majorité pénale à seize ans

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. Il parle tous les matins dans Le Figaro !

M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Les dispositions générales de l’ordonnance du 2 février 1945 disposent que : « Les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d’assises des mineurs. »

Or l’évolution récente de la délinquance juvénile est marquée, malheureusement, par une augmentation considérable du nombre des mineurs ayant commis des crimes et délits. Selon les dernières statistiques de la Direction centrale de la police judiciaire, 207 821 mineurs ont été mis en cause pour crimes et délits en 2008.

M. David Assouline. Que fait la police ?

M. Serge Dassault. Alors que, en 1990, 7,2 % des crimes et délits contre des personnes étaient commis par des mineurs, ce taux atteignait, en 2008, près de 16,2 %. En outre, 26 % des viols et 17 % des délits avec coups et blessures volontaires sont perpétrés par des jeunes mineurs.

M. David Assouline. Il y a aussi de vieux voyous !

M. Serge Dassault. Le visage de la délinquance des mineurs a ainsi fortement changé depuis 65 ans, malheureusement. Notre appareil judiciaire devrait adapter ses méthodes et ses règles à cette évolution d’une délinquance dont le caractère est d’autant plus violent que l’impunité est, pour le moment, pratiquement assurée à ses auteurs.

Cette situation est d’autant plus grave que les policiers sont démotivés de façon croissante, à force de voir des mineurs les agresser avec des projectiles de plus en plus dangereux…

M. David Assouline. Tant que ce ne sont pas des Rafales !

M. Serge Dassault. … et ressortir du tribunal libres et sans aucune condamnation.

Les mineurs de 16 à 18 ans, grâce à cette ordonnance, sont manipulés par des majeurs pour effectuer des opérations pour lesquelles ils savent qu’ils ne risquent rien. Cela doit cesser. La sécurité de nos quartiers en dépend.

En outre, plutôt que de les incarcérer dans des centres pénitentiaires, il vaudrait mieux obliger ces jeunes à suivre une formation professionnelle ou les intégrer dans une école de la deuxième chance, afin qu’ils puissent trouver un emploi...

M. Didier Boulaud. Il n’y en a pas !

M. Serge Dassault. ... et vivre normalement.

Si nos jeunes étaient mieux formés à une activité professionnelle dès le collège, dès 14 ans, ils ne sortiraient plus du système scolaire à 16 ans sans aucune formation et ne deviendraient pas des délinquants par inactivité. De fait, l’insécurité diminuerait.

M. Didier Boulaud. Il faut les détecter dès trois ans !

M. Serge Dassault. Ainsi cette proposition sauverait-elle un grand nombre de nouveaux délinquants en leur permettant d’acquérir une formation professionnelle au lieu qu’ils soient abandonnés à leur sort.

Madame la ministre d’État, que pensez-vous de cette proposition ? (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur, tous les pays européens ont fixé l’âge de la majorité pénale à dix-huit ans, voire plus tard. C’est également ce que préconise la Convention internationale des droits de l’enfant.

Pour autant, le droit français contient un certain nombre de dispositions concernant les jeunes âgés de 16 ans à 18 ans, car il convient de prendre en compte le fait que, psychologiquement, ils ont une plus grande maturité.

M. Didier Boulaud. Même pour parler de la retraite !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Par conséquent, des conditions spécifiques peuvent leur être réservées.

C’est ainsi que, aujourd’hui déjà, pour les jeunes appartenant à cette tranche d’âge, des règles plus sévères ont été fixées en matière de détention provisoire. Des mesures existent également afin de déroger aux dispositions législatives relatives aux peines minimales et à l’atténuation des peines applicables aux mineurs. La possibilité de les soumettre à des règles de procédure plus rigoureuses, notamment la comparution immédiate, est aussi prévue.

Monsieur le sénateur, vous avez également soulevé le problème de la formation. Nous avons créé des centres éducatifs fermés afin d’accueillir ces jeunes, qu’il s’agisse de jeunes mineurs ou de jeunes majeurs.

Les jeunes mineurs sont soumis à une obligation de suivi scolaire. Grâce au concours du ministère de l’éducation nationale, cette formation est assurée par des enseignants.

M. Robert Hue. Ils sont de moins en moins nombreux !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Les jeunes majeurs ont, quant à eux, accès à la formation professionnelle. Cela leur offre un contact avec le monde extérieur : ils réintègrent le centre éducatif fermé à la fin de la journée.

Tel est le dispositif en vigueur qui permet des sanctions plus sévères à l’égard des jeunes de 16 ans à 18 ans.

Pour autant, monsieur le sénateur, je partage votre opinion sur l’ordonnance du 2 février 1945 : notre société a évolué et les mineurs ont changé.

C’est pourquoi, avec des professionnels mais également des parlementaires de la majorité comme de l’opposition, je travaille actuellement à une réforme permettant de rédiger un code pénal des mineurs qui sera discuté devant le Parlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On commencera à la maternelle !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Les dispositions qui sont pour l’instant à l’étude permettraient notamment de réduire le laps de temps entre l’acte de délinquance commis et le jugement. C’est très important, car nous savons tous que les jeunes oublient très vite et que, pour eux, le temps n’a pas la même valeur.

En outre, cette nouvelle procédure pénale applicable aux mineurs prendra en compte la récidive. Il s’agit là d’une préoccupation majeure.

Cette réforme fera l’objet d’un vaste débat. Il va de soi que ce sujet concerne directement le ministère de la justice, mais la chaîne de la sécurité, la chaîne de la prévention et la chaîne de l’action vis-à-vis des mineurs commence avec la famille et engage aussi l’éducation, la police et la gendarmerie, la justice et les collectivités locales. C’est sur tous ces maillons qu’il faut travailler. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

sous-traitance

M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.

M. Jean-François Humbert. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Avec plus de 400 000 emplois directs, dont 10 % se trouvent en Franche-Comté, la filière automobile joue aujourd’hui en France un rôle considérable d’entraînement sur les autres secteurs de l’industrie, en particulier à travers l’innovation. Au nombre des secteurs de production pour lesquels la Franche-Comté est bien classée figurent notamment les activités de transformation de tôles, de fils, de tubes, de plastiques ou bien encore de caoutchouc et de boulonnerie-visserie ; autant de secteurs qui interrogent les stratégies de développement des PME et leur organisation.

Les stratégies suivies par les équipementiers et les sous-traitants influent naturellement sur le niveau des emplois.

Ces stratégies dépendent des pressions qu’exercent les constructeurs en matière de qualité, de prix, de taille, d’innovation et, de plus en plus fréquemment, d’internationalisation. Il s’agit pour ces derniers de disposer d’un réseau de sous-traitants dotés de fortes capacités d’innovation et en mesure de fournir des sous-ensembles complets. De plus en plus complexe et sophistiqué, le produit automobile évolue rapidement. Au cours des années quatre-vingt-dix, les PME ont ainsi été confrontées à des évolutions sans précédent.

Des inquiétudes s’expriment aujourd’hui quant aux perspectives du marché automobile. Ces inquiétudes, nous le savons, ne peuvent être minorées, car l’industrie automobile représente en France 15 % de la recherche et développement et 10 % de la population active. Le marché automobile européen devrait en effet connaître un recul significatif au cours des prochains mois.

Si les grands équipementiers profitent du dynamisme des marchés émergents, la situation d’autres sous-traitants reste inquiétante et les difficultés structurelles demeurent. La baisse d’activité risque ainsi de fragiliser des PME dont le niveau de rentabilité et de trésorerie peut être faible, voire insuffisant.

Les questions de taille critique, d’aptitude à faire face à la pression qui s’exerce sur les prix et au renchérissement du coût de l’énergie et des matières premières se posent avec une exceptionnelle acuité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle est la situation réelle du marché automobile français et, surtout, quelle action le Gouvernement entend mener pour continuer à protéger les sous-traitants et l’ensemble de la filière ? (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, je connais votre engagement en Franche-Comté pour défendre non seulement les constructeurs et l’ensemble des équipementiers mais également les PME et les sous-traitants de notre pays.

Ce n’est pas à vous que je rappellerai le courage du Président de la République (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) et du Premier ministre, en 2008, au plus fort de la crise. Ainsi, l’État a décidé de prêter 6 milliards d’euros aux deux grands constructeurs automobiles français – onze constructeurs dans le monde, deux en France ! –, de créer le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles, le FMEA, de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement avec OSEO et, surtout, d’instaurer la prime à la casse que tout le monde nous rapprochait mais nos partenaires européens ont fini par suivre notre exemple.

Grâce à ces initiatives, nous avons pu enregistrer en 2009 le record des ventes de véhicules automobiles en France depuis les vingt dernières années : 2,3 millions. Voilà le résultat de la politique du Gouvernement et du Président de la République !

Nous constatons, au dixième mois de l’année 2010, une diminution de 1,4 % du nombre de véhicules automobiles vendus dans notre pays. Autant dire que, même avec cette baisse par rapport à une année record, 2010 reste à un niveau de ventes particulièrement élevé. Il faut toutefois noter une différence fondamentale : alors qu’en 2009 la politique qui prévalait était celle du déstockage, qui ne profitait pas aux sous-traitants puisque aucun composant n’était plus commandé auprès des PME et autres sous-traitants, en 2010 l’heure est à la relance de la production, avec une augmentation de 22 % de cette dernière chez les constructeurs français et de 20 % chez les sous-traitants.

Monsieur le sénateur, vous avez raison : parce que nos PME ont souffert et n’ont pu se moderniser au même rythme que les grands constructeurs ou les gros équipementiers, il nous faut, dans cette période charnière où le secteur automobile sort de la crise, où notre pays a gagné 2 points sur le marché européen, où les parts de marché des constructeurs français représentent plus de 55 % en France, prendre des mesures d’accompagnement.

Je pense à la mise en place du FMEA de rang 2, doté de 50 millions d'euros.

Je pense aussi à l’avenant de 10 millions d'euros signé par Christine Lagarde, Laurent Wauquiez et moi-même et destiné à accompagner les sous-traitants dans leur modernisation, la formation de leur personnel, l’expertise et le diagnostic en vue de leur restructuration.

Je pense encore à l’issue des états généraux de l’industrie, à la décision de nommer un médiateur des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance.

Je pense enfin à la mise en place d’un comité stratégique de filière qui impose désormais des règles entre les constructeurs et les sous-traitants. Il s’agit en effet de sortir d’une relation « donneurs d’ordre–sous-traitants », dominants-dominés, au profit d’une véritable relation entre clients et fournisseurs, pour que le « fabriqué » redevienne une réalité chez nos sous-traitants. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)

M. René-Pierre Signé. On n’a pas les mêmes chiffres !

hôpital public

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Domeizel. Ma question qui s'adresse à vous, madame la ministre de la santé et des sports, concerne la mise en place de la télémédecine, que vous venez d’annoncer à grands renforts médiatiques.

Nous avons été nombreux à être interrogés, notamment par ceux qui, à tort ou à raison, appréhendent une généralisation de ce nouveau type de consultation.

La téléconsultation est particulièrement présentée, par vous-même, madame la ministre, comme étant la solution miracle…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Je n’ai jamais dit cela !

M. Claude Domeizel. … pour compenser l’inquiétante progression des déserts médicaux.

Sur le fond, l’utilisation des moyens modernes de communication est susceptible de jouer un rôle précieux pour améliorer les relations entre les patients et les médecins. Cependant, il est nécessaire qu’il soit répondu aux interrogations légitimes quant à son coût, à son partage, à la responsabilité du praticien et à la confidentialité.

Surtout, il ne faudrait pas se tromper d’objectif : la télémédecine pour aider les praticiens, oui. Mille fois oui. La télémédecine pour remplacer les praticiens, ce serait une erreur grave.

À ce sujet, je note avec regret que les observations essentielles de la CNIL, la commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment sur la sécurisation des données de santé et toutes les garanties de confidentialité des données personnelles, n’ont pas été prises en compte.

Au sujet du coût, la télémédecine, pour se développer, doit s’accompagner d’une généralisation des moyens modernes de communication sur les territoires. Le Gouvernement compte-t-il prendre des mesures financières pour couvrir tout le territoire par le haut débit ?

La télémédecine, pourquoi pas ? Mais il est illusoire de penser qu’elle puisse remplacer l’examen clinique. En effet, le médecin peut-il être efficace sans voir, toucher, écouter le patient ? En résumé, la consultation médicale ne peut se passer de la relation humaine dans l’intimité du cabinet médical.

M. René-Pierre Signé. Évidemment !

M. Claude Domeizel. Voyons les choses en face. L’officialisation de la télémédecine met finalement en exergue le vrai problème, le réel problème, plus profond et qui devient de plus en plus préoccupant, celui du non-remplacement en milieu rural des médecins partant à la retraite.

Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à mesurer et à appréhender le vide qui est en train de se créer, jour après jour, sur nos territoires. Tout cela va de pair avec la disparition des services publics de proximité.

Malheureusement, on est en droit de craindre que la télémédecine, contrairement à ce que vous avancez, ne constitue qu’un faible moyen pour juguler ce phénomène, ou pire, si cet encouragement est pensé comme un moyen pour remplacer les médecins disparus de nos territoires.

J’en viens donc à ma question. Madame la ministre, disposez-vous d’autres propositions innovantes et efficaces pour pallier le déficit de médecins dans les secteurs démographiquement défavorisés, et pour offrir partout, comme le prévoit la loi, des soins de qualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur Claude Domeizel, à part la conclusion quelque peu polémique de votre question, je partage entièrement vos préoccupations.

Le développement de la télémédecine n’a évidemment pas pour objet de remplacer le contact privilégié du médecin et de son malade. Rien ne pourra jamais le remplacer.

Ce que nous constatons, c’est que la télémédecine présente plusieurs modalités : la télé-expertise, comme dans l’échange des données médicales, entre radiologues par exemple, le télé-suivi d’un certain nombre de malades chroniques et la téléconsultation.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’encadrer un certain nombre de pratiques qui sont en train de se développer. En effet, ce n’est pas le décret sur la télémédecine qui instaure la téléconsultation. Cette dernière existe déjà. Il y a un certain nombre de sites payants qui proposent des consultations par internet.

Je veux que ces pratiques soient encadrées, afin que s’y livrent des médecins qui disposent du droit d’exercer la médecine sur le territoire français, et pas sur une plateforme située dans un pays en voie de développement. C’est une garantie absolument indispensable.

Je veux aussi que la télémédecine, qui peut venir en complément de la médecine traditionnelle, de la médecine en face-à-face, soit accessible aux gens modestes. Or, actuellement, c’est un système payant, non-remboursé par la sécurité sociale. Je veux donc faire entrer la téléconsultation dans le champ des activités remboursées par l’assurance maladie.

Vous le voyez, je souhaite encadrer et sécuriser la télémédecine. Bien entendu, les observations de la CNIL sur la sécurisation et la confidentialité des données seront respectées. La télémédecine n’est donc absolument pas destinée à être une solution miracle au problème de la désertification médicale. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Vous avez vu, à travers la loi « hôpital, patients, santé et territoires » et un certain nombre de mesures prises dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, que nous avons mis en place des outils pour tenter de résoudre ce problème. Quels sont-ils ? Il s’agit de tout ce qui concerne la formation des médecins, le développement de la filière de médecine générale, l’augmentation du numerus clausus dans les facultés de médecine situées dans les zones sous-denses, l’ouverture de bourses attribuées par les agences régionales de santé pour fixer les étudiants dans les zones sous-denses, les ARS constituées en guichets uniques.

Avec l’aide de Michel Mercier et du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, nous avons créé des plateformes logistiques pour aider les médecins à s’installer de la meilleure façon et échapper à un cheminement administratif souvent lourd. Nous avons également développé de nouveaux modes d’exercice : les maisons médicales pluridisciplinaires, la coopération de tâches.

Tous ces dispositifs sont en place et je n’aurai garde d’oublier que, dans les zones sous-denses, les médecins bénéficient d’une rémunération supérieure de 20 %, prise en charge par l’assurance maladie.

C’est dans ce cadre que la télémédecine prend sa place, toute sa place, mais rien que sa place. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze pour le débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

7

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, par lettre en date de ce jour reçue de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, le Gouvernement rectifie l’ordre du jour de la séance du mardi 9 novembre 2010 comme suit :

Mardi 9 novembre 2010

Le matin, à 9 heures 30, l’après-midi et le soir :

- Conclusions de la commission mixte paritaire…

M. Didier Guillaume. Inacceptable !

M. le président. … sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ;

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

M. Jean-Pierre Bel. Et voilà !

M. le président. Je vous rappelle que nous avions prévu, conformément au dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution, une séance de dix-huit questions orales mardi matin, que nous sommes donc amenés à reporter.

M. le président. Y a-t-il une opposition ?

M. Jean-Pierre Bel. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, rarement un rappel au règlement n’aura été aussi justifié à mes yeux que celui que je souhaite faire à présent.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, force est de constater que, depuis maintenant plusieurs semaines, et de manière accrue, le Sénat est particulièrement la cible de la frénésie législative du Gouvernement, frénésie qui nous amène aujourd’hui à considérer, en effet, que notre assemblée est véritablement bafouée et désavouée ; ce que nous venons d’entendre et de vivre nous le confirme.

Oui, le Sénat est désavoué sur le fond mais aussi bafoué sur la forme.

Le Sénat est désavoué sur le fond, puisque, en prenant connaissance du contenu de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, chacun d’entre nous a pu constater que les grands principes qui avaient été rappelés au Sénat, lors de la lecture de ce texte, ont été totalement méprisés par la décision finale, celle de la majorité. À cet égard, je ne voudrais pas être dans la peau d’un certain nombre de nos collègues qui, dans cette enceinte, avaient fait part de leurs états d’âme et, au-delà, de leur conception, de leur vision d’une vraie réforme territoriale pour expliquer pourquoi ils s’opposaient au texte que nous présentait le Gouvernement. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)

On sait dans quelles conditions les choses se sont passées. Notre assemblée, censée représenter les collectivités territoriales, est ici confrontée à un vrai problème. Elle se trouve non seulement prise véritablement en porte-à-faux, mais également confrontée à une offensive de nature à remettre en question nombre de principes sur lesquels nous, sénateurs et sénatrices, nous appuyons.

Mais le Sénat est aussi totalement bafoué sur la forme, puisqu’il est bousculé au gré des desiderata du Prince et d’un calendrier qui me paraît complètement ahurissant.

S’agissant en effet de cette réforme des collectivités territoriales dont la discussion dure maintenant depuis plusieurs mois, nous voyons bien le retard qui a été pris pour arriver à cette « espèce de texte », pardonnez-moi l’expression, je veux dire à ce texte tout à fait incohérent, hybride, injuste, lui aussi, pour les collectivités territoriales, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire.

On nous disait que le texte devrait être adopté avant l’été ; or nous sommes au mois de novembre et nous attendons encore le vote des conclusions de la commission mixte paritaire. Où est donc l’urgence, monsieur le président ? Quelle est cette urgence au nom de laquelle on impose au Sénat d’inscrire à son ordre du jour la lecture des conclusions de la CMP sur la réforme des collectivités territoriales dès mardi prochain, à 9 heures 30, plutôt qu’à un autre moment ?

Monsieur le président, vous nous avez vous-même rappelé le principe posé par le dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution. Nous avons eu droit à une révision constitutionnelle ayant notamment pour objet de garantir les droits de l’opposition. Il a été décidé, et l’ancien président du groupe UMP aujourd’hui ministre chargé des relations avec le Parlement s’en souviendra, que le mardi matin serait réservé aux groupes pour qu’ils puissent tout simplement se réunir, pour que les sénateurs et sénatrices puissent se concerter afin de décider collectivement des orientations à suivre.

Or, avec l’inscription à notre ordre du jour de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, c’est la seconde fois en quinze jours qu’il nous sera interdit de nous réunir le mardi matin.

Je le répète, quelle était l’urgence pour le Gouvernement d’inscrire la lecture des conclusions de cette CMP à notre ordre du jour le mardi matin plutôt que le mardi après-midi ? D’où émane, au sein de notre république, un tel calendrier qui contraint le Sénat à bousculer ses habitudes, et singulièrement celles des groupes politiques, qui ne peuvent plus travailler comme devraient le faire des groupes politiques dignes de ce nom dans une assemblée digne de ce nom ?

Le président du Sénat aurait eu son mot à dire sur l’ordre du jour. Je souhaite, monsieur le président, que vous lui fassiez part de notre opposition et de notre stupéfaction de voir, chaque jour davantage, le Sénat désavoué et bafoué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur Bel, je prends acte de votre déclaration, que je ne manquerai pas de transmettre à M. le président du Sénat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, un rappel au règlement se justifie également, puisque mon intervention a trait à l’organisation de nos travaux.

Je veux à mon tour protester et m’opposer à un nouveau coup de force du Gouvernement, le second en quinze jours, sans doute dû à l’impatience du Président de la République de voir consacrer définitivement la véritable Bérézina sénatoriale à laquelle nous avons assisté hier, lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C’est juste !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chacun sait, en effet, que, si le texte du projet de loi de réforme des collectivités territoriales tel qu’il était issu des travaux du Sénat différait de celui qu’avait adopté l’Assemblée nationale, c’est parce que l’assemblée dont nous sommes membres et qui, aux termes de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales, avait eu à cœur à tout le moins d’atténuer un certain nombre de dispositions afin de prendre en compte l’immense opposition des élus locaux à cette réforme.

Nous avons donc assisté, en quelque sorte, à un dédit de la part des sénateurs de la majorité par rapport au vote qu’ils avaient émis au Sénat,…