Article 35
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Article 35 ter (fin)

Article 35 ter

(Non modifié)

Les armes détenues par les particuliers à la date de la publication des mesures réglementaires d’application de la présente loi sont soumises aux procédures d’autorisation, de déclaration ou d’enregistrement prévues par celle-ci à compter de la survenance du premier des événements suivants :

a) Leur cession à un autre particulier ;

b) L’expiration de l’autorisation pour celles classées antérieurement dans l’une des quatre premières catégories.

Les armes dont l’acquisition et la détention n’étaient pas interdites avant la publication des mesures réglementaires d’application de la présente loi et qui font l’objet d’un classement en catégorie A doivent être remises aux services compétents de l’État dans un délai de trois mois à compter de cette publication. Un décret en Conseil d’État peut toutefois prévoir les conditions dans lesquelles les services compétents de l’État peuvent autoriser les personnes physiques et morales à conserver les armes acquises de manière régulière dans le cadre des lois et règlements antérieurs. L’autorisation a un caractère personnel et devient nulle de plein droit en cas de perte ou de remise de ces armes aux services de l’État. – (Adopté.)

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M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Vincent Placé. Le groupe écologiste s’abstient !

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Article 35 ter (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
 

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Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées
Discussion générale (suite)

Formations supplétives des forces armées

Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux formations supplétives des forces armées (proposition n° 384, texte de la commission n° 403, rapport n° 402).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées
Article unique (début)

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le ministre de la défense et des anciens combattants, Gérard Longuet, ainsi que le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants, Marc Laffineur, qui regrettent beaucoup de ne pouvoir être présents cet après-midi.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un plaisir renouvelé de vous retrouver, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je vous remercie, monsieur le président de la commission.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi du sénateur Couderc, qui vise à sanctionner pénalement les insultes faites aux membres de formations supplétives des forces armées.

Nous avons tous été extrêmement choqués – et comment ne pas l’être ? – par les injures proférées par un homme politique français traitant les harkis de « sous-hommes » en 2006. Cet épisode, indigne de notre vie publique, a mis en lumière une lacune de notre droit.

À l’heure actuelle, en effet, les harkis, et plus généralement l’ensemble des anciens supplétifs de l’armée française, ne sont pas suffisamment protégés contre les injures dont ils pourraient être victimes. C’est une situation injuste, et c’est l’honneur de notre Parlement que d’y remédier enfin.

S’agissant plus spécifiquement des harkis, une première pierre avait été posée par la loi Mekachera du 23 février 2005, qui dispose que « sont interdites : toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki [...] ». Je profite d’ailleurs de cette occasion pour souligner que l’article 5 de la loi précitée était parfaitement conforme à la Constitution, comme en témoigne la décision du Conseil d’État en date du 26 janvier dernier. Néanmoins, l’interdiction n’était assortie, dans la loi, d’aucune sanction pénale ; il fallait donc y remédier.

Aussi le sénateur Couderc a-t-il souhaité, dans un premier temps, « compléter » la loi de 2005. Mais si nous comprenons naturellement ce qui a motivé sa démarche, nous ne souhaitions pas nous y associer en l’état, car son initiative risquait notamment, sans bien entendu que M. Couderc en ait eu la moindre intention à l’époque du dépôt de sa proposition de loi, d’exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées. Il convenait donc de revenir sur la rédaction de cette proposition de loi, afin de la rendre plus efficace. C’est la raison pour laquelle nous avons apporté notre soutien entier à l’amendement tendant à réécrire l’article unique : il s’agissait, en effet, de protéger tous les anciens supplétifs de l’armée française.

Cette nouvelle rédaction permet d’étendre le champ de protection de la loi de 1881 à l’ensemble des anciens membres de formations supplétives d’Algérie : les harkis, les moghaznis, les makhzens, les groupes mobiles de protection rurale, les groupes mobiles de sécurité ou des groupes d’autodéfense. Par ailleurs, ne l’oublions pas, des formations supplétives ont servi dans les forces françaises lors d’autres conflits, comme les H’Mongs et les Moïs en Indochine. Il existe donc plusieurs catégories de supplétifs. Aussi ce texte vise-t-il – et c’est ce qui lui donne toute sa force – l’ensemble des forces supplétives qui ont servi dans l’armée française, ce qui englobe bien entendu les harkis.

La proposition de loi du sénateur Couderc, que je salue, consiste donc à aligner, à juste titre selon le Gouvernement, la protection juridique des personnes qui se sont engagées en faveur de la France lors d’un conflit armé, notamment ceux qui ont servi dans les formations supplétives, sur la protection dont bénéficient toutes les forces armées.

L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur de la proposition de loi Élie Aboud, a confirmé l’esprit de ce texte en l’extrayant de la loi de 2005 pour en faire une loi autonome, à laquelle nous sommes tout à fait favorables. Cette loi traduira toute l’importance que nous accordons aux anciens membres des formations supplétives et participera de l’hommage que notre nation rend à ceux qui se sont battus pour elle. Elle est l’expression du respect que nous leur devons à tous, sans introduire entre eux de distinction ni de hiérarchie.

Ce n’est ni le lieu ni le jour de dresser un catalogue des dispositifs mis en œuvre ces dernières années, mais il convient tout de même de souligner que le Président de la République a eu à cœur de développer les prestations dévolues aux anciens supplétifs et à leurs enfants, qu’il s’agisse des conventions d’emploi, des aides à la mobilité et à la création d’entreprise, des dispositifs d’accès à la fonction publique d’État, hospitalière ou territoriale, des bourses scolaires et universitaires, ou encore des allocations pour les orphelins d’anciens supplétifs de l’armée française, pour ne citer que celles-ci.

Ces nouveaux dispositifs, voulus par le Président de la République, ont permis d’améliorer le quotidien des anciens supplétifs et de leurs enfants, même si les efforts devront être poursuivis.

La proposition de loi du sénateur Couderc contribue également à rendre leur dignité aux supplétifs de nos armées, notamment aux harkis qui ont récemment eu à souffrir d’injures inqualifiables.

C’est pourquoi cette initiative vous honore : elle nous rappelle à notre devoir de protéger ces hommes et ces femmes auxquels nous lie un passé à la fois glorieux et douloureux, et qui sont parfois vulnérables en raison même de ce passé.

Aussi donnerons-nous un avis favorable à la version du texte qui vous est aujourd’hui présentée et qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 20 février dernier. J’espère que celui-ci fera l’objet d’une adoption conforme. Ainsi, la reconnaissance que nous devons aux anciens membres de formations supplétives ne pourra plus être impunément entachée d’injures, qui sont autant d’attaques envers notre mémoire collective. De cette façon, Gouvernement et Parlement, de manière consensuelle, pourront être fiers d’avoir fait voter et d’avoir voté cette loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées, adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 20 février dernier.

Ce texte, dont l’initiative revient à notre excellent collègue Raymond Couderc, vise à combler une insuffisance de notre droit pénal.

En effet, si la loi du 25 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a interdit la diffamation et l’injure en raison de la qualité de harki, elle n’a prévu , comme l’a souligné M. le ministre, aucune sanction pénale, qui aurait donné tout leur effet à ces dispositions. Du fait de cette lacune, des propos inadmissibles, sur lesquels je ne reviendrai pas, ont pu être tenus à l’encontre de cette communauté.

Dans sa version originelle, la proposition de loi ne visait que les harkis et les anciens supplétifs ayant servi en Algérie. Elle tendait à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en appliquant le même régime de sanction aux diffamations et injures à l’encontre des harkis que celui qui est prévu pour de tels agissements lorsqu’ils sont commis à raison de la religion, de la race, du sexe ou de l’origine de la victime.

Louable dans ses objectifs, le dispositif proposé appelait toutefois deux réserves.

En premier lieu, comme l’avait relevé le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants, M. Marc Laffineur, le 19 janvier dernier, lors de l’examen de ce texte en première lecture par le Sénat, la proposition de loi, en ne visant que la communauté harkie, risquait d’« exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées ».

En second lieu, la formulation initiale de la proposition de loi paraissait assimiler la diffamation ou l’injure à l’encontre des harkis à la diffamation ou l’injure à raison de la race ou de la religion. Or ces délits visent les harkis en raison du choix qu’ils ont fait de soutenir et de défendre la France.

Aussi, conscient de ces difficultés sur lesquelles votre commission des lois avait attiré l’attention, Raymond Couderc avait déposé un amendement, adopté par le Sénat, modifiant la proposition de loi.

Le texte voté par notre assemblée vise donc l’ensemble des forces supplétives et confère à celles-ci la protection reconnue aux forces armées par les articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. C’est enfin entrer par la grande porte !

Face à la diffamation ou à l’injure, tous ceux qui ont choisi de combattre pour la France dans le cadre de ses forces armées pourront ainsi bénéficier d’un régime de protection équivalent à celui qui est reconnu aux militaires stricto sensu ou aux réservistes. La diffamation contre les forces supplétives sera passible d’une amende de 45 000 euros, et l’injure d’une amende de 12 000 euros.

Au-delà de sa portée juridique, ce choix recèle une forte valeur symbolique, qui marque la dette de la nation à l’égard des forces supplétives, des harkis en particulier.

Par ailleurs, la proposition de loi reconnaît aux associations défendant les intérêts moraux et l’honneur des personnes appartenant ou ayant appartenu aux forces supplétives de l’armée française le droit de se constituer partie civile en cas d’injure ou de diffamation.

Les députés ont unanimement adhéré à la démarche du Sénat et, dans la logique qui sous-tend l’amendement adopté par notre assemblée, ils ont également souhaité modifier l’intitulé de la proposition de loi, afin que celle-ci ne fasse plus référence à la loi n° 2005-158 du 23 janvier 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, mais vise, de manière plus générale, les « formations supplétives des forces armées ».

Ces derniers jours, beaucoup se sont interrogés sur le fait de savoir si les harkis faisaient bien partie des forces supplétives au regard de la loi. Mes chers collègues, nous ne sommes pas tous des juristes. Le fait que le terme « harkis » ait disparu de la proposition de loi a créé des tensions et suscité des peurs, notamment auprès de personnes qui, après avoir tant souffert dans leur chair, sont plus que d’autres sujettes à l’inquiétude ; mais je tiens ici à les rassurer.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Plusieurs textes de droit positif font référence aux harkis et autres membres de formation supplétive. Le terme « autres » employé dans les textes et décrets démontre l’intention du pouvoir réglementaire de considérer les harkis comme des membres des formations supplétives.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Cela ressort clairement du décret du 31 mars 2003 instituant une journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives, ainsi que du décret du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Toutefois, monsieur le ministre, afin qu’aucun doute ne subsiste, pourriez-vous éclairer le Parlement sur la situation des ayants droit ?

M. Patrick Ollier, ministre. Je le ferai !

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Je vous en remercie !

La volonté du législateur ne comporte aucune ambiguïté. Ce texte vise à protéger les harkis, l’ensemble des autres forces supplétives, ainsi que leurs ayants droit. Les jeunes harkis, ne l’oublions pas, sont souvent nés dans des camps du fait de la situation de leur père. Je crois que nous serons unanimes ici pour dire qu’ils ont bien mérité cette protection. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l'UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approchons de la célébration du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Le 19 mars prochain, la plupart d’entre nous seront réunis pour honorer la mémoire des victimes de ce conflit né d’un vaste mouvement de décolonisation.

Nous aurons ainsi l’occasion d’exprimer notre devoir de reconnaissance envers tous ceux qui ont payé de leur vie cette brutale déchirure entre le peuple français et le peuple algérien. Et, au-delà du souci permanent que nous devons avoir pour tous les combattants et les civils disparus, n’oublions pas de protéger ceux qui portent encore aujourd’hui les blessures de la guerre d’Algérie : les Français rapatriés, les appelés du contingent et, bien sûr, les harkis, dont le sort difficile a motivé le dépôt de la présente proposition de loi.

Cette initiative complétera les dispositifs matériels et de reconnaissance à l’égard d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont passés d’une rive de la Méditerranée à l’autre dans des conditions tragiques.

Mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour examiner, en deuxième lecture, cette proposition de loi visant à remédier aux carences de la loi du 23 février 2005.

En mars 2007, lors de sa campagne électorale, le candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République – et il est de nouveau, cette année, candidat à la présidence de la République –, avait pris un engagement dans ce domaine en déclarant : « Si je suis élu, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis et d’autres milliers de musulmans français qui lui avaient fait confiance, afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois. » Les harkis ont attendu pendant cinq ans la concrétisation de cette promesse, aujourd’hui matérialisée par ce texte sur lequel a été engagée la procédure accélérée lors de la première lecture.

Cela étant, depuis sa rédaction initiale, ce texte a très largement évolué, notamment lors de son examen par l’Assemblée nationale le 20 février dernier.

Il s’agissait de sanctionner pénalement l’injure et la diffamation proférées à l’encontre des harkis et de permettre aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de diffamation ou d’injures. Ce texte recouvre aujourd’hui l’ensemble des forces supplétives. Il était temps de réparer cette injustice à l’égard des forces supplétives, notamment des harkis !

Imaginons, en effet, un instant ce qu’il a dû en coûter aux 90 000 harkis et à leurs familles, partis d’un pays qui n’était plus vraiment le leur et qui sont arrivés dans une France mal préparée, pour ne pas dire « mal accueillante », qui souhaitait tourner la page.

En effet, les conditions d’accueil en France de ceux qui ont été membres des forces supplétives françaises en Algérie entre 1954 et 1962 se sont révélées particulièrement précaires ; nous en connaissons tous les limites. Moi-même, j’ai pu le constater dans le département de l’Hérault, qui a fait partie des vingt-huit départements désignés pour loger les harkis dans des structures d’urgence.

Parqués dans des cités ou des hameaux de forestage, les harkis et leurs descendants ont longtemps connu la relégation plutôt que l’intégration. La République a failli. Notre pays a manqué à ses devoirs de solidarité et de fraternité. Depuis lors, c’est vrai, même si tout n’a pas été mis en œuvre et si tout n’est pas parfait, le législateur a progressivement réparé ces manquements.

Cette proposition de loi vise à protéger les harkis d’une éventuelle humiliation morale qui s’ajouterait à un quotidien déjà bien difficile. Comment faire taire tous ceux qui auraient oublié que les harkis se sont battus aux côtés de la France, contraints, ensuite, de changer définitivement d’horizon ? Déracinés de leur terre natale par la guerre, les harkis ont suffisamment souffert pour ne pas devoir se battre encore aujourd’hui contre l’opprobre.

Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à remédier à la carence de la loi du 23 février 2005, dont l’article 5 prohibe « toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki ». La jurisprudence a démontré que, en l’espèce, le droit commun n’était pas applicable. En effet, les harkis ne constituent pas un groupe ethnique, national ou religieux.

Aussi, cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée et enrichie, complétera le dispositif juridique d’interdiction de la diffamation et de l’injure à l’égard des anciens harkis ou de leurs descendants, principale mesure de la loi du 23 février 2005, qui avait omis de préciser les sanctions applicables aux contrevenants.

Je souhaite donc que nous soyons très vigilants sur la rédaction de cette proposition de loi, afin de ne pas laisser un vide juridique qui risquerait de pénaliser de nouveau la communauté harkie.

En effet, le terme « assimilés » n’a pas été retenu lors de la rédaction de la proposition de loi, alors que la notion de « forces supplétives et assimilés » figure dans tous les autres textes législatifs.

Dès lors, pourquoi se priver d’apporter une précision supplémentaire à ce texte ? Et pourquoi ne pas spécifier que celui-ci concerne « les forces supplétives et assimilés, notamment les harkis » ?

Si les forces supplétives étaient plurielles, les harkis en représentaient une part importante, et ils ont payé très cher leur engagement aux côtés de la France. Parmi toutes les forces supplétives, ce sont les harkis qui ont fait l’objet de stigmatisation et de discrimination. Ils ont été – et sont toujours – les plus visés par les injures. C’est la raison pour laquelle il me paraît important d’apporter cette précision.

Mes chers collègues, comme l’ensemble des membres du groupe du RDSE, j’apporterai mon soutien à cette proposition de loi, dont l’article unique est de nature à garantir des droits aux harkis, et c’est bien là l’essentiel. J’espère que ce texte contribuera au respect collectif de la dignité des harkis ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons la lecture définitive de la proposition de loi sénatoriale, qui s’intitule dorénavant « proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées ».

Si j’insiste d’emblée sur la modification du titre de cette proposition de loi opérée lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, c’est parce que celui-ci a évolué entre la version initiale proposée par la commission des lois du Sénat et celle qui nous revient de l’Assemblée nationale. Toutefois, je précise que l’Assemblée nationale ne l’a modifié que de façon marginale. C’est la raison pour laquelle il convient de se replonger dans les travaux du Sénat, afin de mesurer la portée de la version définitive de la proposition de loi.

Je constate, pour m’en réjouir, la célérité dont fait parfois preuve le Parlement pour mener à bien une initiative d’origine sénatoriale. Le cas est assez rare pour être souligné. Cette proposition de loi fut examinée par le Sénat le 19 janvier dernier, puis par l’Assemblée nationale le 20 février, et il nous revient aujourd’hui de clore le débat.

C’est un record, car, comme ce fut le cas au Sénat, la discussion engagée à l’Assemblée nationale a montré, sur tous les bancs, une réelle convergence pour rendre hommage à la « communauté harkie », une expression que je n’aime pas beaucoup.

La République, comme vient de le souligner notre excellent collègue Robert Tropeano, a failli à leur sujet, soit en les abandonnant sur le sol algérien à un sort certain, comme on le sait, soit en les accueillant à leur arrivée en France dans des camps provisoires, mais qui ont duré très longtemps, notamment dans les départements du sud de la France ; je connais plus particulièrement ceux des Bouches-du-Rhône et du Gard, dont je suis originaire.

Certes, la proposition de loi que nous allons adopter à l’occasion de cette deuxième lecture, qui sera, je l’espère, définitive, ne cible plus les seuls harkis et ne vise plus seulement l’Algérie. En se référant dorénavant aux « formations supplétives » de l’armée, formulation générale en soi, la lisibilité de la proposition de loi initiale a pu, de prime abord, sembler altérée, certains nous l’ont d’ailleurs fait remarquer au travers de mails ou de courriers.

Cependant, la rédaction finale arrêtée par les sénateurs en première lecture préserve l’objectif visé par l’auteur du texte et conforte la sécurité juridique du dispositif, tout en procédant à une extension de son champ d’application.

En effet, ne viser que les seuls harkis et anciens supplétifs ayant servi en Algérie présentait un risque d’atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, et le Conseil constitutionnel aurait pu être saisi directement par une association. Telle qu’elle est à présent rédigée, la proposition de loi est susceptible de s’appliquer à toutes les formations supplétives, par exemple celles qui ont servi en Indochine.

Enfin, il a paru préférable de disjoindre la protection offerte aux supplétifs de la protection renforcée prévue dans la loi de 1881 à raison de l’ethnie, de la nation, de la race, de la religion, du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap. Il est vrai, comme vient de le dire M. Tropeano, que les harkis n’entrent pas dans ces catégories.

La réalité de l’engagement militaire des harkis sera mieux prise en compte si la loi affirme que les formations supplétives sont une composante à part entière de l’armée française régulière.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument ! C’est très important !

M. Jean-Pierre Michel. Élie Aboud, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, signale d’ailleurs qu’une assimilation identique a été effectuée en 1951 en faveur des résistants durant la Seconde Guerre mondiale.

Mlle Sophie Joissains, rapporteur. Ce n’est que justice !

M. Jean-Pierre Michel. Or le lien était à l’époque plus lâche qu’il ne l’a été pour les harkis, qui étaient membres de l’armée française.

Par ailleurs, l’intégration des formations supplétives aux forces armées a nécessité la mise en cohérence des dispositions relatives aux compétences des associations chargées de défendre les intérêts moraux et l’honneur des harkis.

Ainsi, toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, qui se propose par ses statuts de défendre les intérêts moraux et l’honneur de personnes ou de groupes de personnes faisant ou ayant fait partie de formations supplétives de l’armée pourra désormais exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits de diffamation ou d’injure prévus respectivement à l’article 30 et au premier alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsque ces délits ont causé un préjudice direct ou indirect à la mission que l’association remplit et à ses membres ou à l’un de ses membres, si ceux-ci sont d’accord pour intenter cette action.

Le dispositif est donc aussi protecteur que celui qui figurait dans la proposition de loi initiale, mais son application est plus large, ce qui, constitutionnellement, est plus sûr. Il ne peut donc que nous satisfaire.

Avant de conclure, j’aimerais revenir sur une question qui a été soulevée à l’Assemblée nationale et à laquelle le Gouvernement n’a pas répondu.

Je souhaite vous interroger de nouveau, monsieur le ministre, et interpeller par la même occasion Mme le rapporteur, sur l’absence du terme « assimilés » dans la proposition de loi, alors que la notion de « forces supplétives et assimilés » est retenue dans tous les autres textes législatifs. Je vous remercie d’apporter des précisions et des garanties sur ce point, car nous voulons être sûrs que la portée de la loi que nous voterons aujourd’hui sera totale.

Sans prétendre répondre à l’ensemble des préoccupations liées à la situation actuelle des harkis et de leurs familles, cette proposition de loi s’inscrit dans la volonté de leur assurer pleinement la reconnaissance morale des sacrifices qu’ils ont consentis. Elle garantit le respect de la nation, je dirai même le respect moral pour ce qu’ils ont fait.

Pour le reste, mes chers collègues, je vous renvoie, à d’autres textes, qui ne sont peut-être pas encore totalement complets aujourd’hui.

J’ajoute, enfin, que le groupe d’amitié France-Algérie, dont fait d’ailleurs partie notre collègue auteur de la proposition de loi, tiendra prochainement un colloque à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, colloque au cours duquel sera évoqué le sort de toutes les victimes de la guerre d’Algérie, que notre collègue Robert Tropeano a rappelé, et ce en vue de construire, à la lumière des événements passés, un avenir plus calme et mieux éclairé entre l’Algérie et la France. Nous demanderons au gouvernement algérien de considérer les harkis comme des Algériens à part entière et de ne plus exercer à leur égard les discriminations qui leur interdisent encore quelquefois de retourner dans leur pays d’origine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UCR et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)