M. Jean-Yves Leconte. Ce rapport n’est pas encore paru !

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. … ce qui coûte à la collectivité nationale 2 milliards d’euros par an !

Enfin, le Conseil européen se prononcera sur la situation en Ukraine, qui demeure préoccupante, et sur les relations avec la Russie.

MM. Yves Pozzo di Borgo et Simon Sutour nous ont présenté un bilan d’étape sur l’application des sanctions. La logique de sanctions peut-elle se poursuivre ? La question se pose, de même que celle du scénario pour l’après-sanctions ? Nos rapporteurs continueront à travailler sur cette question cruciale des relations de l’Union européenne avec la Russie, en lien étroit avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je remercie les orateurs qui ont pris part à la première partie de ce débat et je tiens à répondre sur certains points qu’ils ont soulevés et que je n’avais pas nécessairement abordés dans mon propos introductif.

MM. Requier et Pozzo di Borgo, ainsi que de nombreux autres orateurs, ont souligné que le Conseil européen des 25 et 26 juin se pencherait sur la reconduction des sanctions infligées à la Russie du fait de la situation en Ukraine.

Nous ne considérons pas que les sanctions individuelles et sectorielles adoptées par l’Union européenne à l’encontre de la Russie et des séparatistes soient une fin en soi ; nous les concevons comme un moyen indispensable pour garantir le respect des engagements pris dans le cadre des négociations de Minsk, en particulier du protocole de Minsk II, négocié sous l’égide du Président de la République, François Hollande, et de la Chancelière Angela Merkel.

Comme l’a indiqué le Conseil européen des 19 et 20 mars dernier, la décision que les chefs d’État et de gouvernement prendront dans quelques jours au sujet de ces sanctions devra tenir compte de l’évolution de la situation et de la mise en œuvre, complète ou non, des engagements de Minsk. Je rappelle que celle-ci doit se poursuivre selon le calendrier prévu, qui s’étend jusqu’à la fin de cette année.

On peut donc s’attendre à une reconduction au moins partielle des sanctions, conçues comme un moyen de pression pour faire respecter la feuille de route arrêtée à Minsk, qui seule peut ouvrir la voie à une issue politique et négociée du conflit. Le G7 d’Elmau a d’ailleurs pris la même position, conformément au vœu de la France.

M. Pascal Allizard et d’autres orateurs ont souligné l’importance de la politique de défense commune, en insistant sur la nécessité d’une meilleure répartition des charges et des efforts à fournir, en particulier s’agissant des équipements qui doivent être mobilisés.

En ce qui concerne les opérations maritimes, M. Allizard a rappelé à juste titre que la France participait non seulement au secours des migrants en mer, mais aussi à la lutte contre la piraterie, aussi bien dans le golfe de Guinée qu’au large de la corne de l’Afrique.

Nous souhaitons que le prochain Conseil européen soit l’occasion de mettre en exergue l’enjeu que représente un niveau suffisant de dépenses des États membres si l’on veut donner à l’Union européenne les moyens de son autonomie stratégique. Car, si l’on accroît les dépenses et si l’on achète du matériel, c’est avant tout pour que la politique extérieure de l’Union européenne soit étayée par une véritable politique de défense, qui accompagne ses décisions, qui concrétise ses ambitions, qui permette tout simplement d’assurer sa sécurité.

Le Conseil européen de sécurité et de défense commune des 19 et 20 décembre 2013 a défini trois axes prioritaires

Le premier consiste à augmenter l’efficacité, la visibilité et l’impact de la politique de sécurité et de défense commune. À cet égard, a été notamment soulignée l’importance des groupements tactiques, qui sont le principal outil militaire de réaction rapide de l’Union européenne dans les situations de crise. Ce Conseil européen s’est également prononcé en faveur d’un renforcement du soutien aux États africains, en particulier via l’initiative Train and Equip, qui nécessite des fonds plus importants et qui doit permettre notamment aux États de la zone sahélo-saharienne d’assurer une meilleure gestion intégrée de leurs frontières.

Le deuxième axe prioritaire défini en matière de sécurité consiste à accroître le développement des capacités de défense, en faveur notamment des quatre grands programmes capacitaires : le ravitaillement en vol, les drones, les satellites et la cyberdéfense.

Le troisième axe consiste à renforcer l’industrie européenne de défense, ce qui suppose d’adapter un certain nombre de règles touchant aux appels d’offres et de soutenir non seulement les grandes entreprises, mais aussi les PME de ce secteur.

François Marc a souligné que le débat sur le rapport des quatre présidents relatif à l’Union économique et monétaire, l’UEM, devrait porter non seulement sur le soutien à la croissance et sur le financement de l’investissement, en particulier dans les secteurs d’avenir comme le numérique, mais aussi sur la défense du modèle social que l’UEM doit promouvoir. Vous savez que la France, comme le Luxembourg, qui est à l’origine de la formule de « triple A social », se bat pour le renforcement de la convergence dans ce domaine.

D’abord, nous devons assurer le respect des règles relatives au détachement de travailleurs, qui sont de la plus haute importance pour prévenir le dumping social, notamment dans les secteurs du bâtiment et du transport routier ou encore pour le travail saisonnier dans l’agriculture. Nous sommes fermement attachés à la liberté de circulation et d’établissement dans l’espace européen, mais elle a pour contrepartie le respect des règles sociales du pays dans lequel un citoyen européen travaille. (M. Daniel Raoul opine.) Des dispositions extrêmement claires doivent être prises à cet égard, s’agissant des horaires de travail, du salaire minimum et de la protection sociale, ainsi que des mécanismes de contrôle et de la responsabilité des donneurs d’ordres.

Ensuite, nous voulons promouvoir l’idée d’un salaire minimum dans tous les pays de l’Union européenne. Si l’Allemagne a adopté le sien, ce qui contribuera à assurer un meilleur équilibre au sein de la zone euro, d’autres pays ne disposent pas encore d’un tel dispositif. Nous souhaitons qu’une convergence se réalise sur ce plan, même si les niveaux des salaires dépendront évidemment des niveaux de développement des différents États membres.

Enfin, nous considérons qu’une coopération et des orientations communes sont nécessaires en matière de politiques actives vis-à-vis du marché du travail, de régime de protection sociale et de droits à la formation tout au long de la vie. Tous nos pays réforment leur marché du travail en s’efforçant de le rendre plus fluide et plus favorable aux embauches, mais cette évolution doit avoir pour contrepartie des droits à la formation plus étendus et une protection renforcée pour les personnes privées d’emploi ; certains pays, en particulier dans le nord de l’Europe, ont montré la voie dans ce domaine.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs qui nous guident en ce qui concerne le « triple A social » qui doit accompagner la réforme de la gouvernance et de la coordination des politiques économiques au sein de l’Union économique et monétaire.

La stratégie numérique, qu’a évoquée André Gattolin, est tout à fait essentielle et doit évidemment comporter un aspect relatif à la cybersécurité.

André Gattolin a également abordé la question de l’Arctique, sur laquelle il travaille beaucoup, nous le savons. La France a, avec l’Union européenne, trois objectifs dans ce domaine : protéger et préserver l’Arctique, en coopération avec les populations qui y vivent ; promouvoir l’utilisation durable des ressources ; renforcer la coopération internationale.

En tant qu’observateur au sein du Conseil de l’Arctique depuis 2000, la France participe activement aux travaux des différentes tables rondes qui sont organisées. Nous connaissons, monsieur le sénateur, l’importance du travail que vous accomplissez pour assurer la cohérence entre la politique de protection de l’Arctique et la lutte contre le changement climatique, dont vous avez rappelé qu’il a des conséquences tout à fait considérables dans cette région du monde.

Éric Bocquet m’a demandé où nous en étions dans la préparation de la COP 21.

Une étape de la plus haute importance vient d’être franchie : une session de négociations s’est tenue à Bonn, au cours de laquelle nous avons fait entériner le principe d’un texte en amont de la conférence qui se réunira au mois de décembre à Paris ; ce texte devrait être prêt d’ici au mois d’octobre. De cette manière, nous ne risquerons pas de voir se resurgir les difficultés qui se sont présentées lors du sommet de Copenhague : souvenez-vous que, à l’ouverture de la conférence internationale, il avait fallu appeler les chefs d’État et de gouvernement pour essayer de trouver un accord qui n’avait pas été préparé en amont ; or cela n’avait pas été possible, tant sont grandes, pour chacune des 195 parties aux accords, les implications des décisions qui doivent être prises au sujet des modèles de croissance énergétique, de consommation énergétique des industries et d’organisation des transports.

Comme nous l’avons toujours indiqué, nous tenons à impliquer les ministres avant le sommet de Paris, parce que nous voulons faire tout notre possible pour ne pas attendre le dernier moment. Nous sommes sur les rails pour obtenir d’ici au mois d’octobre un paquet clair, un texte énonçant les grandes lignes d’un accord et des décisions de mise en œuvre. Nous y parviendrons grâce aux réunions des chefs d’État et aux différentes réunions ministérielles. Tous les processus politiques de haut niveau seront mis à profit, comme l’a été le G7.

Ainsi que Laurent Fabius l’a annoncé, deux réunions informelles se tiendront au niveau ministériel : la première aura lieu les 20 et 21 juillet prochain, avant la session formelle de l’ADP – groupe de travail de la plateforme de Durban – qui aura lieu du 31 août au 4 septembre, la seconde le 7 septembre, avant la session formelle de l’ADP qui se tiendra du 19 au 23 octobre.

Par ailleurs, la question sera à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des Nations unies, puisque M. Ban Ki-moon organisera un sommet consacré aux ultimes préparatifs de la COP 21, en présence des chefs d’État et de gouvernement.

Éric Bocquet a également abordé la question de la négociation commerciale transatlantique.

S’agissant d’abord de l’agriculture, nous abordons cette négociation avec une grande vigilance quant aux intérêts agricoles européens, et notamment français. Les États-Unis sont le premier débouché du secteur agroalimentaire français hors de l’Union européenne : ils absorbent 18 % de l’excédent français dans ce domaine. Or nos exportations vers ce pays sont aujourd’hui entravées par de nombreuses barrières techniques, dont nous souhaitons le démantèlement.

Nous appelons également de nos vœux une protection des indications géographiques, à l’instar de celle que nous avons obtenue dans l’accord conclu avec le Canada.

Nous resterons évidemment attentifs, jusqu’au terme des négociations, à la défense de nos « lignes rouges », que l’Union européenne a totalement reprises à son compte ; je pense en particulier à l’exclusion du bœuf aux hormones, des OGM et du poulet chloré, ainsi qu’aux produits dits sensibles, qui bénéficient d’une protection, et sur la nature desquels il convient de ne pas revenir.

Pour ce qui est des services, nous serons très attentifs à ce que l’accord ne remette pas en cause le droit à réguler de l’Union européenne et de ses États membres, en particulier dans les domaines d’intérêt général, c’est-à-dire pour les services publics.

Le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, comme le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, ont souhaité, à l’instar d’autres orateurs, revenir sur les négociations en cours concernant la Grèce.

La position de la France est extrêmement claire à ce sujet, et le Président de la République l’a rappelée hier : nous ne pouvons plus attendre ; un accord doit impérativement être conclu sans délai.

L’objectif est de trouver une solution qui concilie deux exigences : le respect des engagements pris par la Grèce, notamment en matière de réformes, et le respect du vote du peuple grec, qui a exprimé son refus de l’austérité perpétuelle. À cela s’ajoute un certain nombre de contraintes qui expliquent la complexité des négociations actuellement en cours au sein de l’Eurogroupe, avec le Fonds monétaire international et avec la Banque centrale européenne.

La première contrainte est d’ordre juridique. En effet, afin de débloquer la dernière tranche d’aide financière de 7 milliards d’euros, il est nécessaire que soit signé avec la Grèce un accord comportant des engagements clairs sur les réformes.

Ensuite, nous sommes confrontés à des contraintes de calendrier. Le temps presse puisque l’accord doit être conclu avant le 30 juin, date à laquelle la Grèce doit rembourser 1,6 milliard d’euros de prêt du FMI. De ce point de vue, la réunion de l’Eurogroupe, ce jeudi 18 juin, sera décisive.

Enfin, il faut parvenir à un accord qui assure à la fois la stabilité financière de la zone euro, la poursuite des réformes en Grèce et le retour de la croissance dans ce pays, dès lors que c’est uniquement à ces conditions que le pays pourra sortir de la crise, qui est aussi sociale, dans laquelle il est plongé depuis plusieurs années, et qu’il sera à même de recréer de l’emploi.

Sur ces sujets, la France agit en ayant à l’esprit à la fois un principe de solidarité européenne et un principe de responsabilité, avec une triple préoccupation : l’intérêt de la Grèce, le maintien de l’intégrité de la zone euro et donc le maintien de la Grèce dans la zone euro. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)

14

Élection d’un juge suppléant à la cour de justice de la république

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :

Nombre de votants : 231

Nombre de suffrages exprimés : 178

Majorité absolue des suffrages exprimés : 90

Mme Catherine Di Folco a obtenu 178 voix.

Mme Catherine Di Folco ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elle est proclamée juge suppléant à la Cour de justice de la République.

Mme Catherine Di Folco, juge suppléant à la Cour de justice de la République, va être appelée à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de Justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment, telle qu’elle figure dans la loi organique.

Je prie Mme Catherine Di Folco, juge suppléant, de bien vouloir se lever et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure », après la lecture de la formule du serment.

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».

(Mme Catherine Di Folco, juge suppléant, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure. »)

M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.

Je vous adresse toutes mes félicitations, ma chère collègue ! (Applaudissements.)

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Débat préalable à la réunion du conseil européen des 25 et 26 juin 2015 (suite)

M. le président. Nous reprenons le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015.

Débat interactif et spontané

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.

Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. La commission des affaires européennes ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la situation en Ukraine ne fait plus la une des médias. Elle est pourtant toujours aussi critique.

Avec 6 400 morts depuis avril 2014 et des tensions quotidiennes, l’Ukraine, désormais amputée de la Crimée, est plongée dans une crise qui n’en finit plus. En dépit des difficiles négociations menées pour en sortir, la guerre n’est pas terminée. Nous savons que, de part et d’autre, le cessez-le-feu n’est pas respecté.

Le 10 juin dernier, s’est tenue à Paris une réunion au format « Normandie », c’est-à-dire entre la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine. L’objectif était de discuter des perspectives concernant le cessez-le-feu et le processus politique pour mettre en œuvre les accords de Minsk dans leur intégralité.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous présenter le bilan de cette réunion, qui, je l’espère, a abouti à des résultats concrets ?

Il est à craindre que des poches régionales de contestation et de troubles se développent. Des incidents se multiplient d’ailleurs dans d’autres pays de la zone ; je pense, par exemple, à la Géorgie ou à la Moldavie, au moment où la France achève la ratification d’accords d’association entre ces pays et l’Union Européenne.

Les membres de mon groupe ont fait part de leurs inquiétudes pour les Ukrainiens face aux positions russes, mais aussi concernant la stratégie de la Commission européenne. Le président Jean Bizet suit d’ailleurs cette question de près.

Notre collègue Pascal Allizard avait formé le vœu que la Commission européenne puisse agir avec plus de diplomatie, notamment au regard de la politique de partenariat oriental. Quelles ont été les avancées à ce sujet depuis le sommet de Riga des 21 et 22 mai dernier ? Nous le savons, la question ukrainienne est indissociable du partenariat oriental.

Enfin, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures proposera la France à cet égard lors du prochain Conseil européen ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. L’évolution de la situation sécuritaire dans l’Est de l’Ukraine reste très préoccupante. Au cours de ces dernières semaines, des affrontements, notamment autour de la localité de Chirokiné, à l’est de Marioupol, se poursuivent. Nous devons donc rester extrêmement vigilants afin de prévenir toute nouvelle escalade de ce conflit.

La réunion au format « Normandie » du 10 juin a permis d’avancer sur la conclusion d’un plan de désescalade pour Chirokiné, plan qu’il convient désormais de mettre en application.

En outre, notre priorité est de garantir la pleine mise en œuvre de l’ensemble des accords de Minsk. Les quatre groupes de travail qui ont été constitués se sont déjà réunis plusieurs fois. Je rappelle qu’ils portent non seulement sur les échanges de prisonniers, le cessez-le-feu et la surveillance de la frontière, mais aussi sur l’avenir des régions de l’est et l’organisation des élections, ainsi que sur la mise en place de leur futur statut.

Il est également important de soutenir l’action de l’OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe –, que ce soit sur le plan politique, avec le travail mené dans le cadre du groupe de contact trilatéral, ou sur le terrain, avec la mission spéciale d’observation en Ukraine. En effet, il est essentiel de garantir à cette mission spéciale un accès total au terrain afin qu’elle puisse accomplir son mandat. C’est la raison pour laquelle nous renforçons ses moyens, notamment en termes de communications et d’informations actualisées.

La poursuite du dialogue au format « Normandie » est aussi extrêmement importante. C’était, bien entendu, le sens de la réunion qui s’est tenue le 10 juin dernier à Paris. Nous voulons voir des gestes concrets au cours des prochains jours, en particulier en ce qui concerne l’échange de prisonniers, les questions humanitaires et l’accès aux populations.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Ma question porte sur les demandes formulées récemment par le Premier ministre britannique, David Cameron, au sujet de la place du Royaume-Uni – d’autres pays sont d’ailleurs également concernés – dans l’Union européenne.

Il y a là un paradoxe puisque le Royaume-Uni est déjà le pays bénéficie du plus grand nombre d’exceptions, d’opt out : il n’est pas membre de l’espace Schengen et de l’Union économique et monétaire, il ne participe pas à la coopération judiciaire en matière pénale et il n’est pas signataire de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Et cela ne l’empêche pas, nous le savons tous, de réclamer depuis trente ans son « chèque » à chaque budget européen !

Tout cela donne le sentiment d’un engagement… limité.

Quoi qu'il en soit, à la suite des dernières élections – dont nous ne saurions évidemment remettre en cause le résultat –, M. Cameron demande qu’un certain nombre de points fassent l’objet d’une renégociation. D’où ma première interrogation, monsieur le secrétaire d’État : pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les points en question ?

Nous avons compris que les Britanniques souhaitaient revoir le système de la libre circulation des travailleurs et des citoyens, et en particulier remettre en cause la possibilité de bénéficier de la protection sociale dans un autre pays de l’Union européenne. Nous avons également compris qu’ils entendaient « rapatrier » vers leur Parlement des compétences qui relèvent actuellement de la Commission européenne, mais aussi, sans doute, du Parlement européen.

À mes yeux, ce sont là de mauvaises actions. Elles vont à l’encontre de notre marche historique qui consiste à rechercher une plus grande intégration européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, où en est la France dans ses discussions avec le gouvernement britannique ? Quelles lignes de négociation vous êtes-vous données ? (MM. Alain Bertrand et Yves Pozzo di Borgo applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur Yung, comme l’a indiqué le Président de la République lorsqu’il a reçu le Premier ministre David Cameron à l’occasion de sa visite en France le 28 mai dernier, au lendemain des élections britanniques, la France souhaite que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Nous considérons que c’est l’intérêt de l’Europe tout autant que l’intérêt du Royaume-Uni.

La question de la place du Royaume-Uni dans l’Union européenne, comme vous le savez, sera soumise à un référendum d’ici à la fin de l’année 2017. Ce sera donc au peuple britannique qu’il reviendra de se prononcer le moment venu.

Nous pensons que l’obtention d’une large majorité à l’issue des élections doit aider M. Cameron à convaincre le peuple britannique de se prononcer en faveur du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.

M. Cameron a annoncé qu’il formulerait un certain nombre de demandes, alors que, comme vous l’avez rappelé, le Royaume-Uni dispose déjà aujourd’hui de dispositions spécifiques. C’est précisément lors du prochain Conseil européen des 25 et 26 juin qu’il précisera aux autres chefs d’État et de gouvernement les éléments sur lesquels il souhaite que des changements interviennent. Il a déjà donné à cet égard certaines indications : elles concernent l’immigration, s’agissant notamment de résidents européens qui souhaitent entrer au Royaume-Uni, et le fonctionnement des institutions européennes. Il a également fait référence à son souhait d’une Union européenne toujours plus étroite… Bien entendu, c’est à lui qu’il revient de dire en quoi consistent exactement les demandes du Royaume-Uni.

Le Président de la République a fait savoir que la France examinerait, tout comme les autres partenaires européens, ces demandes. Nous sommes évidemment tout à fait disposés à étudier toutes les demandes susceptibles de contribuer à une amélioration du fonctionnement de l’Union européenne dans l’intérêt de l’ensemble des États membres et des citoyens européens, à condition, bien sûr, qu’elles ne remettent pas en cause les principes fondamentaux de l’Union européenne, notamment la liberté de circulation, d’autant que nous nous trouvons à un moment où l’unité européenne doit être renforcée, et non affaiblie.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de traité transatlantique suscite ces temps-ci beaucoup de remous.

Ainsi, la semaine dernière, le président du Parlement européen a préféré reporter le vote de la résolution sur le traité transatlantique faute de trouver une majorité. Le dernier rebondissement en date s’est produit vendredi dernier au Congrès américain – certes, il ne concernait pas directement le traité transatlantique, mais il y était très lié. Barack Obama a en effet subi un sérieux revers de la part de son propre camp puisqu’un grand nombre d’élus démocrates ont refusé de voter un projet de loi qui lui aurait accordé des pouvoirs accrus pour conclure l’accord de libre-échange transpacifique avec onze pays. Même si la Chambre des représentants s’est prononcée sur ce point à une courte majorité, elle a rejeté massivement le second volet du projet de loi de Trade Adjustement Assistance, un programme destiné à aider les Américains qui perdent leur emploi à la suite d’accords de libre-échange. Les deux volets étant indissociables, ce rejet bloque le projet de loi dans son ensemble.

Comme l’ont précisé un certain nombre d’observateurs, ce rejet aura forcément des incidences sur les négociations du TTIP, autrement dit le Transatlantic Trade and Investment Partnership.

S’il nous en fallait une preuve, cet épisode nous montre combien les accords de libre-échange soulèvent des questions difficiles, même outre-Atlantique. En Europe comme aux États-Unis, le manque d’informations et de transparence sur les négociations reste extrêmement préjudiciable.

Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement français compte-t-il faire entendre sa voix afin que la Commission européenne assure enfin une véritable transparence sur ce dossier ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous le savez, nous considérons que la transparence est une nécessité absolue. Du reste, elle est dans l’intérêt même de la poursuite de la négociation et de sa conclusion puisque les parlements nationaux et le Parlement européen seront appelés à ratifier le traité.

C’est pourquoi la France a toujours demandé que le mandat de négociation soit rendu public ; il l’a finalement été. Nous avons également demandé que l’accès à l’ensemble des documents de la négociation soit garanti dans l’ensemble des États membres, ce qui n’était pas le cas. Des solutions ont été trouvées, mais elles ne sont pas toutes entièrement satisfaisantes. Nous avons fait savoir à nos partenaires américains que nous n’utiliserions pas les salles de lecture de leurs ambassades ; un accès sécurisé au texte via un poste informatique dédié dans les administrations nationales nous semble indispensable.

Nous rejoignons tout à fait votre demande d’une transparence qui soit la plus large possible.

En tout état de cause, la Commission agit sur mandat des États membres, elle rend compte régulièrement au Parlement européen et aucune étape de la négociation ne pourra être franchie sans que nous donnions notre accord.

Comme s’y était engagé Laurent Fabius dès le début de cette négociation, nous rendrons compte de chacune de ses principales étapes. Le secrétaire d’État au commerce extérieur et moi-même sommes à la disposition de l’Assemblée nationale et du Sénat et nous organiserons à cette fin, régulièrement, des rencontres avec les députés et les sénateurs, que ce soit au sein des commissions ou dans un autre cadre.

Bien entendu, la France conduit cette négociation avec l’idée que l’ouverture du marché américain présente des opportunités ; j’ai évoqué tout à l’heure l’agriculture, mais on pourrait aussi parler des marchés publics, qui sont très fermés aux États-Unis : alors qu’ils sont ouverts à 90 % en Europe, ils ne le sont qu’à hauteur de 40 % outre-Atlantique. Il s’agit, pour nous, d’un point essentiel de cette négociation.

Nous souhaitons que ce traité ouvre la voie à des gains pour l’économie européenne, et notamment pour l’économie française.