Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, mes chers collègues, une fois par an, le contrôle des finances publiques fait la une de toute la presse écrite et audiovisuelle. Ce grand moment d’exposition médiatique, c’est le dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Que nous enseigne l’intérêt suscité par cette publication ?

Il montre d’abord que la Cour des comptes atteint le but qui lui est assigné par l’article 47-2 de la Constitution : « Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens ».

J’y vois ensuite une invitation pour nous, parlementaires, et en particulier pour les rapporteurs spéciaux des commissions des finances, à ne pas relâcher nos efforts en matière de contrôle de l’action du Gouvernement. Nos concitoyens nous attendent sur ce terrain.

Le contrôle tel qu’il est effectué par la Cour des comptes n’a pas la même finalité que le contrôle parlementaire. L’un contrôle le bon emploi de l’argent public ou l’efficience des politiques publiques. Nous évaluons quant à nous la pertinence des choix politiques.

Nos travaux sont donc complémentaires et souvent convergents. L’insertion dans le rapport public annuel consacrée à l’opérateur national de paye fait écho aux auditions sur ce thème que notre commission a organisées en mai dernier. Philippe Adnot pourra nourrir les travaux qu’il a engagés depuis l’année dernière sur le maintien des droits des étudiants boursiers des développements du rapport de la Cour sur l’indispensable modernisation du réseau des œuvres sociales et universitaires.

Enfin, j’observe que, dans sa réponse, le président de l’Agence française de lutte contre le dopage indique qu’il a, en quelque sorte, répondu par avance à certaines observations de la Cour des comptes en engageant des réformes inspirées des conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur la lutte contre le dopage, dont le président était Jean-François Humbert et le rapporteur Jean-Jacques Lozach.

Ayant rédigé l’année dernière un rapport d’information dans lequel je rappelais la nécessité de préserver le sous-préfet comme « porte d’entrée » du réseau des services de l’État, j’ai lu avec attention vos développements sur le réseau des sous-préfectures.

J’ai également bien noté l’insertion consacrée aux centres de gestion de la fonction publique territoriale, qui pourra constituer une lecture utile dans certains départements.

La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement, et, cette année encore, l’assistance que portera la Cour des comptes au titre de l’article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances s’annonce très utile.

La commission des finances a rendu public hier son programme de contrôle pour l’année 2015, et, comme chaque année, plusieurs rapporteurs pourront appuyer leurs travaux sur des enquêtes demandées à la Cour des comptes.

Antoine Lefèvre a présenté le mois dernier un rapport sur la protection judiciaire de la jeunesse qu’il a préparé à partir d’une enquête de la Cour des comptes. Nous organiserons bientôt deux auditions à partir d’enquêtes remises par la Cour, auditions qui donneront lieu à des rapports d’information d’Alain Houpert et Yannick Botrel sur la filière-bois et d’Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier sur le recours par l’État aux consultants extérieurs.

Plus tard dans l’année, des enquêtes de la Cour des comptes bénéficieront aux travaux de Francis Delattre sur le fonds CMU, de Philippe Adnot sur l’autonomie financière des universités, ou encore de François Marc sur le Crédit immobilier de France. Le rapporteur général tirera également profit d’enquêtes sur la fonction publique tandis que les travaux du groupe de travail que nous venons de constituer sur le logement, en vue de préparer les prochains débats budgétaires, seront complétés par une enquête sur les aides personnelles au logement, qui sera remise à Philippe Dallier d’ici à la mi-juillet.

Pour achever cette énumération, j’indique que, en 2016, ce sont les travaux de Marc Laménie sur la Journée défense et citoyenneté qui seront éclairés par les résultats d’une enquête réalisée par la Cour des comptes.

Si la Cour des comptes nous prête assistance en réalisant des enquêtes à notre demande, nous nourrissons nos travaux des différentes publications issues de la Cour tout au long de l’année. En mai dernier, nous avions organisé des auditions consacrées à la rénovation thermique des logements privés, en partant de constatations présentées dans un référé consacré à la gestion de l’Agence nationale de l’habitat. Cette audition a pu enrichir les travaux de notre rapporteur général sur la réforme de l’éco-prêt à taux zéro, dans le projet de loi de finances pour 2015. Le rapporteur pour avis de la commission des finances sur le projet de loi relatif à la transition énergétique, Jean-François Husson, s’y est aussi référé lorsqu’il nous a présenté son analyse du nouveau fonds de garantie pour la rénovation énergétique.

La commission des finances a également organisé une audition pour suite à donner au référé relatif à l’École nationale supérieure des beaux-arts qui était particulièrement critique.

Si Didier Migaud est l’une des personnalités les plus fréquemment entendues chaque année par la commission des finances, c’est parce que la Cour des comptes joue un rôle croissant dans la gouvernance des finances publiques. Nos rendez-vous institutionnels sont de plus en plus fréquents et nos travaux sont désormais très imbriqués.

En outre, la Cour des comptes devient aussi une actrice à part entière du cycle budgétaire. Elle certifie les comptes de l’État. À travers le Haut Conseil des finances publiques, dont la moitié des membres sont issus de la Cour des comptes – à parité, grâce à l’adoption par le Sénat, en octobre 2012, d’un amendement de notre collègue André Gattolin – et dont le secrétariat est également assuré par elle, la Cour des comptes joue un rôle dans le déclenchement du nouveau mécanisme de correction automatique. Elle apprécie la situation des finances publiques en amont du débat d’orientation des finances publiques, et l’insertion liminaire du rapport public annuel sur les finances publiques constitue généralement un avant-goût des thématiques qui y sont développées.

La Cour des comptes est une vigie exigeante en matière de maîtrise des comptes publics et elle est dans son rôle lorsqu’elle insiste sur les « risques » entourant la trajectoire des finances publiques définie par le Gouvernement ainsi que sur la nécessité de renforcer la maîtrise des dépenses publiques. Ses conseils sont précieux, et il est important pour la crédibilité de notre pays dans la zone euro que des voix indépendantes s’expriment sur les finances publiques.

Pour autant, il me paraît raisonnable, dans le respect des règles budgétaires européennes, d’adapter le rythme de réduction des déficits aux évolutions de la conjoncture, pour ne pas risquer d’amplifier la crise (M. Martial Bourquin et M. Jacques Chiron acquiescent.) et afin de concilier consolidation budgétaire et croissance, conformément aux conclusions du dernier G20 de Brisbane.

Ce choix de politique économique me semble le plus opportun et le plus crédible, dès lors qu’il ne s’accompagne pas d’une remise en cause de l’effort de maîtrise des dépenses publiques.

Tous les rapporteurs spéciaux et pour avis le constatent, tous les ministères le ressentent, toutes les données d’exécution le montrent : les dépenses de l’État sont désormais tenues, les économies sont tangibles et les dépenses nouvelles sont compensées par des annulations ailleurs. Notre effort structurel porte depuis 2014 presque exclusivement sur les dépenses.

Au total, je veux donc retenir la grande convergence de nos préoccupations et la priorité que nous accordons à la maîtrise des dépenses publiques.

Et, au terme de cette intervention, je forme le vœu que notre coopération, dans les enceintes institutionnelles comme dans nos contacts informels, se poursuive cette année dans les mêmes excellents termes que les années précédentes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer le travail considérable dont témoigne le rapport public annuel que vient de nous présenter M. le Premier président, et en souligner le grand intérêt, une fois encore, pour le Parlement.

Permettez plus spécifiquement au président de la commission des affaires sociales de se féliciter de la contribution que la Cour des comptes apporte, à travers de multiples travaux, à l’évaluation de notre système de protection sociale.

L’implication croissante de la Cour dans ce domaine constitue le corollaire indispensable de la responsabilité exercée par le Parlement depuis l’instauration des lois de financement de la sécurité sociale en 1996, responsabilité pleinement justifiée dès lors que les finances sociales représentent, je le rappelle, près de la moitié des comptes publics de notre pays.

Certes, la situation des comptes sociaux peut paraître relativement moins dégradée que celle du budget de l’État, mais nous partageons le point de vue exprimé à de nombreuses reprises par le Premier président de la Cour des comptes selon lequel il est profondément anormal de financer par le déficit et l’endettement des dépenses courantes de prestations sociales. Il y va tout simplement de la viabilité d’un modèle social auquel nos concitoyens sont légitimement attachés.

S’agissant de l’examen d’ensemble des finances publiques en 2014, la commission des affaires sociales partage très largement les appréciations portées par la Cour.

Comme la Cour, elle considère que la révision des prévisions liée à la dégradation de l’environnement macroéconomique a été tardive, dans les textes financiers de fin d’année, alors que le Parlement aurait pu en être saisi dès l’été. De même, alors que l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, a été revu à la baisse dans la loi de financement rectificative de l’été, aucune alerte n’a été émise sur le dynamisme des dépenses d’indemnités journalières ou de médicaments, notamment pour le traitement de l’hépatite C, que nous avons constaté en fin d’année.

Nous partageons aussi plusieurs interrogations de la Cour sur les perspectives de l’exécution 2015. Sans doute l’évolution du prix du pétrole et du cours de l’euro fournit-elle à notre pays un ballon d’oxygène bienvenu qui permettra peut-être de tenir les prévisions de croissance.

Mais comme le souligne le rapport public annuel, les prévisions d’économies en dépenses, qui reposaient principalement sur la non-revalorisation de prestations, n’ont pas été revues à la baisse malgré une inflation prévisionnelle divisée par deux.

Nous nous interrogeons plus fortement encore sur les économies attendues des régimes à gestion paritaire, Unédic et retraites complémentaires, en l’absence de toute disposition concrète.

De la même manière, si le Gouvernement a intégré les moindres dépenses liées au report de la mise en œuvre de la loi sur le vieillissement, qu’en sera-t-il pour le décalage de la loi santé, à laquelle était conditionnée une bonne part des 3,2 milliards d’euros d’économies dans le champ de l’ONDAM ?

C’est pourquoi la commission des affaires sociales, rejoignant en cela les préconisations de la Cour, souhaite renforcer son contrôle sur l’exécution des lois de financement. Plus que jamais, il lui semble que l’enjeu pour le Parlement réside bien dans la réalité des dépenses exécutées, plus que dans les économies virtuelles annoncées. Nous y consacrerons plusieurs auditions, le mois prochain, dès que seront connus les premiers résultats de la clôture des comptes 2014 du régime général.

Le rapport public annuel 2015 de la Cour des comptes traite également plusieurs points particuliers touchant au domaine social.

Il s’intéresse au dispositif du chômage partiel. La Cour avait souligné voilà deux ans son impact limité, alors que l’Allemagne a su en faire un instrument efficace de préservation de l’emploi en période de ralentissement économique. Elle appelle à juste titre à évaluer l’efficacité des mesures incitatives votées en 2013 par le Parlement en vue de développer le nouveau dispositif d’activité partielle.

Dans le suivi de ses recommandations, la Cour revient également sur un sujet particulièrement important et d’actualité, à savoir l’accès aux soins palliatifs. C’est en effet l’un des rares points de consensus, dans le débat sur la fin de vie, que d’assurer à tous ceux qui souhaitent l’arrêt des soins curatifs une prise en charge adaptée leur procurant la meilleure qualité de vie possible.

La Cour note que le plan de développement des soins palliatifs a atteint ses objectifs en termes de nombre d’équipes et de nombre de lits. Mais elle souligne ce que nous constatons tous sur le terrain, à savoir que ces efforts sont encore insuffisants par rapport aux besoins. Insuffisance du développement des réseaux, participation des professionnels en ville encore trop faible, malgré l’implication des infirmières, et importantes inégalités territoriales se conjuguent pour que l’offre demeure très inférieure aux besoins.

La Cour note que nous ne connaissons pas encore l’ampleur exacte de ces besoins, faute d’études suffisamment précises. En fait, c’est d’une véritable culture palliative que manque notre pays, par comparaison notamment avec les pays anglo-saxons.

La Cour préconise notamment de mieux adapter les soins palliatifs aux maladies chroniques, d’offrir un accompagnement aux familles et de développer l’offre palliative dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Ces recommandations, parfois anciennes, se heurtent clairement à des problèmes de financement. J’espère que nous pourrons trouver des solutions à ces difficultés, avec la Cour et le Gouvernement.

Au-delà des éléments figurant dans le rapport qui nous est remis ce matin, je voudrais souligner l’ampleur des travaux réalisés par la Cour dans le sens d’une meilleure évaluation de nos politiques sociales.

Je pense évidemment au rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, qui, par son ampleur, s’apparente en quelque sorte à un second rapport public annuel entièrement consacré à la sécurité sociale.

Je pense à la certification des comptes du régime général, mais aussi aux nombreux rapports thématiques ou référés, qui constituent pour nous une source extrêmement précieuse, en termes d’analyses documentées et de propositions.

Je mentionnerai par exemple le très récent rapport sur les régimes de retraites complémentaires que la Cour est venue présenter le mois dernier devant notre mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS. Il s’agissait là d’une première : jusqu’à présent, la Cour n’avait pas eu l’occasion d’effectuer une analyse d’ensemble de ces régimes à gestion paritaire, dont la situation financière est préoccupante et dont les résultats sont pleinement intégrés aux comptes publics notifiés aux instances européennes. C’est donc un enjeu très important, pour nos concitoyens et pour nos finances publiques, que la Cour nous a permis de mieux appréhender.

Enfin, je voudrais rappeler que la commission des affaires sociales sollicite la Cour, comme le lui permet l’article LO. 132-3-1 du code des juridictions financières, pour des enquêtes sur des sujets qui lui semblent mériter une analyse indépendante et approfondie.

La Cour nous a ainsi rendu à l’été 2014 un important rapport dressant le bilan des relations établies, par le biais des conventions, entre l’assurance maladie et les différentes professions libérales de santé. Cette question est au cœur de l’équilibre délicat entre une large couverture des soins de santé par l’assurance obligatoire et le maintien d’une organisation libérale de la santé qui caractérise le système français. L’enquête a été pour notre commission riche d’enseignements sur de très nombreux points, que je ne développerai pas. Je citerai néanmoins l’une des recommandations, que nous partageons, visant à informer chaque année le Parlement des objectifs et des résultats de la politique conventionnelle.

Je souhaite également mentionner l’enquête sur la situation des maternités en France ; M. le président du Sénat y a fait référence. Demandée par l’ancienne présidente de la commission des affaires sociales, notre collègue Annie David, cette enquête nous a été remise voilà quelques semaines. Au-delà des échos schématiques, et très souvent inexacts, qui ont été donnés par la presse, elle analyse de manière objective la situation de ce secteur essentiel de notre système hospitalier. Les difficultés de recrutement, un financement inadapté, une certaine passivité face à des indicateurs de périnatalité insuffisants, une organisation manquant encore de cohérence… autant de constats qui appellent pour la Cour une politique active des pouvoirs publics. Nous avons jugé l’enjeu suffisamment important pour organiser le 4 mars prochain un débat en séance publique avec le Gouvernement sur la base de cette enquête.

Voilà qui m’amène à me féliciter que le rapport public annuel comporte sous forme synthétique une analyse du suivi des recommandations de la Cour. Cela nous permet de mesurer les progrès qui ont été accomplis, mais également les obstacles qui surviennent ou les marges qui subsistent sur la voie d’une gestion plus efficace de nos politiques sociales et des financements très importants qui leur sont consacrés.

C’est un élément qui conforte le concours que la Cour des comptes nous apporte dans l’exercice de nos fonctions législatives et de contrôle. Je ne doute pas que ce concours demeurera extrêmement utile dans les mois et les années à venir, à un moment où notre pays doit plus que jamais redresser ses comptes publics. (Applaudissements.)

M. le président. Nous en avons terminé avec la présentation de ce rapport.

Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.

(M. le Premier président de la Cour des comptes est reconduit selon le cérémonial d’usage.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Transition énergétique

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (projet n° 16, texte de la commission n° 264 rectifié, rapport n° 263, tomes I et II, avis nos 236, 237 et 244).

Nous poursuivons la discussion des articles.

Titre II (suite)

Mieux rénover les bâtiments pour économiser l’énergie, faire baisser les factures et créer des emplois

Mme la présidente. Au sein du titre II, nous poursuivons l’examen de l’article 3 B, dont je rappelle les termes :

Article 3 B (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Articles additionnels après l'article 3 B

Article 3 B (suite)

(Non modifié)

Avant 2030, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique.

Mme la présidente. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l’examen de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Revet, P. Leroy, Bizet, Portelli, Trillard et Houel et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

en visant une performance de 150 kilowattheures par mètre carré et par an

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement est simple. Il tend à compléter l’article 3 B en visant une performance de 150 kilowattheures par mètre carré et par an.

Classer les logements en partant des plus gros consommateurs énergétiques est une idée pertinente, mais il faut, en outre, viser une performance énergétique possible après rénovation énergétique ; 150 kilowattheures par mètre carré et par an doivent être accessibles à condition de procéder à des travaux pertinents.

Mme la présidente. L'amendement n° 588 rectifié, présenté par Mmes Lamure et Di Folco, MM. Calvet, Houel, Magras, P. Leroy et César et Mme Primas, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

en visant une performance de 150 kilowattheures par mètre carré et par an si le calcul économique le permet

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement est quasiment identique à celui qui vient d’être présenté par mon collègue Charles Revet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Sur ces deux amendements, qui ne sont pas tout à fait identiques puisque le second est un peu moins sévère que le premier, la commission avait émis un avis défavorable.

J’ai un peu peur des deux décisions qui ont été prises hier soir. Nous avons notamment décidé d’obliger la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures avant 2020. Par ailleurs, nous avons rendu obligatoire l’accélération des travaux pour tous les logements locatifs du parc privé. Or si les propriétaires ne veulent pas réaliser les travaux, madame la ministre, nul ne pourra les y obliger puisque aucune sanction n’est prévue. Je le précise car ces deux mesures sont encore un peu plus sévères et contraignantes.

L’objectif du Gouvernement est ambitieux. Nous sommes en train d’adopter des conditions encore plus strictes. Madame la ministre, ce qui va fonctionner, ce n’est pas le bâton, c’est la carotte. Tout dépendra des moyens financiers que vous accorderez pour inciter les Français à rénover les bâtiments. Vous prévoyez des contraintes sans aucune sanction. Si demain les propriétaires bailleurs privés ne veulent pas réaliser les travaux avant 2020, puisque la date est passée de 2030 à 2020, que se passera-t-il ? Il ne se passera rien et on aura encore plus de difficulté à atteindre les 500 000 logements rénovés. Idem pour ce qui est de baisser le plafond de 2030 à 2020.

Je veux bien que l’on continue à voter des mesures de plus en plus contraignantes, ces deux mesures le sont ; mais attention à ne pas adopter un comportement « plus rénovateur thermique que moi, tu meurs » ! Aussi, mes chers collègues, je vous suggère de retirer ces deux amendements. Le risque est grand de prendre ici des décisions qui n’auront aucune espèce d’effet, ce qui pourrait vous empêcher, madame la ministre, d’atteindre votre objectif. Selon moi, il convient d’adopter une attitude inverse. Ouvrez complètement le dispositif. N’obligez pas, mais permettez à ceux qui veulent rénover de faire les travaux, qu’ils soient propriétaires bailleurs ou propriétaires occupants. Ne mettez pas des freins et des barrières supplémentaires. Cela ne fera que vous compliquer la tâche. Mes chers collègues, ces amendements sont une contrainte supplémentaire. Ils ne sont pas illogiques ; il s’agit de prévoir une mesure très forte, mais on n’y arrivera pas et vous le savez. C’est la raison pour laquelle, je le répète, je vous suggère de les retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. M. le rapporteur revient sur l’amendement voté hier. Je rappelle que nous sommes confrontés à une urgence climatique. On ne peut pas, sur la scène internationale, dire qu’il a urgence par rapport au dérèglement climatique, puisque des centaines de millions de personnes seront menacées à l’échelle planétaire, et prévoir dix ans pour opérer la transition énergétique. L’amendement défendu hier par tous les groupes, qu’il s’agisse de l’UMP, du groupe socialiste, du groupe écologiste ou de l’UDI-UC, visant à ramener de dix ans – c’est très long dix ans, ce n’est pas une transition énergétique ! – à cinq ans la réalisation des travaux, me semble tout à fait raisonnable. Je suis d’accord avec vous : nous devons faire en sorte de prévoir un accompagnement technique et financier.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Surtout financier !

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet accompagnement existe. Il faut s’en saisir et entrer de plain-pied dans la transition énergétique. Plus le processus sera accéléré, plus les entreprises du bâtiment pourront programmer des investissements et créer les emplois nécessaires, et plus le coût des travaux baissera. En effet, si de telles opérations restent marginales, leur coût demeurera élevé. Plus leur nombre sera important, et plus il sera intéressant de doubler les fenêtres, d’isoler les combles, etc. D’ailleurs, beaucoup de régions, de départements, de communes mettent déjà en place des financements pour aider les particuliers à s’engager dans la transition énergétique. C’est du gagnant-gagnant. C’est gagnant pour la facture énergétique des citoyens, mais c’est surtout gagnant pour les entreprises, qui attendent vraiment avec impatience ces travaux. Si l’on disait aux entreprises que les particuliers ont dix ans pour rénover, cela manquerait de crédibilité.

Je me réjouis donc de l’amendement voté hier. Cinq ans, c’est déjà bien assez pour prendre la décision, engager et réaliser les travaux, payer les entreprises. Le crédit d’impôt de la transition énergétique est prévu pour cette année. Je ne sais pas s’il sera reconduit l’année prochaine. C’est au Parlement d’en décider et au Gouvernement de faire les arbitrages. Aujourd'hui, on donne aux familles le signal qu’il faut s’engager très rapidement dans la mise en place des travaux de rénovation en saisissant l’opportunité du crédit d’impôt qui allège la facture de 30 %.

Les amendements présentés vont dans le bon sens. Comment pourrais-je m’y opposer en tant que ministre chargée de l’écologie, d’autant qu’ils ont été déposés par des groupes politiques différents ? Cela signifie que ces derniers sont eux aussi en train de réfléchir à un modèle énergétique offensif, et je m’en félicite. Il est de ma responsabilité politique d’écouter le Sénat, de soutenir ces amendements et d’accompagner le changement, même s’il a des difficultés d’arbitrages interministériels, des pesanteurs, des résistances, bureaucratiques ou autres, qui rendent les avancées difficiles.

Faut-il néanmoins aller jusqu’à apporter une telle précision dans le texte ? Ce n’est pas évident. Je propose de sous-amender l’amendement de Mme Lamure. Certes, la performance énergétique visée ici est exigeante, mais comment pourrais-je être défavorable puisque je soutiens la construction de logements à énergie positive, notamment pour ce qui concerne les administrations et les bâtiments publics.

Nous devons tout de suite opter pour la haute technologie. En effet, si nous restons dans l’entre-deux, les entreprises du bâtiment se demanderont si ça vaut le coup d’investir immédiatement en faveur de la performance énergétique des bâtiments et de miser sur les matériaux, sur l’efficacité énergétique des fenêtres, sur la récupération de chaleur. Disons-leur oui, vous avez intérêt à anticiper puisque les normes seront de plus en plus exigeantes en la matière. Plus nous resterons dans les entre-deux, plus les choses traîneront, moins les investissements seront performants et moins les entreprises seront incitées à investir.

Voilà pourquoi je suis favorable à l’accélération de la transition énergétique, surtout si elle est proposée par le Sénat. Je suis favorable à ces amendements, car ma responsabilité de ministre de l’écologie est d’accompagner le mouvement afin d’être en phase avec les discours sur l’urgence climatique. Il convient néanmoins de préciser qu’un décret fixera le plus rapidement possible le niveau de cette performance énergétique.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Madame le ministre, nous sommes tous d’accord pour développer une politique qui minimise la consommation énergétique des logements. Dieu sait qu’il y a du travail, d’autant que les logements locatifs construits il y a cinquante ou soixante ans sont de vraies passoires et consomment énormément d’énergie. Nous sommes tous favorables aux logements à résultat positif. Vous avez d’ailleurs évoqué hier les coûts comparés, qui sont extrêmement importants.

Cela étant, je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 588 rectifié. J’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur : nous ne devons pas être trop contraignants. La proposition de ma collègue Mme Lamure est plus complète que la mienne.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. L’amendement de Mme Lamure est moins sévère !

Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Lamure. Je souhaite indiquer que mon amendement est assorti d’une condition très importante (M. Charles Revet opine.), à savoir « si le calcul économique le permet ».

Mme Élisabeth Lamure. Aussi, je propose de ne pas sous-amender cet amendement et de l’adopter en l’état.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Monsieur Revet, madame Lamure, je vous remercie de votre entente. Des deux amendements, celui qui a été présenté par Élisabeth Lamure est préférable en raison du petit membre de phrase « si le calcul économique le permet ».

M. Charles Revet. Certes, mais l’objectif est le même !

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Néanmoins, cet amendement obligera les propriétaires bailleurs privés à dépenser plus d’argent. (Mme Catherine Procaccia opine.) Plus il y aura de mesures techniquement contraignantes pour mieux isoler les logements, plus cela coûtera cher. Le propriétaire peut avoir un, deux ou trois logements. Bref, la mesure impactera un certain nombre de propriétaires de la classe moyenne. J’espère que vous êtes bien conscients des conséquences d’un tel amendement. (M. Jean Desessard s’exclame.) Quoi qu’il en soit, entre les deux propositions, je préfère bien sûr celle qu’a présentée Mme Lamure.

M. Charles Revet. Je le conçois !

Mme la présidente. Madame la ministre, souhaitez-vous finalement déposer un sous-amendement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Non, madame la présidente. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 588 rectifié.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J’ai du mal à comprendre le raisonnement de M. le rapporteur. Tout à l’heure, il a émis un avis négatif en argumentant que rien ne contraignait les propriétaires à réaliser les travaux. J’avais cru qu’il exprimait un certain regret et qu’il s’inscrivait bien dans la démarche d’une dynamique positive en faveur de la rénovation des bâtiments. Or là, il avance un argument inverse en déplorant le coût de la mesure.

Monsieur le rapporteur, quel que soit le moment où les travaux seront réalisés, ils auront un coût ! Cet argument n’est pas du tout compatible avec le précédent. Par ailleurs, que les travaux soient réalisés maintenant ou plus tard, ça coûtera cher ! Le problème c’est de savoir qui paie, quelles sont les aides et quelles sont les différentes modalités. Le coût sera à court terme, mais il y aura des économies à long terme : c’est le principe.

Votre dernier argument, à mon avis, n’est pas cohérent avec l’explication plutôt sensée que vous aviez avancée dans un premier temps.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 588 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3 B, modifié.

(L'article 3 B est adopté.)

Article 3 B (Texte non modifié par la commission) (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte
Article 3 (début)

Articles additionnels après l'article 3 B

Mme la présidente. L'amendement n° 719, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 3 B Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels devront faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation, selon leur niveau de performance énergétique.

Un décret en Conseil d’État précisera le calendrier progressif d’application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu’en 2050.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Nous sommes encore dans la dynamique d’hier soir, et j’ai du mal à me recaler par rapport aux clivages politiques habituels qui prévalent dans cette assemblée.

J’ai bien entendu M. le rapporteur expliquer que la stratégie du bâton ne fonctionnait pas et que seule la carotte comptait, donc l’esprit soixante-huitard soufflait ce matin sur notre assemblée et se traduisait dans les propos de notre rapporteur. Néanmoins, j’ai tendance à penser que la carotte et le bâton vont ensemble…

M. Jean Desessard. Toujours !

M. Ronan Dantec. … et que c’est ainsi que cela fonctionne le mieux.

L’amendement qui vous est proposé, et cela répond en partie aux objections formulées par M. le rapporteur, prévoit à quel moment s’impose la contrainte, autrement dit le bâton.

Or la mutation est le moment clé pour réaliser la rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels. C’est de surcroît le moment où le secteur bancaire intervient, notamment en termes de prêt relais. Par conséquent, s’il est un moment où l’on peut trouver les financements, prévoir une obligation légale, c’est bien celui de la mutation.

L’amendement que je vous présente vient compléter les dispositions que nous avons adoptées hier, y compris, comme l’a souligné Mme la ministre, l’obligation de rénovation du parc locatif en 2020, en prévoyant qu’à partir de 2030, autrement dit à une date extrêmement raisonnable – si certains proposent d’avancer l’échéance à 2020, je les suivrai -, les bâtiments privés résidentiels devront faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation, selon leur niveau de performance énergétique.

De façon toujours aussi modérée, mais nous sommes prêts à durcir le texte, cet amendement prévoit un calendrier progressif d’application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu’en 2050, ce qui nous permet de tenir l’objectif de 2050 inscrit dans la loi.

Il s’agit donc d’un amendement de complément du dispositif existant, extrêmement modéré dans sa mise en application.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, l’obligation supplémentaire prévue par cet amendement n’est pas bénigne ! (MM. Ronan Dantec et Jean Desessard sourient.)

Si vous devez vendre pour des raisons personnelles, chômage, départ en maison de retraite, le couperet tombe ! Aux termes de cet amendement, dès que l’on vend, on doit obligatoirement réaliser des travaux de rénovation.

M. Ronan Dantec. Absolument !