M. Philippe Dallier. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. J’accepte bien volontiers cette critique et je vous prie de nous excuser, mais la situation est telle que vous la connaissez.

Les gens qui protestent ne doivent pas nécessairement imposer le rythme de travail, mais aucun autre texte législatif – or la mesure que je vous propose relève de ce niveau – ne peut être adopté dans le temps espéré par les taxis.

Après les événements, qui datent de quelques semaines seulement, il a fallu recevoir les acteurs concernés, établir la feuille de route, mettre en place de nombreux groupes de travail et faire les vérifications juridiques nécessaires. Dans le même temps, le Gouvernement continue d’avancer sur le plan réglementaire.

Face à la difficulté de la situation, nous devons choisir entre plusieurs inconvénients et je vous renouvelle nos excuses pour cette initiative tardive. Nous devons faire face à nos responsabilités politiques et la mesure d’apaisement que nous vous proposons est absolument indispensable.

Voilà pourquoi nous débattons aujourd’hui, et je ne pense pas qu’il soit possible d’expliquer à ceux qui attendent le résultat de ce débat que nous n’adoptons pas cette réponse. Si tel était le cas, nous pourrions, demain, être de nouveau confrontés à des difficultés, en particulier en termes de sécurité publique.

On peut toujours aller plus vite, mais très honnêtement, ce qui est aujourd’hui indispensable, c’est d’être au rendez-vous de l’avenir du transport de personnes et d’adopter cette mesure d’apaisement, afin de conjuguer l’ancien et le moderne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les amendements nos 602 et 603 rectifié illustrent la situation délicate dans laquelle le Gouvernement peut parfois nous placer. Nous avons reçu ces amendements lundi. Il m’est par conséquent difficile de donner un avis sur le fond, puisque je n’ai pas pu procéder à l’audition des représentants des fédérations syndicales des chauffeurs de taxi ni de ceux des opérateurs de VTC.

Depuis, si j’en crois ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux, les sites internet et dans différents médias, il semble que ces dispositions provoquent quelques grincements de dents, pour ne pas dire plus. On entend dire tout et son contraire ; ce texte ne satisfait personne et mécontente tout le monde.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable, plus sur la forme que sur le fond, puisqu’elle n’a pas pu procéder à des auditions. Par ailleurs, je rappelle qu’elle n’est pas la commission compétente pour traiter de ces questions.

J’ajoute que ces amendements devaient être examinés plus tard et que des membres de la commission idoine avaient prévu d’être présents dans l’hémicycle, mais le Gouvernement a demandé ce matin l’examen de ces amendements en priorité.

Comme je l’ai dit, je me trouve dans une situation délicate – encore que je n’aie jamais trouvé la moindre situation délicate ! –, mais mon devoir de rapporteur est de maintenir cet avis défavorable, parce que je suis dans l’incapacité de trouver des arguments autres que défavorables.

Vous ne m’en voudrez pas, madame la présidente, si j’étends mon propos à l’amendement n° 603 rectifié…

Mme la présidente. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur, votre avis vaut également pour l’amendement n° 603 rectifié ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Oui, madame la présidente, parce que les deux amendements sont intimement liés, même si M. le secrétaire d’État n’a présenté que l’amendement n° 602.

En présentant votre feuille de route, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué quatre groupes de travail, le premier portant sur le contrôle du secteur, le deuxième sur la formation aux métiers du secteur, le troisième sur le fonds de garantie pour les taxis et le quatrième sur la régulation et la gouvernance du secteur. Bien que ne connaissant que peu de choses concernant ce secteur, même si j’ai suivi l’actualité comme chaque citoyen français, il me semblerait judicieux d’attendre les résultats de ces groupes de travail avant de légiférer, bien que je comprenne l’urgence de la situation et la nécessité de trouver une solution.

En tout état de cause, la commission des lois ayant été saisie très tardivement, au point qu’elle n’a pu émettre un avis fondé sur la moindre expertise, je ne peux que donner un avis défavorable sur la forme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Madame la présidente, Alain Fouché avait prévu d’intervenir, mais il a dû repartir dans son département. Toutefois, je reprends volontiers à mon compte ce qu’il avait l’intention de dire.

Comme M. le rapporteur, nous sommes surpris par la méthode employée par le Gouvernement. Ces amendements nous sont parvenus tellement tard que nous n’avons pas pu les étudier en profondeur. Or ces dispositions peuvent avoir des conséquences importantes. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas eu de concertation avec les entreprises du secteur ni avec leurs représentants. En tout état de cause, le Gouvernement n’a procédé à aucune étude d’impact.

Monsieur le secrétaire d’État, je comprends et je partage la volonté du Gouvernement de protéger les taxis et d’essayer d’apaiser les débats. Je crains cependant que, en définitive, ces amendements ne satisfassent personne.

D’après la lecture rapide que j’en ai faite, ils semblent transformer en profondeur le régime juridique applicable aux plateformes de mise en relation, aussi bien celles qui mettent les particuliers en contact avec des chauffeurs professionnels que celles qui réalisent du covoiturage, comme BlaBlaCar. On transforme ces plateformes en organisateurs de déplacements et de transport. J’avoue avoir du mal à vous suivre…

Par ailleurs, vous supprimez, si j’ai bien compris, l’article L. 3124-13 du code des transports et vous menacez directement l’activité de dizaines de milliers de transporteurs professionnels qui exercent dans le cadre d’un statut défini par la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI – rien qu’en Île-de-France, 15 000 chauffeurs sont concernés. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, j’ai étendu mon explication de vote à l’amendement n° 603 rectifié, parce qu’il est indissociable de l’amendement n° 602.

De surcroît, permettez-moi de vous dire que nous nous interrogeons sur la validité juridique d’une telle insertion dans la loi. Elle semble en effet porter atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques et au principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où l’intensité de ses obligations varie en fonction de la taille ou du volume d’activité d’une centrale. Or, de fait, la différence de traitement instituée doit être en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Nous sommes dans le noir absolu, monsieur le secrétaire d’État, et nous aurions eu besoin de davantage d’éclaircissements. Dans ces conditions, je voterai contre ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. M. le rapporteur et le précédent orateur l’ont rappelé, outre la modification de l’ordre d’examen des amendements en séance, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que nous nous interrogions sur la discussion de dispositions portant sur les transports dans le cadre de l’examen d’un texte relatif au numérique.

La lecture de l’objet de ces amendements révèle qu’ils traitent d’un sujet extrêmement sensible qui nécessite que chacun puisse étudier à fond ces deux amendements, même si vous nous avez présenté le premier d’entre eux de manière argumentée, et vous ne manquerez sans doute pas de faire de même pour le second. Comprenez que, sans avoir eu la possibilité de consulter les représentants des taxis et des VTC, puisque l’objet de ce texte est le numérique et que ces amendements n’étaient pas prévus, nous ne sommes pas en mesure de prendre la décision la plus objective possible, respectueuse des droits des uns et des autres.

Vous avez évoqué un certain nombre d’éléments, mais nous pouvons nous aussi nous interroger, avec la volonté de comprendre les ressorts sous-jacents aux mesures que vous proposez et de vérifier qu’elles protégeront les intérêts de chacun. Nous voulons nous assurer que cette décision soit équilibrée et qu’elle ne risque pas de susciter, par la suite, d’autres interrogations ni de provoquer d’autres levées de boucliers parce qu’elle aura été adoptée dans l’urgence et sans les concertations préalables nécessaires.

Bref, monsieur le secrétaire d’État, plus que sur le fond, notre opposition porte sur la forme, M. le rapporteur l’a dit. Ce sujet, lié aux nouveaux usages et aux évolutions, est beaucoup trop important : il faut que le Parlement puisse prendre sa décision en toute objectivité, éclairé par l’avis de toutes les parties concernées. C’est pourquoi nous vous demandons de retirer ces amendements, sinon nous les rejetterons, non pas parce que nous sommes en désaccord, mais parce que nous n’avons pas eu le loisir de comprendre les conséquences des décisions que vous nous demandez de prendre. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est de l’argumentation !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Filleul. Il est vrai que ces amendements nous bousculent un peu, puisque nous les avons reçus tardivement. Pour ma part, j’en ai pris connaissance hier soir.

Pour avoir eu le plaisir d’être rapporteur de la proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur en 2014 et pour suivre comme vous tous, mes chers collègues, sur le théâtre parisien, les événements qui ont émaillé les rapports entre taxis et VTC, je considère que ces amendements visent à apporter une réponse convenable dans la situation actuelle, marquée par l’urgence.

Il faut aussi que nous fassions confiance au Gouvernement. Je lui accorde ma confiance, pour ma part, parce que je sais qu’il a fait son travail en présentant ces dispositions pour résoudre une crise profonde. Si ces deux amendements sont adoptés, comme je l’espère, nous ouvrirons aux taxis, grâce à de nouvelles plateformes, des horizons nouveaux pour atteindre de nouvelles clientèles.

Pour cela, il faut prolonger la loi du 1er octobre 2014. À titre personnel, ces amendements me conviennent, car nous en avions besoin dans cette période.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Face à ces deux amendements, on peut effectivement avoir l’impression d’être en plein brouillard. Quand on lit leur objet, on constate que ces amendements portent sur des sujets extrêmement sensibles. Or nous savons que tout texte a toujours des implications et une incidence, quelle qu’elle soit. C’est particulièrement vrai dans le cas présent, car tous les chauffeurs de taxi se plaignent de la concurrence déloyale à laquelle ils sont confrontés : c’est d’ailleurs l’une de leurs réclamations récurrentes. On ne s’improvise pas chauffeur de taxi, même si c’est vrai pour tous les métiers ; il faut assumer des charges et accepter des contraintes, ce qui n’est pas simple !

Ces amendements tendent à insérer des dispositions dans le présent projet de loi pour une République numérique, ce qui peut nous étonner, même si, bien sûr, les plateformes de réservation ont leur place dans ce texte, mais ils ont des implications très complexes.

Sur des sujets aussi sensibles que ceux des VTC ou de la concurrence déloyale – je rappelle que les chauffeurs de taxi doivent acheter des licences qui coûtent largement plus de 200 000 euros –, on ne peut pas faire n’importe quoi. J’approuve donc la position du rapporteur de la commission des lois, d’autant plus que d’autres commissions pourraient intervenir sur ces questions, et je comprends à la fois son étonnement et sa prudence. Je suivrai son avis, car nous devons être particulièrement prudents sur un tel sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bosino. Comme mes collègues, je déplore la méthode suivie : ces deux amendements ont été présentés tardivement et nous n’avons pas eu le temps de travailler très sérieusement. Plus fondamentalement, l’examen de ce projet de loi pour une République numérique a donné lieu à des débats très intéressants et, d’un seul coup, la question des taxis tombe du ciel. On se demande bien pourquoi…

Notre analyse est la suivante : avec la libéralisation des transports telle qu’elle a été organisée par la loi de M. Macron, on a créé un immense bazar, c’est bien le mot. Aujourd’hui, on essaie de régler les problèmes qui en résultent en tentant de faire adopter des amendements lors de la discussion d’un projet de loi qui n’a rien à voir avec ces questions.

Or ces amendements visent tout simplement à organiser la concurrence entre les plateformes. Leur éventuelle adoption ne va donc rien régler sur le fond ; au contraire, elle continuera de mécontenter tout le monde, les chauffeurs de taxi et ceux de VTC. La question de la libéralisation des transports mériterait qu’un projet de loi lui soit consacré pour corriger ce qui a pu être fait avec la loi Macron.

En tout cas, ces dispositions n’ont rien à faire dans ce projet de loi pour une République numérique, dont l’examen a donné lieu à des débats très intéressants jusqu’à maintenant.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. C’est sa commission qui est concernée !

M. Hervé Maurey. Effectivement, la commission que j’ai l’honneur de présider est quelque peu concernée par ce sujet dont on n’a pas daigné la saisir.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une fois de plus essayé d’excuser le dépôt tardif de ces amendements. J’allais dire que vous avez fait pire puisque, la dernière fois que nous nous sommes retrouvés ensemble dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue, c’est pendant les débats que nous avons pu prendre connaissance des amendements du Gouvernement concernant les dispositifs les plus importants du texte ! Malheureusement, le Gouvernement a pris l’habitude d’attendre le dernier moment pour soumettre ses amendements aux parlementaires.

Je signale à mes collègues que la question est suffisamment importante pour qu’elle ait été évoquée avant-hier par la conférence des présidents. Lorsque ce projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, il comportait une quarantaine d’articles ; à l’issue de son examen par les députés, il en comptait près de cent. Devant le Sénat, quelque six cents amendements ont été déposés pour l’examen en séance publique. Je veux bien que le Président de la République trouve le débat parlementaire beaucoup trop long et qu’il réfléchisse à la manière permettant que les textes soient adoptés plus vite par le Parlement, mais ce n’est pas en se comportant ainsi que l’on y parviendra !

S’agissant des présents amendements, ce ne sont malheureusement pas les seuls que le Gouvernement souhaite introduire au dernier moment dans ce texte. En effet, lors de la réunion de la conférence des présidents a été évoqué le fait que le Gouvernement avait l’intention de déposer des amendements sur des sujets très importants touchant à la justice et au droit, afin de profiter de ce véhicule législatif.

Il faut arrêter de travailler ainsi. De manière assez extraordinaire, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, lors de la conférence des présidents, a dit que le Gouvernement n’était pas responsable de cette situation et que c’était la faute de l’administration ! Dans un pays qui fonctionne, il me semble que les ministres sont responsables de leur administration. Si le Gouvernement n’est plus maître de son administration, la situation est encore plus problématique que nous ne pouvions l’imaginer.

Monsieur le secrétaire d’État, je m’en prends à vous, parce que c’est vous qui êtes présent au banc des ministres : cessez de maltraiter ainsi le Parlement, cessez de lui soumettre à la dernière minute des amendements dont personne ne mesure la portée, pas même les ministres présents en séance, et la démocratie parlementaire fonctionnera beaucoup mieux ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais rappeler quelques principes très simples, afin que les choses soient claires pour tout le monde.

Premièrement, le titre II du présent projet de loi comporte une section consacrée à la régulation des plateformes. Les deux amendements que je vous présente ont trait au fonctionnement des plateformes. Par conséquent, tous les arguments selon lesquels ces amendements seraient étrangers à l’objet de ce texte sont irrecevables. Il s’agit bien d’une problématique numérique, appliquée à un secteur particulier.

Deuxièmement, vous avez eu raison de le dire, il s’agit de mettre fin à un système qui permet d’interdire juridiquement à des chauffeurs de taxi de recourir à plusieurs plateformes et les rend donc prisonniers d’un oligopole. Je veux bien croire qu’il y ait des conversions subites, mais il me semble qu’elles reposent sur une incompréhension complète !

Les chauffeurs de taxi revendiquent la liberté que nous vous proposons d’établir aujourd’hui. Il s’agit simplement d’accorder aux taxis la même liberté qu’aux VTC. Or chacun mesure ici que ce qui s’est passé dans la rue est le résultat d’un conflit entre les taxis et les VTC et qu’il existe des raisons à ce conflit.

Parmi ces raisons, il y a cette interdiction applicable aux taxis. Ce n’est pas la seule, bien sûr, car je ne prétends pas proposer une solution qui va tout régler. Cependant, cette raison est essentielle et elle ne peut trouver de solution qu’avec un vote du Parlement.

Nous avons assisté à l’occupation de la voie publique, entraînant des difficultés pour les usagers. Le Gouvernement a mené des discussions qui ont duré des heures, à l’issue desquelles une feuille de route a été élaborée. Ensuite, nous avons discuté avec les organisations professionnelles et, il y a quelques jours, nous avons obtenu l’accord de celles que nous avons rencontrées sur les dispositions que je vous soumets et qui sont attendues.

J’entends les arguments avancés, mais ceux qui ont gouverné hier et ceux qui gouverneront peut-être demain le savent parfaitement, le Gouvernement n’a pas choisi la date des événements qui se sont produits dans la rue. Nos concitoyens attendent du Parlement un peu de réactivité, même si c’est parfois choquant pour les parlementaires.

Le sujet est très simple : il s’agit de mettre fin à un archaïsme – à ce sujet, la position défendue par M. Bosino m’étonne au plus haut point ! – et d’interdire que des clauses portant atteinte à la liberté d’exercice d’une profession puissent perdurer au détriment de cette dernière. Si une plateforme prévoit aujourd’hui des clauses qui empêchent un chauffeur de taxi de s’adresser à plusieurs plateformes, c’est légal. Nous vous proposons, avec ces amendements, de faire en sorte que ces clauses puissent être soumises à l’Autorité de la concurrence pour qu’elle prononce éventuellement des sanctions. Qui peut être contre cette proposition ?

Cette mesure est attendue : elle donnera davantage de liberté, et pas seulement aux taxis. Ainsi, la quasi-totalité des chauffeurs de taxi parisiens n’ont le choix qu’entre deux sociétés, mais cette situation de dépendance commence aussi à gangrener le secteur des VTC, et nous avons assisté à une manifestation de chauffeurs de VTC contre les plateformes. En effet, l’une d’entre elles avait modifié unilatéralement la part du prix qui leur revenait, ce qu’ils n’ont pas compris, parce qu’ils pensaient travailler dans un cadre de libre concurrence.

Avec ces amendements, nous répondons à ces évolutions. Il me semble donc que chacun d’entre vous, quels que soient ses engagements, pourrait comprendre que l’honneur du Parlement et du fonctionnement de notre économie de marché consiste à sortir des gens qui sont placés dans un lien de subordination de ce carcan et à leur redonner la possibilité d’exercer leur métier en toute liberté. Tel est l’enjeu de ces dispositions.

Sachez que, si ces mesures n’étaient pas adoptées, quel que soit le bien-fondé des différents arguments, personne ne comprendrait que la représentation du peuple n’apporte pas la réponse attendue. Franchement, ce n’est pas le Gouvernement qui a organisé cette manifestation ! J’attends donc cette réponse avec confiance.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Il est rare que mon groupe se fasse le défenseur de l’automobile comme mode de déplacement, néanmoins il s’agit d’un vrai sujet. Face à la distorsion de concurrence qui existe entre les taxis qui remboursent des sommes colossales et d’autres professionnels, on ne peut pas rester sans rien faire.

J’ai bien entendu les objections de mes collègues : ces amendements n’étaient pas attendus, ils n’ont pas leur place dans ce texte. Mais j’observe que nos débats ont déjà été élargis à des sujets différents, comme les jeux vidéo ou la recherche.

Vous me pardonnerez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si je suis un peu terre à terre. Jusqu’à présent, je prenais très peu le taxi, mais j’ai dû le faire ces dernières semaines pour des raisons de santé. À plusieurs reprises, j’ai rencontré des chauffeurs de taxi au bord des larmes qui m’ont expliqué leurs conditions de vie. J’ai aussi rencontré un jeune chauffeur de VTC qui vit difficilement de cette activité. Je ne sais pas s’il est trop tard ou si ce n’est pas le lieu pour le faire, mais si nous n’essayons pas de nous saisir du sujet, on va encore nous demander à quoi nous servons. Je suis désolée si mon discours n’est pas très politicien !

Je suis souvent en désaccord avec le Gouvernement, mais si l’adoption de ces amendements peut éviter que des gens se battent, parce que leur survie au quotidien est en jeu, même si je suis isolée, j’estime qu’il est de notre responsabilité d’agir. Si nous ne le faisons pas, nous ne serons pas compris ! N’oubliez pas que des milliers d’internautes, notamment des jeunes, des lycéens, des collégiens, nous regardent parce qu’ils s’intéressent au numérique. Je ne voudrais pas que nous leur donnions une image négative en disant que ce n’est pas le moment et que cela ne nous intéresse pas.

Je souhaite que le débat soit au moins posé. On peut dire que ce n’est pas le bon moment, que le véhicule n’est pas adapté, mais on ne peut pas prétendre que les arguments avancés par M. le secrétaire d’État sont sans fondement. C’est un vrai sujet !

Mme Valérie Létard. Avons-nous dit le contraire ?

Mme Corinne Bouchoux. Vous ne l’avez pas dit, mais, quand nous discutons entre nous, nous sommes dans l’implicite. Or un public très nombreux et différent nous regarde et je ne voudrais pas que notre débat soit mal compris. C’est la raison pour laquelle je souhaitais apporter ces précisions.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Le Gouvernement nous demande de lui faire confiance et nous a expliqué les raisons pour lesquelles il a exprimé une préoccupation qui va dans le sens des attentes des taxis.

Je respecte tout à fait les intentions du Gouvernement et je peux les comprendre. En même temps, nos collègues, notamment M. le président de la commission de l’aménagement du territoire, sont intervenus pour nous expliquer que l’expertise technique de ces amendements n’avait pas pu avoir lieu.

M. le secrétaire d’État nous a indiqué l’intérêt des chauffeurs de taxi pour ces amendements. Je souhaiterais simplement savoir s’il a organisé une concertation avec les différents syndicats de taxis, puisqu’il y en a plusieurs, et, dans l’affirmative, connaître le résultat de cette concertation. Hier soir, les syndicats des taxis nous ont fait part de leurs points de vue assez variés, notamment en ce qui concerne l’un d’entre eux.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. M. le rapporteur a rappelé, et c’est son rôle, qu’il est primordial de respecter le Parlement, ses délais d’examen, etc. En même temps, vous le savez, mes chers collègues, nous sommes très souvent critiqués pour notre lenteur, parce que le monde va vite et que certains sujets sont brûlants, prennent à la gorge nos concitoyens. On juge que le Parlement légifère trop longuement et qu’il apporte très tardivement ses réponses, qui sont parfois déjà obsolètes lors de ses délibérations.

Rapprocher les citoyens de la politique suppose que nous essayions, tout en respectant le temps parlementaire, d’être utiles concrètement, au moment où il faut l’être.

Tous les pouvoirs se livrent parfois à des manœuvres de diversion pour placer le Parlement devant le fait accompli, mais parfois, c’est la force des choses qui l’exige, et nous sommes en mesure de l’apprécier.

Dans le cas présent, M. le secrétaire d’État nous a expliqué que l’adoption de ces amendements était la condition de l’exécution concrète d’un accord qui a été conclu tardivement par rapport à l’élaboration de ce projet de loi et à sa discussion.

En tout état de cause, nous pouvons nous dire que, si des doutes subsistent quant à l’expertise et si des précisions doivent encore être apportées, il faut que ce débat puisse avoir lieu lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous pouvons donc voter ces amendements et continuer, d’ici là, à obtenir des réponses et à apporter des précisions.

Sur le fond, il n’y a pas matière à opposition entre gauche et droite. Si vous allez dans un autre pays, les taxis ont accès à plusieurs plateformes et il y a nettement moins de tensions entre les VTC et les taxis. Si nous pouvons faire baisser la tension et soulager les taxis, je ne pense pas qu’il y ait de divergences de fond entre nous.

Je vois bien que la commission se retranche derrière des arguments formels. J’ai dit que nous étions en mesure d’apprécier, sur la forme, les différentes façons dont le pouvoir pouvait nous mettre devant le fait accompli. Dans le cas présent, je pense que son attitude est justifiée et que, si nous suivons le Gouvernement, cette décision honorera le Parlement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Nous sommes là devant une grosse difficulté. Il importe d’essayer d’apporter la meilleure réponse.

Je donne acte à M. le secrétaire d’État qu’il n’a pas pour habitude d’avancer masqué et qu’il nous donne en général des explications sérieuses et argumentées. En l’espèce, je n’ai donc pas, a priori, de raison de douter de ce qu’il vient de nous dire.

Cela étant, comme M. Hervé Maurey l’a rappelé, cette question a été traitée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Même s’il s’agit ici du numérique, nous ne pouvons ignorer tout le travail que nous avons déjà accompli sur ce sujet.

Pourquoi avoir appelé en priorité ces deux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 23 ter ? Il aurait suffi de nous avertir de leur dépôt : la commission aurait alors pu se réunir, fût-ce de manière informelle, pour en débattre. (Marques d’approbation sur les travées de l’UDI-UC.)