M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. L’amendement qui nous est proposé me semble déjà satisfait dans la mesure où, si l’activité réalisée en violation de la réglementation emporte des conséquences sur la santé des personnes, les chefs de blessures involontaires voire d’homicide involontaire sont déjà applicables. Le point de départ de la prescription se situe alors à l’apparition du dommage – la mort ou la blessure.

Le Gouvernement propose, en conséquence, le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Labbé, avez-vous été convaincu ? Retirez-vous l’amendement n° 2 rectifié bis ?

M. Joël Labbé. Pas du tout ! Si l’on écarte la question de la maladie, la modification pourrait se limiter à la seule introduction de la notion de risque futur, parce que celui-ci existe et ce sont les générations futures qui en paient le prix.

C’est pour cela que je me dois de maintenir cet amendement, en espérant que, cette fois, pour gagner du temps, nous soyons appelés à voter à main levée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 2 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 8 rectifié bis

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 90 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 110
Contre 229

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre et M. Gold, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 218-24 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de l’amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l’infraction, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Le droit pénal de l’environnement doit évoluer pour s’adapter aux conséquences graves que le comportement humain, surtout celui de certaines entreprises peu scrupuleuses, peut avoir sur l’environnement, donc sur les générations futures.

Le présent amendement vise à proportionner le montant de l’amende aux avantages tirés de la commission de l’infraction en matière de rejets de substances polluantes dans les eaux. L’amende serait calculée en fonction du chiffre d’affaires de la personne morale.

Je tiens à attirer votre attention sur les termes utilisés pour la définition de l’incrimination, ceux dont on nous reproche qu’ils ne seraient pas assez précis pour définir l’écocide, ainsi que sur le fait que la faute non intentionnelle est également retenue par le droit en vigueur.

Madame la rapporteure, en ce qui concerne le quantum des peines, vous estimez que les sanctions en vigueur sont dissuasives. Je soutiens le contraire, puisqu’on sanctionne plus aisément des pratiques commerciales trompeuses que des atteintes graves à l’environnement. Les simples arnaques, qui certes doivent être sévèrement punies, le sont ainsi davantage que des faits ayant un effet durable sur la biodiversité et la santé humaine. Notre droit prend donc le parti de renvoyer les responsabilités aux générations futures.

Mes chers collègues, nombreux sont les juristes qui donnent l’alerte sur l’inefficacité du droit pénal de l’environnement. Si la reconnaissance du préjudice écologique a constitué une grande avancée et si les sanctions semblent élevées, ce dispositif n’a pas été efficace pour certaines grandes entreprises qui polluent les mers ou procèdent à des forages et dont le chiffre d’affaires annuel peut atteindre la dizaine de milliards d’euros. Pour elles, ces condamnations ne représentent qu’un anodin accident de parcours, pour lequel, de surcroît, elles ont constitué des provisions.

Notre amendement vise à mettre en valeur un exemple de tout ce qui aurait pu être réalisé dans le cadre de cette proposition de loi, de ce que le législateur peut proposer pour revoir l’ensemble du code de l’environnement en vue d’adapter les sanctions aux réalités des dommages causés et au caractère lucratif des infractions environnementales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à augmenter le quantum des amendes encourues par des personnes morales en cas d’infraction relative aux rejets polluants des navires. Il s’agit de porter ces maxima à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers exercices connus à la date d’effet, l’amende étant fixée en proportion des avantages tirés de la commission de l’infraction.

Si une réflexion pour rendre les peines encourues par les personnes morales en matière d’infractions environnementales plus dissuasives semble intéressante, il paraît nécessaire de réfléchir à l’échelle des peines de manière globale et non en isolant tel ou tel type d’infractions.

Par ailleurs, en matière d’infractions relatives aux rejets polluants des navires, les amendes prévues par le code de l’environnement pour les personnes morales sont d’ores et déjà importantes, puisque leurs montants peuvent atteindre 75 millions d’euros pour les pollutions les plus graves. De plus, ces amendes peuvent être complétées par des dommages et intérêts très substantiels, notamment pour préjudice écologique, ce qui a nécessairement un effet dissuasif pour les entreprises.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur Labbé, votre amendement me semble vraiment intéressant : comme vous, je crois qu’il faut muscler le dispositif pénal du droit de l’environnement national, notamment en rendant les sanctions vraiment dissuasives.

Reste que certaines réserves doivent être émises sur votre proposition. D’abord, cette aggravation ne peut concerner que les personnes morales. Ensuite, il convient de tenir compte du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel en matière de quantum de peine, un contrôle qui porte sur l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. Ainsi, dans une décision de 2013, le Conseil constitutionnel a censuré la fixation d’un montant maximal de peine encourue dépourvu de lien avec l’infraction à laquelle il s’appliquait, parce qu’il était fondé sur le chiffre d’affaires.

Je tiens aussi à rappeler, après l’avoir signalé dans la discussion générale, que la mission confiée en janvier dernier par François de Rugy et Nicole Belloubet à l’Inspection générale de la justice et au Conseil général de l’environnement et du développement durable sur la politique pénale en matière environnementale de la France devrait rendre ses conclusions en septembre prochain.

Dans ces conditions, monsieur le sénateur, je propose que vous retiriez votre amendement et que nous travaillions sur cette question en liaison étroite, d’ici à la remise du rapport et au-delà.

M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 7 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Joël Labbé. Madame la secrétaire d’État, je vous fais confiance pour que nous travaillions ensemble en ce sens. Je retire donc mon amendement.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 7 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide
Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 9 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mmes Costes et N. Delattre, MM. Labbé et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez, Dantec et Gabouty, Mme Guillotin, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 20° de l’article 706-73 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« 20° Délit prévu par le code de l’environnement, lorsqu’il est connexe avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 19° du présent article ; ».

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Le présent amendement, dont nos collègues Josiane Costes et Nathalie Delattre sont à l’origine, vise à réaliser une évolution consensuelle à la suite du constat établi par les auteurs de la proposition de loi sur l’importance croissante de la criminalité environnementale dans les profits des réseaux de délinquance et de criminalité organisées.

Encore relativement méconnue, cette dimension de la criminalité organisée pourrait avoir, à terme, d’importantes incidences sur l’environnement mondial, mais également sur la qualité de vie et la santé des Français, de manière directe ou indirecte. Le sujet est d’ailleurs pris très au sérieux par Interpol, qui a adopté plusieurs résolutions depuis les années 1990 pour combattre ce phénomène dans toutes ses dimensions : criminalité liée à la pêche, criminalité forestière, criminalité liée à la pollution et aux espèces sauvages.

Afin de renforcer nos juridictions dans la lutte contre la criminalité environnementale, il est proposé de permettre à nos magistrats de disposer des moyens d’enquête et d’instruction prévus à l’article 706-73 du code de procédure pénale pour parvenir à sanctionner les délits prévus par le code de l’environnement.

Nous avons conscience que la rédaction actuelle du dispositif comporte quelques imperfections et pourrait être améliorée : d’une part, par le remplacement de l’expression : « lorsqu’il est connexe avec l’une des infractions précitées » par l’expression : « commis en bande organisée » ; d’autre part, par la suppression des septième et neuvième alinéas de l’article 706-73-1 du code pénal. Cela reviendrait non pas à écraser les dispositions déjà prévues à cet article, mais à renforcer davantage les moyens à disposition des magistrats dans les cas déjà prévus et à étendre le dispositif à tous les délits du code de l’environnement.

Ces évolutions nous paraissent absolument nécessaires pour nous prémunir contre une spécialisation des réseaux de criminalité organisée dans des activités non respectueuses de l’environnement, ce qu’on observe déjà chez certains de nos voisins européens, par exemple en matière de traitement des déchets.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement de nos collègues du groupe du RDSE vise à rendre la procédure relative à la délinquance organisée applicable à l’ensemble des délits prévus par le code de l’environnement, dès lors qu’ils sont connexes à un crime ou un délit commis en bande organisée.

Les enquêteurs et magistrats disposent de pouvoirs renforcés en matière de lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. Ils peuvent mettre en œuvre des techniques particulières de surveillance, d’infiltration, d’enquête sous pseudonyme, d’interception des correspondances et de sonorisation des véhicules, potentiellement attentatoires à la vie privée. De plus, des règles dérogatoires s’appliquent en matière de garde à vue comme de perquisition.

Il nous paraît hasardeux d’étendre, sans avoir procédé au préalable à une réflexion approfondie, le champ de ces techniques potentiellement très intrusives à des délits aussi nombreux et d’une gravité variable.

J’ajoute que certains délits environnementaux peuvent déjà donner lieu à l’utilisation de ces techniques d’enquête. En effet, l’article 706-73-1 du code de procédure pénale vise notamment les délits d’atteinte au patrimoine naturel et les délits de trafic de déchets, à condition qu’ils aient été commis en bande organisée.

L’adoption de l’amendement ferait disparaître cette dernière exigence, ce qui conduirait à appliquer des techniques et procédures propres à la délinquance organisée à des délits qui n’ont pas été commis en bande organisée. Cela ne nous paraît pas très cohérent.

Pour toutes ces raisons, la commission souhaite le retrait de l’amendement ; s’il est maintenu, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, je comprends tout à fait l’objectif de votre amendement. Néanmoins, il me paraît présenter un fort risque d’inconstitutionnalité. En effet, son adoption permettrait l’utilisation de techniques spéciales d’enquête comme les IMSI catchers, la sonorisation ou la captation de données informatiques pour les délits prévus par le code de l’environnement, dont certains ne sont sanctionnés que par une peine d’amende. Avis défavorable.

M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 8 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Je regrette, madame la secrétaire d’État, mais vous ne m’avez pas tout à fait convaincue, car, entre le délit individuel et celui commis en bande organisée, il y a ceux qui sont le fait de deux, trois ou quatre personnes, pour lesquels on pourrait peut-être recourir à certaines techniques spéciales. Je maintiens l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, il semblerait que nous allions procéder à un nouveau scrutin public. Or, si j’ai bien écouté les orateurs lors de la discussion générale, notre assemblée rejettera majoritairement cette proposition de loi lors du vote sur l’ensemble. Dès lors, tenir un vote solennel sur chaque amendement ne sert absolument à rien. Je propose que nous votions sur les amendements à main levée. (M. Éric Gold applaudit.)

M. le président. Mon cher collègue, vous avez raison en pratique, mais il se trouve que j’ai été saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Les Républicains. Si Mme Di Folco retire cette demande ainsi que les autres qui ont été déposées, nous pourrons procéder comme vous le proposez, mais tel n’est manifestement pas le cas. Nous allons donc poursuivre la mise aux voix par scrutin public.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je comprends très bien la demande de notre collègue visant à abréger les débats, mais je veux lui faire observer qu’il serait très difficile pour notre assemblée de rejeter le texte après avoir adopté tous les amendements. Il y a une exigence de cohérence.

Quant au scrutin public, il ne s’agit pas d’un vote solennel, mais d’un mode de votation qui permet à chacun d’entre nous de prendre ses responsabilités en exprimant son choix sur les amendements.

Comme l’ambition de cette proposition de loi est très importante – nous nous sommes rejoints, les uns et les autres, pour le reconnaître –, il me paraît normal que tous les membres de notre assemblée puissent s’exprimer au travers de ces scrutins publics demandés par le groupe Les Républicains.

Si donc je comprends l’aspect pratique de votre demande, mon cher collègue, je crois que les exigences de cohérence et de responsabilité nous imposent d’aller au bout de ce débat dans des conditions normales. Nous n’adopterions pas des amendements pour ensuite rejeter le texte.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

M. Jérôme Durain. Je me dois de faire observer qu’il s’agit là non pas de débats, mais de procédure.

Je partage tout à fait l’avis du président Bas : c’est un texte important, et il faut prendre ses responsabilités. En l’occurrence, la responsabilité de la majorité sénatoriale aurait consisté à être présente en nombre suffisant dans l’hémicycle pour pouvoir rejeter les amendements à main levée. Chers collègues de la majorité sénatoriale, si l’on considère que le texte est important, il est regrettable d’être aussi peu nombreux ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Pour notre part, nous sommes obligés de nous réfréner, alors que nous aurions beaucoup à dire, pour que notre assemblée puisse aller au bout du travail prévu ce soir. C’est un peu dommage.

M. le président. Mes chers collègues, il nous reste encore quarante-cinq minutes. En nous concentrant sur l’objet du texte, je pense que nous pourrons arriver à en achever l’examen.

Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 8 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide
Article 1er

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 91 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 111
Contre 230

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mmes Costes et N. Delattre, MM. Labbé et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez, Dantec et Gabouty, Mme Guillotin, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 3° de l’article 689-11 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les crimes et délits mentionnés à l’article 706-73 du présent code, lorsqu’ils sont accompagnés d’atteinte à l’environnement. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à instaurer une compétence extraterritoriale des juridictions françaises en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement, indépendamment de la création d’un crime d’écocide au sein du code pénal.

Comme le prévoit la Charte de l’environnement, « l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ». Il convient donc de doter nos institutions judiciaires des moyens de lutter contre les atteintes à ce patrimoine commun exploitées par des réseaux de délinquance et de criminalité organisées là où elles adviennent, dès lors qu’elles ont des répercussions sur la qualité de vie des générations de Français présentes et futures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent que les juridictions françaises soient compétentes pour juger les personnes résidant habituellement sur le territoire de la République qui auraient commis à l’étranger un crime ou un délit en bande organisée accompagné d’une atteinte à l’environnement.

Actuellement, des poursuites sont possibles pour des faits commis à l’étranger en cas de crime contre humanité ou de crime de guerre, à condition qu’aucune juridiction nationale ou internationale ne demande l’extradition de la personne suspectée.

Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, qui souhaitent affirmer la détermination de la France à lutter contre les atteintes à l’environnement, même lorsqu’elles sont commises à l’étranger. Néanmoins, je me dois de signaler les difficultés diplomatiques et pratiques qui résulteraient de l’adoption d’une telle disposition : la France pourrait se voir reprocher de s’ériger en « gendarme du monde » en enquêtant sur des faits commis à l’étranger, qui parfois ne seraient même pas susceptibles de poursuites selon la législation de l’État considéré.

Sans compter la difficulté de rassembler des preuves s’agissant de faits commis en dehors de notre territoire, par hypothèse dans des pays où l’État de droit est mal assuré – sans quoi l’État où les faits se sont produits s’en serait saisi lui-même.

Je crains donc que ce type de mesures ne suscite beaucoup d’attentes, difficiles à satisfaire.

En outre, la référence à des crimes ou délits « accompagnés d’atteintes à l’environnement » manque de précision. Cette formulation très générique risquerait d’ouvrir la voie à des difficultés d’interprétation.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur, je souscris à votre analyse sur la nécessité, que j’ai moi-même soulignée à plusieurs reprises, d’adopter une approche internationale des délits environnementaux. J’ai néanmoins deux réserves sur votre amendement.

D’abord, il ne semble pas conforme aux exigences de précision de la loi pénale.

Ensuite, pour que la compétence extraterritoriale française soit effective, il est nécessaire, comme le prévoit l’article 689 du code de procédure pénale, qu’elle soit adossée à une convention internationale reconnaissant les mêmes infractions. Une telle convention n’existant malheureusement pas, l’amendement n’est pas opérant. (M. le président de la commission des lois opine.)

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vient des cimes du Cantal, avec Josiane Costes, et des rivages de la Gironde, avec Nathalie Delattre… Comme ce sont elles qui l’ont proposé, je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 92 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 111
Contre 229

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 9 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi portant reconnaissance du crime d'écocide
Article 2

Article 1er

Après le livre II du code pénal, il est inséré un livre II bis ainsi rédigé :

« LIVRE II BIS

« DES CRIMES CONTRE LENVIRONNEMENT

« TITRE IER

« DE LÉCOCIDE

« Art. 230-1. – Constitue un écocide le fait, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population.

« L’écocide est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende.

« Art. 230-2. – La provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un écocide est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende si cette provocation a été suivie d’effet.

« Si la provocation n’a pas été suivie d’effet, les faits sont punis de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende.

« Art. 230-3. – La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l’un des crimes définis aux articles 230-1 et 230-2 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d’amende.

« TITRE II

« DISPOSITIONS COMMUNES

« Art. 240-1. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent également les peines suivantes :

« 1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues à l’article 131-26. Toutefois, le maximum de l’interdiction est porté à quinze ans ;

« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Toutefois, le maximum de l’interdiction temporaire est porté à dix ans ;

« 3° L’interdiction de séjour, selon les modalités prévues à l’article 131-31. Toutefois, le maximum de l’interdiction est porté à quinze ans ;

« 4° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition ;

« 5° L’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement.

« Art. 240-2. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 :

« 1° Les peines mentionnées à l’article 131-39 ;

« 2° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition. »

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Nous ne pouvons nier que la présente proposition de loi représente un pas majeur vers la reconnaissance des détériorations massives et durables infligées à la faune et à la flore par les activités humaines. Reste que, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, pour que de telles sanctions soient efficaces et effectives, elles devront à l’avenir devenir dissuasives à l’échelle supranationale, en s’incorporant dans les statuts de Rome de la Cour pénale internationale, la CPI.

Or pour qu’une telle introduction dans le droit pénal international soit possible, il semble nécessaire de trouver une qualification des crimes environnementaux susceptible de convenir à tous les États membres de la CPI.

En tant qu’historienne, je me suis interrogée sur la sémantique du terme « écocide ». S’agit-il du bon mot ? Celui-ci est-il adapté et proportionné ? Ne rappelle-t-il pas trop la notion de génocide, ce qui pourrait déplaire à certains États, comme l’Allemagne, déjà heurtée, ou l’Arménie ? Ne faut-il pas prendre en compte les sensibilités historiques des nations face à un terme si lourd de sens ? Une telle formule ne serait-elle pas considérée comme susceptible de desservir la lutte contre les préjudices environnementaux, en lui donnant le même seuil de gravité que le génocide ? Ne pourrait-on pas renommer l’écocide, comme Mme Cabanes l’a suggéré, crime contre la sûreté de la planète, expression moins connotée ?

J’ai pris en compte toutes ces considérations et suis finalement arrivée à la conclusion que l’écocide est entré dans le vocabulaire des associations et des experts. On ne peut pas aller contre le chemin parcouru par les mots, qui, comme des cailloux, roulent à leur rythme et font leur chemin.