Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble possible d’aboutir à un consensus sur cet amendement du Gouvernement, qui fait suite à une réflexion engagée l’an dernier, lors de la discussion du PLFSS, sur la difficulté spécifique, pour les familles modestes, d’accéder à un mode de garde, quel qu’il soit.

En effet, les chiffres font apparaître que, dans les familles les plus modestes, près de 90 % des enfants sont gardés par la mère de famille. Cette situation, qui ne résulte pas toujours d’un choix, éloigne les femmes concernées de l’emploi. De plus, elle est profondément inégalitaire au regard des enfants.

Nous avions décidé d’instaurer le principe du tiers payant pour le complément de libre choix du mode de garde, mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant qu’elle ne relevait pas d’une loi de financement de la sécurité sociale.

Je tiens à remercier Najat Vallaud-Belkacem d’avoir accepté de l’introduire dans le présent projet de loi pour faciliter, en particulier, l’accès aux services des assistantes maternelles pour les familles les plus modestes. Je salue à cet égard l’amendement de Mme Jouanno. Nous proposons cependant d’élargir le champ des bénéficiaires du tiers payant aux familles dont les revenus n’excèdent pas 24 000 euros, quand elles comptent deux enfants, ou 21 000 euros, quand il n’y a qu’un seul enfant. Cela permettrait de faciliter le recours aux assistants maternels pour un plus grand nombre de familles modestes et de sécuriser des professionnels qui peuvent parfois hésiter à accepter la garde d’un enfant compte tenu de la faiblesse des revenus de ses parents.

Je vous invite à voter cet amendement, qui donne un signal fort en faveur du développement des modes de garde pour les familles les plus modestes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements ont pour objet la mise en place d’une expérimentation de versement direct du tiers payant à l’assistante maternelle pour le complément de libre choix du mode de garde, celui du Gouvernement prévoyant un champ d’application plus large. Le sujet avait été abordé lors de la discussion du PLFSS pour 2013. La commission des affaires sociales du Sénat avait alors accueilli très favorablement le principe de cette expérimentation.

L’objectif est bien de faciliter l’accès à un mode de garde individuel pour les familles les plus modestes, sachant que le niveau de vie des parents influe fortement sur les choix opérés en matière de modes de garde. Pour les familles les plus modestes, l’effort financier est deux fois plus important lorsqu’il s’agit d’un mode de garde individuel plutôt que d’un mode de garde collectif, c’est pourquoi nous insistons, encore et toujours, sur la nécessité d’ouvrir des crèches et d’offrir des places dans des structures d’accueil collectif des jeunes enfants.

La commission des affaires sociales émet un avis favorable sur l’amendement n° 191 rectifié du Gouvernement et demande le retrait de l’amendement n° 75 rectifié bis, qui peut être considéré comme satisfait.

En accord avec le président de la commission des lois, je demande, au nom de la commission des affaires sociales, la priorité pour l’amendement n° 191 rectifié.

M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote sur l’amendement n° 191 rectifié.

Mme Chantal Jouanno. Je crois que nous pouvons tous reconnaître à Jean-François Lagarde la paternité de ce dispositif et le remercier d’avoir déposé sa proposition de loi, dont s’inspirent les deux amendements, presque identiques. Je retire le mien au profit de celui du Gouvernement, dont le champ d’application est plus large.

M. le président. L’amendement n° 75 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote sur l’amendement n° 191 rectifié.

Mme Isabelle Pasquet. Nous avions déjà évoqué cette mesure lors de la discussion du PLFSS, l’année dernière. Il est regrettable qu’elle ait été censurée par le Conseil constitutionnel, ce qui a empêché l’expérimentation de se mettre en place dès le 1er janvier de cette année.

C’est un dispositif intéressant tant pour les familles que pour les assistantes maternelles. J’attire cependant l’attention du Gouvernement sur la charge de travail supplémentaire que sa mise en œuvre va représenter pour les salariés des caisses d’allocations familiales, dont la situation est déjà difficile.

Par ailleurs, comment procédera-t-on dans les cas d’urgence ou pour les périodes de très courte durée ? Comment répondra-t-on aux besoins de garde ponctuels ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un bilan sur la répartition des contrats d’avenir entre les sexes et sur la contribution que ces contrats apportent à la lutte contre les stéréotypes professionnels.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’objet de cet amendement est d’éclairer la représentation nationale sur la façon dont le dispositif des emplois d’avenir s’inscrit dans la politique de promotion de l’égalité professionnelle.

Nous proposons qu’un bilan de ce dispositif soit établi par le Gouvernement, afin d’analyser la répartition des contrats entre les candidats des deux sexes et, sur le plan qualitatif, d’étudier dans quelle mesure ils ont contribué à la lutte contre les stéréotypes professionnels.

Cet amendement reprend la recommandation n° 15 de la délégation aux droits des femmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il me semble que le rapport annuel d’évaluation que le Gouvernement doit remettre au Parlement en application de l’article 5 de la loi du 26 octobre 2012 créant les emplois d’avenir permettra déjà une telle analyse.

Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Dès la mise en place des emplois d’avenir, le Gouvernement a souhaité assigner pour objectif au dispositif la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la mixité.

De fait, je suis en mesure de vous donner une information quantitative intéressante sur ce point : sur les 50 000 emplois d’avenir déjà conclus, 50,6 % ont été attribués à des jeunes filles. Nous disposerons prochainement d’éléments qualitatifs, concernant par exemple le type d’emplois.

Au bénéfice de ces indications, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer l’amendement n° 14 rectifié.

M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES FEMMES CONTRE LES VIOLENCES ET LES ATTEINTES À LEUR DIGNITÉ

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la protection des femmes victimes de violences

Articles additionnels après l'article 6
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 7

Article additionnel avant l'article 7

M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Vaugrenard, Mirassou, Leconte et Godefroy, Mmes Alquier, Bourzai, Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :

Avant l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 515-9 du code civil, les mots : « Lorsque les violences » sont remplacés par les mots : « en cas de violences » et les mots : « à cette dernière » par les mots : « à la victime ».

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Toute situation de violence comportant un danger potentiel, il convient de permettre l’accès à une mesure de protection à toute femme victime de violences. Cette disposition permettra aussi de protéger le foyer d’hébergement ou la structure d’accueil d’accusations d’obstruction aux droits des pères.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Même si l’on peut partager l’objectif de protéger les foyers d’accueil, la rédaction proposée ne nous semble pas de nature à permettre de l’atteindre.

Par ailleurs, toute situation de violence appelle certes la prise de mesures de protection, mais pas forcément une ordonnance de protection, qui prive l’auteur des violences d’un certain nombre de droits. Il ne nous paraît donc pas opportun d’entrer dans une sorte d’automaticité de l’ordonnance de protection : il faut laisser le juge décider.

Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission des lois, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’avoue, madame Meunier, ne pas bien mesurer la portée de cet amendement, qui ne me paraît pas modifier l’état du droit ni répondre à votre vœu de renforcer la protection des femmes. Il me semble que nous pourrons mieux atteindre cet objectif au travers de la réforme de l’ordonnance de protection que j’ai proposée, avec la réduction des délais de délivrance, l’allongement à six mois des effets, la possibilité d’organiser des audiences séparées.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Meunier, l’amendement n° 101 rectifié est-il maintenu ?

Mme Michelle Meunier. Je me suis sûrement mal fait comprendre… Je voulais attirer l’attention sur le grand danger encouru par les femmes soumises à l’emprise de leur conjoint. Je reformulerai cette proposition ultérieurement. Pour l’heure, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 101 rectifié est retiré.

Article additionnel avant l'article 7
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
Article 8

Article 7

(nouveau). – Les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l’article 515-10 du code civil sont ainsi rédigées :

« Le juge sollicite l’avis de la victime sur l’opportunité de tenir les auditions séparément. Les auditions se tiennent en chambre du conseil. »

II. – L’article 515-11 du même code est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « délivrée », sont insérés les mots : « , dans les meilleurs délais, » ;

2° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° Préciser lequel des partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou des concubins continuera à résider dans le logement commun et statuer sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences ; »

3° (nouveau) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le juge délivre une ordonnance de protection en raison de violences, susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants, il en informe sans délai le procureur de la République.

« L’ordonnance de protection délivrée à un étranger est notifiée par le juge à l’autorité administrative compétente, pour lui permettre de délivrer la carte de séjour temporaire dans les conditions prévues à l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »

III. – À la fin de la première phrase de l’article 515-12 du même code, les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « six mois à compter de la notification de l’ordonnance ».

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. L’ordonnance de protection, mesure centrale de la loi du 9 juillet 2010 se substituant au « référé violence », vise à fournir un cadre d’ensemble aux personnes victimes de violences, leur permettant de stabiliser leur situation juridique.

J’insiste sur le fait que la gamme des mesures à la disposition du juge est bien plus large, dans le cadre de l’ordonnance de protection, que dans celui d’une procédure pénale et d’un contrôle judiciaire.

L’ordonnance de protection a fait ses preuves et elle est jugée positivement par les associations. La situation juridique de la victime est mieux assurée. Malheureusement, on enregistre de fortes disparités territoriales en matière de délivrance de l’ordonnance de protection.

Bien utilisé dans certains départements, ce dispositif ne l’est pas, ou si peu, dans d’autres. Pourquoi ? Est-ce dû à des difficultés pour établir des preuves ? Au désistement des requérantes ? À un défaut de connaissance du dispositif et des mesures qui peuvent figurer dans l’ordonnance de protection ? À un manque de formation des magistrats, des avocats ? Je ne sais pas !

Il est vrai que l’attribution de pouvoirs pénaux aux juges aux affaires familiales, les JAF, nécessite, comme le soulignent Danielle Bousquet et Guy Geoffroy dans leur rapport, une véritable révolution culturelle de leur part.

Or, comme cela a été dit, il suffit qu’un seul maillon de la chaîne fasse défaut pour que tout le dispositif soit enrayé. En effet, si les avocats connaissent mal la procédure ou si les magistrats la sous-estiment, alors les victimes seront, de fait, souvent privées du bénéfice de la mesure.

Cela étant dit, reste le problème des délais de délivrance. Ils sont extrêmement longs en moyenne. Or il s’agit, souvent, de situations de grand danger, qui imposent de réagir en urgence, et non pas vingt et un ou vingt-six jours plus tard.

L’objectif consiste, me semble-t-il, à mettre à l’abri la victime le plus rapidement possible, afin qu’elle ne soit pas exposée, notamment, à des représailles. Avec des délais trop longs, nous manquons cet objectif. Or il arrive parfois que les victimes soient en danger de mort.

Certes, je comprends que l’on ne puisse pas délivrer l’ordonnance en vingt-quatre heures, ou même en quarante-huit heures. Il faut évidemment tenir compte des droits de la partie défenderesse et d’un certain nombre de contraintes.

Se pose également le problème des délais de convocation. Pourquoi ne pas généraliser la convocation par voie d’huissier de justice, comme cela se pratique au tribunal de grande instance de Bobigny, plutôt que de persister à convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception, ce qui ouvre un délai de quinze jours et contribue à l’allongement du délai total de délivrance de l’ordonnance ?

En fait, réduire fortement ce délai est une impérieuse nécessité. Quant à la durée de quatre mois de l’ordonnance de protection, toutes les associations concernées vous diront qu’elle est insuffisante et ne permet pas, dans les faits, d’assurer la stabilisation de la situation juridique de la victime.

Trop souvent, les questions relatives à la séparation, au logement ou aux enfants n’ont pas été réglées dans le délai de quatre mois. Par ailleurs, si cette durée peut être prolongée pour les couples mariés, dans le cas d’une requête en séparation de corps ou d’un divorce, cela n’est pas possible, en revanche, dans le cas de couples pacsés ou en concubinage. Je me réjouis donc que les délais de délivrance de l’ordonnance puissent être ramenés aux alentours d’une semaine et que la durée de l’ordonnance soit portée à six mois.

Je présenterai un amendement visant à permettre au juge aux affaires familiales de démontrer plus rapidement la réalité des violences, en lui donnant la possibilité de demander au procureur de la République de diligenter une enquête rapide sur la personnalité de l’auteur des violences. L’objectif est d’éviter que le juge aux affaires familiales ne passe à côté d’une situation préoccupante.

Je défendrai un second amendement tendant à permettre la saisine du juge aux affaires familiales aux fins de délivrance d’une ordonnance de protection, non seulement pour des faits de violence sur le conjoint ou le partenaire, mais aussi pour des faits de violence sur les enfants.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. L’extension du mécanisme de l’ordonnance de protection est à saluer, en ce que ce dispositif met en sécurité les femmes victimes de violences, dans l’attente d’une instruction. Malheureusement, il n’est pas accessible aux femmes victimes de viol en dehors du couple, alors qu’il pourrait se révéler utile dans de nombreux cas.

Plus largement, je tiens ici à souligner les problèmes récurrents auxquels font face les victimes de viol dans le traitement de leur plainte. Outre l’impossibilité de bénéficier d’une ordonnance de protection, l’instruction de cas de viol peut être particulièrement douloureuse pour les victimes ; je souhaite vivement voir la législation évoluer à cet égard.

Le premier sujet, bien sûr, est la correctionnalisation quasiment systématique des viols. Ces crimes sont trop souvent requalifiés en agressions sexuelles et une solution juridique à ce problème doit être trouvée dans les plus brefs délais, en envisageant, par exemple, un aménagement de la charge de la preuve ou une redéfinition pénale du viol. Cela passe aussi par le nécessaire désengorgement des cours d’assises, qui mettent des années à se prononcer sur ces crimes. Rendre justice aux victimes est un élément fondamental du processus de reconstruction ; cette problématique doit être traitée avec le plus grand sérieux.

Par ailleurs, lors d’un procès pour viol ou agression sexuelle, certains droits doivent être garantis à la plaignante. En particulier, il doit être clairement établi qu’aucun magistrat ne pourra interroger la victime sur sa sexualité, ses pratiques sexuelles ou, plus généralement, sur sa « moralité ».

Il faut aussi veiller, avec une attention particulière, à ce que le juge ne demande pas d’actes de procédure qui soient de nature à aggraver inutilement le traumatisme de la victime, par exemple des reconstitutions de faits, des expertises psychologiques ou des confrontations multiples avec l’agresseur.

La protection et l’accompagnement des victimes de viol ou d’agression sexuelle est un sujet réel, dont le traitement, non prévu dans ce projet de loi, repose principalement sur l’action du Gouvernement. Nous espérons donc qu’une réflexion pourra être menée sur ce sujet, en partenariat avec les associations de défense des victimes et les organisations féministes, afin que nous puissions aboutir prochainement à des solutions. Vous avez évoqué quelques pistes à cet égard lors de votre intervention dans la discussion générale, madame la ministre.

M. le président. L’amendement n° 98 rectifié, présenté par Mmes Meunier, Emery-Dumas, Espagnac et Lienemann, MM. Berson et Poher, Mme Lepage, M. Vincent, Mme Génisson, M. Rainaud, Mme Bonnefoy, MM. Kerdraon et Dilain, Mme Printz, MM. Leconte et Godefroy, Mmes Alquier et Bourzai, M. Teulade, Mmes Khiari, Bataille et Claireaux, M. Auban, Mme Blondin et MM. Antiste et Le Menn, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

, dans les meilleurs délais,

par les mots :

, dans un délai d'un mois,

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. On le sait, les violences à l’encontre des femmes, notamment dans le cadre conjugal et familial, doivent être placées, compte tenu de l’ampleur et de l’importance de leurs conséquences, tant humaines que financières, au premier rang des priorités des tribunaux.

Les récents bilans de la mise en œuvre de l’ordonnance de protection montrent combien cette mesure a été utilisée de façon disparate selon les tribunaux de grande instance. Les disparités géographiques en la matière ne sont pas acceptables. On ne doit pas craindre un encombrement des tribunaux : les femmes concernées déposent plainte de façon responsable.

Nous devons renforcer le dispositif de ce texte, d’ores et déjà très important. Il faut prévenir les risques de violences graves, voire de crimes : pour cela, il est essentiel que le traitement des plaintes soit rapide. Dans cette perspective, notre amendement tend à fixer à un mois le délai maximal de traitement de la plainte par l’autorité judiciaire. Certains tribunaux peuvent faire encore mieux, mais d’autres sont loin du compte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Madame la sénatrice, la commission partage bien entendu votre objectif de réduction au minimum des délais de délivrance de l’ordonnance de protection. Néanmoins, fixer le délai maximal à un mois pourrait aller à l’encontre de cet objectif. La commission a donc émis un avis défavorable, pour trois raisons.

Tout d’abord, comme vous l’avez souligné, au TGI de Bobigny, par exemple, le délai est déjà plutôt d’une dizaine de jours seulement. Il ne faudrait donc pas donner le sentiment que l’on peut se satisfaire d’un délai de traitement d’un mois.

Par ailleurs, sur un plan plus juridique, en cas de dépassement du délai d’un mois, des procédures pourraient être annulées sur ce motif. Les avocats de la partie défenderesse ne manqueraient pas de s’engouffrer dans la brèche !

Enfin, la responsabilité de l’État pourrait se trouver engagée si le délai d’un mois était dépassé, alors que ce dépassement ne serait pas de son fait.

Pour atteindre l’objectif de réduction des délais, la commission privilégie la publication de circulaires et la diffusion des bonnes pratiques en la matière, par exemple le travail en collaboration avec les huissiers instauré par le TGI de Bobigny. La commission sait pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement à cet égard.

L’avis est donc, je le répète, défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le Gouvernement fait sienne l’analyse de Mme la rapporteur.

Au fond, nous partageons tous le même objectif d’efficacité et de célérité du prononcé de l’ordonnance de protection.

J’ajouterai, pour compléter les propos de Mme Klès, que la durée moyenne de traitement d’une requête d’ordonnance de protection est de trois semaines. Il est vrai que le TGI de Bobigny, où ce délai est parfois réduit à seulement une semaine, est particulièrement exemplaire à cet égard. Pour ma part, je préfère que nous affirmions clairement notre volonté de ramener le délai à une semaine dans l’immense majorité des cas, plutôt que de fixer dans la loi un délai maximal d’un mois, ce qui pourrait inciter à ne pas chercher à faire plus vite. Le Gouvernement n’est pas favorable à ce type de précision. La meilleure façon de réduire le délai au minimum, c’est de s’inspirer des pratiques des juridictions où cela marche, en construisant des partenariats solides entre les tribunaux, les associations, les collectivités locales et les huissiers de justice. Inscrire dans la loi une mesure trop rigide risquerait d’être contreproductif.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Mme Michelle Meunier. J’entends ces arguments. Je vais retirer cet amendement, mais je resterai vigilante, car il s’agit ici de situations d’urgence.

M. le président. L’amendement n° 98 rectifié est retiré.

L’amendement n° 87, présenté par M. Courteau, Mme Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la victime est exposée » sont remplacés par les mots : « la victime ou ses enfants sont exposés » ;

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Il convient de rappeler que, dans de nombreux cas, les enfants sont aussi les victimes des violences conjugales.

On sait que, très souvent, dans 60 % à 70 % des cas, les enfants sont témoins de ces violences, ce qui a d’ailleurs de graves conséquences sur leur psychisme et leur développement. De surcroît, ils en sont parfois eux-mêmes victimes, directement ou indirectement.

Cet amendement a pour objet de permettre la saisine du juge aux affaires familiales aux fins de délivrance d’une ordonnance de protection non seulement pour des faits de violence sur le conjoint, mais également pour des faits de violence sur les enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Virginie Klès, rapporteur. Là encore, la commission partage tout à fait l’objectif des auteurs de l’amendement.

L’avis de la commission est favorable, sous réserve, par souci de parallélisme avec la rédaction de l’article 515-9 du code civil et parce que les enfants qui sont en danger ne sont pas forcément ceux de la victime, d’une petite modification rédactionnelle : nous souhaitons que les mots « la victime ou ses enfants sont exposés » soient remplacés par les mots « la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Les enfants concernés peuvent en effet être ceux du conjoint, par exemple.

M. le président. Monsieur Courteau, acceptez-vous cette suggestion de la commission ?

M. Roland Courteau. Oui, monsieur le président, je rectifie l’amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 87 rectifié, présenté par M. Courteau, Mme Tasca, M. Sueur, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Cornano, Mmes Lepage et Meunier, M. Mohamed Soilihi, Mmes Printz et Rossignol, M. Teulade et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la victime est exposée » sont remplacés par les mots : « la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés » ;

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement ainsi rectifié.

Je souligne que le procureur, une fois informé des faits de violence sur le ou les enfants, peut toujours demander que soient ordonnées des mesures d’assistance éducative, prévues à l’article 375 du code civil, voire prendre immédiatement une ordonnance de placement provisoire. L’ensemble de ces options doivent clairement apparaître dans nos discussions, afin qu’elles ne s’excluent pas mutuellement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Cohen, Goy-Chavent et Laborde, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° la seconde phrase du 3° est complétée par les mots : « , même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence » ;

II. – Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.