M. le président. L'amendement n° 182 est retiré.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
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Article 3

Article 2 bis

(Supprimé)

Article 2 bis
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Article 4 (début)

Article 3

Le second alinéa de l’article L. 312-1 du code des relations entre le public et l’administration est supprimé. – (Adopté.)

Article 3
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Article 4 (interruption de la discussion)

Article 4

I A. – Au 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, les mots : « et au secret en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « , au secret en matière commerciale et industrielle, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, ainsi qu’au secret des affaires ».

I. – La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est complétée par des articles L. 312-1-1 à L. 312-1-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 312-1-1. – Sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 et lorsque ces documents sont disponibles sous forme électronique, les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 publient en ligne les documents administratifs suivants :

« 1° Les documents qu’elles communiquent en application des procédures prévues au présent titre, ainsi que leurs versions mises à jour, à l’exclusion des documents communicables aux seuls intéressés en application de l’article L. 311-6 et à condition que ces documents aient fait l’objet de demandes de communication émanant d’un nombre significatif de personnes ;

« 2° Les documents qui figurent dans le répertoire mentionné au premier alinéa de l’article L. 322-6 ;

« 3° Le contenu des bases de données, mis à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ;

« 4° Les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt pour le public.

« La publication est précédée d’une analyse de risques afin de prévenir toute diffusion susceptible de porter atteinte aux secrets protégés en application des articles L. 311-5 et L. 311-6.

« Le présent article ne s’applique pas aux collectivités territoriales de moins de 3 500 habitants.

« Art. L. 312-1-2. – Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 comportent des mentions entrant dans le champ d’application des articles L. 311-5 ou L. 311-6, ils ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant d’occulter ces mentions.

« Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou si les personnes intéressées ont donné leur accord, lorsque les documents et données mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 comportent des données à caractère personnel, ils ne peuvent être rendus publics qu’après avoir fait l’objet d’un traitement permettant de rendre impossible l’identification de ces personnes.

« Les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 ne sont pas tenues de publier les archives publiques issues des opérations de sélection prévues aux articles L. 212-2 et L. 212-3 du code du patrimoine.

« Art. L. 312-1-3. – Les administrations mentionnées au premier alinéa de l’article L. 300-2 publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans l’accomplissement de leurs missions lorsqu’ils fondent des décisions individuelles. »

II (Non modifié). – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission mentionnée à l’article L. 340-1 du code des relations entre le public et l’administration, définit les modalités d’application des articles L. 312-1 à L. 312-1-3 du même code.

III. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre II du titre unique du livre Ier de la première partie est abrogée ;

2° Au I de l’article L. 1821-1, la référence : « L. 1112-23 » est remplacée par la référence : « L. 1112-22 ».

IV (nouveau). – La section 3 du chapitre V du titre II du livre Ier du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est abrogée.

(nouveau). – Après le mot : « réutilisation », la fin du premier alinéa de l’article L. 322-2 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi rédigée : « dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-2. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.

M. Jean-Pierre Bosino. Comme cela a été précisé dans le rapport, l’article 4 organise une sorte de continuum entre le droit à communication, la diffusion et la réutilisation des données publiques.

De notre point de vue, cet article est fondamental, car il précise la portée de ce nouveau droit à communication et à réutilisation. C’est pourquoi nous regrettons les nombreuses limitations qui lui ont été apportées par les différentes commissions.

Je pense ainsi à l’introduction de la notion de « secret des affaires », qui est tout simplement un pied de nez à nos concitoyens et à l’esprit même de ce projet de loi ; nous y reviendrons tout à l'heure en présentant un amendement sur ce sujet.

Que dire encore du renforcement du pouvoir discrétionnaire des administrations, entendu au sens large, à travers l’analyse des risques préalable à toute diffusion ? Autre limitation, la notion, inconnue en droit, d’« intérêt pour le public ».

Or, comme nous l’avons souligné, si nous ne sommes pas naïfs en ce qui concerne les données massives et sur le principe de gratuité absolu – nous sommes conscients de leurs limites –, nous pensons que les acteurs de la société civile, les citoyens et les usagers ont besoin d’interagir avec les administrations et le secteur public dans son ensemble et qu’il leur faut de la transparence et des clés de compréhension d’une action administrative toujours plus complexe.

Nous avons le devoir de répondre à cette aspiration. Tel était l’objectif de l’article 4 : mettre le numérique au service de l’intérêt général. C’est pourquoi nous présenterons des amendements visant à rétablir, de manière équilibrée, un droit réel d’accès aux données publiques.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est ici question de l’ouverture des données publiques. Comme nous avons eu l’occasion de le dire, celle-ci est sans nul doute un levier majeur de transparence démocratique et d’innovation économique et sociale.

De ce point de vue, on peut se réjouir que le projet de loi fasse reprendre des couleurs à l’open data français, qui en avait bien besoin.

Sur le sujet, je veux saluer l’apport de M. Luc Belot, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, qui a bien voulu enrichir le cœur du dispositif figurant à l’article 4, prévoyant le principe d’ouverture par défaut des données publiques. Au demeurant, nous tenons à souligner que la faculté est encore discrétionnaire, l’évaluation de l’intérêt de la publication restant soumise à l’appréciation de l’administration concernée.

Par ailleurs, de manière paradoxale, les collectivités territoriales, qui sont pourtant explicitement exclues du champ de l’article 4, risquent d’être soumises à une obligation beaucoup plus forte de mise en ligne spontanée des documents qu’elles produisent, si l’on s’en réfère, mes chers collègues, à l’article 106 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe. En effet, contrairement aux administrations centrales et aux établissements publics rattachés à l’État, les collectivités locales de plus de 3 500 habitants seront dans l’obligation de mettre en ligne toutes les informations publiques qu’elles produisent.

En revanche, l’obligation posée par la loi NOTRe ne porte que sur l’accès en ligne, et pas sur la réutilisation en tant que telle. Au final, on risque donc d’avoir, au niveau de l’État, une extension du principe de réutilisation, mais sans mise en ligne spontanée, et, au niveau des collectivités locales, une extension de la mise en ligne, sans possibilité de réutilisation.

On voit donc qu’en définitive ce n’est au niveau ni de l’État ni des collectivités locales que le présent projet de loi parviendra à satisfaire complètement l’objectif d’instauration d’un open data par défaut, ce que je regrette.

M. le président. L'amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. Delattre, D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le premier alinéa de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l’article L. 1115-1 du code des transports, ne sont communicables qu’à l’intéressé, dont les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 font partie, les documents administratifs : ».

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Le présent amendement a pour objet d’éviter que les dispositions introduites à l’Assemblée nationale par l’adoption de l’amendement n° 860 du Gouvernement ne viennent limiter la portée des dispositions de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », afin d’assurer pleinement l’accès des voyageurs à toutes les informations relatives aux services de transports publics et de mobilité, dans le respect de la doctrine actuelle de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.

Par ailleurs, le présent amendement tend à lever les incertitudes sur le fait que la notion d’« intéressé » visée à l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration englobe également les administrations mentionnées à l’article L. 300-2 du même code.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement tend à préciser l’articulation entre les dispositions du code des relations entre le public et l’administration et celles du code des transports relatives aux données des services de transports publics et des services de mobilité qui ont été introduites par la « loi Macron ».

Comme le précise l’étude d'impact jointe au présent projet de loi, le régime général de la loi CADA codifiée ne remet pas en cause les régimes spéciaux d’ouverture des données introduits dans les différents codes, que ce soit celui des transports ou, comme le prévoit l’article 12 bis du texte, celui de l’énergie.

Je rejoins la préoccupation des auteurs de l’amendement quant à la lisibilité de ces dispositifs juridiques. Cependant, l’ajout qu’ils proposent ne me paraît pas nécessaire ; il me semble même source d’a contrario, puisqu’il n’est pas exhaustif.

À ce stade, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. J’ajoute qu’il n’est pas nécessaire de préciser que le code des transports s’applique, en vertu du principe selon lequel la loi spéciale – en l’occurrence, la loi du 6 août 2015 – déroge à la loi générale, à savoir les dispositions du présent projet de loi. Si les dispositions de la loi de 2015 sont relatives aux informations nécessaires aux voyageurs dans le secteur des transports, celles du présent texte portent sur toutes les autres informations. Il s'agit bien de deux champs d’application différents.

Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à cet amendement.

M. Guy-Dominique Kennel. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 152 rectifié est retiré.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 441 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Actuellement, la communication des données publiques, notamment celles qui ont trait aux marchés publics au sens large, est limitée par la protection du secret en matière commerciale et industrielle, lequel recouvre « le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières et le secret des stratégies commerciales. » Cette définition très large permet déjà de refuser de très nombreuses communications d’informations et s’appuie sur une jurisprudence fournie.

Dès lors, nous ne comprenons pas la volonté du rapporteur d’importer et d’appliquer la notion de « secret des affaires », qui est propre au droit de la concurrence. À l’heure où il faut, de notre point de vue, reconstruire le lien de confiance avec nos concitoyens, nous pensons que l’introduction de la notion de « secret des affaires » dans le code des relations entre le public et l’administration est une erreur politique et juridique.

Cette notion large et floue, qui permettra de recouvrir la quasi-totalité des informations internes à la gestion des services publics industriels et commerciaux, les SPIC, est dangereuse, parce qu’elle autorise la poursuite de toute personne qui divulguerait un secret d’affaires, même s’il n’y a aucune utilisation de ce secret à des fins commerciales. Cela pose la question des lanceurs d’alerte, alors que s’est ouvert, aujourd'hui, le procès d’Antoine Deltour et d’Édouard Perrin, respectivement lanceur d’alerte et journaliste à l’origine de l’affaire LuxLeaks, ainsi qu’Éric Bocquet l’a rappelé tout à l'heure.

De notre point de vue, cette notion menace sérieusement la capacité des citoyens à accéder aux informations relatives aux conséquences sociales, environnementales ou sanitaires des pratiques des entreprises gérant un SPIC.

Finalement, c’est aussi refuser aux élus des informations de base sur les conséquences budgétaires de contrats signés qui peuvent engager la puissance publique pour des délais et des montants très significatifs.

De plus, comme la CADA l’a rappelé le 6 janvier 2005, la notion de « secret en matière commerciale et industrielle » est très stable sur le plan doctrinal : elle comprend, comme je l’ai dit tout à l'heure, le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales. C’est suffisant.

M. le président. L'amendement n° 153 rectifié, présenté par M. Kennel, Mme Keller, MM. Kern et Reichardt, Mme Deromedi, M. Danesi, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat, Lefèvre et Houel, Mme Cayeux, MM. D. Laurent et Vasselle et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

I A. – Le 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration est complété par les mots : « , lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, d’une part, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence et, d’autre part, de la nature des données lorsqu’elles ont trait à la qualité et aux conditions d’exécution du service public concerné. »

La parole est à M. Guy-Dominique Kennel.

M. Guy-Dominique Kennel. Le présent amendement tend à rétablir un juste équilibre entre le respect du secret commercial et industriel des services publics industriels et commerciaux chargés d’exercer une mission de service public soumise à la concurrence et le principe de données d’intérêt général, introduit à l’article 10, au sein de la section 1 du projet de loi.

En effet, dans ce cadre, le respect du secret commercial et industriel des SPIC ne doit pas compromettre les politiques de suivi de la qualité et des conditions du service public concerné.

M. le président. L'amendement n° 157 rectifié bis, présenté par MM. Commeinhes, Chatillon, Longeot et D. Laurent, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

comprend

insérer le mot :

notamment

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Cet amendement vise à préciser l'article 4, qui limite la définition du secret commercial et industriel au secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles.

Cette nouvelle définition paraît trop restrictive, dans un domaine en constante évolution. Il convient donc de lui donner un peu plus de souplesse.

Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 94 est présenté par Mme Bouchoux.

L'amendement n° 580 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

, ainsi qu’au secret des affaires

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 94.

Mme Corinne Bouchoux. Même si cela peut étonner, ma position n’est guère éloignée de celle des deux derniers intervenants.

L’objectif est bien d’instaurer la communication des données publiques, sauf secrets protégés. Je veux de nouveau répéter qu’un certain nombre de secrets sont très bien protégés ; il n'y a pas d’inquiétude à avoir sur ce plan ! Y ajouter le secret des affaires serait inutile juridiquement, mais surtout dangereux politiquement, parce que cela donnerait de notre travail une image contraire à ce que nous voulons faire.

Je pense sincèrement que le secret en matière commerciale et industrielle n’est d'ores et déjà pas un vain mot. Ce secret est d'ailleurs précisé et explicité dans le présent texte, qui reprend la jurisprudence citée par plusieurs de nos collègues et y intègre le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, que vous semblez vouloir protéger, monsieur le rapporteur.

Par sa connotation, l’ajout de la mention « secret des affaires » nous semblerait complètement décalé.

Pour ma part, je vous propose, mes chers collègues, d’en revenir aux garanties apportées par la loi CADA de 1978, qui énumère les différents secrets protégés par la loi, tout en assurant les organismes chargés d’une mission de service public industriel et commercial d’un certain confort et d’une certaine sécurité.

À force de vouloir en rajouter, nous risquons d’aller à l’encontre de l’esprit du texte, qui vise à garantir un meilleur accès aux données publiques. Si nous voulons tout ouvrir, pourquoi créer un coffre-fort et le mettre à la cave ? Je crains que tout cela ne soit pas très lisible pour nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 580.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 210 rectifié, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

ainsi qu’au secret des affaires

par les mots :

et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Après réflexion, les membres de notre groupe ont pensé que la rédaction de l’Assemblée nationale était préférable à celle qui nous est proposée par notre rapporteur.

Dans la rédaction votée par nos collègues députés, le 1° de l’article L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration est complété par les mots : « lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ».

Monsieur le rapporteur, il nous semble que cette définition prend en compte l’ensemble du champ qui vous préoccupe et qu’il n’est pas utile d’y ajouter le secret des affaires, notion qui, comme vous le savez, n’a pour le moment pas de définition stable en droit français, même si les choses évoluent.

En outre, le secret en matière commerciale et industrielle, qui figure dans la loi CADA, régit la communication des documents depuis presque quarante ans, sans qu’il ait été besoin jusqu'à aujourd'hui d’en étendre le champ et sans que cela pose de difficulté notable.

Il est donc souhaitable, à notre sens, de rétablir l’ajout de l’Assemblée nationale, qui avait inscrit dans le projet de loi la possibilité de prendre en compte le contexte concurrentiel pour refuser la communication d’un document administratif. Nous estimons que cela évitera les incompréhensions ou les procès d’intention que pourrait entraîner la notion de « secret des affaires », en particulier sur le droit d’information sur les réalités économiques dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le secret des affaires est une question très importante. Il s'agit en outre d’un sujet qui m’est cher, puisque nous l’avons abordé, l’année dernière, dans le cadre de la mission d’information sur le droit des entreprises que j’ai conduite avec mon collègue Michel Delebarre, au nom de la commission des lois.

Tous les amendements qui ont été présentés tendent à revenir sur les notions angulaires de « secret en matière commerciale et industrielle » et de « secret des affaires ».

Quel est l’enjeu ? Il s’agit de permettre l’ouverture et le partage des données, notamment celles des services publics industriels et commerciaux, les SPIC, sans nuire à l’efficacité, à l’innovation et à la compétitivité de nos services publics. Il ne nous faut effectivement pas perdre de vue, d’une part, la définition très large du service public à la française, qui rend difficile toute comparaison internationale en termes d’open data, et, d’autre part, le contexte de mondialisation et de concurrence dans lequel nos services publics évoluent.

Pour répondre aux craintes suscitées par la jurisprudence de la CADA, qui, il est vrai, a beaucoup évolué avant de se stabiliser, le Gouvernement a introduit, à l’Assemblée nationale, une définition du secret en matière commerciale et industrielle reprenant le triptyque secret des procédés, secret des informations économiques et financières, secret des stratégies commerciales et industrielles.

Je rappelle que cette acception large de la notion de « secret en matière commerciale et industrielle » dans la jurisprudence de la CADA répond à la difficulté née de ce que la notion de « secret des affaires » ne figure pas dans la « loi CADA » codifiée et que des avis se fondant sur ce secret des affaires ont été contredits – je tiens à rester aimable envers la CADA – par la jurisprudence du Conseil d’État, lequel a privilégié la notion de « vie privée des personnes morales », qui en laisse sceptiques plus d’un, à commencer par la Cour de cassation.

Cependant, comme M. Commeinhes le soulève très justement dans l’objet de son amendement, la difficulté que pose l’insertion opérée à l’Assemblée nationale tient à la cristallisation d’une jurisprudence, l’empêchant d’évoluer à l’avenir, au gré des évolutions de notre société.

J’ajoute, par ailleurs, que cette jurisprudence repose essentiellement sur des cas de demande de communication de documents dans le cadre de la commande publique, donnant lieu à une appréciation au cas par cas, comme le précise une note de la CADA et de la direction des affaires juridiques, la DAJ, datée du 5 février 2015 : « L’atteinte au secret en matière commerciale et industrielle est appréciée différemment par la CADA, selon que les documents concernent l’entreprise retenue ou les entreprises non retenues. […] En outre, dans certaines circonstances particulières, la communication de documents qui, à l’ordinaire, serait autorisée, peut être réduite, voire refusée dans un souci de garantir le respect de la libre concurrence. » On le voit, l’ouverture des données publiques nécessite une appréciation nouvelle de cette notion.

Pour cette raison, la commission des lois a, sur mon initiative, introduit la notion de « secret des affaires », en complément de celle du « secret en matière commerciale et industrielle ».

Cette notion n’est pas étrangère à notre droit : le code de commerce s’y réfère à plusieurs reprises, de même que le Conseil d’État. Ainsi, le 6 avril 2001, celui-ci a estimé que « l'administration ne peut être tenue […] de communiquer des pièces couvertes par un secret protégé par la loi, tel le secret des affaires, sans l'autorisation de celui dans l'intérêt duquel le secret a été édicté, qu'il s'agisse de pièces n'émanant pas de l'administration, mais qu'elle détient ou de pièces émanant de l'administration ou d'un organisme de contrôle dépendant de l'État, tels les passages de rapports reproduisant des informations couvertes par le secret ».

En outre, la directive sur le secret des affaires, que nous serons, je l’espère, appelés à transposer le plus rapidement possible, a été adoptée par le Parlement européen le 14 avril dernier. Le secret des affaires y est ainsi défini : « Aux fins de la présente directive, on entend par […] “secret d’affaires”, des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :

« a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ;

« b) elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ;

« c) elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».

La principale différence de ces informations avec le secret en matière commerciale et industrielle réside donc dans la prise en compte des efforts entrepris par leur détenteur pour en garantir le secret.

Pour les raisons que je viens d’exposer, j’émets un avis défavorable sur tous ces amendements, qui sont contraires à la position de la commission.