M. Éric Doligé. C’est horrible de complexité !

M. Charles Guené. Deux autres fonds sont destinés à compenser le reste à charge au titre des trois allocations de solidarité.

L’un est un fonds de 830 millions d’euros de restitution des frais de gestion de la taxe sur les propriétés bâties perçus par l’État, assis, à hauteur de 70 %, sur le reste à charge au titre des allocations, et pour 30 % sur un indice de ressources et charges tenant compte du revenu moyen par habitant et des trois allocations de solidarité. Je ne détaillerai pas plus avant ce dispositif, me bornant à relever qu’un système de pondération vient réguler l’ensemble, sans tenir compte toutefois de la population, ce qui avantage indirectement les départements les moins peuplés.

Le troisième fonds, assis sur les DMTO, prélève 0,35 % du produit des transactions immobilières perçu l’an passé, soit 570 millions d’euros. Il autorise une hausse de 3,8 % jusqu’à 4,5 % du taux des DMTO pour financer le prélèvement. Ce fonds agit donc également sur le premier fonds de DMTO, qu’il peut abonder en complément, jusqu’à un certain plafond.

Je vous fais grâce du détail de la redistribution…

M. René-Paul Savary. C’est pourtant important !

M. Charles Guené. Je dirai simplement que le potentiel fiscal servant à la déterminer est curieusement corrigé de l’effet de la réforme de la taxe professionnelle, ce qui ne manque pas d’interpeller. Cette précision suffit à souligner la complexité du système mis en place !

Je n’évoquerai que brièvement le quatrième fonds, le fonds de solidarité des départements de la région d’Île-de-France, ou FSDRIF. Il a été fixé à 60 millions d’euros et concerne les huit départements d’Île-de-France. Il est fondé sur le potentiel financier, le revenu par habitant, la proportion d’allocataires du RSA et celle de bénéficiaires des aides personnalisées au logement. Alimenté par les départements dont l’indice est supérieur à 95 % du niveau médian, le prélèvement ne peut dépasser 10 % des recettes de fonctionnement. En outre, un département ne peut pas contribuer à plus de 50 %. En pratique, ce plafond joue pour les Hauts-de-Seine et le fonds est essentiellement destiné à la Seine-Saint-Denis.

Rassurez-vous, mes chers collègues, j’ai achevé l’explication de cette belle mécanique péréquative. Encore ai-je volontairement omis quelques détails… (Sourires.)

Je terminerai par quelques considérations prospectives.

Malgré la complexité du dispositif, gardons-nous de « jeter le bébé avec l’eau du bain ». A contrario, il faut porter au crédit des dispositions mises en place le fait qu’elles répondent aujourd’hui, pour une large part, à une situation d’urgence due à la crise économique que nous subissons et aux mesures contributives imposées par l’effort d’économie demandé aux collectivités.

Penser que ces dispositions ne sont que la résultante de la réforme de la taxe professionnelle serait faire preuve de courte vue. En réalité, notre système fiscal local est à bout de souffle. (M. Jacques Mézard opine.) Il atteint aujourd’hui les limites du supportable, face à une mutation qui s’achève. Tous les chercheurs et les praticiens qui se penchent lucidement sur lui en conviennent, et les parlementaires que nous sommes seraient bien inspirés de prendre la mesure de la situation. Encore faut-il poser correctement les termes du débat.

Force est de constater que, depuis trente ans, nous avons évolué vers un système de dotations, alors que l’illusion d’une autonomie fiscale, issue d’une autre époque, s’est insinuée avec la libéralisation de l’emprunt local.

En réalité, nous sommes entrés progressivement dans un système opaque de globalisation des subventions. Conjuguée à la dette engendrée par un déficit budgétaire récurrent devenu insupportable, la crise économique a mis au jour la nécessité d’un premier choc, celui de la réforme constitutionnelle de 2003.

Le besoin de redéfinir l’autonomie financière est né de l’ambiguïté d’un système devenu la juxtaposition de ressources après que les « quatre vieilles » eurent été vidées de leur substance au fil des dégrèvements et des exonérations. La suppression de la part « salaires » est ensuite venue condamner définitivement la taxe professionnelle. Cette réforme a imposé la spécialisation fiscale par niveau.

Dès lors, nous voyons bien qu’il convient d’asseoir l’établissement d’une fiscalité partagée entre l’État et les collectivités en adoptant une gestion systémique. Les impôts locaux classiques doivent être, pour l’essentiel, remplacés par des impôts nationaux évoluant en fonction de la croissance réelle et corrigés, bien sûr, par la nécessaire péréquation entre des territoires qui ne maîtrisent plus ni leur destin ni les croissances asymétriques qui se sont fait jour. La recherche des bons critères sera la clef de voûte de cette entreprise.

Une telle révolution ne peut se concevoir qu’à deux conditions.

La première, c’est que les uns, abandonnant leur approche trop centralisatrice, cessent de considérer les collectivités comme une variable d’ajustement, que les autres, délaissant une autonomie béate relevant d’un Moyen Âge fiscal, prennent la mesure des défis internationaux qui nous attendent, et que tous enfin s’accordent sur une gouvernance systémique de concertation et de décision. Il s’agit de refonder la gestion financière publique locale et nationale, ce qui imposera d’approfondir la réflexion sur la qualité de la dépense.

La seconde condition, c’est qu’une telle réforme, qui devrait bien entendu conduire à asseoir pour chacun le préciput, qui serait affecté au remboursement de la dette, sur la part d’impôt qu’il recevrait, doit faire l’objet d’une disposition constitutionnelle, afin de garantir la pérennité du système, même si, comme le dit le professeur Hertzog « l’autonomie ne désigne pas un état, mais plutôt un moment transitoire, caractérisé par ses insuffisances et une imperfection dont le dépassement attendu fera basculer dans un état stable, aux traits mieux affirmés, et promis à la permanence, l’indépendance ou souveraineté par exemple ». Je partage cette idée avec d’autres. Pour l’heure, un tel objectif peut sembler contraignant, mais il est rassurant dans le temps ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette initiative parlementaire d’organiser un débat en séance publique sur l’évolution de la péréquation est bienvenue. En effet, le Sénat n’a pas eu l’occasion de se pencher sur cette question lors de l’examen des projets de loi de finances pour 2013 et pour 2014.

Avec la réforme de la taxe professionnelle, la crise qui se prolonge, le gel puis la baisse des dotations de l’État, nos finances locales ont subi des bouleversements répétés au cours des dernières années.

Dans ce contexte particulièrement tendu, la question de la réduction des écarts de richesse entre les collectivités devient incontournable. Une raison essentielle, à tout le moins, justifie cette priorité : les collectivités les plus fragiles subissent de plein fouet ces nouvelles contraintes et risquent d’être confrontées à de graves difficultés si la solidarité nationale ne joue pas en leur faveur.

Le chantier de la péréquation est donc capital, d’autant que la diminution des dotations inscrite dans la loi de finances pour 2014 est appelée à se poursuivre en 2015, sans parler des 50 milliards d’euros d’économies nouvelles qui s’annoncent et risquent de peser sur les budgets des collectivités…

Qu’en est-il aujourd’hui de la péréquation au sein du bloc communal ?

La part de la péréquation verticale dans la dotation globale de fonctionnement a fortement augmenté entre 2004 et 2013. Elle atteint aujourd’hui 25 %, ce qui est assez considérable. Néanmoins, l’efficacité de la péréquation verticale reste à prouver, car sa performance a reculé depuis 2001 pour les communes, ainsi d’ailleurs que pour les départements.

Plusieurs facteurs concourent à cette situation.

Tout d’abord, en l’absence d’augmentation de la DGF, les montants affectés à la péréquation dépendent désormais directement d’un prélèvement sur une partie des dotations. Autrement dit, le financement de la solidarité nationale en faveur des collectivités les plus fragiles est assuré par la baisse d’une partie des ressources de celles-ci ! La péréquation verticale n’est donc aujourd’hui rien d’autre qu’une redistribution interne d’une part de la DGF.

Concrètement, le renforcement de la péréquation verticale s’est traduit par la baisse du complément de garantie. Entre 2012 et 2013, le nombre de communes concernées par cette diminution est passé de plus de 3 800 à plus de 14 000, et cette tendance devrait au moins se maintenir en 2014.

Je rappelle que le complément de garantie peut constituer jusqu’à 50 % de la dotation de base d’une commune. En outre, il varie considérablement selon les communes, sans être réellement lié à leur niveau de richesse actuel, dans la mesure où il est assis sur des éléments historiques. Pour financer la péréquation verticale, l’État reprend donc d’une main ce qu’il a donné de l’autre.

Il existe une deuxième raison à ce manque d’efficacité de la péréquation verticale : la dilution des montants qui lui sont affectés et son ciblage insuffisant, malgré des évolutions positives à cet égard.

En ce qui concerne la dotation de solidarité rurale, la DSR, sa part issue de la péréquation a profité, en 2013, à 34 590 communes, à hauteur de 490 millions d’euros seulement, soit moins de 2,15 % de la DGF communale. Son effet péréquateur reste donc à démontrer. Cela a d’ailleurs conduit le Sénat à créer en 2011, sur ma proposition et celle de François Marc, une part de la DSR ciblée sur les 10 000 communes les plus pauvres de France.

La loi de finances pour 2013 a considérablement amélioré les modalités d’attribution de la DSR, en introduisant parmi les conditions d’éligibilité un critère de revenu par habitant. Cette mesure, qui prend en compte la fragilité du territoire, associée à celle de la commune, a permis de renforcer le caractère péréquateur de la DSR.

J’ajoute – quand les choses vont dans le bon sens, il faut le dire – qu’en 2013, à l’issue du vote de la loi de finances et des choix du Comité des finances locales, la DSR « cible » a augmenté de près de 58 %, ce qui en fait déjà une dotation de péréquation efficace.

Concernant la DSR « bourg-centre », qui prend en compte les charges de centralité, 4 057 communes en ont bénéficié en 2013, pour un montant global de 361 millions d’euros. Les chefs-lieux de canton et les petites villes sont très attachés à la prise en compte de ces charges, parce qu’ils assurent très souvent des services de proximité qui profitent à l’ensemble de leur bassin de vie.

Sur ce point, madame la ministre, nous avons besoin d’être rassurés, même si le problème ne se posera pas avant 2017 : beaucoup d’élus nous ont interpellés au sujet du sort de la DSR « bourg-centre » lorsque leur commune, intégrant un nouveau canton plus vaste, ne sera plus considérée comme un chef-lieu de canton. Cette évolution pourrait provoquer la suppression pure et simple de cette dotation, alors même que les dépenses de centralité resteraient à leur charge. Sur ma proposition et celle de Jean Germain, la commission des finances du Sénat avait présenté une disposition permettant son maintien au-delà de 2015. L’occasion est propice, madame la ministre, pour vous interroger sur cette question, qui inquiète à juste titre de très nombreux élus.

J’en viens à la fameuse péréquation horizontale, qui a suscité de si nombreux commentaires et qui monte en charge au même rythme que le mécontentement de ses contributeurs.

Pour 2014, malgré la baisse annoncée des dotations, la montée en puissance de cette solidarité financière entre les collectivités a été maintenue.

Dans le même temps, une augmentation du poids du critère de revenu par habitant dans le calcul des prélèvements a permis une meilleure prise en compte de la fragilité de certains territoires, notamment en zones rurales. Cette mesure, qui se révèle donc efficace, correspondait à une proposition du Comité des finances locales, que j’avais défendue. Il faudra néanmoins s’interroger sur l’opportunité d’aller plus loin ou, à tout le moins, d’éviter les effets de seuil produits par le déclenchement du prélèvement à partir d’un potentiel financier agrégé supérieur à 0,9 fois la moyenne nationale. La brutalité de ce processus pose problème et mérite, à mon sens, d’être corrigée.

De la même façon, une autre question essentielle se pose au regard des modalités de mise en œuvre du FPIC : celle de l’effort fiscal. Comment, en effet, prétendre bénéficier de la solidarité de son voisin si l’on ne fait pas déjà l’effort de mobiliser, ne serait-ce que modérément, la solidarité sur son propre territoire ? Il faudra donc veiller à maintenir la progression de l’effort fiscal déjà prévue pour 2015 dans la dernière loi de finances.

Enfin, la question de la répartition du FPIC au sein de l’intercommunalité et entre communes mérite d’être posée. En effet, le nouveau mode d’élection des conseillers communautaires va conduire à la représentation des minorités issues des conseils municipaux. S’il s’agit d’une excellente chose pour notre démocratie locale, les règles actuelles de répartition du FPIC, notamment celle de l’unanimité, devront sans doute évoluer afin d’éviter les blocages.

Je conclurai cette première partie de mon propos par une remarque et deux suggestions.

Tout d’abord, dans la perspective de la baisse des dotations de l’État aux collectivités, la montée en puissance de la péréquation horizontale sera de plus en plus incertaine, dans la mesure où le consensus nécessaire à son augmentation sera difficile à trouver. Dans ce contexte, ne faudrait-il pas à l’avenir moduler la baisse des dotations au regard de la capacité contributrice des collectivités ? Cette question mérite d’être posée, si nous voulons éviter que ne se creusent encore les écarts de richesse entre les communes.

En outre, c’est peut-être aussi au sein même des composantes de la DGF qu’il faut trouver les moyens de mieux prendre en compte les territoires et leurs spécificités.

Je pense à la dotation de base des communes, dont la méthode de calcul, qui fait intervenir un coefficient logarithmique, pourrait être utilement revue.

Je pense aussi à la dotation superficiaire, qui est restée très faible et n’est pas aujourd’hui en mesure de compenser équitablement les charges d’entretien de l’espace auxquelles ont à faire face les communes, particulièrement en montagne.

Je pense enfin à la dotation d’intercommunalité, qui pourrait également être revue tant les écarts entre communautés d’agglomération et communautés de communes ne correspondent nullement à la réalité des compétences exercées.

Je souhaiterais maintenant évoquer brièvement la péréquation départementale.

Madame la ministre, vous le savez, les changements des critères d’éligibilité au fonds national de péréquation des DMTO, qui ont amené l’introduction de la notion de « revenu par habitant pondéré par la population », ont profondément ému les élus.

Cette disposition, inadaptée à la prise en compte de la diversité des territoires, a fortement pénalisé les départements ruraux. Dans le même temps, les départements se sont trouvés confrontés à un effet de ciseaux, entre l’augmentation de leurs dépenses à caractère social et une tension sur leurs ressources, due notamment aux effets de la réforme de la taxe professionnelle. Devant la vive émotion des élus, le Gouvernement a mis en place des mécanismes compensatoires en prolongeant le fonds d’urgence, en créant un prélèvement de solidarité et en affectant une nouvelle recette de 827 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances pour 2014.

Il faut toutefois reconnaître que, si certains départements s’y retrouvent, d’autres, au contraire, revendiquent encore une meilleure prise en compte de leur situation particulière. Le compte n’y est donc pas, si je puis dire.

Le prélèvement de solidarité issu du déplafonnement des DMTO pose à nouveau la question des inégalités de situation entre les territoires et fait peser sur le contribuable un risque de double peine pour les départements ruraux à faible base fiscale. Dans ces conditions, il serait plus équitable de ne pas soumettre au prélèvement ces départements, déjà pénalisés par leurs handicaps.

Par ailleurs, la question du changement des critères injustes retenus pour l’attribution du fonds « historique » de péréquation des DMTO reste d’actualité, tout comme celle de la simplification et de la clarification nécessaires de ces dispositifs de solidarité. Malgré toutes les explications fournies aux élus, ceux-ci ont en effet encore du mal à s’y retrouver !

Un nouveau potentiel fiscal a été défini pour le calcul du prélèvement de solidarité. Je salue cette avancée sur une question qui avait suscité la mobilisation de nombre d’entre nous. La définition de ce nouveau potentiel fiscal, issue de la réforme de la taxe professionnelle, avait engendré un bouleversement dans le classement des départements selon la richesse. Il est donc urgent de la revoir pour le calcul de l’ensemble des dotations de péréquation. J’avais déposé une proposition de loi en ce sens, cosignée par mes collègues du groupe UDI-UC. Il s’agit d’un élément essentiel pour répondre aux préoccupations des territoires les plus fragiles.

Concernant, enfin, la répartition des 827 millions d’euros, si le critère du reste à charge est sans doute légitime, il demeure insuffisant. En tout état de cause, l’évaluation des efforts consacrés par le département à la maîtrise de ses dépenses d’aide sociale devrait aussi être prise en compte pour la répartition du fonds. Avec les critères actuels, en effet, un département « vertueux » en matière de gestion de ses charges à caractère social se trouve pénalisé.

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Pierre Jarlier. En outre, la fragilité de certains départements ruraux, notamment de moyenne montagne, devrait être mieux prise en compte, avec une augmentation du poids des critères reflétant la spécificité de leur situation, comme celui du revenu par habitant, par exemple.

Ce sont là autant de questions imposant, madame la ministre, la poursuite du travail collectif engagé l’an dernier, d’abord avec le CFL, puis, malheureusement, avec la seule Assemblée nationale. Même s’il est un peu tard pour les vœux, j’espère que le Sénat pourra y contribuer activement cette année ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2003, la péréquation est un objectif à valeur constitutionnelle. L’article 72-2 de la Constitution dispose en effet que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».

Les sénateurs socialistes se sont toujours battus pour développer les mécanismes de péréquation verticale, par le biais de dotations de l’État, ou horizontale, c’est-à-dire entre collectivités. L’effort de péréquation atteint aujourd’hui 10 milliards d’euros et a connu une forte progression ces dernières années.

Au regard des marges de manœuvre fiscales et financières, qui devraient être durablement contraintes dans les prochaines années, la question du devenir de la péréquation sera stratégique pour les finances locales.

Le pacte de confiance et de responsabilité du 16 juillet 2013 a entériné la poursuite de la montée en puissance de la péréquation dans le cadre de la loi de finances pour 2014, malgré la baisse de 1,5 milliard d’euros des dotations cette même année.

Les mécanismes de péréquation verticale – DSU, DSR – et de péréquation horizontale – FPIC et fonds départementaux – continueront de progresser en 2014.

Vous le savez, madame la ministre, dans le domaine de la péréquation comme dans de nombreux autres, notre imagination est sans limite ! Ainsi, il existe aujourd’hui seize fonds de péréquation, dont la complexité n’a d’égal que le manque de lisibilité.

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Éric Doligé. C’est fait exprès !

M. Gérard Miquel. Alors que nous nous apprêtons à travailler à une réforme de la DGF, nous devons donc aller vers une simplification, qui offrira plus de lisibilité et permettra à tous les élus de comprendre des mécanismes qui, au fil du temps, sont devenus extrêmement complexes et profondément injustes.

Une part importante de la DGF devrait être attribuée de façon égale par habitant. Aujourd’hui, les collectivités rurales perçoivent beaucoup moins par habitant que les collectivités urbaines. Leur population est pourtant moins nombreuse, tandis que leurs charges de services sont très importantes. Certains départements, par exemple, doivent entretenir vingt-quatre kilomètres de routes par habitant. D’autres doivent payer la mise en place du haut débit, nécessaire pour assurer l’égalité entre citoyens, alors que, dans les départements à forte densité de population, les opérateurs prennent en charge les travaux, sans que les collectivités aient à intervenir. Il s’agit là d’un manquement au principe d’égalité.

Que dire des dotations aux intercommunalités ?

Nous avons constitué d’abord les intercommunalités rurales, car nous étions confrontés à la faiblesse des ressources de ces territoires. La mutualisation était donc une obligation.

Il a fallu la loi Chevènement pour entraîner les grandes agglomérations dans l’aventure de l’intercommunalité, avec une dotation par habitant particulièrement élevée, donc très incitative. Ainsi se sont formés les écarts très importants que nous observons aujourd’hui entre petites et grandes intercommunalités. Certaines de ces dernières redistribuent aux communes une très grande partie de ces dotations : est-ce bien conforme à l’esprit de l’intercommunalité ?

Une remise à plat est devenue indispensable, par souci de justice et pour satisfaire à l’esprit de l’article 72-2 de la Constitution, qui pose le principe d’égalité.

Les départements vous savent gré, madame la ministre, des mesures prises pour compenser les dépenses liées aux trois allocations individuelles de solidarité, au travers de deux enveloppes d’un montant global de 1,4 milliard d’euros.

M. Gérard Miquel. Je vais m’expliquer, mon cher collègue !

Sur ce total, 827 millions d’euros proviennent des frais de recouvrement des impôts locaux et 568 millions d’euros d’un prélèvement de 0,35 % au titre des DMTO. Ces sommes, je le répète, visent à compenser les dépenses liées aux trois allocations individuelles de solidarité et à leur reste à charge.

Votre volonté de réduire les écarts en matière de reste à charge par habitant est louable. Sur ce sujet, qui nous préoccupe depuis longtemps, c’est à mes yeux le seul critère qui vaille !

Les critères de répartition que vous avez retenus, mariant le reste à charge et des éléments de richesse, nous ont permis d’obtenir des résultats extrêmement intéressants. Il s’agit ici d’une compensation péréquée. Pour la répartition, il a été tenu compte à la fois du potentiel fiscal et des recettes issues des droits de mutation.

Si vous souhaitez améliorer la péréquation l’an prochain, madame la ministre, je vous suggère de prélever sur les DMTO non pas 0,5 %, mais 0,7 %, sans plafonnement, afin de diminuer à nouveau le reste à charge par habitant et de réduire encore les écarts en la matière, qui restent importants.

Compte tenu de la disparité des recettes issues des DMTO, il me semble indispensable de maintenir un système de péréquation en réunissant les deux fonds, avec un prélèvement général au même taux pour tous, sans plafonnement. La répartition devrait s’opérer en prenant en compte des critères objectifs de richesse, de charges et d’effort fiscal.

Si, dans quelques semaines, nous confortons les départements dans leur rôle de mise en œuvre des solidarités sociales et territoriales, il faudra tenir compte des écarts de richesse et instituer des fonds de péréquation adaptés, afin de permettre aux conseils généraux d’assurer le financement de ces compétences dans des conditions justes et égales pour tous les citoyens, qu’ils soient ruraux ou urbains.

Le critère de l’effort fiscal devra être pris en compte : croisé avec le potentiel fiscal, il constitue un bon indicateur.

La révision des bases est nécessaire ; repoussée par manque de courage politique, elle est aujourd’hui urgente, notamment pour les départements qui perçoivent la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont le produit est aujourd'hui réparti de façon très injuste.

Je voudrais maintenant répondre à mon ami Jacques Mézard, qui m’a nommément cité tout à l’heure.

Oui, mon cher collègue, j’ai fait du lobbying auprès de l’Assemblée des départements de France, parce que la part respective dans les dépenses du RSA, de l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, et de la PCH, la prestation de compensation du handicap, varie énormément d’un département à l’autre. Dans des départements comme les nôtres, cher Jacques Mézard, le poids de l’APA est très lourd, dans d’autres c’est celui du RSA.

Or nous étions partis de la répartition suivante : 60 % pour le RSA, 30 % pour l’APA et 10 % pour la PCH, ce qui ne répondait pas à la diversité des situations.

M. Gérard Miquel. Cela valait pour tous les départements : certains étaient très favorisés, tandis que d’autres étaient fortement pénalisés.

Pour plus de justice, nous avons donc proposé à l’ADF et au Gouvernement de prendre pour critère le reste à charge global par habitant, proposition qui a été retenue.

Ainsi, les écarts ont pu être considérablement réduits, sachant que nous étions partis, en matière de reste à charge par habitant, de 64 euros pour l’Essonne à plus de 159 euros pour la Guadeloupe, La Réunion ou l’Hérault.

Vous avez pris cette mesure, madame la ministre, dans une période où les difficultés financières sont particulièrement aiguës. Ces difficultés sont liées à la conjoncture économique, mais aussi à la dérive des financements de ces trois allocations individuelles de solidarité que nous constatons depuis des années.

Auparavant, on nous faisait l’aumône. Ainsi, en 2011, ce sont 160 millions d’euros qui ont été répartis…

M. Bruno Sido. Grâce à M. Fillon !

M. Gérard Miquel. … au doigt mouillé, on ne sait trop comment. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. René-Paul Savary. Nous, on sait comment !

M. Bruno Sido. Et la Corrèze ?

M. Gérard Miquel. Que je sache, la Corrèze n’était pas de la même couleur politique que le Premier ministre d’alors !

M. Éric Doligé. Eh non ! Nous étions ouverts, nous !