M. Jérôme Bascher. Le projet de loi ne permet pas de réprimer certains comportements qui violent également nos valeurs d’égale dignité entre les hommes et les femmes.

Il s’agit, par exemple, des refus de serrer la main tendue des femmes, parce qu’elles sont femmes, de la part de certains hommes. Il s’agit également des refus de présence opposés aux femmes.

Mme Esther Benbassa. C’est ce que l’on appelle une caricature !

M. Jérôme Bascher. Le fait d’imposer dans l’espace public à une femme un certain comportement porte atteinte à sa dignité et doit également être réprimé.

Cet amendement, soyons clairs, vise à sanctionner des comportements sexistes arrivés dans notre pays par idéologie, par dérive sectaire, et qui sont de nature à rompre l’équilibre porté par ce texte, qui lutte – je le dis avec un peu d’humour – contre les « phallocrates paléolithiques », mais qui oublie le nouveau comportement sexiste que constitue le refus de la main tendue.

Mes chers collègues, nous ne devons plus accepter d’accommodements raisonnables avec tous ces comportements extrémistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.

Cependant, à titre personnel, si vous acceptiez de le rectifier pour supprimer le I et, au II, les mots « ou de tenter d’imposer » et « ou une tenue », je serais tentée de réviser ma position.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur, je ne puis, sans réagir, vous laisser dire qu’il y aurait des « accommodements raisonnables » dans la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Gouvernement lutte farouchement pour cette égalité, ainsi que pour le respect et l’émancipation des femmes, tout le temps et partout, que ce soit sur le territoire français ou à l’étranger, grâce à la diplomatie féministe qui est menée par le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, secondé par moi-même.

Pour revenir plus précisément à l’objet de votre amendement, le Gouvernement y est hostile, et cela pour deux raisons.

Tout d’abord, certaines des dispositions que vous évoquez ne relèvent pas, à notre sens, de la définition de l’outrage sexiste, tel que le groupe de travail a décidé de le caractériser.

Ensuite, d’autres dispositions de votre amendement sont satisfaites, puisque la définition large de l’outrage sexiste dans le projet de loi que le Gouvernement a présenté englobe toute situation jugée de nature à créer un climat humiliant, offensant, dégradant pour les femmes.

De toute évidence, de mon point de vue, refuser de serrer la main d’une femme crée ce caractère humiliant et dégradant, comme vous l’avez parfaitement relevé. À cet égard, nous considérons que cette partie de votre amendement est déjà incluse dans la définition de l’ouvrage sexiste.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Bascher, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?

M. Jérôme Bascher. Je reprends volontiers les recommandations de Mme la rapporteur, qui me conviennent parfaitement, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc d’un amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Bascher, Grosdidier, J.M. Boyer, Courtial, Meurant et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Lefèvre, Duplomb et Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. H. Leroy et Bonne, Mme Deromedi, MM. Houpert et Pointereau, Mme Thomas, M. Revet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Bories, MM. Bonhomme et Cambon et Mme Lherbier, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’imposer à une personne, dans l’espace public en raison de son sexe un comportement qui soit porte atteinte à sa dignité, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d’amende.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. La commission n’a, bien sûr, pas pu se réunir, donc elle ne peut pas émettre un avis formel sur cet amendement.

À titre personnel, je veux dire que le problème soulevé par notre collègue est bien réel. À partir du moment où son amendement est étroitement circonscrit à son objet même, je pense que nous devrions l’adopter. En tout cas, la commission s’en remettra à la sagesse du Sénat, puisqu’elle n’a pas délibéré.

J’ai pris conscience du problème que l’on rencontre dans les entreprises grâce à la présidente de la RATP, voilà deux ans : Mme Borne est venue voir le président de la commission des lois que j’étais pour lui exposer ses difficultés.

Elle m’a expliqué que, dans son entreprise, lors de certaines réunions de cadres – j’y insiste –, des hommes refusaient de serrer la main des femmes, pour des raisons qui leur appartenaient, qui sont forcément respectables, et que cela induisait dans les rapports de travail une atmosphère discriminante de sexisme proprement insupportable, créant, par conséquent, un problème pour le management, pardonnez-moi cet anglicisme, de l’entreprise elle-même.

Je crois que nous rendrions un grand service aux employeurs en posant que ces attitudes à l’évidence sexistes entrent dans la catégorie des comportements qui peuvent effectivement être poursuivis.

Je le répète, la commission, qui n’a pas délibéré, ne peut que s’en remettre à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je voterai cet amendement.

M. le président. Madame la secrétaire d’État, cette rectification change-t-elle l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Non, monsieur le président. Mon avis reste défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. J’aimerais que l’on m’aide à me prononcer, car je suis bien embarrassé.

Après la rectification, on ne parle plus de paroles, de gestes ou de refus de gestes, car le I de l’amendement a été supprimé. Désormais, on vise le fait d’imposer à une personne un comportement ou une tenue soit qui porte atteinte à sa dignité – on voit à peu près à quoi cela correspond –, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Or qu’est-ce qu’un comportement imposé qui crée une situation intimidante, hostile ou offensante ? L’auteur de l’amendement peut-il m’éclairer ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À ma connaissance, dans l’état actuel du droit, le fait que l’un de vos collègues refuse de vous serrer la main ne peut être qualifié d’infraction. Aujourd’hui, c’est tout à fait impossible. Alors que nous enquêtions sur les pratiques du monde HLM, des juristes interrogés sur cette question – j’ai conscience, monsieur le président de la commission, que le problème peut se poser – nous l’ont dit. Me confirmez-vous ce point, madame la secrétaire d’État ?

Ensuite, je tiens à dire que je partage l’avis de M. de Belenet. Je ne vois pas comment cette atteinte à la dignité va être caractérisée. Il y a des cas où c’est clair, mais, dans d’autres, c’est plus compliqué, car on voit bien que nous sommes dans une situation particulière. Cependant, la loi n’est pas là pour encourager des comportements qui relèvent plus des us et coutumes.

Serrer la main, ce n’est pas une loi de la République ; ce sont les us et coutumes de la société française. Je les partage et je suis choquée lorsque l’on ne les respecte pas, mais, je le répète, la loi n’est pas là pour être garante du maintien des us et coutumes. Soit la personne qui refuse de vous serrer la main ne dit rien, et il n’y a rien à faire, soit elle déclare qu’elle ne serre jamais la main à une femme, et l’on se retrouve alors dans une situation de discrimination sexiste.

Ces sujets sont assez compliqués, mais les lois dites « comportementales » ne me paraissent pas s’inscrire dans la tradition de la République française.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Ce débat ou, du moins, la façon dont il arrive en séance, au travers de cet amendement, me met quelque peu mal à l’aise.

Tout d’abord, avec toute l’amitié que j’ai pour Jérôme Bascher, qui est élu du même département que moi, je m’étonne qu’il n’ait déposé en tout et pour tout que deux amendements sur ce projet de loi…

M. Jérôme Bascher. J’étais là la nuit dernière !

Mme Laurence Rossignol. En somme, cher collègue, vous vous intéressez à ce texte, au point de vouloir l’amender, uniquement pour ce sujet précis. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Vous intervenez seulement pour écrire explicitement dans le projet de loi que l’outrage sexiste peut être utilisé pour sanctionner les hommes refusant de serrer la main des femmes pour des raisons religieuses, intégristes.

Ne vous y trompez pas, cher collègue, je considère, comme vous, que c’est effectivement un outrage sexiste que de refuser de serrer la main des femmes par principe. En revanche, il y a des gens qui ne veulent pas serrer la main d’une femme en particulier, ou d’un homme en particulier, parce qu’existent entre eux des malentendus. Il y a une différence qui est parfois difficile à cerner.

Nous nous étions tous posé la question : l’outrage sexiste peut-il servir à sanctionner ce genre de comportement ? Mme la secrétaire d’État vient de nous répondre, preuve que le Gouvernement se l’était posée aussi. Et elle a répondu par l’affirmative, dans les situations où il s’agit d’une attitude constante et principielle.

Dès lors que Mme la secrétaire d’État nous a dit que le texte, tel qu’il est rédigé, inclut ce type de comportement, et que les travaux parlementaires et l’intention du législateur sont censés éclairer le juge pour appliquer le texte, ne pourrions-nous pas en rester là ? Oui, l’outrage sexiste peut servir à sanctionner des hommes refusant de serrer la main de toutes les femmes.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. J’ai relu l’objet de cet amendement, qui semble tout de même assez étonnant.

D’abord, comme Mme Lienenman l’a souligné, il y a des sociétés dans lesquelles des personnes ultrareligieuses ne serrent pas la main des femmes. Je suis contre, mais je n’ai pas le pouvoir de changer les religions. Étant moi-même athée, on ne me comprendrait même pas.

Franchement, quand vous parlez de tenue, allez jusqu’au bout et mettez les mots : c’est pour le voile !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cette référence a été supprimée !

Mme Marie Mercier, rapporteur. On ne parle plus que de serrer la main !

Mme Esther Benbassa. Soit ! Cela m’étonne parfois, mais je connais des personnes qui ne serrent pas la main, donc je ne tends plus la mienne quand je les rencontre.

M. Jérôme Bascher. Quel renoncement !

Mme Esther Benbassa. On ne va pas pour autant qualifier cela d’outrage sexiste. (M. le président de la commission proteste.)

Ou alors, il faut entrer dans les détails et essayer de mettre en place une pédagogie générale auprès des juifs et des musulmans – je parle des orthodoxes de ces deux religions. Mais nous ne sommes pas là pour ça, me semble-t-il.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, comme vous parlez de faire de la pédagogie, je me permets d’appeler votre attention sur un point sémantique.

Qu’est-ce que le sexisme ? C’est traiter différemment et négativement une femme par rapport à un homme. La question, ici, n’est pas de savoir si telle personne a envie ou non de serrer la main à telle autre personne. Pour savoir si un acte est sexiste, qu’il s’agisse de l’agissement sexiste, tel qu’il est défini dans le code du travail, ou de l’outrage sexiste, tel que nous en proposons une définition dans ce projet de loi, il faut se demander si cette femme est traitée différemment parce qu’elle est une femme.

Mme Rossignol donnait tout à l’heure l’exemple d’une personne en froid avec une autre et qui ne lui serrait donc pas la main, qu’il s’agisse d’une femme ou un homme. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un outrage sexiste. En revanche, dire que l’on refuse d’adresser la parole, de serrer la main, de saluer ou de faire une réunion avec une femme, parce que celle-ci est une femme, c’est manifestement un comportement sexiste, qui est qualifié d’agissement sexiste lorsqu’il se produit au travail, ainsi que d’outrage sexiste, dès lors que vous aurez approuvé cette disposition et que cette loi sera promulguée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. On parle de faits de société, d’attitudes de certains en fonction de leur religion, et je suis choqué comme vous par ce type de comportements. Je pense qu’il y a une pédagogie à instaurer.

Cependant, n’oublions pas que nous sommes en train de voter une loi qui est censée être appliquée ensuite. Or, tel qu’il est rédigé, sans explications, je ne vois pas comment ce texte conduirait les procureurs et les magistrats à poursuivre et à condamner le fait de refuser de serrer la main.

Il faut rédiger cet amendement différemment. On ne peut pas jeter ainsi dans le code pénal des textes qui, ensuite, ne serviront strictement à rien. On se sera peut-être fait plaisir quelques instants, mais Mme Borne, si elle est un jour de nouveau directrice de la SNCF, pourra revenir voir le président de la commission des lois, qui n’aura toujours pas de bonne réponse à lui donner.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.) – (Exclamations attristées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Bascher, Grosdidier, J.M. Boyer, Courtial, Meurant et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Lefèvre et Pierre, Mmes Lanfranchi Dorgal et Deromedi, MM. Houpert et Pointereau, Mme Thomas, M. Revet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Bories et MM. Bonhomme et Cambon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Les sanctions applicables à l’outrage sexiste réprimé par le présent article sont également applicables au fait de méconnaître les dispositions de l’article L. 1142-2-1 du code du travail.

La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Il s’agit presque d’un amendement de cohérence. L’agissement sexiste est interdit par le code du travail, mais cette interdiction est dépourvue de sanctions.

Ce dispositif, issu de la loi Rebsamen de 2015, ne se trouve pas dans les parties du code du travail relatives aux harcèlements et aux discriminations, mais dans la partie relative aux inégalités professionnelles. Aussi, les sanctions applicables à ces dispositifs ne sont pas applicables aux agissements sexistes, pas plus, d’ailleurs, que celles qui sont applicables en cas de non-respect du principe d’égalité professionnelle.

Il s’agit donc de mettre en cohérence le code du travail avec les sanctions qui ont été prévues dans le texte dont nous discutons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, il n’est pas possible d’assortir de sanctions pénales l’interdiction posée par l’article L. 1142-2-1 du code du travail. En effet, cette interdiction, posée en des termes plus vagues et généraux que l’outrage sexiste, ne satisfait pas aux exigences constitutionnelles en matière de légalité des délits et des peines.

Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Même avis : le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Bascher, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. Jérôme Bascher. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 135

Articles additionnels après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du dernier alinéa de l’article 132-20 du code pénal est complétée par les mots : « ou la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes ».

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. L’article 132-20 du code pénal dispose que les amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, à l’exception des amendes forfaitaires, peuvent faire l’objet d’une majoration, dans la limite de 10 % de leur montant, perçue lors de leur recouvrement. Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes.

Cet amendement, porté par la Fondation des Femmes, a pour objet de proposer que cette « sur-amende », en matière de sanction pénalisant des violences sexuelles ou sexistes, aide à financer la lutte contre ces comportements, et ce par l’intermédiaire des associations qui luttent quotidiennement contre les violences faites aux femmes et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’idée est qu’en complément des subventions de l’État et des collectivités territoriales, c’est-à-dire de la solidarité nationale, les auteurs d’infractions condamnés puissent contribuer pécuniairement au financement des services gratuits dont bénéficient les personnes victimes, comme l’accompagnement par les associations à tous les stades de l’enquête, ce qui est possible depuis 2015.

La majoration des amendes affectée à l’aide aux victimes relève d’un système cohérent de contribution des auteurs d’infractions à l’aide aux victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le montant des sur-amendes, actuellement destiné à financer l’aide aux victimes, pourrait également financer la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes.

Cette disposition est avant tout cosmétique, puisque c’est une indication du législateur, et non un mécanisme budgétaire d’attribution des montants collectés. Allouer les ressources budgétaires dont il dispose est une prérogative de l’exécutif.

Aussi, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. L’article 132-20 du code pénal prévoit que les amendes prononcées en matière pénale peuvent faire l’objet d’une majoration, dans la limite de 10 %, perçue lors de leur recouvrement, pour financer l’aide aux victimes.

En l’occurrence, vous proposez de préciser que cette majoration financerait la lutte contre les violences sexuelles ou sexiste à travers le financement d’un certain nombre d’associations.

Nous pensons qu’il n’y a pas de raison de mentionner dans cet article général, qui s’applique à toutes les condamnations, quelle que soit la nature de l’infraction, tel ou tel type de victimes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 52 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 36 rectifié ter

M. le président. L’amendement n° 135, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Dans l’intitulé du paragraphe 4 de la section III du chapitre II du titre II du livre II, après le mot : « sexuelle », il est inséré les mots : « , de la captation d’images impudiques ».

2° Après l’article 222-32, il est inséré un article 222-32-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-32-1. – Constitue une captation d’images impudiques le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir ou tenter d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne.

« La captation d’image impudique est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

« Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende lorsque :

« 1° Les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Les faits sont commis sur un mineur ;

« 3° Les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 4° Les faits sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

« 5° Les faits sont commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

« 6° Des images ont été fixées, enregistrées ou transmises. »

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Cet amendement du Gouvernement est le fruit d’un certain nombre de concertations avec des actrices et des acteurs de terrain, ainsi qu’avec la chancellerie, des magistrates et des magistrats, des avocates et des avocats, qui nous ont indiqué se trouver parfois démunis, en matière de textes de loi, pour pouvoir sanctionner comme il se doit un phénomène appelé à l’étranger le upskirting, ce qui se traduit en français par le fait de prendre des photos sous les jupes des femmes à leur insu.

Manifestement, d’après les professionnels du droit, c’est là un phénomène croissant, notamment dans les transports en commun.

L’objet de cet amendement est de combler une lacune de notre droit pénal, qui a été relevée par les nombreux praticiens que j’évoquais, en permettant de réprimer les personnes qui, notamment dans les transports, utilisent leur téléphone portable ou de petites caméras pour filmer l’entrejambe de femmes, lorsque celles-ci sont assises ou debout, et en jupe.

Juridiquement, la qualification de ces faits est problématique, puisqu’il ne peut s’agir d’agressions sexuelles. En effet, il n’y a pas de contact direct entre l’auteur et la victime. Il n’y a pas non plus d’atteinte à la vie privée par captation d’images présentant un caractère sexuel, les faits se déroulant dans l’espace public. C’est ce qui est objecté, en général, lorsqu’il y a judiciarisation de tels agissements.

Par défaut, actuellement, dans la majorité des cas, ces faits sont poursuivis sous la qualification de violences. Toutefois, en droit, la violence suppose, a minima, un choc, et si la victime ne s’aperçoit de rien, le choc, même émotif, ne peut être caractérisé en droit.

Nous pensons qu’il convient de réprimer ces faits, qui peuvent également survenir lors d’essais dans une cabine d’essayage ou ailleurs, et qui peuvent aussi se dérouler sans enregistrement des images.

Avec Mme la garde des sceaux, nous proposons de créer un nouveau délit, dit « de captation d’images impudiques », qui constitue une sorte de complément inversé du délit d’exhibition sexuelle et qui serait inséré dans le code pénal juste après, avec les mêmes peines, c’est-à-dire un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, peines qui seront portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes.

Notre objectif, avec ce projet de loi, est de mieux condamner le spectre ou le continuum des violences sexistes et sexuelles et de combler les lacunes du droit relatives à des violences sexistes ou sexuelles, notamment en sanctionnant ces nouvelles formes de violence : le cyberharcèlement, le harcèlement de rue, la drogue du viol et, donc, le upskirting.

C’est ce que propose le Gouvernement au travers de cet amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 143, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 135

I. - Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 5

1° Remplacer la référence :

222-32

par la référence :

226-3

2° Remplacer la référence :

222-32-1

par la référence :

226-3-1

III. - Alinéa 6

1° Remplacer la référence :

222-32-1

par la référence :

226-3-1

2° Supprimer les mots :

Constitue une captation d’images impudiques

3° Supprimer les mots :

ou tenter d’apercevoir

4° Compléter cet alinéa par les mots :

est puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende

IV. - Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

V. - Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende :

VI. - Alinéas 9 à 13

Remplacer les mots :

Les faits

par les mots :

Lorsqu’ils

VI. - Alinéa 14

Après la référence :

insérer le mot :

Lorsque

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ce sous-amendement vise à améliorer la rédaction du délit proposée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 143.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 135, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 135
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 8 rectifié septies

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 222-33-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission des infractions listées à l’article 706-47 du code de procédure pénale est une circonstance aggravante applicable à chacune des infractions listées par l’article précité. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.