a pas besoin de conseils citoyens !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Eh oui !

M. Jérôme Durain. Je perçois une forme de régression dans cette façon d’aborder la relation entre les citoyens et la démocratie locale.

Ce que nous souhaitons, c’est que la machine communale et intercommunale fonctionne mieux. Quand on nous renvoie à une espèce de sens naturel et inné des élus dans leur relation aux concitoyens, comme si tout allait bien dans tous les territoires, on se trompe ! En effet, tout ne va pas pour le mieux.

Je trouve tout de même particulièrement osé que le Gouvernement défende cette position après qu’il nous a expliqué, il y a deux ans, qu’il y avait trop d’élus en France, qu’il fallait plus de verticalité et que, finalement, les corps intermédiaires ne servaient à rien. Faites donc preuve d’un peu d’écoute et d’ouverture !

Nous souhaitons tout simplement que l’intercommunalité fonctionne bien, que les communes occupent leur juste place, que les maires soient respectés – c’est un point important –, et que l’on travaille dans un esprit de concorde.

L’argument selon lequel tout va bien, les élus savent tout et ces « machins » sont inutiles est un peu désuet et pas de saison !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Ramenez-nous un peu de calme, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Martial Bourquin. Le débat que nous avons en ce moment est celui qui oppose démocratie représentative et démocratie participative.

M. Jean-François Husson. Ségolène ! (Rires.)

M. Martial Bourquin. Il s’agit d’un vieux débat, qui prend une dimension particulière avec les réseaux sociaux et avec ce qui s’est passé lors des mouvements sociaux. Tous les élus devront s’imprégner de ce problème et devront changer leurs habitudes sur ces questions.

Je prends la parole pour dire que l’on ne partage pas toujours les mêmes opinions sur ces travées, ce qui est une bonne chose. Je remarque que nous avons des débats de qualité, que ce soit au sein de la commission des affaires économiques ou ici, dans cet hémicycle, tout en n’étant pas d’accord les uns avec les autres.

J’observe aussi que, depuis quelque temps, le ministre plombe le débat. Je m’explique : comme je n’ai pas la mémoire courte, je me souviens que l’on disait il y a peu qu’il y avait trop d’élus en France.

M. Jérôme Durain. Tout à fait !

M. Martial Bourquin. Je me souviens également du #BalanceTonMaire, que le président du Sénat jugeait, en séance, tout à fait inacceptable.

Si l’on décide aujourd’hui de promouvoir le #CajoleTonMaire, pourquoi pas ! Mais, à un moment donné, il faut cesser de se poser en donneur de leçons.

On nous parle en permanence de liberté. Mais, dans la ville où j’ai été maire pendant plus d’une vingtaine d’années, la perception a été supprimée. C’est cela la liberté ? On est en train de supprimer les deux tiers des perceptions de mon département, et on me rebat les oreilles avec des histoires de liberté ! Quelle liberté ? Celle de ne plus avoir de services de proximité ?

M. François Bonhomme. Quel rapport avec le débat ?

M. Martial Bourquin. La seule chose que je demande – c’est autant une intervention qu’un rappel au règlement –, c’est que l’on se respecte les uns les autres. Ne caricaturons pas les interventions de ceux avec lesquels nous ne sommes pas d’accord.

Vous connaissez la formule : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire. »

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote. (Exclamations.)

M. Jean-François Husson. Ramenez la sérénité, monsieur Laménie !

M. Marc Laménie. Ce débat est animé et passionnant. Certains parlent de leurs expériences, ce qui nous rappelle que, malheureusement, il n’est plus possible d’être à la fois sénateur et maire d’une petite commune ou président d’un exécutif local, quel qu’il soit. Aujourd’hui, cette situation ne peut que nous inspirer beaucoup de regrets.

Il faut naturellement respecter les auteurs des amendements – il y en a beaucoup sur ce texte –, mais il est également important d’évoquer le passé.

Il y a quelques années, les élus avaient le choix entre les intercommunalités, d’un côté, et ce que l’on appelle les « pays », de l’autre. Ces pays, produits d’une démarche volontaire, fédéraient les acteurs socio-économiques et les associations.

Pour parler de mon expérience dans les Ardennes, département que vous connaissez bien, monsieur le ministre, j’ai été longtemps, en tant que maire, membre d’une intercommunalité rurale regroupant 94 communes – pour la plupart, il s’agissait de petites villes –, pour un peu plus de 20 000 habitants.

Parallèlement au conseil de communauté, un conseil de développement réunissait élus, acteurs socio-économiques et associations. Cet organe avait le mérite de faire participer les citoyens, de les faire débattre.

Néanmoins, doit-on pour autant alourdir les instances ? Selon moi, il ne faut pas non plus tomber dans la « réunionite », même si je n’aime pas ce mot. Défendons la légitimité de nos élus de proximité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. À cette heure avancée de la soirée, je souhaite exprimer ma très grande satisfaction, et même mon plaisir. Pour moi, c’est une source de rajeunissement, peut-être même un bain de jouvence. (Sourires.)

Enfin, comme dans l’ancien monde, un bon vieux débat entre la gauche et la droite sur des questions essentielles, puisqu’elles relèvent à 100 % du symbole ! (Rires et applaudissements.)

Je veux rappeler de quoi nous parlons. Il s’agit d’un document que l’on appelle – c’est très joli ! – « pacte de gouvernance ». Ce document est très solennel, sauf que, nous avons tous oublié, moi le premier, au moment où nous nous enflammions dans ce débat essentiel, que ce pacte de gouvernance, malgré un nom qui annonce une ambition considérable, était un document facultatif ! (Rires.)

Aucune intercommunalité n’est et ne sera jamais obligée de conclure un pacte de gouvernance, Dieu merci d’ailleurs !

Il est heureux que le législateur, dans sa sagesse, ait tout de même défini ce que pourrait contenir un pacte de gouvernance. Sinon, nos collègues élus seraient sans doute bien ennuyés et risqueraient de perdre beaucoup de temps à le concevoir.

Il existe toute une énumération de ce que pourraient prévoir les pactes de gouvernance, et nos collègues du groupe socialiste et républicain ont voulu ajouter une énième question à aborder dans le pacte de gouvernance : celui-ci définirait les conditions dans lesquelles on pourrait associer les citoyens à la prise de décision.

Mme Éliane Assassi. Écoutez bien, à droite !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pour parler vulgairement, on dirait que cela ne mange pas de pain !

Cela étant, il n’est pas du tout dans mon intention d’abaisser le débat à un niveau que ne préfigurent pas les considérations très élevées que nous avons échangées pendant près d’une demi-heure sur cet aspect primordial du projet de loi présenté par le ministre chargé des collectivités territoriales.

L’article 23 du présent texte – ne pas en connaître le contenu est tout à fait pardonnable – comporte une mesure de simplification que, je l’espère, vous voterez : il tend à supprimer une instance qui était jusqu’ici obligatoire dans toutes les intercommunalités de plus de 20 000 habitants et qui s’appelait le conseil de développement.

M. Laurent Duplomb. C’est cela !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dans la loi NOTRe, cet organe était destiné à associer les forces vives de l’intercommunalité à la prise de décision.

M. Laurent Duplomb. Encore un machin !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Si les élus intercommunaux veulent mettre en place un conseil de développement, on ne peut pas les en empêcher.

Néanmoins, comme nous sommes favorables à davantage de liberté, on va cesser de rendre ce conseil de développement obligatoire. Cela pourrait même contribuer à faire des économies, parce que, dans la pratique, une intercommunalité de 20 000 habitants peut très bien réussir, sans conseil de développement, à associer les forces vives du territoire à son fonctionnement.

M. Loïc Hervé. Tout à fait !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En commission des lois, un certain nombre de collègues ont toutefois déploré que nous supprimions cette institution obligatoire qu’est le conseil de développement.

Nos rapporteurs se sont alors dit qu’il faudrait peut-être quelque peu édulcorer cette mesure. C’est la raison pour laquelle, moyennant une rectification qui vient d’être acceptée par les auteurs de l’amendement du groupe socialiste et républicain, ceux-ci ont estimé que, après tout, dans un souci d’équilibre, on pourrait tout aussi bien laisser passer cet amendement.

Puisque ce pacte de gouvernance est facultatif, peu importe ce que l’on prévoit d’y faire figurer de manière obligatoire. (Rires.)

En l’absence d’un véritable acte de foi en faveur de l’amendement, notre rapporteur a donc estimé, avec beaucoup de discernement, qu’il n’était pas impossible de le voter et vous a même recommandé de le faire.

Je voudrais joindre ma voix à la sienne par respect pour nos collègues et pour la bonne conduite de notre débat, qui suppose tout de même de prendre en compte les opinions et les convictions, exprimées parfois avec beaucoup de force et même assénées sur l’ensemble de nos travées.

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas obligés d’adhérer réellement à l’idée que cet amendement constitue un apport extraordinaire, mais il n’y a aucun mal à l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, bienvenue dans le nouveau monde ! (Sourires.)

Le 8 septembre 2019, votre collègue Muriel Pénicaud, interrogée sur BFM TV à propos de la nouvelle étape du quinquennat de M. Macron, reconnaissait que le Gouvernement avait appris des choses, qu’il fallait maintenant aller plus loin dans la démocratie participative, que l’on ne pouvait plus se contenter de donner un mandat à des élus, et que les citoyens voulaient contribuer davantage.

Par la suite, on nous a expliqué que le Gouvernement allait probablement prendre du temps pour mener à bien les réformes et que tout le monde aurait son mot à dire. C’est cette forme de démocratie moderne qu’il faut inventer !

Or, aujourd’hui, avec cet amendement, nous vous proposons d’améliorer la relation, aujourd’hui difficile, entre les citoyens et les intercommunalités. Ce lien de proximité est rarissime, et la plupart de nos concitoyens ont l’impression que ce qui se passe dans cette boîte noire leur échappe. Vous avez d’ailleurs constaté que les maires des petites communes eux-mêmes avaient parfois du mal à savoir ce qu’il s’y passait.

La moindre des choses est donc de s’interroger sur une forme de démocratisation de ces structures, au-delà de la seule démocratie représentative.

Comme vient de le dire M. Bas, le pacte de gouvernance n’est que facultatif. Aussi, menons au moins la bataille culturelle pour faire admettre que ces intercommunalités devraient être plus proches des citoyens ! Il faut essayer de mieux associer ces derniers aux décisions et de faire travailler élus et forces vives d’un territoire, quand il y en a, ensemble pour en améliorer le développement.

Puisque la commune n’est plus le seul échelon de l’action locale, cette démarche me paraît tout à fait logique ! On ne met pas en cause les maires dans cette affaire : c’est l’intercommunalité qui est en cause, parce qu’elle est trop éloignée des citoyens.

Affirmer qu’il est tout à fait normal d’associer les forces vives et les citoyens dans le cadre du pacte de gouvernance a du sens sur le plan culturel et politique, notamment au moment où l’on réfléchit à la gouvernance des intercommunalités.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout vient d’être dit par le président Bas.

S’agissant de cet amendement, et même si je ne change pas de point de vue, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 905 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 486 rectifié, présenté par MM. Lafon, Cadic, Capo-Canellas et Prince, Mme Goy-Chavent, MM. Canevet et L. Hervé, Mme Billon, MM. Moga et Delahaye et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le pacte de gouvernance précise également dans quelle mesure les députés et sénateurs, élus au conseil communautaire, sont associés aux instances de gouvernance.

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Cet amendement vise à faire en sorte que le pacte de gouvernance précise dans quelle mesure les députés et les sénateurs qui seront élus au conseil communautaire sont associés aux instances de gouvernance.

Il me semble nécessaire d’introduire une telle disposition dans la loi, probablement pour les mêmes raisons que celles qui nous ont obligés à créer une conférence des maires dans le texte.

Il devrait être évident qu’associer aux instances de gouvernance les parlementaires qui font le choix de lier leur mandat à celui de conseiller communautaire permet de mieux relayer, ici même au Parlement, les questions rencontrées dans les territoires. Toutefois, cela ne l’est pas forcément partout et tout le temps.

C’est pourquoi je propose de mettre un peu d’huile dans les rouages de cette loi sur le cumul des mandats et de faire en sorte que l’articulation nécessaire et indispensable entre le travail d’élu local et celui de parlementaire se joue plus simplement à travers les conseils communautaires.

Encore une fois, cette disposition peut paraître curieuse, mais elle est nécessaire au stade où nous en sommes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends bien le sens de votre proposition.

Les parlementaires que nous sommes se sentent sans doute de plus en plus « hors-sol », et il leur est parfois nécessaire de beaucoup s’impliquer localement pour pouvoir bien légiférer.

Toutefois, il me semble délicat d’introduire un tel dispositif dans la loi. En effet, les EPCI sont libres d’organiser les associations comme ils le souhaitent, notamment dans le cadre du pacte de gouvernance ; même si votre interpellation est utile, je préfère qu’ils le fassent dans ce cadre-là.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, faute de quoi j’y serais défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Lafon, l’amendement n° 486 rectifié est-il maintenu ?

M. Laurent Lafon. Malgré toute l’estime et l’amitié que je vous porte, madame le rapporteur, je prévois justement de le préciser dans le pacte de gouvernance. Comme le président de la commission des lois l’a indiqué tout à l’heure, ce pacte n’est pas obligatoire. Je ne vois donc pas ce qui nous empêche d’adopter cette disposition, bien au contraire.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 486 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 675 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ, Canevet, Decool et Lefèvre, Mme Ramond, MM. B. Fournier et Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Gremillet et H. Leroy, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer l’alinéa ainsi rédigé :

« …° Les règles de composition du bureau de l’établissement public de coopération intercommunale, notamment les conditions relatives à la représentation des différentes parties du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale et les dispositions permettant de tendre vers la parité entre les hommes et les femmes ;

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 675 rectifié et 676 rectifié.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 676 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mme Sollogoub, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ et Canevet, Mme Létard, MM. Decool et Lefèvre, Mme Ramond, M. Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Gremillet et H. Leroy, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les règles de fonctionnement du bureau de l’établissement public de coopération intercommunale ;

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Hervé Maurey. Pour lever toute d’ambiguïté, je précise que ces deux amendements visent à modifier le III de l’article 1er, c’est-à-dire une section qui énumère les questions facultatives qui peuvent être abordées dans un pacte de gouvernance qui, lui-même, est facultatif.

Avec ces amendements, nous sommes donc très loin d’imposer de nouvelles obligations. Je le dis dès maintenant au ministre, pour qu’il ne me soupçonne pas d’un tel dessein.

L’amendement n° 675 rectifié vise à introduire dans le pacte de gouvernance des règles relatives à la composition du bureau de l’établissement public de coopération intercommunale, notamment les conditions relatives à la représentation des différentes parties du territoire, ainsi que des dispositions permettant de tendre vers la parité. En effet, on peut observer que le bureau de certaines intercommunalités ne représente pas correctement les différentes parties du territoire, les différents secteurs ou les différentes villes.

En tout cas, les élus peuvent avoir ce sentiment. À cet égard, fixer des règles en la matière dans le pacte de gouvernance me semble un élément de bon fonctionnement et de paix entre les élus.

Il en va de même de la parité : on sait très bien qu’il n’est pas possible de mettre en place une parité absolue dans les bureaux dès lors que les conseils communautaires ne sont pas eux-mêmes composés de manière paritaire. Les règles pour tendre vers cette parité pourraient elles aussi être fixées dans le cadre du pacte de gouvernance.

L’amendement n° 676 rectifié vise à ce que le pacte de gouvernance puisse prévoir des règles sur le fonctionnement du bureau.

Alors que certaines intercommunalités ont adopté des règles prévoyant, sur certains sujets, des votes à la majorité qualifiée, des minorités de blocage, voire des droits de veto, l’adoption de cet amendement pourrait être un moyen de faciliter le fonctionnement de l’EPCI et de mettre un peu d’huile dans les rouages.

Tel est le sens de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les observations de notre collègue Hervé Maurey me paraissent justifiées.

Toutefois, pour résumer l’intervention brillante du président de la commission, je rappelle que le pacte de gouvernance est un document facultatif. Son adoption n’a rien de certain.

Compte tenu de cette nature facultative, il nous semble nécessaire de laisser la plus grande liberté dans la composition du bureau et l’organisation de la communauté de communes. Les intercommunalités doivent pouvoir décider en toute liberté des éléments qu’elles intègrent dans le pacte.

Par ailleurs, mon cher collègue, vos amendements posent une difficulté technique. En effet, nous avons prévu un délai de neuf mois pour l’adoption du pacte. Le bureau, quant à lui, aura été mis en place aussitôt après les élections. Il prendra donc déjà des décisions lors de l’adoption du pacte !

Pour cette question de calendrier, vos amendements me semblent impossibles à satisfaire.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux réagir à l’intervention brillante du président Philippe Bas.

Certes, le pacte de gouvernance est facultatif, mais, une fois que les élus ont décidé d’en adopter un, celui-ci peut, par définition, créer du droit, donc être opposable devant un juge administratif. J’ai l’impression que certains ici tendent à considérer que cet outil, étant facultatif, ne créera pas de droit une fois adopté. Non ! Une fois adopté, il devient opposable. Il convient donc de faire attention à ce que l’on y écrit.

Au-delà de ce que l’on peut penser des élus au fond – je ne reviens pas sur ce point, que j’ai évoqué tout à l’heure –, cela veut dire que, si ces dispositions ne sont pas respectées, un élu communautaire pourra saisir le tribunal administratif. Il faudra donc prendre garde aux dispositions trop floues ou, au contraire, trop précises, qui pourraient multiplier les contentieux.

Je trouve l’amendement n° 675 rectifié judicieux dans son esprit. Cela dit, comme Mme le rapporteur, j’estime que son dispositif pose problème sur le plan de la temporalité. En effet, la formation du bureau est le premier acte qui suit le renouvellement d’un conseil communautaire.

Je suis sensible à votre argument sur la pondération entre ruralité et ville-centre : cela m’évoque des situations très concrètes, que vous connaissez aussi bien que moi – Mme la sénatrice Nicole Duranton comprend elle aussi de quoi je parle.

Si le pacte de gouvernance définit des règles relatives à la composition du bureau après l’élection de celui-ci, je ne mesure pas bien quelles pourraient en être les conséquences en droit. L’élection pourrait-elle par exemple être attaquée si le pacte prévoit un poste de vice-président en moins ?

Avez-vous un avis à ce sujet, monsieur Maurey ? Quoi qu’il en soit, il ne faudrait pas créer de nouvelles faiblesses. Il y en a déjà suffisamment dans certains territoires !

Pour ce qui concerne l’amendement n° 676 rectifié, quelles sont les dispositions qui, selon vous, relèvent respectivement du règlement intérieur et du pacte de gouvernance ? En droit, le fait qu’une disposition du règlement intérieur ne soit pas satisfaite pourrait donner lieu à un contentieux sur le pacte de gouvernance.

Typiquement, les règles de fonctionnement du bureau de l’établissement public de coopération internationale relèvent plutôt, aujourd’hui, du champ du règlement intérieur. Les faire entrer dans celui du pacte de gouvernance ne serait pas sans effet sur le droit.

Si j’ai un a priori favorable sur les mesures que vous proposez, leur traduction juridique m’inspire de l’inquiétude. Comment pensez-vous que nous puissions statuer sans nous créer de difficultés ? Il ne faudrait pas fragiliser tout l’édifice.

Nous devons répondre à ces différentes interrogations.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très juste !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans l’attente de vos éclaircissements, monsieur le sénateur, l’avis du Gouvernement est défavorable. J’y insiste, cet avis n’est pas guidé par des raisons d’opportunité politique, car le compte y est sur ce plan. Le problème est juridique.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Premièrement, je suis conscient que fixer des règles relatives à la composition du bureau alors que celui-ci aura déjà été composé peut interpeller.

Dans mon esprit, ces règles s’appliqueraient évidemment pour l’avenir, c’est-à-dire pour le bureau qui serait élu ultérieurement. Il n’est pas question de refaire l’élection du bureau ou de fragiliser le bureau élu !

Deuxièmement, je ne vois pas pourquoi le pacte de gouvernance ne pourrait pas prévoir des règles de fonctionnement, notamment sur les modalités de vote. J’ai déposé ces amendements sur l’article 1er du projet de loi, relatif au pacte de gouvernance, parce qu’il n’y a pas dans le texte d’articles consacrés spécifiquement au règlement intérieur, mais il est vrai que les dispositions que je propose pourraient s’appliquer à l’un comme à l’autre de ces deux documents.

Cela dit, je veux bien retirer l’amendement n° 675 rectifié, en contrepartie d’un avis favorable sur l’amendement n° 676 rectifié… Faisons du troc, puisque nous sommes entre Normands ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Maurey, j’accepte votre troc, moyennant ce que j’ai dit tout à l’heure : ne prévoyons pas un délai de six mois pour l’établissement du règlement intérieur et un délai de neuf mois pour l’adoption du pacte de gouvernance – je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles nous avons retenu ce délai. Vous voyez que j’essaie, moi aussi, d’être cohérent !

Je vous propose donc que, dans le cadre de la navette parlementaire – sous-amender maintenant cette disposition retarderait nos travaux –, nous fassions coïncider les deux délais, en prévoyant également neuf mois pour l’élaboration règlement intérieur.

La correspondance des deux délais devrait écraser l’essentiel du risque juridique et éviter les contentieux.

J’accepte donc votre proposition, monsieur Maurey : si vous retirez l’amendement n° 675 rectifié, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement n° 676 rectifié.

M. Hervé Maurey. Je retire l’amendement n° 675 rectifié, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 675 rectifié est retiré.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, je veux tout de même mettre en garde contre un délai trop long pour l’adoption du règlement intérieur. Celui-ci détermine la police de l’assemblée ou encore les conditions du vote.

On en a besoin dès que l’assemblée se met en place ! Par conséquent, il ne faut pas différer son adoption. Le pacte de gouvernance, cela n’a rien à voir !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Je tiens à rassurer tout de suite M. le président Bas : il y a toujours un règlement intérieur pour régir le fonctionnement d’un conseil municipal, départemental ou régional ou encore d’un conseil communautaire. En effet, le document opposable est celui qui prévalait avant le renouvellement de l’assemblée.

Cela dit, j’y insiste, je ne suis pas opposé par principe à un délai de neuf mois. Je dis juste que le système ne peut fonctionner que si les deux délais sont les mêmes. Sinon, il est inévitable que le pacte de gouvernance contiendra des dispositions un peu différentes de celles du règlement intérieur !

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

M. Loïc Hervé. Bien sûr, je voterai l’amendement de mon collègue Hervé Maurey, dont je pense qu’il met le doigt sur quelque chose d’extrêmement important.

Jusqu’alors, les pactes de gouvernance, tels qu’ils étaient débattus et adoptés dans les conseils communautaires, lorsque l’exécutif l’avait décidé, constituaient du droit mou. Ces documents, ces référentiels n’avaient pas de valeur opposable.

Toutefois il me semble utile d’obtenir une précision. Le projet de loi fait du pacte de gouvernance un acte administratif, un acte créateur de droit. Dès lors, monsieur le ministre, que fait-on des dispositions des pactes qui ne sont pas juridiques ? Que fait-on des postulats de principe et des bons sentiments ?

Par ailleurs, qui dit acte administratif, dit contrôle de légalité. Quelles seront les directives données aux préfets de département sur le contrôle de ces actes, qui, par nature, seront élaborés sur mesure, cousus main, différenciés ? De fait, on ne trouvera pas de modèle de pacte de gouvernance, comme on peut trouver un modèle de règlement intérieur en examinant ce qu’a fait la commune d’à côté !

Alors que le mot « liberté » revient constamment ce soir, je m’interroge : comment les pactes de gouvernance, qui seront élaborés très librement, seront-ils soumis au contrôle de légalité des préfets ? Cela nous promet des débats juridiques intéressants avec les préfectures !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Je veux remercier M. le ministre de son alerte.

Nous avons déjà largement débattu de ce qui est librement consenti, facultatif ou obligatoire, de ce qui tient du symbole et de ce qui nécessite un accord.

Comme nous le redoutions avant de commencer l’examen de ce texte, on voit bien que les tentatives d’assouplissement risquent parfois de conduire à de mauvaises interprétations sur le terrain et d’ouvrir des zones floues, qui, finalement, mettront les élus en difficulté. Je pense qu’il nous importe à tous d’éviter de telles situations.

À l’instar de ce que vient de faire Loïc Hervé, certaines questions méritent d’être posées très concrètement.

Aussi, je ne suis pas certain que nous ayons tous les idées très claires sur ce qui, localement, produit du droit ou non. C’est la raison pour laquelle nous étions favorables à des dispositifs obligatoires : c’est peut-être un peu rigide, mais cela permet de savoir sur quelles bases nous pouvons nous appuyer.

Pour ce qui me concerne, je suis assez favorable à ce qui nous est proposé, à condition que nous allions jusqu’au bout de la logique et que nous soyons certains que les assouplissements dont nous serons amenés à débattre ne créent pas de difficultés supplémentaires pour les élus, qui pourraient finir par ne pas s’engager dans l’élaboration d’un pacte de gouvernance de peur que celui-ci ne produise des effets juridiques contraires à ceux qu’ils avaient souhaités.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. Je répondrai en droit, et uniquement en droit.

C’est très simple, un pacte de gouvernance – comme une association, dont la définition des statuts bénéficie, d’ailleurs – d’une très grande liberté, doit respecter la loi. Autrement dit, un pacte de gouvernance peut aller plus loin que la loi. Il peut être mieux-disant par rapport au droit positif.

Je veux vous donner un exemple très concret : un pacte de gouvernance qui exclurait une opposition légitime serait déféré lors du contrôle de légalité pour méconnaissance évidente des dispositions légales.

À l’inverse, une disposition d’un pacte de gouvernance qui prévoirait, par exemple, de donner plus de place à l’opposition serait légale, en ce qu’elle ne méconnaît pas les droits de l’opposition.

Je le répète, on ne peut pas parler tout le temps de liberté et refuser les adaptations.

Par définition, un pacte illégal au regard des lois ou de la jurisprudence sera déféré, mais un pacte plus favorable que la loi est possible. Cette disposition me semble de bon sens et protéger tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, vos propos m’inspirent trois remarques.

Premièrement, pour revenir sur ce qu’a dit Philippe Bas, s’il est vrai que le règlement intérieur précédent prévaut, ses dispositions peuvent être considérées comme non satisfaisantes, par exemple pour ce qui concerne la place donnée à l’opposition. Retarder à neuf mois l’adoption du nouveau règlement peut poser des problèmes pour la nouvelle majorité.

Deuxièmement, par leur niveau de détail, les dispositions de l’amendement n° 676 rectifié me semblent concerner davantage le règlement intérieur que le pacte de gouvernance, s’agissant notamment des modalités de vote.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué le caractère opposable du pacte de gouvernance. Je reviens sur notre proposition initiale : peut-être aurait-il été préférable de rendre ce document obligatoire. En effet, certains EPCI pourraient ne pas vouloir adopter de pacte de gouvernance par simple peur d’être attaqués sur la base des nouveaux droits créés, si des maires ne jouent pas le jeu du pacte.

Il me semble que nous sommes nous-mêmes en train de créer les conditions de situations très difficiles.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 676 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 442, présenté par MM. de Belenet, Patriat, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, la possibilité, par conventions de mise à disposition approuvées par délibérations concordantes du conseil municipal et de l’organe délibérant de l’établissement public, de placer, dans le ressort territorial d’une commune membre et pour l’exercice des compétences prévues au 3° et au 4° du II de l’article L. 5214-16 et au 1° et 5° du II de l’article L. 5216-5, des services de l’établissement public de coopération intercommunale sous l’autorité fonctionnelle du maire ;

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. L’alinéa 13 de l’article 1er prévoit la possibilité pour les EPCI à fiscalité propre de déléguer aux communes la création et la gestion de certains équipements ou services.

Cela ne nous pose absolument aucun problème. Ce qui nous trouble, c’est le renvoi, en fin d’alinéa, à une délégation généralisée.

À la possibilité ouverte sans aucune limitation à tous les EPCI à fiscalité propre de déléguer par voie de convention toute compétence à leurs communes membres, nous préférerons la rédaction initiale de l’article 1er, qui était circonscrite à deux champs de compétence : la construction, l’entretien et le fonctionnement d’équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire et d’équipements de l’enseignement préélémentaire et élémentaire d’intérêt communautaire.

L’amendement vise à revenir à cette rédaction. Si nous sommes favorables à un assouplissement, nous sommes plutôt défavorables à un mécanisme de portée trop générale – si générale qu’il a pu être qualifié, en commission, de « détricotage ».

M. le président. L’amendement n° 463, présenté par MM. Patriat, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 13, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. Cet amendement de repli a pour objet de supprimer la référence explicite à la délégation généralisée, sans revenir sur la réécriture de l’alinéa par la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cher collègue, permettez-moi de vous dire, avec toute l’estime que j’ai pour vous, que je suis quelque peu surprise.

Comme vous, j’écoute M. le ministre depuis de longues heures – souvent avec plaisir, du reste. De son discours, je retiens au moins les mots « liberté » et « sur mesure ».

Or l’amendement n° 442 tend à supprimer la possibilité pour les EPCI de déléguer leurs compétences à leurs communes membres dans le cadre du pacte de gouvernance.

Pour notre part, nous appelons de nos vœux une plus grande liberté, une prise en compte de la diversité des territoires et une mise en œuvre des compétences au bon niveau. Par conséquent, la rédaction de l’alinéa 13 me semble aller plutôt dans le bon sens et mériter plutôt l’assentiment général…

Pour ce qui concerne l’amendement n° 463, vous nous dites, fort aimablement, que nous faisons référence de manière inopportune à la délégation généralisée. Je ne vous en tiens pas rigueur, mais permettez-moi de vous dire, avec gentillesse et avec tout le respect et toute l’amitié que je vous porte, que votre amendement est tout aussi inopportun, puisqu’il vise à supprimer la référence à la disposition de l’article qui sécurise juridiquement les conditions de délégation.

La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. La délégation générale, telle qu’elle est rédigée, n’est pas qu’une source de sécurité juridique, loin s’en faut.

Sur ce point, je rejoins bien volontiers celles et ceux qui ont évoqué, dans le rôle de l’intercommunalité, la capacité à avoir un socle en partage.

Nous reviendrons sur ce qui doit être obligatoire ; il s’agit d’un autre débat.

Quoi qu’il en soit, la délégation générale marquerait également le début d’un nouveau calcul global de l’intégration fiscale, du CIF et des dotations d’intercommunalité pour l’ensemble des EPCI. Fixer cette règle en figeant le CIF et en renvoyant la réflexion sur ce sujet n’a pas beaucoup de sens. Je le dis en toute amitié !

Je rappelle que le président d’un EPCI peut déléguer au maire de la commune sur le territoire de laquelle se trouve un gymnase géré au niveau intercommunal le soin d’effectuer quelques menus travaux d’entretien sur cet équipement. Nous proposerons la possibilité d’une délégation pour l’eau et l’assainissement et à titre expérimental. En revanche, l’instauration de la délégation générale pour tous me semble mériter un long débat.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement de M. de Belenet, qui tend à rétablir la rédaction initiale du texte, dont l’esprit était de réintroduire un peu de proximité territoriale.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Avec beaucoup de gentillesse et d’amitié, mais aussi avec un soupçon d’agacement, sans doute lié à l’heure tardive, je vous indique, madame le rapporteur, que je maintiens évidemment mes amendements.

En effet, la liberté, ce n’est pas le grand bazar. Ce n’est pas le grand détricotage !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, je suis étonnée de la proposition que vous nous faites au travers de l’amendement n° 442 : celle-ci va à l’encontre d’une disposition qui a été votée pour les établissements publics territoriaux, les EPT, à l’occasion de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ÉLAN ». Soyons cohérents et justes.

Par ailleurs, la liberté est synonyme non pas de confusion, mais de responsabilité !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame le rapporteur, un EPT n’est pas un EPCI !

Les régimes qui leur sont applicables sont différents. Il en va de même des modes de calcul des cotisations.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Si !

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Vous faites erreur !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 442.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 463.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 485 rectifié, présenté par MM. Lafon et Cadic, Mme Guidez, M. Mizzon, Mme Morin-Desailly, MM. Capo-Canellas et Prince, Mme Goy-Chavent, MM. Canevet et L. Hervé, Mme Billon et MM. Moga et Delahaye, est ainsi libellé :

Alinéa 14, première phrase

Après les mots :

à fiscalité propre

insérer les mots :

et le président de l’établissement public territorial

La parole est à M. Laurent Lafon.

M. Laurent Lafon. Monsieur le président, je retire cet amendement, au bénéfice de l’amendement n° 491 rectifié ter, qui sera discuté à la fin de l’examen de l’article 1er.

M. le président. L’amendement n° 485 rectifié est retiré.

L’amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini, Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° L’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de leur territoire mentionné aux articles L. 5214-1, L. 5215-1 et L. 5216-1.

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans le texte que le pacte de gouvernance peut porter sur l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement du territoire de l’EPCI.

Un tel projet doit être un document stratégique fédérateur entre les communes et l’EPCI. Il doit exprimer une vision de l’EPCI sur les enjeux du territoire et développer la stratégie mise en œuvre pour y répondre.

L’objectif est double : d’une part, mobiliser l’EPCI autour d’une vision stratégique qui crée du sens pour l’ensemble des communes, donc susciter l’adhésion à un projet commun ; d’autre part, obtenir des engagements fermes de l’EPCI et travailler sur une stratégie qui puisse aboutir à une logique de veille sur sa bonne exécution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les EPCI peuvent déjà définir de tels projets de développement. Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire cette possibilité dans le pacte de gouvernance.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Même avis : retrait.

M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 217 rectifié est-il maintenu ?

M. Henri Cabanel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 217 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° La création de conférences territoriales des maires, dont la réunion au moins une fois par an permet de déterminer les enjeux du territoire et les objectifs de l’établissement public de coopération intercommunale pour y répondre. Les conférences territoriales des maires peuvent être consultées lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à réintroduire dans le texte la disposition selon laquelle le pacte de gouvernance peut prévoir la création de conférences territoriales des maires sur un périmètre infracommunautaire.

Ces réunions infracommunautaires auraient lieu au moins une fois par an, pour permettre un véritable débat sur les enjeux de territoire, ce que ne permet pas toujours le conseil communautaire, la détermination d’enjeux de territoire et d’objectifs à atteindre par l’EPCI et la consultation des maires sur certaines politiques de l’EPCI.

M. le président. L’amendement n° 749 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Savoldelli, Mmes Gréaume et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Cohen, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mmes Lienemann et Prunaud et M. Ouzoulias, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les conditions dans lesquelles l’établissement public de coopération territoriale à fiscalité propre peut créer des conférences territoriales des maires selon des périmètres de compétences qu’il détermine. Les conférences territoriales des maires peuvent être consultées lors de l’élaboration et de la mise en œuvre de politiques de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Les modalités de fonctionnement des conférences territoriales des maires sont déterminées par le règlement intérieur de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Nous souhaitons, par cet amendement, réinscrire la possibilité de créer, dans le pacte de gouvernance, de conférences territoriales des maires, instances distinctes du conseil des maires qui permettent à certaines des communes membres d’un même EPCI rencontrant des difficultés communes de travailler ensemble et d’être consultées lorsque l’EPCI veut mettre en œuvre des politiques les concernant.

Il nous paraît normal d’intégrer ces conférences territoriales aux options du pacte de gouvernance, puisqu’elles existent déjà dans de nombreux EPCI et qu’elles sont un outil utile au bon fonctionnement des intercommunalités et au respect des différences des communes qui composent celles-ci. Elles permettent également le rapprochement et le dialogue entre des communes partageant des caractéristiques communes.

Il existe, par exemple, au sein de la métropole de Lyon, neuf conférences territoriales des maires, qui réunissent les maires d’une partie du territoire, à côté de la conférence métropolitaine des maires, qui réunit, elle, l’ensemble des maires des communes membres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il est aujourd’hui tout à fait possible pour les EPCI de créer de telles conférences et de déterminer leurs modalités de fonctionnement. Les intégrer dans ce que peut prévoir le pacte n’apporte rien de plus en matière de droits.

L’inscription des conférences territoriales des maires dans le pacte de gouvernance relève de la liberté de chaque EPCI.

Ces amendements étant d’ores et déjà entièrement satisfaits, la commission en sollicite le retrait. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ces dispositions figuraient déjà plus ou moins dans le texte initial, mais elles en ont disparu ensuite.

Si leur adoption permet aux EPCI « XXL » d’avoir des approches de plus grande proximité, et dès lors qu’il n’y a rien d’obligatoire, je n’y suis pas opposé.

L’avis du Gouvernement est donc plutôt favorable.

M. le président. Monsieur Cabanel, l’amendement n° 76 rectifié est-il maintenu ?

M. Henri Cabanel. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° 749 rectifié est-il maintenu ?

Mme Michelle Gréaume. Oui, je le maintiens également, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 749 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 60 amendements au cours de la journée ; il en reste 712.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Discussion générale

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 9 octobre 2019 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la politique migratoire de la France et de l’Europe ;

Suite du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (procédure accélérée ; texte de la commission n° 13, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 9 octobre 2019, à zéro heure trente.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication