Mme Valérie Létard. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Nous aurions ainsi été en mesure, lors de l’appel en discussion de l’article 23 ter, de répondre à la demande du Gouvernement, peut-être positivement.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !

Mme Évelyne Didier. Je ne comprends pas cet appel en priorité. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une question non pas de fond, mais de forme. Personne ne peut reprocher à un parlementaire de refuser de voter s’il estime qu’il ne peut se prononcer en connaissance de cause. J’ai pour habitude de m’abstenir ou de voter contre chaque fois que je ne comprends pas de quoi il s’agit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Je puis témoigner que M. Vidalies, qui a lui-même été parlementaire durant de nombreuses années, s’est toujours montré respectueux du Sénat.

Cela étant, je suis tout à fait conscient que nous ne sommes pas toujours traités comme nous devrions l’être. Je ne balaie donc pas d’un revers de main les arguments qui viennent d’être développés. Ayant été président de commission, je défends bec et ongles les prérogatives des commissions compétentes pour l’examen d’un texte.

Néanmoins, compte tenu de l’urgence et de la gravité du problème, si l’on apporte une réponse satisfaisante à la question de M. Bonnecarrère, j’accepterai peut-être, dans un souci d’efficacité, que la procédure passe au second plan, dans un domaine requérant de notre part sérieux et hardiesse politique. (M. Daniel Raoul applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Avec ce débat, on touche au problème de fond : il n’y aura qu’une lecture de ce projet de loi dans chaque chambre et la procédure accélérée montre toutes ses limites.

Mme Catherine Deroche. Tout à fait !

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. En effet, nos collègues députés ne découvriront qu’en CMP les dispositions que nous aurons introduites ; ils s’en accommoderont, ou pas…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Eu égard au débat que nous avons depuis bientôt quarante-cinq minutes, on ne peut nier que la procédure suivie suscite une vaste controverse, sans même parler du fond, dont nous n’avons pas encore parlé.

La commission des lois a l’habitude de légiférer en urgence, comme le montre le bilan de l’activité du Sénat pour l’année 2015 : elle a été saisie de 50 % ou de 60 % de l’ensemble des textes législatifs que le Sénat a été amené à examiner.

Pour autant, nous ne légiférons jamais sans connaître. Or c’est bien là le problème posé par ces deux amendements : on nous demande de légiférer sans avoir pu conduire d’expertise technique, comme l’a rappelé Hervé Maurey.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne me permettrais pas de remettre en cause le bien-fondé de ces amendements, mais le fait est que nous n’avons pas pu procéder à l’audition de professionnels, ni vous entendre en commission. Nous devons nous contenter de ce que vous venez de nous dire. Je ne m’appesantirai pas davantage sur ce point, mais là est le fond du problème.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes un parlementaire chevronné. Vous êtes même orfèvre en matière de relations avec le Parlement, compte tenu des fonctions que vous avez récemment exercées ; je dois dire que le Sénat a eu plaisir à entretenir avec vous un dialogue toujours fructueux lorsque vous étiez secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

De ce fait, vous êtes particulièrement à même de pouvoir anticiper les réactions d’une assemblée parlementaire lorsqu’elle a le sentiment que le Gouvernement, toutes affaires cessantes, cède à la tentation de « forcer le passage », fût-ce avec les meilleures intentions.

Vous le savez – nous avons connu quelques précédents, d’ailleurs sanctionnés par le Conseil constitutionnel –, l’introduction devant la deuxième assemblée saisie dans le cadre de la procédure accélérée de dispositions d’une assez grande portée, sans que la commission et son rapporteur aient eu le temps de procéder aux auditions nécessaires pour comprendre le fond du sujet, heurte de plein fouet les droits du Parlement.

Imaginons que, dans n’importe quel domaine, des ministres, s’appuyant sur de très bons arguments, viennent nous demander de voter des amendements de trois pages, en invoquant des enjeux essentiels et une urgence impérieuse : devrions-nous alors obtempérer, presque les yeux fermés ? Nous serions portés à le faire vous concernant, car nous avons confiance en vous, mais, tout de même, n’y avait-il pas, pour le Gouvernement, d’autre voie que d’annoncer aux signataires de l’accord conclu de haute lutte que le premier texte législatif venu serait utilisé ?

Le Gouvernement, qui maîtrise l’ordre du jour prioritaire du Parlement, a bien d’autres moyens de faire débattre d’une disposition urgente que celui auquel vous êtes en train de recourir.

Je me mets à la place de mes collègues de l’Assemblée nationale, qui verraient arriver en commission mixte paritaire des dispositions dont eux-mêmes n’auraient pas pu débattre comme nous le faisons ici, même si c’est de la manière la plus superficielle…

Je crois que les signataires de l’accord ne peuvent que comprendre et accepter que nous souhaitions pouvoir nous entretenir de cette question avec eux avant d’adopter les dispositions que vous nous présentez. C’est tout de même la moindre des choses ! Qui, en France, pourrait contester le droit du Parlement d’être éclairé par des discussions approfondies avant de se prononcer ?

Monsieur le secrétaire d’État, soyez assuré que j’ai de la sympathie pour les préoccupations que vous relayez et que je souhaiterais pouvoir vous aider à trouver un débouché législatif à l’accord que vous nous avez décrit, mais je ne peux décidément pas proposer à notre assemblée de le faire dans de telles conditions.

Je demanderai aux différentes parties prenantes de comprendre qu’il vaut mieux se donner un mois pour élaborer un texte législatif de qualité, plutôt que d’agir dans la précipitation en mettant en cause les droits fondamentaux du Parlement et la qualité du dialogue que nous pouvons avoir avec les représentants de ces entreprises.

C’est la raison pour laquelle je suis obligé de réaffirmer la position prise par notre commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Monsieur le président Bas, je vous remercie de vos propos apaisants.

J’ai été très longtemps parlementaire, y compris dans l’opposition. Très honnêtement, on pourrait inverser les rôles…

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Ce débat est un peu convenu. Je comprends évidemment votre position, je tiendrais probablement les mêmes propos si j’étais à votre place, mais il se trouve que l’exécutif est soumis à la pression des événements.

Le sujet dont nous traitons ne recouvre pas d’enjeu politique : personne n’est partisan de ne rien faire. Vous dites ne pas savoir ce qu’il y a dans cet amendement, mais, avec votre expertise juridique, monsieur le président Bas, il vous suffit de quelques minutes pour comprendre de quoi il s’agit et pour déceler une éventuelle difficulté ! En l’occurrence, il n’y en a aucune. Le dispositif s’inspire directement du travail fait avec l’Autorité de la concurrence à la suite d’un certain nombre de décisions émanant, notamment, du Conseil constitutionnel.

Je comprends parfaitement vos arguments : pour avoir été secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, j’y suis très attentif. Il s’agit d’une question essentielle, mais de portée limitée, compréhensible rapidement. Il aurait peut-être été préférable de vous en saisir quelques jours plus tôt, mais le temps des négociations a fait que cela n’a pas été possible.

Quoi qu’il en soit, je pense que le rejet de cet amendement susciterait un sentiment d’incompréhension à l’extérieur de cette enceinte. Certains, de plus en plus nombreux, pensent que nos institutions ne servent à rien, qu’elles sont déconnectées de la vie réelle, qu’elles ne sont pas attentives aux problèmes rencontrés par nos concitoyens. Certes, les arguments qui ont été avancés sont recevables à l’intérieur de notre monde institutionnel, mais prenons garde à ne pas nourrir la bête !

C’est une vraie question. J’espère me tromper sur ce point, mais vous savez d’expérience que c’est ce qui risque de se passer : tout le monde sera mis dans le même sac, nous serons accusés de ne servir à rien, et certains en appelleront à d’autres méthodes…

Ce débat a le mérite d’avoir lieu. Vous aurez également le temps de travailler d’ici à la CMP. À mon sens, ce moment est très important : si nous n’agissons pas, il sera ensuite difficile d’expliquer pourquoi. (MM. Jean-Louis Carrère et Daniel Raoul applaudissent.)

Demande de réserve

Articles additionnels après l’article 23 ter (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Article 43 (priorité)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Je suis très sensible aux différents arguments qui viennent d’être développés.

Mme Didier a déclaré qu’il eût été intéressant de réunir la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Par ailleurs, le président Bas a indiqué qu’il n’avait pas d’opposition de principe à ces amendements, mais qu’il fallait les examiner précisément pour émettre un avis fondé : cela me paraît d’autant plus nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que vous dramatisez l’enjeu.

N’ayant pas votre expérience parlementaire – il s’agit de mon premier et dernier mandat –, je voudrais faire une proposition pragmatique : n’y aurait-il pas moyen de réunir, d’ici à demain soir, la commission des lois ou la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour auditionner les deux seules parties prenantes à l’accord ? Cela permettrait à chacun de fonder son point de vue sur la question. Je reçois en ce moment même des tweets et des messages de jeunes qui ne comprennent pas pourquoi on n’aboutit pas alors que tout le monde semble d’accord sur le fond, même si la méthode du Gouvernement est un peu cavalière.

Nos discussions sur ce texte sont très suivies : je ne voudrais pas que nous donnions ce soir le sentiment que le Sénat se fiche du problème soulevé.

Mme la présidente. Madame Bouchoux, demandez-vous, comme vous en avez tout à fait le droit, la réserve des amendements nos 602 et 603 rectifié jusqu’à la fin de la discussion des articles ?

Mme Corinne Bouchoux. Oui, mais j’en appelle avant tout à l’intelligence collective, pour que le Sénat sorte par le haut de cette situation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Avis défavorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Le Gouvernement est d’accord pour remettre ce débat à lundi : avis favorable.

Mme la présidente. Je consulte le Sénat sur cette demande de réserve.

Il n’y a pas d’opposition ?…

La réserve est ordonnée.

TITRE III

L’accès au numérique

Chapitre III (priorité)

Accès des publics fragiles au numérique

Section 1(priorité)

Accès des personnes handicapées aux services téléphoniques

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi pour une République numérique
Articles additionnels après l'article 43 (priorité)

Article 43 (priorité)

I. – Après l’article L. 35-6 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 35-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 35-7. – I. – Un centre relais téléphonique est créé pour permettre l’accès au service téléphonique au public des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication sur l’ensemble du territoire métropolitain et des collectivités d’outre-mer.

« Le centre relais téléphonique assure, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat français - langue des signes française, la transcription écrite, le codage en langage parlé complété, ou la communication multimodale adaptée aux personnes aphasiques, des appels passés et reçus, hors services d’urgence, par les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication.

« Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, le centre relais téléphonique fournit le service d’accès au service téléphonique au public dans les conditions définies par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et des personnes handicapées.

« Dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, le centre relais téléphonique fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l’année.

« Les obligations inhérentes à la mise en place d’un service d’accessibilité au service téléphonique sont définies par décret. Les diplômes et qualifications requis pour les professionnels intervenant sur l’accessibilité simultanée des appels pris en charge par le centre relais téléphonique sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés des communications électroniques et des personnes handicapées.

« II. – Il est créé un groupement interprofessionnel des opérateurs de communication électronique dont l’objet est d’assurer le développement de l’accessibilité téléphonique. Ce groupement assure la création et le fonctionnement du centre relais défini au I. »

II. – Le III de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° La mise en place et le fonctionnement du centre relais téléphonique mentionné à l’article L.35-7, conjointement avec le ministre chargé des personnes handicapées. »

III. – Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente un plan des métiers visant à développer les formations conduisant aux professions spécialisées nécessaires à la mise en œuvre du présent article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l'article.

Mme Valérie Létard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous allons dans un instant examiner l’amendement n° 614 rectifié du Gouvernement et le sous-amendement n° 657 rectifié bis du rapporteur, qui ont pour objet de modifier la rédaction de l’article 43 adoptée le 6 avril en commission des lois et de revenir sur la question sensible de l’accès des personnes handicapées aux communications téléphoniques. C’est un sujet qui me tient à cœur puisque, dans le cadre de responsabilités antérieures, j’avais déjà porté ce dossier, sans qu’il ait pu malheureusement aboutir à l’époque.

J’ai déposé l’amendement n° 346, adopté par la commission des lois le 6 avril dernier. Cet amendement prend acte de la création d’un centre relais téléphonique généraliste mettant réellement en œuvre l’obligation d’accessibilité de l’ensemble des services téléphoniques pour toutes les personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles, aphasiques ou handicapées de la communication. Sa mise en place et son fonctionnement étaient confiés à un groupement interprofessionnel des opérateurs de communications électroniques.

Permettez-moi de remercier les services de la commission des finances, qui m’ont permis d’aboutir à une proposition de rédaction ayant pu échapper au couperet de l’article 40.

Je souhaite remercier également le président et le rapporteur de la commission des lois de leur soutien à ma démarche.

Nous avons donc débouché sur une réécriture complète du texte adopté par l’Assemblée nationale, et je suis particulièrement fière d’avoir été à l’origine de cette initiative.

J’ai bien entendu les réactions de toutes les parties opposées à cette solution et je n’ignorais pas le risque de « détricotage » du texte à l’occasion de la navette parlementaire. C’est pourquoi j’ai accepté que des modifications puissent être apportées à mon amendement, dans la mesure où elles ne revenaient pas sur l’essentiel, à savoir la mise en place d’un dispositif couvrant tous les appels, entrants et sortants, concernant les personnes aphasiques et sourdaveugles, sans surcoût, organisé sous le contrôle de l’ARCEP et conservant le principe de la mutualisation par l’intermédiaire d’un groupement interprofessionnel.

Madame la secrétaire d’État, je comprends que le Gouvernement ait souhaité conserver le principe d’une répartition de la charge financière entre les grandes entreprises, au travers de leurs services clients, les services publics et les opérateurs.

Le rapporteur, à la suite de nos échanges, a quant à lui complété utilement l’amendement n° 614 par deux dispositions importantes adoptées en commission des lois.

La première vise à inscrire dans la loi le fonctionnement du centre relais vingt-quatre heures sur vingt-quatre, au terme d’une montée en charge progressive sur dix ans.

La seconde a pour objet la mise en place d’un plan des métiers, indispensable pour former les professionnels à même de faire fonctionner ce service.

Ainsi complété, je crois que ce dispositif a trouvé un point d’équilibre à même de satisfaire les demandes des associations et d’assurer la prise en compte des contraintes des opérateurs.

Un sujet de vigilance demeure néanmoins, tenant à la mention que cette offre se fera « dans la limite d’un usage raisonnable dont les conditions seront définies par décret ». Je demande solennellement, madame la secrétaire d’État, que le Parlement puisse être associé à la rédaction de ce décret.

Mme la présidente. Merci de conclure, ma chère collègue.

Mme Valérie Létard. Sous cette réserve, je voterai l’amendement et le sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l'article.

Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les personnes sourdes, avides de contacts et de lien, ont toujours été friandes de techniques facilitatrices de communication. La langue des signes française ou le langage parlé complété en sont des illustrations probantes. Après un long temps d’utilisation du minitel, l’arrivée du téléphone portable, la possibilité de géolocalisation et de messagerie instantanée, la transmission d’images à distance ont transformé leurs vies. Elles sont très habiles à manier ces outils, qui rendent leur communication autonome.

Il n’en est pas de même pour toutes les personnes avec handicap sensoriel – les aveugles et malvoyants – ou avec handicap cognitif, ni pour les personnes qui vieillissent et ne maîtrisent pas ces technologies. Toutes ces personnes sont demandeuses d’un accès facilité, libre et supportable financièrement à toutes les technologies qui construisent la « République numérique ». Elles anticipent à juste titre la liberté que pourra leur procurer leur usage.

Des entreprises, des opérateurs convaincus de l’intérêt sociétal et économique de cette avancée ont développé des applications numériques adaptées, progressives, qui stimulent et optimisent les liens, ainsi que les connexions. Elles suscitent des convoitises et de grands espoirs.

La loi « handicap » de 2005 prescrit l’accessibilité sans obstacle, qui, aujourd’hui, ne peut se concevoir uniquement pour le bâti et le béton.

La revendication forte d’une conception universelle de l’accessibilité s’exprime. C’est un souhait légitime que de vouloir accéder à un service de communication digitale d’intérêt public, un service de communication avec médiation, qui garantisse l’accès et la compréhension pour tous, quels que soient les aptitudes, les handicaps ou les désavantages des personnes concernées, de sorte que la communication soit réellement fluide entre personnes avec handicap, ainsi qu’entre ces dernières et les personnes sans handicap.

La réponse à ces attentes se concrétise au travers de l’article 43, qui a connu de nombreuses rédactions et qui fait l’objet de nombreux amendements identiques ou très proches.

Nous avons été pris de vitesse par Valérie Létard, qui a accompli un travail formidable avec la commission des lois et la commission des finances. Qu’elle en soit remerciée !

Sa confiance dans le caractère opérationnel d’un centre relais téléphonique a permis de faire avancer considérablement le dossier et d’aboutir au dépôt de cet amendement gouvernemental qui sécurise le dispositif en reprenant toutes les suggestions formulées.

Ainsi, après une séquence d’hésitation des opérateurs et des pouvoirs publics, la force de conviction de personnes innovantes et ingénieuses devrait avoir raison des résistances.

Les bénéficiaires potentiels de ce dispositif sont nombreux à suivre nos débats devant leur écran ou à l’écoute d’une application vocale. Il y aura un avant et un après la loi pour une République numérique ! (Mmes Corinne Bouchoux et Valérie Létard applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.

M. Jean-Pierre Bosino. Nous soutenons nous aussi la rédaction issue des travaux de la commission des lois sur la base de l’amendement de Mme Létard.

En effet, la rédaction initiale, si elle pouvait apparaître comme une avancée, comportait nombre de limites, tenant certainement à un manque de concertation avec les associations représentant les personnes en situation de handicap.

D’abord, cette rédaction donnait une définition restrictive des personnes sourdes et malentendantes, oubliant les personnes aphasiques ou celles éprouvant des difficultés à s’exprimer.

Ensuite, elle prévoyait la création d’une véritable « usine à gaz », avec des services différents selon que l’on veuille joindre une administration publique, une entreprise ou des proches.

Le nouveau dispositif est plus clair : un seul centre relais ayant vocation, dans dix ans au maximum – j’attire l’attention sur ce délai –, à fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, à l’image de ce qui existe aux États-Unis.

Il est à noter que, dans ce pays, ce dispositif, en place depuis 2006, permet à des millions de personnes sourdes ou malentendantes d’accéder à un service essentiel dans des conditions normales, sans subir de surcoût.

En France, une étude de l’ARCEP estime le coût de ce service à 84 millions d’euros, soit 5 centimes par mois et par utilisateur du téléphone.

La mise en place de ce centre relais, qui répondra à l’ensemble des besoins en appels téléphoniques des personnes en situation de handicap, est une belle avancée. Pour qu’elle soit effective, il faut cependant que ce centre soit financé. Nous y veillerons, notamment à l’occasion de l’examen des lois de finances.

Nous serons également attentifs à la formation des professionnels intervenant en matière d’interprétariat, de retranscription ou de codage.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements et d’un sous-amendement faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 614 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Après le o du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un p ainsi rédigé :

« p) Un accès des utilisateurs finals sourds , malentendants, sourdaveugles et aphasiques à une offre de services de communications électroniques, incluant pour les appels passés et reçus, la fourniture, d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique.

« Cette offre est proposée sans surcoût aux utilisateurs finals, dans la limite d’un usage raisonnable dont les conditions sont définies par décret et dans le respect de conditions de qualité définies par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

« Elle garantit les conditions de neutralité et de confidentialité mentionnées au b ainsi que la prévention de la violation des données à caractère personnel mentionnée à l’article 34 bis de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; ».

II. – L’article 78 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « déficientes auditives » sont remplacés par les mots : « sourdes et malentendantes » ;

b) Les mots : « écrite simultanée ou visuelle » sont remplacés par les mots : « simultanée écrite et visuelle » ;

2° Après le même alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les services d’accueil téléphonique destinés à recevoir les appels des usagers sont accessibles aux personnes sourdes, malentendantes , sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique, sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des services publics concernés.

« Les services d’accueil téléphonique sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par le service public, soit confiée par le service public, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service de traduction ou le dispositif de communication adapté mentionnés aux trois premiers alinéas garantissent le respect de la confidentialité des conversations traduites ou transcrites. »

III. – La section 4 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, est complétée par une sous-section ainsi rédigée :

« Sous-section …

« Service téléphonique d’accueil et d’assistance

« Art. L. 224-58- – Les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret rendent ce numéro accessible aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques par la mise à disposition d’un service de traduction écrite simultanée et visuelle tel que défini au IV de l’article 43 de la loi n° … du … pour une République numérique, sans surcoût pour les utilisateurs finals et à la charge des entreprises concernées.

« Les services d’accueil téléphonique concernés sont accessibles directement ou, à défaut, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne dédiée délivrant le service de traduction écrite et visuelle. L’accessibilité est soit assurée directement par l’entreprise, soit confiée par elle, sous sa responsabilité, à un opérateur spécialisé qui en assure la mise en œuvre et l’exécution. »

IV – La mise en œuvre des I à III s’appuie notamment sur la création d’un groupement interprofessionnel comportant notamment des opérateurs de communications électroniques dont l’objet est d’assurer l’organisation, le fonctionnement et la gestion de services d’accessibilité téléphonique grâce à une mutualisation des coûts selon des modalités définies dans le décret mentionné au VI et sous le contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Les services de traduction mentionnés aux I à III assurent, en mode simultané et à la demande de l’utilisateur, l’interprétariat entre le français et la langue des signes française, la transcription écrite et le codage en langage parlé complété.

L’accessibilité des services d’accueil mentionnés aux II et III peut être réalisée directement par des téléconseillers professionnels maîtrisant la langue des signes française, la transcription écrite ou le codage en langage parlé complété et dont les diplômes et qualifications sont précisés dans le décret visé au VI.

V. – La mise en œuvre des I à III peut s’appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue française de signes ou la transcription en et depuis le langage parlé complété. Cette mise en œuvre ne peut se substituer au service de traduction simultanée écrite et visuelle mentionné aux mêmes I à III qu’à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d’offrir les mêmes conditions de traduction aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques.

VI. – Le I et le 2° du II entrent en vigueur selon des modalités et à une date prévues par décret, et au plus tard cinq ans après la promulgation de la présente loi. Le III entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi. Le décret précise également les modalités de suivi de l’application du présent article et les diplômes et qualifications requis pour les professionnels intervenant sur l’accessibilité simultanée des appels.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.