M. le président. La parole est à M. président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, je suis heureux de m’exprimer à cette tribune en qualité de président de la délégation aux collectivités territoriales. Je mesure le caractère exceptionnel de cette prise de parole, que je prends comme une reconnaissance du travail de notre délégation, dont l’un des traits est l’investissement dans une coconstruction souvent fructueuse avec l’exécutif.

Je veux saluer ici l’esprit de dialogue des ministres Jacqueline Gourault puis Sébastien Lecornu, avec lesquels nous avons travaillé très en amont du projet de loi. En effet, dès la finalisation du rapport de la délégation que nous avons présenté, en présence du président Larcher, en juillet 2018, des contacts ont eu lieu aux niveaux politique et administratif afin d’identifier très concrètement les pistes de mise en œuvre.

Nous avons pu mener ce travail préparatoire parce que nous nous sommes rapidement saisis du sujet, conformément au souhait exprimé par le président du Sénat dès la fin de 2017, alors que la crise des vocations s’amplifiait, que notre délégation conduise une réflexion sur les conditions d’exercice des mandats locaux.

Cette démarche s’est faite en dialogue avec le Gouvernement, certes, mais aussi, et d’abord, avec les élus locaux. Nous avons fondé nos recommandations sur une longue série d’auditions, sur l’échange étroit et constant avec les associations d’élus, mais aussi, à la base, sur une consultation nationale des élus locaux de France, qui a reçu plus de 17 000 réponses. Du jamais vu !

Ce travail a eu des effets concrets rapides pour les élus locaux, puisqu’un certain nombre de mesures réglementaires, avant même les projets de loi, ont mis en œuvre, chemin faisant, sans tarder, certaines de nos propositions, en matière de régime social, par exemple, afin de mieux diffuser l’information sur les conditions dans lesquelles les élus locaux ont la possibilité d’assurer sans sanction financière leur mandat pendant un congé de maladie. Quelques cas d’irritants s’étaient manifestés et, maintenant, un formulaire spécifique d’affiliation des élus locaux au régime général de sécurité sociale a été mis en place. De même, la prise en charge des frais d’hébergement des élus locaux, dans le cadre de leurs fonctions, a été améliorée.

Ces avancées sont certes insuffisantes, mais elles remédient à un certain nombre de difficultés ponctuelles, mais irritantes et injustes, signalées par les élus et leurs associations. Je forme le vœu que d’autres avancées suivent.

En parallèle, nous avons engagé une mission pour mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités. Sous une forme ou une autre, nous en trouvons l’écho dans ce texte dans le pacte de gouvernance, la conférence territoriale, le conseil des maires ou la meilleure association des conseils municipaux aux travaux des intercommunalités. Ces idées ont fait l’objet de propositions dans notre rapport, mais beaucoup les avaient déjà évoquées, notamment au sein des associations. Nous les avons mises en forme et en perspective.

J’ajoute que, dans notre esprit, il s’agit d’abord de bonnes pratiques à diffuser. Il faut sans doute éviter d’aller trop loin vers de nouvelles obligations normatives au risque de rigidifier le travail des élus. Il en faut, mais pas trop ! Autant dire que, sur ces points, l’esprit du texte ne nous semble pas opposé à nos propres recommandations. C’est la raison pour laquelle nos amendements s’inscrivent dans sa dynamique.

Je relève toutefois une exception, concernant la réécriture de l’article sur les modalités de fixation du taux maximal d’indemnisation des maires. Compte tenu des effets que ne manquerait pas d’avoir la mise en œuvre de ces modalités, qui pèserait avant tout sur les plus modestes des élus locaux, ceux des petites communes, je ne peux que m’associer à la volonté de la commission d’infléchir la rédaction du projet de loi sur ce point.

Je termine en saluant de nouveau le travail accompli par les collègues de notre délégation, toutes sensibilités confondues, en bonne intelligence avec les ministres et avec la commission des lois et je forme le vœu que cette convergence au service des élus locaux demeure à toutes les étapes du processus.

Puisse ce texte, après la crise de vocation que j’évoquais au début de mon propos, constituer un signal, certes modeste, mais net, de manière à permettre à un certain nombre de nos concitoyens, dans la perspective des prochaines élections municipales, de s’engager, dans la tradition des maires de France, ces fantassins de la proximité. Souhaitons qu’ils en aient l’envie et qu’ils se sentent soutenus, car, on le sait bien, le déclic est souvent psychologique. Il y a l’amour, mais il y a aussi les preuves d’amour ! C’est dans cet esprit que nous allons, je l’espère, construire ce texte qui n’est que le point de départ de réformes attendues. Il donnera le ton, à nous de jouer ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Motion d’ordre

M. le président. Je suis saisi par la commission des lois d’une demande d’examen séparé des amendements nos 384 rectifié, 431 rectifié, 270 rectifié et 751 rectifié à l’article 1er, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.

Cette demande légitime vise à permettre un débat clair, qui se déroule de la meilleure façon possible.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous citer, ce que je fais assez rarement.

Dans le dossier de presse de ce projet de loi Engagement et proximité, vous écrivez : « Ce texte comporte des mesures concrètes, qui repartent de la vie quotidienne des élus, pour leur donner des marges de décision sur le terrain […] et pour lever les freins à l’engagement ou au réengagement […] Objectif : clarifier le cadre d’exercice de leurs mandats alors que se multiplient les témoignages de maires qui ne veulent pas se représenter et qu’attirer de nouvelles personnes à l’engagement devient nécessaire. »

Comme tous les textes du Gouvernement, ce projet de loi est présenté comme très ambitieux, voire disruptif, conformément à votre manière habituelle de procéder.

Les objectifs que vous affichez sont louables et ne peuvent être que partagés. Néanmoins, le contexte est tout à fait particulier : une défiance s’est installée entre votre majorité et les territoires, qui s’est encore manifestée lors du congrès des régions à Bordeaux.

Sachez que ce désamour est toujours d’actualité ! Dans une enquête commandée par notre groupe et réalisée en coopération avec le Cevipof, 27 % des maires interrogés font confiance au Gouvernement pour la mise en œuvre des réformes locales, soit moins d’un tiers d’entre eux.

En tout état de cause, la première chose à faire est de vous féliciter de votre capacité d’adaptation puisque, en moins d’un an, nous sommes passés du hashtag #BalanceTonMaire au hashtag #CajoleTonÉlu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Si l’on était moqueur, ce dont vous ne pouvez me soupçonner, on ne pourrait que souligner l’heureux calendrier de ce projet de loi, qui, par le plus grand des hasards et parce qu’il est évidemment très utile, doit absolument être voté avant les élections municipales. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Chacun sait ici que cette coïncidence est purement fortuite et que les propositions qui nous sont faites témoignent avant tout d’un intérêt sincère…

M. François Bonhomme. Quoique récent !

M. Éric Kerrouche. … pour les maires et les élus locaux, intérêt que le Gouvernement tentera sans doute de prolonger jusqu’en septembre 2020.

M. Roger Karoutchi. Sûrement… (Nouvelles exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Kerrouche. Mais cela n’est que conjecture de ma part. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Monsieur le ministre, j’ai lu votre texte, je l’ai travaillé et je me suis demandé dans quelle mesure il répondait aux objectifs que vous affichez et que vous présentez comme étant de bon sens, ce qui est, comme chacun sait, la chose la moins bien partagée.

Je constate un écart entre la volonté que vous affichez et les dispositions que vous proposez. Pour le dire autrement, il me semble qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. Un texte parle aussi par ses manques ; nous y reviendrons.

Abordons d’abord le couple communes-communauté. Vous présentez parfois l’intercommunalité comme une entrave et vous l’instrumentalisez dans une volonté de séduction des élus locaux, suivis, en cela, par la majorité de droite.

La loi NOTRe a-t-elle été problématique à certains endroits ? La réponse est oui ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

A-t-elle suscité parfois un sentiment de dépossession ? La réponse est oui ! (Mêmes mouvements.)

Je suis un militant de l’intercommunalité, mais je constate qu’à certains endroits les élus peuvent se sentir perdus dans des grands ensembles. Faut-il alors corriger les périmètres « XXL » qui sont dysfonctionnels ? La réponse est encore oui, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Il est toujours important de corriger et d’évaluer les effets d’un texte, en particulier ses effets pervers. Mais à l’inverse, faut-il se contenter d’une réponse qui peut s’assimiler à une remise en cause, alors qu’il faut avant tout permettre aux spécificités territoriales de s’exprimer ? La réponse est non !

Votre texte veut faire du « cousu main », mais il ne prend pas les mesures nécessaires. À ce sujet, vous avez vous-même reconnu, lors de votre audition au Sénat, qu’il était difficile de savoir combien d’intercommunalités allaient être concernées possiblement par les scissions. Après les irritants, vous prenez le risque de provoquer de nouvelles allergies. Il est plus important de travailler à la démocratisation des intercommunalités qu’à leur remise en cause.

Faut-il prendre le risque de scission à un moment où les édifices se stabilisent ? Je ne le crois pas. À toutes fins utiles, je rappelle à tout le monde que l’avant-loi NOTRe n’était pas plus le paradis de l’intercommunalité que l’après-loi NOTRe n’est son enfer.

Je remarque juste qu’avant ce texte certains EPCI n’étaient pas en situation de mettre en place des politiques structurantes. C’est d’ailleurs probablement pour ce motif qu’une grande partie de cette assemblée – y compris à droite, bien que les intéressés aient tendance à l’oublier de manière fort opportune –, a voté le texte de la loi NOTRe. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Dans la version du Sénat !

M. Philippe Dallier. Je ne l’ai pas votée !

M. Jean-Pierre Sueur. Alors c’est le Saint-Esprit qui l’a votée ?

M. Éric Kerrouche. Vous l’aurez compris, si nous pouvons réfléchir à certains assouplissements correctifs, nous serons opposés à la remise en cause du couple communes-communauté. Comme le disait Pierre Mauroy, l’intercommunalité permet d’assurer un avenir à la commune. C’est bien aussi la solitude qui tue les petites communes.

Dans le même temps, nous avons un gouvernement « Janus », qui, avec ce texte, passe la main dans le dos des élus, mais qui se prépare dans le projet de loi de finances à remettre en cause les moyens dont ils disposent.

Vous me direz qu’il faut attendre de nouveaux textes, notamment le « 3D ». Je ne suis pas sûr que les effets spéciaux suffiront à combler les élus locaux. Bien entendu, s’agissant des dotations financières, vous me renverrez à la diminution des dotations du précédent quinquennat.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Oui !

M. Philippe Dallier. On s’en souvient bien !

M. Éric Kerrouche. Je vous rappellerai qu’elles ont été nécessaires essentiellement en raison des comptes publics, enfin, de ceux que nous avons trouvés en arrivant au pouvoir en 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Dallier. Chapeau, il fallait oser !

M. Éric Kerrouche. C’est pourtant une vérité !

M. Philippe Dallier. C’est la vôtre !

M. Éric Kerrouche. J’en viens à la démocratisation et à la parité. L’un des manques les plus criants concerne justement la démocratisation et la parité. Dans le texte initial, la logique indemnitaire que vous proposiez plaçait les élus devant un choix qu’ils ne pouvaient pas faire par manque de moyens.

Il s’avère que le statut des élus, qui devait être le pilier de ce texte, n’en est plus qu’un élément, et c’est regrettable. Des sujets utiles comme la formation et la reconversion professionnelle seront de nouveau traités, mais par le biais d’une ordonnance.

Monsieur le ministre, tout se passe comme si vous considériez que les élus forment un groupe homogène et qu’il ne fallait pas traiter différemment des situations qui sont différentes. Il le faut pourtant.

S’agissant enfin de la parité, vous évitez courageusement et avec détermination le sujet (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.), bien aidé en cela par une droite qui a toujours eu du mal à supporter la fin du patriarcat en politique, et qui, à l’Assemblée nationale, préfère payer 1,8 million d’euros plutôt que d’avoir plus de femmes élues. (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mais la démocratie est aussi attaquée quand le texte rend facultatifs les conseils de développement. À un moment où on demande plus de participation, vous enlevez l’un des rares outils qui permet justement que s’exprime la diversité sociale.

Pour conclure, monsieur le ministre, ce texte est-il mauvais ? Non, mais il n’est pas en phase avec les objectifs que vous avez vous-même affichés. À vrai dire je suis très sévère, parce que nous aurions aimé que vos annonces soient suivies d’effets aussi importants. Du grand débat sort malheureusement un trop petit texte, notamment au regard du statut de l’élu.

Il reste que, malgré ce jugement en demi-teinte, ce texte a le mérite de nous permettre de discuter tous ensemble de ces sujets. Certaines mesures seront utiles : je pense au pacte de gouvernance, à l’amélioration des prises en charge des frais de déplacement, éventuellement au vote des élus et aux améliorations apportées en commission des lois, notamment sur la représentativité des communes.

Comme le Petit Poucet, monsieur le ministre, nous ramasserons les cailloux qui nous semblent intéressants tout en faisant en sorte de proposer d’autres améliorations parce que, encore une fois, nous aurions souhaité que l’ambition initiale soit respectée. Nous tenterons donc, avec les amendements du groupe socialiste et républicain, de faire progresser encore ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en France, le maire est la pierre angulaire de notre culture républicaine, la clé de voûte de notre pacte social, le visage familier de notre quotidien. Il est l’élu préféré des Français.

Mais malheureusement, depuis 2015 et le vote de la loi NOTRe, nos élus locaux se sentent dépossédés de leurs compétences. Que ce soit au profit des plus grands ensembles ou du fait de complexités administratives, le premier édile a vu son champ d’action se réduire alors que les attentes des citoyens à l’égard de son action municipale se font de plus en plus exigeantes.

Les tensions exercées autour des budgets municipaux sont également sources d’inquiétudes. Malgré la prévision d’allocations compensatrices par le Gouvernement, l’avenir reste préoccupant pour nos maires : baisse de dotation globale de fonctionnement, suppression des contrats aidés, incertitudes quant à la suppression de la taxe d’habitation et quant à l’équilibre du dispositif compensatoire, non-application de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives prévue dans le projet de loi de finances pour 2020…

Comment en vouloir à nos maires d’être aussi interrogatifs ? Comment ne pas comprendre leur anxiété face à l’impossible équation de « faire mieux avec moins » ?

Face à ces multiples défis, je ne peux donc que saluer l’initiative du Gouvernement de présenter un projet de loi visant à revaloriser la fonction de maire et son rôle au sein du modèle communautaire, à faciliter l’exercice de son mandat, notamment en étendant son pouvoir de police, et à susciter de nouvelles vocations pour un engagement local.

Vous dire que ce texte était attendu, tant ici au Sénat, grand défenseur des collectivités territoriales, qu’au cœur de nos territoires, serait un euphémisme. Je regrette néanmoins qu’il manque de souffle pour l’avenir de notre modèle communal. J’espère donc que le Gouvernement sera sensible aux propositions formulées par le RDSE tout au long des débats pour remettre les maires au cœur de l’action, et la mairie, non pas au cœur du village – elle y est déjà –, mais au cœur de la République.

Concernant la place du maire au sein du modèle intercommunal, ce texte de loi généralise des pratiques qui sont en fait déjà instaurées dans une grande majorité d’intercommunalités. Pour aller plus loin dans le pacte de gouvernance, le RDSE a souhaité introduire des amendements permettant d’y aborder certains sujets cruciaux, comme le schéma de mutualisation des services et le renforcement des solidarités financières. Nous avons proposé, dès le travail en commission, d’inclure le partage de documents essentiels aux fins de favoriser une bonne circulation de l’information au sein de tout EPCI pour l’ensemble des conseillers municipaux, ces exemplaires devant pouvoir être consultables en mairie, faute parfois d’accès informatique ou de réseau.

Dans la version initiale du texte, le Gouvernement n’a pas souhaité aborder la question de la répartition des compétences. Malgré les frustrations générées par la loi NOTRe au sein de nos mairies, malgré l’objectif partagé de « conforter chaque maire dans son intercommunalité », seules les possibilités d’adaptation ou d’assouplissement sous contrôle de l’EPCI sont proposées. Il me paraît donc important de souligner le travail ambitieux mené par la commission des lois, sur l’initiative courageuse de ses rapporteurs, pour permettre un transfert de compétences à la carte.

Le texte du Sénat supprime également le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement dans les communautés de communes et les agglomérations, ce que prônait le RDSE. C’est dans ce même esprit que j’ai souhaité déposer un amendement visant à conditionner l’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal à un transfert volontaire et explicite de cette compétence « PLU » par la commune vers l’EPCI.

Concernant le pouvoir de police du maire, le RDSE a tenu à vous soumettre des propositions concrètes. Ainsi, pour les débits de boissons, l’amendement déposé complète votre dispositif de fermeture en prévoyant que le maire puisse émettre formellement un avis simple et consultatif sur le dossier de demande d’ouverture des débits de boissons sur sa commune.

Pour le défrichement, nous proposons aussi d’introduire un mécanisme d’information du maire.

S’agissant de la gestion des épaves de voitures, la proposition du rapporteur d’une astreinte pesant sur le propriétaire est évidemment la bienvenue, mais, lorsque le propriétaire est inconnu, les frais restent à la charge de la commune. C’est pourquoi il est crucial de donner à la DGFiP un accès direct au système d’immatriculation des véhicules, le SIV, lui permettant d’identifier rapidement le dernier propriétaire de la carte grise, allégeant ainsi la procédure de recouvrement au nom des communes.

Concernant la simplification du droit applicable aux élus, je tenais à vous remercier à cette tribune, monsieur le ministre, pour votre encouragement répété en faveur de ma proposition de loi visant au développement des médiateurs territoriaux dans nos collectivités. Intégré en commission à votre projet de loi, ce socle de médiation permettra, j’en suis persuadée, de faire prospérer un mode de règlement à l’amiable de conflits susceptible de faciliter ou de réinstaurer le dialogue entre les collectivités et leurs habitants. Il s’agit d’un outil de proximité, à l’image des élus locaux, au service du bien-vivre ensemble.

Étant convaincue des bienfaits de la médiation, vous ne serez pas étonné de me voir porter également des amendements de défense et de promotion de nos conseils de développement.

En conclusion, après cette scène 1, acte II des relations entre les collectivités territoriales, nous attendons avec impatience l’examen futur des textes annoncés par le Gouvernement sur la décentralisation et la différenciation, ainsi que sur la sécurité locale. Dans cette perspective, si notre groupe souhaite que le présent projet de loi Engagement et proximité soit une première pierre pour des textes plus refondateurs, il conditionnera son vote à l’adoption des amendements précités et au maintien des avancées introduites par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Bernard Buis et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je craignais que cette discussion générale ne soit une succession de propos consensuels, parfois lénifiants et assez unanimistes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Jamais au Sénat !

M. Arnaud de Belenet. Notre collègue socialiste m’a rassuré sur ce point : il y a malgré tout sur ce texte qui nous fédère quelques polémiques, quelques querelles partisanes. C’est sans doute la nécessité du débat démocratique !

À ce propos, permettez-moi de dire un mot de la démocratie. Nos démocraties connaissent depuis plus de vingt ans des transformations d’ampleur. Elles touchent aux clivages politiques, aux systèmes partisans, aux affiliations des électeurs et même à l’attachement aux libertés publiques.

Tout semble bouger, dans une accélération du temps qui donne le sentiment d’une grande incertitude quant à la marche du monde, et favorise une forme de populisme par nature liberticide.

L’horizon de l’idéal démocratique s’éloigne. Plus de 36 % des Français estiment qu’un autre système pourrait être aussi bon que celui de la démocratie. Les plus jeunes sont particulièrement favorables à une alternative à la démocratie.

Nos concitoyens consentent à se départir des libertés publiques parce qu’ils sont inquiets, sans doute, face aux mutations climatiques, économiques, mais plus profondément, parce qu’ils se pensent moins comme citoyens que comme individus, prêts à ce que la liberté de tous s’efface pour peu que la leur soit garantie sous une forme de droit à jouir d’objets variés, de temps de loisirs, d’informations digestes. Pierre Rosanvallon appelle cela « l’individualisme de singularité ».

Si la démocratie représentative est interrogée, je crois profondément en la démocratie territoriale, au plus près des besoins et des aspirations populaires, comme un moyen pertinent de convaincre nos compatriotes de se penser et d’agir en citoyens, comme un gage et un facteur de cohésion. Je voudrais remercier le Gouvernement de mettre la démocratie territoriale à l’honneur dans ce texte Engagement et proximité.

Dans le droit-fil de cette réflexion, les élus locaux sont et seront plus encore le rempart face à ce mouvement indicible que j’évoquais. Ils renouent et renoueront avec le collectif face à l’individu. Nous avons plus que jamais besoin d’eux.

Après avoir mis un terme à la baisse des dotations, stabilisé les moyens d’agir et stoppé les évolutions institutionnelles, le Gouvernement a souhaité les conforter dans leur rôle, consolider leur statut, clarifier leur environnement institutionnel.

Ce texte comporte des mesures concrètes pour redonner aux élus, en particulier aux maires, la capacité d’agir plus librement, plus efficacement, plus simplement au quotidien : meilleure gouvernance et information dans les intercommunalités, clarification des compétences dans le couple communes-intercommunalité, renforcement des pouvoirs de police du maire. Il comporte également des mesures pour lever les freins à l’engagement ou au réengagement : il s’agit des sujets d’indemnités, de formation, de prise en charge des frais de garde ou de protection fonctionnelle.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui procède en grande partie des travaux issus de notre assemblée, que ce soient des propositions de loi de nos collègues, de rapports issus de la commission des lois ou de rapports faits au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je pense notamment au rapport, trop rarement cité en commission ou à cette tribune, de nos collègues Patricia Schillinger et Antoine Lefèvre, intitulé Mieux associer les élus municipaux à la gouvernance des intercommunalités : valoriser les bonnes pratiques. Ce rapport a été une source d’inspiration.

Je salue le Gouvernement qui nourrit sa réflexion des travaux du Parlement. Notre assemblée a été invitée à renforcer et à enrichir ce projet de loi, et la commission des lois a pu apporter des modifications substantielles.

Les points de consensus sont nombreux. C’est le cas par exemple pour le renforcement des pouvoirs de police du maire.

Je me réjouis que notre amendement de suppression de l’article 42 de la loi NOTRe ait été adopté par la commission – il fallait qu’il le soit avant le 1er janvier puisque cet article supprimait les indemnités d’un certain nombre d’élus dans les syndicats.

Je me réjouis également que l’amendement visant à rehausser de 1 000 à 3 500 habitants le seuil de prise en charge par l’État des frais de garde ait été adopté par notre commission, dont je salue le président ainsi que les rapporteurs.

Quelques points restent toutefois à discuter dans les deux semaines qui viennent, et certainement dans la navette. Ainsi, le curseur de la relation communes-intercommunalité trouvera certainement un positionnement plus abouti au cours de nos travaux.

Je n’évoque pas les questions de l’eau et de l’assainissement, ni la problématique du transfert obligatoire, sur lesquelles nous reviendrons certainement.

Je m’étonne du recours très important à l’article 40 dans le cadre de l’examen de ce texte, notamment sur le sujet des indemnités, pour un amendement qui prévoyait un seuil plancher sur lequel le conseil municipal pouvait revenir.

À titre illustratif, je suis un peu plus circonspect quant à l’adoption d’un amendement, qui me semble de circonstance, visant à autoriser les élus locaux à poursuivre l’exercice de leurs fonctions pendant leur arrêt maladie sauf avis contraire de leur médecin. Pour paraître anecdotique, cela illustre une problématique à laquelle nous sommes confrontés. Ce faisant, la logique est inversée : faciliter l’exercice d’un mandat, oui, mais trouver des dispositifs dont la décence n’est pas immédiatement caractérisée me semble un risque à éviter.

En ce qui concerne la formation et l’aide à la reconversion des élus, la commission a accepté d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance tout en apportant des dispositions qui vont dans le bon sens, telles que la validation des acquis de l’expérience ou la possibilité pour le CNFPT de dispenser des formations aux élus.

J’espère que nous évoquerons également le principe d’une formation socle qui pourrait être similaire à celle des agents publics, et pas seulement en matière de police judiciaire, mais aussi la possibilité d’être accompagné dans la perspective d’une fin de mandat pour une nouvelle carrière, voire une reconversion en valorisant les expériences acquises, ou encore les congés de formation.

Enfin, s’agissant de la protection des élus, la commission a enrichi le texte initial tout en approuvant les mesures gouvernementales proposées. Je ne reviens pas dans le détail sur les dispositifs.

Pour conclure, je dirai que nous avons assisté jusqu’à maintenant à un travail collectif et constructif au sein de la commission des lois ; je ne doute pas que cet état d’esprit présidera à nos débats, dans l’intérêt des élus locaux dont nous sommes les représentants et, à travers eux, dans l’intérêt de notre démocratie, des libertés publiques et de l’efficacité de l’action publique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.)

(Mme Valérie Létard remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)