Sommaire

Présidence de M. Philippe Dallier

Secrétaires :

Mme Agnès Canayer, M. Yves Daudigny.

1. Procès-verbal

2. Modification de l’ordre du jour

3. Mise au point au sujet d’un vote

4. Lutte contre les violences sexuelles et sexistes. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels après l’article 2

Amendement n° 131 du Gouvernement et sous-amendement n° 140 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 106 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public n° 197.

Amendement n° 107 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 25 rectifié de Mme Martine Filleul. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 17 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Article 2 bis A

Amendement n° 101 de M. Arnaud de Belenet. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 bis B (supprimé)

Amendement n° 69 rectifié de M. Gérard Poadja. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Article 2 bis C – Adoption.

Articles additionnels après l’article 2 bis C

Amendements identiques nos 1 rectifié quater de M. Alain Milon et 13 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 141 de la commission. – Devenu sans objet.

Amendement n° 27 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Devenu sans objet.

Amendements identiques nos 2 rectifié quater de M. Alain Milon et 14 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 2 bis D

Amendement n° 142 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 2 bis D

Amendement n° 5 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 31 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 30 rectifié de Mme Victoire Jasmin. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 32 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 48 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Article 2 bis E (supprimé)

Amendements identiques nos 76 rectifié de Mme Annick Billon, 90 rectifié de Mme Françoise Laborde et 111 de Mme Laurence Cohen. – Rejet des trois amendements.

L’article demeure supprimé.

Article additionnel après l’article 2 bis E

Amendement n° 54 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2 bis (supprimé)

Amendements identiques nos 33 rectifié bis de Mme Marie-Pierre de la Gontrie, 77 rectifié bis de Mme Annick Billon, 91 rectifié de Mme Françoise Laborde et 112 de Mme Laurence Cohen. – Rejet des quatre amendements.

L’article demeure supprimé.

Articles additionnels après l’article 2 bis

Amendement n° 37 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 38 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 40 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Rejet par scrutin public n° 198.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

5. Questions d’actualité au Gouvernement

évasion de redoine faïd (i)

Mme Michèle Vullien ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.

immigration

M. Arnaud de Belenet; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

plan biodiversité

M. Joël Labbé ; M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Joël Labbé.

suppression de la référence à la sécurité sociale dans la constitution

Mme Éliane Assassi ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; Mme Éliane Assassi.

organisation du travail législatif

M. Patrick Kanner ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.

effondrement du marché des moteurs diesel

M. Alain Fouché ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances.

état des forces de sécurité

M. François Grosdidier ; Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. François Grosdidier.

surveillance de la zone économique maritime

M. Gérard Poadja ; Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

feuille de route pour l’économie circulaire

M. Frédéric Marchand ; Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

situation des hôpitaux et ehpad en période estivale

M. Michel Dagbert ; M. Christophe Castaner, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Dagbert.

service national universel

Mme Corinne Imbert ; Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées ; Mme Corinne Imbert.

évasion de redoine faïd (ii)

M. Antoine Lefèvre ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Antoine Lefèvre.

politique industrielle et projet novawood

M. Jean-François Husson ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Jean-François Husson.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

6. Décès d’un ancien sénateur

7. Mises au point au sujet de votes

8. Lutte contre les violences sexuelles et sexistes. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Article 3

Mme Annick Billon

Amendements identiques nos 41 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie, 114 rectifié de Mme Esther Benbassa et 132 du Gouvernement. – Rejet, par scrutin public n° 199, des trois amendements.

Amendement n° 133 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 3

Amendement n° 61 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 3 bis – Adoption.

Article additionnel après l’article 3 bis

Amendements identiques nos 63 rectifié de Mme Laurence Rossignol, 78 rectifié quater de Mme Annick Billon, 87 rectifié de Mme Françoise Laborde et 115 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Adoption des quatre amendements insérant un article additionnel.

Article 4

Mme Laurence Cohen

Amendements identiques nos 79 rectifié bis de Mme Annick Billon et 92 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet, par scrutin public n° 200, des deux amendements.

Amendement n° 10 rectifié bis de M. Jérôme Bascher. – Rectification.

Amendement n° 10 rectifié ter de M. Jérôme Bascher. – Adoption.

Amendement n° 9 rectifié de M. Jérôme Bascher. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 4

Amendement n° 52 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Amendement n° 135 du Gouvernement et sous-amendement n° 143 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement n° 36 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié septies de Mme Marta de Cidrac. – Retrait.

Amendement n° 99 rectifié bis de Mme Françoise Laborde. – Rectification.

Amendement n° 99 rectifié ter de Mme Françoise Laborde. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 6 rectifié bis de Mme Maryvonne Blondin, 7 rectifié sexies de Mme Marta de Cidrac, 81 rectifié bis de Mme Annick Billon, 93 rectifié de Mme Françoise Laborde et 108 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Adoption des cinq amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 100 rectifié bis de Mme Françoise Laborde. – Rejet.

Amendement n° 62 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet par scrutin public n° 201.

Amendements identiques nos 80 rectifié bis de Mme Annick Billon et 89 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 53 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.

Amendement n° 50 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Amendement n° 51 rectifié de Mme Claudine Lepage. – Rejet.

Article 4 bis (supprimé)

Amendement n° 45 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.

Article 4 ter – Adoption.

Articles additionnels après l’article 4 ter

Amendements identiques nos 64 rectifié de Mme Claudine Lepage et 88 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Rectification.

Amendements identiques nos 64 rectifié bis de Mme Claudine Lepage, 88 rectifié bis de Mme Françoise Laborde, 82 rectifié quinquies de Mme Annick Billon et 113 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Adoption des quatre amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 121 rectifié bis de Mme Esther Benbassa. – Retrait.

Amendement n° 117 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Retrait.

Amendement n° 118 rectifié ter de Mme Esther Benbassa. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 4 quater

Amendement n° 136 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 47 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 5 – Adoption.

Intitulé du projet de loi

Amendement n° 125 du Gouvernement. – Rejet.

Vote sur l’ensemble

Mme Marie-Pierre de la Gontrie

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Françoise Gatel

Mme Laurence Cohen

Mme Maryse Carrère

M. Arnaud de Belenet

M. Philippe Bas

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

Adoption, par scrutin public n° 202, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Philippe Dallier

vice-président

Secrétaires :

Mme Agnès Canayer,

M. Yves Daudigny.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 4 juillet 2018, le Gouvernement a demandé à ce que l’ordre du jour des séances à compter du jeudi 12 juillet soit modifié.

La discussion générale du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est avancée au lundi 16 juillet. La discussion de ce texte se poursuivra toute la semaine et pourra se prolonger les lundi 23 et mardi 24 juillet.

En conséquence, l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre les rodéos motorisés et la nouvelle lecture de la proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération, initialement prévus le mardi 24 juillet, sont décalés au jeudi 26 juillet.

L’ordre du jour résultant de l’ensemble de ces modifications est publié sur le site du Sénat.

Acte est donné de ces modifications.

3

Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, lors du scrutin n° 187, M. Alain Bertrand souhaitait voter contre.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Rappel au règlement (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 131

Lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (projet n° 487, texte de la commission n° 590, rapport n° 589, rapport d’information n° 574).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 2.

TITRE Ier (SUITE)

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

Chapitre II (suite)

Dispositions relatives à la répression des infractions sexuelles sur les mineurs

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 106 rectifié

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 131, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 222-24 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 15° Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. »

II. – L’article 222-28 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 11° Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. »

III. – L’article 222-30 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 8° Lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. »

IV. – Après l’article 222-30 du même code, il est inséré un article 222-30-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-30-1. – Le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

« Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. »

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit, d’une part, de faire de l’usage de la « drogue du violeur » une circonstance aggravante du viol et de l’agression sexuelle, d’autre part d’instituer un délit obstacle pour sanctionner l’administration, à l’insu d’une personne, d’une substance afin de commettre sur elle un viol ou une agression sexuelle.

L’utilisation par l’auteur d’un viol ou d’une agression sexuelle, pour parvenir à ses fins, d’une substance nuisible autrement appelée « drogue du viol » n’est pas prise en compte par le droit actuel.

Pourtant, la préméditation et la dangerosité pour la santé et la sécurité de la victime imposent de faire une circonstance aggravante de l’administration, à son insu, d’une substance afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes.

Un délit obstacle doit, par ailleurs, être institué pour sanctionner le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance, quelle qu’elle soit, de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle. Ces faits seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende et, s’ils sont commis sur un mineur de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable, de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

M. le président. Le sous-amendement n° 140, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 131

A. – Alinéa 10

Supprimer les mots :

ou de tenter d’administrer

B. – Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

– À l’article 222-31 du même code, la référence : « 222-30 » est remplacée par la référence : « 222-30-1 ».

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Ce sous-amendement rédactionnel vise à clarifier la disposition relative à la tentative de délit d’administration de substances de nature à altérer le discernement d’une victime.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le sous-amendement vise à clarifier cette disposition. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 131 ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Favorable !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je partage l’objectif du Gouvernement, mais je me demande si son amendement n’est pas satisfait par l’amendement n° 58 rectifié, que nous avons adopté hier, lequel prévoit des dispositions interprétatives de la violence, de la menace et de la surprise. Il inclut justement l’usage de cette drogue dite « drogue du violeur ». L’amendement du Gouvernement étant satisfait, ne doit-il pas être considéré comme n’ayant plus d’objet, ainsi que cela se produit parfois pour les miens ?…

À moins qu’il ne faille inverser les rôles et demander au Gouvernement de retirer son amendement pour soutenir en commission mixte paritaire l’amendement que nous avons adopté hier ? (Sourires.)

M. le président. Je vous trouve bien audacieuse, ce matin, ma chère collègue ! (Sourires.)

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’amendement du Gouvernement n’est pas satisfait par l’adoption du vôtre, ma chère collègue, car il s’agit ici de créer un délit autonome. (Mme Laurence Rossignol manifeste son incompréhension.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 140.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’amendement n° 131.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mme la rapporteur nous dit que l’amendement du Gouvernement ne tombe pas dans la mesure où il s’agit de créer un délit autonome. Mais de quoi parle-t-on ? Il me semble tout au contraire que c’est une circonstance. J’aimerais des explications plus détaillées de Mme la rapporteur pour comprendre comment le délit peut être autonome en l’occurrence.

M. le président. J’aime la précision : un amendement ne tombe pas parce qu’il serait satisfait, ma chère collègue !

Mme Laurence Rossignol. Cela fera jurisprudence… (Sourires.)

M. le président. Pourquoi pas ! (Nouveaux sourires.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Simplement, nous sommes soucieux du processus de fabrication de la loi, monsieur le président.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais si, monsieur Pillet !

Il serait problématique que cette disposition ne soit pas cohérente par rapport à celle que nous avons adoptée hier, d’où mon interrogation. Mais Mme la rapporteur ne semble voir aucune difficulté…

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je reformule.

Est ici visé le fait de donner de l’acide gamma-hydroxybutyrique, ou GHB, à une personne dans l’intention de la violer puisque l’article 222-30-1 serait ainsi rédigé : « Le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ». Il y a bien l’intention.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 131
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 107 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 106 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Collombat et Mme Prunaud, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 225-12-1 du code pénal, il est inséré un article 225-12-… ainsi rédigé :

« Art. 225-12-… – La prostitution doit être entendue comme tout acte de nature sexuelle réalisé, à titre personnel et exclusif, sur sa personne ou celle d’autrui, moyennant rémunération financière, matérielle ou en nature, ou en contrepartie de tout autre avantage, afin de satisfaire les désirs sexuels d’autrui. »

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Actuellement, il n’y a pas dans notre droit de définition légale de la prostitution. Seule la jurisprudence en a établi une il y a plus de vingt ans, qui précise que « la prostitution consiste à se prêter, moyennant rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ».

Or cette définition est aujourd’hui largement dépassée, ce qui nécessite non seulement de codifier dans notre droit une nouvelle définition, mais aussi de prévoir une définition qui prenne en compte les nouvelles formes de prostitution.

Je pense, bien sûr, aux sites internet – nous en avons parlé hier – qui mettent des femmes, voire de très jeunes filles, à disposition via des webcams. Je pense également aux petites annonces, à peine voilées, qui proposent différents « services », lesquels sont de la prostitution déguisée.

Face à ces pratiques, la définition de la prostitution n’est plus adaptée. Par exemple, dans le cas de l’utilisation d’une webcam, il n’y a aucun contact physique entre le client et les jeunes filles. Par conséquent, au sens strict du terme, cette pratique ne peut être considérée comme de la prostitution.

Mes chers collègues, à l’heure où nous parlons de violences sexuelles et sexistes, de protection des mineurs, il faut que nous ouvrions grand les yeux sur l’ampleur qu’est en train de prendre la prostitution des mineurs.

L’appât de l’argent facile met grandement en danger ces jeunes filles et ces jeunes garçons, qui ne réalisent pas toujours les impacts physiques et psychologiques de leurs actes. Soyons conscientes et conscients que cette prostitution des mineurs touche tous les milieux sociaux.

Alors que la France s’est dotée, il y a deux ans, d’une loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées pour pénaliser les clients, il est temps que notre Haute Assemblée puisse évaluer ce phénomène au travers d’une mission d’information.

La procureure générale de la cour d’appel de Paris vient d’alerter sur ces faits en très forte augmentation depuis 2014. Le préfet de mon département me l’a d’ailleurs confirmé la semaine dernière concernant le Val-de-Marne.

Selon l’association Agir contre la prostitution des enfants, ACPE, que j’ai eu l’occasion de rencontrer, 6 000 à 8 000 mineurs se prostituent en France, que ce soit dans les toilettes du collègue ou via internet.

Cet amendement est de nature à contribuer à la protection de l’enfance, car il permet de mieux appréhender la notion de prostitution et de mieux caractériser ainsi les infractions qui y sont associées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Une telle définition n’apparaît pas utile, a fortiori concernant des actes qui font l’objet d’une jurisprudence abondante depuis des années.

Les juridictions n’ont jamais eu aucun mal à définir la prostitution, même si nous savons que le phénomène augmente, en particulier chez les très jeunes filles, ce que nous déplorons. Le développement des nouvelles technologies a évidemment été pris en compte, comme pour tous les autres délits.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, je partage bien évidemment votre préoccupation. Néanmoins, pour les raisons juridiques invoquées par Mme la rapporteur, j’émets également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Le groupe socialiste et républicain votera cet amendement, en cohérence avec ce que nous avons déjà voté en 2016 dans le cadre de la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à lutter contre les « violences sexuelles et sexistes ». Même si les formes changent et si les conditions d’entrée en prostitution sont différentes, il s’agit bien ici d’une violence sexuelle et sexiste faite à des femmes et parfois des hommes.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. L’amendement déposé par notre collègue Laurence Cohen est utile. Le fait que la jurisprudence ait déjà eu l’occasion d’identifier ce qu’est la prostitution ne me paraît pas de nature à entamer l’efficacité de l’amendement.

Par ailleurs, cet amendement a toute sa place dans ce projet de loi : la prostitution est une violence sexuelle faite aux personnes prostituées, femmes, enfants, filles ou garçons.

La loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a posé les moyens de lutter contre l’usage et l’achat de services sexuels. Or nous constatons aujourd’hui un phénomène nouveau dans les violences sexuelles, qui nous est signalé par tous les services de police, je veux parler de l’augmentation spectaculaire de la prostitution des mineurs, qui a été multipliée par quatre au cours des deux ou trois dernières années. Il est important de dire à ces jeunes filles que, ce qu’elles font, c’est de la prostitution, car elles sont convaincues d’être dans le droit à disposer de leur corps et dans l’exercice d’une liberté sexuelle qui leur est due.

La mise en œuvre de la loi devrait être une priorité du Gouvernement et du ministère de l’intérieur, je pense en particulier à la formation des policiers. Il serait utile de mettre en place dans les préfectures des cellules d’accompagnement de parcours de sortie de la prostitution.

Voilà pourquoi, comme vient de le dire à l’instant Michelle Meunier, nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voterai cet amendement, car il est important. La réponse de Mme la rapporteur, reprise par le Gouvernement, est curieuse.

Il est vrai que l’on apprend en première année de droit que la jurisprudence est une source de droit, ainsi que la loi et la coutume. Sauf qu’il existe une infraction spécifique qui concerne la prostitution lorsque des mineurs sont concernés. Dans ce texte, il est très important, me semble-t-il, d’être extrêmement clair sur la nature de l’infraction visée.

À vrai dire, je ne comprends pas ce refus. L’amendement aurait le mérite, au-delà de la jurisprudence – certes, source de droit, mais elle peut changer –, d’inscrire clairement dans la loi ce qui est réprimé.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Je comprends le besoin d’accentuer la prophylaxie du code pénal. Néanmoins, cette pédagogie repose aussi sur le dispositif global, sur la formation, sur la pédagogie, sur la sensibilisation ; nous y reviendrons à l’article 2 bis A. Le dispositif de sensibilisation, de prise de conscience, existe donc dans le texte de loi et existera davantage en pratique.

En revanche, il y a un biais dans le raisonnement, même si j’adhère à la démarche de fond : les jeunes filles, qui sont l’objet principal de la préoccupation des auteurs de l’amendement, n’ont pas conscience qu’elles pratiquent la prostitution, qui est condamnée. Lorsqu’elles en prennent conscience, il est déjà trop tard. Je ne suis pas certain que nous atteignions l’objectif avec cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Dans cet hémicycle, nous avons longuement débattu de la prostitution les années précédentes. Or nous n’avons voté que la prohibition, et nous n’avons jamais pris de mesures pour orienter et accompagner les personnes prostituées ni pour éduquer les jeunes. Nous n’avons voté aucune mesure positive pour éviter que des personnes ne se prostituent. Pourquoi revenir de nouveau sur cette question puisque la pénalisation des clients a été décidée ici même, surtout si c’est de nouveau pour prohiber sans rien proposer de positif ?

Je m’abstiendrai donc sur cet amendement, comme d’autres personnes de mon groupe au sein duquel des divergences sont apparues sur cette question. La discussion de ce texte n’est pas le lieu adéquat pour rouvrir les débats sur la prostitution.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Exactement !

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je voterai cet amendement. Il n’est pas tant question de prohiber, même si c’est essentiel, que de protéger. Nous avons eu hier de longs débats sur la protection des mineurs. Ce projet de loi comporte des propositions, que j’approuve, sur les « raids numériques ». De nouvelles pratiques existent, il convient donc d’adapter la loi.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Je suis surprise par cette façon de faire la loi.

Lors des auditions que nous avons menées au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, des situations extrêmement difficiles ont pu être évoquées, et parfois des mots plus difficiles encore à entendre. Je suis d’autant plus étonnée devant les mesurettes qui nous sont soumises et surtout devant la manière restrictive avec laquelle sont accueillies les vraies propositions, comme celles de Mme Cohen.

Je ne comprends pas que l’on écarte d’un revers de la main tout ce qui pourrait faire évoluer les choses. Il s’agit tout de même de violences sexuelles et sexistes ! Pour améliorer les dispositifs, il est essentiel de tenir compte de nos propositions. À quoi bon légiférer de nouveau si vous ne voulez ni entendre ni comprendre ?

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Cet amendement vise à préciser ce qu’est la prostitution. Effectivement, madame la rapporteur, il existe une jurisprudence, mais on m’a toujours dit que ce qui allait sans dire allait mieux en le disant… Pour moi, ce serait encore mieux en l’écrivant dans la loi !

Par ailleurs, je relève, et c’est important pour les cours d’assises qui seront saisies de ces faits, qu’il est question dans cet amendement non plus de « besoins sexuels », mais de « désirs sexuels » : les prédateurs ont des désirs, pas des besoins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 106 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 25 rectifié

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 197 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l’adoption 101
Contre 211

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 107 rectifié, présenté par Mme Cohen, M. Collombat et Mme Prunaud, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 225-5 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « quiconque » est remplacé par les mots : « toute personne physique ou morale, ou tout prestataire de services » ;

2° Au 2°, les mots : « d’en partager » sont remplacés par les mots : « de partager ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur le sort de cet amendement, qui s’inscrit dans la continuité du précédent. Il vise également à faire évoluer une définition pour l’actualiser, celle du proxénétisme. J’insiste, il s’agit d’une définition et non de mesures draconiennes, comme certains collègues le laissent entendre…

À l’heure actuelle, l’article 225-5 du code pénal est ainsi rédigé : « Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :

« 1° D’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ;

« 2° De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ;

« 3° D’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire. »

Je propose de remplacer le terme « quiconque » par « toute personne physique ou morale, ou tout prestataire de services ». Comme je l’ai expliqué précédemment, les nouvelles formes prostitutionnelles, notamment via internet, nous invitent à être plus précis pour être plus efficaces dans la répression. Cela aiderait également les services de police et de gendarmerie, qui nous ont alertés sur leurs difficultés lorsque la prostitution passe par internet.

Ainsi, avec cette nouvelle rédaction, la notion de proxénète sera élargie aux prestataires de services, aux hébergeurs. Je pense répondre ici à une préoccupation que nous avons tous et toutes.

Même si l’un de ces sites les plus connus vient récemment de fermer sa rubrique « Rencontres » suite à l’enquête dont il a fait l’objet pour proxénétisme aggravé, ne soyons pas dupes : d’autres ouvriront. Il me paraît donc essentiel de poser clairement l’illégalité de telles activités commerciales au moyen d’une définition large permettant d’introduire la responsabilité pénale des acteurs d’internet.

Ces sites ont un véritable pouvoir de nuisance et nous devons nous montrer vigilants. Les femmes et les mineurs sont les premières victimes de la prostitution. Cet amendement va donc tout à fait dans le sens du projet de loi défendu par le Gouvernement et de la loi que nous avions votée il y a deux ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous avons le même objectif, mais cet amendement est satisfait par le droit actuel. Le mot « quiconque » inclut toutes les personnes physiques ou morales. Les articles 225-5 à 225-12 prévoient déjà la responsabilité des personnes morales, comme le démontrent les dispositions de l’article 225-12 du code pénal.

De surcroît, la notion de « prestataire de services » est déjà incluse dans la notion de « personnes morales ». Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Nous partageons la préoccupation des auteurs de cet amendement, mais celui-ci semble satisfait par le droit.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je prends bonne note de vos remarques, et je vous en remercie, madame la rapporteur, madame la secrétaire d’État. Je retire cet amendement, qui m’aura toutefois permis de redire nos préoccupations.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 107 rectifié
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié

M. le président. L’amendement n° 107 rectifié est retiré.

L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mmes M. Filleul, de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « d’un mineur victime » sont remplacés par les mots : « d’une victime » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « du mineur » sont remplacés par les mots : « de la victime ».

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Seulement 11 % des victimes d’agressions sexuelles et de viols déposent plainte et 82 % d’entre elles disent ressentir un profond malaise en accomplissant cette démarche. Ces chiffres montrent combien entamer des démarches juridiques dans ce cadre est un processus douloureux, long ; il importe que nous intervenions pour aider et accompagner ces victimes.

Ce sujet a d’ailleurs déjà été évoqué, en particulier par le président de la commission, pour ce qui est de la formation des agents, de l’accueil dans des locaux réservés à cet usage. Au travers de cet amendement, nous proposons plutôt d’alléger le processus en étendant le champ de l’enregistrement audiovisuel de l’audition, actuellement prévu pour les seules personnes mineures. Cette disposition permettrait d’épargner aux victimes le traumatisme lié à la multiplication des auditions, qui les force à revivre en la décrivant l’agression dont elles ont fait l’objet.

L’enregistrement audiovisuel permet par ailleurs d’apprécier des éléments non verbalisés de l’audition – attitude, silences, mimiques –, qui peuvent être déterminants pour la compréhension et l’interprétation des réponses de la victime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il serait extraordinairement intéressant de pouvoir enregistrer les auditions, et nous partageons vos préoccupations. C’est une excellente idée, mais, malheureusement, la police n’a absolument pas les moyens d’assumer une telle obligation. Vous me direz que ce n’est pas une raison ; eh bien si, c’en est une, car si nous adoptons votre proposition, il y aura un risque de nullité de toute la procédure lorsqu’il ne sera possible de procéder à l’enregistrement. Les policiers devront justifier chaque impossibilité matérielle en établissant un procès-verbal qui décrira la situation. Alors que nous essayons d’alléger leur tâche, ne leur imposons pas cette nouvelle obligation.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable, bien que je partage complètement votre préoccupation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Cette procédure est systématisée pour les mineurs en raison de leur particulière vulnérabilité et de leur situation spécifique.

Pour les raisons évoquées par Mme la rapporteur, l’avis du Gouvernement est défavorable. Permettez-moi cependant vous donner mon sentiment personnel.

Vous l’avez dit, madame la sénatrice, très peu de victimes vont jusqu’à déposer plainte. Mes nombreux échanges avec des victimes, les associations qui les représentent et les forces de l’ordre me conduisent à affirmer qu’il faut inciter les victimes non seulement à se rendre au commissariat, mais aussi à ne pas en partir avant d’avoir déposé plainte. En effet, trop souvent, la victime qui trouve le courage d’aller au commissariat le quitte prématurément parce qu’elle ne se sent pas à l’aise, à cause d’une parole, d’un regard, parce qu’elle n’est pas dans un état physique ou psychologique lui permettant de parler à ce moment-là, parce que l’endroit n’est pas accueillant ou parce que la procédure est trop longue.

Le départ de la victime du commissariat peut être causé par un détail, une formalité, une question de trop. L’adoption de votre proposition, madame la sénatrice, risquerait à mon avis d’avoir un effet pervers, en décourageant les victimes d’aller jusqu’au dépôt de plainte. L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. Je comprends qu’il puisse être difficile aux forces de police et de gendarmerie de réserver un local à l’accueil et à l’écoute des victimes, mais on observe, dans chaque département, des innovations en la matière. Ainsi, des conventions passées entre les forces de police ou de gendarmerie, la justice, les hôpitaux, les associations et le service de la protection de l’enfance permettent de créer un lieu unique dédié à l’accueil des victimes et à l’enregistrement de leur témoignage, que ce soit à l’hôpital, dans les locaux du conseil départemental ou ailleurs. Le témoignage enregistré, recueilli une fois pour toutes, est ensuite utilisé tout au long de la procédure.

Un lieu d’accueil adapté peut être institué pour favoriser les dépôts de plainte. Il faut pour cela que tous les acteurs se mettent autour d’une table et le décident. C’est une question de volonté politique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 25 rectifié
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Article 2 bis A (Texte non modifié par la commission)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes Lepage, Rossignol, Monier, Blondin, Jasmin, M. Filleul, Meunier, Conway-Mouret, Ghali et Guillemot, MM. Cabanel, Antiste, Mazuir, Duran et Madrelle, Mme Tocqueville et M. Devinaz, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la mise en place d’une chambre spécialisée dans le jugement des infractions sexuelles au sein de tous les tribunaux de grande instance.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Cet amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport évaluant l’impact de la mise en place d’une chambre spécialisée pour juger des infractions sexuelles, conformément aux recommandations du rapport d’information de la commission des lois intitulé « Protéger les mineurs victimes d’infractions sexuelles », ainsi qu’à celles du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

La formation des magistrats sur les questions de violence est essentielle pour le traitement judiciaire des violences sexuelles sur les mineurs ou sur les majeurs. Lors de votre audition au Sénat, madame la secrétaire d’État, vous aviez indiqué que seulement 1 % des violences sexuelles faisaient l’objet d’une condamnation. Toutes les étapes du parcours d’une victime de violences doivent faire l’objet d’une attention particulière : le stade de la décision de justice ne doit pas échapper à notre vigilance.

L’objet de cet amendement est donc de prévoir un rapport évaluant les conséquences de la mise en place d’une chambre spécialisée au sein des tribunaux de grande instance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Les demandes de rapport au Gouvernement ne sont pas très utiles, parce que les rapports ne sont jamais remis.

Ainsi, aucun des dix-sept rapports que le Gouvernement aurait dû remettre au Parlement en application des lois promulguées au cours de la session parlementaire 2016-2017 dont la commission des lois avait été saisie au fond n’a été remis dans le délai imparti. Cela témoigne de l’inanité des dispositions tendant à prévoir la remise de rapports !

Sur le fond, la création de chambres spécialisées est une bonne idée, et il convient de l’encourager là où elle est possible. Mais, là encore, soyons réalistes : la plupart des tribunaux ne disposent pas de magistrats et de greffiers en nombre suffisant et ne sont pas saisis d’une masse de contentieux en la matière suffisamment critique pour que puisse être organisée une telle spécialisation du contentieux.

De surcroît, la commission des lois n’a jamais recommandé la délivrance d’un rapport évaluant l’impact de la mise en place de chambres spécialisées pour juger des violences sexuelles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. J’ai la même position de principe que la commission pour ce qui concerne les demandes de rapport.

Sur le fond, le projet de loi de programmation pour la justice qui sera présenté par le Gouvernement prévoit l’expérimentation d’un tribunal criminel composé de cinq magistrats qui jugera en première instance, à la place de la cour d’assises, les crimes punis de quinze ou de vingt ans de réclusion, donc notamment les viols et les viols commis sur mineur. La création de cette nouvelle juridiction permettra de poursuivre plus simplement des faits qui sont aujourd’hui trop souvent correctionnalisés en raison de la lourdeur de la procédure devant la cour d’assises.

Par ailleurs, pour ce qui concerne le jugement des délits, agressions et atteintes à caractère sexuel, le volume des affaires de cette nature dont sont saisies les petites juridictions, qui sont les plus nombreuses, n’est pas suffisant pour permettre la création de chambres spécialisées.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’aimerais comprendre la position de la rapporteur. Je ne suis parlementaire que depuis quelques mois, mais il ne m’a pas échappé que députés et sénateurs souhaiteraient avoir davantage de moyens de suivre l’action gouvernementale et l’application des lois. Or, selon Mme la rapporteur, il serait inutile de demander la remise d’un rapport. Je suis en désaccord avec ce point de vue. Nous allons dans les prochaines semaines débattre de la réforme constitutionnelle : chacun d’entre nous ne manquera pas alors d’insister, je pense, sur l’impérieuse nécessité, en démocratie, que le Parlement puisse bien contrôler l’action gouvernementale.

La position de Mme la rapporteur me paraît d’autant plus difficilement compréhensible qu’elle a fait adopter par la commission des lois un amendement prévoyant l’élaboration d’un rapport par le Gouvernement… J’en conclus que les rapports sont utiles quand ils sont demandés par la rapporteur, mais pas quand la demande émane d’autres membres de notre assemblée, même si elle correspond à une préconisation du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, s’il est vrai qu’il est difficile d’envisager la création d’une chambre spécialisée dans les petits tribunaux, il est possible de décider qu’une des chambres sera seule compétente pour juger les affaires visées dans le projet de loi, tout en étant également compétente pour traiter d’autres contentieux. Il ne faut pas confondre le nombre de chambres dans la juridiction et l’attribution de compétences particulières à une chambre.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. On ne peut pas rejeter une demande de rapport au motif que les rapports ne sont jamais remis.

En l’occurrence, je suis plutôt favorable à cette demande de rapport, car nous sommes aujourd’hui dans une situation nouvelle. Les violences contre les femmes, les violences sexistes et l’égalité entre les femmes et les hommes ont été déclarées grandes causes du quinquennat : peut-être faudrait-il pouvoir apprécier comment cela se traduit dans les faits, car nous n’avons aujourd’hui aucun retour en termes de budget et d’actions. La délégation aux droits des femmes du Sénat aurait aimé, par exemple, entendre Mme la secrétaire d’État sur son budget. Je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la secrétaire d’État, après avoir été, hier, particulièrement silencieuse, ce que nous avons déploré, vous venez de parler du tribunal départemental criminel, sujet qui n’a pas été évoqué par Mme la garde des sceaux. Lors de notre débat d’hier soir sur l’article 2, il aurait fallu préciser que tout allait être organisé, pour éviter que ne se renouvellent les incidents qui ont défrayé la chronique, dans l’Essonne ou la Seine-et-Marne, autour de ce tribunal départemental criminel prévu dans le projet de loi de programmation pour la justice. Que ne l’avez-vous fait ! Il m’étonnerait qu’il s’agisse là d’un simple oubli de la part de Mme la garde des sceaux…

Nous comprenons bien maintenant que l’article 2 n’a en fait aucune portée, puisque les affaires en question seront à l’avenir jugées par des magistrats professionnels, et non plus par des jurys populaires qui se prononcent selon l’intime conviction de leurs membres, ce qui peut entraîner parfois des conséquences désastreuses…

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, vous demandez un bilan de l’action du Gouvernement concernant une des grandes causes du quinquennat, alors que celui-ci est loin d’être achevé ! Un premier bilan sera fait d’ici au 25 novembre prochain, soit un an après la déclaration du Président de la République, mais je me tiens à votre entière disposition pour faire des points d’étape réguliers.

Quant au budget de mon secrétariat d’État, il a été augmenté et sanctuarisé sur la totalité du quinquennat. Je me tiens, là encore, à votre disposition, de même que mon cabinet, pour vous en donner les détails quand vous le souhaiterez.

Monsieur Jacques Bigot, sauf erreur de ma part, Mme la garde des sceaux a abordé ce sujet du tribunal criminel départemental lors de son intervention liminaire, hier, puis à de nombreuses autres reprises.

J’ai déjà été interpellée hier sur la forme et je vous ai déjà répondu : Mme la garde des sceaux et moi-même nous relayons dans ce débat pour parler au nom du Gouvernement. La question de savoir qui prend la parole et à quel moment n’est pas très intéressante. Peut-être pourrions-nous en revenir au fond… Je vous remercie cependant de vous préoccuper de mon temps de parole !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Les demandes de rapport sont souvent un terrible aveu d’impuissance de la part du Parlement. La preuve en est que le Gouvernement n’a aucune obligation constitutionnelle de remettre le rapport ! Ceux qui votent la demande de rapport le savent ; nous sommes là dans une sorte de théâtre d’ombres…

Le Parlement ne peut adresser d’injonction au Gouvernement ; si ce dernier ne remet pas le rapport, il n’y a pas de sanction, il ne fait que décevoir les auteurs de la demande. De notre côté, lorsque nous faisons la loi, nous cherchons habituellement à poser des règles, et non pas à commander des rapports, car nous voulons en général mener notre propre réflexion, afin de ne pas dépendre du Gouvernement pour savoir ce que nous avons à faire.

Pour ce qui me concerne, je suis contre cette demande de rapport, mais il m’est complètement égal que l’on vote ou non cet amendement, car c’est un vote nul et non avenu ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 17 rectifié
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Article 2 bis B (supprimé)

Article 2 bis A

(Non modifié)

Le k de l’article L. 114-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« k) Des actions de sensibilisation, de prévention et de formation concernant les violences, notamment sexuelles, à destination des professionnels et des personnes en situation de handicap. »

M. le président. L’amendement n° 101, présenté par MM. de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots:

et de leurs aidants

La parole est à M. Arnaud de Belenet.

M. Arnaud de Belenet. L’article 2 bis A prévoit de compléter le code de l’action sociale en ajoutant aux politiques de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de protection sociale des actions de sensibilisation, de prévention et de formation concernant les violences exercées, en particulier, contre les personnes en situation de handicap.

J’ai rappelé lors de la discussion générale les statistiques absolument effrayantes en matière de violences, notamment sexuelles, exercées contre les personnes handicapées, en particulier mineures. L’amendement vise à ajouter à la liste des destinataires de ces formations les aidants des personnes handicapées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, nous partageons totalement votre préoccupation. La précision normative que vous proposez d’introduire est de nature à mieux sensibiliser les aidants des personnes en situation de handicap au risque de violences sexuelles et sexistes. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Il s’agit en effet d’un amendement très pertinent, qui rejoint une préoccupation majeure du Gouvernement. Il convient d’interpeller, de former et de sensibiliser les aidants à la lutte contre les violences sexuelles. C’est pour cette raison que le Gouvernement a lancé une campagne de communication à destination des témoins et des proches de victimes de violences sexistes et sexuelles. C’est particulièrement nécessaire s’agissant des personnes handicapées, qui ont parfois davantage de difficultés à comprendre ce qui leur arrive, à y réagir et à le verbaliser, et qui sont souvent moins crues par leur entourage. L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 101.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis A, modifié.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis A (Texte non modifié par la commission)
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Article 2 bis C

Article 2 bis B

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Poadja, Détraigne et Canevet et Mmes Goy-Chavent, Guidez, Tetuanui et Vullien, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre dans les territoires ultramarins des dispositifs de protection et d’accès au droit des victimes de violences conjugales.

La parole est à M. Gérard Poadja.

M. Gérard Poadja. Un rapport de mars 2017 du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, a révélé que les violences faites aux femmes sont plus nombreuses dans les outre-mer, et en particulier dans le Pacifique. En Nouvelle-Calédonie, les violences sont sept fois plus fréquentes qu’en métropole, et la cohabitation de deux statuts – statut de droit commun et statut de droit coutumier – rend encore plus difficile la lutte contre ces violences. Pourtant, certains dispositifs de protection des victimes et d’accès aux droits existant dans l’Hexagone ne sont pas accessibles aux Ultramarins.

Madame la secrétaire d’État, en mai dernier, en réponse à mon collègue député de Nouvelle-Calédonie Philippe Gomès, vous avez détaillé les mesures prévues pour les outre-mer. Or j’observe que ces mesures concernent assez peu le Pacifique, qui est pourtant particulièrement touché par ces violences.

L’accès des victimes aux dispositifs d’hébergement d’urgence et aux associations d’aide aux victimes est insuffisant. Il y a aussi un réel effort à faire pour améliorer l’accueil des victimes par la police, la gendarmerie, la justice et les structures médicales.

À l’Assemblée nationale, vous avez annoncé le déploiement de cinquante-cinq « téléphones grave danger » pour l’ensemble de l’outre-mer, mais nous ignorons les modalités de leur mise en œuvre en Nouvelle-Calédonie. Seront-elles bien prises en charge par l’État ? Quel sera le calendrier de mise en place de ce dispositif ?

Madame la secrétaire d’État, dans un entretien que vous avez accordé au journal Outremers 360 °, vous avez affirmé qu’il fallait suivre les recommandations du CESE, que cela ne coûterait pas très cher et pourrait être mis en place rapidement.

Dans la ligne de ces recommandations, il est indispensable de mettre en place une politique publique d’égalité entre les femmes qui vivent sur le territoire métropolitain et celles qui vivent dans l’ensemble des outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, votre analyse de la situation dans les outre-mer est objective et préoccupante. Toutefois, nous ne pensons pas que demander un rapport soit utile. Ce point pourrait néanmoins être étudié à l’occasion lors de l’examen par la commission des finances ou par la commission des lois du budget de l’outre-mer et de celui de la justice.

Nous pourrions aussi interroger le ministère de la justice sur ce point au moment de l’évaluation du budget de la justice, à l’automne prochain.

La commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je me permets de rappeler, en préambule, que l’entretien que vous avez eu la gentillesse de citer, monsieur le sénateur, a eu lieu avant mon entrée en fonctions ; ces propos n’engagent donc que moi, pas le Gouvernement.

Sur le fond, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est une priorité dans les outre-mer, comme le démontre le déploiement de l’enquête Virage dans ces territoires, décidé cette année avec ma collègue Annick Girardin, ministre des outre-mer.

Le 25 novembre dernier, le Président de la République a notamment annoncé l’objectif d’adapter nos politiques publiques à la réalité et aux spécificités de chaque territoire.

Les politiques publiques doivent donc être adaptées pour répondre aux besoins spécifiques des victimes. Le rapport du CESE sur les violences en outre-mer a permis de nourrir la réflexion du Gouvernement dans le cadre du travail conjoint que je mène avec Annick Girardin. Nous n’avons pas encore mis en œuvre l’intégralité des recommandations de ce rapport extrêmement pertinent. Au titre de celles que nous avons commencé à appliquer, je citerai la campagne de communication déployée en 2017 en Martinique, qui vise à prévenir et à dénoncer les violences psychologiques, la réflexion lancée sur place quant à l’opportunité de formaliser un observatoire de l’égalité dans ces territoires, la mise en place avec les partenaires associatifs et institutionnels de dispositifs qui permettent la prise en charge des victimes, notamment le transport d’urgence, l’intervention auprès des auteurs de violences, etc.

La répartition des « téléphones grave danger » outre-mer est la suivante : dix en Guadeloupe, dix en Martinique, quinze à La Réunion et vingt en Polynésie française. Monsieur le sénateur, nous devons effectivement faire en sorte qu’un plus grand nombre de ces téléphones soient mis à disposition et que leur attribution soit plus souple. Mon administration et les services de la Chancellerie mènent ce travail conjointement. Le ministère de la justice finance le dispositif à hauteur de 900 000 euros par an pour l’ensemble du territoire. Il s’agit de rendre plus souples l’attribution et le financement des téléphones, et plus lisibles les règles de leur attribution, afin de pouvoir en distribuer encore davantage, notamment dans les outre-mer.

La présence d’équipes territoriales aux droits des femmes dans chacun de ces territoires est aussi une clé de la réussite pour promouvoir ces politiques d’égalité entre les femmes et les hommes. Sept territoires d’outre-mer disposent à ce jour d’une directrice régionale ou d’une correspondante aux droits des femmes. Leur travail est très difficile, puisqu’elles sont éloignées géographiquement de l’administration centrale, et parfois un peu isolées, même si quelques élus, dont vous faites partie, monsieur le sénateur, et quelques institutions sont mobilisés à leurs côtés. Les territoires concernés sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, s’agissant des demandes de rapport, j’ai émis précédemment un avis de principe.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Poadja, l’amendement n° 69 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard Poadja. Je souhaite appeler de nouveau l’attention sur les particularités des outre-mer, notamment de la Nouvelle-Calédonie. J’insiste sur le fait que, dans ce territoire, deux statuts cohabitent : celui de droit commun et celui de droit coutumier. La situation y est donc assez complexe. Cela étant dit, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 69 rectifié est retiré.

En conséquence, l’article 2 bis B demeure supprimé.

Article 2 bis B (supprimé)
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Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendements n° 1 rectifié quater et n° 13 rectifié bis

Article 2 bis C

(Non modifié)

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 223-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque le crime ou le délit contre l’intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article 434-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le défaut d’information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. » – (Adopté.)

Article 2 bis C
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Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendement n° 141

Articles additionnels après l’article 2 bis C

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 1 rectifié quater est présenté par MM. Milon, Lefèvre, Panunzi, Mouiller, Rapin, Savary et Cardoux, Mmes Imbert, Deseyne, Gruny, Lassarade et Lavarde, MM. Morisset et Chaize, Mme Puissat, MM. Sol et Bazin, Mmes Deroche et Estrosi Sassone, MM. Gilles, Cambon, Pierre, H. Leroy et Bouchet, Mme Micouleau, M. Kennel, Mme A.M. Bertrand, M. Bonne, Mmes L. Darcos et Malet, M. Savin, Mmes F. Gerbaud, Deromedi, Eustache-Brinio, Dumas et Procaccia, M. Laménie, Mme Garriaud-Maylam, M. Revet, Mmes Bonfanti-Dossat et de Cidrac, MM. Dufaut, Buffet, L. Hervé, Huré, Sido, Brisson et Paul et Mme Keller.

L’amendement n° 13 rectifié bis est présenté par Mme Meunier, MM. Roger, Bérit-Débat et Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Courteau, Duran et Mazuir, Mmes Conway-Mouret, Ghali, M. Filleul et Lienemann, MM. Vaugrenard, Antiste et Daudigny, Mmes Tocqueville, Blondin, Préville, Bonnefoy et Van Heghe, M. Lalande, Mme Guillemot, MM. P. Joly et Madrelle, Mme S. Robert, M. Manable et Mmes Féret, Lepage et Perol-Dumont.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 bis C

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les 1° à 3° de l’article 226-14 du code pénal sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« 1° Dans les cas où la loi impose d’alerter le procureur de la République :

« Tout professionnel désigné au présent alinéa qui, dans l’exercice de ses fonctions, suspecte des violences physiques, psychologiques ou sexuelles de toute nature, y compris les mutilations sexuelles à l’encontre d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d’un état de grossesse, est tenu, sans avoir à recueillir l’accord de quiconque, d’en informer sans délai le procureur de la République. Les professionnels désignés pour une obligation de signaler au procureur de la République sont tous les médecins ;

« 2° Dans les cas où la loi autorise d’alerter les autorités compétentes :

« Tout autre professionnel ou toute personne qui suspecte ou acquiert la connaissance de violences physiques, psychologiques ou sexuelles de toute nature, y compris les mutilations sexuelles, à l’encontre d’un mineur, d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d’un état de grossesse, ou d’un adulte, informe sans délai le procureur de la République. Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ou d’un état de grossesse, l’auteur du signalement n’a pas à recueillir l’accord de quiconque ;

« 3° A tout professionnel ou toute personne qui suspecte ou acquiert la connaissance qu’un mineur est en danger ou qui risque de l’être. Il informe sans délai la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, des informations préoccupantes définies par le décret n° 2013-994 du 7 novembre 2013 organisant la transmission d’informations entre départements en application de l’article L. 221–3 du code de l’action sociale et des familles. »

La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quater.

M. Alain Milon. Il semblerait qu’un enfant sur quatre soit victime de violences physiques, un sur cinq de violences sexuelles et un sur dix de violences psychologiques. C’est le constat terrible d’une enquête épidémiologique et clinique américaine, qui a d’ailleurs été confirmé par le Conseil de l’Europe. En France, 2,7 millions d’enfants pourraient donc être concernés par ce genre de violences. Selon une étude anglaise, les enfants handicapés courraient 2,8 fois plus de risques d’être l’objet de violences sexuelles.

Afin que l’on puisse dépister au plus tôt ces violences sur mineurs, nous réclamons une extension de l’obligation de signaler pour tous les médecins de notre pays. Nous pensons que le signalement n’est ni une dénonciation ni une accusation : les médecins font part de leurs soupçons, ils n’ont pas à apporter de preuves ni à mener d’enquête avant de signaler.

Cette obligation de signaler existe depuis plus de cinquante ans aux États-Unis. Elle s’est étendue au Canada, à l’Australie, et actuellement vingt-deux pays européens l’appliquent. En France, elle figure à l’article 40 du code de procédure pénale. Mais, et c’est tout le problème, le champ de cette obligation, signifiée par les termes « est tenu », est limitée chez nous aux médecins fonctionnaires de l’État, c’est-à-dire, essentiellement, les médecins de l’éducation nationale, et aux médecins de la fonction publique territoriale, ceux de la protection maternelle et infantile, la PMI, et de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE.

Cette obligation ne concerne donc pas la majorité des médecins, c’est-à-dire ceux appartenant à la fonction publique hospitalière, ceux qui exercent dans les centres médico-psychologiques ou les institutions privées et, évidemment, les médecins libéraux. Ayant la faculté de choisir entre signaler et s’abstenir de signaler, ces médecins sont encore exposés à un dilemme : soit ils signalent, et ils risquent des poursuites et des sanctions disciplinaires, soit ils ne signalent pas, et ils risquent des poursuites pour entrave à la saisine de la justice.

La solution pour mettre un terme à cette situation est législative. Il faut donc amender l’article 226-14 du code pénal. C’est l’objet des deux amendements que je présente au travers de cette intervention, celui-ci et l’amendement n° 2 rectifié quater.

Je précise que l’instauration de l’obligation de signaler a été recommandée par l’Association mondiale de psychiatrie dès février 2009, par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 18 novembre 2009, par le Comité des droits de l’enfant le 17 février 2011 et par les deux rapporteurs spéciaux des l’Organisation des Nations Unies le 7 mars 2011.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié bis.

Mme Michelle Meunier. Cet amendement a lui aussi pour objet le repérage et la prévention précoces des mauvais traitements et des violences envers les enfants.

Il s’agit d’inscrire explicitement dans la loi l’obligation de signalement par les médecins des suspicions de violences sur mineurs. L’introduction de cette obligation permettrait, selon des études américaines, de multiplier par quatre le taux de cas confirmés de signalement et de diviser par trois le risque, pour un enfant, de mourir sous les coups qui lui sont infligés. Dans certains États des États-Unis, le nombre de décès est ainsi passé de 3 500 à moins de 1 000.

Cela permettrait également de réduire le long chemin de souffrance des victimes, car le signalement est la clé d’entrée dans le parcours de soins, de rompre le cycle de la violence le plus tôt possible et, comme l’a dit hier Mme la garde des sceaux, de prendre en charge les agresseurs, les auteurs de violences, afin qu’ils ne récidivent pas auprès d’autres victimes. C’est là aussi l’enjeu de ce texte.

Cet amendement répond à une préoccupation de nombreux médecins, notamment de pédiatres et de pédopsychiatres, mais aussi de médecins généralistes. On ne peut que déplorer que 2 % seulement des signalements auprès des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes soient le fait de médecins, alors que, on le sait, ils sont confrontés, dans leur cabinet, à davantage de cas.

Au travers de l’amendement n° 14 rectifié bis, qui viendra ensuite en discussion et est identique à l’amendement n° 2 rectifié quater de M. Milon, nous proposons des mesures de protection des professionnels de santé qui sont amenés à signaler les mauvais traitements qu’ils constatent dans leur cabinet.

Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendements n° 1 rectifié quater et n° 13 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendement n° 27 rectifié

M. le président. L’amendement n° 141, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis C

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :

1° Les 1° et 2° sont ainsi rédigés :

«  Au médecin, à tout autre professionnel de santé et à toute autre personne qui informe le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire, ou toute autorité médicale ou administrative, des sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ; cette information peut être faite sans l’accord de la victime ; lorsqu’elle concerne un mineur, cette information peut être faite à la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles ;

« 2° Hors les cas mentionnés au 1° , au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de toute autre autorité judiciaire, ou toute autorité médicale ou administrative, les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ; »

2° Après le mot : « établi », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « que la personne a agi de mauvaise foi en connaissant l’inexactitude des faits signalés. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. La maltraitance des mineurs est bien évidemment insupportable et inacceptable. Cet amendement vise à clarifier un dispositif qui est devenu illisible à force de réformes successives. Il tend à affirmer clairement les compétences et les facultés de chaque personnel soumis au secret professionnel en matière de saisine soit du procureur de la République, soit des cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes – les CRIP – relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être.

L’amendement vise surtout à réaffirmer l’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire des professionnels de bonne foi, dont les médecins, en imposant, pour que leur responsabilité puisse être engagée, d’établir leur mauvaise foi et leur connaissance de l’inexactitude des faits signalés. Les professionnels doivent savoir qu’ils ne pourront jamais être condamnés pour avoir violé le secret professionnel en toute bonne foi et pour de bonnes raisons. Ce renforcement de l’immunité pénale a pour objectif de les inciter à dénoncer davantage les faits de maltraitance.

Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendement n° 141
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Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendements n° 2 rectifié quater et n° 14 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis C

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 2° de l’article 226-14 du code pénal est complété par les mots : « et le signalement est obligatoire ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement va exactement dans le même sens que ceux de nos collègues Alain Milon et Michelle Meunier, mais présente une rédaction plus simple.

L’obligation de signalement est un sujet dont nous discutons régulièrement au Sénat. Nous en avions parlé lors de l’examen de la loi 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance ou de la proposition de loi de notre collègue Colette Giudicelli tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé. Ce texte visait à préciser que les médecins ne peuvent pas être poursuivis parce qu’ils ont fait un signalement. En effet, une espèce de légende urbaine selon laquelle un médecin peut être traîné en justice pour diffamation a cours dans le milieu médical. Malgré le vote de la loi Giudicelli, elle n’a pas été dissipée et les choses ne sont pas totalement clarifiées.

Les médecins généralistes sont probablement les personnes les mieux à même d’identifier des mauvais traitements. Or on est toujours étonné par la faiblesse du nombre de signalements effectués par les médecins généralistes au regard du nombre d’enfants qui auraient dû faire l’objet d’un signalement.

Cette disposition peut paraître quelque peu injonctive à l’égard des médecins, mais je crois que le moment est venu de la voter et d’expliquer aux médecins qu’ils sont des acteurs de la prévention des violences faites aux enfants. On ne peut pas se passer d’eux pour identifier et prévenir les violences, et ainsi protéger les enfants.

Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendement n° 27 rectifié
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Article 2 bis D (Texte non modifié par la commission)

M. le président. Les amendements nos 2 rectifié quater et 14 rectifié bis sont identiques.

L’amendement n° 2 rectifié quater est présenté par MM. Milon, Lefèvre, Panunzi, Mouiller, Rapin, Savary et Cardoux, Mmes Imbert, Bonfanti-Dossat, Deseyne, Gruny, Lassarade et Lavarde, MM. Morisset et Chaize, Mme Puissat, MM. Sol et Bazin, Mmes Deroche et Estrosi Sassone, MM. Gilles, Cambon, Pierre, H. Leroy et Bouchet, Mme Micouleau, M. Kennel, Mme A.M. Bertrand, M. Bonne, Mmes de Cidrac, L. Darcos et Malet, M. Savin, Mmes F. Gerbaud, Deromedi, Eustache-Brinio, Dumas et Procaccia, M. Laménie, Mme Garriaud-Maylam, MM. Revet, Dufaut, Buffet, Huré, Sido, Brisson et Paul et Mme Keller.

L’amendement n° 14 rectifié bis est présenté par Mme Meunier, MM. Roger, Bérit-Débat et Iacovelli, Mme Jasmin, MM. Courteau, Duran et Mazuir, Mmes Conway-Mouret, Ghali, M. Filleul et Lienemann, MM. Vaugrenard, Antiste et Daudigny, Mmes Tocqueville, Blondin, Préville, Bonnefoy et Van Heghe, M. Lalande, Mme Guillemot, MM. P. Joly et Madrelle, Mme S. Robert, M. Manable et Mmes Féret, Lepage et Perol-Dumont.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 bis C

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 226-14 du code pénal est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Aucune action en responsabilité civile, pénale, disciplinaire et administrative ne peut être intentée à l’encontre de tout professionnel ou toute personne qui a appliqué les dispositions du présent article de bonne foi.

« Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l’identité ou tout autre élément permettant l’identification d’un professionnel ou de toute personne qui a appliqué les dispositions du présent article sans son consentement. »

Ces amendements ont été défendus.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mon sentiment personnel est que tous ces amendements vont dans la bonne direction. J’ai bien sûr une préférence pour celui de la commission, mais je ne méconnais pas l’intérêt des autres. Pour aller encore plus loin, il me semble qu’aucun d’entre eux n’est complètement abouti. Ce qui me paraît important, c’est que l’un au moins de ces amendements, de préférence celui de la commission, soit adopté.

Puisqu’il n’y aura pas de navette en raison du recours à la procédure accélérée, je vous propose, mes chers collègues, de vous rallier à l’amendement de la commission des lois et d’engager très rapidement avec la commission des lois et sa rapporteur un travail pour que, quel que soit l’amendement adopté, nous puissions faire progresser sa rédaction d’ici à la commission mixte paritaire.

Je veux vous expliquer pourquoi je trouve inabouti le traitement de la question par l’ensemble des amendements qui ont été déposés, y compris celui de la commission des lois.

Mme Laurence Rossignol. Pourquoi n’entend-on pas Mme la rapporteur ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Deux hypothèses sont à distinguer.

Première éventualité, la conviction profonde du médecin est que l’enfant se trouvant devant lui a subi des sévices, quelle qu’en soit la nature, appelant une intervention qui prendra la forme, dans l’urgence, d’une saisine du procureur. Dans ce cas, il n’y a pas de question. Tout le monde est absolument d’accord pour dire que, s’il constate des sévices sur un enfant, le médecin doit absolument saisir le procureur ; s’il ne le fait pas, il encourt lui-même des poursuites pénales pour non-dénonciation d’une infraction subie par un enfant. Il n’y a pas à barguigner : c’est clair et net, mais c’est déjà ce que prévoit le droit. Dans cette situation, le médecin doit déroger au secret professionnel, car il n’y a pas de secret professionnel qui tienne face à l’impérieuse nécessité de protéger l’enfant, dès lors que le médecin a la certitude de l’infraction.

Seconde éventualité, le médecin ne sait pas comment interpréter les signes qu’il a sous les yeux ; il ne peut pas dire si les souffrances de l’enfant résultent d’un accident, par exemple, ou de sévices. Que doit-il faire ? Il a le choix entre saisir le procureur ou la cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, la CRIP. Ce n’est pas la même chose.

Le travail de la CRIP consiste à mobiliser tous les personnels sociaux, éducatifs et médicaux qui peuvent avoir été en contact avec l’enfant et la famille, pour essayer de tirer au clair les éléments portés à sa connaissance par le médecin ou, parfois, par le professeur des écoles ou l’infirmière scolaire. À ce moment-là, il appartient au président du conseil départemental, qui est responsable de cette cellule, de prendre toutes dispositions utiles pour protéger l’enfant. Elles peuvent éventuellement, après ce complément d’enquête très rapide, comporter la saisine du procureur afin d’engager des poursuites et, éventuellement, de retirer en urgence l’enfant à sa famille.

Il faudrait faire en sorte que le médecin, en cas de suspicion, s’adresse par priorité à cette cellule plutôt qu’au procureur. En effet, les services de la gendarmerie et de la police reçoivent énormément de plaintes, qu’ils n’arrivent plus à traiter. Les officiers de police judiciaire sont saturés de plaintes. Or le médecin n’a pas la certitude de l’infraction : il a simplement un doute qu’il ne peut garder pour lui, qu’il doit absolument communiquer à une instance qui agira très rapidement pour protéger l’enfant si c’est nécessaire.

Il faudrait donc que, dans cette hypothèse, le médecin qui ne saisit pas la CRIP, alors même qu’il a un soupçon, puisse faire l’objet de sanctions. C’est ainsi que je vois les choses. Les amendements identiques de M. Milon et de Mme Meunier vont tout à fait dans ce sens, mais à une nuance près : ils prévoient non pas expressément une sanction pour non-signalement à la CRIP, mais, en réalité, par une combinaison de textes avec le droit pénal, une sanction pour non-transmission du signalement au parquet et à la police judiciaire.

C’est ce qui me gêne, et c’est la raison pour laquelle j’estime que ces amendements ne sont pas aboutis. Je suis néanmoins d’accord, pour m’en être entretenu notamment avec le président Milon, avec l’idée qu’il faudrait non seulement que le médecin ne soit pas réputé avoir violé le secret professionnel s’il transmet le signalement à la CRIP, mais aussi que, s’il a omis de le faire, il soit passible de sanctions. En effet, nous voulons avant tout protéger l’enfant, ainsi que le médecin qui a fait son devoir, afin qu’il n’encoure pas de reproche pour cette raison.

Ce n’est pas, monsieur Milon et madame Meunier, ce que prévoient vos amendements ; c’est pourquoi je ne peux m’y rallier au nom de la commission. À ce stade, je vous propose de retirer vos amendements au profit de celui de la commission. Ce qui m’importe, en tout état de cause, c’est d’introduire le dispositif dans le texte afin que la commission mixte paritaire puisse le finaliser.

Je suis profondément d’accord avec votre intention, mais je ne veux pas que l’on submerge davantage encore les officiers de police judiciaire et les parquets avec des signalements reposant sur une simple suspicion. Je préfère que l’on s’en tienne, quand il n’y a pas de certitude, à la voie normale, qui consiste à adresser le signalement à la CRIP, en instaurant tout l’appareil de dérogation au secret professionnel, d’une part, et de sanction du médecin n’ayant pas fait de signalement à la CRIP, d’autre part.

Telle est l’économie générale de la réponse que je souhaitais faire au nom de la commission. Je demande donc le retrait des amendements identiques nos 1 rectifié quater et 13 rectifié bis, ainsi que des amendements nos 27 rectifié, 2 rectifié quater et 14 rectifié bis ; à défaut, la commission y sera défavorable. L’important, c’est que nous arrivions à progresser ensemble vers une rédaction qui couvre tout le spectre de nos préoccupations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement qui a été présenté par Mme la rapporteur au nom de la commission. Nous estimons qu’il permet une clarification du droit actuel en distinguant clairement, d’une part, les signalements d’infractions commises contre des mineurs et des personnes vulnérables que le médecin ou toute autre personne peut effectuer sans recueillir l’accord de la victime, et, d’autre part, les autres signalements, que le médecin doit effectuer avec l’accord de la victime.

De surcroît, cet amendement permet de réaffirmer l’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire des professionnels de santé de bonne foi, en exigeant, pour engager leur responsabilité, d’établir la mauvaise foi et leur connaissance de l’inexactitude des faits qui seraient signalés.

Ces dispositions sont de nature à rassurer et à encourager les professionnels, jusqu’à présent parfois trop réticents à révéler les privations ou sévices qu’ils constatent, par crainte d’être poursuivis.

À l’inverse, le Gouvernement considère qu’il n’est pas opportun d’instaurer pour les seuls médecins, comme le prévoient les autres amendements, une obligation de signalement au procureur. Nous croyons que le médecin doit pouvoir apprécier, selon les circonstances de l’espèce, quelle est la meilleure façon de traiter la situation, qui n’est pas nécessairement un signalement immédiat au parquet.

L’adoption de ces amendements pourrait du reste avoir, nous semble-t-il, un effet pervers grave pour la protection des mineurs : celui de dissuader les parents de faire soigner leurs enfants par un médecin. (Mme Michelle Meunier proteste.)

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas vrai !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais telle est l’opinion du Gouvernement !

Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 141 de la commission et demande le retrait des cinq autres amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. D’abord, je voudrais dire à Philippe Bas que je ne retire pas mon amendement. Il me semble plus complet que celui de la commission des lois, qui fait l’impasse sur l’introduction d’une obligation de signalement, sans distinguer non plus les cas de suspicion de violences constituant une infraction au code pénal et devant donc être signalées au procureur et les situations d’informations préoccupantes, qui doivent être signalées à la CRIP. Monsieur le président Bas, l’amendement de la commission n’apporte pas, selon moi, la clarification nécessaire, contrairement aux amendements nos 1 rectifié quater et 13 rectifié bis.

Par ailleurs, lorsqu’un médecin fait un signalement, il engage sa responsabilité envers l’enfant, et c’est le plus important. Il ne s’agit donc pas d’irresponsabilité, bien au contraire.

Quand un médecin a une suspicion, il peut faire un signalement et il a le droit de se tromper de bonne foi. Cela est d’ailleurs explicité dans les recommandations de la Haute Autorité de santé de mai 2011, aux termes desquelles le médecin n’a pas à être certain de la maltraitance ni à en apporter la preuve pour faire un signalement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Signaler n’est pas dénoncer : il faut véritablement que cela rentre dans l’esprit de nos concitoyens, des travailleurs sociaux et des médecins. C’est la raison pour laquelle je me rallie volontiers à la proposition d’Alain Milon.

Monsieur le président de la commission des lois, vous avez évoqué deux cas, mais, neuf fois sur dix, c’est un troisième cas qui se présente : l’enfant est amené chez le médecin par le père, la mère ou les grands-parents, pour autre chose que les conséquences des sévices subis. C’est dans ce cas-là que le médecin doit vraiment prendre ses responsabilités. Quand on y est confronté, la difficulté est vraiment d’aborder le problème. C’est un peu comme lorsque l’on soupçonne un handicap : quelque chose dans le comportement de l’enfant ne va pas, mais on n’a pas de preuve formelle. Il est particulièrement délicat de l’annoncer à la famille.

C’est la raison pour laquelle il faut que la loi soit simple. Le dispositif de l’amendement d’Alain Milon est « carré ». Il permettra que l’enfant soit pris en compte, bien sûr, et que le médecin soit protégé. Cela est nécessaire si l’on veut que sa mise en œuvre produise des résultats positifs.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. L’amendement de la commission prévoit une obligation de recueillir l’accord de la victime dans la deuxième hypothèse, celle dans laquelle des sévices sont simplement suspectés, et non avérés. Cela me paraît très dangereux. C’est placer l’enfant dans une situation de conflit de loyautés terrible ! Lui demander s’il faut dénoncer ses parents, c’est s’exposer à ce que, très souvent, l’enfant réponde par la négative. D’ailleurs, s’il était d’accord pour dénoncer ses parents, il l’aurait déjà fait. S’il n’a rien dit, c’est parce qu’il ne veut pas les dénoncer. Ce n’est donc pas une bonne formule que d’exiger l’accord de la victime.

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, j’ai sursauté quand vous avez dit que cette mesure conduirait les parents maltraitants à ne pas emmener leurs enfants chez le médecin. C’est objectivement faux ! Quand on connaît un peu le sujet de la maltraitance des enfants, on sait que, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les parents d’enfants maltraités conduisent aussi leurs enfants chez le médecin, par exemple pour les faire vacciner. (M. René-Paul Savary approuve.) Votre argument n’est donc pas recevable.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il me semble utile d’apporter une précision immédiatement : dans la deuxième hypothèse, il s’agit évidemment des majeurs, et non des mineurs. Je reprendrai la parole tout à l’heure.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Si l’on veut être positif, on peut se féliciter que le sujet émerge et que la nécessité de trouver une solution semble faire consensus. C’est le sens, me semble-t-il, de l’intervention du président de la commission des lois.

Pour autant, l’amendement de la commission des lois a, selon moi, un défaut majeur : il ne prévoit pas d’obligation de signalement. Dès lors, on voit bien que l’ensemble du mécanisme est conçu différemment. L’architecture du dispositif est déjà assez sophistiquée – j’imagine que les organisations professionnelles de médecins indiqueront à leurs membres comment procéder –, mais l’absence d’obligation de signalement est un vrai problème à nos yeux. C’est pourquoi nous voterons les amendements identiques de Michelle Meunier et d’Alain Milon.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je ne partage pas votre avis, madame Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas un avis !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Si, c’en est un ! Vous avez un avis, comme j’ai le mien.

Je suis élue de la Sarthe, là où est survenue l’affaire de la petite Marina.

Mme Laurence Rossignol. Elle avait vu un médecin !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Il est exact que, en général, les parents maltraitants observent un certain nombre d’obligations : inscrire leurs enfants à l’école, les emmener chez le médecin, les faire vacciner, etc. Cependant, ces parents adoptent aussi des stratégies d’évitement dès lors qu’ils se sentent en danger d’être dénoncés. C’est ce qu’avaient fait les parents de la petite Marina : ils déménageaient, changeaient leurs enfants d’école, consultaient d’autres médecins lorsqu’ils avaient le sentiment qu’ils risquaient d’être dénoncés.

Nous pensons donc – je ne dis pas que c’est une vérité absolue, mais c’est notre avis, fondé sur les auditions que nous avons menées et sur un certain nombre de cas que nous avons étudiés de longue date, Nicole Belloubet, Agnès Buzyn et moi-même – qu’adopter cette mesure risque d’avoir pour effet pervers de conduire ces parents à ne plus emmener leurs enfants chez le médecin.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je voudrais donner lecture de l’article R. 4127-44 du code de la santé publique, qui régit les devoirs du médecin dans de tels cas et lève des ambiguïtés :

« Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.

« Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. »

L’obligation d’alerter figure donc déjà dans le code de la santé publique !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. Moi aussi, j’aime les choses simples et claires. Pour tout dire, notre amendement a été inspiré par des professionnels de la petite enfance et des médecins qui viennent de cosigner une tribune dans LExpress, dans laquelle ils soulignent que seulement 2 % des signalements sont le fait de médecins.

Pour ma part, je voudrais simplement rappeler que la Haute Autorité de santé a publié dès 2011 une fiche mémo intitulée « Maltraitance chez l’enfant, repérage et conduite à tenir », réactualisée en octobre 2014 et mise à jour en juillet 2017. Ce document, dont on ne saurait surestimer l’intérêt pour les professionnels de santé, indique la marche à suivre par le médecin lorsqu’il est amené à constater des indices significatifs de maltraitance. Il n’a pas à être certain que l’enfant a subi des sévices ni à le prouver ; il lui appartient seulement d’effectuer un signalement, et c’est ensuite au procureur de la République de faire son travail.

Je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Ces amendements vont tous dans le sens de la protection de l’enfance maltraitée. J’estime cependant que ceux d’Alain Milon et de Michelle Meunier sont plus précis et plus satisfaisants, dans la mesure où ils visent à rendre le signalement obligatoire.

Comme le disait René-Paul Savary, il n’est pas facile, quand on est un professionnel de santé, d’évoquer des sévices physiques ou des faits de maltraitance psychique et morale. Je le sais en tant qu’orthophoniste. Il est également difficile de parvenir à cerner les raisons des troubles que l’on constate.

Le dispositif de ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, me semble de nature à bien cadrer les choses. Il aidera les professionnels de santé à effectuer des signalements. Ils sont encore trop peu nombreux à le faire aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Je ne suis ni juriste ni médecin, mais, comme d’autres ici, j’ai travaillé sur ce texte. Je reconnais qu’il y a une part de subjectivité quand il s’agit de décider ou non de faire un signalement. En tant que professionnelle de l’éducation, je sais que, en milieu scolaire, on hésite parfois à effectuer un signalement, par peur de se tromper.

M. le président de la commission a sans doute raison de dire que les amendements de M. Milon et de Mme Meunier ne sont pas tout à fait aboutis, mais nous les voterons, quitte à travailler à améliorer leur rédaction d’ici à la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.

M. Yannick Vaugrenard. Sur ce sujet extrêmement sensible, je me bornerai à citer un extrait du serment d’Hippocrate qui, je le crois, appuie les amendements déposés par Michelle Meunier et Alain Milon : « J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. » Tout est dit !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Mme la rapporteur a indiqué que le code de la santé publique impose déjà aux médecins une obligation de signalement. Toutefois, néanmoins et cependant (Sourires.), je suis très sensible à l’argumentation développée par M. Milon et Mme Meunier. Un proverbe africain dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Pour ma part, je pense qu’il faut une société pour protéger les enfants. Madame la secrétaire d’État, vous voulez faciliter la parole et permettre sa libération, mais il y a des enfants qui restent muets parce que les violences qu’ils subissent sont commises par des membres de la famille ou par des proches. Nous devons rompre cette chape de silence et encercler les prédateurs, tout en protégeant les médecins.

Monsieur le président de la commission, vous avez raison, la rédaction des amendements de M. Milon et de Mme Meunier n’est sans doute pas parfaite, mais, pour ma part, à ce stade, je les voterai, en conscience.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quater et 13 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis C, et les amendements nos 141 et 27 rectifié n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié quater et 14 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis C.

Article additionnel après l'article 2 bis C - Amendements n° 2 rectifié quater et n° 14 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 5 rectifié bis

Article 2 bis D

(Non modifié)

Le dernier alinéa de l’article 706-53-7 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le mot : « maires », sont insérés les mots : « , les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale » ;

2° Le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental ».

M. le président. L’amendement n° 142, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 142.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis D, modifié.

(Larticle 2 bis D est adopté.)

Article 2 bis D (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 31 rectifié

Articles additionnels après l’article 2 bis D

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, MM. Milon et Cambon, Mme Lavarde, MM. Hugonet, Kennel, Paul, Lefèvre et Bascher, Mmes Gruny et Garriaud-Maylam, MM. Paccaud, B. Fournier et Vogel, Mme Duranton, M. Mayet, Mme de Cidrac, MM. Brisson, Gilles, Bonhomme, Rapin, Revet et Charon, Mme Dumas, MM. Sido et Mandelli, Mme Boulay-Espéronnier, M. Le Gleut et Mmes Bonfanti-Dossat et Keller, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 3° de l’article 222-24 et à l’article 222-29 du code pénal, après les mots : « physiques ou psychiques », sont insérés les mots : «, à sa situation économique ».

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Qui n’a pas été ému par le témoignage d’Anne Lorient, ancienne SDF, qui raconte, dans son livre Mes années barbares, publié en 2016, le calvaire des femmes vivant dans la rue ?

Violée soixante-dix fois en dix-sept ans passés dans la rue, elle décrit l’invisibilité de ces femmes en marge de la société et l’ignominie de leurs agresseurs, qui pensent que leur corps est à leur disposition.

D’après une étude de l’INSEE datant de 2012, 38 % des sans-abri seraient des femmes. Leur situation d’errance, l’absence de domicile fixe les placent dans une situation de particulière vulnérabilité, qui les expose malheureusement très fortement aux agressions sexuelles et aux viols.

L’amendement que je vous propose d’adopter vise à aggraver les peines encourues par les auteurs de crimes ou d’agressions sexuelles sur des personnes en détresse économique, notamment les personnes sans domicile fixe. Il s’appuie, à cette fin, sur le critère de « la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique » d’une personne, créé par la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, je vous remercie de cet amendement, qui tend utilement à préciser que les personnes précaires sur le plan économique sont également des personnes vulnérables. La circonstance aggravante prévue lorsque la victime d’un viol ou d’une autre agression sexuelle est une personne vulnérable pourrait donc s’appliquer dans leur cas. Nous émettons un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 5 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 30 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis D.

L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l’article 55 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque sont constatées des violences sexuelles, le médecin est habilité à mettre sous scellé les preuves desdites violences sexuelles. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement s’inspire des préconisations du groupe de travail sur l’amélioration et la simplification de la procédure pénale mis en place dans le cadre des chantiers de la justice. Il vise à habiliter les médecins légistes formés à cet effet à la mise sous scellés de preuves d’infractions sexuelles hors réquisition judiciaire et sans qu’un officier de police judiciaire soit présent.

Chacun sait à quel point le processus de dépôt de plainte est compliqué, psychologiquement difficile et variable d’une personne à l’autre pour les victimes de violences sexuelles : il n’y a pas de procès type en la matière. L’objectif est donc de permettre que les preuves puissent être recueillies et sauvegardées pour pouvoir être utilisées ultérieurement si la victime de violences sexuelles change d’avis après n’avoir d’abord pas voulu déposer plainte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter, à l’article 55 du code pénal, une disposition permettant aux médecins légistes de mettre sous scellés les preuves de violences sexuelles constatées.

Nous comprenons l’intention des auteurs de cet amendement. Toutefois, une disposition similaire, mais plus large – elle concernerait toutes les infractions, et pas seulement les violences sexuelles – est déjà prévue à l’article 33 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

C’est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de l’amendement, pour le motif évoqué par Mme la rapporteur.

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 31 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Dans la mesure où le texte évoqué par Mme la rapporteur ne sera examiné que dans plusieurs mois, je maintiens mon amendement. Si nous l’adoptons dès maintenant, ce sera un acquis en vue de la discussion du projet de loi en question.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 31 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 32 rectifié

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Jasmin, de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Monier, Lubin, Meunier et Conway-Mouret, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1434-2 du code de santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° D’un programme régional relatif à la prévention des violences sexuelles et à l’accès aux soins des victimes de ces violences. »

La parole est à Mme Victoire Jasmin.

Mme Victoire Jasmin. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, en préambule, que le tour de France de l’égalité entre les femmes et les hommes devrait aussi concerner les outre-mer. À ce jour, aucun de nos territoires n’a reçu votre visite, pourtant souvent annoncée.

La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, a institué des projets régionaux de santé, déclinés en contrats locaux de santé.

Le projet régional de santé est un outil important, sous-utilisé jusqu’à présent. Il pourrait à mon avis intégrer, de manière obligatoire, un volet relatif à l’éducation sexuelle et à la prévention des violences sexuelles. Cela permettrait une prise en charge protéiforme et dynamique, avec les territoires, les agences régionales de santé, les services déconcentrés de l’État, les associations et l’éducation nationale, au plus près des usagers et de toutes les victimes.

Tel est l’objet du présent amendement, qui s’inscrit dans l’approche intégrée de l’égalité prévue par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez parfaitement raison. Nous émettons un avis favorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, vous avez tout à fait raison de m’interpeller sur la situation des territoires d’outre-mer. Il est vrai que je ne me suis pas encore rendue outre-mer, mais un déplacement est prévu à la rentrée. Le tour de France de l’égalité entre les femmes et les hommes a également concerné de nombreux territoires d’outre-mer, grâce à l’organisation d’un certain nombre d’ateliers par des associations et les délégués régionaux et territoriaux que j’ai évoqués tout à l’heure. L’outre-mer n’a donc pas été laissé de côté.

Sur le fond, nous sommes bien évidemment d’accord avec votre proposition. Néanmoins, nous pensons que le sujet a vocation à être traité non pas dans le cadre du présent projet de loi, mais dans le code de la santé publique.

Je me permets de rappeler un certain nombre de dispositions présentées par le Président de la République le 25 novembre dernier, lors du lancement de la grande cause du quinquennat : formation de l’ensemble des professionnels de santé et de toute la fonction publique, questionnement systématique sur les violences subies, ouverture de dix centres de psychotraumatologie pour les victimes, développement de la plainte dans les structures d’accueil des CHU, avec recueil des preuves à l’hôpital, présence de référents de la police dans les structures d’aide aux victimes et généralisation de la présence d’intervenants sociaux dans les commissariats.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 30 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 48 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis D.

L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la part de responsabilité des violences sexuelles ou sexistes (viols et autres agressions sexuelles, violences conjugales et intrafamiliales, harcèlement sexuel et sexiste, violences sexuelles et sexistes commises dans l’espace numérique) sur la commission d’un suicide, ou d’une ou plusieurs tentatives de suicides, par les victimes desdites violences.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement visant à demander la remise d’un rapport, je m’attends à ce que Mme la secrétaire d’État, Mme la rapporteur et M. le président de la commission des lois m’expliquent de concert que les rapports ne servent à rien, que le Gouvernement n’est pas obligé de les remettre ou encore qu’ils n’ont aucune valeur contraignante…

Néanmoins, il s’agit ici d’un rapport qui mérite que l’on fasse une exception à cette opposition habituelle : il permettrait de mieux dénombrer les décès liés aux violences faites aux femmes.

Chaque année, environ 120 femmes meurent sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon. J’ai la conviction que, en réalité, le nombre des décès provoqués par les violences au sein du couple est bien supérieur à ce chiffre. En particulier, je suis convaincue que des femmes se suicident pour échapper à la violence physique et psychologique qu’elles subissent de la part de leur compagnon ou ex-compagnon. Nous ne disposons, à ce jour, d’aucune statistique sur ce phénomène. Il est temps d’essayer d’en savoir plus.

Pour ce faire, nous demandons que le Gouvernement engage une enquête dans quelques départements, en y associant les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et les parquets, par voie de convention. En cas d’intervention des pompiers à la suite du suicide d’une femme, il serait recherché si celle-ci avait auparavant déposé une main courante ou une plainte ou entrepris des démarches quelconques pour dénoncer des faits de violence et s’il y a, dans son entourage, des personnes pouvant témoigner de l’existence de violences.

Bref, nous demandons que l’on fasse la lumière sur le nombre réel des décès liés aux violences faites aux femmes, au-delà des meurtres constatés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, encore une fois, nous n’avons pas besoin du Gouvernement pour évaluer les politiques publiques conduites par celui-ci.

Mme Laurence Rossignol. Il ne s’agit pas d’une politique publique !

Mme Marie Mercier, rapporteur. Le Parlement dispose de moyens de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques qui lui permettent de ne pas avoir à s’en remettre à un rapport gouvernemental. Il peut lui aussi procéder à de telles études : nous sommes assez grands pour nous saisir nous-mêmes ! (Mme Laurence Rossignol proteste.) Nous ne nous en sommes d’ailleurs pas privés lorsque nous avons élaboré notre rapport d’information. Pourquoi ne pas créer une mission sur le sujet que vous soulevez ? Nous n’avons absolument pas besoin d’un rapport du Gouvernement.

Je vous rappelle qu’aucun des rapports qui devaient être remis lors de la session 2017-2018 ne l’a été dans les temps impartis, ce qui prouve, là encore, l’inanité des demandes de rapport au Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, vous connaissez notre position de principe sur les demandes de rapport. Elle rejoint celle de Mme la rapporteur.

Néanmoins, je partage pleinement votre conviction sur l’existence de liens entre les violences sexistes et sexuelles et les suicides. L’impact psychologique des violences sexistes et sexuelles ne peut pas être négligé. Il n’est d’ailleurs plus contesté. C’est aussi pour cette raison que nous développons l’expérimentation, avec Agnès Buzyn, de dix centres de psychotraumatologie, et que nous mettons en place la plateforme de signalement des policiers ou encore la formation de toute la fonction publique au repérage et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

En ce qui concerne plus particulièrement les liens entre violences sexistes et sexuelles et suicides, j’ai reçu, comme vous, me semble-t-il, Yaël Mellul, qui mène un travail important sur ce sujet. Ensemble, nous sommes convenues de lancer un travail d’étude, notamment de quantification, afin de pouvoir disposer d’une analyse plus fine.

D’un côté, nous sommes opposés, par principe, aux demandes de rapport ; de l’autre, nous avons déjà entamé un travail sur ce sujet, selon une méthode qui se rapproche de celle que vous décrivez.

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la rapporteur, on ne saurait opposer toujours la même réponse de principe aux demandes de rapport, quel que soit le sujet !

J’adorerais que le Sénat soit en mesure de mener l’enquête que je demande, mais nous n’en avons pas les moyens ! Nous ne pouvons pas passer de conventions avec les parquets ou avec les SDIS.

Nous pouvons évaluer les politiques publiques, mais, en l’occurrence, je demande que les pouvoirs publics commencent à s’intéresser à un sujet qui, jusqu’à présent, n’a pas encore été abordé.

Nous ne pouvons donc pas élaborer le rapport que je demande, madame la rapporteur. Croyez bien que si cela était possible, je me porterais volontaire pour le rédiger !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. En tant que président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, j’ai été le premier, me semble-t-il, à déplorer avec force que le Gouvernement ne donne suite à quasiment aucune demande de rapport.

En réalité, des parlementaires demandent souvent un rapport afin de pouvoir évoquer un sujet sans tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Ce fait n’exonère cependant pas le Gouvernement de remettre les rapports qui lui sont demandés.

Monsieur le président Bas, si l’opposition aux demandes de rapport doit devenir une doctrine, il ne faudrait pas que son application soit à géométrie variable ! Je constate qu’il arrive à la commission elle-même de demander des rapports, parce qu’elle le juge utile.

En l’occurrence, cette demande de rapport ne vise pas du tout à soulever un sujet « par la bande ». Il s’agit de demander au Gouvernement des informations que lui seul peut fournir.

Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, le refus des demandes de rapport ne doit pas relever d’une position de principe. C’est à une certaine forme d’utilisation perverse des demandes de rapport que vous devez vous opposer.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Mme la secrétaire d’État vient d’indiquer que l’enquête demandée par Mme Rossignol est déjà conduite, à peu près selon la méthode que notre collègue préconise. C’est d’ailleurs pourquoi elle a émis un avis de sagesse.

Dans ces conditions, je ne comprends pas pourquoi Mme la rapporteur s’oppose à cette demande de rapport, sinon pour des raisons de principe qui n’ont pas vraiment de sens.

Madame la rapporteur, n’accepteriez-vous pas de revoir votre position, compte tenu de l’engagement de Mme la secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Je veux remercier Mme la secrétaire d’État de son avis de sagesse.

Nous voterons cet amendement. Certes, d’une manière générale, on peut s’interroger sur l’utilité de demander des rapports, mais il s’agit ici d’établir des statistiques sur un sujet important.

À Toulouse, une femme s’est suicidée en présence de son mari, qui a simplement été condamné pour non-assistance à personne en danger. On ne saura jamais s’il a aidé son épouse à se suicider… Nous connaissons toutes et tous de tels cas.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. À titre personnel, j’émets un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.

Mme Marta de Cidrac. Je comprends parfaitement la demande de Mme Rossignol, ainsi que l’avis de sagesse du Gouvernement, notre délégation aux droits des femmes ayant déjà eu l’occasion de débattre de ce sujet, mais je pense que le temps de l’action est venu.

Nous connaissons tous, dans nos territoires, des cas similaires à celui que vient d’évoquer Françoise Laborde. Je suivrai l’avis de la commission des lois et de notre rapporteur.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Elle a finalement émis un avis de sagesse !

Mme Marta de Cidrac. Savoir s’il y a 120 ou 200 femmes qui meurent chaque année du fait des violences de leur compagnon n’est pas la question essentielle : ce qui importe, c’est d’agir ; ne perdons donc pas de temps à débattre de demandes de rapport. Focalisons-nous sur l’action et sur les moyens ! Nous connaissons les chiffres dans nos territoires.

Mme Laurence Rossignol. Non, justement, on ne les connaît pas !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 32 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 2 bis E (supprimé)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis D.

L’amendement n° 48 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire, à l’école primaire, au collège et au lycée.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Je vais moi aussi demander un rapport. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Excusez-moi, madame de Cidrac, de vous faire perdre votre temps !

Cet amendement vise à prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire. Ce rapport devra être remis dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.

Selon le site internet du ministère de l’éducation nationale, l’éducation à la sexualité vise des objectifs distincts et pluriels : apporter aux élèves des connaissances scientifiques ; identifier les différentes dimensions – biologique, affective, culturelle, éthique, sociale, juridique – de la sexualité ; développer l’exercice de l’esprit critique ; favoriser des comportements individuels et collectifs responsables – prévention, protection de soi et des autres ; faire connaître les ressources spécifiques d’information, d’aide et de soutien dans l’établissement et en dehors. Elle s’inscrit donc dans la politique nationale de prévention et de réduction des risques –infections sexuellement transmissibles, sida, grossesses précoces –, de lutte contre les comportements homophobes et sexistes et contre les violences sexuelles et de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Ces actions sont essentielles pour prévenir dès le plus jeune âge des comportements potentiellement sexistes ou des violences sexuelles. Un rapport de 2016 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a pourtant révélé qu’une école primaire sur quatre ne mettait pas en place les séances d’éducation sexuelle, malgré l’obligation légale. De plus, il a mis en lumière que les violences sexistes et sexuelles étaient le sujet le moins abordé durant ces séances.

Dans le même esprit, la recommandation n° 23 du groupe de travail sur la verbalisation du harcèlement de rue, composé de cinq députés, préconise d’« établir un rapport sur l’évaluation de l’éducation sexuelle apportée aux élèves durant leur scolarité ».

Élaborer un rapport sur l’éducation à la sexualité dans le cadre scolaire permettrait de faire un bilan de la mise en œuvre de cette politique, afin d’en adapter les ressources et les méthodes.

Enfin, nous soutenons que la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ne peut se limiter au seul volet répressif.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Claudine Lepage. Elle doit également reposer sur un volet préventif important.

Il ne me semble pas incongru que le Parlement demande au Gouvernement de présenter un bilan de sa politique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, votre proposition est également déjà mise en œuvre par le Gouvernement. Toutefois, je ne m’en remettrai pas, cette fois, à la sagesse du Sénat. Vous connaissez notre position de principe sur les demandes de rapport : les exceptions n’ont pas vocation à se multiplier.

En réalité, le rapport que vous demandez existe déjà : il s’agit de l’audit sur la mise en application de la loi qui prévoit trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle. Il a été réalisé par l’Inspection générale de l’éducation nationale et sera remis à la rentrée. Je suis bien évidemment prête à partager ses conclusions avec le Parlement, en particulier avec la délégation aux droits des femmes.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Un rapport sur l’éducation, c’est très bien, mais nous savons tous ce que deviennent les rapports… Il est heureux que les rapports qui s’accumulent soient aujourd’hui dématérialisés, car nous n’avons plus de place pour les stocker !

Il faudrait créer un comité de réflexion sur la révision des manuels scolaires en vue d’y réserver une place à cette éducation sexuelle – on pourrait l’appeler autrement –, à l’instar de ce qu’ont fait les pays nordiques voilà très longtemps déjà. Il faut notamment expliquer aux jeunes que la sexualité n’est pas l’abus.

Comme l’a souligné l’une de nos collègues, il est temps de passer à l’action !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je partage votre avis, madame la sénatrice. Je n’ai simplement pas voulu répéter ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises.

Nous sommes dans l’action : Jean-Michel Blanquer a adressé à l’ensemble des recteurs une circulaire recensant les associations qui disposent d’un agrément IMS – intervention en milieu scolaire –, pour que la loi puisse enfin être mise en œuvre et que les trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle par année scolaire soient enfin organisées, par des associations reconnues par l’État.

En complément, nous dialoguons avec les parents pour obtenir leur adhésion et ne plus assister à des mouvements de retrait des élèves dès lors que ces questions sont abordées à l’école, comme cela a pu arriver par le passé. Pour ne pas laisser des fantasmes s’installer ou de fausses informations circuler, nous avons mis en place une « mallette des parents », un outil qui permet de diffuser des informations extrêmement claires sur ce qui va être dit aux enfants sur ces sujets durant le temps scolaire.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Je ne voterai pas cet amendement, d’autant que le rapport demandé existe déjà, semble-t-il.

Madame la secrétaire d’État, pourquoi réserver la présentation du rapport qui vous sera remis à la rentrée à la délégation aux droits des femmes ? Ce rapport concerne l’éducation, un sujet qui nous intéresse tous : je souhaiterais qu’il soit présenté à l’ensemble des sénateurs.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, je suis tout à fait disposée à présenter le rapport à tout parlementaire qui le souhaitera. Si la commission de la culture m’y invite, je viendrai bien évidemment le lui présenter !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article  additionnel  après l'article 2 bis D - Amendement n° 48 rectifié
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Article additionnel après l'article 2 bis E - Amendement n° 54 rectifié

Article 2 bis E

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 76 rectifié est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mmes Dindar et Guidez, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien et Jasmin et M. Cadic.

L’amendement n° 90 rectifié est présenté par Mmes Laborde et M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Léonhardt et Menonville.

L’amendement n° 111 est présenté par Mmes Cohen, Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les dispositifs locaux d’aide aux victimes d’agressions sexuelles, permettant à ces victimes d’être accompagnées et de réaliser les démarches judiciaires au sein même des centres hospitaliers universitaires.

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 76 rectifié.

Mme Annick Billon. Il s’agit là encore d’une demande de rapport…

Le présent amendement vise à rétablir l’article 2 bis E dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Cet article prévoyait la remise au Parlement, par le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport sur les dispositifs locaux d’aide aux victimes d’agressions sexuelles, qui permettent à celles-ci d’être accompagnées et de réaliser les démarches judiciaires au sein même des centres hospitaliers universitaires, les CHU.

Ce rapport aurait notamment pour objet d’analyser la pertinence d’une généralisation du système de conventions entre parquet et CHU, sur le modèle du dispositif CAUVA –cellule d’accueil d’urgence des victimes d’agressions – mis en place à Bordeaux. Cette structure permet aux victimes d’agression de bénéficier, dans un même lieu, d’une aide médicale, psychologique, sociale et juridique et de la possibilité d’amorcer une procédure judiciaire avant même le dépôt d’une plainte.

Notre rapporteur s’opposera sans doute à cette nouvelle demande de rapport, mais, dans la mesure où l’amendement vise à rétablir un article introduit par l’Assemblée nationale, j’imagine que l’avis du Gouvernement sera favorable…

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Comme l’a souligné Mme Billon, le Sénat n’est guère favorable aux demandes de rapport. Pour autant, nous en avons adopté une, présentée par Mme Rossignol, et l’Inspection générale de l’éducation nationale s’apprête à remettre les conclusions d’un audit. Peut-être n’était-ce pas une bonne idée de déposer cet amendement visant à rétablir un article introduit par les députés, mais toujours est-il qu’il est défendu…

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 111.

Mme Laurence Cohen. Demander un rapport, c’est bien souvent l’un des seuls moyens à la disposition des parlementaires pour attirer l’attention du Gouvernement sur un sujet sans tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

En tant que membre de la commission des affaires sociales, la mise en place annoncée de centres psychotraumatiques me laisse un peu dubitative. À moins d’une très belle surprise lors du prochain débat budgétaire, il n’y aura pas de moyens disponibles pour ouvrir ces centres…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme vous le savez, la commission des lois est attachée à l’accompagnement des victimes. Des préconisations en ce sens figurent dans notre rapport d’information. Il convient désormais que le Gouvernement agisse, non qu’il remette un énième rapport. Dans un récent rapport sur la question de la prise en charge médicale des femmes victimes de violences, l’Inspection générale des affaires sociales recensait déjà ces dispositions.

S’il y a besoin d’un rapport, notre délégation aux droits des femmes ou la commission des lois peuvent s’autosaisir. Demander au Gouvernement un rapport qui ne sera jamais remis ou qui, s’il l’est, ne comptera que trois pages, ne présente aucun intérêt ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Une fois n’est pas coutume, je suis du même avis que Mme Laborde. Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 76 rectifié, 90 rectifié et 111.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 bis E demeure supprimé.

Article 2 bis E (supprimé)
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Article 2 bis (supprimé)

Article additionnel après l’article 2 bis E

M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret, de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis E

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La dernière phrase de l’article L. 121-1 du code de l’éducation nationale est complétée par les mots : « ainsi qu’une obligation de sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles et à la formation au respect du non-consentement ».

La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Il ne s’agit pas d’une demande de rapport… (Rires.)

M. Yannick Vaugrenard. L’environnement social de nos établissements scolaires n’est malheureusement pas épargné par les phénomènes de violences sexistes et sexuelles. Ces dernières contreviennent à la dignité et au respect de chacune et de chacun.

L’obligation de formation des enseignants et des personnels d’éducation figure dans la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école, qui fait de l’égalité une partie intégrante de la formation initiale des personnels d’éducation.

Les récents plans et circulaires prévoient que la question de l’égalité entre filles et garçons soit également intégrée, tout au long de leur carrière, à la formation continue des enseignants et personnels d’encadrement. Cette obligation est d’ailleurs rappelée dans le rapport annexé d’orientation de la politique de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, aux termes duquel « les enfants doivent recevoir une éducation à la sexualité. Il convient de garantir les moyens d’assurer cette obligation légale d’enseignement sur tout le territoire. » Elle s’inscrit également dans la continuité des circulaires relatives à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Or, aujourd’hui, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes constate que l’obligation de formation à l’égalité n’est pas respectée. Cette formation ne profite qu’à une minorité des 900 000 personnels enseignants et non enseignants et reste trop souvent optionnelle dans les enseignements proposés au sein des trente-deux écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Cet amendement vise donc à rappeler l’obligation de sensibilisation des élèves et des professeurs à la réalité des violences sexistes et sexuelles, ainsi que l’obligation de formation des professeurs au respect du consentement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Tout comme vous, mon cher collègue, nous sommes très attachés à l’éducation.

La commission est favorable à cet amendement qui tend à inscrire une précision utile et normative dans le code de l’éducation nationale sur la sensibilisation des enseignants à la question des violences sexistes et sexuelles et, surtout, à celle du respect du non-consentement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Comme je l’ai souligné, le Gouvernement met déjà en œuvre des politiques publiques en faveur de l’égalité entre les filles et les garçons au sein de l’éducation nationale. Je songe notamment au grand plan, présenté par le Président de la République, de formation des personnels de la fonction publique au repérage et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui concerne l’ensemble de la communauté éducative, des professionnels de la petite enfance jusqu’aux professeurs de lycée.

Le Gouvernement considère l’amendement comme satisfait ; l’avis est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 bis E.

Article additionnel après l'article 2 bis E - Amendement n° 54 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 37 rectifié

Article 2 bis

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 33 rectifié bis est présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 77 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mmes Dindar et Guidez, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam et Vérien et M. Cadic.

L’amendement n° 91 rectifié est présenté par Mmes Laborde et M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Léonhardt et Menonville.

L’amendement n° 112 est présenté par Mmes Cohen, Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les dispositifs locaux d’aide à la mobilité des victimes de violences sexuelles destinés à leur permettre de se déplacer, notamment pour un examen auprès d’un médecin légiste ou une audience, et de poursuivre leurs démarches de judiciarisation.

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié bis.

Mme Laurence Rossignol. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié bis.

Mme Annick Billon. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 91 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 112.

Mme Laurence Cohen. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission est défavorable à ces quatre amendements identiques, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 rectifié bis, 77 rectifié bis, 91 rectifié et 112.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 bis demeure supprimé.

Article 2 bis (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 38 rectifié

Articles additionnels après l’article 2 bis

M. le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-… ainsi rédigé :

« Art. 15-3-… – Les victimes mineures comme majeures des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal ont le droit, si elles en manifestent la volonté, de témoigner des faits subis dans un local leur garantissant intimité et discrétion. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Dispositions relatives à la répression des violences sexuelles et à la protection des victimes majeures et mineures de violences sexuelles

La parole est à Mme Martine Filleul.

Mme Martine Filleul. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que celui portant sur les enregistrements audiovisuels que nous avons précédemment adopté.

Nous proposons de garantir le droit à l’intimité des femmes qui viennent témoigner d’une agression. Il s’agit d’éviter qu’elles aient à décrire les sévices subis devant de nombreuses personnes, ce qui peut renforcer le traumatisme de l’agression sexuelle. La victime a besoin d’être rassurée. La perspective de devoir témoigner en public ne l’encourage pas à révéler les violences qui lui ont été imposées.

Comme vous le savez, de nombreuses victimes de viol hésitent à porter plainte, car elles éprouvent des difficultés à s’exprimer dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, où de nombreuses personnes sont présentes à l’accueil.

C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à organiser la formation des agents d’accueil des commissariats et des gendarmeries à la prise en charge des victimes des violences sexuelles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous avions demandé que cet amendement soit rectifié afin que son dispositif figure à l’annexe. Faute d’une telle rectification, la commission, très à regret, émet un avis défavorable…

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Mais favorable sur le fond !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, nous partageons bien entendu votre objectif d’améliorer l’accueil des victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats et les gendarmeries.

Je vous rappelle qu’un vaste plan pour améliorer cet accueil est en cours de déploiement, avec l’appui de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé plusieurs mesures pour faciliter le dépôt de plainte lors du lancement de la grande cause du quinquennat, le 25 novembre dernier : déploiement de dispositifs de recueil des preuves sans dépôt de plainte dans les unités médico-judiciaires ; développement de la possibilité de porter plainte dans les différents lieux de prise en charge des victimes, notamment dans les hôpitaux ; installation de référents de la police et de la gendarmerie dans les structures d’accueil des femmes victimes de violences ; généralisation de la présence d’intervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries pour accompagner le mieux possible les victimes et les orienter, dans un second temps, vers des structures adaptées ; création d’une plateforme de signalement en ligne pour permettre aux victimes de violences sexistes et sexuelles d’établir un premier contact avec les policières et les policiers et de préparer le moment du dépôt de plainte.

En outre, j’insiste sur le fait que les services de police et de gendarmerie ont d’ores et déjà l’obligation légale, en vertu de l’article 15-3 du code de procédure pénale, de recevoir les plaintes. L’enjeu est d’améliorer la formation et la sensibilisation : c’est ce que nous faisons.

Au demeurant, les victimes peuvent déjà, aux termes du code de procédure pénale, être entendues dans des locaux qui garantissent intimité et discrétion.

Il me semble donc que les dispositions législatives adéquates existent. La question qui se pose est celle de l’application de la loi et de la conduite d’une politique publique volontariste pour améliorer l’accueil dans les commissariats et dans les gendarmeries, ce à quoi le Gouvernement s’emploie depuis le 25 novembre dernier.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 37 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 40 rectifié (début)

M. le président. L’amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-3-… ainsi rédigé :

« Art. 15-3-… – Lorsqu’une victime, majeure ou mineure, de faits semblant constitutifs des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal, dénonce la ou les infractions devant les autorités judiciaires, la prise d’une plainte est obligatoire sauf refus exprès de la victime. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre …

Dispositions relatives à la répression des violences sexuelles et à la protection des victimes majeures et mineures de violences sexuelles

La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de celui que vient de présenter Mme Filleul.

J’ai constaté, dans mon département, les améliorations apportées à l’accueil des femmes victimes de violences dans les commissariats et les gendarmeries, mais les témoignages de victimes d’infractions sexuelles ayant essuyé un refus de prise de plainte restent beaucoup trop nombreux.

Cet amendement vise donc à renforcer le droit au dépôt de plainte en prévoyant que, sauf refus exprès de la victime, la prise de plainte est obligatoire lors de la dénonciation d’infractions à caractère sexuel.

De nombreuses victimes de viol hésitent encore à aller porter plainte, de peur de se voir opposer un refus. Cela renforce leur sentiment que justice ne leur sera pas rendue. Pis encore, cela nuit à leur processus de reconstruction. Le refus d’enregistrement de plainte est pourtant prohibé par le code de procédure pénale. Très souvent, on demande aux victimes de transformer leur plainte en une simple inscription sur le registre des mains courantes, ce qui est inadmissible.

Des centaines de femmes ont dénoncé l’accueil reçu dans les commissariats au moment du dépôt de plainte. Il me semble donc impératif de renforcer ce droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous comprenons parfaitement l’objectif des auteurs de cet amendement.

Toutefois, l’article 15-3 du code de procédure pénale dispose d’ores et déjà que la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale. Cette obligation est d’ailleurs rappelée à l’article 5 de la charte d’accueil du public et des victimes dans les commissariats. Les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions pénales, quel que soit le lieu de commission.

Je ne pense pas qu’une disposition supplémentaire limitée aux infractions sexuelles soit nécessaire : tout policier ou gendarme est tenu, dans tous les contentieux, d’accepter toutes les plaintes. Là encore, il ne suffit pas de changer la loi pour changer certaines mauvaises pratiques.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Madame Blondin, l’amendement n° 38 rectifié est-il maintenu ?

Mme Maryvonne Blondin. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. La question que soulève Mme Blondin remonte très souvent du terrain.

Pour peu que l’État accepte de mettre les moyens nécessaires, il existe une solution : renforcer les équipes des commissariats et des gendarmeries par des intervenantes sociales.

Dans mon département, cela fait dix ans que des intervenants sociaux sont présents dans les commissariats et les gendarmeries. Cependant, les dotations de l’État diminuent, alors qu’il faudrait plutôt abonder le fonds d’intervention pour permettre un accompagnement des femmes, des enfants, des familles au moment du dépôt de plainte. (Mmes Laure Darcos, Martine Filleul et Annick Billon applaudissent.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 38 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 40 rectifié (interruption de la discussion)

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin, M. Filleul et Cartron, M. Courteau, Mmes Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil est complété par les mots : « et à l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux punitions et châtiments corporels ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

Titre …

Dispositions renforçant la protection des mineurs contre toutes les violences

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à inscrire dans le code civil que l’autorité parentale s’exerce à l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux punitions et châtiments corporels.

Le lien entre cette disposition et l’objet du texte que nous examinons, à savoir le renforcement de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, réside dans le fait que les experts s’accordent à dire que les enfants à qui l’on a toujours dit que personne n’avait le droit de porter la main sur eux ni de toucher à leur corps étaient beaucoup plus forts à la fois pour faire face à d’éventuelles violences sexuelles et, surtout, pour les dénoncer.

Les punitions corporelles, les châtiments infligés aux enfants ont des conséquences psychologiques durables sur leur développement. Ils privent l’enfant de sa capacité à exiger que son corps soit respecté par les adultes.

Cette mesure a déjà recueilli un avis positif de la garde des sceaux, lors des assises de la protection de l’enfance qui se sont tenues à Nantes voilà quarante-huit heures, et de la ministre des solidarités et de la santé.

Il me semble important que ce projet de loi intègre et sanctuarise cette mesure importante en faveur de la prévention de toutes les maltraitances faites aux enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ma chère collègue, que n’avez-vous eu cette idée lorsque vous étiez ministre chargée de la famille ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Nous l’avions proposé : mauvaise pioche !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis révulsé par tout châtiment corporel sur les enfants et je serais vraiment très déçu si notre République les autorisait.

Fort heureusement, l’article 222-13 du code pénal punit déjà toutes les violences sur les mineurs de trois ans d’emprisonnement. Les gifles, les fessées sont aujourd’hui interdites en France, alors qu’il s’agissait autrefois d’une pratique tolérée, bien que tout à fait insupportable. Les châtiments corporels sur les enfants existent encore, certes, mais ils ne sont pas acceptés et les poursuites pénales sont heureusement possibles.

Or votre amendement ne parle même pas de poursuites pénales : c’est donc un coup d’épée dans l’eau. On peut bien sûr inscrire l’interdiction des châtiments corporels dans la loi, mais à quoi sert une interdiction qui n’est pas assortie de sanctions ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dans ce type de débat, celui qui présente l’amendement a l’avantage, car il défend un noble principe, tandis que celui qui essaie d’éclairer l’assemblée sur la vacuité du dispositif est sur la défensive, car il donne l’impression d’être favorable aux châtiments corporels !

Encore une fois, je suis absolument et radicalement hostile à tous châtiments corporels sur les enfants et je suis soulagé de savoir que le code pénal permet de les poursuivre. Ne voyant pas pourquoi il faudrait poser un interdit sans sanction dans le code civil, je suis contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) J’assume cette position et je demande l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Il me semble que Mme Rossignol avait proposé cette mesure quand elle était ministre, mais qu’elle s’était heurtée à des difficultés de procédure et de calendrier…

Le Gouvernement est bien sûr tout à fait favorable à l’inscription dans la loi de l’interdiction des châtiments corporels, pour toutes les raisons évoquées à l’instant et pour celles qui l’ont été par Mme la garde des sceaux aux assises nationales de la protection de l’enfance et par Mme la ministre des solidarités et de la santé.

À titre personnel, c’est un combat que je mène de longue date. Il est important à mes yeux d’inscrire dans la loi l’interdiction totale et absolue de toute forme de châtiment corporel.

Néanmoins, le présent texte n’est pas le bon véhicule législatif. Il serait préférable d’inscrire cette interdiction dans une loi de protection de l’enfance. C’est pour cette seule raison de forme que le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président Bas, je suis au regret de relever deux erreurs dans les propos que vous venez de tenir.

La première, évoquée à l’instant par Mme la secrétaire d’État, est une erreur factuelle, historique. Lorsque j’étais aux responsabilités, j’avais déposé le même amendement devant la commission spéciale du Sénat chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. La rapporteur, Mme Françoise Gatel, lui avait opposé l’article 44 du règlement, arguant qu’il s’agissait d’un cavalier. Ainsi, cet amendement du Gouvernement n’avait pu être examiné par le Sénat, alors qu’il avait à mon sens sa place dans cette loi. Il avait ensuite été adopté à l’Assemblée nationale. Vous avez alors saisi le Conseil constitutionnel, qui a censuré le dispositif de l’amendement, non parce qu’il y avait un problème d’inconstitutionnalité, mais parce que la commission spéciale du Sénat avait écarté son examen.

Tels sont les faits. Vous ne pouvez donc pas venir me dire aujourd’hui que j’aurais pu me préoccuper plus tôt de cette question ! J’avais alors rencontré les mêmes oppositions qu’aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

J’en viens à votre seconde erreur, monsieur Bas. Comme j’aimerais que vous ayez raison s’agissant de l’interdiction des punitions corporelles et du recours à ces pratiques par les adultes dans notre pays ! Malheureusement, à côté du code pénal, il existe aussi un droit de correction napoléonien et jurisprudentiel, qui fait que les parents sont convaincus qu’ils ont le droit de frapper leurs enfants. Nous vivons dans un pays où, lorsqu’un homme frappe sa femme sur la voie publique, on trouvera toujours quelqu’un pour intervenir, ce qui est une bonne chose. Lorsqu’un individu bat son chien, de nombreux amis des animaux interviendront. Mais quand un parent bat son enfant comme plâtre dans un lieu public, si vous intervenez, il vous opposera que c’est son enfant, et qu’il a donc le droit de le frapper.

C’est délibérément que nous proposons d’inscrire cette interdiction dans le code civil, et non dans le code pénal : l’idée n’est pas que des enfants puissent menacer leurs parents de les traîner devant les tribunaux s’ils continuent de les frapper ; elle est de donner un cadre aux parents, en définissant dans le code civil les droits de l’enfant et comment doit s’exercer l’autorité parentale. Nous n’utilisons pas suffisamment le code civil. J’aurais cru que vous seriez d’accord avec moi sur ce point, monsieur le président de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je donne acte à Mme Rossignol de ses tentatives antérieures, qui ont été bloquées non par le Sénat, mais par le Conseil constitutionnel. Mais laissons de côté cet aspect.

Madame Rossignol, le droit de correction que vous évoquez n’existe pas, et c’est heureux ! Il faut que nous discutions sereinement sur des bases claires. Comment accepterions-nous de vivre dans une République où existerait un tel droit de correction ?

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Madame Rossignol, chacun a sa façon de présenter les choses. Historiquement, vous avez raison : la disposition en question avait bien été inscrite dans le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté. Ne disposant pas d’autre arme que l’humour devant un tel texte, je l’avais qualifié de cabinet de curiosités. Il s’apparentait à une grande opération de soldes d’idées généreuses, certaines excellentes. De façon que nous puissions aboutir à un texte qui ait du sens, je m’étais en effet opposée à l’examen de nombreux amendements et articles dépourvus de lien avec l’objet du projet de loi, estimant qu’il s’agissait de cavaliers. Je rappelle que ce texte traitait aussi bien des oubliés de Madagascar que de la fessée ou de l’inversion de la règle de l’ancienneté…

Ce sujet d’importance relève plutôt, comme vient de le dire Mme la secrétaire d’État, d’une loi de protection de l’enfance.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Il y a deux raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.

Tout maire, adjoint ou conseiller municipal connaît par cœur l’article 371-1 du code civil, qui traite de l’autorité parentale, car on en donne lecture à chaque célébration de mariage : « Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. » La finalité de l’autorité parentale est l’intérêt de l’enfant.

Tout est dit ! Pourquoi en rajouter ? Ou alors, pourquoi ne pas mentionner aussi les violences psychologiques ou le chantage affectif ? Quand tout est dit de manière claire et concise, entrer dans le détail peut aboutir à masquer l’essentiel.

Par ailleurs, il convient effectivement de mener un travail sur les droits de l’enfant, envisagés de manière globale. Ne traitons pas ce sujet de manière partielle dans un texte relatif aux violences sexuelles et sexistes. Il s’agit certainement d’un amendement d’appel : nous sommes tous disposés à travailler sur les droits de l’enfant dans les mois qui viennent. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Les propos de M. de Belenet montrent en quoi cet amendement est important. Effectivement, lors de la célébration des mariages, nous rappelons un certain nombre d’obligations, d’ailleurs assez peu nombreuses. L’assistance y est extrêmement attentive, étant donné la solennité du moment. Par conséquent, évoquer l’interdiction des châtiments corporels à ce moment-là aurait une portée pédagogique plus grande que son inscription dans un article du code pénal.

D’après notre collègue de Belenet, ce ne serait pas nécessaire. Ne nous voilons pas la face : nous sommes tous ici d’une génération qui a connu ces pratiques, qui sait que l’interdiction n’est pas considérée à sa juste valeur. Nous savons très bien ce qui se passe dans les familles. Il ne s’agit pas de violences extrêmes, mais de la petite violence sur enfants. Nous avons pris conscience, depuis quelques années, qu’elle n’était pas acceptable.

C’est toute la vertu de cet amendement que de faire le lien entre les punitions corporelles sur les enfants et la vulnérabilité que ceux-ci manifesteront ou non plus tard face aux violences et aux agressions sexuelles. Tout est lié !

Il est donc très important de considérer cet amendement avec sérieux. Le Gouvernement a exprimé, par la voix de Mme Schiappa, son accord sur le fond. On nous dit que ce texte n’est pas le bon véhicule législatif, mais aucun autre n’est annoncé aujourd’hui. Attention à ne pas reporter sine die l’adoption d’une mesure très importante pour les enfants d’aujourd’hui, et donc les adultes de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une de la commission, l’autre du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 198 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 311
Pour l’adoption 110
Contre 201

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 40 rectifié (début)
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Discussion générale

5

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à faire preuve de courtoisie et à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

Je salue l’élection de M. Vincent Segouin, dans l’Orne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.) Je souhaite la bienvenue dans notre assemblée à Mme Cathy Apourceau-Poly, nouvelle sénatrice du Pas-de-Calais, qui prend la relève de M. Dominique Watrin, dont je salue le travail. (Applaudissements.)

évasion de redoine faïd (i)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

Mme Michèle Vullien. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Je souhaite revenir sur l’évasion pour le moins spectaculaire de Redoine Faïd de la prison de Réau. Je sais que vous avez diligenté une mission d’inspection, madame la garde des sceaux. Nous aurons l’occasion d’échanger sur ses conclusions, attendues d’ici à une quinzaine de jours.

Cependant, je m’interroge sur la succession hallucinante de signes avant-coureurs non pris en compte et sur le traitement médiatique de cette affaire.

Non, ni le lieu ni les moyens n’étaient adaptés ! La preuve en est que cet individu est aujourd’hui en cavale.

Pourtant, lors d’un mouvement social, au mois de janvier dernier, les personnels pénitentiaires avaient déjà tiré la sonnette d’alarme. Ils sont les premiers à souligner que cet individu, qualifié de « détenu particulièrement signalé », n’était pas dans la bonne prison, qu’il communiquait avec les autres détenus, que le personnel n’avait pas le temps de fouiller sa cellule et que des moyens complémentaires de sécurité, notamment des filins, étaient nécessaires. Forts de leur expérience, ils avaient même demandé un transfèrement urgent, demande qui n’a pas été prise en compte.

Le rapport de la commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure, dont nous avons pris connaissance ce matin, n’est pas fait pour nous rassurer.

Non, cette prison, pourtant construite en 2011, prétendument moderne et sécurisée, n’était pas adaptée pour accueillir ce type de personnage ! La preuve en est qu’il est aujourd’hui en cavale. C’est d’autant plus vrai que les plans de la prison ont fuité, qu’un drone peut la survoler en toute impunité et qu’elle n’est même pas floutée sur Google Earth

Oui, je suis choquée de découvrir sur les réseaux sociaux les images filmées par un détenu, alors que les téléphones portables sont interdits en détention ! Cela laisse à penser que les échanges avec l’extérieur sont légion.

Oui, je suis choquée de voir des chaînes d’information relayer cette même vidéo en faisant abstraction de toute déontologie !

Oui, je suis choquée de voir ce personnage dangereux incarner aux yeux de certains une sorte de héros des temps modernes et être salué sur les réseaux sociaux par une actrice écervelée, pour ne pas dire décérébrée ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Oui, je suis choquée, quand je pense à la famille de la jeune policière municipale tuée par cet homme, et en particulier à son jeune fils !

Madame la garde des sceaux, que comptez-vous faire pour que nous ne revivions plus jamais ce genre de situation ? La crédibilité de votre administration est mise à mal.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michèle Vullien. Il faut améliorer la sécurité, et je dirais même restaurer l’exemplarité de notre système carcéral. C’est la confiance en notre État de droit qui en dépend ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, cette évasion spectaculaire, qui a été préparée par un commando hors norme, a effectivement frappé les esprits ; à divers égards, on peut le comprendre.

Devant une telle situation, il faut réagir avec sérieux, avec détermination, sans surenchère. Le parquet de Paris mène une enquête. Toutes les forces de l’ordre sont mobilisées pour retrouver le fugitif. En tant que garde des sceaux, je suis responsable de la sécurité dans les établissements pénitentiaires.

La prison de Réau, vous l’avez rappelé, est une prison moderne. Elle a été inaugurée par le président Sarkozy en 2011. C’est une prison sécurisée. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle est adaptée pour recevoir des détenus particulièrement signalés, comme l’était Redoine Faïd, qui, à ce titre, relevait d’un régime de surveillance très particulier. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Je veux comprendre comment cette évasion a pu être possible, sur la base d’éléments solides et irrécusables. C’est pourquoi j’ai diligenté dès dimanche une inspection qui me rendra ses conclusions dans une dizaine de jours. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je tirerai toutes les conséquences des résultats de cette inspection. S’il est établi que des signaux d’alerte n’ont pas été pris en compte, il y aura des sanctions.

Cela étant, le Gouvernement n’a pas attendu cet événement grave pour agir. Dès 2018, nous avons augmenté le budget de sécurité des établissements pénitentiaires de 10 millions d’euros. Nous avons professionnalisé et renforcé le renseignement pénitentiaire ; cela est reconnu par tous. Nous avons créé des structures étanches qui vont pouvoir accueillir des détenus radicalisés. Nous mettons en place des dispositifs de brouillage des téléphones. Nous lançons un marché pour lutter contre les drones. Nous travaillons à la sécurisation des abords des établissements pénitentiaires. Le projet de loi de programmation que je vous présenterai dès l’automne traduira ces engagements pour mieux protéger les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

immigration

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Arnaud de Belenet. Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

L’accord auquel est parvenue l’Union européenne vendredi dernier à Bruxelles consacre un tournant dans l’approche de la gestion de l’immigration, qui relève des États souverains et demande à terme, sans doute, plus d’Europe.

Ce matin, une note de Vienne, inquiétante, a été rendue publique. Si elle était confirmée, elle finirait de démontrer que nous sommes confrontés à une crise migratoire, mais aussi à une crise politique, avec la montée des partis populistes et de la droite nationaliste au sein de l’Union. D’ailleurs, mardi dernier, la droite europhobe et radicale n’a pas manqué de rivaliser de cynisme au Parlement européen à propos de cet accord.

Néanmoins, un consensus a été trouvé sur un principe : l’Europe doit accueillir des réfugiés au nom de ses valeurs, mais elle n’accepte plus une immigration clandestine incontrôlée. Aussi l’accord que j’évoquais repose-t-il sur le renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne et sur l’ouverture de centres de contrôle, où la distinction sera faite entre demandeurs d’asile et migrants économiques.

Madame la ministre, le Président de la République indiquait que, n’étant pas un pays de première arrivée, la France n’avait pas vocation à ouvrir de centres de contrôle. Je vous demande donc de bien vouloir nous préciser comment la France mettra en application cet accord de principe obtenu au Conseil européen. Comment envisagez-vous l’accueil digne des réfugiés sur notre territoire et la limitation de l’immigration économique ? Les nouvelles procédures prévues dans le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie répondent-elles aux objectifs de ce nouvel accord européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la situation migratoire à l’échelle européenne.

Comme l’a indiqué le Président de la République, la France prend pleinement sa part. Ainsi, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, a retenu, sur les 630 passagers de l’Aquarius et sur les 230 migrants présents à bord du Lifeline, respectivement 80 et 52 personnes en tant que réfugiés ayant besoin de protection. Cela montre la solidarité très concrète de la France avec ses voisins européens en première ligne pour les arrivées par voie maritime. M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur a d’ailleurs salué ce matin l’arrivée des 52 réfugiés débarqués du Lifeline.

À l’échelon européen, nous pouvons nous féliciter de la réponse globale apportée par l’Union européenne. Cela répond à un engagement fort du Président de la République, qui, vous le savez, a été un acteur majeur de la négociation de l’accord européen obtenu la semaine dernière, dans la nuit de jeudi à vendredi.

Comme nous l’avons toujours dit – c’est l’objet du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, qui est toujours en discussion faute d’accord en commission mixte paritaire –, nous souhaitons faire en sorte que les situations soient examinées dans des délais raccourcis. Nous ne changerons pas d’orientation à cet égard.

Dans le même temps, nous travaillons en amont avec les pays d’origine et de transit pour dissuader les départs réguliers vers l’Europe. C’est là une priorité fondamentale, d’ailleurs validée par l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement européens.

Mais l’action de la France pour apporter une solution à la crise actuelle ne s’arrête pas là. Notre pays œuvre parallèlement à ce que les réadmissions dans les pays d’origine soient renforcées. Les résultats sont en progression très nette. La réponse à la situation migratoire repose sur un équilibre entre humanité et responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

plan biodiversité

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Joël Labbé. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Johannesburg, 2002 : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » C’était il y a seize ans déjà. La maison continue de brûler, et nous persistons trop souvent à regarder ailleurs.

Monsieur le ministre d’État, vous avez présenté hier un nouveau plan pour la biodiversité, visant à contrer l’appauvrissement accéléré du monde du vivant.

Lors de cette présentation, vous avez rappelé la situation catastrophique provoquée par l’effondrement de la biodiversité. Je suis de ceux qui partagent votre analyse, mais nous ne pourrons véritablement avancer tant que ce constat ne sera pas très largement admis tant par les parlementaires que par vos collègues du Gouvernement.

Nous sortons d’une semaine de débat sur le projet de loi relatif à l’agriculture et à l’alimentation. La biodiversité aurait dû être au cœur de nos préoccupations. Nous l’avons évoquée à plusieurs reprises, mais elle s’est, la plupart du temps, « ramassée ».

Pouvez-vous nous rappeler, une fois encore, en quoi la situation est si catastrophique ? (Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. –Mme Esther Benbassa et M. André Gattolin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Nicolas Hulot, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. « La nature nous parle, mais nous ne l’écoutons pas », disait Victor Hugo. J’ose croire qu’enfin nous l’écoutons. J’ose croire que nous avons entendu son cri de détresse. La prise de conscience précède les actes.

La réunion interministérielle inédite présidée hier par le Premier ministre en témoigne : nous allons collectivement prendre notre part de responsabilité dans ce grand fléau du XXIe siècle, que nous devons arrimer de manière indissociable à l’enjeu climatique.

Ai-je besoin de dresser une nouvelle fois le tableau ? En trente ans, ce sont un tiers des oiseaux en milieu agricole et 80 % des insectes en Europe qui ont disparu. Une espèce sur trois est menacée en France. Plus globalement, plus de 60 % des écosystèmes s’effondrent dans le monde entier. Si nous continuons avec ce modèle de développement, qui est parfois une licence de détruire la nature, c’est 40 % ou 50 % du vivant qui aura définitivement disparu au cours du siècle.

Le Gouvernement prendra donc ses responsabilités. Le plan que nous avons présenté hier n’est pas tout ; c’est un début ! Nous voulons enclencher une responsabilité et une dynamique collectives. Il faut que chaque citoyen, chaque acteur politique, chaque acteur économique s’interroge profondément sur sa responsabilité, en négatif ou en positif.

C’est donc un plan de mobilisation. Je veux, à ce stade, faire confiance à la volonté qui se manifeste ainsi. N’en doutez pas, dans les mois qui viennent, nous évaluerons l’efficacité de ce plan semaine après semaine. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Cela ne se fait peut-être pas, mais je m’adresserai maintenant à M. le Premier ministre.

Monsieur le premier ministre, dans votre discours de présentation du plan, vous avez parlé d’état urgence, avec une certaine gravité. Si vous adhérez vraiment au propos de votre ministre d’État, nous attendons de vous que vous imprimiez cette urgence à l’ensemble de l’action de votre gouvernement.

Si votre ministre de la transition écologique et votre ministre des solidarités et de la santé avaient été associés, le texte relatif à l’agriculture et à l’alimentation aurait sûrement été beaucoup plus ambitieux. Outre la biodiversité, la santé humaine est concernée au plus haut point.

Il est temps de s’engager avec entrain dans l’ère de l’après-pesticides, pour tourner le dos aux sombres perspectives de printemps silencieux et aller vers des printemps joyeux et réenchantés !

M. le président. Il faut conclure !

M. Joël Labbé. Il faut que nous puissions entendre encore longtemps, longtemps les concerts d’insectes somnolents chers à Albert Camus, ainsi que « des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants », comme le disait si bien Jacques Brel ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

suppression de la référence à la sécurité sociale dans la constitution

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le 2 juillet, le député du groupe La République En Marche Olivier Véran a fait adopter en catimini par la majorité de la commission des lois de l’Assemblée nationale un amendement visant à supprimer toute référence explicite à la sécurité sociale dans la Constitution.

Faut-il rappeler que ce pilier de notre société, issu du programme du Conseil national de la Résistance, y a été inscrit par l’Assemblée constituante les 22 mai et 22 août 1946 ?

Cet amendement tend à remplacer les mots : « sécurité sociale » par les mots : « protection sociale ». Il porte en lui la destruction de ce grand service public solidaire et protecteur de notre population. Il porte en lui la destruction de ce système qui « vise à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail » et « est financé par les cotisations des employeurs et des salariés, géré paritairement par les syndicats de travailleurs et les organismes patronaux ».

Monsieur le Premier ministre, vous le savez bien, les Françaises et les Français sont très attachés à notre système de sécurité sociale, malgré les nombreuses coupes budgétaires imposées par les gouvernements successifs. La « sécu » est un véritable trésor national, un joyau de notre patrimoine, un pilier central de la Nation. Je vous le dis solennellement, monsieur le Premier ministre : nous saurons nous mobiliser pour empêcher sa disparition ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, vous évoquez votre attachement et celui de nos compatriotes à la sécurité sociale. Permettez-moi de vous dire que je le partage, comme d’ailleurs tous ceux qui savent combien cette formidable construction, progressive, de solidarité a refondé le socle de notre pays après la Seconde Guerre mondiale.

Vous avez indiqué qu’un député avait, dans l’optique de la révision constitutionnelle à venir, présenté un amendement. Je respecte trop les parlementaires…

M. Roger Karoutchi. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. … pour formuler un quelconque commentaire ou avis sur cet amendement. Mais je voudrais vous répondre très clairement sur ses motivations : il ne s’agit en aucune façon – je crois que, au fond de vous-même, vous le savez – de remettre en cause la sécurité sociale. (M. Robert del Picchia applaudit.)

Je veux lever tous les malentendus, toutes les incompréhensions, peut-être aussi toutes les peurs que certains – ce n’est pas votre cas, madame Assassi – voudraient parfois susciter dans le débat public. Il s’agit simplement, tout en préservant la sécurité sociale, de faire en sorte que la loi puisse également prendre en compte des domaines qui n’en relèvent pas aujourd’hui.

Imaginez que, l’année prochaine, à l’occasion de la réforme des retraites, nous voulions compléter le dispositif des retraites actuel par un dispositif adapté à la dépendance.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Techniquement, un tel dispositif ne relèverait pas de la sécurité sociale.

Mme Éliane Assassi. C’est bien là où nous ne sommes pas d’accord !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Notre objectif est de faire en sorte que la sécurité sociale soit préservée, évidemment, et au-delà renforcée, pour que la solidarité qui lie les Françaises et les Français trouve de nouvelles richesses, de nouvelles forces pour accomplir sa mission initiale.

Ne mésinterprétons pas la volonté de parlementaires d’essayer d’améliorer ce qui est au cœur de notre cohésion nationale, ce que l’ensemble des Français considèrent comme un élément constitutif de leur identité. Peut-être m’exprimé-je un peu solennellement, mais il ne s’agit nullement d’une remise en cause de la sécurité sociale. Il s’agit de faire en sorte que ce qui nous lie et nous permet d’accompagner ceux de nos concitoyens qui en ont besoin puisse être plus fort et plus durable ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la réplique.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le Premier ministre, comment accepter l’idée même que des députés…

M. Michel Savin. Des députés En Marche !

Mme Éliane Assassi. … veuillent enterrer notre sécurité sociale au détour de la présentation furtive d’un amendement ?

M. Philippe Dallier. Vous n’avez pas l’impression d’exagérer un peu ?

Mme Éliane Assassi. Cet amendement a d’ailleurs été retiré, devant le tollé qu’il a provoqué.

Monsieur le Premier ministre, si l’on veut préserver la sécurité sociale, on peut la moderniser, la développer, mais on ne touche pas à ce qu’Ambroise Croizat qualifiait, à l’occasion de la création de la sécurité sociale, de « loi humaine et de progrès » ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Donc, vous êtes d’accord avec nous !

organisation du travail législatif

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Patrick Kanner. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Il n’y a pas si longtemps, lorsqu’une loi d’envergure arrivait devant le Parlement, tout était fait pour que les élus de la Nation s’en emparent, en débattent et l’amendent dans les meilleures conditions. Ce temps est désormais révolu ; permettez-nous de le regretter.

En ce temps, nous examinions une loi d’envergure pendant deux, voire trois semaines. Je prendrai l’exemple de la loi Macron, une belle loi, vous en conviendrez ! Son examen avait pris le temps parlementaire nécessaire : trois semaines à l’Assemblée nationale et trois semaines au Sénat en première lecture, de très nombreux amendements, des heures utiles de débat en commission, le tout avec une promulgation à peine huit mois après sa présentation en conseil des ministres et un ministre qui, à l’époque, avait goût au débat parlementaire…

Monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement, dans le laps de temps consacré naguère à la discussion de la loi Macron, nous devons désormais examiner trois textes de la même importance : le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, voilà deux semaines, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la semaine prochaine, et le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dans la foulée, sans parler du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, actuellement en débat.

Sur des sujets fondamentaux, vous donnez au Sénat trois fois moins de temps pour débattre !

Nous nous plaignons non pas d’un trop-plein, mais d’un « trop mal ». Nous ne voulons pas moins travailler ; nous voulons mieux travailler, parce que nous avons le souci de faire des lois de qualité et bien écrites pour les Français : c’est l’honneur du bicamérisme.

Monsieur le Premier ministre, après les dysfonctionnements du calendrier législatif de ce printemps, allez-vous établir en septembre, puis en janvier, un programme équilibré de travail et vous y tenir, pour le bon fonctionnement du Parlement, afin que le temps nécessaire au débat et à l’écriture de la loi soit respecté ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la qualité et l’organisation du travail parlementaire, sur le temps qu’il est nécessaire d’accorder au débat pour que le Parlement puisse élaborer et voter la loi, conformément au rôle qui lui est confié par la Constitution.

Vous indiquez finement qu’il fut un temps où tout était parfait et qu’aujourd’hui tout est sombre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. Roger Karoutchi. Attendons la suite.

M. Martial Bourquin. La dérision au lieu d’arguments !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. C’est ce que j’ai cru comprendre de votre question, monsieur le président Kanner.

En 2017, les Français nous ont, me semble-t-il, indiqué qu’ils voulaient une forme de rupture avec ce qui avait jusqu’alors prévalu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Longuet. Ils ne voulaient pas de Marine, c’est tout !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ils nous ont dit qu’il fallait une forme de rupture, non pas avec l’essentiel de ce qu’est notre République, avec le bicamérisme, avec le rôle du Parlement, mais avec l’incapacité de transformer notre pays, peut-être en assumant et en prenant des décisions qui, pendant longtemps, ne l’avaient pas été.

En tout cas, c’est comme cela que j’ai, pour ma part, interprété l’élection du Président de la République et la très forte majorité donnée, à l’Assemblée nationale, à ceux qui soutenaient son programme.

M. Jean-Marc Todeschini. Lequel consistait, par exemple, à ne pas toucher aux retraites ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il y a beaucoup à faire, en matière d’accès à l’enseignement supérieur, de droit du travail, de réforme du ferroviaire, de budget… Nous avons même parfois à prendre en compte des éléments auxquels nous ne nous attendions pas. Je remercie à cet égard le Sénat d’avoir su, en fin d’année dernière, adapter son calendrier pour étudier le projet de loi de finances rectificative qu’il a fallu déposer en raison de l’annulation d’un certain nombre de mesures par le Conseil constitutionnel et des coûts afférents.

Nous avons donc beaucoup de travail. Nous assumons le fait que le rythme législatif soit intense. Les débats le sont également, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Sur tous les textes qui ont été présentés, ils ont été riches. Je ne crois pas que l’on puisse dire – mais peut-être avons-nous une différence d’appréciation sur ce point – que ces débats ont été tronqués. Ils auraient sans doute pu durer plus longtemps –c’est le propre des débats –, mais l’important est de savoir si les arguments ont bien pu être échangés, mûris, pesés. Mon sentiment est que ceux qui voulaient faire valoir des positions ont pu le faire, heureusement !

La question du volume horaire des débats est évidemment importante, mais je crois que celle de leur qualité l’est plus encore. Je serai, comme aujourd’hui, toujours disponible pour y participer. Permettez-moi de saluer, sans ironie aucune, la qualité du travail législatif effectué dans cet hémicycle. M. le président du Sénat peut en témoigner : je la souligne systématiquement. Je me plais à penser que la qualité de ce travail permettra d’enrichir encore l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous avez employé le mot « rupture ». S’il s’agit, dans votre esprit, d’instaurer un parlementarisme de plus en plus rationalisé face à un pouvoir exécutif de plus en plus débridé, nous ne nous comprenons effectivement pas ! Nous vous demandons de respecter le Parlement, son travail d’enrichissement. En tout cas, vous ne m’avez pas répondu sur le calendrier des travaux à venir ; je le regrette. Merci néanmoins de reconnaître la qualité du travail de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

effondrement du marché des moteurs diesel

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)

M. Alain Fouché. Ma question porte sur les mesures que compte prendre le Gouvernement pour soutenir et accompagner les entreprises qui subissent l’effondrement du marché de la motorisation diesel.

Si la motorisation diesel a longtemps été favorisée par les pouvoirs publics, sa part dans la vente de véhicules neufs et d’occasion diminue fortement en Europe et en France. Les inconvénients du diesel d’ancienne génération pour l’environnement et la santé ont conduit les pouvoirs publics à mettre fin à une fiscalité avantageuse. Plusieurs grandes villes, comme Paris, se sont engagées à sortir du diesel. Le 15 juin dernier, le PDG de l’alliance Renault-Nissan a annoncé vouloir diviser par deux son offre de véhicules roulant au diesel d’ici à 2022.

Si l’on ne peut qu’adhérer à l’objectif de préservation de l’environnement, ce « diesel bashing » semble aujourd’hui hermétique à toute innovation, notamment à celle de l’équipementier Bosch qui permettra de réduire les émissions d’oxydes d’azote des moteurs diesel à un niveau bien inférieur à la future norme prévue pour 2020.

En août 2017, les conclusions de la mission sur les conséquences industrielles et sociales du déclin des motorisations diesel étaient claires : « Bien que le diesel soit plus favorable que l’essence au regard des objectifs d’émission de CO2 et que les moteurs diesel les plus récents soient beaucoup moins polluants […] la chute du diesel est inéluctable. » La mission préconisait une action volontariste des pouvoirs publics pour accompagner la reconversion des sites.

En France, le diesel représente 12 000 emplois. Dans mon département, la Vienne, deux entreprises, implantées sous l’impulsion de René Monory, sont concernées : Fonderie du Poitou Fonte et Saint-Jean Industries, situées dans le Châtelleraudais. Cette situation ne manque pas d’inquiéter les élus et le président de la communauté d’agglomération, M. Abelin. Près de 1 000 emplois sont en jeu.

Mon collègue sénateur de la Vienne Yves Bouloux et moi-même souhaiterions savoir quel est l’avenir du diesel en France et connaître les mesures pouvant être prises pour soutenir et accompagner la filière industrielle du diesel. Enfin, quels sont les partenariats envisagés avec les constructeurs et les régions pour trouver des orientations, en termes de reconversion, permettant de préserver l’outil de travail et le savoir-faire, quasiment unique en Europe, de ces ouvriers ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie et des finances. Monsieur le sénateur Alain Fouché, il n’y a aucune raison de stigmatiser le diesel, ni de le favoriser par rapport à la motorisation essence. Le ministre d’État Nicolas Hulot et moi-même avons donc pris, sous l’autorité du Premier ministre, la décision, que nous assumons, d’aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence. Je le répète, il n’y a aucune raison de favoriser un carburant plutôt qu’un autre : chacun a ses défauts en termes d’émissions de particules fines ou de CO2. C’est une mesure de justice, d’efficacité, conforme à nos objectifs environnementaux. Le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l’économie et des finances travaillent main dans la main à cette politique énergétique.

La première réponse est d’accompagner les industries concernées, afin de protéger les 12 000 emplois susceptibles d’être menacés, tout le savoir-faire, toutes les entreprises, toutes les usines, à l’instar de la Fonderie du Poitou Fonte ou de l’usine Bosch de Rodez. Tel est l’objet du plan pour le soutien à la filière que j’ai présenté le 7 décembre dernier. Le maître mot est diversification. Il faut aider ces entreprises à se diversifier. Chez Bosch, à Rodez, 1 800 emplois sont concernés ; dans votre département, il s’agit de 1 000 emplois. L’État accompagne et continuera d’accompagner la filière diesel. S’agissant plus spécifiquement de la Fonderie du Poitou Fonte, la difficulté est qu’elle a quasiment un client unique, Renault. J’interviendrai aussi auprès de Renault pour me faire l’avocat de cette entreprise et faire en sorte que nous trouvions ensemble des solutions pour aider à son développement et à sa diversification.

Il y a un aspect plus général : le soutien à l’innovation et le développement de technologies nouvelles. C’est l’objet du fonds pour l’innovation industrielle, doté de 10 milliards d’euros issus de cessions d’actifs. C’est par l’innovation que nous trouverons les meilleures réponses pour soutenir notre industrie. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

état des forces de sécurité

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, car elle porte à la fois sur l’intérieur, la justice et le budget.

Les policiers et les gendarmes vont mal. Les suicides, les manifestations de policiers en colère ont révélé un malaise aux causes multiples. D’où l’idée de notre collègue Gérard Longuet, relayée par notre président Bruno Retailleau, de constituer une commission d’enquête sénatoriale. Elle a travaillé cinq mois, sous la présidence de Michel Boutant, dans le consensus le plus large, sans aucun présupposé, en toute objectivité.

En cinq mois d’investigations, nous avons pu constater l’étendue et la profondeur du malaise. Nous en avons aussi identifié les causes : insuffisance de moyens, locaux vétustes et même indignes, véhicules usés jusqu’à la corde, mettant en danger les personnels, équipements insuffisants.

En termes de moyens humains, se posent la question des effectifs, mais surtout celle de la répartition du temps : les deux tiers sont « mangés » par la procédure pénale, il ne reste qu’un tiers pour l’opérationnel. Il nous est également apparu un problème profond de management, surtout dans la police. Nos forces de sécurité sont sollicitées comme jamais : 22 millions d’heures supplémentaires non payées et pas récupérables, des vies de famille rendues impossibles, des risques physiques accrus, du terrorisme aux violences quotidiennes, doublés de risques juridiques. On le voit encore à Nantes, où certains présument la bavure et commettent des violences urbaines.

Policiers et gendarmes sont en quête de sens et de reconnaissance : de reconnaissance, quand ils ne sont soutenus ni par leur hiérarchie ni par les magistrats ; de sens, quand ils pédalent sur un vélo sans chaîne, faute de réponse pénale adaptée.

Nous proposons des solutions : un rattrapage en investissement, à portée du budget de l’État ; des révolutions culturelles en termes de management dans la police, de procédure et de réponse pénales, qui ne demandent que de la volonté politique. Avez-vous, monsieur le Premier ministre, cette volonté ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur François Grosdidier, votre assemblée a rendu publiques, avant-hier, les conclusions de la commission d’enquête qu’elle a consacrée à l’état des forces de sécurité intérieure.

Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, avait lui-même été entendu par cette commission d’enquête. Vous avez eu l’occasion d’analyser avec lui les causes de ce malaise. J’insisterai sur trois d’entre elles : la sollicitation croissante des policiers et des gendarmes dans le contexte de la menace terroriste, bien sûr ; le sentiment d’une perte de sens devant la lourdeur de certaines procédures ; enfin, la diminution régulière des effectifs entre 2007 et 2012, avec la suppression de 12 500 postes de policier ou de gendarme. (Mme Catherine Procaccia sexclame.)

Pour répondre à ce malaise qui, bien entendu, ne remonte pas à une année, le Gouvernement a donné une priorité très marquée à la sécurité. Permettez-moi de souligner que cela faisait longtemps qu’un gouvernement n’avait pas fait autant dans ce domaine. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Depuis un an, des engagements financiers ont été pris. Les crédits consacrés à la seule police nationale, par exemple, ont augmenté, en un an, de 2 %.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un effort particulier a été réalisé en matière d’investissements immobiliers, avec 196 millions d’euros de crédits par an pendant trois ans pour la police et 100 millions d’euros pour la gendarmerie, c’est-à-dire 9 % de plus pour l’une et 5 % de plus pour l’autre.

Par ailleurs, sur le plan humain, il sera créé 10 000 postes supplémentaires de policier et de gendarme au cours du quinquennat.

M. le président. Il va falloir conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons mis en place la police de sécurité, nous avons créé trente quartiers de reconquête républicaine (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains), nous avons renforcé les effectifs de gendarmerie.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous avons accéléré le rythme des dotations numériques pour la gendarmerie et la police. La garde des sceaux est en train de préparer…

M. le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … un projet de loi simplifiant la procédure pénale ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour la réplique.

M. François Grosdidier. Madame la ministre, je regrette que M. le Premier ministre ne m’ait pas répondu. Vous nous confirmez ne pas avoir pris la mesure du problème. (Absolument ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Le problème, ce n’est pas ce que droite et gauche ont fait ou n’ont pas fait avant vous ! Vous êtes aux responsabilités, la situation est urgente et des phénomènes nouveaux apparaissent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mmes Nadia Sollogoub et Nathalie Delattre applaudissent également.)

La réforme de la procédure pénale que vous nous annoncez, ce n’est qu’un dixième de ce qu’il faudrait faire ! Vous dites vouloir renouveler le parc de véhicules de la gendarmerie, mais vous ne budgétisez que le nécessaire pour maintenir la moyenne d’âge à huit ans, en annulant 40 % des acquisitions…

M. le président. Il faut conclure !

M. François Grosdidier. … et en gelant les décisions.

Par conséquent, vous êtes très, très loin du compte. Il faut espérer que la prise de conscience se fera et que vous prendrez enfin les mesures nécessaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Nathalie Delattre et Gisèle Jourda applaudissent également.)

surveillance de la zone économique maritime

M. le président. La parole est à M. Gérard Poadja, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. Gérard Poadja. Ma question s’adresse à Mme la ministre des armées.

Avec près de 1,8 million de kilomètres carrés, la zone économique exclusive, la ZEE, de la Nouvelle-Calédonie représente plus de 15 % de la zone économique exclusive totale de la France.

Cet immense espace maritime, d’une biodiversité exceptionnelle, qui abrite la deuxième plus grande barrière de corail au monde, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, est de plus en plus la proie d’actes de pêche illégale commis par des pirates venus d’Asie.

Depuis mai 2016, 73 embarcations illégales ont été identifiées, 20 arraisonnées, 9 déroutées, et près de 34 tonnes d’holothuries ont été saisies. C’est à un véritable pillage des ressources halieutiques du pays que nous avons dû faire face.

Pour endiguer les actions de pêche clandestine, nous disposons, en tout et pour tout, d’une frégate de surveillance, de deux patrouilleurs P400 hors d’âge et d’un bâtiment multimissions B2M. Le mois dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, vous avez indiqué que ces deux patrouilleurs, vieux de près de quarante ans, seraient retirés du service actif en 2020. Vous avez également confirmé leur renouvellement à l’horizon 2022-2024.

Je vous le dis, il serait inconcevable de laisser l’espace maritime calédonien en proie aux pillages pendant deux ou trois ans de plus, en mettant ainsi à mal notre souveraineté.

Madame la ministre, ma question est la suivante : comment comptez-vous assurer la surveillance et la protection des eaux territoriales non seulement calédoniennes, mais aussi françaises, notamment entre 2020 et 2022 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Viviane Malet et M. Gérard Longuet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Monsieur le sénateur Poadja, le Gouvernement mesure parfaitement les menaces qui pèsent sur les zones économiques exclusives d’outre-mer et, singulièrement, sur celle de la Nouvelle-Calédonie.

C’est pour cette raison que, dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire, nous avons avancé de deux ans l’arrivée des patrouilleurs et, de surcroît, augmenté leur nombre de deux unités par rapport à ce qui était prévu initialement, le faisant ainsi passer de dix-sept à dix-neuf. Ce seront onze bâtiments qui auront été livrés en 2025, renouvelant en profondeur cette composante de la défense qui avait pâti des arbitrages budgétaires antérieurs. (Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain.) Le premier des six nouveaux patrouilleurs qui seront livrés à partir de 2022 sera déployé prioritairement en Nouvelle-Calédonie.

Ce qui vous inquiète, c’est bien sûr le retrait des deux derniers patrouilleurs P400 basés à Nouméa. Je confirme qu’ils seront retirés du service en 2020, en raison de leur état et du faible stock de pièces de rechange disponible. Cependant, les forces armées présentes en Nouvelle-Calédonie resteront parfaitement en mesure de protéger la ZEE pendant cette période transitoire allant de 2000 à 2022. Elles disposent notamment d’une frégate de surveillance, d’un bâtiment multimissions, de deux avions de surveillance maritime de type Falcon 200 et, en complément, de moyens d’observation spatiale permettant d’affiner la surveillance maritime des vastes espaces de souveraineté de la France et de cibler les interventions.

Enfin, je souligne que la France renforce sa relation avec ses partenaires du Pacifique, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Nous poursuivrons et amplifierons une coopération qui permet déjà de contribuer à la surveillance de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Robert del Picchia applaudit également.)

feuille de route pour l’économie circulaire

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. Frédéric Marchand. Ma question s’adresse à Mme Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Du 9 au 18 juillet prochains se tiendra, à l’ONU, le Forum politique de haut niveau sur le thème de la transformation vers des sociétés durables et résilientes : quarante-sept pays, dont la France, participeront à cet événement, qui rassemble société civile et politiques pour évoquer la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable.

Notre pays est aujourd’hui moteur dans ce domaine, qu’il s’agisse de la transition énergétique et des annonces faites récemment dans le domaine des énergies renouvelables, de la préservation de la biodiversité ou encore de l’économie circulaire. À cet égard, madame la secrétaire d’État, une question cruciale se pose à l’humanité entière, celle de la réduction et du recyclage des déchets plastiques. Vous en avez d’ailleurs fait un axe majeur de la stratégie pour une économie circulaire, présentée le 23 avril dernier. Au niveau mondial, de 5 millions à 13 millions de tonnes de plastique rejoignent chaque année l’environnement marin. Si rien n’est fait, il pourrait y avoir plus de plastique que de poissons dans les océans en 2050…

Pour remédier à la situation actuelle, la première mesure figurant sur la feuille de route pour l’économie circulaire consiste à demander aux industriels d’entrer dans la boucle et d’incorporer dans les produits davantage de matières premières issues du recyclage, tout en assurant leur qualité et leur traçabilité, ainsi qu’une réelle sécurité pour les citoyens. Cinquante-cinq industriels et fédérations viennent de s’engager dans le but de tenir cet objectif essentiel en matière non seulement de développement durable, mais aussi d’emploi.

Au-delà de ces premiers signataires, nombre d’acteurs sont déjà présents sur ce champ vertueux. Ainsi, dans le Nord, dans le Cambrésis tout particulièrement – je salue les élus et responsables d’entreprises de ce territoire ici présents –, l’entreprise Hainaut Plast Industry est pionnière en matière de recyclage du polyvinyl butyral, film plastique que l’on trouve dans les pare-brise et vitrages feuilletés. Cette pépite est sans conteste une illustration de cette french tech que vous aurez à cœur, madame la secrétaire d’État, j’en suis persuadé, de mettre en avant et qui a été au centre de la restitution, ce matin, des ateliers citoyens « Votre Europe durable en 2030 ».

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Frédéric Marchand. Au-delà, pouvez-vous nous indiquer quel sera le principal message que délivrera la France pour assumer pleinement son rôle de premier de cordée du développement durable ? (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Marchand, vous avez raison, la France a la responsabilité particulière de tirer le reste du monde vers le haut en matière environnementale. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Président de la République en a fait une priorité de sa politique internationale et que j’ai lancé une initiative ambitieuse en termes d’objectifs de développement durable. À ce titre, j’ai d’ailleurs mobilisé l’ensemble de mes collègues du Gouvernement.

Dans ce cadre, je me rendrai au Forum politique de haut niveau qui aura lieu au milieu ce mois-ci aux États-Unis. L’Agenda 2030 pour le développement durable, c’est la boussole des Nations unies pour guider et accélérer les actions concrètes en faveur du développement durable dans tous les pays du monde.

Si nous voulons être au rendez-vous, il faut que chacun se mobilise, notamment les entreprises, petites ou grandes. Dans le domaine de l’économie circulaire, leur rôle est d’une importance est vitale, car ce sont elles qui sont sources d’innovation. Pour cette raison, sous l’égide du Premier ministre, nous avons lancé, dans le cadre du plan Biodiversité, une initiative ambitieuse en la matière. Il s’agit de mettre en œuvre une véritable politique industrielle en faveur du recyclage, pour que nos entreprises, nos territoires soient en avance et se montrent plus compétitifs.

L’économie circulaire, c’est pour nos territoires un potentiel de 300 000 emplois non délocalisables. Vous l’avez souligné, nous avons reçu lundi, avec Delphine Gény-Stephann, les cinquante-cinq premiers engagements d’industriels et de fédérations, qui vont permettre de doubler les volumes d’incorporation de plastique recyclé. Ce n’est qu’un début, de nombreuses entreprises sont impliquées, comme celle que vous avez citée, monsieur le sénateur. Je sais que vous vous attachez particulièrement à identifier et à soutenir les meilleures pépites que nous avons en France, notamment sur votre territoire, en matière de recyclage. C’est ce genre d’entreprises que nous devons aider par tous les moyens, parce que ce sont elles qui créent des emplois et qui jouent un rôle moteur pour la compétitivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Nassimah Dindar et M. Jean-Marie Bockel applaudissent également.)

situation des hôpitaux et ehpad en période estivale

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, la facilité aurait été de vous interroger sur le report du plan Pauvreté. Mais, comme chacun ici le sait, en juillet-août, les pauvres dépensent un fric fou sur les plages… Aussi ma question portera-t-elle sur ce grand malade qu’est l’hôpital public.

J’ai été surpris que, en répondant au député Alain Bruneel, avant-hier, vous ayez eu des mots forts, très forts, qualifiant de « mercenaires » les médecins qui se tournent délibérément vers l’intérim et sont payés jusqu’à 2 000 euros pour une garde.

Si, sur le plan éthique et moral, cette situation est des plus choquante, nous en convenons, n’en faites pas l’arbre qui cache la forêt, car elle ne saurait, à elle seule, expliquer le mal profond dont souffre notre système de santé, plus particulièrement l’hôpital public.

Je n’insisterai pas non plus sur l’état de tension qui y règne, si ce n’est pour saluer l’ensemble des professionnels qui œuvrent au quotidien, y compris à l’heure où nous parlons, et qui s’apprêtent à vivre un été dont on peut craindre qu’il ne soit celui de tous les dangers.

Vous voulant rassurante, docteur, vous avez dit que l’hôpital public était « monitoré ». Quand on commence à mettre un patient sous moniteur, c’est qu’on redoute l’arrêt cardiaque… Vous êtes loin de rassurer les acteurs de l’hôpital public, notamment celles et ceux qui auront à gérer l’afflux de patients cet été, alors même que des services seront fermés, faute de médecins.

Madame la ministre, sur quels dispositifs comptez-vous vous appuyer si l’alarme du monitoring vient à se déclencher dans nos centres hospitaliers comme dans nos hôpitaux de proximité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, il est important de rappeler l’engagement de la puissance publique, du Gouvernement, pour nos hôpitaux. Ainsi, le budget de nos hôpitaux publics augmente cette année de 1 milliard d’euros, afin de développer, partout où c’est nécessaire, les moyens d’apporter soins et assistance à celles et ceux qui en ont besoin.

Cela n’empêche pas l’apparition de situations de tension dans un grand nombre d’hôpitaux, notamment à certains moments de l’année, en particulier l’été.

Il y a d’abord la question de la gestion du risque chaleur. La météo des derniers jours montre bien toute l’importance de pouvoir mobiliser et impliquer l’ensemble des acteurs du secteur hospitalier, mais aussi les collectivités locales, dans le cadre du plan national Canicule, que la ministre anime. Il s’agit de mener des actions de sensibilisation et d’accompagnement des personnes les plus vulnérables, qu’elles se trouvent dans un EHPAD, à l’hôpital ou à leur domicile – d’où l’importance que les maires se mobilisent. La ministre s’est rendue, le 29 mai dernier, au centre hospitalier de Versailles, afin de vérifier le fonctionnement des dispositifs mis en place pour anticiper et gérer l’impact sanitaire des périodes de canicule.

Il importe aussi de se pencher sur la question de la ressource humaine, particulièrement pendant la période estivale. La ministre des solidarités et de la santé a pris la situation en main avec les agences régionales de santé. Une enquête a été réalisée fin mai auprès de l’ensemble de l’offre hospitalière française, pour connaître le taux prévisionnel de lits ouverts en juillet et en août dans chaque région. Un tableau de suivi quotidien est établi en vue de garantir une capacité d’offre de soin suffisante.

Nous veillons également veiller à augmenter la capacité d’accueil des services des urgences, notamment dans les zones touristiques. La ministre a confié une mission à cette fin.

Vous le voyez, s’il y a effectivement des tensions, nous avons un service public de qualité, capable de répondre aux besoins dans de bonnes conditions, même si bien sûr tout n’est pas parfait, et l’on sait pouvoir compter sur l’ensemble des acteurs…

M. le président. Il faut conclure !

M. Christophe Castaner, secrétaire dÉtat. … du milieu hospitalier pour garantir la meilleure sécurité aux patients.

M. le président. La parole est à M. Michel Dagbert, pour la réplique.

M. Michel Dagbert. Rendez-vous est pris, monsieur le ministre, en septembre, en espérant que, d’ici là, la situation aura pu être gérée, car la circulaire du 23 mai a suscité beaucoup d’émoi, y compris chez les directeurs de centre hospitalier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

service national universel

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Voilà quelques jours, le Président de la République a présenté les contours du service national universel. En mars 2017, le candidat Emmanuel Macron annonçait que le service national universel serait encadré par les armées et la gendarmerie nationale, afin de pouvoir disposer d’un réservoir complémentaire de la garde nationale. Aujourd’hui, nous apprenons que ce dispositif n’a plus grand-chose de militaire. Le candidat Emmanuel Macron annonçait une durée de service comprise entre trois et six mois. On parle désormais de deux stages de quinze jours…

Je commence à douter du fait que ce service sera vraiment national et vraiment universel. Alors oui, il y a des points positifs : l’apprentissage des gestes de premier secours, la prévention de l’illettrisme. Mais au regard des nouvelles menaces et des nouveaux enjeux, ce service national universel mérite une plus grande ambition. La cohésion nationale est une valeur que l’on ne peut pas inculquer à notre jeunesse en l’espace d’un mois. Si ce projet de service national universel devait en rester là, alors il vaudrait mieux l’abandonner et renforcer les dispositifs existants, tels que le service civique, la préparation militaire découverte et la préparation militaire supérieure. On ne peut pas imaginer dépenser plus de 1,5 milliard d’euros par an pour un outil dont la portée et l’utilité en termes de sécurité nationale seront plus que limitées.

Monsieur le Premier ministre, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement entend-il revoir sa copie concernant le service national universel, afin de créer un dispositif efficient et adapté aux réalités de la France de 2018 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des armées. Madame la sénatrice Imbert, vous posez une question difficile. Vous avez parlé des engagements du candidat Emmanuel Macron, mais je crois me souvenir que tous les candidats s’étaient engagés sur un tel projet, sans qu’aucun décrive, d’ailleurs, ce qu’il souhaitait faire ni quels moyens il y consacrerait.

Le Président de la République et le Premier ministre ont eu la sagesse de mener une réflexion approfondie et de mettre en place un groupe de travail, qui a récemment remis ses conclusions et défini un cadre. Le Premier ministre a présenté ces travaux en conseil des ministres. Le cadre ainsi défini permet d’allier l’intérêt de ce service pour une jeunesse que nous avons besoin de mobiliser en vue de renforcer la cohésion nationale, sa faisabilité et son acceptabilité par les jeunes. Il nous faut rester à la fois efficaces et pragmatiques. Tels sont les principes qui ont guidé le groupe de travail et le Gouvernement dans leur réflexion.

Ce mois de service obligatoire sera mis à profit pour mener les actions que vous avez évoquées, sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais aussi pour mettre en place des projets partagés entre jeunes. Il pourra être complété par un engagement volontaire d’au moins trois mois. Les dispositifs existants, le service civique, les réserves opérationnelles, toutes les actions susceptibles d’être labellisées comme des services à autrui, seront renforcés.

Ce service national universel va faire l’objet d’une grande consultation, à laquelle je souhaite que vous participiez, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle nous permettra de remplir le cadre concret et réaliste que nous avons défini. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.

Mme Corinne Imbert. Le candidat Emmanuel Macron est devenu Président de la République, et il me paraissait légitime d’interroger le Gouvernement sur ce sujet.

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Corinne Imbert. Dans le cadre de la loi de programmation militaire, le Sénat a voté des crédits supplémentaires pour permettre la mise en place du service national universel. Je tenais à le rappeler. Cette nouvelle version du service national universel traduit un changement de paradigme. Elle ne répond pas, à mon avis, à la réalité actuelle de notre pays, qui est en proie régulièrement à des menaces d’attentats.

Le récent rapport du Sénat sur l’état de santé, inquiétant, de notre police et de notre gendarmerie l’a rappelé : nos forces armées ont besoin de soutien opérationnel, pas d’apprentis Don Quichotte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

évasion de redoine faïd (ii)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Notre collègue Michèle Vullien l’a souligné avant moi, le détenu qui aurait dû être le plus surveillé de France s’est de nouveau fait la belle, dans des circonstances consternantes pour notre système pénitentiaire et, par là même, pour votre ministère.

Cette prison modèle n’en était pas une, avec sa cour sans protection aérienne, maintes fois signalée comme le point le plus faible de sa sécurisation. Le choix d’y maintenir un tel détenu comportait un risque maximum. Vos services n’ont pas perçu l’urgence de la situation, malgré les demandes répétées de transfert présentées par la direction régionale. Le personnel pénitentiaire a été ainsi mis en situation de grand danger.

Depuis dimanche, vos déclarations, plutôt convenues, ne sont pas rassurantes. La réponse que vous avez faite tout à l’heure ne l’est pas davantage. Avez-vous réellement besoin d’une enquête de quinze jours pour comprendre ce qui s’est passé et, surtout, pour réagir ? Des images tournées par des détenus et circulant sur internet nous renseignent déjà sur le déroulé de cette évasion à la James Bond…

Comment comptez-vous, madame la ministre, faire évoluer le système pénitentiaire et toute la chaîne pénale après cet événement d’une gravité exceptionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Lefèvre, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je tirerai toutes les conséquences du rapport d’inspection qui me sera présenté.

Je crois en effet qu’il nous faut disposer d’éléments stabilisés. Ce ne sont pas simplement des images, ni même ce que j’ai pu voir de mes propres yeux, qui me permettront de tirer des conclusions, mais un certain nombre d’éléments irréfutables.

Je n’ai toutefois pas attendu cet événement grave pour engager des politiques en faveur de la sécurité de ces établissements, qui sont destinées à prévenir ces évasions.

La direction de l’administration pénitentiaire, à ma demande, travaille selon trois axes : observer la population pénale pour prévenir et déceler des indices – c’est le rôle du renseignement pénitentiaire, qui se déploie de façon très importante ; mettre en place des systèmes d’affectation des détenus dans des établissements correspondant à leur profil – c’est tout le travail de construction d’établissements pénitentiaires adaptés que nous effectuons ; enfin, accomplir des efforts importants pour la sécurité des établissements. Et je vous cite là seulement quelques actions que nous entreprenons.

Nous privilégions la vidéoprotection, les dispositifs anti-projection, les dispositifs de détection, notamment de métaux, la sécurité aux abords des établissements, les équipements de sécurité pour les agents.

Nous travaillons également pour lutter contre le fléau des téléphones portables : nous avons passé un nouveau marché de brouillage des téléphones pour éviter les communications illicites. Son déploiement est en cours et se poursuivra à l’automne.

Toutes ces mesures, qui nécessitent des moyens importants, seront confirmées par la loi de programmation que je vous présenterai. Elles s’accompagnent en outre d’un important effort en termes de recrutement de personnels. Nous nous engageons sur les cinq années qui viennent à recruter 6 500 personnes. Ces éléments témoignent de notre volonté d’assurer à la fois la sécurité des agents et celle des Français. C’est notre seul objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.

M. Antoine Lefèvre. Comme vous le savez, madame la garde des sceaux, je suis rapporteur de la mission « Justice » et je connais les difficultés budgétaires de votre ministère. À ce titre, je regrette la récente annulation de crédits de 340 millions d’euros au titre de l’administration pénitentiaire, des sommes qui ne seraient pas reportées pour 2018. (Mme la garde des sceaux le conteste.)

Vous avez certes la volonté de recruter plus de surveillants, mais, si leur sécurité n’est pas assurée, qui va se porter candidat ? Plus que jamais, les revendications des organisations syndicales du début d’année sont d’actualité.

De nouveau, je veux vous interpeller sur la prolifération des portables en prison. Plus de 20 000 ont déjà été saisis depuis le mois de janvier. À Fleury-Mérogis, cinquante-six téléphones et objets connectés ont été trouvés dans une même cellule : une vraie téléboutique ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Dans le même temps, les agents et les surveillants doivent laisser leur portable à l’entrée !

Vous venez d’en toucher un mot, madame la ministre : 14 millions d’euros de crédits ont été votés pour l’équipement en nouveaux brouilleurs, mais, visiblement, les résultats se font attendre. La population carcérale a évolué ; elle est plus violente, plus jeune, pour partie radicalisée et désormais toujours connectée.

Madame la garde des sceaux, il est urgent de proposer dans ce domaine des solutions vraiment efficaces et pérennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

politique industrielle et projet novawood

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Comme beaucoup, j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’économie forte sans industrie forte.

Or l’industrie française n’occupe pas la place qui devrait être celle de la cinquième puissance mondiale. Le déficit commercial de notre industrie s’accroît et nuit à la compétitivité économique et à l’emploi.

La politique industrielle de la France est aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle est trop souvent abordée pour dénoncer ses insuffisances lorsque les projecteurs médiatiques sont braqués sur des dossiers brûlants : Alstom à Belfort, Arcelor Mittal à Florange, les Conti, sans oublier Whirlpool à Amiens et bien d’autres.

Votre gouvernement a, dans ce contexte, une responsabilité importante, monsieur le Premier ministre. Il doit afficher une politique industrielle ambitieuse, toute entière tournée vers la modernisation de notre industrie, s’inscrivant dans les objectifs de transformation et de transition écologique que vous affichez.

Dans mon département, au sein de l’espace métropolitain du Grand Nancy, la vallée du sel compte 5 000 emplois industriels, directs et indirects.

Le Gouvernement a lancé en août 2017 un appel d’offres biomasse, auquel la société Novacarb, forte de 1 300 emplois, a répondu. Il vise à substituer la biomasse au charbon comme énergie pour assurer la pérennité et le développement d’une unité de production de bicarbonate plus que centenaire, avec, à la clé, la création de 100 emplois. Or la réponse se fait toujours attendre, malgré une mobilisation générale unanime en faveur de ce projet.

Monsieur le Premier ministre, quelle est la stratégie de l’État en faveur et au service de l’industrie française ? Quels moyens d’action prévoyez-vous ? Confirmez-vous votre engagement de soutenir le projet Novawood à Laneuveville-devant-Nancy, une solution qui répond aux objectifs écologiques et économiques de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Husson, je vous rejoins volontiers lorsque vous dites qu’il est difficile d’envisager l’avenir d’un pays comme la France, sa force et sa puissance, sans une industrie compétitive. Je le crois profondément. La question qui nous est posée est celle non pas d’un attachement théorique à l’industrie, mais d’une véritable politique industrielle, plus exactement d’une politique permettant de renforcer la compétitivité de nos industries.

C’est la raison pour laquelle je me suis engagé résolument, avec le Gouvernement, à la suite d’un certain nombre d’initiatives qui avaient déjà été prises, et en essayant d’en impulser d’autres, dans une logique de structuration des filières industrielles par elles-mêmes – nous considérons en effet que la logique des filières industrielles est probablement la plus féconde pour développer la compétitivité de notre industrie –, de simplification des normes applicables, de soutien et de financement de l’innovation – je pense notamment au financement de l’innovation de rupture, au travers d’instruments comme les produits de cession de certaines participations de l’État au capital de grandes entreprises – et de réduction de la fiscalité applicable au monde de la production en général et à l’industrie en particulier, avec notamment une perspective de diminution de ce que l’on appelle la fiscalité de production.

Nous sommes donc résolument engagés en ce sens et, comme vous, monsieur le sénateur, nous pensons qu’il faut concilier cette politique industrielle avec l’impératif de transition écologique formulé par ce gouvernement et porté, notamment, par le ministre d’État, Nicolas Hulot.

Le cas que vous évoquez, celui de la vallée du sel et de l’appel d’offres qui a été lancé, s’inscrit dans un certain nombre de programmes envisagés par les gouvernements successifs, dont l’idée est de faire en sorte que nous puissions produire de l’électricité en utilisant la biomasse.

J’ai examiné ces appels d’offres et j’ai constaté qu’ils conduisent le contribuable et le consommateur à payer l’électricité à un prix au moins trois fois supérieur à celui du marché. Je comprends l’argumentation selon laquelle il peut être légitime, pour développer une filière industrielle et sauver des emplois, de faire surpayer le consommateur. Cela peut avoir un impact, et nous l’avons déjà fait.

Toutefois, dans le cas que vous mentionnez, l’appel d’offres conduirait à un engagement d’environ 850 millions d’euros d’argent public, pour une solution qui créerait une centaine d’emplois. C’est très important, mais, compte tenu de notre attachement à l’industrie française, nous pouvons nous poser la question de savoir si ces 850 millions d’euros d’argent public seraient véritablement employés comme ils doivent l’être, et effectivement employés pour servir la compétitivité de l’industrie française. En vérité, monsieur le sénateur, je n’en suis pas sûr.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au préfet de reporter la date d’effet des obligations réglementaires qui s’imposent à l’entreprise, pour laisser à celle-ci le temps de s’adapter.

Il me semble indispensable de ne pas prendre par surprise l’entreprise et ses salariés, mais je crois que nous pouvons aussi nous fixer comme objectif que le soutien à l’industrie française, certes indispensable et légitime, doit prendre la forme la plus efficace.

Très souvent, j’ai rappelé que, lorsque nous engageons de l’argent public, quel que soit le domaine concerné, nous devons nous demander si nous le déployons de façon efficace, c’est-à-dire si nous préparons l’avenir et si nous nous atteignons les objectifs que nous nous sommes fixés. Faire surpayer l’électricité par le consommateur et verser des subventions considérables, qui n’ont d’ailleurs pas été financées et qui ne figurent dans aucune trajectoire de finances publiques, n’est pas, me semble-t-il, le meilleur moyen de soutenir l’industrie française.

C’est la raison pour laquelle je m’engage à travailler avec l’entreprise et les autorités publiques locales pour trouver des solutions efficaces, peut-être moins triviales que cet appel d’offres, pour soutenir cette entreprise et préserver le développement industriel français. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de votre réponse argumentée, pleine de sagesse, empreinte d’une vision stratégique et économique.

Dans mes responsabilités relatives à l’écologie et au développement durable à la commission des finances, et en tant qu’élu du territoire, je suis disposé, à vos côtés et en faisant appel à toutes les bonnes volontés, à chercher une voie d’avenir et des solutions répondant aux préoccupations de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 10 juillet prochain, à seize heures quarante-cinq.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Pourny, qui fut sénateur de la Saône-et-Loire de 1986 à 2004.

7

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, s’agissant du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, lors des scrutins publics nos 193 et 194, portant respectivement sur les amendements nos 74 rectifié bis et 75 rectifié bis, je souhaitais voter pour.

S’agissant du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, lors du scrutin n° 184, portant sur l’amendement n° 194 rectifié, je souhaitais voter pour.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, en ce qui concerne le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, lors du scrutin public n° 193 portant sur l’amendement n° 74 rectifié bis, Mme Nathalie Delattre souhaitait voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.

8

Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 40 rectifié (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 3

Lutte contre les violences sexuelles et sexistes

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉLITS DE HARCÈLEMENT SEXUEL ET DE HARCÈLEMENT MORAL

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 61 rectifié bis

Article 3

I. – Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° Le I de l’article 222-33 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« L’infraction est également constituée :

« 1° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

« 2° Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;

1° bis Le III du même article 222-33 est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article 222-33-2-2, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« L’infraction est également constituée :

« a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

« b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. » ;

3° Le 4° du même article 222-33-2-2 est complété par les mots : « , ou par le biais d’un support numérique ou électronique » ;

4° Aux deuxième et dernier alinéas dudit article 222-33-2-2, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « aux premier à quatrième alinéas ».

II (nouveau). – Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les mots : « faites aux femmes » sont remplacés par les mots : « sexuelles et sexistes » et, après le mot : « articles », est insérée la référence : « 222-33 ».

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, sur l’article.

Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 3 adapte opportunément notre droit pénal aux évolutions technologiques, en complétant la définition du harcèlement pour prendre en compte les « raids numériques », c’est-à-dire la publication par plusieurs auteurs différents de propos sexistes et violents proférés une seule fois à l’encontre d’une même cible.

Des faits récents visant des journalistes ont montré que les « raids numériques » et, plus généralement, le cyberharcèlement sont un réel enjeu de lutte contre les violences faites aux femmes.

Ces agressions ne sont en rien virtuelles et sont tout aussi graves que des violences physiques. Elles présentent par ailleurs des spécificités qui les rendent encore plus nuisibles pour les victimes, notamment la difficulté à identifier des agresseurs protégés par leur anonymat et le potentiel de diffusion élargi des contenus.

Or la définition actuelle du harcèlement, qui suppose la répétition, ne permet pas de réprimer de tels agissements, puisque les auteurs des « raids » réitèrent rarement les mêmes propos, mais se coordonnent afin de cibler, de manière collective, la même personne.

Il était donc important de combler ce vide juridique, pour sanctionner des agissements qui peuvent se révéler d’une violence extrême. Dans le même esprit, l’article 3 crée une circonstance aggravante lorsque le harcèlement sexuel est commis par le biais d’un moyen de communication électronique.

Enfin, la commission des lois a introduit à l’article 3 une disposition conférant de nouvelles obligations aux plateformes et aux hébergeurs sur internet, afin de mieux lutter contre le cyberharcèlement.

La délégation soutient l’ensemble de ces dispositions, qui sont cohérentes avec les recommandations qu’elle a formulées dans ses récents travaux sur les violences faites aux femmes.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 41 rectifié est présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 114 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Cohen et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly.

L’amendement n° 132 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Rétablir le a dans la rédaction suivante :

a) Après le mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « ou sexiste » ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise, d’une part, à tirer les conséquences de la jurisprudence de la cour d’appel d’Orléans, qui a considéré que le harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance. Sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes et vulgaires qui lui deviennent insupportables. Ce n’est pas du harcèlement sexuel, mais du harcèlement d’ambiance sexiste.

L’Assemblée nationale avait déjà codifié cette jurisprudence, mais la commission des lois a supprimé la référence au harcèlement sexiste. Notre amendement vise donc à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, et j’imagine que l’avis du Gouvernement sera favorable.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 114 rectifié.

Mme Esther Benbassa. L’article 3 du présent projet de loi visait à renforcer la définition du harcèlement. Le texte transmis par l’Assemblée nationale comportait les mots « sexuelles et sexistes ». La commission des lois du Sénat a préféré supprimer le terme « sexiste », estimant que seul le harcèlement sexuel méritait de figurer dans la loi.

Les membres du groupe CRCE s’opposent bien évidemment à cette logique, qui nie la souffrance des femmes au quotidien.

Les violences faites aux femmes ne sont pas seulement physiques, elles passent aussi par ces comportements machistes banalisés, ces remarques blessantes et humiliantes qui visent à rabaisser les femmes, car elles sont femmes.

Quand une femme est énervée, on va lui dire qu’elle a ses règles, et j’en passe ! Je ne vais pas dresser une liste exhaustive, qui donnerait plutôt envie de pleurer.

Le harcèlement doit être aujourd’hui défini le plus précisément possible dans notre droit. Ainsi, la loi ne saurait ignorer ces brimades journalières que sont les remarques sexistes, qui participent au sentiment de honte qu’éprouvent de nombreuses femmes. Cette honte, mes chers collègues, doit impérativement changer de camp ; elle ne doit surtout plus être l’apanage des femmes qui aspirent simplement à vivre dans une société égalitaire et paritaire avec leurs concitoyens masculins.

Le présent amendement vise donc à rétablir dans son état initial le présent article 3, en mentionnant expressément le caractère sexiste que peut revêtir le harcèlement.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 132.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes. Je ne reviens pas sur la démonstration qui a été faite : je rejoins tout ce qui vient d’être dit par les sénatrices Esther Benbassa et Laurence Rossignol.

J’ajoute qu’un harcèlement peut être sexiste sans être sexuel. Il est donc important pour nous de rétablir les mots « ou sexistes » dans la définition du harcèlement sexuel, afin d’harmoniser cette rédaction avec celle de l’outrage sexiste. Le Gouvernement émet évidemment un avis favorable aux deux amendements précédents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. La commission a supprimé l’ajout du mot « sexiste » à la définition du harcèlement sexuel à la suite des nombreuses auditions qu’elle a menées. En effet, il ne faut pas assimiler les propos sexuels et les propos sexistes, qui regroupent des réalités différentes. Ils sont d’ailleurs sanctionnés sur la base d’infractions différentes.

Avec ce projet de loi, nous faisons une réelle différence entre les faits de harcèlement sexuel et les faits de harcèlement sexiste. Ces derniers doivent être réprimés par le délit d’outrage sexiste, qui répond à la même définition que le harcèlement sexuel, mais sans l’exigence de répétition, et qui concerne les propos à caractère sexiste.

En effet, comme l’ont souligné le Défenseur des droits, des magistrats et des universitaires que nous avons entendus, cette extension du harcèlement sexuel aux faits sexistes entraîne une confusion entre le harcèlement sexuel et l’outrage sexiste, créé par l’article 4 du projet de loi, alors que la notion de harcèlement sexuel doit rester clairement distinguée des autres infractions.

De plus, l’absence de clarté entre les deux définitions pourrait créer un risque de déqualification du délit de harcèlement sexuel, puisque le délit d’outrage sexiste est évidemment moins sévèrement sanctionné que le harcèlement sexuel, qui est passible de peines de prison.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Lors d’une réunion de la commission, madame la rapporteur, je vous ai déjà fait remarquer que le terme de harcèlement sexiste existait et était utilisé. Je ne vois pas en quoi le délit d’outrage sexiste nous empêche de l’employer !

Quand on vous dit tous les jours devant la photocopieuse : « Tu as de belles fesses ! », c’est non pas du harcèlement sexuel, mais du harcèlement sexiste. (Mme le rapporteur et M. le président de la commission le contestent.)

Je pourrais vous donner d’autres exemples ! Il faut utiliser les mots qui existent, y compris au Sénat. Le harcèlement sexuel désigne d’autres réalités. Si ma mémoire est bonne, monsieur le président, il me semble d’ailleurs que nous avons déjà débattu d’une loi sur le harcèlement sexuel dans cet hémicycle.

Vous voulez absolument que l’outrage soit sexiste et que le harcèlement soit sexuel, mais il y a aussi un harcèlement sexiste. Cette misogynie au quotidien mérite d’être prise en considération. Je ne sais quel grand universitaire vous avez entendu, mais cela m’étonnerait qu’il ait nié la réalité du harcèlement sexiste, madame la rapporteur. Je souhaite que les mots aient un sens !

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Pour une fois – ce n’est pas coutume… –, je serai en désaccord avec notre rapporteur. Selon elle, il y aurait un risque de confusion. Je ne comprends pas cet argument, car la différence entre le harcèlement et l’outrage est claire : dans un cas, il y a répétition des faits, et pas dans l’autre. Il ne peut donc pas y avoir de confusion. Ces dispositions permettent de réintroduire la notion de propos sexistes dans la définition du harcèlement sexuel.

C’est pourquoi je voterai ces amendements identiques, qui tendent à revenir à la rédaction proposée par l’Assemblée nationale.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 rectifié, 114 rectifié et 132.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 199 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 146
Contre 198

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 133, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement propose la suppression de l’alinéa 16, qui modifie les dispositions de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et étend ainsi le champ des obligations mises à la charge des plateformes en matière de harcèlement. Il nous semble en effet que la lutte contre les propos haineux sur internet et la régulation des contenus illicites relève d’un autre vecteur législatif, qui serait plus approprié.

Nous croyons qu’il incombe aux hébergeurs et aux réseaux sociaux de prendre leurs responsabilités. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec eux sur la question de la modération des contenus en ligne.

Je rappelle que, selon un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, seuls 8 % des contenus à caractère sexiste sont supprimés, contre une majorité des messages de nature violente.

En outre, je travaille sur ces questions avec les représentants des grandes entreprises concernées. J’ai par exemple rencontré, pendant la campagne, les représentants de Facebook Europe, et de nombreux échanges ont eu lieu depuis l’élection présidentielle.

Je pense notamment à la rencontre entre le Président de la République et Marc Zuckerberg à l’Élysée à l’occasion du sommet Tech for Good ou à la réunion que j’ai pu avoir, il y a quinze jours au siège de Facebook à San Francisco, avec Sheryl Sandberg, durant laquelle j’ai interpellé les dirigeants de l’entreprise sur la nécessaire participation active des hébergeurs et des réseaux sociaux.

Nous avons aussi convoqué Webedia, hébergeur du forum 18-25 de jeux-vidéo.com. En effet, celui-ci a été mis en cause dans un procès qui vient de se terminer et qui concernait des phénomènes de harcèlement envers une journaliste, Nadia Daam. Nous avons demandé à cet hébergeur de prendre ses responsabilités.

Un travail d’ensemble est donc mené par le Gouvernement, notamment par Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, pour faire en sorte que les hébergeurs agissent plus rapidement contre les contenus sexistes en ligne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer un ajout de la commission des lois, adopté sur l’initiative de notre collègue Mme Jasmin pour mieux lutter contre le cyberharcèlement.

Or le présent projet de loi me semble constituer un vecteur législatif approprié pour lutter contre le cyberharcèlement. Il est indispensable que les contenus de harcèlement sexuel soient traités de la même manière que ceux qui portent atteinte à la dignité humaine.

Une fois encore, la commission des lois a une position plus protectrice des personnes que le Gouvernement. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. La disposition que nous avons proposée et qui a été adoptée par la commission des lois vise à mieux protéger les personnes. Il faut prendre en compte la vitesse à laquelle se propagent certaines informations sur les réseaux sociaux. Or, les GAFA – Google, Amazon, Facebook, Apple – ont la capacité de protéger les victimes, en bloquant certains messages grâce à des mots-clés.

L’amendement du Gouvernement ne me semble pas satisfaisant, si nous voulons lutter contre les violences sexuelles et sexistes. On voit bien, quand on examine les plaintes qui sont déposées, qu’il n’existe aujourd’hui presque aucun moyen de protéger les victimes contre la propagation de certains messages.

Je veux aussi insister sur un point très important : les dommages causés sont irréversibles ! Même quand il y a un procès, la diffusion des messages est tellement rapide qu’il est très difficile de maîtriser les conséquences des propos haineux, notamment lorsqu’ils sont de nature sexiste ou sexuelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 133.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 3 bis

Article additionnel après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette formation comporte également une sensibilisation sur l’interdiction du harcèlement commis dans l’espace numérique, les sanctions encourues en la matière et la manière de s’en protéger. »

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il faut savoir que 10 % des jeunes entre six et dix-huit ans ont déjà été agressés ou harcelés sur internet ou sur les réseaux sociaux. Parmi les filles qui ont entre douze et quinze ans, une sur cinq a déjà été insultée en ligne sur son apparence physique et une sur six a été confrontée à des cyberviolences. La probabilité de tenter de se suicider est trois fois plus élevée, lorsque l’on est victime de harcèlement sur les réseaux sociaux.

Certaines caractéristiques des réseaux sociaux peuvent donc aboutir à un sentiment d’humiliation, à une détresse des victimes et, parfois, à des tentatives de suicide. Les conséquences du cyberharcèlement peuvent être graves : mal-être, phobie scolaire, dépression, poursuite du harcèlement dans l’espace public, tentatives de suicide…

Le présent amendement vise donc à inscrire dans la loi la nécessité de prévenir le cyberharcèlement par une information des élèves, non seulement sur l’interdiction de certaines pratiques et les sanctions encourues, mais aussi sur la manière de se protéger. Nous le savons bien, les enfants ne connaissent même pas les risques qu’ils courent et encore moins les moyens de s’en protéger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à inclure une obligation de sensibilisation au cyberharcèlement dans le cadre de la formation d’initiation à la technologie et aux usages numériques. Nous sommes favorables à cette précision très utile.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme Annick Billon. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non pas sur le fond, mais sur la forme. Nous nous rejoignons bien évidemment sur la nécessité de sensibiliser au cyberharcèlement à l’école, mais de telles politiques publiques sont déjà mises en œuvre.

L’environnement des jeunes est très tôt affecté par les problématiques de sexisme et de harcèlement, en particulier en ligne. Il nous faut répondre à ces nouveaux outils qui sont à la disposition des agresseurs. C’est pour cette raison que Jean-Michel Blanquer et moi-même sommes en train de travailler sur une opération de lutte contre la pornographie et le cyberharcèlement au collège, qui sera lancée à partir de la rentrée.

En outre, comme cela a été annoncé lors du comité interministériel du 8 mars 2018, des référents « égalité », dont je vous parlais tout à l’heure, seront nommés dans chaque établissement scolaire pour accompagner les élèves au quotidien. Ils s’ajouteront aux 310 référents « harcèlement » qui ont déjà été désignés pour accompagner la distribution de la mallette pédagogique des parents, qui contient des outils relatifs à l’éducation à la sexualité, aux usages d’internet, à la lutte contre le cyberharcèlement, notamment sexiste, et à l’exposition précoce à la pornographie.

De surcroît, le secrétaire d’État chargé du numérique travaille sur le déploiement d’une application visant à prévenir et sensibiliser contre le cyberharcèlement.

Nous considérons donc que les politiques publiques menées par le Gouvernement répondent déjà aux exigences qui sous-tendent l’amendement.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la secrétaire d’État, pour justifier vos avis défavorables, vous dites souvent que vous n’êtes pas opposée sur le fond à tel ou tel amendement que nous défendons, mais que vous travaillez déjà sur la question, que vous rencontrez des gens, que vous avez des rendez-vous, que vous vous en occupez… Tout serait donc sous contrôle !

Je ne remets pas en cause l’existence des différentes actions que vous menez, mais de notre côté, nous faisons simplement notre travail de législateur !

Qui plus est, je sais d’expérience que, dans des discussions avec des acteurs comme les GAFA, pouvoir s’appuyer sur une loi ou une résolution adoptée par le Parlement ne peut que conforter une position de négociation.

Madame la secrétaire d’État, nous sommes très heureux que vous ayez pris ces différents sujets en main ; nous nous proposons simplement, avec la loi, de consolider votre action. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, il ne s’agit pas seulement de rencontrer telle ou telle personne, mais de mettre en place, via les politiques publiques, un vaste plan ambitieux.

Vous savez très bien que, si des personnalités comme Mark Zuckerberg et Emmanuel Macron se rencontrent, en l’occurrence à l’Élysée, c’est pour discuter de sujets de fond et déboucher sur quelque chose de concret.

De la même manière, lorsque je me rends à San Francisco au nom du Gouvernement, c’est pour travailler avec les responsables mondiaux de Facebook sur le sujet du harcèlement. Si je leur ai présenté les dispositions du présent projet de loi, en particulier celles qui sont liées au cyberharcèlement en meute, pratique qui sera dorénavant condamnée en France, c’est parce que nous avons besoin de l’engagement des réseaux sociaux pour modérer davantage et supprimer, le cas échéant, les contenus haineux, notamment sexistes.

Je puis vous dire que les dispositions que nous introduisons, en particulier sur le cyberharcèlement en meute, sont observées avec attention dans nombre de pays, notamment européens, qui n’ont pas de mesures équivalentes.

La loi entrera bientôt en vigueur, les politiques publiques sont en place, et il est évident que ces différentes actions passent aussi par des rendez-vous avec les acteurs concernés, rencontres qui sont construites et suivies. Je mène ce travail depuis près de deux ans, nous sommes aux responsabilités depuis quelques mois seulement,…

Mme Laurence Rossignol. Depuis un an !

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. … et j’espère déboucher rapidement sur des choses très concrètes.

M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Madame la secrétaire d’État, le Président de la République et vous-même êtes dans votre rôle en rencontrant des personnes, et nous sommes nous-mêmes dans le nôtre, en tant que législateurs, en proposant des amendements à un projet de loi.

Le nombre de jeunes qui se suicident va croissant, et la responsabilité des GAFA est réelle, car tous les parents n’ont pas nécessairement eux-mêmes une maîtrise de ces outils ; ils ne sont parfois même pas informés de ce qui s’y passe et ne sont pas capables d’en visualiser tous les contenus. Or leurs enfants, à cause de ce qu’ils voient sur internet, sont en très grande souffrance à l’école.

Même si nous extirpons les téléphones portables des classes, comme le Gouvernement souhaite le faire, cela ne changera rien aux contenus, qui resteront en ligne. Comme je le disais tout à l’heure, ce genre de chose est souvent irréversible !

Il ne s’agit donc pas, vous le voyez bien, de parler de ce que vous êtes en train de faire, de votre actualité personnelle. Il faut appréhender, de manière beaucoup plus globale, les conséquences de la propagation de contenus haineux sur internet. Les chiffres sont là, même s’ils ne sont pas exhaustifs : les messages haineux entraînent de plus en plus de suicides chez les jeunes ! (Mme Martine Filleul applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 61 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 3 bis - Amendements n° 63 rectifié, n° 78 rectifié, n° 87 rectifié et n° 115 rectifié bis

Article 3 bis

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 132-80 est complété par les mots : « , y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas » ;

2° Le chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifié :

a) Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :

– l’avant-dernier alinéa de l’article 222-8 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« La peine encourue est portée à trente ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction définie à l’article 222-7 est commise :

« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;

« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;

– l’avant-dernier alinéa de l’article 222-10 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« La peine encourue est portée à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction définie à l’article 222-9 est commise :

« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;

« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;

– après le 15° de l’article 222-12, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Les peines encourues sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende lorsque l’infraction définie à l’article 222-11 est commise :

« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;

« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;

– la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 222-12 est supprimée ;

– au dernier alinéa de l’article 222-12, les mots : « prévues par le précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « prévues par le présent article lorsqu’elles sont punies de dix ans d’emprisonnement » ;

– après le 15° de l’article 222-13, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque l’infraction définie au premier alinéa est commise :

« 1° Sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur ;

« 2° Alors qu’un mineur de quinze ans assiste aux faits et que ceux-ci sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ou, si la victime est mineure, par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur victime. » ;

– la première phrase du dernier alinéa de l’article 222-13 est supprimée ;

b) La section 3 est ainsi modifiée :

– l’article 222-24 est complété par un 14° ainsi rédigé :

« 14° Lorsqu’un mineur de quinze ans était présent au moment des faits et y a assisté. » ;

– l’article 222-28 est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Lorsqu’un mineur de quinze ans était présent au moment des faits et y a assisté. » ;

– le III de l’article 222-33 est complété par des 6° et 7° ainsi rédigés :

« 6° Alors qu’un mineur de quinze ans était présent et y a assisté ;

« 7° Par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. » ;

c) La section 3 bis est ainsi modifiée :

– le premier alinéa de l’article 222-33-2-1 est complété par les mots : « ou ont été commis alors qu’un mineur de quinze ans était présent et y a assisté » ;

– après le 4° de l’article 222-33-2-2, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Lorsqu’un mineur de quinze ans était présent et y a assisté. » ;

– à la fin du dernier alinéa du même article 222-33-2-2, la référence : « 4° » est remplacée par la référence : « 5° ». – (Adopté.)

Article 3 bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 4

Article additionnel après l’article 3 bis

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 63 rectifié est présenté par Mmes Rossignol, Lepage, de la Gontrie, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Conway-Mouret, Meunier et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 78 rectifié quater est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mme Dindar, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mme Guidez, M. Maurey, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien, Boulay-Espéronnier, L. Darcos et de Cidrac, MM. Brisson et Cadic et Mmes Gatel et Bonfanti-Dossat.

L’amendement n° 87 rectifié est présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Jouve et MM. Léonhardt et Menonville.

L’amendement n° 115 rectifié bis est présenté par Mmes Cohen et Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 1° de l’article 222-28 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’elle a entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours ; ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement tend à tirer les conséquences d’une recommandation du rapport d’information de la délégation aux droits des femmes. Il s’agit de créer une circonstance aggravante pour les agressions sexuelles, autres que le viol, ayant entraîné une incapacité totale de travail, ou ITT, supérieure à huit jours. Cette disposition permet aussi d’évaluer la gravité de l’atteinte, physique ou psychologique, portée à la victime.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié quater.

Mme Annick Billon. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 87 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 115 rectifié bis.

Mme Laurence Cohen. Je vais simplement compléter les propos de Laurence Rossignol, car notre amendement est identique au sien et vise à reprendre une recommandation formulée par la délégation aux droits des femmes.

Il est nécessaire de prévoir une circonstance aggravante pour tenir compte des conséquences, aussi bien physiques que psychologies, subies par les victimes d’agressions sexuelles. Les termes de « blessure » et de « lésion » utilisés dans le code pénal ne sont pas suffisants. En effet, notre connaissance des séquelles des violences faites aux femmes ne fait que progresser et l’on découvre seulement maintenant l’ampleur de certains traumatismes, comme l’état de stress post-traumatique, que l’on pensait réservé aux militaires.

À la lumière de ces enjeux nouveaux, notre arsenal législatif doit s’adapter. Même si, d’ordinaire, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste n’est pas favorable à l’aggravation systématique des peines et met plutôt l’accent sur la prévention et l’accompagnement, il nous apparaît important, en l’espèce, d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ces quatre amendements identiques visent à créer une circonstance aggravante pour les faits d’agressions sexuelles ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours. Une telle disposition nous semble pertinente. Elle permettra de mieux réprimer certains faits.

C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. L’article 222-28 du code pénal prévoit déjà qu’une infraction, lorsqu’elle a entraîné une blessure ou une lésion, constitue une circonstance aggravante. Les agressions sexuelles ayant entraîné une incapacité totale de travail entrent dans ce cadre.

La précision que ces amendements identiques visent à apporter ne nous apparaît donc pas justifiée, mais les arguments que je viens d’entendre de la part des auteurs de cette proposition et de la rapporteur me semblent pertinents.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié, 78 rectifié quater, 87 rectifié et 115 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3 bis.

TITRE III

DISPOSITIONS RÉPRIMANT L’OUTRAGE SEXISTE

Article additionnel après l'article 3 bis - Amendements n° 63 rectifié, n° 78 rectifié, n° 87 rectifié et n° 115 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 52 rectifié

Article 4

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après la section 1 ter du chapitre V du titre II du livre II, est insérée une section 1 quater ainsi rédigée :

« Section 1 quater

« De loutrage sexiste

« Art. 225-4-11. – Le fait d’imposer à une personne, dans l’espace public, tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou lié au sexe d’une personne qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d’amende.

« Dans les conditions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 135 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 90 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 375 €.

« L’outrage sexiste est puni de 7 500 € d’amende lorsqu’il est commis :

« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Sur un mineur de quinze ans ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

« 6° Dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

« 7° (nouveau) En raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime. »

2° (nouveau) Le 5° de l’article 131-3 est ainsi rédigé :

« 5° Les peines de stage ; »

3° (nouveau) L’article 131-5-1 est ainsi rédigé :

« Art. 131-5-1. – Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement ou lorsqu’une disposition législative le prévoit, la juridiction peut, à la place ou en même temps que l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir, pendant une durée ne pouvant excéder un mois, un ou plusieurs stages dont elle précise la nature eu égard à la nature du délit et aux circonstances dans lesquelles il a été commis.

« Sauf décision contraire de la juridiction, le stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes contraventionnelles de la 3e classe, est effectué aux frais du condamné.

« Le stage est exécuté dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive, sauf impossibilité résultant du comportement ou de la situation du condamné. » ;

4° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 131-8, après les mots : « peine d’emprisonnement », sont insérés les mots : « ou lorsqu’une disposition législative le prévoit » ;

5° (nouveau) L’article 225-19 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après la référence : « sections 1 », est insérée la référence : «, 1 quater » ;

b) Au 6°, les mots : « de citoyenneté » sont supprimés ;

c) Il est ajouté un 8° ainsi rédigé :

« 8° Une peine de travail d’intérêt général. »

II. – (Supprimé)

III. – La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :

1° (Supprimé)

2° Le 13° de l’article 41-2 est ainsi rédigé :

« 13° Accomplir, le cas échéant à ses frais, une peine de stage ; ».

IV et V. – (Supprimés)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Je souhaite d’autant plus intervenir sur cet article que nous avions prévu de déposer un amendement, ce qui n’a malheureusement pu se faire en raison d’un problème technique. Cela arrive !

Cet article est l’une des mesures phares du gouvernement, à savoir la création d’une nouvelle infraction d’outrage sexiste, conçue pour lutter contre le harcèlement de rue et surtout pour le sanctionner.

La commission des lois du Sénat a modifié cet article. Elle a notamment transformé la contravention prévue en un délit puni d’une amende de 3 750 euros.

Pour ma part, même si je suis assez dubitative, comme l’ensemble des membres de mon groupe, sur la mise en place effective de cette infraction du fait de la nécessité de flagrance et surtout du manque de moyens accordés aujourd’hui aux officiers de police, je suis convaincue, en revanche, que pour être efficace cette infraction doit être élargie en délit autonome d’agissement sexiste.

Là aussi, un interdit doit être plus clairement indiqué à la société, pour que de tels comportements et de tels propos à l’encontre des femmes cessent. Bien évidemment, au-delà de la sanction, je reste persuadée que la prévention et l’éducation à la sexualité et à l’égalité filles-garçons sont plus que fondamentales. Ce combat mérite d’être mené, car, au-delà des lois, il est essentiel de faire évoluer les mentalités.

Madame la secrétaire d’État, même si le dispositif que vous avez choisi a déjà beaucoup fait parler de lui, j’espère que vous serez en situation d’entendre les arguments qui vont être avancés durant le débat et que celui-ci permettra d’aboutir à une solution qui sera dans l’intérêt des femmes subissant de tels agissements.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 79 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mme Dindar, MM. Louault, Moga et Médevielle, Mmes Guidez, Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien, Boulay-Espéronnier et L. Darcos, M. Brisson, Mme Jasmin, M. Cadic et Mme Bonfanti-Dossat.

L’amendement n° 92 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Jouve et M. Labbé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 5

Supprimer les mots :

, dans l’espace public,

II. – Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il est adressé à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, ou à une personne dépositaire de l’autorité publique, il est puni des peines prévues à l’article 433-5. »

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 79 rectifié bis.

Mme Annick Billon. Le présent amendement vise à ce que l’outrage sexiste ne se limite pas à l’espace public et puisse s’appliquer aussi à des comportements qui s’expriment, par exemple, dans le cadre d’une entreprise.

Des circonstances aggravantes protègent spécifiquement les victimes chargées d’une mission de service public ou dépositaires de l’autorité publique.

Cette qualification s’inspire de l’agissement sexiste, défini par l’article L. 1142-2-1 du code du travail et par l’article 6 bis de la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de sorte que ce délit est défini à la fois par le droit du travail et le code pénal, de même que le harcèlement sexuel est traité à la fois par le code pénal et le code du travail.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes , pour présenter l’amendement n° 92 rectifié.

Mme Josiane Costes. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Contrairement à ce que proposent les auteurs de ces amendements identiques, il n’apparaît pas souhaitable d’étendre le champ d’application du délit d’outrage sexiste au-delà de la sphère publique. Imagine-t-on sanctionner d’une peine délictuelle de simples propos outrageants tenus à titre privé ? Je rappelle que l’injure sexiste existe déjà. L’outrage sexiste doit se différencier de ce délit.

Concernant les faits commis au travail, comme le Défenseur des droits l’a souligné, il existe déjà des dispositions concernant les agissements sexistes commis dans ces circonstances.

Quant au renvoi opéré par le paragraphe II de cet amendement aux peines prévues par l’article 433-5 du code pénal, il n’apparaît pas pertinent et poserait un problème d’intelligibilité de la loi pénale. Il n’est pas possible de renvoyer à des peines différentes pour un délit constitué de faits différents, même si les deux délits se dénomment « outrage ». En effet, ils n’ont en commun aucun élément constitutif de l’infraction.

Par conséquent, soit le délit poursuivi est un délit d’outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique, et les peines encourues sont prévues à l’article 433-5 du code pénal, soit le délit poursuivi est un délit d’outrage sexiste, et les peines encourues sont celles prévues par le projet de loi. Le procureur de la République choisira systématiquement les peines encourues les plus lourdes.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je me permets, monsieur le président, de prendre quelques minutes pour expliquer la position du Gouvernement sur cet article et ces amendements.

Tout d’abord, je me réjouis sincèrement que nous fassions ensemble le constat que le harcèlement de rue est un fléau et qu’il faut trouver des solutions pour le combattre. Je rappelle que, selon une étude récente, huit jeunes femmes sur dix ont peur, quand elles sont toutes seules dans la rue. Cette étude concerne bien la France de 2018 et s’applique, quel que soit le lieu d’habitation !

Il s’agit donc d’un sujet véritablement important. Certes, ces pratiques, qui ont pu apparaître comme une fatalité à une époque, existent depuis des générations, mais il faut, enfin, les faire cesser ! Le seuil de tolérance de la société a évolué et cela nous paraît maintenant insupportable. C’est pour cela que je me réjouis que nous ayons aujourd’hui ce débat, important, je le répète, sur les meilleurs moyens de lutter contre le harcèlement de rue.

Je rappelle que la verbalisation du harcèlement de rue était un engagement de campagne du Président de la République. Pourquoi avons-nous opté pour une verbalisation, plutôt que pour le dépôt d’une plainte au commissariat et une judiciarisation ?

Premièrement, il est très difficile pour des femmes, victimes de violences sexistes ou sexuelles, quelles qu’elles soient, de se rendre dans un commissariat pour dénoncer les faits, même quand elles savent en identifier l’auteur. A fortiori, il est assez improbable, assez théorique, d’imaginer qu’une femme aille dans un commissariat pour dénoncer des faits de harcèlement de rue ou d’outrage sexiste, sachant que, la plupart du temps, elle ne peut même pas en identifier l’auteur.

Deuxièmement, nous avons examiné la situation en Belgique, où une loi contre le harcèlement de rue a été votée. Elle prévoit le dépôt de plainte et la judiciarisation. Quel est le résultat ? C’est un échec : seules trois plaintes ont été déposées, et aucune n’a abouti, précisément en raison des difficultés que j’ai évoquées précédemment.

Ce sont ces éléments qui ont forgé la conviction du Président de la République et l’ont amené à opter, durant sa campagne, pour une verbalisation du harcèlement de rue en flagrant délit. Le groupe de travail, qui a réuni des députés sur l’initiative du Gouvernement, a appelé cette infraction un outrage sexiste, terme que nous avons conservé dans le projet de loi.

Il reviendra aux 10 000 agents de la police de sécurité du quotidien, dont le recrutement a été annoncé par Gérard Collomb, de remplir ce rôle ; ils seront formés et équipés à cet effet.

De notre point de vue, une verbalisation en flagrant délit est le seul moyen de lutter efficacement contre le harcèlement de rue, ce que ne pourra pas faire une procédure judiciaire par dépôt de plainte.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 rectifié bis et 92 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 200 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l’adoption 114
Contre 196

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par MM. Bascher, Grosdidier, J.-M. Boyer, Courtial, Meurant et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Lefèvre, Duplomb et Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. H. Leroy et Bonne, Mme Deromedi, MM. Houpert et Pointereau, Mme Thomas, M. Revet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Bories, MM. Bonhomme et Cambon et Mme Lherbier, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

1° Remplacer les mots :

tout propos ou comportement

par les mots :

toutes paroles, menaces, gestes, écrits ou images de toute nature, ou refus de paroles ou de gestes de civilité

2° Supprimer les mots :

d’une personne

II. – Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’imposer ou de tenter d’imposer à une personne, dans l’espace public en raison de son sexe un comportement ou une tenue qui soit porte atteinte à sa dignité, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d’amende.

La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Le projet de loi ne permet pas de réprimer certains comportements qui violent également nos valeurs d’égale dignité entre les hommes et les femmes.

Il s’agit, par exemple, des refus de serrer la main tendue des femmes, parce qu’elles sont femmes, de la part de certains hommes. Il s’agit également des refus de présence opposés aux femmes.

Mme Esther Benbassa. C’est ce que l’on appelle une caricature !

M. Jérôme Bascher. Le fait d’imposer dans l’espace public à une femme un certain comportement porte atteinte à sa dignité et doit également être réprimé.

Cet amendement, soyons clairs, vise à sanctionner des comportements sexistes arrivés dans notre pays par idéologie, par dérive sectaire, et qui sont de nature à rompre l’équilibre porté par ce texte, qui lutte – je le dis avec un peu d’humour – contre les « phallocrates paléolithiques », mais qui oublie le nouveau comportement sexiste que constitue le refus de la main tendue.

Mes chers collègues, nous ne devons plus accepter d’accommodements raisonnables avec tous ces comportements extrémistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.

Cependant, à titre personnel, si vous acceptiez de le rectifier pour supprimer le I et, au II, les mots « ou de tenter d’imposer » et « ou une tenue », je serais tentée de réviser ma position.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Monsieur le sénateur, je ne puis, sans réagir, vous laisser dire qu’il y aurait des « accommodements raisonnables » dans la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Gouvernement lutte farouchement pour cette égalité, ainsi que pour le respect et l’émancipation des femmes, tout le temps et partout, que ce soit sur le territoire français ou à l’étranger, grâce à la diplomatie féministe qui est menée par le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, secondé par moi-même.

Pour revenir plus précisément à l’objet de votre amendement, le Gouvernement y est hostile, et cela pour deux raisons.

Tout d’abord, certaines des dispositions que vous évoquez ne relèvent pas, à notre sens, de la définition de l’outrage sexiste, tel que le groupe de travail a décidé de le caractériser.

Ensuite, d’autres dispositions de votre amendement sont satisfaites, puisque la définition large de l’outrage sexiste dans le projet de loi que le Gouvernement a présenté englobe toute situation jugée de nature à créer un climat humiliant, offensant, dégradant pour les femmes.

De toute évidence, de mon point de vue, refuser de serrer la main d’une femme crée ce caractère humiliant et dégradant, comme vous l’avez parfaitement relevé. À cet égard, nous considérons que cette partie de votre amendement est déjà incluse dans la définition de l’ouvrage sexiste.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Bascher, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme le rapporteur ?

M. Jérôme Bascher. Je reprends volontiers les recommandations de Mme la rapporteur, qui me conviennent parfaitement, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc d’un amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Bascher, Grosdidier, J.M. Boyer, Courtial, Meurant et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Lefèvre, Duplomb et Pierre, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. H. Leroy et Bonne, Mme Deromedi, MM. Houpert et Pointereau, Mme Thomas, M. Revet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Bories, MM. Bonhomme et Cambon et Mme Lherbier, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’imposer à une personne, dans l’espace public en raison de son sexe un comportement qui soit porte atteinte à sa dignité, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, est puni de 3 750 € d’amende.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. La commission n’a, bien sûr, pas pu se réunir, donc elle ne peut pas émettre un avis formel sur cet amendement.

À titre personnel, je veux dire que le problème soulevé par notre collègue est bien réel. À partir du moment où son amendement est étroitement circonscrit à son objet même, je pense que nous devrions l’adopter. En tout cas, la commission s’en remettra à la sagesse du Sénat, puisqu’elle n’a pas délibéré.

J’ai pris conscience du problème que l’on rencontre dans les entreprises grâce à la présidente de la RATP, voilà deux ans : Mme Borne est venue voir le président de la commission des lois que j’étais pour lui exposer ses difficultés.

Elle m’a expliqué que, dans son entreprise, lors de certaines réunions de cadres – j’y insiste –, des hommes refusaient de serrer la main des femmes, pour des raisons qui leur appartenaient, qui sont forcément respectables, et que cela induisait dans les rapports de travail une atmosphère discriminante de sexisme proprement insupportable, créant, par conséquent, un problème pour le management, pardonnez-moi cet anglicisme, de l’entreprise elle-même.

Je crois que nous rendrions un grand service aux employeurs en posant que ces attitudes à l’évidence sexistes entrent dans la catégorie des comportements qui peuvent effectivement être poursuivis.

Je le répète, la commission, qui n’a pas délibéré, ne peut que s’en remettre à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je voterai cet amendement.

M. le président. Madame la secrétaire d’État, cette rectification change-t-elle l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Non, monsieur le président. Mon avis reste défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. J’aimerais que l’on m’aide à me prononcer, car je suis bien embarrassé.

Après la rectification, on ne parle plus de paroles, de gestes ou de refus de gestes, car le I de l’amendement a été supprimé. Désormais, on vise le fait d’imposer à une personne un comportement ou une tenue soit qui porte atteinte à sa dignité – on voit à peu près à quoi cela correspond –, soit qui crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Or qu’est-ce qu’un comportement imposé qui crée une situation intimidante, hostile ou offensante ? L’auteur de l’amendement peut-il m’éclairer ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À ma connaissance, dans l’état actuel du droit, le fait que l’un de vos collègues refuse de vous serrer la main ne peut être qualifié d’infraction. Aujourd’hui, c’est tout à fait impossible. Alors que nous enquêtions sur les pratiques du monde HLM, des juristes interrogés sur cette question – j’ai conscience, monsieur le président de la commission, que le problème peut se poser – nous l’ont dit. Me confirmez-vous ce point, madame la secrétaire d’État ?

Ensuite, je tiens à dire que je partage l’avis de M. de Belenet. Je ne vois pas comment cette atteinte à la dignité va être caractérisée. Il y a des cas où c’est clair, mais, dans d’autres, c’est plus compliqué, car on voit bien que nous sommes dans une situation particulière. Cependant, la loi n’est pas là pour encourager des comportements qui relèvent plus des us et coutumes.

Serrer la main, ce n’est pas une loi de la République ; ce sont les us et coutumes de la société française. Je les partage et je suis choquée lorsque l’on ne les respecte pas, mais, je le répète, la loi n’est pas là pour être garante du maintien des us et coutumes. Soit la personne qui refuse de vous serrer la main ne dit rien, et il n’y a rien à faire, soit elle déclare qu’elle ne serre jamais la main à une femme, et l’on se retrouve alors dans une situation de discrimination sexiste.

Ces sujets sont assez compliqués, mais les lois dites « comportementales » ne me paraissent pas s’inscrire dans la tradition de la République française.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Ce débat ou, du moins, la façon dont il arrive en séance, au travers de cet amendement, me met quelque peu mal à l’aise.

Tout d’abord, avec toute l’amitié que j’ai pour Jérôme Bascher, qui est élu du même département que moi, je m’étonne qu’il n’ait déposé en tout et pour tout que deux amendements sur ce projet de loi…

M. Jérôme Bascher. J’étais là la nuit dernière !

Mme Laurence Rossignol. En somme, cher collègue, vous vous intéressez à ce texte, au point de vouloir l’amender, uniquement pour ce sujet précis. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Laurence Rossignol. Vous intervenez seulement pour écrire explicitement dans le projet de loi que l’outrage sexiste peut être utilisé pour sanctionner les hommes refusant de serrer la main des femmes pour des raisons religieuses, intégristes.

Ne vous y trompez pas, cher collègue, je considère, comme vous, que c’est effectivement un outrage sexiste que de refuser de serrer la main des femmes par principe. En revanche, il y a des gens qui ne veulent pas serrer la main d’une femme en particulier, ou d’un homme en particulier, parce qu’existent entre eux des malentendus. Il y a une différence qui est parfois difficile à cerner.

Nous nous étions tous posé la question : l’outrage sexiste peut-il servir à sanctionner ce genre de comportement ? Mme la secrétaire d’État vient de nous répondre, preuve que le Gouvernement se l’était posée aussi. Et elle a répondu par l’affirmative, dans les situations où il s’agit d’une attitude constante et principielle.

Dès lors que Mme la secrétaire d’État nous a dit que le texte, tel qu’il est rédigé, inclut ce type de comportement, et que les travaux parlementaires et l’intention du législateur sont censés éclairer le juge pour appliquer le texte, ne pourrions-nous pas en rester là ? Oui, l’outrage sexiste peut servir à sanctionner des hommes refusant de serrer la main de toutes les femmes.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. J’ai relu l’objet de cet amendement, qui semble tout de même assez étonnant.

D’abord, comme Mme Lienenman l’a souligné, il y a des sociétés dans lesquelles des personnes ultrareligieuses ne serrent pas la main des femmes. Je suis contre, mais je n’ai pas le pouvoir de changer les religions. Étant moi-même athée, on ne me comprendrait même pas.

Franchement, quand vous parlez de tenue, allez jusqu’au bout et mettez les mots : c’est pour le voile !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cette référence a été supprimée !

Mme Marie Mercier, rapporteur. On ne parle plus que de serrer la main !

Mme Esther Benbassa. Soit ! Cela m’étonne parfois, mais je connais des personnes qui ne serrent pas la main, donc je ne tends plus la mienne quand je les rencontre.

M. Jérôme Bascher. Quel renoncement !

Mme Esther Benbassa. On ne va pas pour autant qualifier cela d’outrage sexiste. (M. le président de la commission proteste.)

Ou alors, il faut entrer dans les détails et essayer de mettre en place une pédagogie générale auprès des juifs et des musulmans – je parle des orthodoxes de ces deux religions. Mais nous ne sommes pas là pour ça, me semble-t-il.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, comme vous parlez de faire de la pédagogie, je me permets d’appeler votre attention sur un point sémantique.

Qu’est-ce que le sexisme ? C’est traiter différemment et négativement une femme par rapport à un homme. La question, ici, n’est pas de savoir si telle personne a envie ou non de serrer la main à telle autre personne. Pour savoir si un acte est sexiste, qu’il s’agisse de l’agissement sexiste, tel qu’il est défini dans le code du travail, ou de l’outrage sexiste, tel que nous en proposons une définition dans ce projet de loi, il faut se demander si cette femme est traitée différemment parce qu’elle est une femme.

Mme Rossignol donnait tout à l’heure l’exemple d’une personne en froid avec une autre et qui ne lui serrait donc pas la main, qu’il s’agisse d’une femme ou un homme. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un outrage sexiste. En revanche, dire que l’on refuse d’adresser la parole, de serrer la main, de saluer ou de faire une réunion avec une femme, parce que celle-ci est une femme, c’est manifestement un comportement sexiste, qui est qualifié d’agissement sexiste lorsqu’il se produit au travail, ainsi que d’outrage sexiste, dès lors que vous aurez approuvé cette disposition et que cette loi sera promulguée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. On parle de faits de société, d’attitudes de certains en fonction de leur religion, et je suis choqué comme vous par ce type de comportements. Je pense qu’il y a une pédagogie à instaurer.

Cependant, n’oublions pas que nous sommes en train de voter une loi qui est censée être appliquée ensuite. Or, tel qu’il est rédigé, sans explications, je ne vois pas comment ce texte conduirait les procureurs et les magistrats à poursuivre et à condamner le fait de refuser de serrer la main.

Il faut rédiger cet amendement différemment. On ne peut pas jeter ainsi dans le code pénal des textes qui, ensuite, ne serviront strictement à rien. On se sera peut-être fait plaisir quelques instants, mais Mme Borne, si elle est un jour de nouveau directrice de la SNCF, pourra revenir voir le président de la commission des lois, qui n’aura toujours pas de bonne réponse à lui donner.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.) – (Exclamations attristées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Bascher, Grosdidier, J.M. Boyer, Courtial, Meurant et Bazin, Mme Garriaud-Maylam, M. Charon, Mme A.M. Bertrand, MM. Laménie, Lefèvre et Pierre, Mmes Lanfranchi Dorgal et Deromedi, MM. Houpert et Pointereau, Mme Thomas, M. Revet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Paccaud, Mme Bories et MM. Bonhomme et Cambon, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Les sanctions applicables à l’outrage sexiste réprimé par le présent article sont également applicables au fait de méconnaître les dispositions de l’article L. 1142-2-1 du code du travail.

La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Il s’agit presque d’un amendement de cohérence. L’agissement sexiste est interdit par le code du travail, mais cette interdiction est dépourvue de sanctions.

Ce dispositif, issu de la loi Rebsamen de 2015, ne se trouve pas dans les parties du code du travail relatives aux harcèlements et aux discriminations, mais dans la partie relative aux inégalités professionnelles. Aussi, les sanctions applicables à ces dispositifs ne sont pas applicables aux agissements sexistes, pas plus, d’ailleurs, que celles qui sont applicables en cas de non-respect du principe d’égalité professionnelle.

Il s’agit donc de mettre en cohérence le code du travail avec les sanctions qui ont été prévues dans le texte dont nous discutons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, il n’est pas possible d’assortir de sanctions pénales l’interdiction posée par l’article L. 1142-2-1 du code du travail. En effet, cette interdiction, posée en des termes plus vagues et généraux que l’outrage sexiste, ne satisfait pas aux exigences constitutionnelles en matière de légalité des délits et des peines.

Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Même avis : le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Bascher, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. Jérôme Bascher. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 135

Articles additionnels après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du dernier alinéa de l’article 132-20 du code pénal est complétée par les mots : « ou la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes ».

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. L’article 132-20 du code pénal dispose que les amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, à l’exception des amendes forfaitaires, peuvent faire l’objet d’une majoration, dans la limite de 10 % de leur montant, perçue lors de leur recouvrement. Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes.

Cet amendement, porté par la Fondation des Femmes, a pour objet de proposer que cette « sur-amende », en matière de sanction pénalisant des violences sexuelles ou sexistes, aide à financer la lutte contre ces comportements, et ce par l’intermédiaire des associations qui luttent quotidiennement contre les violences faites aux femmes et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’idée est qu’en complément des subventions de l’État et des collectivités territoriales, c’est-à-dire de la solidarité nationale, les auteurs d’infractions condamnés puissent contribuer pécuniairement au financement des services gratuits dont bénéficient les personnes victimes, comme l’accompagnement par les associations à tous les stades de l’enquête, ce qui est possible depuis 2015.

La majoration des amendes affectée à l’aide aux victimes relève d’un système cohérent de contribution des auteurs d’infractions à l’aide aux victimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le montant des sur-amendes, actuellement destiné à financer l’aide aux victimes, pourrait également financer la lutte contre les violences sexuelles ou sexistes.

Cette disposition est avant tout cosmétique, puisque c’est une indication du législateur, et non un mécanisme budgétaire d’attribution des montants collectés. Allouer les ressources budgétaires dont il dispose est une prérogative de l’exécutif.

Aussi, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. L’article 132-20 du code pénal prévoit que les amendes prononcées en matière pénale peuvent faire l’objet d’une majoration, dans la limite de 10 %, perçue lors de leur recouvrement, pour financer l’aide aux victimes.

En l’occurrence, vous proposez de préciser que cette majoration financerait la lutte contre les violences sexuelles ou sexiste à travers le financement d’un certain nombre d’associations.

Nous pensons qu’il n’y a pas de raison de mentionner dans cet article général, qui s’applique à toutes les condamnations, quelle que soit la nature de l’infraction, tel ou tel type de victimes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 52 rectifié
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 36 rectifié ter

M. le président. L’amendement n° 135, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Dans l’intitulé du paragraphe 4 de la section III du chapitre II du titre II du livre II, après le mot : « sexuelle », il est inséré les mots : « , de la captation d’images impudiques ».

2° Après l’article 222-32, il est inséré un article 222-32-1 ainsi rédigé :

« Art. 222-32-1. – Constitue une captation d’images impudiques le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir ou tenter d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne.

« La captation d’image impudique est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

« Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende lorsque :

« 1° Les faits sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Les faits sont commis sur un mineur ;

« 3° Les faits sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 4° Les faits sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

« 5° Les faits sont commis dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

« 6° Des images ont été fixées, enregistrées ou transmises. »

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Cet amendement du Gouvernement est le fruit d’un certain nombre de concertations avec des actrices et des acteurs de terrain, ainsi qu’avec la chancellerie, des magistrates et des magistrats, des avocates et des avocats, qui nous ont indiqué se trouver parfois démunis, en matière de textes de loi, pour pouvoir sanctionner comme il se doit un phénomène appelé à l’étranger le upskirting, ce qui se traduit en français par le fait de prendre des photos sous les jupes des femmes à leur insu.

Manifestement, d’après les professionnels du droit, c’est là un phénomène croissant, notamment dans les transports en commun.

L’objet de cet amendement est de combler une lacune de notre droit pénal, qui a été relevée par les nombreux praticiens que j’évoquais, en permettant de réprimer les personnes qui, notamment dans les transports, utilisent leur téléphone portable ou de petites caméras pour filmer l’entrejambe de femmes, lorsque celles-ci sont assises ou debout, et en jupe.

Juridiquement, la qualification de ces faits est problématique, puisqu’il ne peut s’agir d’agressions sexuelles. En effet, il n’y a pas de contact direct entre l’auteur et la victime. Il n’y a pas non plus d’atteinte à la vie privée par captation d’images présentant un caractère sexuel, les faits se déroulant dans l’espace public. C’est ce qui est objecté, en général, lorsqu’il y a judiciarisation de tels agissements.

Par défaut, actuellement, dans la majorité des cas, ces faits sont poursuivis sous la qualification de violences. Toutefois, en droit, la violence suppose, a minima, un choc, et si la victime ne s’aperçoit de rien, le choc, même émotif, ne peut être caractérisé en droit.

Nous pensons qu’il convient de réprimer ces faits, qui peuvent également survenir lors d’essais dans une cabine d’essayage ou ailleurs, et qui peuvent aussi se dérouler sans enregistrement des images.

Avec Mme la garde des sceaux, nous proposons de créer un nouveau délit, dit « de captation d’images impudiques », qui constitue une sorte de complément inversé du délit d’exhibition sexuelle et qui serait inséré dans le code pénal juste après, avec les mêmes peines, c’est-à-dire un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, peines qui seront portées à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes.

Notre objectif, avec ce projet de loi, est de mieux condamner le spectre ou le continuum des violences sexistes et sexuelles et de combler les lacunes du droit relatives à des violences sexistes ou sexuelles, notamment en sanctionnant ces nouvelles formes de violence : le cyberharcèlement, le harcèlement de rue, la drogue du viol et, donc, le upskirting.

C’est ce que propose le Gouvernement au travers de cet amendement.

M. le président. Le sous-amendement n° 143, présenté par Mme M. Mercier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement n° 135

I. - Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 5

1° Remplacer la référence :

222-32

par la référence :

226-3

2° Remplacer la référence :

222-32-1

par la référence :

226-3-1

III. - Alinéa 6

1° Remplacer la référence :

222-32-1

par la référence :

226-3-1

2° Supprimer les mots :

Constitue une captation d’images impudiques

3° Supprimer les mots :

ou tenter d’apercevoir

4° Compléter cet alinéa par les mots :

est puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende

IV. - Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

V. - Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende :

VI. - Alinéas 9 à 13

Remplacer les mots :

Les faits

par les mots :

Lorsqu’ils

VI. - Alinéa 14

Après la référence :

insérer le mot :

Lorsque

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ce sous-amendement vise à améliorer la rédaction du délit proposée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 143.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 135, modifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 135
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 8 rectifié septies

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 222-33-2 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait d’enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission des infractions listées à l’article 706-47 du code de procédure pénale est une circonstance aggravante applicable à chacune des infractions listées par l’article précité. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il s’agit ici de créer une nouvelle circonstance aggravante.

Nous proposons, lorsqu’est constatée une infraction relevant du champ de nos préoccupations qui est le nôtre depuis hier, que le fait d’avoir enregistré sciemment et par quelque support que ce soit, les images relatives à la commission de cette infraction – en résumé, il y a une personne qui commet l’infraction et l’autre qui la filme – soit une circonstance aggravante pour les auteurs de cette infraction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. En fait, il aurait été préférable de viser chaque infraction individuellement et d’en faire une circonstance aggravante, comme lorsque les faits sont commis sur un conjoint.

Surtout, c’est une circonstance aggravante sans circonstance aggravante. En effet, vous omettez de préciser le quantum supplémentaire de peines encourues…

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. En tous points, mon avis est le même que celui de Mme la rapporteur.

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 36 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 36 rectifié ter
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 99 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié septies, présenté par Mmes de Cidrac, Bonfanti-Dossat et Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mmes L. Darcos, Deseyne, Garriaud-Maylam et Primas, MM. Bazin, Chaize et Charon, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi, Eustache-Brinio, Gruny, Keller et Lassarade et MM. Laugier, Meurant, Milon, Raison, Paccaud, Panunzi, Pellevat et Perrin, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 222-9 du code pénal, après le mot : « mutilation », sont insérés les mots : « , une mutilation sexuelle féminine ».

La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Si le nombre de femmes adultes mutilées vivant en France est imprécis, l’INED l’Institut national d’études démographiques, estimait en 2004 qu’il s’établissait entre 42 000 et 61 000 personnes.

Les mutilations génitales féminines, dont l’excision est la forme la plus connue, portent gravement atteinte à l’intégrité physique et psychosexuelle des femmes, des adolescentes et des fillettes qui en sont victimes. Elles constituent une violation fondamentale de leurs droits, tels qu’ils sont énoncés dans de nombreuses conventions internationales, notamment dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Cet amendement vise à préciser de manière explicite dans le code pénal que les mutilations sexuelles féminines, commises en France ou à l’étranger, par des résidents sur le territoire national, seront punies de dix ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d’amende, et jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle lorsque la mutilation est commise sur un mineur de quinze ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, votre préoccupation nous touche toutes particulièrement. Reste que cet amendement est satisfait par le droit en vigueur : l’excision est déjà punie par l’article 222-9 du code pénal, qui sanctionne toute violence ayant entraîné la mutilation permanente – c’est bien de cela qu’il s’agit. Il n’est nul besoin de citer des exemples.

L’ajout de cette précision visant à inclure notamment les mutilations sexuelles féminines ne paraît pas utile. Il pourrait même être contre-productif, ouvrant une longue liste d’exemples qui ne serait jamais exhaustive. Par conséquent, si je comprends parfaitement l’objet de votre amendement, celui-ci présente plus d’inconvénients que d’avantages.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je le retire, monsieur le président !

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 8 rectifié septies
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 6 rectifié bis, n° 7 rectifié sexies, n° 81 rectifié bis, n° 93 rectifié et n° 108 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié septies est retiré.

L’amendement n° 99 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec et Gabouty, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 5° de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « à l’égard des mineurs », sont insérés les mots : « et de lutte contre la pédophilie ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Il s’agit d’un amendement de précision, qui vise à nommer explicitement la prévention et la lutte contre la pédophilie.

Les auteurs de cet amendement ont voulu nommer explicitement dans la loi ce danger pesant sur les enfants, afin de pouvoir y apporter une réponse encore plus forte et adaptée. Considérant par ailleurs le très fort tabou qui plane sur les actes de pédophilie, ils veulent contribuer à le briser, en particulier auprès des professionnels qui interviennent dans les services des conseils départementaux en charge de l’aide sociale à l’enfance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la lutte contre « la pédophilie » dans les missions de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE. Cet objectif est satisfait, puisque, en protégeant les mineurs, les conseils départementaux luttent déjà contre ce qu’il convient d’appeler la pédocriminalité.

Mme Michelle Meunier. Oui, il faut rectifier l’amendement !

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. J’abonde dans le sens de Mme la rapporteur : il est important de parler de pédocriminalité, non de pédophilie, pour souligner l’intolérance de toute la société à ces faits.

À ce propos, je souhaite faire un point sémantique qui me tient à cœur. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est aussi un combat culturel, donc un combat sémantique. À deux reprises hier, au cours des débats, il a été dit qu’une victime de violences sexuelles avouait avoir été violée. Je ne suis pas intervenue sur le moment, mais j’insiste : il est préférable de ne pas parler d’aveu. Ce sont les coupables qui avouent, pas les victimes.

Parler d’aveu peut contribuer, même involontairement, à ce que l’on appelle le victim blaming, c’est-à-dire à faire croire aux victimes qu’elles sont coupables de quelque chose, qu’elles ont quelque chose à se reprocher.

Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, je souhaite en fait rectifier cet amendement, pour que le mot de « pédophilie » soit remplacé par celui de « pédocriminalité ».

Mme Marie Mercier, rapporteur. Il vaudrait mieux parler de violences sexuelles, en fait !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 99 rectifié ter, présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec et Gabouty, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville et Requier, et ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 5° de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « à l’égard des mineurs », sont insérés les mots : « et de lutte contre la pédocriminalité ».

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je rappelle que l’ASE a pour mission la lutte contre les violences sexuelles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

Mme Esther Benbassa. Et la pédocriminalité ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Quand j’ai donné l’avis de la commission sur cet amendement, j’ai corrigé le mot pédophilie et j’ai parlé de pédocriminalité. Mais, je le répète, les missions de l’ASE portent sur les violences sexuelles.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 99 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 99 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 100 rectifié bis

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L’amendement n° 6 rectifié bis est présenté par Mmes Blondin, Lepage, Monier, Rossignol et Jasmin, M. Courteau et Mmes Cartron et M. Filleul.

L’amendement n° 7 rectifié sexies est présenté par Mmes de Cidrac, Bonfanti-Dossat et Boulay-Espéronnier, M. Brisson, Mmes L. Darcos, Deseyne, Garriaud-Maylam et Primas, MM. Bazin, Chaize et Charon, Mmes Deroche, Delmont-Koropoulis, Deromedi, Eustache-Brinio, Gruny, Keller et Lassarade et MM. Laugier, Meurant, Milon, Paccaud, Panunzi, Pellevat, Raison et Perrin.

L’amendement n° 81 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mmes Dindar et Guidez, MM. Louault, Delcros, Moga et Médevielle, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains et Vérien et M. Cadic.

L’amendement n° 93 rectifié est présenté par Mmes Laborde et M. Carrère, MM. Collin, Corbisez, Dantec et Gabouty, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Menonville et Requier.

L’amendement n° 108 rectifié bis est présenté par Mmes Cohen et Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Veiller au repérage et à l’orientation des mineures victimes ou menacées de mutilations sexuelles féminines ; »

La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié bis.

Mme Maryvonne Blondin. Cet amendement vise à compléter l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles et à renforcer la formation des professionnels au repérage, à l’orientation et à l’accompagnement des victimes mineures menacées de mutilations sexuelles féminines ; nous en avons beaucoup parlé tout à l’heure.

Cet amendement est la conséquence des auditions nombreuses et de quatre recommandations du rapport d’information que j’ai rendu avec ma collègue Marta de Cidrac au nom de la délégation aux droits des femmes, intitulé Mutilation sexuelles féminines, une menace toujours présente, une mobilisation à renforcer. Je vous invite à le lire, mes chers collègues.

Je rappelle ces chiffres, qui font froid dans le dos : une victime est excisée toutes les quinze secondes dans le monde, qu’il s’agisse d’un bébé, d’une fillette ou d’une femme, et ce dans les trente pays répartis sur trois continents qui pratiquent cette atrocité. Cela représente environ 200 millions de femmes, dont 44 millions de moins de quinze ans.

Mes chers collègues, la France n’est pas épargnée. Nous avons entendu tout à l’heure les chiffres qui ont été donnés : jusqu’à 60 000 victimes en France, même si notre pays a été le premier à pénaliser cette torture dans les années quatre-vingt.

Aujourd’hui, ce sont les adolescentes qui risquent d’être excisées lors de voyages dans les pays d’origine de leur famille, en particulier durant les vacances scolaires.

Il est donc d’autant plus nécessaire, pour lutter contre ces violences et les prévenir, de renforcer la vigilance par une formation spécifique de tous les professionnels en contact avec ces jeunes filles, en premier lieu les services de la protection de l’enfance et de l’ASE. Ceux-ci doivent être en mesure de réagir, dès lors que le pays d’origine de leurs familles est l’un des trente pays qui pratiquent ces mutilations, en demandant un examen médical approfondi.

Cette violence sexuelle a bien toute sa place dans ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié sexies.

Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je ne saurais mieux défendre cet amendement identique. Maryvonne Blondin a, avec Marta de Cidrac, qui a dû partir avant de pouvoir défendre cet amendement, rendu un rapport d’information sur les mutilations sexuelles féminines, dont nous vous recommandons la lecture, mes chers collègues, tellement il est intéressant et fourni.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 81 rectifié bis.

Mme Annick Billon. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 108 rectifié bis.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement a été proposé par l’ensemble de mes collègues de la délégation aux droits des femmes.

Dans le cadre de travaux sur les excisions, qui, comme cela a été souligné, s’inscrivent dans le droit fil des violences sexuelles, j’ai eu l’occasion de rencontrer, voilà quelques mois, le docteur Mukwege, ce médecin qui, en République démocratique du Congo, « répare » les jeunes femmes et les femmes victimes de mutilations. Son témoignage et les témoignages auxquels la délégation a eu accès sont particulièrement poignants.

L’adoption de cet amendement est donc importante, car elle permettrait de préciser et d’étendre les missions de l’ASE, avec pour objectif le repérage et l’orientation des filles mineures victimes de mutilations sexuelles ou menacées de l’être.

J’ai tenu à prendre la parole, au lieu de considérer que cet amendement était défendu, pour exprimer mon étonnement. En effet, j’ai déposé au nom de mon groupe un amendement similaire tendant à introduire les mêmes dispositions sur le mariage forcé, lequel touche de nombreuses jeunes filles, y compris en France. Cet amendement a été retoqué pour irrecevabilité, alors que celui-là a été accepté. Cela me surprend, car c’est la même logique qui prévaut !

Évidemment, je suis ravie qu’il soit accepté, mais il doit y avoir une erreur. Pourquoi retoquer une disposition qui concerne les mariages forcés et l’accepter lorsqu’elle a trait aux mutilations sexuelles ? (Mme Marie-Pierre de la Gontrie sexclame.) Le mariage forcé est un viol !

Une erreur est toujours possible, mais c’est dommageable. En tout cas, cela me donne l’occasion de faire allusion au mariage forcé qui est bien un viol.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame Cohen, votre amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, en raison de la charge, même minime, qu’entraîne pour les collectivités départementales le fait d’élargir les missions de l’aide sociale à l’enfance.

Puisque nous ajoutons des charges, il serait d’ailleurs normal que nous puissions consulter, sans que ce soit une condition du vote, l’Assemblée des départements de France. Il serait correct, surtout à une époque où le Sénat insiste beaucoup sur le respect dû aux collectivités, de prévoir a minima une concertation. Ce sont les présidents de conseil départemental qui gèrent l’aide sociale à l’enfance : quand on fait évoluer les missions de l’ASE, il est normal d’y penser.

Ce n’est donc pas la commission des lois qui a opposé à votre amendement l’irrecevabilité. J’ignore par quel miracle celle-ci n’a pas été opposée pour le même motif financier à ces amendements identiques, mais cela nous vaut la satisfaction de pouvoir les accueillir favorablement, parce qu’ils vont dans le bon sens.

Mme Annick Billon. Très bien !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Toutefois, je ne saurais préjuger l’avis que donnera Mme la rapporteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je souhaite féliciter et remercier mes collègues Maryvonne Blondin et Marta de Cidrac. Je mesure la souffrance qu’entraîne un tel travail : on ne sort pas indemne d’une telle enquête et on ne peut s’empêcher de se sentir touchées.

Je les remercie également de cet amendement, qui vise à confier à l’ASE la mission de repérer les filles mineures victimes de mutilations sexuelles féminines ou menacées de l’être. Cela paraît en effet utile.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

Mme Annick Billon. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Sur le fond, je partage les observations extrêmement intéressantes qui ont été formulées. Sur la forme, je comprends les réserves exprimées par le président de la commission des lois.

C’est pourquoi, sur ces amendements identiques, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. En tant qu’ancien président de conseil départemental, je précise que les départements n’ont pas attendu que cette mission figure expressément dans la loi pour se préoccuper, au titre de leurs devoirs en matière d’aide sociale, de la prévention des mutilations féminines et des mariages forcés.

À ma grande honte, je ne prends d’ailleurs conscience qu’aujourd’hui que cette mission n’entrait pas déjà dans le cadre légal.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié bis, 7 rectifié sexies, 81 rectifié bis, 93 rectifié et 108 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 6 rectifié bis, n° 7 rectifié sexies, n° 81 rectifié bis, n° 93 rectifié et n° 108 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 62 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 100 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 8° de l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi modifié :

« …° Élaborer des lignes directrices pour la prévention et la répression des actes pédophiles à destination des établissements et institutions publics ou privés recevant des mineurs, sans préjudice des compétences de l’autorité judiciaire. »

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Il s’agit, là encore, de briser le tabou des actes de pédophilie et d’y apporter une réponse explicite, en précisant les missions des services de l’aide à l’enfance dans le code de l’action sociale et des familles.

Plus largement, madame la secrétaire d’État, nous souhaitons vous alerter sur l’urgente nécessité de constituer une structure interministérielle qui sensibilise l’ensemble de nos institutions, afin de mener une politique conjointe coordonnée de prévention et de lutte contre la pédophilie auprès des prescripteurs institutionnels, des services régaliens de l’État et de toute autre organisation en lien avec les enfants.

Les abus sexuels commis par des personnes ayant un lien d’autorité sur les mineurs traumatisent les victimes, causant des dommages psychologiques à long terme, pouvant les conduire à se mettre en danger par des conduites addictives, dépressives, voire les pousser au suicide. Cette souffrance est accentuée par le déni de justice qui résulte du fait que, le plus souvent, la loi du silence des institutions et employeurs protège, de fait, l’agresseur au détriment de la victime.

Ces barrières institutionnelles s’ajoutent aux réticences des victimes à voir les faits rendus publics et limitent à la fois les poursuites pénales et les procédures civiles en dommages et intérêts.

Beaucoup reste à faire pour contribuer à la libération de la parole des victimes et faire valoir leurs droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement prévoit que l’aide sociale à l’enfance élabore des lignes directrices pour la prévention et la répression des actes de pédocriminalité. Ces lignes directrices relèvent plutôt du Gouvernement, de la Direction générale à la cohésion sociale, et non du service social à l’enfance de chaque département.

Cette réponse technique conduit la commission à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 100 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 80 rectifié bis et n° 89 rectifié

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Lepage, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Conway-Mouret, Meunier et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « raison », sont insérés les mots : « de leur sexe, de leur genre, de leur orientation sexuelle, ».

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je serai brève, car j’ai bien compris que tout monde avait des problèmes de train.

M. Gérard Longuet. Ce sont plutôt des problèmes d’absence de train ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’ai la chance d’être parisienne. Je ne suis donc pas concernée…

Il s’agit d’ajouter dans la liste des associations qui, en vertu de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, peuvent faire l’objet de décisions de dissolution les associations qui, tout en appelant à la haine, à la discrimination et autres, diffusent un message de haine à l’égard des femmes.

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 62 rectifié
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 53 rectifié

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 80 rectifié bis est présenté par Mmes Billon et Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mmes Dindar et Guidez, MM. Louault, Delcros, Moga, Médevielle et Maurey, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien, Boulay-Espéronnier et L. Darcos, M. Brisson, Mme Jasmin, M. Cadic et Mme Bonfanti-Dossat.

L’amendement n° 89 rectifié est présenté par Mme Laborde, M. Arnell, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt et Menonville.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « raison », sont insérés les mots : « de leur sexe, ».

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié bis.

Mme Annick Billon. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 89 rectifié.

Mme Maryse Carrère. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements. Néanmoins, il semble un peu disproportionné de dissoudre des associations qui propagent des idées ou des théories tendant à justifier la discrimination entre les sexes.

En effet, nombre de religions ont parfois des théories pouvant inciter à la discrimination en raison du sexe d’une personne. Faudrait-il pour autant interdire ou dissoudre de tels groupements ou associations ? Cela me semble une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression, notamment des opinions religieuses.

Je rappelle que les propos, et non pas les théories, qui appellent explicitement à la discrimination en raison du sexe de la personne ou d’un groupe de personnes sont déjà pénalement répréhensibles par l’article 24 de la loi de 1881.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Comme l’a précisé Mme la rapporteur, cette disposition est déjà prévue dans la loi.

Néanmoins, à titre personnel, je trouve cette disposition cohérente : elle permet de rendre le droit existant plus limpide et plus clair. Son adoption facilitera le pouvoir de dissolution des associations incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence, en raison du sexe et du genre. À titre personnel, loin de trouver cette mesure disproportionnée, je juge souhaitable de dissoudre de telles associations, et ces amendements me semblent très pertinents.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur l’amendement n° 62 rectifié et défavorable sur les amendements identiques nos 80 rectifiés bis et 89 rectifié, dont la rédaction se limite au sexe et exclut, par exemple, les associations qui inciteraient à la haine homophobe.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 201 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l’adoption 164
Contre 165

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 80 rectifié bis et 89 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 80 rectifié bis et n° 89 rectifié
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 50 rectifié

M. le président. L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Lepage, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant la mise en œuvre d’une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple dans le cadre scolaire, à l’école primaire, au collège et au lycée.

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme à l’accoutumée, la commission émet un avis défavorable sur cette demande de rapport, pour des raisons déjà exposées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. J’ai eu l’occasion de m’exprimer ce matin sur une demande similaire. Je n’y reviendrai pas, sauf si vous avez des interrogations précises liées à cet amendement en particulier.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 53 rectifié
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 51 rectifié

M. le président. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Conway-Mouret, Meunier et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2018, un rapport qui évalue le coût des frais médicaux et paramédicaux à la charge des victimes de violences sexistes et sexuelles et de leur éventuelle prise en charge intégrale par la sécurité sociale, que ces violences soient physiques ou morales.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 50 rectifié
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Article 4 bis (supprimé)

M. le président. L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mmes Lepage, de la Gontrie, Rossignol, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport proposant des pistes pour la mise en œuvre d’un signalement en ligne pour les victimes de violences, harcèlements et discriminations et d’une application permettant aux victimes d’outrage sexiste de déclencher l’enregistrement de l’infraction et de signaler par géolocalisation les faits en temps réel.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 51 rectifié
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Article 4 ter

Article 4 bis

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 2-2 du code de procédure pénale, les mots : « et la violation de domicile » sont remplacés par les mots : « , la violation de domicile et l’outrage sexiste ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à permettre aux associations spécialisées de se constituer parties civiles dans le cadre des poursuites consécutives à la nouvelle infraction d’outrage sexiste.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. L’article 4 bis a été supprimé par la commission.

Aussi louable que soit la possibilité pour les associations d’exercer des droits reconnus à la partie civile pour la poursuite de l’infraction d’outrage sexiste, une telle disposition irait à l’encontre de la volonté d’avoir une sanction rapide et effective. Elle empêcherait le recours à des modes simplifiés de poursuite ou de jugement.

On ne peut pas vouloir à la fois la verbalisation en flagrant délit et la constitution de partie civile d’associations. Toutes les personnes entendues, que ce soit les magistrats ou les policiers, ont dénoncé une usine à gaz, a fortiori quand il s’agissait d’autoriser la constitution de partie civile d’associations pour juger une contravention.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la rapporteur, je ne crois pas que ce soit une usine à gaz. Est prévue une verbalisation en flagrant délit pour outrage sexiste, mais des peines sont aussi créées, par exemple en cas de récidive ! En outre, un dispositif de condamnation à effectuer des stages en cas de récidives nombreuses d’outrage sexiste sera mis en place. Dans ce cas-là, il nous semble opportun que les associations aient la possibilité de se saisir du droit de se constituer parties civiles.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement, qui vise à reprendre une disposition adoptée à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je partage tout à fait la position du Gouvernement.

Madame la rapporteur, on ne peut pas laisser dire qu’une constitution de partie civile d’associations serait un frein à un bon fonctionnement de la justice ! Ce raisonnement pourrait valoir pour toute constitution de partie civile, qu’il s’agisse d’une personne privée ou d’une association. Une association représente des droits, qui doivent pouvoir être portés et reconnus par une juridiction. Je ne puis laisser passer ce propos sans réagir.

Évidemment, nous voterons cet amendement.

Mme Annick Billon. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Dans la même logique, n’oublions pas que nous examinons un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles et que l’adoption de cet amendement est de nature à aider les victimes ! (Bien sûr ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

Les arguments qui ont été opposés à cet amendement ne me paraissent pas judicieux.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 4 bis (supprimé)
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Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 64 rectifié et n° 88 rectifié

Article 4 ter

L’article 1676 du code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est supprimé ;

2° (nouveau) Au troisième alinéa, le mot : « aussi » est supprimé. – (Adopté.)

Article 4 ter
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Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 82 rectifié quinquies et n° 113 rectifié

Articles additionnels après l’article 4 ter

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements en discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 64 rectifié est présenté par Mmes Lepage, Rossignol, de la Gontrie, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 88 rectifié est présenté par Mmes Laborde et M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt et Menonville.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 9 du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi rédigée :

« Section 9

« L’éducation à la santé, à l’égalité femmes-hommes et à la sexualité

« Art. L. 312-16. – Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogènes.

« Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d’autres intervenants extérieurs conformément à l’article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la santé peuvent également y être associés.

« Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles comprennent, à tous les stades de la scolarité, une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple.

« Les établissements scolaires, y compris les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger, peuvent s’associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences.

« Art. L. 312-16-1. – Une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d’âge homogènes. Le dernier alinéa de l’article L. 312-16 est applicable.

« Art. L. 312-17. – Une information est également délivrée sur les conséquences de la consommation d’alcool par les femmes enceintes sur le développement du fœtus, notamment les atteintes du système nerveux central, dans les collèges et les lycées, à raison d’au moins une séance annuelle, par groupe d’âge homogène. Ces séances peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que d’autres intervenants extérieurs.

« Art. L. 312-17-1. – Un cours d’apprentissage sur les premiers secours est délivré aux élèves de collège et de lycée, selon des modalités définies par décret.

« Art. L. 312-17-2. – Une information est dispensée dans les lycées et les établissements d’enseignement supérieur sur la législation relative au don d’organes à fins de greffe et sur les moyens de faire connaître sa position de son vivant soit en s’inscrivant sur le registre national automatisé prévu à l’article L. 1232-1 du code de la santé publique, soit en informant ses proches. Ces séances peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que des intervenants extérieurs, issus notamment des associations militant pour le don d’organes. De même, une sensibilisation au don du sang est dispensée dans les lycées et les établissements d’enseignement supérieur, au besoin avec l’assistance d’intervenants extérieurs. »

La parole est à Mme Claudine Lepage, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié.

Mme Claudine Lepage. Cet amendement est inspiré par les conclusions de deux récents rapports de la délégation aux droits des femmes : Prévenir et combattre les violences faites aux femmes, un enjeu de société et Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : contribution au débat.

Ce projet de loi comporte de nouvelles sanctions pénales, mais aucun volet préventif, alors même que vous-même, madame la secrétaire d’État, déclariez en février dernier que si la loi « a pour but de sanctionner les violences sexistes et sexuelles, cela ne va évidemment pas sans prévention, sans pédagogie et sans communication ».

La prévention des violences et de l’éducation à l’égalité et à la sexualité est une préoccupation récurrente de la délégation, comme en témoignent ses nombreux travaux sur ce sujet.

En accord avec le groupe de travail de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises sur les mineurs, la délégation pointe un impératif : il faut que soient dispensées sur tout le territoire français et dans les établissements français à l’étranger les séances d’éducation à la sexualité prévues dans le code de l’éducation.

Cet amendement vise donc à renforcer la prévention des violences faites aux femmes en rendant effectives les trois séances d’éducation à la sexualité prévues par l’article L. 312-16 du code de l’éducation et en intégrant à ce dispositif une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Pour ce faire, je vous propose une réorganisation de la section 9 du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation, en préservant tous les modules d’enseignement existants et en renforçant la cohérence de leur cadre légal.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.

Mme Josiane Costes. Il est défendu, monsieur le président.

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Article additionnel - Amendements n° 64 rectifié bis et n° 88 rectifié bis

M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 82 rectifié quinquies est présenté par Mme Billon, M. Médevielle, Mme Vullien, MM. Henno, Laugier, Bockel, Janssens, Longeot et Delahaye, Mme de la Provôté, M. Canevet, Mme Goy-Chavent, M. Cazabonne, Mmes Dindar et Guidez, MM. Louault, Delcros, Moga et Maurey, Mmes Tetuanui, Létard, Joissains, Garriaud-Maylam, Vérien et Jasmin, MM. Cadic et Brisson et Mmes Bonfanti-Dossat, de Cidrac, L. Darcos et Boulay-Espéronnier.

L’amendement n° 113 rectifié est présenté par Mmes Cohen, Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 9 du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « L’éducation à la santé, à l’égalité femmes-hommes et à la sexualité » ;

2° L’article L. 312-16 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-16. – Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogènes.

« Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d’autres intervenants extérieurs conformément à l’article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la santé peuvent également y être associés.

« Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles comprennent, à tous les stades de la scolarité, une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes, contre les violences faites aux femmes et contre les violences commises au sein du couple.

« Les établissements scolaires, y compris les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger, peuvent s’associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences. » ;

3° Après le même article L. 312-16, il est inséré un article L. 312-16-… est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-16-…. – Une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d’âge homogène. Le dernier alinéa de l’article L. 312-16 est applicable. » ;

4° L’article L. 312-17-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-17-1. – Un cours d’apprentissage sur les premiers secours est délivré aux élèves de collège et de lycée, selon des modalités définies par décret. » ;

5° L’article L. 312-17-1-1 est abrogé.

La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié quinquies.

Mme Annick Billon. Il est important de soutenir ces amendements, car, faute d’une éducation à la sexualité adaptée aux besoins des jeunes, c’est la pornographie qui les éduquera. Je vous remercie donc d’apporter votre soutien à cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Gérard Longuet sexclame.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 113 rectifié.

Mme Laurence Cohen. Le code de l’éducation prévoit, en son article L. 312-16, trois séances d’éducation à la sexualité par année d’enseignement dans les écoles, les collèges et les lycées.

Je me permets de détailler l’article, même si certains ont un train à prendre, car ce sujet est important. Ces nombreuses séances se résument la plupart du temps pour un élève donné à une ou deux séances en classe de quatrième ou de troisième, au moment même où la question de la sexualité est plus délicate à aborder auprès de jeunes tourmentés par les difficultés de l’adolescence.

Ainsi, comme l’a relevé le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans un rapport de 2016, cette obligation légale est inégalement mise en œuvre. Ces séances d’éducation à la sexualité sont globalement insuffisantes et inadaptées.

Selon l’enquête du Défenseur des droits menée auprès de 3 000 établissements scolaires, publics et privés, quelque 25 % des écoles répondantes, contre 4 % des collèges et 11,3 % des lycées, déclaraient n’avoir mis en place aucune action ou séance en 2014 et 2015. Le Défenseur des droits plaidait dans son dernier rapport d’activité pour la mise en œuvre obligatoire de ces séances dans tous les établissements scolaires, également dans une logique de lutte contre les stéréotypes sexistes.

Le même rapport pointe les grandes lacunes anatomiques des jeunes, en particulier des filles, qui connaissent mal leur corps. Ainsi, quelque 83 % des filles de treize ans sont incapables de représenter leur propre sexe. Or il est indispensable de connaître son corps pour se protéger de comportements non désirés et pour prévenir les violences d’ordre sexuel.

Les lacunes sont également grandes en matière d’égalité des sexualités, de respect des orientations sexuelles et des identités de genre et de lutte contre les préjugés sexistes ou homophobes.

L’éducation à la sexualité constitue un levier de lutte contre les discriminations et ne doit pas être réduite aux dimensions physiques et biologiques. Elle doit être appréhendée de manière globale et doit contribuer, dès le plus petit âge, à détruire les préjugés.

Or nous sommes loin du compte. Un collectif de gynécologues a d’ailleurs alerté sur cette question récemment et mène un travail extrêmement important auprès des jeunes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je partage les objectifs de tous les amendements, mais les amendements identiques nos 82 rectifié quinquies et 113 rectifié sont mieux rédigés.

La commission a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements. Elle invite les auteurs des autres dispositions en discussion à les rectifier, pour les rendre identiques aux amendements nos 82 rectifié quinquies et 113 rectifié. Elle émettra alors un avis favorable sur l’ensemble de ces dispositions. (Très bien ! sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je suis entièrement d’accord avec tous les constats qui ont été dressés.

Sans revenir sur les réponses détaillées que nous avons apportées ce matin, je rappelle très brièvement qu’un audit est actuellement effectué par l’Inspection générale de l’éducation nationale et qu’un rapport dressant un état des lieux précis de la situation sera remis à Jean-Michel Blanquer et à moi-même, car nous sommes déterminés à faire appliquer la loi s’agissant des séances d’éducation à la vie affective et sexuelle.

Les dispositions législatives existent ; il s’agit de les faire appliquer. Nous nous y employons. Jean-Michel Blanquer a ainsi adressé une circulaire à tous les recteurs de France comprenant la liste de toutes les associations agréées pour intervenir en milieu scolaire. Cette circulaire vient s’ajouter à la création des référents « égalité », de la mallette des parents et à un certain nombre d’autres dispositions qui seront présentées à partir de la rentrée par mon collègue ministre de l’éducation nationale et moi-même.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Madame Lepage, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 64 rectifié dans le sens suggéré par la commission ?

Mme Claudine Lepage. Oui, madame la présidente.

M. le président. Madame Costes, acceptez-vous de faire de même s’agissant de l’amendement n° 88 rectifié ?

Mme Josiane Costes. Oui, madame la présidente.

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M. le président. Je suis donc saisi des amendements identiques nos 64 rectifié bis et 88 rectifié bis.

L’amendement n° 64 rectifié bis est présenté par Mmes Lepage, Rossignol, de la Gontrie, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 88 rectifié bis est présenté par Mmes Laborde et M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt et Menonville.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 9 du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « L’éducation à la santé, à l’égalité femmes-hommes et à la sexualité » ;

2° L’article L. 312-16 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-16. – Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupes d’âge homogènes.

« Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d’autres intervenants extérieurs conformément à l’article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement. Des élèves formés par un organisme agréé par le ministère de la santé peuvent également y être associés.

« Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles comprennent, à tous les stades de la scolarité, une information consacrée à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les préjugés sexistes, contre les violences faites aux femmes et contre les violences commises au sein du couple.

« Les établissements scolaires, y compris les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger, peuvent s’associer à cette fin avec des associations de défense des droits des femmes et promouvant l’égalité entre les femmes et les hommes et des personnels concourant à la prévention et à la répression de ces violences. » ;

3° Après le même article L. 312-16, il est inséré un article L. 312-16-… est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-16-. – Une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d’âge homogène. Le dernier alinéa de l’article L. 312-16 est applicable. » ;

4° L’article L. 312-17-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-17-1. – Un cours d’apprentissage sur les premiers secours est délivré aux élèves de collège et de lycée, selon des modalités définies par décret. » ;

5° L’article L. 312-17-1-1 est abrogé.

La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Je suis très heureuse que Mme la rapporteur ait émis un avis favorable sur ces amendements, sur lesquels toute la délégation était d’accord.

La lutte contre le sexisme commence par l’éducation, nous en sommes tous conscients, et l’apprentissage du respect d’autrui. Comme vous, j’ai été très frappée de constater que l’éducation sexuelle de nos enfants se fait malheureusement sur leur smartphone et sur YouPorn, ce qui n’est pas la meilleure façon de parler d’amour et d’union. Je suis donc très touchée par le sort qui est réservé à ces amendements.

Je m’exprime également au nom de mon collègue Max Brisson, car nous avions déposé le même amendement en commission.

Il est évident que l’éducation sexuelle doit être cadrée par l’éducation nationale. Plus les jeunes générations apprendront à respecter le corps d’autrui, mais aussi les bonnes manières – cela paraît un peu désuet de dire cela, mais je pense que c’est important –, plus elles seront à même de comprendre le mal que leurs aînés ont pu faire en ne respectant pas l’autre ; je parle ici du sexisme, et non pas des prédateurs sexuels.

Je voterai bien évidemment ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je souhaite réagir à l’intervention de mon excellente collègue Annick Billon. Je partage en général ses points de vue, mais je trouve qu’elle oublie là un partenaire essentiel : entre l’éducation nationale et la pornographie numérique, il y a les parents, dont il est important de rappeler les responsabilités. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

La famille est là pour transmettre des valeurs. C’est la raison pour laquelle, personnellement, je la défends. Le service après-vente pour les enfants est assez long, beaucoup plus que lorsque l’on achète une automobile… On porte ses enfants, matériellement et affectivement, jusqu’à un âge avancé. Certains enfants règlent d’ailleurs leurs comptes avec leurs parents à un âge également très avancé.

Le législateur ne peut se borner à s’accrocher à l’éducation nationale, qui n’en peut mais – je le dis en tant que rapporteur du budget de l’éducation nationale. Ce faisant, il manque de s’appuyer sur un véritable partenaire, à savoir la communauté des parents, même si celle-ci n’est naturellement pas organisée comme un corps constitué.

À l’intérieur de cette communauté, il y a celles et ceux qui ont des convictions et qui considèrent que le rôle d’un couple n’est pas simplement de transmettre un patrimoine – nous avons l’habitude d’aborder cette question en commission des finances, nous avons d’ailleurs perdu l’un de nos membres, un excellent collègue, qui en parlait lors de chacune de ses interventions. En effet, leur rôle est aussi de transmettre des valeurs, comme le respect.

Toute la presse, y compris la presse numérique, peut d’ailleurs contribuer à cette éducation, mais chaque parent, chaque couple – la stabilité est utile pour l’éducation des enfants, même si ce n’est pas facile, je le reconnais – doit prendre ses responsabilités et ne pas compter seulement sur l’administration de l’État.

Je voterai ces amendements, pour les raisons évoquées par ma collègue Laure Darcos, mais je ne voudrais pas que l’on oublie que les familles ont une responsabilité principale dans l’éducation des enfants. Si nous en faisons, c’est d’ailleurs pour qu’ils puissent transmettre à leur tour l’héritage merveilleux que nous avons reçu : l’appartenance à la civilisation (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je suis intervenue brièvement sur cet amendement pour nous faire gagner du temps, afin de permettre à ceux de nos collègues qui n’ont pas la chance d’habiter Paris de regagner leur territoire ce soir, car il y a grève demain.

Cela dit, en tant que mère de trois enfants, je ne puis vous laisser dire que je n’accorde aucune importance à l’éducation des enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Gérard Longuet. Je n’ai pas dit cela !

Mme Annick Billon. Ce n’est pas exactement ce que vous avez dit, mais c’est à moi que vous vous êtes adressé. Sachez donc que j’inculque des valeurs à mes enfants et que, bien évidemment, je ne compte pas seulement sur l’école pour les éduquer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.

Mme Nassimah Dindar. Je crois moi aussi aux valeurs familiales et je pense que chaque parent a effectivement l’obligation de transmettre des valeurs à ses enfants.

Cela dit, toutes les familles ne sont pas idéales. Pour ma part, je suis issue d’une famille française, mais c’est l’école qui m’a sauvée. Certaines des valeurs que m’a transmises ma famille étaient bonnes. Mais il arrive aussi qu’il faille se débarrasser des traditions transmises de génération en génération pour devenir de véritables citoyens. Nous avons donc besoin de l’école.

L’éducation nationale a été un véritable moteur dans ma vie. C’est elle qui m’a transmis les valeurs de laïcité et d’égalité entre les hommes et les femmes, les petites filles et les petits garçons. Cette complémentarité est nécessaire.

L’éducation nationale est aussi un garde-fou pour la construction de chaque petite fille française. Elle a été pour moi le drapeau qui m’a permis de devenir la citoyenne française que je suis et qui me permet de défendre le pays et les valeurs dont je me réclame aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je précise que la plupart des agressions sexuelles sur les enfants se déroulent dans les familles. Toutes les valeurs ne sont donc pas transmises par les familles ; parfois, les enfants ont besoin d’entendre à l’extérieur que ce qu’ils vivent chez eux n’est pas la norme.

Si l’on a autant de problèmes avec le consentement des enfants, c’est justement parce que le père explique à son fils ou à sa fille qu’il est normal de se comporter comme il le fait quand on aime fort son enfant. Si personne à l’extérieur ne dit à l’enfant que ce n’est pas normal, l’enfant se laissera abuser toute sa vie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié bis, 88 rectifié bis, 82 rectifié quinquies et 113 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

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Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 117 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 ter.

L’amendement n° 121 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa et Cohen, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre VI du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un article L. 316-… ainsi rédigé :

« Art. L. 316-… – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger victime de violences, exercées dans l’espace public, sur le lieu du travail, au sein de la famille, ou au sein du couple ou à la personne étrangère menacée de mariage forcé ou de mutilation sexuelle et aux personnes victimes des infractions mentionnées à l’article 225-4-1 du code pénal si des procédures civiles et pénales liées aux violences sont en cours. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre …

Dispositions diverses

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Pour être agréable à ceux qui prennent le train, je serai très brève. Le présent amendement a pour objet d’élargir les possibilités de délivrance et de renouvellement de titres de séjour aux personnes victimes de violences exercées dans l’espace public, sur leur lieu de travail ou au sein de la famille, lorsque la personne est partie prenante à une procédure civile ou pénale liée aux violences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir la délivrance et le renouvellement d’une carte de séjour temporaire à l’étranger victime de violences exercées dans l’espace public, sur son lieu de travail, dans le cadre familial et conjugal, ou à l’étranger menacé de mariage forcé ou de mutilations sexuelles, ainsi qu’aux personnes victimes de traite des êtres humains.

Cette question a déjà été débattue lors de l’examen du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, au cours duquel la commission des lois du Sénat a défendu les droits des femmes.

De plus, cet amendement est satisfait par les dispositions actuelles relevant du droit des étrangers, qui prévoient déjà la délivrance de titres de séjour aux femmes victimes de violences conjugales ou encore aux étrangers victimes de traite des êtres humains.

En effet, l’article L. 313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, envisage la délivrance et le renouvellement des cartes de séjour des étrangers victimes de violences familiales ou conjugales. L’article L. 316-1 du même code prévoit qu’est délivrée à l’étranger victime de traite des êtres humains, qui porte plainte ou témoigne, une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Enfin, l’article L. 316-3 dudit code prévoit également la délivrance d’un titre de séjour temporaire à l’étranger bénéficiaire d’une ordonnance de protection en raison de violences exercées au sein du couple.

Le CESEDA est même plus protecteur que l’amendement proposé, car il prévoit la délivrance de cartes de séjour pluriannuelles après un certain délai. En outre, je rappelle que les violences commises dans l’espace public et sur le lieu de travail font déjà l’objet d’incriminations dans le code pénal, aux articles 222-7 à 222-16-3.

Nous demandons donc le retrait de cet amendement. À défaut, nous émettrions un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. D’un strict point de vue juridique, le Gouvernement partage en tous points l’analyse qui vient d’être faite par Mme la rapporteur. Cela dit, je ne suis pas Gérard Collomb – je le déplore –, mais je pense que le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie serait un véhicule législatif plus approprié pour cette disposition que le texte que nous examinons aujourd’hui.

Nous demandons donc nous aussi le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 121 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.

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M. le président. L’amendement n° 121 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 117 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Cohen et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 711-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 711-… ainsi rédigé :

« Art. L. 711-1-… – Dans le cadre de la convention de Genève, le statut de réfugié est reconnu aux femmes persécutées ou menacées de persécutions en raison de leur action en faveur des droits des femmes, que cette action se manifeste de façon individuelle ou collective, aux femmes persécutées ou menacées de persécutions en raison de leur appartenance à un groupe social particulier du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, normes sociales, pratiques discriminatoires de leur pays ou de leur orientation sexuelle. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre …

Dispositions diverses

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à reconnaître le statut de réfugié aux femmes persécutées ou menacées de persécutions dans leur pays, en raison de leur action en faveur des droits des femmes, du fait de leur refus de se soumettre aux coutumes, aux normes sociales, aux pratiques discriminatoires de leur pays ou du fait de leur orientation sexuelle.

Nous avions déjà évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi Asile et Immigration, mais le débat doit rester ouvert, car rien n’a été fait. Ce n’est pas parce qu’une personne est étrangère qu’elle ne doit pas avoir les mêmes droits que les femmes françaises.

Il est vrai que le CESEDA prévoit la délivrance de titres de séjours, mais nous ne sommes pas totalement satisfaits du champ de protection, trop restreint à nos yeux. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité attirer votre attention sur le sort de ces femmes en ces temps très difficiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je vous entends, ma chère collègue, mais cet amendement est lui aussi satisfait par le droit en vigueur. La convention de Genève octroie déjà l’asile à « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. »

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Même avis que Mme la rapporteur.

M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 117 rectifié est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 117 rectifié
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Article 4 quater

M. le président. L’amendement n° 117 rectifié est retiré.

L’amendement n° 118 rectifié ter, présenté par Mmes Benbassa et Cohen, M. Collombat, Mme Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 11° de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° La prévention, la lutte contre les violences commises à l’encontre des femmes et la prise en charge globale de celles-ci. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre …

Dispositions diverses

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Le premier alinéa de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique prévoit : « La Nation définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun. »

Sont ensuite énumérés les différents éléments constitutifs de la politique de santé, comme la préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires, ou encore la prévention collective et individuelle, tout au long de la vie, des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie.

Nous proposons que soit expressément inscrit dans la loi que la prévention des violences faites aux femmes fait partie intégrante de la politique de santé publique menée par l’État.

Les violences conjugales continuent de tuer dans notre pays. Ainsi, au moins 109 femmes en sont mortes en 2017, et ce chiffre ne tient pas compte des suicides consécutifs à des violences ou à des menaces. L’enjeu de santé publique, pour toutes ces femmes, ne fait pour nous aucun doute. Il vaut mieux repérer et mettre en sécurité les femmes victimes de violences conjugales. Il faut permettre une utilisation plus importante du dispositif « Téléphone grave danger ». Il faut encore renforcer les moyens des associations, développer les lieux d’hébergement ou les lignes d’écoute.

Ce qu’il faut, finalement, c’est une politique ambitieuse sur tous les aspects de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, et surtout une politique qui se donne les moyens de ses ambitions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous partageons complètement votre avis. Nous émettons donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme Annick Billon. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Ce projet de loi n’a pas vocation à traiter ce sujet, qui relève du code de la santé publique.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. J’en suis désolée !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 118 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 ter.

TITRE III bis

ÉVALUATION

Article additionnel après l'article 4 ter - Amendements n° 118 rectifié ter
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Article 5

Article 4 quater

Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport sur la politique publique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes les enfants, les femmes et les hommes. Cette annexe générale :

1. Récapitule, par ministère et pour le dernier exercice connu, l’ensemble des crédits affectés à cette politique publique ;

2. Évalue, au regard des crédits affectés, la pertinence des dispositifs de prévention et de répression de ces violences ;

3. Comporte une présentation stratégique assortie d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions ainsi que des dépenses et des emplois, avec une justification au premier euro. Elle comporte, pour chaque objectif et indicateur, une analyse entre les résultats attendus et obtenus ainsi qu’une analyse des coûts associés.

M. le président. L’amendement n° 136, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les mesures prises sur le fondement de la présente loi font l’objet d’une évaluation d’impact qui s’appuie sur une démarche rigoureuse et sur une multiplicité de critères. Dans la deuxième année qui suit la date d’entrée en vigueur de la présente loi, cette évaluation fait l’objet d’un rapport transmis au Parlement.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement estime qu’il convient de procéder à une évaluation de la présente loi, et non de prévoir en annexe du projet de loi de finances un rapport sur la politique publique de lutte contre les violences sexuelles ou sexistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Une telle disposition n’a aucune portée normative concrète. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 136.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie, Lepage, Blondin et Cartron, M. Courteau, Mmes M. Filleul, Jasmin, Monier, Meunier, Conway-Mouret et Lubin, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Sutour, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

… Prend en compte la poursuite de la mise en œuvre, et les moyens nécessaires à cet effet, des plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je ne puis m’empêcher, en cet instant, de relever le moment délicieux que nous venons de vivre !

Alors que le Gouvernement a souhaité que soit supprimée du texte de la commission une disposition proposée par Mme la rapporteur et adoptée par la commission, laquelle prévoyait la remise d’un rapport, et alors que le Gouvernement et la commission n’ont cessé de nous dire durant ces deux jours que les rapports ne présentaient aucun intérêt, je dois dire que nous avons assisté au vote de l’amendement n° 136 avec un certain amusement. C’était parfait pour égayer la fin de l’examen de ce texte.

L’amendement n° 47 rectifié vise à prévoir que le rapport ou l’évaluation, selon la rédaction de l’article qui sera retenue, prend en compte la poursuite de la mise en œuvre, et les moyens nécessaires à cet effet, des plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants.

Les gouvernements successifs ont présenté des plans de lutte contre les violences faites aux femmes et un plan de lutte contre les violences faites aux enfants. Le rôle du Parlement est de suivre les moyens octroyés à ces plans, les étapes de leur mise en œuvre et leurs résultats. Ce suivi entre dans le champ du rapport ou de l’évaluation, selon le terme que la commission mixte paritaire retiendra, du présent projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, je vous le dis, comme toujours je l’espère, avec beaucoup de respect et de courtoisie : la loi organique relative aux lois de finances renvoie à la loi le soin de déterminer la liste des annexes obligatoirement jointes chaque année au projet de loi de finances initial, pour éclairer le Parlement sur les comptes de la Nation. Elle ne prévoit pas que législateur puisse enjoindre au Gouvernement de lui présenter des rapports sur des sujets particuliers.

Les annexes et les rapports ne sont donc pas du tout de même nature.

Mme Laurence Rossignol. Nous le savions !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Loin de moi l’idée d’apporter une correction, de manière professorale, à ce que vous avez dit, ma chère collègue, car je n’ignore pas que vous le saviez déjà et que c’est par malice que vous avez voulu provoquer mon intervention. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. Chère collègue, cet amendement vise à compléter utilement l’annexe budgétaire prévue par l’article 4 quater.

Aussi, nous émettons un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Je partage évidemment la volonté d’évaluer ce qui est fait et de rendre compte des avancées des différents plans.

C’est pour cette raison que, à partir de la rentrée prochaine, nous mettrons en ligne un dispositif permettant à chaque citoyenne et à chaque citoyen de prendre connaissance des avancées des mesures instaurées dans le cadre de la grande cause nationale du quinquennat. Je pense en particulier aux soixante-quinze mesures annoncées par le Président de la République Édouard Philippe dans le cadre du comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ou à l’ensemble des mesures annoncées par le Président de la République lors du lancement de la grande cause du quinquennat.

Je considère donc que cet amendement est satisfait en ce qui concerne la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Quant au plan de lutte contre les violences faites aux enfants, c’est ma collègue Agnès Buzyn qui vise cet objectif et qui met en œuvre la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Quelque chose dans ce que vous venez de dire, madame la secrétaire d’État, a retenu mon attention. L’amendement que nous présentons vise à permettre le suivi du cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes et du premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants.

Vous nous avez répondu que ce suivi était bien entendu déjà prévu dans le cadre de l’évaluation des engagements du Président de la République. Je souhaite naturellement que les engagements du Président de la République soient tenus et évalués, mais pourriez-vous me confirmer que ces engagements ne se substitueront pas au premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants et au cinquième plan de lutte contre les violences faites aux femmes ?

Si nous en sommes au cinquième plan, c’est qu’il y en a eu quatre autres avant… Cela signifie que les plans de lutte contre les violences faites aux femmes ont perduré et survécu aux différentes alternances.

Vous m’avez répondu « engagements du Président de la République », je vous parlais « plan de lutte contre les violences faites aux femmes ». Ce sont deux sujets différents.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Madame la sénatrice, j’ai essayé de faire la réponse la plus brève possible, car j’ai cru comprendre – cela a été dit à plusieurs reprises – que certains d’entre vous avaient un problème de train et ne pouvaient pas passer la nuit à Paris.

Bien évidemment, les engagements du Président de la République et les plans de lutte contre les violences sexistes et sexuelles ne sont pas décorrélés. Vous le savez très bien vous-même, un certain nombre de mesures qui avaient été annoncées n’avaient pas été mises en œuvre, sans doute faute de temps. Elles le sont actuellement.

Je vous épargnerai l’énumération des soixante-quinze mesures que j’ai évoquées, mais pour nous, tout va ensemble. Je ne fais pas de distinction entre les mesures prévues dans le plan interministériel et celles venant du Président de la République, entre les nouvelles mesures et les anciennes.

Dire que l’on a toujours procédé ainsi n’est un bon argument ni pour faire perdurer ni, inversement, pour écarter quelque chose. Vous le savez bien, madame la sénatrice, puisque l’une des dispositions de ce projet de loi, à savoir l’allongement des délais de prescription, provient directement d’une action que vous aviez engagée et, avant vous, Mme Pascale Boistard.

Pour ma part, je suis favorable à la continuité. Toutes les dispositions prévues par le cinquième plan de mobilisation et de lutte contre les violences sont mises en œuvre par le Gouvernement. Certaines sont transformées, améliorées par les engagements du Président de la République, d’autres sont réitérées, voire perdurent, puisque ce plan cessait en 2019.

Tout ce qui est mis en œuvre fera l’objet d’une évaluation. Nous comptons évidemment sur les parlementaires et sur vous-même, madame la sénatrice, le cas échéant, pour nous interpeller si une disposition manquait.

Pour terminer, on nous a parfois moqués pour notre souci de l’efficacité et de la mesure, comme on nous a reproché de trop emprunter au monde de l’entreprise. Je l’assume : toutes nos actions sont évaluées. Par conséquent, l’anniversaire de la grande cause du quinquennat, le 25 novembre prochain, sera l’occasion d’évaluer concrètement tout ce qui a été mis en œuvre, que cela vienne du passé ou que cela soit nouveau.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4 quater, modifié.

(Larticle 4 quater est adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

Article 4 quater
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Intitulé du projet de loi

Article 5

I. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

II. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … d’orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. » – (Adopté.)

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé du projet de loi

M. le président. L’amendement n° 125, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

d’orientation et de programmation

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat. Avant de présenter le dernier amendement du Gouvernement, j’en profite pour remercier l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont mobilisés sur cette question nous tenant tous à cœur, pour souligner aussi la qualité des débats et des échanges, même si nous avons certains désaccords sur les moyens et les modus operandi. En tout cas, le débat a été extrêmement enrichissant pour le Gouvernement.

Nous considérons que le présent projet de loi a pour objectif d’être non pas une loi d’orientation et de programmation, mais une loi de meilleure condamnation des violences sexistes et sexuelles. Nous vous proposons donc, par cet amendement, de supprimer les mots « d’orientation et de programmation ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Intitulé du projet de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous avons eu de longs débats, d’excellente qualité, me semble-t-il, puisque nous avons su, dans une atmosphère très respectueuse des uns des autres, échanger sur des sujets difficiles et rechercher les meilleurs voies et moyens pour atteindre l’objectif que nous partageons tous.

Le projet de loi, dont nous attendions beaucoup, nous a déçus d’emblée. Il manque d’ambition, comme en témoigne le dernier amendement du Gouvernement visant à en modifier le titre.

Cela dit, votre texte comportait d’ores et déjà des points positifs, madame la secrétaire d’État, tels que l’allongement du délai de prescription, la création de l’outrage sexiste, dont nous espérons qu’il trouvera sa voie dans la répression générale.

D’autres éléments positifs ont été ajoutés en commission ou en séance, soutenus par le groupe socialiste et républicain : je pense au report du délai de prescription à la majorité de la victime, à l’amélioration des notions de violence, de menace et de surprise, au droit à l’enregistrement audiovisuel pour toutes les victimes, au renforcement de l’obligation de signalement de mauvais traitements sur mineurs, au renforcement de la prévention et de la formation, à la lutte contre le cyberharcèlement et, bien sûr, à la suppression en commission, puis au retrait par le Gouvernement de l’atteinte sexuelle aggravée avec pénétration sur mineur de quinze ans, qui avait tant fait couler d’encre.

Pour autant, nous n’avons pas réussi à convaincre le Sénat d’accepter la création de l’infraction criminelle de violence sexuelle avec pénétration sur mineur de treize ans ; nous en avons longuement parlé, je n’y reviens pas. C’est pour nous, vous le savez, un point capital.

Nous regrettons que la notion de maturité sexuelle suffisante, qui nous semble périlleuse, ait été maintenue.

Enfin ont été abordées, parfois avec intérêt, parfois insuffisamment, les questions de la prévention des violences, mais aussi de l’évaluation.

Comme le montre ce bref récapitulatif, nos débats ont été fructueux. Le groupe socialiste et républicain a été entendu sur un certain nombre de points. Le texte initial, décevant, a été en partie amélioré. Pour autant, en raison notamment de l’absence de création de l’infraction criminelle évoquée précédemment, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur l’ensemble du projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes et à légalité des chances entre les hommes et les femmes. Je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur et M. le président de la commission des lois, qui ont veillé à la sérénité de la discussion, ainsi que tous les collègues qui y ont participé.

L’intensité et la qualité des débats de ces derniers jours reflètent l’implication de chacun à mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles. Il est vrai que nous ne nous accordons pas sur les moyens à mettre en œuvre pour y participer. Je souhaite néanmoins saluer un texte porteur d’avancées majeures, à l’instar de l’allongement du délai de prescription de vingt à trente ans, de la répression du harcèlement de rue, ainsi que de la condamnation des « raids numériques ».

Je me félicite tout particulièrement que notre chambre ait pu amener le Gouvernement à revoir sa position sur la notion d’atteinte sexuelle avec pénétration. Il s’agit d’une décision importante, qui fait écho aux doléances de nombreux experts, pour la protection des mineurs.

Je me réjouis par ailleurs que l’amendement de notre collègue Laure Darcos visant à renforcer la protection des personnes particulièrement vulnérables, comme les sans domicile fixe, ait été adopté. C’est l’un des amendements émanant de la délégation aux droits des femmes adoptés par le Sénat.

Je regrette toutefois que notre chambre n’ait pas posé un interdit clair à toute relation sexuelle entre un enfant et un adulte. À mon avis, ce texte ne mettra pas fin aux questionnements sur la capacité d’un enfant à consentir à un rapport sexuel avec un adulte. Rappelons que cette assemblée était, il y a peu, largement hostile à l’allongement des délais de prescription. Aujourd’hui, ces dispositions font presque consensus, et je ne doute pas qu’il en sera de même, à l’avenir, pour la reconnaissance de l’incapacité absolue d’un enfant à consentir à un acte sexuel avec un adulte.

Je voterai donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Notre collègue évoquait tout à l’heure « un moment délicieux ». Je n’irai pas jusque-là, mais ce fut un remarquable débat démocratique, sur un sujet extrêmement complexe. Nombre d’entre nous auraient souhaité pouvoir panser toutes les plaies, même si nous savons que c’est impossible. Comme je l’ai dit en discussion générale, la République a le devoir de protéger tous ses enfants, notamment les plus faibles.

Madame la secrétaire d’État, vous avez pu constater l’esprit constructif, mais pugnace, du Sénat. Nous sommes capables de soutenir avec conviction des thèses différentes, voire opposées, dans le respect les uns des autres. J’ai été sensible, madame la secrétaire d’État, à la qualité des échanges que nous avons eus avec vous.

Je veux saluer le travail difficile et courageux réalisé par Marie Mercier. Notre société évolue, les seuils de tolérance également, les parlementaires doivent en tenir compte. Pour autant, nous ne devons pas céder à l’émotion du moment, en fonction des faits divers. Il nous appartient de travailler dans le sens de l’intérêt général et de la protection des enfants.

Madame la secrétaire d’État, au-delà de ce texte qui renforce la protection des mineurs et reconnaît les violences sexuelles et sexistes, nous ne parviendrons pas à protéger ces victimes, qui ne pourront jamais parler, sans un encerclement naturel des gens déviants par tous les acteurs de la société, qu’il s’agisse de chacun d’entre nous, des familles, des personnels de l’éducation et de la santé. Je le souhaite de tout cœur.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. À mon tour, je salue la grande qualité de nos débats. Ici, nous parvenons à nous écouter ! Je tiens à remercier tout particulièrement Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain.), qui nous a permis, grâce à un travail remarquable, de présenter des amendements communs, toutes sensibilités politiques confondues. Par ce travail collectif, la Haute Assemblée a réussi à enrichir la loi. Il convenait de le noter.

Nous avons démontré, madame la secrétaire d’État, qu’il fallait beaucoup concerter avant de produire une loi. Le projet de loi initial aurait pu être bien meilleur à l’issue d’une concertation bien plus large avec les associations féministes, les associations de protection de l’enfance et un certain nombre d’élus et de parlementaires. C’est là un enseignement qui peut nous faire progresser ensemble.

Le projet de loi contenait déjà des mesures fortes, comme l’allongement du délai de prescription à trente ans, que nous avons soutenu. Chaque groupe a permis de faire évoluer positivement le texte, et c’est une bonne chose.

Nous regrettons toutefois que le Sénat n’ait pas eu l’audace de créer une infraction spécifique, un crime de violences sexuelles commis sur mineurs qui nous aurait permis de sortir de la définition du viol. Je ne suis toujours pas convaincue que les mesures proposées dans ce texte sont de nature à protéger réellement les mineurs.

C’est d’ailleurs ce qui conduira le groupe communiste républicain citoyen et écologiste à s’abstenir. Je le regrette fortement, parce que nous aurions pu, ensemble, aller plus loin. Nos débats sur le seuil d’âge ont quelque peu tourné en rond, hier, car nous ne sommes pas parvenus à nous entendre. C’était pourtant un point essentiel.

Je conclurai mon propos en attirant votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’une loi-cadre globale concernant les violences faites aux femmes. Des associations féministes sont disposées à vous rencontrer pour aller encore plus loin, vous le savez, mais il faut des moyens humains et financiers. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera ce texte, qui présente quelques avancées par rapport au droit existant, en particulier en matière de prescription, et nous savons ô combien le droit se construit pas à pas.

Je pense à l’allongement du délai de prescription de vingt à trente ans pour les crimes sexuels, bien sûr, mais également à l’interruption de la prescription en cas de commission par leur auteur d’un même crime contre d’autres mineurs, la transformation du délit de non-dénonciation des mauvais traitements, des privations et des atteintes sexuelles commises à l’encontre de mineurs, ainsi que l’allongement du délai de prescription pour ce délit de six à dix ans.

En ce qui concerne le renforcement de la protection des violences sexuelles sur mineurs, nous considérons que le texte modifié par notre Haute Assemblée comporte également quelques avancées.

La vulnérabilité en ressort mieux définie, avec la prise en compte de la détresse économique et la création d’une circonstance aggravante d’ivresse stupéfiante.

L’introduction de la possibilité pour les victimes de violences sexuelles de se faire accompagner d’un représentant d’une association conventionnée d’aide aux victimes dès le début du dépôt de la plainte est également une avancée importante.

Enfin, le renforcement de la prévention grâce à une plus grande précision des textes relatifs aux obligations de signalement des médecins en cas de suspicion de violences psychologiques, physiques et sexuelles, répond aux préoccupations que nous avions évoquées lors de la discussion générale.

Je me félicite, avec mes collègues du RDSE, que nos échanges nourris aient permis ces avancées, le Sénat prouvant une nouvelle fois qu’il apporte une réelle plus-value. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.

M. Arnaud de Belenet. Voilà un bon projet de loi, cohérent, efficace, qui s’inscrit dans la longue histoire de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Je voudrais saluer la contribution de Mme la rapporteur. Si un rapport m’est confié un jour, j’espère être aussi rigoureux, précis, attentif, que l’a été Marie Mercier sur ce sujet. Je salue également l’ouverture d’esprit de Mme la secrétaire d’État en charge du dossier, Marlène Schiappa, qui a su intégrer un certain nombre de propositions émanant du Sénat.

Sur l’un des points saillants du projet de loi, l’article 2, la proposition initiale du Gouvernement semblait aux membres du groupe La République En Marche plus efficace et de nature à répondre plus rapidement à des condamnations.

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit en discussion générale ou exprimé par mon groupe lors de nos échanges, mais notre préférence pour la version initialement présentée par le Gouvernement, en dépit d’un certain nombre d’améliorations portées par le Sénat, nous empêche, hélas, d’approuver ce texte.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, je voudrais, au nom de mon groupe, remercier tous nos collègues ayant pris part à ce débat qui, me semble-t-il, honore notre assemblée.

Ce fut un débat approfondi. Nombre de points de vue convergents se sont exprimés ; certains points de vue divergents aussi, mais ils ont été généralement surmontés avec le meilleur état d’esprit, ce qui permet d’offrir à nos concitoyens l’image d’une assemblée délibérative qui va au fond des choses.

Je voudrais adresser des remerciements tout particuliers à Marie Mercier, notre rapporteur. Le groupe de travail dont elle a assumé l’animation a permis à des représentants de tous les groupes politiques de se rassembler pour forger les positions de la commission des lois, exprimer de très larges consensus ; il avait déjà permis l’adoption par le Sénat à l’unanimité d’une proposition de loi, le 27 mars dernier.

Ses capacités d’écoute, de dialogue et de rassemblement, pour aller au-delà des frontières de chacun de nos groupes, ont été particulièrement dignes d’éloges, de même que sa sensibilité, qui doit sans doute beaucoup au métier qu’elle exerçait et continue partiellement à exercer, celui de médecin. Je tenais à lui présenter ce témoignage au nom du groupe Les Républicains.

Je voudrais enfin dire ma satisfaction de voir le résultat de notre travail, et combien il a permis d’agréger encore, à partir de ce point de départ déjà marqué par beaucoup d’ouverture d’esprit, des points de vue jusqu’alors dissociés et maintenant pris en compte dans ce texte.

Le groupe Les Républicains votera donc ce projet de loi, ainsi amendé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Marie Mercier, rapporteur. Je voudrais remercier les collègues avec lesquels nous avons travaillé pendant plusieurs mois, ainsi que l’administratrice qui nous a aidés. C’était un travail difficile, et nous avons la conscience aiguë de n’avoir pas répondu à tout, profondément et intimement.

Nous avons fait de notre mieux. Cela ne suffira pas, mais nous avons au moins le mérite de porter sur la place publique l’horreur des violences sexuelles envers les mineurs, dont il faut oser parler et pour lesquels il faut briser le tabou. Nous comptons évidemment sur chacune et chacun d’entre nous pour porter ce combat.

Nous avons travaillé, ensemble, pour protéger au mieux les mineurs, tous les mineurs. Je voulais vous en remercier tous, et chacun en particulier. Je suis intimement persuadée que c’est le rôle d’une société solide de protéger les plus faibles ; ce doit même être un honneur de les servir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 247
Pour l’adoption 225
Contre 22

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 juillet 2018 :

À quatorze heures trente ;

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 583, 2017-2018) ;

Rapport de M. Michel Forissier, Mme Catherine Fournier, M. Philippe Mouiller et Mme Frédérique Puissat, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 609, 2017-2018) ;

Avis de M. Laurent Lafon, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 591, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 610 rectifié, 2017-2018).

À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.

À dix-sept heures quarante-cinq et le soir : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 583, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Direction des comptes rendus

GISÈLE GODARD