Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

MM. Alain Dufaut, Marc Massion.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

Question de M. Alain Fouché. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Alain Fouché.

professionnalisation des emplois de vie scolaire

Question de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; Brigitte Gonthier-Maurin.

droit à l'image dans les établissements scolaires

Question de M. Jean-Pierre Vial. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Jean-Pierre Vial.

Situation des auxiliaires de vie scolaire collectifs

Question de M. Bernard Piras. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés ; M. Bernard Piras.

« Programme Bachelier » proposé par Acadomia

Question de M. Yannick Bodin. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés ; M. Yannick Bodin.

prise en charge des personnes âgées à domicile et tarification des heures d'aide ménagère

Question de Mme Maryvonne Blondin. – Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés ; Maryvonne Blondin.

radiation de la liste électorale du maire de douaumont

Question de M. Claude Biwer. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Claude Biwer.

reconnaissance concrète de l'enseignement agricole public

Question de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Marie-France Beaufils.

engagement national pour le fret ferroviaire

Question de M. Michel Teston. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Michel Teston.

réalisation de la déviation de livron-loriol sur la rn 7

Question de M. Didier Guillaume. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Didier Guillaume.

contrat énergétique et politique industrielle en maurienne

Question de M. Thierry Repentin. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Thierry Repentin.

attribution de logements sociaux

Question de M. Jacques Berthou. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Jacques Berthou.

politique de dépistage du cancer du sein

Question de Mme Catherine Dumas. – Mmes Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports ; Catherine Dumas.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Questions cribles thématiques

Collectivités territoriales

MM. Jean-François Voguet, Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

MM. Hervé Maurey, Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales ; Yves Détraigne.

MM. Jean-Pierre Chevènement, Alain Marleix, secrétaire d'État.

MM. Alain Lambert, Alain Marleix, secrétaire d'État.

MM. Michel Boutant, Alain Marleix, secrétaire d'État ; Yves Daudigny.

Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Alain Marleix, secrétaire d'État.

MM. François Patriat, Alain Marleix, secrétaire d'État ; Didier Guillaume.

MM. Adrien Gouteyron, Alain Marleix, secrétaire d'État.

4. Souhaits de bienvenue à une délégation du sénat cambodgien

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Roland du Luart

5. Rappel au règlement

MM. Bernard Frimat, le président.

6. Lutte contre le logement vacant. – Rejet d'une proposition de loi

Discussion générale : MM. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi ; Dominique Braye, rapporteur de la commission de l’économie ; Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

MM. Thierry Repentin, François Fortassin, Mme Odette Terrade, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mmes Colette Giudicelli, Patricia Schillinger, MM. Alain Houpert, Jacques Muller.

Clôture de la discussion générale.

M. le président.

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement no 1 de M. François Fortassin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, le secrétaire d'État, Claude Bérit-Débat, Thierry Repentin. – Rejet par scrutin public.

Article 1er

MM. Robert Navarro, Claude Bérit-Débat, Jean Desessard.

Rejet de l’article.

Article 2

MM. Jean-Marc Todeschini

Rejet de l’article.

Articles additionnels après l’article 2

Amendement no 2 de M. François Fortassin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, le secrétaire d'État, François Rebsamen. – Retrait.

Amendement no 3 rectifié de M. François Fortassin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Teston. – Rejet.

Amendement no 4 de M. François Fortassin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Patricia Schillinger, M. Jacques Muller. – Rejet.

Article 3 (réservé)

M. Jean-Pierre Sueur.

Le scrutin donnant lieu à pointage, le résultat du vote sur l’article est réservé.

Article 4

Mme Raymonde Le Texier, MM. Daniel Raoul, le rapporteur, le secrétaire d'État, François Rebsamen.

Rejet, par scrutin public, de l’article.

Article 3 (suite)

Rejet de l’article après pointage du scrutin public.

Article 5. – Rejet par scrutin public

L’ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi est donc rejetée.

7. Concentration dans le secteur des médias. – Rejet d'une proposition de loi

Discussion générale : MM. David Assouline, auteur de la proposition de loi ; Michel Thiollière, rapporteur de la commission de la culture ; Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication ; Ivan Renar.

M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Marc Massion.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 683, transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

M. Alain Fouché. Ma question, qui s’adressait à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, porte sur les incidences de la réforme de la taxe professionnelle sur le Fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, le FDPTP, notamment pour les grandes entreprises, en particulier pour celles qui sont liées à la production d’énergie nucléaire.

Ce système, qui a été mis en place voilà plus de trente ans pour le secteur nucléaire, permet la perception de la taxe professionnelle non plus par la seule commune sur laquelle est implanté le site, mais aussi par une grande partie des communes du département, voire extérieures au département.

Dans la Vienne, par exemple, la taxe professionnelle représente 47 % des recettes provenant des quatre taxes locales. C’est une ressource indispensable aux divers investissements du département.

À elle seule, la centrale nucléaire de Civaux reverse plus de 18 millions d’euros au fonds départemental, dont 40 % vont aux communes d’accueil et 60 % aux collectivités dites défavorisées. Au total, 250 communes, sur les 281 du département, perçoivent donc une part de taxe professionnelle.

Les versements pour deux petites communes comme Glénouze et Lauthiers, qui comptent 100 habitants en moyenne, sont respectivement de 23 948 euros et 30 567 euros. Le produit de la taxe s’élève à 84 185 euros pour une commune moyenne comme Loudun, qui compte 8 250 habitants. Dans des zones d’accueil plus importantes, ce produit atteint, en 2009, 1,555 503 million d’euros pour Chauvigny, qui compte 7 100 habitants, et 1,727 015 million d’euros pour Montmorillon, qui compte 7 500 habitants.

Cette manne financière est indispensable aux budgets des communes. Or, ces dernières sont aujourd’hui dans l’expectative quant à leurs recettes et, en conséquence, dans l’impossibilité d’élaborer des projets d’investissements pour les années à venir.

Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la cotisation économique territoriale. Cette réforme aura des incidences sur le fonds de péréquation, indispensable à la vie des communes et alimenté jusqu’alors par un produit provenant de l’écrêtement des bases de taxe professionnelle des établissements dits exceptionnels.

Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer quels seront les nouveaux mécanismes qui se substitueront au modèle actuel afin de garantir un niveau de recettes identique aux communes et aux collectivités concernées, c’est-à-dire à celles qui sont situées dans le périmètre du Fonds de péréquation de la taxe professionnelle des centrales nucléaires et qui bénéficient d’une partie de la taxe versée par Électricité de France, laquelle est répartie par les conseils généraux ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Christine Lagarde et de M. Éric Woerth, qui m’ont demandé de vous transmettre les éléments de réponses suivants.

Vous avez souligné l’importance du rôle des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle en citant l’exemple de votre département.

La péréquation, objectif de valeur constitutionnelle, est un sujet très délicat et complexe.

Le dispositif actuel est alimenté par des fonds provenant d’écrêtements des bases d’imposition. La redistribution s’effectue au profit des communes défavorisées et constitue actuellement l’un des mécanismes les plus péréquateurs.

La réforme engagée ne permet pas le statu quo, car la suppression de la taxe professionnelle « vide » mécaniquement les FDPTP.

La problématique de ces fonds s’inscrit dans celle, plus générale, de la réforme des finances locales.

Le mode d’alimentation et de fonctionnement des fonds de péréquation de la taxe professionnelle doit encore être précisé.

Le Gouvernement avait pris le parti de maintenir les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle à leur niveau actuel en 2010, dans l’attente d’une refonte d’ensemble. En effet, ce sujet nécessite de répondre à plusieurs questions : À quel niveau faut-il faire de la péréquation ? Quelles sont les ressources susceptibles d’être retenues, et selon quels critères ? Comment déterminer les collectivités éligibles aux ressources des fonds de péréquation ?

La proposition du Gouvernement n’a pas été retenue et le texte adopté par l’Assemblée nationale définit les grandes lignes d’un nouveau dispositif de péréquation.

Seraient ainsi mis en place des fonds départementaux de péréquation qui seraient alimentés par une dotation égale aux sommes versées aux actuels fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle au titre de 2010, minorées le cas échéant des retours obligatoires dont bénéficient actuellement certaines communes.

Dans leur ensemble, ces dispositions sont intéressantes, mais elles soulèvent quelques difficultés techniques de mise en œuvre, notamment parce que le dispositif tel qu’il a été rédigé ne peut pas fonctionner au titre de 2010.

M. Éric Woerth et Mme Christine Lagarde considèrent que le texte soumis au Sénat pourrait être notablement amélioré. Dans ces conditions, la concertation et les prochaines discussions au Sénat constitueront une étape décisive pour le devenir des fonds de péréquation. Je ne doute pas, monsieur Fouché, que vous y contribuerez de manière utile.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Je prends acte que les dispositions proposées par l’Assemblée nationale sont perfectibles. Le Sénat proposera sans aucun doute une autre mouture du texte, car ce dossier est très important pour les finances de nombreuses collectivités de notre territoire.

professionnalisation des emplois de vie scolaire

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 651, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la secrétaire d’État, je souhaite évoquer la nécessaire professionnalisation, et donc la pérennisation, des emplois de vie scolaire, les EVS, et d’auxiliaires de vie scolaire, les AVS.

La loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et l’égalité des personnes handicapées, loi dite de « l’égalité des chances », a porté l’ambition du droit à la scolarisation des enfants handicapés.

Depuis, les politiques successives n’ont toujours pas donné les moyens de leur bonne scolarisation.

En juin dernier, ce système a atteint ses limites. J’en veux pour preuve l’état de « grand bazar » qui a suivi, dès juin 2009, l’impossibilité de renouvellement de milliers de contrats, dont quelque 1 400 AVS, arrivés à échéance.

Dans les Hauts-de-Seine, la situation est la même qu’ailleurs. En avril 2009, on relevait 68 élèves en attente d’un accompagnement d’une auxiliaire de vie scolaire, faute de candidats.

Il faut dire que, dès l’origine, rien n’a été fait pour rendre ces emplois attractifs. La coexistence de différents types de contrats et l’absence de statut dévalorisent ce secteur. Les différents contrats sont tous de courte durée.

Les personnels AVS ne bénéficient d’aucune prise en compte de leurs expériences et compétences acquises. Ils sont dans une situation de précarité professionnelle inacceptable que ne vient même pas compenser la procédure de validation des acquis de l’expérience, la VAE.

L’impossibilité contractuelle d’un accompagnement à durée indéterminée pousse à un roulement des AVS néfaste pour les enfants, pour les familles, mais aussi pour les professionnels à cause de la perte des compétences acquises en fin de contrat.

Les disparités de qualification exigée pour un recrutement – le baccalauréat seulement pour les assistants d’éducation – sont mal ressenties par les familles. Ces dernières redoutent qu’une qualification inadaptée soulève des difficultés dans l’accompagnement de leurs enfants.

Du fait des inquiétudes légitimes des familles et de la mobilisation des associations et des syndicats de personnels, les effets de votre amendement à la loi sur la mobilité dans la fonction publique et son décret d’application du 20 août portant sur la reprise des accompagnants scolaires en fin de contrat étaient très attendus pour la rentrée 2009.

La circulaire adressée aux inspecteurs d’académie n’étant arrivée que le 22 octobre, c’est dans le plus grand chaos que les élèves et les personnels ont découvert ce nouveau dispositif.

Il s’agit une fois encore de gérer l’urgence et non d’apporter enfin une réponse à tous ces personnels dévoués qui réclament un statut professionnel et une reconnaissance de compétences.

Prévoir le recours possible à des accompagnants employés par le milieu associatif marque encore le refus de la professionnalisation des AVS et de la création d’une fonction clairement définie, partout égale et reconnue.

Madame la secrétaire d’État, avec la mise en place d’une commission de travail interministérielle, va-t-on assister à la création et donc à la pérennisation d’un vrai métier de l’accompagnement des jeunes porteurs de handicap et, partant à une possibilité de fonctionnarisation ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Luc Chatel, qui attache une grande importance à la question de l’accueil à l’école des élèves handicapés et qui a souvent l’occasion de s’exprimer sur ce sujet.

À la rentrée de 2009, 185 000 élèves handicapés sont accueillis à l’école. C’est 10 000 de plus qu’en 2008. Ces progrès ont été possibles grâce à la création de 5 000 postes supplémentaires d’auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent au quotidien ces enfants. Au total, ce sont aujourd’hui 22 000 postes d’auxiliaires de vie scolaire qui sont consacrés à l’intégration des enfants handicapés.

Comme vous l’avez rappelé, un amendement gouvernemental au projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires a permis que les AVS en fin de contrat puissent être recrutés par une association ayant conclu une convention avec l’éducation nationale.

Luc Chatel a signé le 1er septembre une convention-cadre avec trois associations représentatives : la fédération nationale des associations au service des élèves présentant un handicap, la FNASEPH, l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales, l’UNAPEI, et les pupilles de l’enseignement public, les PEP : entre 1 000 et 1 500 AVS pourront être recrutés par des associations locales.

L’éducation nationale versera aux associations qui recrutent une subvention, calculée sur la base de la rémunération brute antérieurement perçue par la personne recrutée, majorée de 10 %. Il reste pourtant beaucoup à faire, notamment en matière d’accompagnement.

C’est pour cela que le ministère de l’éducation nationale s’est engagé à avancer avec le ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville vers la professionnalisation des métiers de l’accompagnement.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de définir les contours d’un nouveau métier d’accompagnant de vie scolaire et sociale non seulement pour mieux accompagner les enfants handicapés dans le temps scolaire et hors du temps scolaire, mais aussi pour mieux accompagner les personnes âgées ou dépendantes, pour lesquelles les mêmes questions se posent.

Un groupe de travail commun au ministère de l’éducation nationale et au secrétariat d’État à la famille et à la solidarité a été mis en place en septembre.

L’objectif est de créer, d’ici au mois de septembre 2010, un nouveau métier d’accompagnant qui permettra d’offrir des perspectives de carrière et de mobilité à ceux qui ont choisi de s’engager dans l’accompagnement des élèves handicapés, mais aussi dans l’assistance aux personnes âgées ou dépendantes.

Vous pouvez être certain que Luc Chatel veille personnellement au bon déroulement des travaux de ce groupe.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je voudrais rappeler que l’article 79 de la loi pour l’égalité des chances prévoyait que, dans un délai d’un an, le Gouvernement présente un plan des métiers ayant pour ambition de favoriser la complémentarité des interventions médicales, sociales, scolaires au bénéfice de l’enfant.

Ce plan devait répondre à la nécessité des reconnaissances des fonctions émergentes, l’exigence de gestion prévisionnelle des emplois et le souci d’articulation des formations initiales et continues dans les différents champs d’activités concernés.

Or le plan des métiers qui a été présenté en 2008 par Mme Létard ne faisait pas du tout mention des personnels qui exercent les missions d’intégration des élèves handicapés à l’école. Que de temps perdu, au détriment de la qualité de la scolarisation des enfants !

Vous confirmez, madame la secrétaire d’État, la mise en place d’un groupe de travail censé avancer vers une professionnalisation.

Mais, en 2002, une commission interministérielle à laquelle participaient les associations avait été formée. Elle avait remis des propositions concrètes pour la pérennisation et la professionnalisation. Que sont-elles devenues ? Pourquoi tout reprendre à zéro ?

Vous promettez, d’ici au mois de septembre 2010, que ce groupe de travail aboutira à la création d’un nouveau métier d’accompagnement, qui permettrait d’offrir des perspectives de carrière et de mobilité à celles et ceux qui se sont engagés, notamment dans l’accompagnement des élèves handicapés.

Or ce que réclament ces personnels, c’est la possibilité de sortir de la précarité imposée par le cadre réglementaire fixé par la loi de 2005, un cadre qui ne permet pas d’assurer la continuité dans l’accompagnement des élèves handicapés et de leurs familles.

droit à l'image dans les établissements scolaires

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 681, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Jean-Pierre Vial. Madame la secrétaire d’État, le temps est révolu où la photographie en milieu scolaire se bornait à la réalisation chaque année par un professionnel spécialisé de la traditionnelle photo de classe. Le développement de la photographie numérique et les facilités qu’elle offre en matière de diffusion, qu’il s’agisse de sa reproduction sur un support numérique, de sa mise en ligne sur l’intranet ou sur l’extranet de l’établissement ou encore de l’échange de fichiers par courrier électronique ont radicalement changé la donne.

Certes, ces nouvelles technologies de l’image constituent pour les personnels enseignants, en particulier pour les plus dynamiques d’entre eux, des outils extrêmement précieux pour illustrer un projet ou des activités pédagogiques et les faire mieux connaître auprès des familles, de la communauté enseignante et, le cas échéant, d’un public plus large, par exemple à l’occasion de manifestations « portes ouvertes » ou de la création d’un portail.

Mais ces mêmes personnels éducatifs doivent aussi se montrer extrêmement attentifs au respect d’un ensemble de dispositions juridiques qui encadrent strictement, et à juste titre, la réalisation et l’exploitation de photographies représentant des personnes, en particulier des personnes mineures : droit au respect de la vie privée, et son corollaire, le droit à l’image garanti par l’article 9 du code civil et protégé par l’article 226-1 du code pénal, dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relatives à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La circulaire du 5 juin 2003 actuellement en vigueur rappelle, certes, aux personnels enseignants un certain nombre de principes fondamentaux : nécessité d’une autorisation préalable des titulaires de l’autorité parentale, mise en garde contre les risques que peut comporter une diffusion électronique, nécessité de respecter le dispositif de la loi du 6 janvier 1978 précitée, dispositif dont il faut d’ailleurs relever qu’il a été depuis fortement remanié par la loi du 6 août 2004.

Mais cette circulaire, partiellement obsolète d’un point de vue juridique, est d’une façon générale insuffisamment précise et laisse les responsables éducatifs démunis face à la complexité des problèmes juridiques pratiques que soulève aujourd’hui la délicate question de la réalisation et de la diffusion de l’image des élèves des écoles, des collèges et des lycées.

Je souhaiterais en conséquence savoir si vous envisagez, madame la secrétaire d’État, de prendre une nouvelle circulaire qui traiterait de façon plus précise cette question sensible, afin de pouvoir satisfaire à la fois les droits à l’image de l’élève à travers l’autorité parentale et la sécurité juridique de l’établissement, des enseignants et des personnels éducatifs.

Elle devrait en outre préciser dans quelles conditions des photographies d’élèves peuvent être considérées comme des données à caractère personnel, voire comme des fichiers de données à caractère personnel au sens de la loi du 6 janvier 1978 précitée, et indiquer aux personnels éducatifs les démarches qu’ils doivent suivre pour se mettre en conformité avec les exigences de ladite loi préalablement à toute collecte et à toute diffusion de ces photos.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Luc Chatel, qui m’a chargée de vous transmettre les éléments de réponse suivants.

Votre question rejoint une réflexion actuellement menée par le ministère de l’éducation nationale sur la protection du droit à l’image dans les établissements scolaires.

Comme vous l’avez rappelé très justement, la circulaire du 5 juin 2003 relative à la photographie scolaire mérite d’être actualisée pour tenir compte des modifications de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

La photographie constitue une donnée personnelle, puisqu’elle permet l’identification du sujet concerné.

En conséquence, les établissements scolaires qui souhaitent conserver des photographies d’élèves, notamment des photographies numérisées, doivent respecter les prescriptions de la loi informatique et libertés. La circulaire du 5 juin 2003 fera donc très prochainement l’objet de modifications pour tenir compte de l’évolution de la loi CNIL, dans le sens du renforcement des droits des administrés.

En revanche, et même si le ministère de l’éducation nationale a l’intention d’accentuer la sensibilisation des chefs d’établissements et des enseignants à cette question, la circulaire du 5 juin 2003 paraît respecter le principe posé à l’article 9 du code civil du droit au respect de la vie privée des élèves et donc de leur droit à l’image.

Elle rappelle qu’une autorisation expresse de l’élève, ou de ses parents si ce dernier est mineur, est nécessaire avant toute prise de vue ainsi qu’avant toute diffusion, notamment sur internet, de la photographie.

Par ailleurs, monsieur Vial, vous citez l’article 226-1 du code pénal. Toutefois, et dès lors qu’il sanctionne la fixation de l’image d’une personne sans son consentement dans un lieu privé, il me semble que cet article n’est pas applicable aux photographies prises dans les établissements scolaires, qui ne constituent pas des lieux privés.

Il faut enfin rappeler que la circulaire du 5 juin 2003 pose des règles très strictes pour encadrer la pratique de la photographie scolaire, notamment afin de garantir la neutralité du service public et inciter à une très grande prudence à l’égard des pratiques commerciales qui pourraient accompagner le développement de la photographie à l’école.

Monsieur le sénateur, je voudrais vous remercier de votre contribution aux réflexions du ministère de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse, notamment des clarifications apportées sur l’interprétation des dispositions pénales, qui sont lourdes de conséquences pour les établissements scolaires.

J’ai bien noté que ces préoccupations rejoignent celles du ministère de l’éducation, qui travaille à l’adaptation de cette circulaire. Il y a une vraie urgence, puisque cette question relaie les interrogations exprimées au sein des conseils d’administration des établissements, qui doivent assumer ces contraintes au quotidien dans leur fonctionnement.

Madame la secrétaire d’État, j’espère la circulaire paraîtra dans les meilleurs délais.

Situation des auxiliaires de vie scolaire collectifs

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 676, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Bernard Piras. Madame la secrétaire d'État, je veux attirer l’attention sur le décret n° 2009-993 du 20 août 2009 portant application du dernier alinéa de l’article L. 351-3 du code de l’éducation et la circulaire relative à la continuité de l’accompagnement des élèves handicapés.

Ces dispositifs réglementaires concernent la situation des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, mais, semble-t-il, uniquement celle des auxiliaires de vie scolaire chargés de l’accompagnement individualisé d’un élève handicapé, les AVSI.

Il faut rappeler qu’on distingue les auxiliaires de vie scolaire individualisés, qui interviennent dans l’enseignement classique pour un ou deux enfants déterminés, et les auxiliaires de vie scolaire collectifs, les AVS-CO, qui œuvrent au sein d’un groupe d’enfants handicapés, dans les classes pour l'inclusion scolaire, les CLIS par exemple.

Or, le décret, comme la circulaire, ne font référence qu’aux AVSI sans évoquer les AVS-CO alors que les problématiques abordées, comme la gestion de ces postes par des associations et la continuité de l’accompagnement, concernent bien les deux catégories d’AVS.

En outre, les auxiliaires de vie scolaire collectifs établissent au fil du temps un lien particulier et privilégié avec l’ensemble des enfants confiés, et assurent un lien étroit avec les enseignants. Les auxiliaires de vie scolaire collectifs accompagnent ainsi les enfants lorsqu’ils intègrent les classes classiques, la volonté affirmée étant désormais une intégration maximale, jouant ainsi le rôle d’auxiliaire de vie scolaire individualisé.

Je vous demande de m’indiquer si le décret et la circulaire cités précédemment sont également applicables aux deux catégories d’auxiliaires de vie scolaire et, en cas de réponse négative, les éléments justifiant une telle disparité de traitement. Cela me semblerait incohérent au regard notamment du fait qu’une réflexion est conduite actuellement visant à ce que les auxiliaires de vie scolaire n’aient plus une simple fonction, mais exercent un véritable métier, ce qu’a confirmé Mme Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, en répondant tout à l’heure à la question de Mme Gonthier-Maurin.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, à la rentrée de 2009, 185 000 élèves handicapés sont accueillis à l’école. C’est 10 000 de plus qu’à la rentrée dernière et 40 % de plus qu’en 2005, date du vote de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La scolarisation des élèves handicapés est rendue possible par la présence de personnels recrutés sur des missions d’auxiliaires de vie scolaire, qui les accompagnent à titre individuel, les AVSI, ou collectif, les AVS-CO.

Dans les structures ou les dispositifs collectifs de scolarisation, les classes pour l’inclusion scolaire, les CLIS, et les unités pédagogiques d’intégration, les UPI, les auxiliaires de vie scolaire collectifs apportent une aide aux enseignants pour faire face à l’hétérogénéité des groupes d’élèves et la complexité des actions éducatives et pédagogiques.

En cette rentrée, pour accueillir ces enfants, nous ouvrons 200 unités pédagogiques d’intégration dans le second degré, ce qui porte à 1 750 le nombre total d’unités pédagogiques d’intégration en 2009.

Notre objectif est d’atteindre 2 000 unités pédagogiques d’intégration en 2010.

Chaque année, une centaine de classes pour l’inclusion scolaire sont ouvertes dans le premier degré. Ainsi 4 100 classes pour l’inclusion scolaire accueillent 41 000 élèves en 2009.

Un amendement gouvernemental a permis que les AVSI en fin de contrat puissent être recrutés par une association ayant conclu une convention avec l’éducation nationale.

Luc Chatel a signé le 1er septembre une convention-cadre avec trois associations représentatives : la FNASEPH, la Fédération nationale des associations au service des élèves présentant une situation de handicap, l’UNAPEI, l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés, et les PEP, les associations de pupilles de l’enseignement public : 1 000 à 1 500 AVS pourront être recrutées par des associations locales.

Par ailleurs, le ministère de l’éducation nationale s’est engagé à avancer avec le ministère du travail pour la professionnalisation de ces métiers d’accompagnement.

Un groupe de travail commun au ministère de l’éducation nationale et au secrétariat d’État à la famille et à la solidarité a été mis en place en septembre.

L’objectif est de créer un nouveau métier d’accompagnant de vie scolaire et sociale en septembre 2010.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit de définir les contours d’un nouveau métier d’accompagnant de vie scolaire et sociale, pour mieux accompagner les enfants handicapés dans le temps scolaire et hors du temps scolaire.

Les auxiliaires de vie scolaire individuels et les auxiliaires de vie collectifs sont directement concernés par ce nouveau métier

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Votre réponse n’est pas très précise, madame la secrétaire d’État, puisque je demandais si le décret et la circulaire concernaient également les auxiliaires de vie scolaire collectifs.

Il semble effectivement que la recherche soit faite pour la rentrée de septembre 2010, mais je ne sais pas si ce décret concerne les deux catégories d’auxiliaires de vie scolaire.

« Programme Bachelier » proposé par Acadomia

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 665, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Yannick Bodin. Ma question concerne les entreprises de soutien scolaire privé et tout spécialement l’entreprise Acadomia.

Le 16 septembre dernier, une des plus importantes sociétés dispensant, sous forme de prestations payantes, du soutien scolaire privé en France, Acadomia, a lancé son opération : « Devenez bachelier ou soyez remboursé ».

Ce programme, inédit dans notre pays, consiste pour les familles, contre le paiement d’une somme allant de 2 000 à 3 000 euros par an, à disposer de cours dans une ou deux matières pour leur enfant, élève en classe de terminale, avec la garantie qu’il obtienne le baccalauréat en juin prochain. Dans le cas contraire, la société s’engage à rembourser les parents.

Pour justifier cette offre commerciale, le P-DG de cette entreprise a indiqué se défendre contre la concurrence de l’éducation nationale. En effet, il a déclaré : « Il fallait bien qu’on réagisse à la dérive de l’éducation nationale qui va maintenant vers le service en développant des formes de soutien scolaire gratuit. L’État a une obligation de moyens ; nous, notre valeur ajoutée, c’est la garantie des résultats. »

Vous apprécierez, monsieur le président, vous qui avez enseigné quelques années !

Ce que l’entreprise ne dit pas, c’est qu’elle bénéficie d’importantes aides de l’État, environ 320 millions d’euros, à travers le crédit d’impôt, les abattements de charges sociales, une TVA à taux réduit. En effet, les entreprises de soutien scolaire privé ont été incluses dans les services à la personne dans le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo. Et on comprend mieux pourquoi quand on sait que ce plan devait développer 500 000 emplois en trois ans et qu’à ce jour il n’en a créé que la moitié. Ce n’est pourtant pas très logique puisque ces entreprises n’emploient, par nature, que des étudiants ou des enseignants déjà en poste, d’ailleurs souvent sélectionnés et recrutés sans grande rigueur.

Évidemment, une fois de plus, les familles défavorisées sont exclues de cette offre puisque seules les familles aisées pourront se permettre d’investir une telle somme pour l’éducation de leurs enfants, des enfants qui, pour la plupart, n’en ont d’ailleurs pas besoin pour faire partie des 85 % de lycéens qui obtiennent le baccalauréat. La réduction d’impôt accordée aux foyers fiscaux ayant recours à ce type de service augmente encore ce déséquilibre social.

J’ai noté avec intérêt la réaction de M. le ministre de l’éducation nationale à l’annonce du lancement de ce programme et sa déclaration : « Je suis choqué que l’on puisse marchandiser le baccalauréat ; le baccalauréat n’est pas à vendre. »

Je suis de son avis, voilà pourquoi je lui pose la question suivante : quelles mesures comptez-vous prendre pour empêcher ce type de commerce, c’est-à-dire les officines mercantiles qui traitent le savoir comme une marchandise ? Comment comptez-vous passer des déclarations aux actes ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, comme pour tous les Républicains, l’école ne saurait être une marchandise. Le savoir n’est pas à vendre, il se transmet et se conquiert par le travail et la persévérance.

Luc Chatel condamne d’autant plus cette approche de la réussite qu’elle prétend la réserver à ceux-là seuls qui ont les moyens de l’acheter.

Cette approche est choquante, car elle conduit parfois des familles modestes à des sacrifices importants et repose sur une opposition fondamentale à l’égalité des chances, qui est le principe premier et la fin dernière de l’école de la République.

L’école doit être son propre recours. Elle doit l’être pour que chaque élève, où qu’il soit, d’où qu’il vienne, puisse y trouver l’aide et le soutien dont il a besoin pour réussir.

C’est le sens de l’ensemble des réformes mises en œuvre depuis l’élection du Président de la République.

À l’école élémentaire, le ministère de l’éducation nationale propose dans toutes les classes et pour tous les élèves qui rencontrent des difficultés, deux heures d’aide personnalisée par semaine. Il s’agit d’apporter des réponses immédiates aux difficultés avant qu’elles ne s’enracinent.

En outre, des stages de remise à niveau sont organisés pendant les vacances de printemps et pendant l’été pour les élèves de CM1 et de CM2. Cet été, près de 138 000 écoliers du public et du privé s’y sont inscrits, encadrés par environ 26 000 professeurs des écoles.

Le ministère de l’éducation nationale a aussi mis en place dans les écoles de l’éducation prioritaire et dans tous les collèges un accompagnement éducatif entre seize heures et dix-huit heures, pour aider les élèves dans leur travail personnel, proposer des activités artistiques et sportives ou bien encore faciliter la pratique orale des langues.

Aujourd’hui, l’accompagnement éducatif concerne plus d’un collégien sur trois, et souvent même un sur deux dans certaines zones rurales ou quartiers défavorisés. En tout, plus d’un million d’élèves en ont bénéficié l’an dernier.

N’oublions pas enfin les dispositifs de réussite scolaire mis en place pendant les vacances pour les élèves des 200 lycées qui concentrent le plus de difficultés. La réforme du lycée nous permet de poursuivre dans cette voie grâce à la création d’un accompagnement personnalisé pour tous.

J’ajoute, monsieur le sénateur, que tous ces services sont, bien entendu, gratuits pour les familles.

Voilà l’ambition du ministère de l’éducation nationale, voilà notre conception de l’égalité des chances et de la réussite : la réussite de chacun, pas celle de quelques-uns !

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d’État, assurez-moi qu’il n’y a pas d’erreur. C’est bien à ma question que vous répondez ? Je vous ai interrogé sur le programme bachelier proposé par Acadomia. Vous n’en avez pas dit un mot.

Je vous remercie de m’avoir résumé la politique du ministre de l’éducation nationale. J’étais au courant. M. Chatel est venu la semaine dernière la présenter devant la commission dans laquelle je siège. Si nous étions à l’école, je vous dirais, madame, que vous êtes hors sujet.

Si vous voulez bien être mon porte-parole, transmettez ma question au ministre et je la poserai une autre fois parce que, malheureusement, aujourd’hui, vous vous êtes déplacée pour rien !

M. le président. Monsieur Bodin, vous avez raison de poser cette question, adressée à M. Chatel. Il faudra la lui soumettre à nouveau. Mme la secrétaire d’État n’a fait que vous transmettre la réponse qui était préparée par le ministre. Ne vous en prenez donc pas à elle !

M. Yannick Bodin. Dans ce cas, je m’en vais ! (M. Yannick Bodin quitte l’hémicycle.)

prise en charge des personnes âgées à domicile et tarification des heures d'aide ménagère

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 671, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d’État, cette question concerne probablement un secteur que vous connaissez mieux que le précédent, puisqu’il s’agit du secteur de l’aide à domicile, qui est passé, à la suite de la loi Borloo du 2 janvier 2002, d’un secteur essentiellement associatif à un secteur marchand.

Il y a aujourd’hui, en France, plus de 16 000 organismes agréés. Ce secteur, en constante expansion, constitue un enjeu essentiel pour l’accompagnement des personnes âgées et leur maintien à domicile.

Si les conseils généraux en sont les principaux acteurs et financeurs, les caisses de retraite y consacrent aussi des budgets importants. Elles peuvent octroyer à leurs retraités appartenant aux catégories GIR 5 et GIR 6, une aide extralégale sous la forme de chèques emploi-service ou d’une participation financière au coût horaire d’une aide à domicile. Le montant de cette aide, fixé par décret par la CNAV, est actuellement de 18,20 euros par heure effectuée.

Les associations et services d’aide à domicile doivent passer une convention avec les caisses de retraite et les conseils généraux pour l’attribution de ces aides, ce qui les oblige à professionnaliser leur personnel, à mettre en place des actions partenariales et à lutter contre la précarité de l’emploi.

Cette démarche qualité entraîne alors une facturation horaire plus importante que celle fixée par la CNAV, d’environ 20 euros voire plus, soit une différence de 1,50 euro. Elle place aussi les associations et services d’aide dans l’impossibilité de demander au retraité le différentiel, sous peine de déconventionnement par les CRAM.

Ce déficit ne fait qu’augmenter avec le nombre croissant d’heures effectuées auprès de nos aînés et de nos seniors. De nombreuses associations d’aide à domicile, ainsi que des centres communaux d’action sociale, m’ont alertée de cette situation.

Ainsi, l’ADMR 29, qui emploie plus de 3700 salariés et accompagne près de 28 000 personnes, assure, grâce à ses 72 associations, un véritable maillage du territoire et un maintien à domicile de qualité pour les personnes âgées, quel que soit leur lieu de vie.

Or, cette association connaît aujourd’hui un déficit important de près de deux millions d’euros, principalement dû à ce différentiel. C’est également le cas pour d’autres organismes qui ont déjà licencié des salariés. Une association du Nord a récemment licencié 320 personnes ; une autre association en difficulté dans le Finistère a perdu 80 emplois.

L’aide à domicile aujourd’hui ne se réduit pas uniquement à du ménage et du repassage. Elle apporte un véritable accompagnement aux personnes en perte d’autonomie.

Lors des assises nationales des services d’aide à domicile du 23 juin dernier, le Gouvernement a affiché la volonté de professionnaliser et de moderniser l’aide à domicile. Cette question a donc constitué un axe fort du débat.

D’ailleurs, un projet de loi portant sur l’encadrement et la simplification du droit applicable aux associations et entreprises de services à la personne a été déposé à l’Assemblée nationale.

Le sujet est grave, car il met en danger le secteur de l’aide à domicile, la prévention de la perte d’autonomie et plus généralement le respect d’un choix de vie. Le passage de l’autonomie à la dépendance constitue un moment difficile. Le vieillissement de la population est un enjeu de société, qui mérite une réponse d’ampleur, rapide et de qualité, sans quoi nous allons au-devant de graves difficultés.

Ma question est donc la suivante : ne pourrait-on pas envisager une augmentation significative du tarif de prise en charge fixé par la CNAV ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, vous avez souhaité savoir s’il est envisagé, pour les structures associatives et les institutions telles que les centres communaux d’action sociale, d’augmenter le taux de participation horaire de la CNAV aux dépenses d’aide ménagère à domicile de ses retraités, qui s’élève aujourd’hui à 18,20 euros.

Sachez tout d’abord que nous sommes, Xavier Darcos et moi-même, particulièrement sensibles aux difficultés que rencontrent les services d’aide à domicile.

Les cadres juridiques et les modalités de financement de ces services sont complexes et insuffisamment articulés entre eux. La situation, que vous décrivez en Bretagne, illustre les difficultés que peut engendrer leur application.

Sur la question plus précise de la tarification de l’aide à domicile, je vous informe que, depuis plusieurs mois, la CNAV mène des travaux visant à faire évoluer les modalités de financement de la prestation d’aide ménagère à domicile, en partenariat avec les différents acteurs institutionnels concernés. La CRAM de Bretagne a participé activement à ces réflexions.

La mise en œuvre d’une mesure transitoire, dont l’application est d’ores et déjà proposée pour les associations d’aide ménagère de la région Bretagne, s’inscrit dans le cadre des réflexions nationales qui seront poursuivies dans les prochains mois.

Cette mesure vise à mieux financer certaines structures qui requièrent une rémunération plus élevée que celle d’aujourd’hui. Elle consiste à donner la possibilité de verser aux prestataires de services un complément de financement, de l’ordre d’un euro par heure d’intervention, en fonction de la qualification de leur personnel.

En échange, les structures s’engagent à respecter l’ensemble des dispositions de la convention de prestations, notamment le montant de participation horaire de l’aide ménagère défini par la CNAV, afin d’éviter tout reste à charge supplémentaire pour le retraité.

Plus globalement, l’analyse juridique des différentes règles de tarification des services d’aide à domicile confirme leur absence d’articulation.

Cela nous oblige donc à rechercher collectivement les meilleures solutions pour faire évoluer à la fois les règles de tarification des services d’aide à domicile et les modalités de financement de la CNAV.

Une concertation est donc plus que jamais nécessaire. C’est pourquoi nous avons prévu, Xavier Darcos et moi-même, qu’elle soit engagée très prochainement, avec l’ensemble des acteurs concernés par ce dossier, conseils généraux, CNAV et fédérations de gestionnaire. Il s’agira d’entamer un dialogue de fond, de dresser un état des lieux partagé du financement de l’aide à domicile et d’ouvrir les pistes d’une meilleure coopération entre les différents financeurs.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse J’ai cru comprendre que vous souhaitiez mettre en place une sorte de Grenelle sur l’allongement de la vie. Cette initiative nous paraît tout à fait importante.

Certes, des réunions de concertation ont eu lieu en Bretagne entre les différents acteurs de l’aide à domicile, comme vous l’avez rappelé. Néanmoins, je rappelle l’urgence de la situation dans laquelle se trouvent les associations.

Ces associations, qui ne dépendent pas du secteur marchand, ont un objectif de professionnalisation et de pérennisation de leurs emplois. Il ne s’agit plus d’emplois sous-qualifiés aujourd’hui.

J’appelle donc votre ministère à organiser cette concertation au plus vite et surtout à demander à la CNAV l’augmentation de son tarif horaire.

radiation de la liste électorale du maire de douaumont

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 604, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Claude Biwer. Comme je l’évoquais à l’instant, cette question très particulière peut concerner tous les ministres. Elle porte sur une des communes de mon département, au nom prestigieux de Douaumont, que l’on semble vouloir rayer de la carte, ce qui perturbe quelque peu les élus de ce département, en particulier le président de l’association locale des maires que je suis.

Faisant suite à une requête de M. le sous-préfet de Verdun, le tribunal d’instance de cette commune a décidé, par jugement en date du 25 juin 2009, de radier de la liste électorale de la commune de Douaumont huit personnes, dont la maire, Mme  Minmeister, ainsi que cinq autres élus de cette même commune.

Je rappellerai que la commune de Douaumont a peu d’habitants, ce qui se comprend aisément quand on connaît son histoire. Au moment où nous venons de célébrer le 11 novembre, cela prend une signification particulière.

Je rappelle également que Mme le maire de Douaumont figure sur la liste électorale de la commune depuis 1969. Elle y résidait et exerçait la profession de commerçante, la seule activité du site d’ailleurs, jusqu’en 2003. Maire de cette commune depuis 1989, elle a été constamment réélue depuis lors et se dévoue sans compter au service de sa commune. J’ajoute que son père fut également maire de Douaumont pendant de longues années.

Ès qualités, Mme Minmeister a accueilli de très nombreuses personnalités dans cette commune si emblématique de la tragédie qui s’est nouée au cours de la Première Guerre mondiale. Parmi les visiteurs figurent les Présidents de la République. L’actuel Président de la République, Nicolas Sarkozy nous a honorés de sa présence le 11 novembre 2008, à l’occasion du 90ème anniversaire de la victoire de 1918.

Douaumont fait partie des neuf villages détruits par faits de guerre entre 1914 et 1918 et c’est grâce à la volonté de quelques familles, dont celles de Mme le maire de Douaumont, que cette commune a pu revivre, moyennant quelques reconstructions, et reconstituer une équipe municipale. Dans le même temps, sept autres villages, également détruits, n’ont pas eu cette chance et sont désormais gérés par une commission municipale et un président, extérieurs à ces communes et nommés par le préfet.

Ce sont toutes les raisons pour lesquelles j’avais demandé à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de bien vouloir faire en sorte que les mandats de Mme Minmeister, l’actuelle maire de Douaumont, comme ceux des autres conseillers municipaux radiés de la liste électorale, puissent se poursuivre jusqu’à leur terme, c’est-à-dire jusqu’aux prochaines élections municipales.

M. le ministre m’avait répondu favorablement, et je l’en remercie, car c’est un point qui méritait l’attention de tous. Mais, si je me réjouis de cette réponse, permettez-moi de vous dire qu’elle ne règle rien pour l’avenir.

Que se passera-t-il lors des prochaines élections municipales? Douaumont restera-t-elle une commune de plein exercice dotée d’un conseil municipal élu par la population ou sera-t-elle désormais gérée, elle aussi, par une commission municipale de trois membres nommés par le préfet ? Cela ne constituerait pas, de mon point de vue, une grande avancée pour l’exercice de la démocratie.

À tout prendre et pour l’avenir, ne vaut-il mieux pas que Douaumont soit gérée par des élus, même si certains habitent une commune voisine ou proche, plutôt que de voir des personnalités qui ne disposent d’aucune attache, même antérieure, au petit village de Douaumont, nommées par l’autorité préfectorale ?

Pour ma part, j’estime qu’il est nettement préférable que les communes soient gérées par des élus...

Douaumont, qui a été détruite voilà plus de quatre-vingt-dix ans, risque de disparaître cette fois administrativement, ce qui ne me semble pas souhaitable.

Les élus de la Meuse m’ont donc demandé d’être leur interprète pour essayer de trouver avec vous une solution acceptable. Eu égard au statut emblématique de Douaumont, il me serait agréable de donner une issue heureuse à cette démarche en privilégiant l’élection plutôt que la nomination.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur la radiation des listes électorales du maire de Douaumont, car vous craignez qu’à terme cette commune ne soit gérée par une délégation municipale, au même titre que les autres villages détruits pendant la bataille de Verdun.

La commune de Douaumont revêt une dimension symbolique forte aux yeux de nos compatriotes. C’est, en effet, la seule commune de la zone de combats de la bataille de Verdun qui dispose d’un conseil municipal élu. Aussi M. le ministre de l’intérieur a-t-il été particulièrement sensible à l’émoi suscité par cette affaire. Il m’a chargée de vous confirmer ici les éléments de réponse qu’il vous a communiqués par courrier et de vous de préciser qu’une issue favorable peut être trouvée à cette situation.

Comme vous l’indiquez, le tribunal d’instance de Verdun a prononcé la radiation des listes électorales de Douaumont de huit électeurs qui n’étaient ni domiciliés dans la commune ni inscrits au rôle des contributions directes. Parmi eux figurent six conseillers municipaux, dont le maire de Douaumont et deux membres de sa famille.

Dans l’immédiat, le maire de Douaumont pourra continuer à exercer son mandat jusqu’à son terme, puisque le code électoral ne prévoit pas la démission d’office d’un conseiller municipal qui cesse de remplir, après son élection, la condition d’éligibilité tenant à l’inscription sur les listes électorales de la commune au 1er janvier de l’année de l’élection. Le Conseil d’État considère que cette condition s’apprécie au jour de l’élection, et non en cours de mandat.

Ainsi, sauf démission volontaire de sa part, un conseiller municipal conserve son mandat dans l’hypothèse où il aurait été radié des listes électorales de la commune par une décision de justice postérieure à son élection.

Actuellement, sur un effectif de neuf membres, le conseil municipal de Douaumont compte trois élus résidents et six élus qui ne sont ni domiciliés dans la commune ni inscrits au rôle des contributions directes.

Pour l’avenir, des solutions existent.

Dans la perspective du prochain renouvellement du conseil municipal, les conseillers municipaux radiés, dont le maire et les deux membres de sa famille, peuvent mettre leur situation en conformité avec les dispositions de l’article L. 11 du code électoral, qui prévoit que sont inscrits sur la liste électorale, sur leur demande, tous les électeurs qui ont leur domicile réel ou une résidence depuis six mois au moins dans la commune ; ceux qui figurent pour la cinquième année consécutive au rôle d’une des contributions directes communales ou encore ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire en qualité de fonctionnaires publics. Ces conditions ne sont pas cumulatives.

Par ailleurs, l’article L. 228 du code électoral prévoit qu’un certain nombre de conseillers peuvent ne pas résider dans la commune. Le nombre de ces conseillers « forains » ne peut excéder quatre pour les conseils municipaux comportant neuf membres, ce qui est le cas ici.

En l’état actuel, la situation de Douaumont ne paraît donc pas nécessiter la mise en place d’une commission spéciale.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, si les élus et les électeurs de Douaumont souhaitent conserver leur conseil municipal, ils disposent de tous les moyens pour le faire.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, madame la ministre, de la réponse que vous m’avez apportée. Je constate que nous sommes sur la bonne voie, et j’espère que les choses se décanteront petit à petit.

Je voudrais néanmoins rappeler que tous les terrains de la commune de Douaumont ont été intégrés au domaine de l’État ; ils sont à ce titre gérés par l’ONF, l’Office national des forêts, et exonérés d’impôts. La condition qui tient à l’inscription sur le rôle des contributions directes n’est donc pas facile à remplir ; une modification des textes est sans doute nécessaire. Je continuerai donc à travailler sur ce thème pour trouver avec vous des solutions adéquates.

Voilà quatre ou cinq ans, alors que je comparais la dotation globale de fonctionnement de la ville de Paris, qui s’élève à quelque 600 euros, à celle de la moyenne des villes de mon département, à savoir 60 euros, le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, m’avait fait remarquer que je ne devais pas me plaindre, car l’une des communes de mon département bénéficiait aussi d’une DGF de 600 euros. Il parlait de Douaumont !

Veillons donc à ne pas la perdre, car cela risquerait de fausser de nouveau les termes du débat !

reconnaissance concrète de l'enseignement agricole public

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 669, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre de l’outre-mer, j’ai été amenée, à maintes reprises, à porter dans cette enceinte la voix des personnels enseignants et administratifs, des parents d’élèves, ainsi que des élèves de l’enseignement agricole public. Je souhaite, une fois de plus, alerter le Gouvernement – car il ne les a toujours pas entendus ! – sur leurs conditions de travail et d’études, qui ne font que s’aggraver au fil des ans.

Suppressions d’emplois, fermetures de classes et, maintenant, fermetures de sites en milieu rural, tel est le programme que M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche propose à ce secteur.

Le moratoire sur les suppressions d’emplois qui a été demandé n’a pas été pris en compte, et ce malgré les multiples actions menées sous des formes diverses, manifestations, rétention de notes et blocage de centres de correction.

Le désarroi des personnels, des familles et des élèves, que M. le ministre reconnaît lui-même, est aujourd’hui à son comble.

Or nous pouvons dire à ce jour que le Gouvernement ne tient guère compte de leurs demandes. Je le regrette d’autant plus qu’il leur avait semblé que M. le ministre s’était positionné de façon plutôt positive, dès son arrivée à la tête de ce ministère, sur l’avenir de cet enseignement.

L’annonce de la tenue d’assises laissait d’ailleurs entendre qu’il admettait que l’enseignement agricole public était en crise et qu’il comptait lui redonner un nouvel élan.

Les 60 emplois promis pour améliorer la rentrée scolaire de 2009 pouvaient susciter quelque espoir. Mais, à la lecture du budget prévu pour 2010, tous les intéressés constatent que la réalité des chiffres contredit les différents engagements pris précédemment.

La seule réponse claire, c’est la suppression de 221 emplois d’enseignant. Est-ce là la seule façon de « répondre de la manière la plus concrète possible », pour reprendre les termes employés ici même par M. le ministre, en juillet dernier ?

Vous comprendrez aisément que cette annonce soit très mal acceptée. La colère gronde dans les établissements. De plus, aucune information n’a été donnée à ce jour sur la répartition de ces suppressions entre le public et le privé.

La défense du service public menée par les parents d’élèves et les personnels des établissements de notre région a permis de maintenir l’offre d’options facultatives, malgré une décision tardive. Comment le Gouvernement compte-t-il faire, avec 221 postes en moins, pour les maintenir et les rétablir sur l’ensemble des lycées de notre territoire ?

M. le ministre est-il prêt à s’engager devant la représentation nationale à rétablir le droit de chaque élève à être accueilli dans l’enseignement agricole public en mettant fin aux plafonnements arbitraires des effectifs ? À mon avis, ce serait un acte fort.

En supprimant de nouveau des emplois, le Gouvernement va accroître « le désarroi des agents comme des usagers de l’enseignement agricole public », dont le ministre disait, pourtant, avoir « pris la mesure ». Ainsi, s’en trouvera plus encore aggravée la situation de nos territoires ruraux, celle du monde agricole, qui n’a vraiment pas besoin de connaître la précarité en plus de la crise qu’il subit actuellement.

Tout investissement dans la formation est un investissement pour l’avenir, madame la ministre.

L’État se désengage, et les inégalités se renforcent entre nos territoires et nos citoyens. La disparition des services publics participe au renforcement de ces inégalités, et le coup porté à l’enseignement agricole public est assurément un élément aggravant.

La semaine dernière, le syndicat national de l’enseignement technique agricole a transmis vingt et une propositions, que nous faisons nôtres et que nous demandons à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, de considérer avec sérieux.

Il est temps de renverser la tendance. On doit, me semble-t-il, répondre de façon concrète à la demande de moratoire sur les suppressions d’emplois ; c’est un impératif pour sauver l’enseignement agricole public.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui m’a chargée de vous répondre, souhaite garantir dans les années à venir l’identité et la force de l’enseignement agricole, notamment public.

C’est pourquoi il a ouvert, le 10 septembre 2009, les assises nationales de l’enseignement agricole public afin de définir collectivement les objectifs et les missions que le Gouvernement souhaite lui assigner en termes d’ambitions pédagogiques, de répartition sur le territoire de l’offre de formation et d’organisation.

Ces assises ont pour objet de créer une nouvelle dynamique et de mettre en exergue l’adaptabilité de l’enseignement agricole qui constitue le gage de son succès, en mobilisant l’ensemble de ses partenaires, en vue de créer un avenir en adéquation toujours plus fine avec les réalités et l’évolution de la société, de la ruralité et de l’agriculture.

Le plafond d’emplois pour 2010 tient bien évidemment compte des besoins exprimés par l’enseignement agricole au cours de l’année 2009. Ces besoins ont conduit le Gouvernement à dégager les 132 emplois que vous évoquez dans votre question, madame la sénatrice.

Afin d’améliorer les conditions de la rentrée scolaire, le ministre a obtenu et mis en œuvre des moyens supplémentaires, à hauteur de 60 équivalents temps plein pour les établissements d’enseignement agricole publics.

Ces emplois ont permis d’accueillir près de 400 élèves supplémentaires placés sur listes d’attente et d’améliorer les conditions de remplacement des personnels.

Les efforts budgétaires consentis par l’enseignement public au titre de l’année scolaire 2009 devront être pris en compte dans la répartition de l’effort pour 2010 entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir préciser à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche que cette réponse ne m’a pas du tout rassurée.

Vous venez de dire que le Gouvernement tiendrait compte des efforts budgétaires consentis au titre de l’année scolaire 2009 pour répartir les efforts pour 2010, ce qui laisse supposer, du moins est-ce mon interprétation, que l’enseignement agricole public paiera un lourd tribut et supportera une large part de la suppression des 221 postes.

Si 60 postes ont été rétablis à la rentrée de septembre 2009, c’est simplement parce que, du fait de politiques continues, l’on en avait trop supprimé auparavant ! Ce n’est certainement pas un « plus » pour ces établissements !

Dans ces conditions, je ne peux qu’être inquiète. Les assises nationales ont permis d’identifier l’apport de l’enseignement agricole public aux jeunes adolescents, qui en ont besoin sur le terrain, et de formuler des propositions en la matière. Ceux qui les ont portées se rendront malheureusement vite compte que la réponse du Gouvernement n’est pas à la hauteur de leurs attentes, et je le regrette.

engagement national pour le fret ferroviaire

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 660, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Michel Teston. Monsieur le président, j’appelle l’attention de M. le secrétaire d’État chargé des transports sur l’engagement national pour le fret ferroviaire pris par le Gouvernement le 16 septembre 2009.

Il s’agit de relancer le fret ferroviaire pour atteindre l’objectif de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, c’est-à-dire une augmentation de 25 % de la part du fret ferroviaire d’ici à 2012.

À cette fin, un plan d’actions et d’investissements de 7 milliards d’euros a été présenté. Il est articulé autour de huit priorités, dont la suppression des principaux points de congestion du réseau ferré national, notamment en agglomération lyonnaise, et la création d’un véritable réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées.

La réalisation du contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, le CFAL, s’inscrit dans ces objectifs, avec un programme d’investissement de 2,9 milliards d’euros réparti de la manière suivante : 1,5 milliard d’euros pour la réalisation de la partie nord et 1,4 milliard d’euros pour la partie sud.

Or le développement du trafic fret et l’augmentation des fréquences des navettes de la ligne d’autoroute ferroviaire Perpignan-Bettembourg pourraient, d’ici à 2030, multiplier par trois le nombre de trains circulant sur la ligne de la rive droite du Rhône, qui ne sont que cinquante actuellement.

À nouveau, j’appelle l’attention du Gouvernement et de RFF sur le fait que cette ligne passe au cœur même des villes et des villages, en particulier sur toute la traversée de l’Ardèche.

Dans l’attente de la construction d’une ligne dédiée au fret, cette augmentation du trafic ne pourra être tolérée par les riverains que si d’importants travaux de sécurité et de lutte contre les nuisances sonores sont réalisés, à savoir la suppression des passages à niveau dits « préoccupants », la pose, dans toutes les zones géographiques urbanisées, de protections phoniques et d’un troisième rail diminuant le risque de renversement des wagons en cas de déraillement, ainsi que l’installation d’un nombre plus important de détecteurs de boîtes chaudes mesurant la température des essieux.

Je demande donc que des crédits du plan d’actions et d’investissements annoncé par le Gouvernement soient affectés au financement intégral des aménagements nécessaires sur la ligne de la rive droite du Rhône entre Lyon et Nîmes, en particulier sur son linéaire ardéchois.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, le Grenelle de l’environnement a dégagé une dynamique forte en faveur des modes non routiers pour le transport de marchandises avec des objectifs volontaristes de report modal.

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement que vous venez d’examiner prévoit, en effet, de mobiliser des moyens importants pour augmenter la part du non routier – fer et voie d’eau – de 25 % d’ici à 2012. C’est dans ce cadre que le principe d’un réseau ferroviaire à priorité fret a été posé pour garantir les capacités et la qualité des sillons dont le fret a besoin.

La vallée du Rhône constitue le principal axe de transport de marchandises en France, avec de forts volumes et de longues distances parcourues. C’est un axe stratégique pour le développement du fret ferroviaire. Pour faire face à la progression attendue des trafics ferroviaires, les deux lignes « classiques » longeant le Rhône ont été intégrées dans ce réseau à priorité fret : la ligne sur la rive droite est, vous le rappeliez, exclusivement utilisée par le transport de marchandises.

La sécurité du transport ferroviaire constitue un atout et doit rester une valeur cardinale de ce mode de transport. C’est pourquoi mon collègue Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, a lancé un plan d’action pour sécuriser les passages à niveaux les plus dangereux. Les investissements en faveur de la sécurité du réseau ferroviaire approcheront ainsi les 450 millions d’euros au cours des cinq années à venir.

S’agissant de la sécurisation, Réseau ferré de France vient d’engager, avec les collectivités locales, les études en vue de la sécurisation de la ligne de la rive droite du Rhône, afin de concilier le développement du trafic et la sécurité.

Je souhaite vous rassurer, monsieur le sénateur, sur la prise en compte des préoccupations des élus ardéchois, qui demandent la réouverture du trafic voyageurs sur cette ligne. Des expérimentations de mixité des circulations fret et TER sur cet axe vont être engagées prochainement pour une période de trois ans. Un bilan de ces expérimentations et des trafics concernés permettra de tirer les conséquences nécessaires du point de vue du développement de cet axe.

Voilà, monsieur le sénateur, les précisions que M. Dominique Bussereau souhaitait vous donner.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Si l’on veut réduire le transport routier de marchandises, le développement du fret ferroviaire est absolument nécessaire, mais il doit se faire dans le respect des droits et de la qualité de vie des riverains.

Ainsi, l’isolation des habitations ne doit absolument pas être à la charge des riverains. De même, les travaux de sécurisation des voies, la pose de murs antibruit ne doivent pas être à la charge, même en partie, des collectivités locales concernées.

Madame la secrétaire d’État, Réseau ferré de France est donc chargé de mener une étude en vue de la sécurisation de la ligne de la rive droite du Rhône. Je prends acte de l’information que vous venez de m’apporter.

Dans l’immédiat, cela ne me paraît pas garantir un traitement suffisant de cette ligne en cas de développement du fret ferroviaire.

Si l’État et Réseau ferré de France ne consacrent pas d’importants moyens à la prise en charge intégrale de tous les aménagements rendus nécessaires par le développement du fret ferroviaire sur cette ligne, l’opposition des riverains et des élus sera totale.

Je vous demande de répercuter cette information à votre collègue Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports. Bien sûr, comme les autres parlementaires ardéchois, je me tiens à sa disposition pour en discuter avec lui.

réalisation de la déviation de livron-loriol sur la rn 7

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 702, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Didier Guillaume. Ma question, qui s’adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports, Dominique Bussereau, vous intéresse également, madame la secrétaire d’État. En effet, elle concerne aussi l’environnement et la mise en œuvre du Grenelle, puisqu’il s’agit de réduire les déplacements et les pollutions qui y sont liées dans la vallée du Rhône, obstruée par des flux incessants de véhicules, non seulement pendant les grandes périodes de transhumance estivale, mais également l’hiver, lors des fortes précipitations, en particulier les chutes de neige, qui sont fréquentes.

Ma question concerne les travaux de déviation des communes de Livron et de Loriol, dans le département de la Drôme, sur la route nationale 7.

Ce projet est attendu depuis des décennies par les habitants. Les élus du département et de la région, ainsi que les maires de ces deux communes, en relation avec les préfets et les gouvernements successifs, posent le problème depuis plus de trente ans !

Le passage de 11 000 véhicules par jour dans le centre de ces deux villes occasionne des bouchons terribles. Quant aux statistiques d’accidentologie, elles sont impressionnantes : en cinq ans, on a dénombré 63 accidents causant 17 morts et 37 blessés graves. Ce n’est pas rien !

Face à ce constat, un projet de déviation a été élaboré par le Gouvernement, avec le soutien de tous. La déviation de Loriol et de Livron a été inscrite dans le contrat de plan État-région Rhône-Alpes 2000-2006, avec une première tranche de 23 millions d’euros financée à parité par l’État et la région et correspondant à une opération estimée initialement à environ 60 millions d’euros. Il semblerait que cette somme ait été réévaluée depuis.

Voilà un an, le Président de la République détaillait son plan de relance, qui comprenait explicitement la mise en place de la déviation de Livron-Loriol, cela pour accélérer les investissements publics et stimuler l’emploi.

Optimistes, les élus nationaux, le député de la circonscription et les sénateurs du département de la Drôme, dont j’ai l’honneur de présider le conseil général, ainsi que les élus locaux ont considéré que, grâce à ce « coup de booster », les travaux allaient enfin pouvoir commencer.

Les terrains sont acquis, les expropriations sont faites, même des piquetages ont été réalisés.

Or, voilà quelques jours, les élus apprennent par un courrier que les travaux ne seront pas entrepris. Ce message étant en complète contradiction avec ce qui a précédé, je souhaite, madame la secrétaire d’État, vous interroger aujourd’hui.

La lettre reçue par les élus est-elle une erreur ? Après les engagements pris par le Président de la République, l’État, les collectivités et la région Rhône-Alpes, qui a inscrit une somme importante dans le contrat de plan État-région, la déviation sur la RN 7 est-elle toujours d’actualité ? Si tel est le cas, quand les travaux commenceront-ils ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé mon collègue Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports, au sujet de l’opération de déviation de Livron-Loriol, sur la route nationale 7.

Au-delà des 24 millions d’euros de crédits inscrits au contrat de plan État-Région, le financement de la déviation de Livron-Loriol doit être examiné dans le cadre des programmes de développement et de modernisation des itinéraires, les PDMI, qui succèdent au volet routier des contrats de plan État-région.

Les PDMI ont fait l’objet d’une circulaire adressée le 7 octobre 2008 aux préfets de région, qui sont chargés d’établir une liste hiérarchisée des opérations susceptibles de faire l’objet d’un engagement certain de travaux durant la période 2007-2014.

Après un examen national de l’ensemble des propositions, la liste des opérations prioritaires retenues ainsi que l’enveloppe budgétaire pluriannuelle correspondante leur ont été notifiées le 13 mai. Les préfets de région ont alors été mandatés pour engager les négociations de cofinancement conclusives avec les collectivités territoriales concernées.

L’élaboration du PDMI Rhône-Alpes est particulièrement délicate compte tenu des contraintes budgétaires régissant l’exercice sur le plan national et de la faiblesse de l’engagement des collectivités territoriales aux côtés de l’État. (M. Didier Guillaume s’exclame.)

À l’occasion des négociations en cours, l’État a décidé de majorer le montant de sa participation dans le PDMI Rhône-Alpes pour tenir compte de l’importance et de la multiplicité des aménagements à réaliser dans cette région et du poids démographique et économique de celle-ci.

Cette majoration permettra l’inscription au PDMI d’une tranche de travaux importante au titre de la déviation de Livron-Loriol. Compte tenu du coût élevé de cette opération, un phasage sera recherché pour un achèvement lors de la prochaine génération de PDMI.

En tout état de cause, Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau ont donné des instructions pour que les travaux du giratoire soient relancés au plus tôt en liaison avec le préfet de la Drôme et les élus concernés.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d'État, je constate que la grande mobilisation, le 30 octobre dernier, de plusieurs milliers de citoyens et d’élus en écharpe sur le pont qui relie ces deux communes a dû peser, puisque vous nous annoncez aujourd’hui que l’opération est relancée, ce dont je vous remercie. C’est déjà un pas en avant !

Malheureusement, le reste de votre réponse m’inquiète quelque peu.

En effet, une rallonge financière étant prévue, j’espérais vous entendre dire que la déviation de Loriol se ferait, comme le Gouvernement s’y était engagé. Mais je constate que vous vous êtes contentée d’annoncer que les travaux du giratoire allaient être relancés. Je m’en réjouis, madame la secrétaire d’État, mais ce dossier est vraiment prioritaire. Il y va de la crédibilité de la parole de l’État !

Dans votre réponse, vous avez également fait état de l’insuffisance de la contribution des collectivités locales au financement de cette déviation. Dois-je vous rappeler qu’il s’agit d’une route nationale et que, depuis la loi Raffarin du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le financement des infrastructures nationales revient à l’État et celui des infrastructures régionales et départementales, aux régions et aux départements ? Le décroisement des financements voulus par le Gouvernement à l’époque était pourtant clair...

Et, quand bien même, 23 millions d’euros financés à parité par la région Rhône-Alpes et par l’État, ce n’est pas rien ! On ne peut donc pas dire que la région ne finance pas assez.

Aujourd’hui, il est impératif de désengorger la vallée du Rhône, pour des raisons à la fois de sécurité et de préservation de l’environnement. N’oublions pas que la Drôme, pour prendre un exemple qui m’est cher, est un département viticole. Nous préférerions de beaucoup que les journaux fassent leur « une » sur les bouchons de nos belles bouteilles, Côte du Rhône, Hermitage, Crozes-Hermitage, Brézème, Vinsobres, plutôt que sur les bouchons qui s’accumulent sur nos routes ! (Sourires.) Précisément, la construction de la déviation Livron-Loriol permettrait de régler le problème.

Madame la secrétaire d'État, bien que je reste quelque peu sur ma faim, si je puis m’exprimer ainsi, je vous remercie de l’avancée annoncée, qui vient heureusement compléter les informations écrites dont nous disposions.

J’espère que le bon sens finira par l’emporter. Nous, sénateurs de la Drôme, avec le député de la circonscription ainsi que les élus locaux et régionaux, nous continuerons à faire prévaloir les intérêts de notre département et, surtout, celui des automobilistes !

contrat énergétique et politique industrielle en maurienne

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 675, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Thierry Repentin. Ma question porte sur la situation de l’usine de production d’aluminium Rio Tinto Alcan de Saint-Jean-de-Maurienne, en Savoie.

À l’occasion du comité central d’entreprise qui s’est tenu le 13 octobre dernier, ce groupe a annoncé la suppression de 320 emplois en France, dont 179 en Maurienne, dans le cadre du plan dit de « sauvegarde de la compétitivité de la société Aluminium Pechiney ». Le site en question, qui comprend également une plateforme d’essais et de démonstration technologique, emploie quelque 700 personnes, ce qui engendre environ 3 000 emplois indirects dans une vallée forte de 40 000 habitants. C’est dire combien une telle décision touche une région industrielle déjà très durement éprouvée par la crise économique.

Si les industries électro-intensives sont frappées de plein fouet par la crise, notamment en raison d’une baisse considérable du prix de l’aluminium, les difficultés qu’elles auront à connaître s’accentueraient gravement si des mesures n’étaient pas prises pour diminuer le coût de l’énergie. En effet, l’avenir de la filière aluminium en France repose sur le coût de l’énergie électrique, qui représente l’essentiel des coûts de production, malgré les progrès technologiques imputables aux recherches entreprises par le laboratoire de recherche et des fabrications situé à Saint-Jean-de-Maurienne.

Cette industrie de l’aluminium, forte consommatrice d’énergie, a aussi été gravement touchée par la baisse du prix de l’aluminium, lequel, il faut le rappeler, est fixé par le London metal exchange. Bien que l’on observe aujourd’hui une timide reprise, ce prix reste fort éloigné de ce qu’il était ces dernières années.

Par conséquent, si des mesures n’étaient pas prises pour diminuer le coût de l’énergie, qui intervient pour plus de 30 % dans le prix du métal, c’est toute la filière française qui risquerait d’être condamnée.

Or cette industrie est tout à fait stratégique, ne serait-ce que pour la fabrication des Airbus. Au fil des OPA et des restructurations, il ne reste plus, rappelons-le, que deux sites en France : l’un se trouve à Dunkerque et l’autre à Saint-Jean-de-Maurienne. Ce dernier, grâce à son laboratoire de recherche et des fabrications, est à l’origine de toutes les économies énergétiques et de l’essentiel des progrès technologiques réalisés, nécessaires à la fabrication des cuves d’électrolyse modernes, qui équipent près de 80 % des sites de production au monde.

L’unité de Saint-Jean-de-Maurienne est, certes, une grosse consommatrice d’énergie, mais elle avait bénéficié, lors de sa modernisation en 1983, d’un contrat énergétique préférentiel.

En effet, Pechiney avait accepté d’aider EDF à investir dans le nucléaire, en contrepartie d’un contrat énergétique préférentiel dont la durée est indexée sur la durée de vie théorique des centrales nucléaires. Celui-ci doit normalement prendre fin en 2012, avec pour conséquence un fort renchérissement du coût de l’énergie.

La direction de Rio Tinto Alcan a entamé des négociations, afin d’obtenir la prolongation de ce contrat dès 2006 et, devant l’absence d’avancées significatives, a assigné EDF devant le tribunal de commerce de Paris en 2007. Il paraît en effet logique, puisque la durée de vie des centrales nucléaires dans lesquelles Pechiney a investi, initialement de trente ans, sera portée à quarante ans et plus, que le tarif préférentiel pour Rio Tinto Alcan soit prolongé d’autant.

Le dispositif dit « Exceltium », mis en place avec d’autres grosses industries, ne répond que partiellement aux attentes, puisqu’il se traduit par une augmentation de 50 % du prix de l’électricité par rapport au prix initial.

Je souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour trouver une solution « euro-compatible » permettant d’assurer à cette industrie des coûts compétitifs en matière d’énergie.

Au lieu d’insister ou de contraindre, ne pourrait-on imaginer un contrat gagnant-gagnant avec le groupe Rio Tinto Alcan ? La France pourrait s’engager à fournir à ce dernier une électricité à un coût compétitif dans un marché très mondialisé. En retour, l’entreprise prendrait l’engagement d’investir et de maintenir les emplois. Je rappelle que les Québécois ont réussi à signer un tel contrat, liant conditions de vente de l’énergie et quantification des emplois.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, le Gouvernement accorde à l’industrie en général et à l’industrie métallurgique en particulier une très grande attention, et souhaite vivement son maintien et son développement sur notre territoire.

La possibilité de disposer d’un approvisionnement électrique à des conditions de prix compétitives et prévisibles est un enjeu majeur pour l’industrie métallurgique, comme d’ailleurs pour toutes les industries dites « électro-intensives ».

La mise en place prochaine d’Exceltium, que le Gouvernement appelle de ses vœux, constitue à cet égard une partie de la réponse, puisque, en vertu de cet accord industriel entre EDF et des entreprises électro-intensives, les industriels pourront disposer sur une longue période d’une électricité à un tarif reflétant la compétitivité du nucléaire.

La mise en œuvre d’une nouvelle organisation du marché électrique complète ce dispositif. En effet, celle-ci, pour laquelle le Gouvernement a obtenu de la Commission européenne une reconnaissance de principe, garantira sur le long terme que les prix payés par les consommateurs français soient le strict reflet du parc électrique national, en étant donc fondés sur la réalité des coûts du nucléaire.

En ce qui concerne la société Rio Tinto Alcan, le Gouvernement sera vigilant quant aux décisions qui seront prises, dans un contexte manifestement difficile pour l’industrie de l’aluminium. Conscient de l’impact des prix de l’énergie sur le développement futur de l’entreprise, notamment sur les sites de Dunkerque, Gardanne et Saint-Jean-de-Maurienne, le Gouvernement encourage la société Rio Tinto Alcan et les fournisseurs d’énergie français à identifier les moyens juridiques et économiques permettant la signature d’accords d’intérêt mutuels, au service de l’industrie de ce pays.

S’agissant plus spécifiquement du site de Saint-Jean-de Maurienne, le Gouvernement a reçu l’assurance de Rio Tinto Alcan qu’une fermeture n’est pas à l’ordre du jour. C’est d’autant plus essentiel que ce site joue un rôle-clé en tant que plateforme de démonstration pour les innovations développées en Rhône-Alpes. La recherche et développement et l’innovation sont donc des enjeux cruciaux pour son avenir. Le site bénéficie par ailleurs à plein de la réforme du crédit d’impôt recherche mise en œuvre par le Gouvernement l’an dernier.

Bien évidemment, je rendrai compte de vos propositions et préconisations à M. Borloo, pour ce qui concerne les évolutions et les perspectives qui pourraient être envisagées.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des éléments d’information que vous avez bien voulu me donner.

Puisque vous vous proposez de vous faire notre interprète auprès de M. Borloo, je tiens à souligner de nouveau que le dispositif Exceltium ne constitue qu’une partie de la réponse, car sa mise en place se traduirait de toute manière par une augmentation de 50 % du coût de l’électricité.

Or l’électricité intervenant à hauteur de 30 % dans le coût de production, la filière aluminium française, tout à fait spécifique au sein de l’industrie métallurgique, forte de ses deux sites de Dunkerque et Saint-Jean-de-Maurienne, disparaîtrait à terme.

Vous avez indiqué avoir obtenu de Rio Tinto Alcan l’engagement de ne pas fermer le site de Saint-Jean-de-Maurienne. C’est bien, et sans doute vrai à court terme. M’inscrivant pour ma part dans une perspective plus longue, je vous rappelle que cette industrie nécessite des investissements immédiats et réguliers. Or Rio Tinto Alcan ne s’engage pas aujourd’hui dans la rénovation du site, ne sachant pas quelles seront les conditions de livraison de l’électricité après 2012.

Me fondant sur la volonté du Gouvernement de maintenir une filière aluminium dans notre pays, je vous propose, madame la secrétaire d’État, d’organiser tout simplement une table ronde, qui réunirait à la fois le fournisseur d’électricité EDF et la société Rio Tinto Alcan, permettant ainsi à chacun d’abattre ses cartes.

Il s’agit de faire en sorte que la France puisse continuer demain à produire de l’aluminium. Dans cette perspective, nous devons assurer à cette industrie une fourniture de l’électricité à un tarif attractif, afin de préserver l’emploi et l’investissement, notamment en considération de l’importance des cuves d’électrolyse.

attribution de logements sociaux

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, auteur de la question n° 685, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

M. Jacques Berthou. Madame la secrétaire d’État, de nombreuses communes font des efforts importants en faveur de la création de logements sociaux. Elles sont souvent mues par la volonté de répondre à la demande de leurs propres administrés, demandeurs de logements auprès des bailleurs locaux et autres services sociaux.

Dans le cadre de la loi DALO, qui accorde un label prioritaire à certains demandeurs, les maires voient leurs prérogatives d’affectation de ces logements réduites à la portion congrue, alors même que les communes, qui sont souvent à l’origine de ces constructions, affirment leur volonté en la matière en consentant un certain nombre d’aides sur le plan local. Je pense notamment aux PLH, les programmes locaux de l’habitat, ou aux dispositions réglementaires figurant au sein des plans locaux d’urbanisme.

Or la loi DALO privilégie des demandeurs qui, la plupart du temps, ne relèvent pas du périmètre communal, créant ainsi un malaise certain auprès des administrés dans l’attente d’un logement, ce qui met finalement en difficulté les élus locaux mêmes, alors qu’ils sont aujourd’hui les plus fervents défenseurs de la mixité sociale et du droit au logement pour tous.

Par ailleurs, l’application de la loi DALO ne concerne bien évidemment que les seules communes ayant déjà une offre de logements sociaux. Ainsi, une stricte application de la loi renforce les inégalités territoriales entre les communes ayant un parc de logements sociaux et celles qui n’en possèdent pas.

M. le secrétaire d’État envisage-t-il que les communes en règle avec les obligations de l’article 55 de la loi SRU et qui s’engagent en faveur de la construction de logements sociaux puissent se voir créditer de droits d’attribution additionnels, afin de ne pas pénaliser les demandeurs de logements vivant sur leur territoire ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les effets de la mise en œuvre de la loi instituant le droit au logement opposable. Vous observez que ce dispositif réduit les droits d’attribution des maires en matière de logements sociaux et vous soulignez que, le plus souvent, les personnes qui en bénéficient ne sont pas originaires des communes qui participent à la construction de ces logements.

Sur le premier point, il convient de rappeler que les logements attribués à des personnes reconnues prioritaires par les commissions départementales de médiation sont essentiellement imputés sur le contingent préfectoral de réservation de logements. Ainsi, sauf accord collectif prévoyant une contribution des contingents des communes, celles-ci ne voient pas leurs droits de réservation amputés par le dispositif du DALO.

En revanche, il est exact que les attributions opérées dans ce cadre peuvent être faites au bénéfice de personnes qui ne sont pas originaires de la commune d’implantation des logements. Une telle situation résulte de la mise en œuvre de la solidarité nationale, par le biais du DALO, afin de loger les personnes qui ne peuvent trouver de solution par leurs propres moyens ou par le biais des dispositifs de droit commun. Dans ce cadre, toute préférence territoriale est donc exclue.

Toutefois, les préfets recueillent l’avis des maires sur le périmètre d’implantation des logements qu’ils se proposent d’attribuer à des bénéficiaires du DALO et ils peuvent tenir compte des attaches dont ceux-ci ont fait état.

Vous observez par ailleurs que les efforts sont demandés aux seules communes qui ont déjà des logements sociaux. La diversification de l’implantation des logements mobilisés pour le DALO suppose, d’une part, une stricte application de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000, et d’autre part, une captation accrue de logements du parc privé avec intermédiation locative.

Sur ce second point, le chantier national prioritaire 2008-2012 pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées a mis en place, dans le cadre du plan de relance, un programme d’appel à projets bénéficiant d’un financement d’État. L’objectif est de réaliser 5 000 logements sur six régions : Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire, PACA et Rhône-Alpes.

Enfin, vous souhaitez savoir s’il est envisagé de créditer les communes en règle avec l’article 55 de droits de réservation supplémentaires.

L’objectif est aujourd’hui de mobiliser le plus de logements possible au sein de l’offre disponible pour les bénéficiaires du DALO. D’ores et déjà, en application de la loi du 25 mars 2009, un quart des logements réservés par les collecteurs du 1 % doivent bénéficier aux salariés ou aux demandeurs d’emploi désignés comme prioritaires par les commissions départementales de médiation, afin d’accroître les possibilités de relogement.

Il faut également aller plus loin et mobiliser les autres contingents. S’il n’est pas nécessaire de passer par la loi, il convient toutefois d’optimiser les accords collectifs entre l’État et les bailleurs sociaux et de fixer par convention des objectifs chiffrés, en réunissant tous les réservataires, notamment les collectivités territoriales, dont le contingent est important et réparti sur tout le territoire.

Dans ce contexte, monsieur le sénateur, il n’est pas envisagé, c’est vrai, d’augmenter les droits de réservation des communes qui respectent l’article 55 de la loi SRU, car cela réduirait notre capacité envers ceux qui, aujourd’hui, n’ont pas accès au logement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Vous avez évoqué les accords conclus entre les bailleurs sociaux et les représentants de l’État, madame la secrétaire d’État. Je prends acte de votre volonté d’associer les collectivités territoriales à ce processus conventionnel.

Certes, des relations existent déjà entre ces institutions, mais elles mériteraient d’être officialisées. Cela conférerait davantage de poids aux collectivités et permettrait de faire valoir les droits des communes, notamment en ce qui concerne les logements attribués à des demandeurs prioritaires.

politique de dépistage du cancer du sein

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 637, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Catherine Dumas. Avec 50 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année et 12 000 décès, le cancer du sein reste un véritable fléau pour les femmes françaises.

Les thérapies ont pourtant fait d’importants progrès ces dernières années, et les tumeurs de moins d’un centimètre sans atteinte ganglionnaire peuvent désormais, si elles sont détectées à temps, se terminer par une guérison dans 90 % des cas.

Il est donc fondamental d’organiser et de généraliser les actions de prévention et de dépistage.

Le Gouvernement a mis en place voilà quelques années une politique ambitieuse de dépistage organisé et gratuit, offrant aux femmes de cinquante à soixante-quatorze ans la possibilité de réaliser une mammographie de contrôle.

Malgré les campagnes d’information ministérielles, relayées par de nombreux médias, on peut déplorer que 30 % des femmes de la tranche de population concernée négligent toujours cette opportunité et ne pratiquent aucun dépistage.

Ce sont donc encore malheureusement, selon les spécialistes, 3 500 vies qui pourraient être sauvées chaque année.

De plus, de récentes études montrent que près de 30 % des cancers frappent des femmes avant cinquante ans, contrairement à l’idée répandue selon laquelle les risques seraient inexistants avant cet âge. En outre, les cancers évoluent généralement plus rapidement chez la femme jeune.

Il apparaît donc important de mettre en place une politique de dépistage encore plus active, qui serait fondée sur un suivi préventif de plusieurs années et qui permettrait notamment aux femmes d’être contrôlées, à intervalle régulier, dès leur quarantième anniversaire. Plusieurs de nos voisins européens se sont déjà engagés dans cette voie.

Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous me précisiez les dispositions qui vont être prises pour améliorer la politique de dépistage de cette maladie, et que vous m’indiquiez notamment s’il peut être envisagé d’avancer l’âge du dépistage gratuit à quarante ans.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu interroger Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la politique du Gouvernement en matière de dépistage du cancer du sein.

Le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent, ainsi que la première cause de mortalité par cancer chez les femmes.

D’indéniables progrès ont été réalisés ces dernières années, avec une baisse de la mortalité de 1,3 % par an entre 2000 et 2005. Cependant, aujourd’hui encore, de nombreux décès pourraient être évités, au moyen d’une prise en charge plus précoce.

Faut-il, de ce point de vue, élargir le dépistage organisé aux femmes âgées de quarante à cinquante ans ? Aujourd’hui, Mme la ministre me charge de vous donner une réponse négative.

Cette position se fonde bien évidemment sur des données médicales, et non sur des considérations économiques.

On estime en effet que les inconvénients du dépistage à cet âge dépassent ses avantages éventuels. Il a ainsi été démontré que, malheureusement, la succession de plusieurs examens négatifs entraînait une démobilisation des femmes et, à moyen terme, une plus faible participation aux dépistages ultérieurs, au moment où le risque de cancer devient maximal.

Enfin, nous devons redouter le « surdiagnostic », c’est-à-dire la mise en œuvre d’un traitement lourd pour un cancer qui n’aurait pas évolué en l’absence de traitement.

De multiples autres raisons médicales justifient cette politique.

Pour autant, il ne faut pas nier l’existence de la problématique spécifique des cancers avant l’âge de cinquante ans. S’ils ne représentent que 20 % des cancers du sein, ils justifient les mesures particulières inscrites dans le plan cancer II, que le Président de la République vient de présenter.

Il convient de mieux cerner les modalités techniques spécifiques de dépistage pour les femmes de moins de cinquante ans, pour lesquelles la mammographie seule n’est peut-être pas l’examen optimal. C’est pourquoi des régions pilotes pourraient mener des expérimentations sur le sujet.

On pourrait également envisager de proposer préférentiellement le dépistage aux femmes de cette tranche d’âge qui auraient un risque accru de cancer du sein, eu égard à des facteurs familiaux ou comportementaux.

La priorité du Gouvernement en matière de dépistage du cancer du sein demeure d’augmenter la participation des femmes auxquelles le dépistage organisé s’adresse actuellement. Là encore, le nouveau plan cancer va nous fournir les outils pour atteindre l’objectif ambitieux d’une augmentation de 15 % de la participation à ce dépistage.

Dans le but de réduire les inégalités de dépistage, des actions concrètes vont être menées. Il s’agira de persévérer dans l’information pour éviter les attitudes de déni, d’organiser des campagnes très ciblées pour les femmes les plus vulnérables ou les moins accessibles et, enfin, de renforcer le rôle du médecin traitant.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement partage vos préoccupations en matière d’optimisation du dépistage. La prévention du cancer du sein est une priorité nationale, comme l’a rappelé le Président de la République.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.

Mme Catherine Dumas. Je vous remercie de cette réponse, madame la secrétaire d’État. Je prends acte des arguments de Mme Bachelot-Narquin comme de la possibilité de mener des expérimentations dans ce domaine.

Vous savez que je suis particulièrement sensible à cette cause, et attachée à la mobilisation contre ce fléau.

Dans le cadre de la semaine nationale du dépistage, j’ai eu le plaisir de participer, le 3 octobre dernier, aux côtés de l’épouse du président du Sénat, Mme Christine Larcher, et de Mme Laure Darcos, à une importante opération de sensibilisation organisée dans le jardin du Luxembourg par le Comité féminin d’Île-de-France de lutte contre le cancer.

J’aurai d’ailleurs l’honneur de présider en mars prochain un colloque organisé sur ce thème au Sénat.

L’information, la sensibilisation et la prévention restent en effet aujourd’hui nos meilleures armes pour lutter contre cette maladie. Je reste donc particulièrement attentive à la mise en œuvre de la politique de dépistage et des mesures que vous nous avez présentées.

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

3

Questions cribles thématiques

collectivités territoriales

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les collectivités territoriales.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ni le Président Sarkozy ni les députés de sa majorité n’ont annoncé, durant leur campagne électorale, cette réforme des collectivités locales. Même le Premier ministre, dans son discours d’investiture, n’a pas formulé de proposition en ce sens.

Pourtant, cette réforme est appelée à bouleverser le paysage institutionnel de notre République, sans que le peuple ait été consulté.

Les Français doivent savoir que le Sénat et les associations d’élus ont fait des propositions, que vous n’avez pas retenues.

Les Français doivent savoir que c’est la fin de nos communes et de nos départements que vous avez programmée. C’est la fin de l’exception française, de son pluralisme fondé sur une démocratie locale animée par des millions de citoyens engagés et des centaines de milliers d’élus de proximité.

L’attaque est d’ailleurs si frontale qu’aucune association représentative n’y est favorable et que de nombreux élus de votre majorité sont troublés, comme le montrent les réactions des maires qui tiennent actuellement congrès.

C’est pourquoi le Gouvernement louvoie pour tenter de masquer son objectif de recentralisation et de réduction des services publics locaux. Vous avancez cachés, vous découpez cette réforme en cinq projets de loi, dont celui qui est relatif au Grand Paris, et vous commencez par étrangler financièrement les collectivités locales en supprimant la taxe professionnelle.

Ainsi, après avoir réduit leurs ressources, vous nous demanderez de réformer ces institutions, et ce n’est qu’à la fin que nous débattrons de leurs compétences. En toute logique, c’est par cela qu’il aurait fallu commencer ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : êtes-vous prêts à remettre l’ouvrage sur le métier, comme vous le demandent toutes les associations d’élus ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Ivan Renar. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’avais prévu de répondre à chacune des questions qui m’étaient posées dans le cadre de ce temps réservé aux questions cribles thématiques. Or le groupe socialiste de l’Assemblée nationale vient de décider de consacrer la totalité de la séance des questions au Gouvernement aux collectivités locales.

M. Charles Gautier. Ils ont bien raison !

M. Brice Hortefeux, ministre. À mon grand regret, je n’ai pas le don d’ubiquité et encore moins le pouvoir de coordonner l’activité des groupes parlementaires d’opposition.

Monsieur Voguet, je vous répondrai par une question simple : croyez-vous sincèrement que le statu quo est possible ?

M. Jean-Pierre Sueur. Non, mais il est possible de faire autrement !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pour notre part, nous ne le pensons pas. Ce millefeuille administratif caractérisé par l’enchevêtrement des compétences et la confusion des responsabilités suscite l’incompréhension à la fois de nos compatriotes et des élus locaux. (Exclamations sur les mêmes travées.) Une enquête récente a montré que 83 % des Français partagent ce sentiment.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les Français sont pour le maintien du département !

M. Brice Hortefeux, ministre. Il ne faut pas faire comme si l’empilement des structures n’existait pas ; il ne faut pas faire comme si la taxe professionnelle était un impôt utile, alors que François Mitterrand lui-même l’avait qualifiée d’impôt imbécile.

M. Guy Fischer. Mais bien sûr… !

M. Brice Hortefeux, ministre. La taxe professionnelle pèse sur les investissements et, partant, sur l’emploi. Il est temps de la réformer.

Il est temps aussi de ne plus laisser filer les effectifs des collectivités locales (Vives protestations sur les mêmes travées.), qui en 2007, je le rappelle, ont créé 36 000 emplois supplémentaires, indépendamment de tout transfert de compétences. (Mêmes mouvements.)

M. Charles Gautier. Les transferts ! Nous voulons les transferts !

M. Brice Hortefeux, ministre. Pour toutes ces raisons, il faut faire évoluer les structures, clarifier, simplifier et rendre plus lisibles les compétences, ce à quoi contribuera la création des conseillers territoriaux. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Cette mesure contribuera à la confusion !

M. Brice Hortefeux, ministre. La réalité est très simple, mesdames, messieurs les sénateurs : il y a d’un côté ceux qui refusent le statu quo, qui sont partisans de la réforme,…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre. … et, de l’autre côté, les partisans du conservatisme, hostiles à tout changement. Nous, nous avons choisi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Oui : les transferts de charges !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour la réplique.

M. Jean-François Voguet. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas pour le statu quo, et votre réponse ne nous convainc pas.

Finalement, seules deux personnes ont été claires sur ce sujet. Le Premier ministre a déclaré que les collectivités locales devaient réduire leurs dépenses et que, si tel n’était pas le cas, le Gouvernement les y contraindrait – propos que vous venez en quelque sorte de confirmer, monsieur le ministre. De son côté, le Premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, a vendu la mèche en déclarant que « la proximité [était] un appel à la dépense ». C’est pour cette raison que vous voulez éloigner les centres de décision !

C’est donc bien l’ensemble des services publics locaux qui sont visés, et c’est notre démocratie locale qui est attaquée. Les Français doivent le savoir ! D’ailleurs, de plus en plus de citoyens et d’élus le comprennent.

M. Guy Fischer. Ah oui alors !

M. Jean-François Voguet. C’est sans doute pour cette raison que le Président Sarkozy n’a pas osé se rendre devant le congrès des maires de France pour soutenir cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs socialistes et du groupe CRC-SPG. Courage, fuyons !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État, le Sénat examinera prochainement le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Parce que ce texte est ambitieux, ce dont je me réjouis, il suscite des inquiétudes. (Vives marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Roland Courteau. Plus que des inquiétudes !

M. Hervé Maurey. Les maires des petites communes craignent que la création de la « commune nouvelle » ne préfigure la disparition de la commune dans sa forme actuelle.

Un sénateur socialiste. Eh oui !

M. Hervé Maurey. Ils redoutent aussi que le nouveau mode de scrutin n’entraîne une politisation des petites communes. Ils s’inquiètent de la disparition des financements croisés : dans le département dont je suis l’élu, le président du conseil général explique lors de chaque inauguration que cette disparition entraînera celle des subventions et, par conséquent, rendra impossible tout nouvel investissement. De tels propos ne sont pas de nature à rassurer les élus, qui se demandent en outre ce qu’il faut entendre par « part significative demandée à la collectivité maître d’ouvrage ».

Les conseillers généraux, quant à eux, craignent que la création du conseiller territorial n’entraîne une professionnalisation de leur fonction.

Enfin, l’ensemble des élus locaux – mais vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État ! – redoutent les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle.

Ma question est donc très simple : sachant qu’une telle réforme doit recueillir un minimum d’adhésion de leur part, comment comptez-vous, monsieur le secrétaire d’État, rassurer les élus ? (Exclamations et rires sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous voulez dire les leurrer !

M. Hervé Maurey. Et puisqu’il me reste quelques secondes, je vous adresse une dernière question : pourquoi n’est-il toujours pas prévu dans ce projet de loi de véritable statut de l’élu local, statut que promettent depuis des décennies tous les gouvernements qui se succèdent ?

Mme Michelle Demessine. Cela coûte trop cher !

M. Hervé Maurey. Il sera d’autant plus nécessaire que la création des conseillers territoriaux entraînera sans doute une professionnalisation de la fonction qui devra s’accompagner d’une diversification socio-économique et d’un renouvellement des élus locaux.

M. Guy Fischer. Quand parlera-t-on de leurs compétences ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la réforme des collectivités territoriales ne se fera pas contre les élus locaux : elle se fera au contraire avec les élus et pour les élus ! (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois. Très bien ! Nous y veillerons !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. M. Hortefeux et moi-même tenons à rendre hommage, au nom du Gouvernement, aux élus présents cet après-midi dans les tribunes, à l’occasion du congrès des maires de France, dont je salue le dévouement.

Premièrement, cette réforme se fera avec les élus.

Il convient de rappeler que la préparation de ce projet de loi a donné lieu à une très large concertation avec l’ensemble des associations d’élus locaux (Vives protestations et brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) et que le Gouvernement a participé activement à tous les congrès associatifs. Des dizaines d’heures ont été consacrées à l’audition des responsables des associations. Le projet de loi reprend d’ailleurs nombre de remarques qui nous ont été formulées. (Le brouhaha se poursuit.)

Le Parlement pourra lui aussi enrichir fort utilement le texte tout au long de la procédure législative, en particulier la Haute Assemblée, dont la vocation est précisément de représenter les collectivités territoriales. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.)

Deuxièmement, cette réforme se fera pour les élus. (Très vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Elle consolidera le fonctionnement des équipes municipales dans les communes rurales. Par l’abaissement à 500 habitants du seuil à partir duquel s’imposera la parité, elle répond au vœu expressément formulé à l’unanimité par l’AMF.

Elle favorisera les regroupements et les mutualisations tout en préservant l’identité communale. Chaque commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale y disposera, je tiens à le souligner, d’au moins un siège. La création de services communs entre les EPCI et tout ou partie des communes qui en sont membres sera facilitée. De plus – il en est rarement question alors que ce point est important –, les conventions de mise à disposition de services seront sécurisées, notamment au regard de la réglementation européenne.

Enfin, le statut de l’élu sera amélioré. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Le rôle spécifique des départements à l’égard des communes rurales pourra être réaffirmé à l’occasion des débats.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Pourquoi le projet de loi ne traite-t-il pas du cumul des mandats ? Parce qu’il y est créé un mandat de conseiller territorial. (Vives protestations et brouhaha sur les mêmes travées.) Celui-ci siégera à la fois au conseil général du département dans lequel il est élu et au conseil régional dont fait partie son département.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ces deux fonctions sont donc cumulées en un seul mandat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.

M. Yves Détraigne. Je serai bref, monsieur le président, puisque M. le secrétaire d’État a pris beaucoup de temps pour sa réponse.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons bien noté que la réforme des collectivités territoriales se ferait à leur profit et au profit des élus locaux. C’est très bien ! Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi il a été décidé de déterminer les moyens des collectivités avant de décider du contenu de leur réforme ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire part de la réponse que vous venez de nous apporter à Éric Woerth, ministre du budget, avec qui nous débattrons à fin de la semaine de la réforme des finances locales. Les élus locaux, que nous représentons ici, demandent que celle-ci tienne compte de leurs souhaits pour l’avenir des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai lu le projet de loi de réforme des collectivités territoriales : une disposition m’a particulièrement interpellé, celle qui prévoit la création de « communes nouvelles ». (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Monsieur le secrétaire d’État, dès lors que l’intercommunalité a mis en commun les compétences stratégiques et les ressources de la taxe professionnelle des communes, il n’y a pas lieu de fusionner les compétences de proximité, qui restent l’apanage de ces communes. Pourquoi, dans ces conditions, vouloir en revenir à l’esprit de la loi Marcellin de 1971, dont on ne peut pas dire qu’elle ait rencontré un éclatant succès ?

M. Jean-Pierre Sueur. Loi funeste !

M. Jean-Pierre Chevènement. Est-ce une prédisposition génétique ?

L’intercommunalité, avec ses 2 600 établissements publics de coopération intercommunale, a largement remédié à l’émiettement communal qui caractérise la France des 36 600 communes.

Vous alléguez le volontariat des communes. Ce n’est pas vrai s’agissant des EPCI existants, qui couvrent 90 % du territoire et pour lesquels il existe des règles de majorité qualifiée : deux tiers des communes pesant plus de deux tiers de la population. Mais le tiers restant ? Quelle protection lui accordez-vous ?

La population, dites-vous, sera appelée à se prononcer en cas de désaccord des conseils municipaux. Mais il suffira de la majorité absolue des suffrages du quart des inscrits ! Par conséquent, cette règle ne protège pas les communes petites et moyennes dès lors que la ville centre et les communes de sa première couronne auront décidé d’absorber la deuxième couronne.

M. le président. Il vous reste vingt secondes, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Chevènement. La loi de 1999 avait prévu une solution simple et pratique. Votre réforme est donc non seulement inutile, monsieur le secrétaire d’État, mais encore dangereuse. Elle laisse penser que la démocratie communale est un luxe et que 2 600 communes nouvelles doivent, à terme, remplacer les 36 600 communes existantes.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ce serait un coup très grave porté au bénévolat de 500 000 conseillers municipaux et à la disponibilité de dizaines de milliers de maires et de maires adjoints dont l’esprit de solidarité maille encore le pays.

Pourquoi donc, monsieur le secrétaire d’État, avoir voulu inciter, par des dispositions fiscales, à la transformation de ces EPCI en « communes nouvelles » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. Je rappelle que chacun peut s’aider des afficheurs chronomètres pour respecter son temps de parole.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur Chevènement, vous m’interrogez sur les communes nouvelles.

Le projet de loi vise notamment à créer un nouveau dispositif de fusion des communes, plus simple, plus souple et plus incitatif que le système issu de la loi dite Marcellin du 16 juillet 1971. Je crois que tout le monde en convient : ce dernier s’est révélé peu efficace, c’est le moins que l’on puisse dire.

Ce nouveau dispositif repose exclusivement sur le volontariat. Il s’applique à des communes contiguës – j’insiste sur ce mot – appartenant, mais pas obligatoirement, à un EPCI à fiscalité propre, qui pourront fusionner et devenir une commune nouvelle. La commune nouvelle sera une commune comme une autre, soumise aux mêmes règles de droit.

Le dispositif permettra aux communes qui ont atteint un degré d’intégration suffisamment fort dans le cadre de l’intercommunalité – cadre qui vous est si cher, monsieur le sénateur, et je tiens à vous rendre hommage à cet égard –, d’aller plus loin et de fusionner, si elles le souhaitent.

La démarche sera donc facultative et reposera, je le répète, sur le volontariat. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point pendant les débats sur la partie institutionnelle de la réforme. (MM. Courtois et Hyest applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez mal lu votre projet de loi ! (Sourires sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste.) Il ne s’applique pas seulement aux communes contiguës puisqu’il concerne également les établissements publics de coopération intercommunale en obéissant, je le rappelle, à des règles de majorité qualifiée.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. La consultation qui sera organisée – un référendum, en quelque sorte ! – n’est absolument pas protectrice puisqu’il suffira qu’un quart des inscrits votent pour entériner la fusion, c’est-à-dire l’absorption des communes petites et moyennes par la grande. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

M. Roland Courteau. Et voilà !

M. Jean-Pierre Chevènement. J’ajoute que la création de communes déléguées sera laissée à la discrétion des conseils municipaux des communes nouvelles.

Cette réforme ne sera donc absolument pas protectrice et nous laisse entendre que vous voulez aller vers une France des 2 600 communes ! (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Je vais tenter de poser une question consensuelle. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le secrétaire d’État, selon moi, la réforme territoriale doit être l’occasion de lever la plupart des malentendus qui s’accumulent depuis tant d’années et qui altèrent la sincérité de la relation entre l’État et les collectivités territoriales.

Reprocher aux collectivités d’être trop dépensières n’est pas juste.

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Alain Lambert. Ce n’est certainement pas ainsi que l’on pourra renouer la confiance,…

M. Roland Courteau. Très juste !

M. Alain Lambert. … alors même que nous savons qu’elles réalisent les trois quarts de l’investissement public civil et participent – à votre demande, monsieur le secrétaire d’État – au plan de relance.

À la lecture des « bleus » budgétaires, on s’aperçoit que le Gouvernement a fourni comme indicateur de performance pour mesurer l’efficacité du service déconcentré le concept d’« effet de levier de la dépense étatique ». C’est donc bien que l’État sollicite en permanence les collectivités territoriales !

M. Jean-Pierre Sueur. Très juste !

M. Alain Lambert. Je crois en la volonté sincère du Gouvernement de clarifier les relations et de rétablir la confiance entre l’État et les collectivités locales, car il y va de l’efficacité de l’action publique au service des Français.

Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, êtes-vous prêt à dessaisir – j’insiste sur le terme – les administrations centrales des compétences transférées ? Êtes-vous prêt à faire confiance aux collectivités comme partenaires de l’État à part entière pour mener l’action publique sur le territoire ?

Quand j’aurai obtenu une réponse à ces questions, c’est que bien des malentendus sur l’enchevêtrement auront été levés ! (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous êtes bien placé pour le savoir, le Gouvernement est particulièrement attentif à un principe simple : associer le plus possible les collectivités territoriales aux décisions qui les concernent et qui ont des conséquences sur leurs dépenses.

M. Jean-Pierre Michel. De la haute couture pour le fils Guéant dans le Morbihan ! Il y a toujours un fils quelque part…

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La meilleure illustration en est bien entendu le travail que vous avez accompli depuis un an en tant que président de la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN. Au 1er octobre dernier, elle avait examiné, en seize réunions, pas moins de 183 textes réglementaires. C’est un résultat tout à fait remarquable.

Force est de constater que, grâce à la CCEN, les administrations centrales ont désormais l’obligation de justifier chacun de leurs textes à l’aune de leurs conséquences pour les collectivités territoriales.

Pour ma part, je souhaite que l’effort soit poursuivi dans deux directions.

Tout d’abord, le Premier ministre a donné une réponse favorable à votre demande de voir la CCEN traiter non seulement le flux, mais aussi le stock des normes, qui est considérable. Il a chargé mes services de proposer une méthode pour cette démarche ; ils y travaillent en ce moment même.

M. Bernard Frimat. Quelle spontanéité dans la réponse !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Ensuite, je partage votre appréciation sur la tendance encore trop marquée des administrations centrales à intervenir comme prescripteurs sur les dépenses des collectivités territoriales. Comme vous, j’ai lu attentivement l’article 72 de la Constitution, qui, depuis 2003, prévoit que les collectivités puissent disposer d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. J’ai également pris note des observations les plus récentes de la Cour des comptes sur la décentralisation. Toutefois, j’observe aussi que, dans de nombreux domaines, les collectivités restent demandeuses de normes édictées par le législateur ou par le pouvoir réglementaire national.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Bernard Frimat. Il faut faire rédiger des réponses plus courtes !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je souhaite donc que le travail que nous devrons accomplir sur les compétences des collectivités s’accompagne d’une réflexion sur la gouvernance de ces compétences.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour la réplique.

M. Alain Lambert. J’aurais souhaité être plus bref, mais ce débat nous engage tous, car c’est notre conception de la République qui est en question.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai demandé si le Gouvernement était prêt à dessaisir les administrations centrales des missions transférées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Eh oui, c’était la question !

M. Alain Lambert. C’est une obligation ! Si nous ne le faisons pas, les administrations centrales continueront de prescrire et les collectivités locales de payer, et le malentendu demeurera. (Vifs applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. Didier Guillaume. C’est toujours comme ça !

M. Alain Lambert. Ayez le courage de dessaisir les administrations centrales, et vous serez suivi par tout le monde. Voilà la révolution copernicienne de la République nouvelle !  (Applaudissements sur plusieurs travées.)

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Je veux avant tout déplorer le départ du ministre de l’intérieur. Le Sénat est tout de même le représentant des collectivités locales ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste – Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Un sénateur socialiste. Oui, mais il n’y a pas la télé !

M. Michel Boutant. Je voudrais rebondir sur un lapsus commis hier par notre collègue Bruno Sido devant les 2 500 conseillers généraux réunis au Palais des congrès à Paris.

M. Jean-Jacques Hyest. Ils n’étaient pas 2 500 !

M. Michel Boutant. Au lieu de réforme territoriale, il a parlé de « déforme territoriale ». (Sourires.) De déforme à déformation, il n’y a qu’un pas…

Quel avenir la déformation de l’organisation territoriale que vous nous proposez réserve-t-elle aux régions, aux départements et aux communes ? Puisque à l’UMP on aime tant les sondages, sachez, mes chers collègues, que 82 % des Français se déclarent attachés au département.

Ces territoires font en effet partie intégrante de notre identité nationale. Ils constituent des repères au même titre que d’autres que nous aimons à citer, tels le drapeau, l’hymne national, la devise de la République « Liberté, égalité, fraternité », ou certains grands hommes comme Victor Hugo ou Pasteur.

M. Adrien Gouteyron. N’importe quoi !

M. Michel Boutant. Monsieur le secrétaire d’État, vous considérez que cette organisation territoriale est archaïque et dépassée dans son essence et son fonctionnement. Cela signifie-t-il que les autres repères fondant notre identité nationale sont également archaïques et dépassés ? ou bien que l’identité nationale est figée et que l’on ne saurait y toucher ?

M. le président. Il vous reste vingt secondes, mon cher collègue !

M. Michel Boutant. Ne trouvez-vous pas contradictoire de proposer dans le même temps un débat sur l’identité nationale et une réforme des collectivités territoriales ?

Que répondez-vous aux conseillers généraux, peut-être futurs conseillers territoriaux, qui s’inquiètent de la réduction de leurs effectifs et de l’augmentation de leur charge de travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, il me paraît difficile de reprocher au ministre de l’intérieur, qui était venu spécialement au Sénat, d’avoir été contraint de repartir rapidement parce que votre propre famille politique a choisi de faire porter la totalité des questions d’actualité qui ont lieu en ce moment même à l’Assemblée nationale sur la réforme des collectivités territoriales ! (M. Jean-Jacques Hyest applaudit.)

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. M. Hortefeux n’a pas le don d’ubiquité, et votre reproche est excessif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est révélateur !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, vous avez mélangé beaucoup de thèmes : l’identité nationale, la démocratie…

En fait, la réforme s’articule autour de quatre axes majeurs.

Premièrement, la rénovation de l’exercice de la démocratie passe tout d’abord par la création des conseillers territoriaux et par l’élection au suffrage universel direct – c’est une première – des délégués communautaires, grâce au système du « fléchage ». C’était là un vœu de toutes les collectivités territoriales et de toutes les assemblées générales auxquelles j’ai participé.

M. François Rebsamen. C’est vrai !

Mme Odette Herviaux. Et la parité, dans tout ça ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Deuxièmement, les structures seront adaptées à la diversité des territoires. Le projet du Gouvernement tend à doter les aires métropolitaines de nouveaux outils de gouvernance, à savoir la métropole et le pôle métropolitain. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Ce n’était pas exactement la question !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement a également souhaité remplacer le système de fusion de communes issu de la loi Marcellin. (Mêmes mouvements.)

M. Bernard Frimat. Ça n’a rien à voir avec la question !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Troisièmement, cette réforme permettra de développer l’intercommunalité, dont l’achèvement et la rationalisation constituent une mesure majeure de ce projet de loi. (Mêmes mouvements.)

M. Daniel Raoul. Ça n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous vous êtes trompé de fiche !

M. Alain Fouché. Laissez-le parler !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Quatrièmement, les compétences des collectivités territoriales seront clarifiées. À cette fin, le Gouvernement propose de lancer une démarche de spécialisation des compétences des départements et des régions. 

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’était pas la question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce n’était peut-être pas la question, mais c’est ma réponse ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour la réplique.

M. Yves Daudigny. Monsieur le secrétaire d’État, il y a dans votre argumentation et vos propositions beaucoup plus qu’une nuance de mépris envers les élus dont vous voulez réduire le nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.) Elles comportent une part de caricature, sinon d’ignorance de ce que ces élus représentent aujourd’hui en matière d’engagement personnel, de travail quotidien, d’écoute, d’initiatives, de connaissance fine de leur territoire. (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Vous créez un nouvel élu, l’EGM, l’élu génétiquement modifié, quatre jambes, deux cerveaux, qui n’apportera rien à notre pays en matière de démocratie, de proximité, de parité, d’efficacité et de cohérence de l’action publique. (Rires et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur une question relative à l’intercommunalité, volet important de la réforme des collectivités territoriales à venir.

J’ai bien compris qu’il ne s’agissait pas de toucher aux communes, qui conserveront notamment leur clause de compétence générale.

M. Roland Courteau. Heureusement !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je souhaite néanmoins obtenir des éclaircissements sur la place de la commune dans la future carte de l’intercommunalité, qui, et c’est le but que vise la réforme en cours, nécessite plus de simplicité et d’efficacité et aussi, pour nous, élus, de visibilité.

Il s’agit essentiellement de connaître quelles seront les marges de manœuvre dont une commune disposera pour rejoindre ou non une intercommunalité.

Pour le succès de cette réforme, il est à mon sens absolument indispensable de pérenniser l’autonomie des communes. C’est un gage de démocratie locale important, la commune étant l’échelon administratif le plus proche et le plus à l’écoute de la population.

Pour ma part, je suis très vivement opposée à ce qu’une commune puisse être absorbée contre son gré par une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine. Le principe du volontariat doit rester de mise en toutes circonstances, conformément au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

Je souhaiterais également que la population touristique soit prise en compte dans l’appréciation des seuils de création ou de transformation en communauté d’agglomération qui servent de base au calcul de la dotation globale de fonctionnement.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de me rassurer sur ces points. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Madame le sénateur, la réforme vise à achever…

Plusieurs sénateurs socialistes. C’est le mot ! (Rires.)

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. … la couverture de la carte de l’intercommunalité par des EPCI à fiscalité propre et à rationaliser le périmètre de ces derniers pour la fin de l’année 2013. Ces deux objectifs recueillent d’ailleurs le consensus.

Toutefois, l’extension des pouvoirs du préfet en matière d’intercommunalité ne sera pas utilisée si les regroupements s’organisent sur l’initiative des communes et de leurs EPCI. Elle est en outre temporaire, puisqu’elle portera essentiellement sur les années 2012 et 2013. Elle est de surcroît strictement encadrée.

Enfin, madame le sénateur, je vous rappellerai que l’intégration d’une commune contre son gré dans un EPCI à fiscalité propre est déjà autorisée par le code général des collectivités territoriales.

Les communes conserveront donc leur autonomie, je le dis très clairement, et les mécanismes exceptionnels mis en place, respectueux du principe de la libre administration, n’ont vocation à intervenir qu’en dernier recours.

Pour ce qui est de la prise en compte de la population touristique pour la DGF, à ce stade, il n’est pas prévu dans le projet de réforme de modifier le seuil démographique de création d’une communauté d’agglomération, qui reste fixé à 50 000 habitants. Je précise cependant que la DGF prend déjà en considération le nombre de résidences secondaires. Les charges spécifiques aux intercommunalités touristiques sont donc déjà prises en compte financièrement.

M. Yannick Bodin. À d’autres !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. De plus, l’INSEE est en train d’actualiser le recensement des résidences secondaires. La DGF répartie en 2010 tiendra compte de cette actualisation, dont bénéficieront en particulier les collectivités où le nombre de résidences secondaires a fortement progressé, comme c’est le cas notamment dans votre département.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour la réplique.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je vous remercie de ces informations, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins, elles ne me rassurent pas totalement. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Les orientations de la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, dépendent également de sa composition. Il est certain que, pour avoir vécu une intégration forcée dans une communauté d’agglomération, nos populations et leurs élus ne sont pas prêts à revivre une telle situation !

La CDCI émet un avis, mais je ne pense pas que celui-ci lie le préfet. Monsieur le secrétaire d’État, c’est vous qui donnerez les instructions !

Je compte sur les nouvelles statistiques de l’INSEE pour atteindre le seuil de 50 000 habitants qui nous permettra de vivre dans notre communauté de communes et de la développer en communauté d’agglomération. (Vifs applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Mme Christine Lagarde, après avoir vilipendé les élus locaux, vilipende les collectivités territoriales en les qualifiant, c’était dimanche dernier, de « féodalités » que l’État n’a plus lieu de financer !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est scandaleux !

M. François Patriat. Vos deux projets de loi, monsieur le secrétaire d’État, sont placés sous le triple signe de l’improvisation, de la précipitation et de la recentralisation punitive. (Protestations sur les travées de l’UMP. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Un sénateur socialiste. Ils sont mal placés !

M. François Patriat. J’ai parlé d’improvisation, mes chers collègues. Imagineriez-vous construire une maison sans avoir au préalable défini son utilité et les moyens de la financer ?

Plusieurs sénateurs socialistes. Mais non !

M. François Patriat. Iriez-vous construire la carrosserie d’une voiture sans en avoir prévu le moteur et le périmètre ?

Plusieurs sénateurs socialistes. Mais non ! Jamais !

M. François Patriat. Comme nous y a invités M. Raffarin, définissons d’abord les compétences, définissons le périmètre et, ensuite seulement, définissons les moyens !

Un sénateur socialiste. Bien sûr !

M. François Patriat. Votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, est également placée sous le signe de la précipitation.

Comment remplacer des impôts par d’autres impôts, aujourd’hui ? Vous proposez par exemple que les entreprises de réseaux participent, demain, au financement des collectivités locales. Cela signifie que la région Bourgogne, qui finance aujourd’hui le TER, le train express régional, va devoir demander une contribution supplémentaire à la SNCF, qui ne manquera pas de la lui réclamer par ailleurs. Cela signifie surtout que nous allons nous automutiler d’une ressource qui n’existera pas !

Enfin, j’ai évoqué le caractère de « recentralisation punitive » de ces projets de loi. Demain, les régions seront dépourvues d’autonomie fiscale ; elles percevront une dotation de l’État, une part de la valeur ajoutée votée par le Parlement et une dotation hypothétique des entreprises de réseaux. Quelle sera leur autonomie ? Le ministre chargé des relations avec le Parlement l’a reconnu en privé le week-end dernier : nulle.

M. François Patriat. Demain, elles n’auront plus qu’un budget affecté. Dans ces conditions, nul besoin d’élus, le préfet pourra affecter lui-même les crédits !

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Patriat.

M. François Patriat. Il me reste dix secondes, monsieur le président !

Avec ce budget affecté, c’est la fin de la décentralisation, c’est l’an I de ce que j’appelle « la recentralisation punitive » ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, c’est maintenant, et vous le savez bien, qu’il faut supprimer la taxe professionnelle pour les entreprises, car cette mesure va consolider la reprise économique. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On le voit, depuis dix ans !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. La taxe professionnelle pénalise très durement nos entreprises, dissuade les investissements et encourage les délocalisations. Je vous rappelle que, en une dizaine d’années, la France a perdu plus de 500 000 emplois industriels à cause de cette taxe, que nous sommes le seul pays d’Europe à prélever. (Protestations prolongées sur les mêmes travées.)

Il y a urgence à agir. C’est pourquoi le Président de la République a souhaité qu’elle soit supprimée dès le 1er janvier 2010.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La taxe professionnelle a baissé depuis dix ans !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Cependant, je le redis solennellement devant la Haute Assemblée, le Gouvernement s’est engagé à ce que l’année 2010 soit une année neutre, une année « blanche » pour les collectivités territoriales.

M. Bernard Frimat. Et après ?

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Elles ne bénéficieront de leurs nouvelles ressources qu’en 2011, ce qui nous permettra de poursuivre les simulations l’an prochain. Car, je le répète, chaque commune, chaque collectivité, chaque département, chaque région fera l’objet d’une simulation au cours de cette année 2010.

La réforme des collectivités territoriales est donc parfaitement cohérente.

La première étape, c’est le volet institutionnel de la réforme et la création du conseiller territorial, avec les quatre projets de loi adoptés en conseil des ministres le 21 octobre dernier.

La seconde étape, ce sera la clarification des compétences, qui interviendra dans les douze prochains mois. Il s’agit là d’un délai maximal, et nous pourrons essayer de le raccourcir, notamment pour lister les compétences des départements et des régions.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. En 2010, nous mènerons donc de front trois exercices qui porteront respectivement sur les institutions, sur les compétences et sur les éventuels ajustements à apporter à la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.

M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes pour l’évolution des collectivités locales : vous les étouffez ! Nous sommes pour la décentralisation : vous recentralisez ! Nous sommes pour la réforme de la fiscalité : vous transférez l’impôt économique sur les ménages ! Tels sont les projets de loi que vous présentez aujourd’hui à la France !

Tout le monde le dit, sur toutes les travées de la Haute Assemblée : vous avez mis la charrue avant les bœufs, monsieur le secrétaire d’État ! Il est temps d’y remédier et de s’atteler à définir d’abord les compétences, ensuite les financements. C’est ainsi que nous pourrons travailler ensemble !

Cette semaine, la démocratie locale est à Paris. Hier, plus de 2 000 conseillers généraux réunis en congrès ont adopté une motion à l’unanimité. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Adrien Gouteyron. Des fonctionnaires !

M. Didier Guillaume. Aujourd’hui, les maires de France vont accueillir le Premier ministre de belle façon.

Non, nous ne sommes pas pour les féodalités : nous sommes pour la solidarité, c’est toute la différence !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d’État, ne soyez pas borné, n’ayez pas peur des élus : écoutez-les et, surtout, cessez de les mépriser ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, je constate qu’il nous reste le temps d’entendre une huitième et dernière question.

La parole est à M. Adrien Gouteyron. (M. René Beaumont et M. Bruno Sido applaudissent.)

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, depuis la loi de finances rectificative pour 2009, les collectivités peuvent demander par convention le remboursement anticipé du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, lorsqu’elles ont payé des investissements supérieurs à la moyenne de ceux qu’elles avaient réalisés au cours des années 2004 à 2007. Ce dispositif a connu un très grand succès puisque plus de 17 000 collectivités ont signé une convention ; dans mon département, plus de la moitié des communes en ont signé une.

Cependant, pour bénéficier de ce remboursement, il faut avoir effectué les paiements avant la fin de cette année. Monsieur le secrétaire d’État, ce délai très court inquiète bon nombre d’élus locaux : comme chacun le sait, à partir du 15 décembre prochain il ne sera plus possible d’imputer les dépenses sur l’actuel exercice budgétaire. Or les difficultés qui se présentent sont souvent indépendantes de la volonté des élus : retards dans l’instruction des permis de construire, obtention de subventions qui n’arrivent pas aussi vite que prévu, nécessité de se plier aux règles des marchés publics…

Dans mon département, le 30 octobre, 25 % des collectivités étaient à moins de 50 % de réalisation et plus de 28 % entre 50 % et 75 %. Il ne faut pas que ces collectivités, dont la volonté et la bonne volonté sont certaines, soient piégées.

Ce sujet a été abordé dans le cadre du comité de pilotage du plan de relance, et je sais que nous avons eu l’écoute attentive du ministre, M. Patrick Devedjian.

Conformément aux engagements qui ont été pris, monsieur le secrétaire d’État, le groupe UMP du Sénat envisage de déposer un amendement au projet de loi de finances pour 2010 tendant à prendre en compte les difficultés que j’ai signalées. Pour cela, il faut intégrer dans le calcul des dépenses réelles d’investissement les « restes à réaliser », qui correspondent aux dépenses engagées ayant donné lieu à un service réalisé et non mandaté à la fin de l’année. L’engagement de la collectivité sera considéré dans ce cas comme respecté.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, connaître les intentions du Gouvernement sur cette proposition d’amendement qui, nous l’espérons, obtiendra votre accord. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, il est vrai que plus de 19 500 collectivités territoriales ont signé une convention avec l’État pour bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA : c’est un succès majeur.

Votre département, dans lequel j’ai eu le plaisir de me rendre avant-hier, a été tout à fait exemplaire puisque 137 collectivités y ont signé une convention. D’une manière générale, je voudrais d’ailleurs rendre hommage aux collectivités territoriales qui ont largement contribué à ce succès, élément fondamental du plan de relance de notre économie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Pour l’État, cela représente un effort supplémentaire de 3,8 milliards d’euros, il est important de le souligner.

Le 31 octobre, 45 % des collectivités signataires avaient atteint la moyenne de référence d’investissement qu’elles s’engageaient à dépasser. Mais, à l’opposé, 25 % d’entre elles n’avaient pas encore atteint la moitié de leur moyenne de référence. Environ 4 800 collectivités sont concernées.

Bien entendu, le risque est grand que plusieurs milliers de collectivités subissent en 2010 une année « blanche » en matière de FCTVA. Or, bien souvent, les difficultés que rencontrent les collectivités proviennent d’éléments sur lesquels elles n’ont aucune prise – les conditions météorologiques, des problèmes de surcharge d’un certain nombre d’entreprises… Il faut donc remédier à cette situation.

Quelle réponse pouvons-nous apporter à ces collectivités territoriales ? Je vous confirme, monsieur Gouteyron, que le Gouvernement est favorable à la proposition que vous venez d’exposer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Tasca et M. Charles Gautier. Quelle surprise !

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Il souhaite tenir compte par là des difficultés concrètes que rencontrent les collectivités confrontées à ces retards indépendants de leur gestion.

Ainsi, comme vous le suggérez pour les collectivités territoriales qui ne seraient pas parvenues à atteindre la moyenne de référence de leurs investissements, il serait tenu compte des « restes à réaliser » ayant pour origine des investissements engagés – je dis bien : engagés – dans le cadre de l’exercice budgétaire de 2009.

Le Gouvernement examinera avec beaucoup de sympathie l’amendement qui sera déposé au Sénat. Il demandera également aux préfets de faire preuve de la plus grande souplesse et leur adressera une circulaire en ce sens dans les prochains jours. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour la réplique.

M. Adrien Gouteyron. Ma question était concrète, précise, dépourvue d’idéologie, proche de ce que vivent les élus locaux. J’ai obtenu une réponse précise de M. le secrétaire d’État, et je m’en réjouis ! (Bravo ! sur les mêmes travées.)

M. Yannick Bodin. Ça fait une réponse pour huit questions !

M. Adrien Gouteyron. Le plan de relance était opportun, mais que se passera-t-il en 2010 ? Puisqu’on s’interroge sur la reprise, peut-être serait-il intéressant d’envisager la suite !

Vous aurez constaté, monsieur le secrétaire d’État, que je consacre mon temps de réplique à une suggestion toute simple… (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles consacrées au thème des collectivités territoriales.

Je vous indique que cette séance sera diffusée sur Public Sénat cet après-midi, ainsi que sur France 3, peu après minuit.

4

Souhaits de bienvenue à une délégation du sénat cambodgien

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de saluer une délégation de sénatrices et de sénateurs cambodgiens conduite par Mme Men Maly, présidente de la commission des droits de l’homme, de la réception des plaintes et de l’investigation. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Cette délégation séjourne actuellement en France dans le cadre du protocole de coopération entre le Sénat français et le Sénat cambodgien et des excellentes relations qu’entretient le groupe interparlementaire d’amitié France-Cambodge présidé par notre collègue, Mme Catherine Tasca.

Au cours de son séjour, cette délégation s’intéressera plus particulièrement – c’est d’actualité ! – aux rapports entre le Sénat et les collectivités territoriales. (Exclamations amusées sur l’ensemble des travées.)

Je souhaite une cordiale bienvenue à nos collègues cambodgiens. (Nouveaux applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Frimat. Mon rappel au règlement portera sur les questions cribles thématiques.

Lorsque le groupe de travail qui a préparé la réforme du règlement du Sénat est tombé d’accord pour accepter la proposition du président Larcher de réserver des temps consacrés à des questions cribles thématiques, il avait été entendu que ce devait être l’occasion d’un débat vif et interactif susceptible d’intéresser ceux qui nous écouteraient.

Or, nous ne pouvons que constater que nous avons assisté tout à l’heure, dans l’intimité d’une assemblée relativement réduite, à une parodie de questions cribles thématiques. Un secrétaire d’État qui lit des fiches qui ne répondent pas aux questions qui sont posées, ce n’est pas ce que nous avons voulu en instaurant les questions cribles thématiques !

Le groupe socialiste s’interroge donc fortement sur leur utilité si elles devaient continuer à se cantonner dans la simple lecture de fiches qui ne répondent pas aux questions.

Je transmettrai bien sûr mes observations au président du Sénat, mais je compte sur vous, monsieur le président, qui, je le sais, partagez notre souci d’interactivité, pour nous aider à rendre aux questions cribles thématiques le sens qu’elles devaient avoir.

Il me semble que nous avons donné aujourd’hui un spectacle sans intérêt. Nous attendons autre chose de nos débats : nous voulons du parlementarisme, non du psittacisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mon cher collègue, je partage votre analyse, dont je ne manquerai pas de faire part au président du Sénat.

Sachez cependant que, dans la mesure où il s’agit d’une innovation, nous pouvons nous considérer comme en rodage. Nous disposons donc de marges de progression, ce qui nous permet d’espérer que la réalité finira par correspondre à nos attentes respectives.

M. Bernard Frimat. Nous, nous sommes rodés : c’est le Gouvernement qui ne l’est pas !

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Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Discussion générale (suite)

Lutte contre le logement vacant

Rejet d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, présentée par M. François Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 631, 2008-2009, rapport n° 95).

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rebsamen, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Article additionnel avant l'article 1er

M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai plaisir à défendre devant vous cette proposition de loi, rédigée avec Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste, que je remercie de leur présence.

Permettez-moi, en introduction à cette intervention, de citer une belle phrase de l’abbé Pierre, que je vous invite à méditer : « Un homme a absolument le droit, s’il n’a pas de toit et s’il voit un logement vide, de l’occuper. » Ces mots ont été prononcés à une époque où le problème du logement se posait avec une cruelle acuité. C’est toujours le cas, monsieur le secrétaire d’État, et vous le savez.

Peu de temps après la trêve hivernale, qui a commencé le 1er novembre dernier, vous avez lancé votre plan d’urgence pour les sans-abri. Si nous reconnaissons bien évidemment l’urgence de la situation, nous pensons qu’il faut, en amont, nous interroger sur les raisons pour lesquelles, en bout de chaîne, de nombreuses personnes se retrouvent sans logement.

Il s’agit évidemment de se poser la question de l’offre de logements et des leviers existants pour en accroître le nombre et donc l’accès.

Face à l’aggravation dramatique des situations d’exclusion que nous connaissons et à la précarité croissante des ménages dans leur logement, de nombreuses actions sont entreprises, comme la prochaine « Nuit solidaire pour le logement », à la fin du mois de novembre, à Paris et dans d’autres villes. En réalité, l’objectif est de mettre un coup de projecteur sur un état de fait qui s’amplifie sans cesse. La question du mal-logement est toujours aussi criante. Nous devons donc agir autour de l’articulation essentielle entre la prévention, l’hébergement et le logement. Nous devons le faire tout de suite, alors que 2010 sera l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

Si la crise financière semble se terminer lentement, la crise économique continue, avec son cortège de licenciements, donc de situations alarmantes. En un an et demi, le nombre de chômeurs a augmenté de près de 30 %. Ce chiffre le confirme, nous devons agir en amont et rapidement, afin d’éviter que trop de ménages ne se retrouvent dans des situations d’urgence.

Permettez-moi encore de vous faire part de quelques chiffres.

Aujourd'hui, environ 1 800 000 ménages peinent à s’acquitter de leur loyer. Parmi eux, 500 000 sont en situation d’impayés. On évalue à plus de 3 millions le nombre des mal-logés en France. Quelle que soit notre appartenance politique, de tels chiffres doivent nous inciter à nous mobiliser pour inventer de nouveaux outils, afin d’augmenter l’offre de logements et de réduire autant que faire se peut les situations difficiles.

Nous le savons, il manque 900 000 logements. Permettez-moi de souligner que, contrairement aux effets d’annonce, l’effort de l’État est encore insuffisant. Il est retombé sous le seuil symbolique des 2 % du PIB, très précisément à 1,79 % aujourd'hui, contre 2 % en 2001, et ce au moment même où la loi réaffirme son rôle de garant du droit au logement et crée de nouvelles obligations.

Le volume des crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2010 – nous en entamerons après-demain l’examen – ne nous rassure pas particulièrement. En la matière, il faut décrypter les affichages du Gouvernement. Si ce budget peut effectivement paraître en hausse – le financement des aides personnelles augmente de 9 % –, cela ne veut pas dire pour autant que les ménages percevront une aide plus importante qu’en 2009. Cela signifie malheureusement que le nombre de personnes à aider croît compte tenu de la hausse du chômage, de la précarité et de la pauvreté !

Ces éléments de contexte étant posés, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que, en matière de logement, il est urgent de ne pas attendre. Nous devons opter pour des pistes et des solutions parfois audacieuses.

M. le rapporteur le sait bien, nous n’avons pas souhaité faire une nouvelle loi – il y en a déjà eu tellement ! – sur le logement. D’ailleurs, nous reconnaissons que l’ambition aurait été trop grande. Mais nous avons voulu répondre concrètement à une instabilité juridique à la fois chronique et néfaste, et essayer d’apporter des solutions précises permettant d’améliorer la situation du logement dans notre pays.

Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec M. le rapporteur. Nous vous proposons d’adopter cette proposition de loi non par dogmatisme, mais au contraire parce qu’elle contient des dispositions courageuses, dont certaines ont été jugées tout à fait intéressantes. De telles mesures permettraient d’améliorer concrètement l’offre de logements et de combler les vides qui existent dans la législation actuelle. Nous devons tous assumer les responsabilités qui ont été imposées dans le cadre du droit au logement opposable, le DALO. Nous proposons des outils pertinents pour agir en ce sens.

D’ailleurs, ce texte s’inscrit dans la lignée des propositions qui avaient été, me semble-t-il, portées par les deux candidats présents au second tour de la dernière élection présidentielle. Il devrait y avoir consensus en la matière.

Il ne s’agit pas d’un texte ex nihilo. Notre proposition n’invente rien. En revanche, elle conforte, maximalise, améliore, explore et optimise. Je voudrais en résumer les différents articles.

À l’article 1er, notre texte développe une procédure d’expropriation au profit des communes, à des fins de création de logements sociaux, lorsque la vacance est anormalement longue pour des raisons spéculatives. À l’article 2, il approfondit des mesures efficientes pour remettre des logements sur le marché, comme la taxe sur les logements vacants. À l’article 3, il élargit l’utilisation pour les maires du droit de préemption urbain, au motif de relogement de personnes évincées dans le cadre d’opérations de lutte contre l’insalubrité, voire de démolitions. À l’article 4 – et c’est une mesure que tout le monde comprendra –, il consacre le principe du maintien dans les lieux des ménages qui sont reconnus éligibles au DALO. Enfin, l’article 5 tend à mobiliser le parc locatif privé conventionné dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement opposable, et ce sans remettre en cause, comme cela se passe trop souvent aujourd'hui, les politiques de mixité sociale que les collectivités ont développées.

Permettez-moi de vous présenter ces articles de manière plus détaillée.

L’article 1er vise à lutter contre ce que je qualifierai de « vacance passive » ou, si vous préférez, de « rétention active » d’un bien. Il peut également constituer une porte de sortie à des problèmes juridiques souvent inextricables, comme les difficultés liées à l’indivision, qui empêchent de remettre des logements vacants sur le marché.

Nous savons qu’il y a plusieurs raisons à la vacance. Mais, quoi qu’il en soit, les propriétaires ont aujourd'hui à leur disposition un panel de mesures pour remettre leur bien sur le marché.

À cet égard, j’aimerais mentionner la ville de Dijon, dont il a beaucoup été question ce week-end… (Sourires.) En 2006, l’agglomération a mis en place un programme de reconquête du parc privé ancien. Une société, Urbanis, a été missionnée pour l’animer et pour accompagner les propriétaires de logements inoccupés dans le montage de leur projet locatif, en délivrant des conseils soit techniques, soit financiers et fiscaux.

Ainsi, et contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous ne sommes pas dans une logique de pure contrainte financière. Non ! Nous proposons que les collectivités articulent le volet contraignant, c'est-à-dire la taxation, avec la dimension incitative, à savoir l’assistance, les conseils et la mobilisation des financements, et ce en contrepartie d’engagements de modération de loyers. On ne peut donc pas nous opposer l’argument un peu facile selon lequel nous nous positionnerions contre les petits propriétaires. Au contraire, nous voulons que les collectivités locales leur fournissent des instruments pour les aider et les accompagner dans leurs projets !

Au demeurant, qu’est-ce qu’un petit propriétaire ? En France, la majorité des propriétaires possèdent simplement le logement qu’ils occupent. Il y a également de petits propriétaires qui possèdent un ou deux autres biens et qui souhaitent – d’ailleurs, c’est tout à fait normal – les mettre en location le plus rapidement possible pour en obtenir un revenu complémentaire. Ces deux catégories ne sont pas concernées par les dispositions que nous vous proposons d’adopter. Les publics que nous visons sont, d’une part, ceux qui n’arrivent pas à mettre leurs biens sur le marché, par exemple à cause de problèmes d’indivision, et, d’autre part, ceux qui gardent leurs biens à des fins purement spéculatives, en attendant le moment propice pour les vendre et pour réaliser un maximum de bénéfices, agissant ainsi pour leur intérêt particulier contre l’intérêt général.

Le bilan depuis 2006 des réhabilitations concernées par une telle action, à Dijon, porte sur 566 logements locatifs, dont 113 ont été remis sur le marché. Cela nous prouve que certaines vacances peuvent trouver rapidement réponse. La nouvelle prestation triennale renforcera la dimension durable des projets de rénovation de logements.

Le Conseil d’État a relevé la difficulté d’appréhender le taux national de vacance et a illustré les lacunes – en tant que rapporteur spécial de la mission « Économie », chargé de contrôler les crédits consacrés à l’Institut national de la statistique et des études économiques, je ne puis qu’y être sensible – de la statistique publique et privée. En tout cas, il faut souligner que les services des collectivités ont pris la mesure du parc vacant mobilisable.

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, pourquoi l’article 2 ne ferait-il pas consensus entre nous ? En effet, il vise à prolonger et à étendre les effets vertueux de la taxe annuelle sur les logements vacants définie à l’article 232 du code général des impôts.

Une telle proposition a pour objectif de doubler les taux et d’étendre les bénéficiaires potentiels, en les calquant sur les collectivités concernées par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, qui fait obligation aux communes de plus de 3 500 habitants de réaliser 20 % de logements locatifs à loyer modéré.

Il paraissait intéressant d’ouvrir la possibilité aux communes d’au moins 3 500 habitants de lever elles aussi cette taxe si elles n’ont pas déjà fait ce choix.

Comme vous le savez, la taxe sur les logements vacants a eu des effets bénéfiques. D’après l’étude réalisée par l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, dans les huit agglomérations françaises où cette taxe a été appliquée, le nombre de logements vacants est passé de 187 000 à 86 000, la baisse pouvant atteindre 40 %, comme à Lyon, à Bordeaux, à Paris ou à Lille. À l’inverse, dans les agglomérations où elle n’a pas été appliquée, comme à Strasbourg, ce nombre a augmenté de 25 % !

Je me demande donc – et M. le rapporteur s’est interrogé avec nous sur le sujet – pourquoi une telle proposition ne serait pas prise en compte, alors que les recettes de la taxe sur les logements vacants alimentent le budget de l’ANAH, dont l’État se désengage pour externaliser le financement des politiques du logement…

En outre, tout le monde constate que la réduction de la vacance procède d’un intérêt collectif. Cela contribue à lutter contre la baisse de fréquentation des écoles – les maires qui sont présents savent à quel point c’est important – ou des commerces qui font la vie de nos quartiers.

Bien entendu, j’ai lu le rapport de notre éminent collègue Dominique Braye. Monsieur le rapporteur, si notre proposition d’élargir le champ d’application de cette taxe à toutes les communes d’au moins 3 500 habitants vous semble trop ambitieuse, sachez que nous acceptons votre idée de retenir les seules agglomérations sous tension.

Ce que nous proposons aujourd'hui, ce sont des mesures pour améliorer concrètement la situation du logement, au-delà de tout dogmatisme. Nous voulons avancer ensemble.

L’arme de la menace, c'est-à-dire l’augmentation du taux, pourrait, nous dit-on, se révéler inefficace dans la mesure où un propriétaire serait alors susceptible de vouloir mettre son bien en location dans quelques agences pour échapper à la taxe sur la vacance, et ce sans que la location ait forcément lieu au final.

Mais on ne peut pas refuser de mettre en application des dispositions générales en pointant uniquement des comportements déviants. Certes, je sais qu’une telle pratique a été mise en valeur depuis plusieurs années par le Président de la République : c’est tout l’art de prendre un cas particulier pour dénaturer l’esprit d’une loi en citant en exemples ceux qui fraudent… (M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur s’exclament.)

Ce n’est pas parce qu’il y a des fraudeurs qu’il faut renoncer à toute volonté d’adopter des lois pour fixer un cadre général ! On ne peut pas utiliser de tels arguments pour refuser de mettre en application un certain nombre de dispositions !

L’article 3 offre aux maires la possibilité de procéder à des préemptions de logements existants, au motif explicite de reloger des personnes évincées dans le cadre d’opérations de lutte contre l’insalubrité ou de dispositifs de démolition qui ont été subventionnés par l’ANRU. D’ailleurs, j’avais interrogé le Gouvernement sur ce sujet fort intéressant. Il m’avait été répondu que l’Agence ne distribuait aucune subvention sans que les collectivités locales et les bailleurs se soient assurés, comme c’est bien normal, du relogement de tous les ménages évincés.

Mais l’Agence admet aussi que seuls 68 % des ménages sont aujourd'hui concernés, et elle n’est pas en mesure de produire ce que le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU appelle « le taux d’évaporation », à savoir les ménages qui auraient dû être relogés et qui ne l’ont pas été.

L’article 3 de cette proposition de loi offre donc un outil supplémentaire très volontariste.

L’article 4, quant à lui, est presque un article de bon sens. Il vise à maintenir dans leur logement, pour une période indéterminée, les ménages reconnus éligibles au DALO, et permet par ailleurs de ne pas œuvrer contre la mixité sociale.

Il paraît en effet illogique d’expulser les personnes totalement éligibles au DALO, qui, compte tenu de cette éligibilité, doivent être relogées par l’État.

Par ailleurs, les sommes déboursées par l’État pour le non-respect de décisions de justice lorsqu’il ne reloge pas les ménages éligibles sont un vrai gâchis.

L’action n°4 du programme 135 du projet de loi de finances pour 2010 indique que la mise en œuvre du droit au logement opposable peut être source de frais de contentieux et qu’elle est prévue dans ce même programme, dédié au développement et à l’amélioration de l’offre de logement. C’est un gâchis supplémentaire.

Je rappelle, car je sens déjà poindre de vives réactions, que le sursis à l’expulsion sera temporaire puisque l’État a une obligation de relogement. En refusant ces expulsions, on évitera, le temps que l’État assume la responsabilité de reloger qui lui incombe, les ruptures dans le parcours résidentiel de nombreux ménages, ruptures que les maires savent être très difficiles pour les familles, ainsi qu’une précarisation rapide et dramatique de ces dernières.

Vous le savez, toute une série d’événements en chaîne découle d’une décision d’expulsion : parcours scolaire et insertion interrompus, etc.

Je rappelle, enfin, que le droit au logement opposable, le DALO, est une obligation que l’État s’est lui-même imposée, mais qu’il a du mal à honorer. C’est ce qui justifie la proposition faite au travers de l’article 5, mes chers collègues.

L’article 5 consacre la mobilisation du parc privé pour loger les attributaires du DALO. Sur ce point, je tiens à remercier M. le rapporteur, car une longue discussion nous a quelque peu éclairés.

Nous constatons aujourd'hui que l’on prend la décision de reloger les personnes éligibles au DALO dans les quartiers dits « de la politique de la ville ». Or nous souhaitons exactement le contraire puisque nous sommes favorables dans nos communes à la mixité sociale.

Quand le préfet, à Dijon, décide de reloger dans les quartiers de la politique de la ville 100 cas éligibles au DALO, sur les 200 cas enregistrés, comment voulez-vous que les choses évoluent dans le bon sens ?

M. Marc Daunis. Tout à fait !

M. François Rebsamen. Reloger des familles en difficulté dans les quartiers où il y a déjà le plus de familles en difficulté, est-ce favoriser la mixité sociale ?

D’où l’idée, mes chers collègues, exprimée au travers de l’article 5, d’utiliser le parc locatif privé pour reloger les personnes éligibles au DALO afin d’étendre l’offre locative en attendant la construction de futurs logements. En effet, je ne doute pas que toutes les communes de France, y compris dans le département des Hauts-de-Seine, aient l’intention de construire des logements pour permettre la mixité sociale sur l’ensemble du territoire !

Tous les maires de toutes les communes sont confrontés à ce phénomène (M. Jean-Jacques Mirassou acquiesce.), qui va à l’encontre des politiques locales de mixité sociale aujourd'hui mises en œuvre.

Par conséquent, l’idée d’utiliser des logements conventionnés, qui ne sont pas, nous le savons, prioritairement situés dans les quartiers de la politique de la ville, permettrait d’assurer une meilleure mixité sociale.

Voilà, mes chers collègues, les cinq articles de ce texte rapidement présentés.

Monsieur le secrétaire d'État, il y a quinze jours, vous avez évoqué un plan d’urgence pour les sans-abri. On ne peut et on ne doit pas se limiter au traitement de l’urgence, même si la prise en charge de celle-ci est nécessaire : ce serait regarder uniquement la partie visible de l’iceberg.

Oui, l’urgence est cruciale, et elle doit être traitée. Cependant, les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence sont en diminution en 2010 : ils sont passés de 234 millions d’euros à 214 millions d’euros.

En matière de logement, il faut agir lourdement du côté de l’offre et exploiter toutes les sources possibles. Il faut continuer à ne pas faire de l’hébergement l’antichambre du logement.

Nous avons avancé des propositions. J’espère qu’elles trouveront un écho favorable sur l’ensemble de nos travées, car nous sommes tous animés de la volonté d’apporter la meilleure réponse possible en matière de logement à tous ceux qui, aujourd'hui, en manquent cruellement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nombre de nos collègues sont actuellement en commission, notamment en commission des finances qui siège sans discontinuer. Ils vous prient donc de bien vouloir excuser leur absence.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi d’un nouveau texte sur le logement sept mois seulement après l’adoption de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Cette dernière ne comportait pas moins de 124 articles : sa mise en œuvre n’est pas encore effective, car elle est conditionnée par l’élaboration de 65 mesures d’ordre réglementaire.

Je ne peux donc que rappeler, à titre liminaire, que le Conseil d’État a déploré très fortement, dans son dernier rapport public, l’instabilité législative chronique dont souffre la politique du logement. Tous les acteurs que j’ai auditionnés sur le présent texte ont également regretté ce phénomène.

Cela étant, je donne acte aux auteurs de ce texte du fait que ce dernier n’a manifestement pas pour ambition de bouleverser les mesures que nous avons récemment adoptées.

M. Thierry Repentin. Absolument ! C’est bien de le reconnaître !

M. Dominique Braye, rapporteur. Quoi qu’il en soit, je regrette que les propositions qui nous paraissent opportunes sur le fond n’aient pas été présentées à l’occasion du dernier texte sur le logement dont nous avons très longuement débattu. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

D’autres mesures, en revanche, ont déjà été présentées et repoussées par le Sénat. Vous comprendrez que les arguments donnés hier restent valables aujourd’hui. C’est le cas, notamment, des dispositions prévues à l’article 5.

M. Marc Daunis. Le monde change vite !

M. Thierry Repentin. Le monde change, mais pas les esprits !

M. Dominique Braye, rapporteur. Si vous en étiez vraiment conscients, chers collègues, vous agiriez différemment ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

Sur le fond, cette proposition de loi vise essentiellement à augmenter l’offre de logements abordables par la lutte contre la vacance et la mobilisation du parc privé.

L’intention affichée ne peut évidemment qu’être louable, alors que notre pays compte encore un nombre bien trop important de mal-logés, de non-logés et d’hébergés. Je ne suis pas certain, toutefois, que les solutions proposées soient à la hauteur de l’enjeu.

Après un examen approfondi, la commission de l’économie a même estimé que certains des dispositifs proposés par la présente proposition de loi étaient non seulement inopportuns, mais également contre-productifs.

C’est essentiellement le cas du moratoire sur les expulsions prévu par l’article 4, dont l’adoption pourrait décourager les bailleurs privés et conduire à une hausse de la vacance, contraire aux objectifs du texte.

C’est le cas, également, de l’article 5 qui, en imposant des contraintes très importantes aux propriétaires signant une convention avec l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, entraînerait immédiatement – tous les acteurs l’ont confirmé – une réduction importante du parc de logements privés conventionnés.

Le texte comporte également des éléments intéressants, mais dont la mise en œuvre rapide sera mieux garantie par la voie réglementaire ou par leur insertion dans un prochain véhicule législatif qui ne manquera pas d’être examiné prochainement par le Sénat.

M. Thierry Repentin. Encore un !

M. Dominique Braye, rapporteur. C’est pourquoi la commission a proposé, au final, de ne pas adopter la présente proposition de loi, sous réserve toutefois d’un certain nombre d’engagements de la part du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État.

S’agissant du problème soulevé par les deux premiers articles, qui concernent la lutte contre la vacance, il s’agit – vous l’avez-vous-même reconnu, mon cher collègue – d’une question complexe, qui doit être abordée avec beaucoup de nuances. Le nombre de logements vacants s’avère en effet très difficile à quantifier, et celui des logements que l’on peut effectivement mobiliser l’est encore davantage.

L’article 1er vise à prévoir une procédure d’expropriation des logements vacants. Celle-ci soulève, tout d’abord, des objections de fond en termes d’atteinte au droit à la propriété, d’autant qu’elle supprime l’enquête publique et crée une compétence liée du préfet pour déclarer l’utilité publique.

De surcroît, la commission s’interroge sur les difficultés pratiques auxquelles risquerait de se heurter une commune qui souhaiterait utiliser une telle procédure. En effet, il faudrait, pour la mettre en application, avoir au préalable identifié les immeubles vacants. Or – et cette information vous éclairera peut-être – un bilan très complet a été dressé en 1995 au sujet de l’utilisation de la réquisition à Paris, commune qui vous est chère, ainsi que sur les tentatives effectuées en 2001. Ce travail a mobilisé beaucoup d’énergie, pour un résultat très maigre, voire quasi nul !

Je rappelle que Bercy avait transmis à la Ville de Paris 9 600 adresses et que vingt-six agents municipaux ont été mobilisés pendant plus de deux ans pour dresser un bilan de la situation effective de ces logements. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.) Au final, aucun logement n’a été réquisitionné !

Cela m’amène à la deuxième objection, qui concerne le coût de la procédure. En effet, la collectivité devra acquérir au prix du marché des logements à transformer en logements sociaux.

Dans ce cas, la procédure d’expropriation ne présente pas tellement plus d’avantages que l’utilisation de la préemption pour faire du logement social, possibilité qui existe déjà aujourd’hui. La Ville de Paris, pour ne citer qu’elle, a des dizaines de milliers d’opportunités chaque année de faire du logement social, opportunité que, malheureusement, elle ne saisit que fort rarement.

M. Thierry Repentin. Vous parlez de Tiberi ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Non, nous n’en sommes pas restés à avant-hier ! Nous en sommes à aujourd'hui, voire déjà à demain ! Le monde bouge très rapidement, mon cher collègue ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

En conséquence, la mise en œuvre de l’expropriation ne paraît pas forcément indispensable.

Enfin, d’après l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, la cible des logements vacants à remettre sur le marché concerne, en réalité, les logements vacants depuis un à deux ans, pour lesquels il convient de mener une politique active d’incitation à la remise sur le marché. C’est ce que fait l’ANAH par le biais, notamment, du conventionnement avec travaux, qui prévoit une prime en cas de remise sur le marché d’un logement vacant depuis au moins un an.

Pour toutes ces raisons, la commission a proposé de ne pas adopter l’article 1er.

Elle a en revanche considéré avec plus d’intérêt l’article 2 relatif à la taxe sur les logements vacants.

Cette taxe, instituée en 1999 dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, a en effet manifestement permis une diminution significative du taux de vacance. Entre 1999 et 2005, ce dernier a ainsi diminué de 12,5 % à 48 % dans ces huit agglomérations, alors qu’il ne baissait que de 8,5 % pour la France entière.

Généraliser la taxe sur les logements vacants à toutes les communes soumises aux obligations de 20 % de logements sociaux, comme le prévoit l’article 2, ne nous paraît pas opportun. Cependant, il pourrait être bon d’étendre le dispositif aux grandes agglomérations dont le marché du logement est très tendu, étant précisé que les agglomérations de plus de 200 000 habitants sont aujourd’hui au nombre de trente.

Sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, la commission a souhaité, que le Gouvernement s’engage clairement en séance publique à modifier rapidement le décret afin d’y inclure de nouvelles agglomérations caractérisées par une tension locative importante, car c’est bien dans ces agglomérations qu’il faut remettre le plus de logements sur le marché !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vous répondrai  tout à l’heure !

M. Dominique Braye, rapporteur. L’article 3 prévoit une avancée intéressante. En effet, les délégataires du droit de préemption urbain, le DPU, se limitent aujourd’hui aux offices publics d’HLM et aux sociétés d’économie mixte, les SEM, lorsqu’elles sont concessionnaires d’une opération d’aménagement. Or il peut être opportun de permettre aux communes qui le souhaitent de déléguer leur droit de préemption urbain à toutes les familles HLM.

La commission s’engage donc à soutenir, à l’occasion d’une réforme d’ensemble du droit de préemption urbain qui devrait être très prochainement examinée par le Sénat – je fais allusion à la proposition de loi de M. Warsmann – un dispositif qui étendrait les délégataires du DPU dans le sens préconisé par l’article 3. Votre proposition sera ainsi effective bien plus tôt que si elle était adoptée dans ce texte.

Plusieurs sénateurs socialistes. Ce que nous faisons ne sert à rien, alors ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Eh oui ! le monde bouge, et il faut aller vite ! Votre proposition de loi n’aurait pas abouti suffisamment rapidement ; nous vous proposons donc un autre véhicule législatif pour que satisfaction vous soit donnée dans de plus brefs délais !

S’agissant de l’article 4, relatif au moratoire sur les expulsions locatives, on ne peut évidemment qu’être sensible à la philosophie qui le sous-tend, car elle semble frappée au coin du bon sens, comme vous l’avez dit, mon cher collègue. En effet, pourquoi expulser des locataires reconnus prioritaires par les commissions de médiation et qu’il faudra, par conséquent, reloger ? Comme nous sommes nous aussi pleins de bon sens, nous y avons déjà pensé !

M. Dominique Braye, rapporteur. D’abord, depuis plusieurs années, l’accent a été clairement mis sur le développement de la prévention des expulsions. Ainsi, la circulaire du 14 octobre 2008 relative à la prévention des expulsions locatives précise ceci : « Pour les ménages de bonne foi, qui ne disposent pas de la capacité financière suffisante pour rester dans leur logement, notamment si la procédure en est au stade du jugement d’expulsion doté de la force exécutoire, la recherche d’un relogement adapté aux ressources doit être privilégiée avant toute exécution ». Vous souhait est donc totalement satisfait : peut-être n’étiez-vous pas informé de l’existence de cette circulaire qui est déjà appliquée sur l’ensemble du territoire national !

En outre, il existe déjà des possibilités de maintenir les locataires expulsés dans les lieux sans léser le propriétaire (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.), notamment en proposant à celui-ci de signer un bail avec une association qui sous-louera le logement. Les associations qui assurent cette intermédiation locative sont présentes sur la quasi-totalité du territoire ; elles permettent aux bailleurs privés de ne pas être directement en contact avec le locataire et d’être assurés des revenus locatifs dont ils ont éminemment besoin. En effet, les petits bailleurs privés sont le plus souvent des personnes modestes – 60 % d’entre eux ne sont propriétaires que d’un seul bien – qui ont besoin des loyers pour atteindre un niveau de revenus leur permettant de vivre décemment.

Or, pour quelques cas qui seraient visés en pratique, l’inscription dans la loi d’un tel moratoire constituerait en revanche un signal très négatif envoyé tant aux locataires qu’aux propriétaires. Pour les petits bailleurs, la stabilité de la règle juridique est particulièrement importante : l’adoption de l’article 4 serait de nature à altérer leur confiance et pourrait conduire, à l’opposé des objectifs de la présente proposition de loi, à augmenter les vacances de logements. Une fois de plus, nous constatons que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions !

Enfin, l’article 4, qui ne prévoit pas d’indemnisation des propriétaires, ferait supporter à ces derniers la charge des impayés de loyer, alors que le refus d’accorder le concours de la force publique est actuellement indemnisé par le juge administratif sur le fondement d’une rupture de l’égalité devant les charges publiques. Pour cette raison même, la commission s’interroge sur la constitutionnalité au regard du droit de propriété du présent dispositif, qui procède en quelque sorte à une réquisition de fait, sans indemnisation financière des propriétaires, et pour une durée très longue.

Enfin, s’agissant de l’article 5, il semble quelque peu irréaliste et contre-productif de permettre au préfet d’imposer un demandeur reconnu prioritaire dans le cadre de la procédure du DALO à tous les propriétaires ayant signé une convention avec l’ANAH, quel que soit le niveau de loyer prévu par la convention.

Cette mesure est tout d’abord irréaliste, car le niveau des loyers intermédiaires, qui ne sont inférieurs que de 10 % à 15 % aux loyers de marché, n’est pas adapté à la situation des familles les plus en difficulté.

Elle est ensuite contre-productive, car de telles contraintes ne manqueraient pas de dissuader les propriétaires de passer des conventions avec l’ANAH. Or, le nombre de logements conventionnés reste aujourd’hui très faible et, surtout, ne concerne que très peu les départements où les préfets ont le plus besoin d’une offre complémentaire pour la mise en œuvre du droit au logement opposable – c’est important, car le nombre de logements disponibles doit être pris en considération. Force est de constater que les logements conventionnés sont les plus nombreux dans les zones où les besoins sont les plus faibles ; en revanche, ils sont quasiment inexistants dans les zones qui connaissent les plus forts besoins ! La solution proposée ne paraît donc pas opportune.

J’ajoute que, d’après une étude qualitative réalisée très récemment par l’ANAH, sur les treize départements ayant fait l’objet de l’enquête, le préfet n’a utilisé le droit de réservation sur les logements très sociaux que dans deux cas. Voilà qui révèle la difficulté de l’opération, y compris pour des conventionnements très sociaux.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission de l’économie a proposé de ne pas adopter la présente proposition de loi,…

M. Jean-Marc Todeschini. C’est dommage !

M. David Assouline. Quel coup de théâtre !

M. Dominique Braye, rapporteur. … sous réserve, car vous savez que le rapporteur est particulièrement ouvert à toutes les bonnes idées (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…

M. Paul Blanc. C’est vrai !

M. Dominique Braye, rapporteur. … tout en reconnaissant qu’il en accepte plus en provenance du côté droit de l’hémicycle que du côté opposé (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), …

M. Thierry Repentin. Ça, c’est sûr!

M. Dominique Braye, rapporteur. … tout simplement parce qu’elles sont peut-être plus nombreuses du côté de la majorité (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.),…

M. Jean-Marc Todeschini. Et si vous n’en avez pas, devons-nous attendre qu’elles vous viennent à l’esprit ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission a proposé, disais-je, de ne pas adopter cette proposition de loi, sous une double réserve : d’une part, que le Gouvernement s’engage à étudier un éventuel élargissement de la taxe sur les logements vacants et, d’autre part, que la possibilité d’être délégataires du droit de préemption urbain soit étendue à toutes les familles d’organismes d’HLM, proposition que la commission s’engage à soutenir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il va être d’accord avec nous, parce qu’il est raisonnable !

M. Daniel Raoul. Un petit effort, monsieur le secrétaire d’État ! Un bon geste ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’attente de nos concitoyens en matière de logement est très importante, et le marché de l’immobilier est un marché tout à fait particulier, qui obéit à sa logique propre.

On pourrait aisément caricaturer la situation, en partant du constat suivant : d’un côté, des logements sont vacants, de l’autre, des personnes vivent dans la rue ; il suffirait donc de résoudre l’équation en plaçant les secondes dans les premiers ! Cette caricature survit, me semble-t-il, grâce aux coups médiatiques et à quelques caméras braquées sur des situations extrêmes, mais elle ne me semble pas correspondre à une réalité, au moins sur le plan quantitatif. (M. David Assouline manifeste sa désapprobation.)

La proposition de loi présentée aujourd’hui tend à augmenter les capacités de relogement des bénéficiaires du droit au logement opposable, en utilisant notamment le droit de préemption. Il nous faut, à mon avis, garder les pieds sur terre : la mise sur le marché des logements vacants ne résoudra évidemment pas à elle seule les crises du logement que traverse notre pays.

Les raisons qui expliquent certaines vacances sont multiples.

En premier lieu, beaucoup de logements vacants sont aujourd’hui des taudis, et les travaux de rénovation qu’il conviendrait de mettre en œuvre sont trop importants pour rendre possible leur mise sur le marché.

En second lieu, beaucoup de logements vacants sont situés dans des zones qui ne connaissent pas de problèmes de logements. Soyons réalistes : si la demande n’existe pas, quel intérêt y aurait-il à mettre un nouveau logement sur le marché ?

En troisième lieu, beaucoup de vacances de logements sont liées à la rotation des locataires. On parle alors d’un phénomène de vacance frictionnelle, qui dépend de la disponibilité des uns et des autres.

En dernier lieu, certains propriétaires rencontrent des difficultés à financer des travaux coûteux ou à régler des successions difficiles, comme l’a dit tout à l’heure M. Rebsamen.

Les discours actuels sur les logements vacants rappellent ceux qui ont fleuri en 2001 autour de l’idée de réquisition. Je voudrais vous rappeler les chiffres de l’époque : le ministère des finances avait identifié 96 000 adresses de logements vacants. Sur ce total, 104 adresses de plus de dix logements ont été jugées pertinentes, au vu des objectifs définis par le gouvernement de l’époque. Mais l’examen individuel des logements en vue d’évaluer les réelles capacités de réquisition a révélé que certains de ces logements étaient déjà occupés, d’autres démolis, utilisés par des commerces, ou qu’ils nécessitaient des rénovations extrêmement couteuses. Au total, sur les 96 000 adresses identifiées, aucune n’a été réquisitionnée en 2001 ! Je voulais donc, par cet exemple, réfuter de fausses bonnes idées, qui ne correspondent pas aux réalités de notre pays.

J’ajouterai que, dans notre pays, le droit de propriété est constitutionnellement garanti. Il est d’ailleurs reconnu par le Conseil d’État comme liberté fondamentale. Il y a donc un équilibre à ne pas bouleverser et une limite à ne pas franchir : celle de la contrainte !

Le Gouvernement n’est pas resté inactif et a agi pour limiter la vacance des logements dans notre pays. Mais sa politique diffère de celle que proposent les auteurs de la proposition de loi : ces derniers mettent l’accent sur la contrainte ; le Gouvernement, quant à lui, préfère l’incitation, qui lui paraît mieux correspondre à l’idée qu’il se fait du droit de propriété. Celle-ci consiste à ne pas priver certains citoyens de leur liberté : en effet, il serait injuste de vouloir exproprier des propriétaires de logements au seul motif que leurs biens seraient vacants depuis de nombreuses années !

M. François Rebsamen. Vous êtes décevant !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Une telle politique serait injuste, probablement anticonstitutionnelle, mais surtout contre-productive ! En effet, à terme, elle ne pourrait que dissuader les particuliers d’accéder à la propriété.

Nous sommes cependant d’accord avec vous sur un point : nous devons tout faire pour mobiliser les logements vacants, dans l’intérêt de tous.

M. Jean-Marc Todeschini. Il y a du boulot !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’est engagé à résoudre la crise du logement en utilisant tous les leviers possibles, y compris celui de la lutte contre le logement vacant : nous avons donc mis en place des outils pour limiter les vacances, et je voudrais vous apporter des précisions sur certains d’entre eux.

Tout d’abord, le Gouvernement a souhaité encourager les propriétaires à louer, en aidant ceux qui en ont besoin à réaliser des travaux. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion renforce les aides qui permettent de remettre en état les logements et incite les propriétaires à louer à des loyers maîtrisés.

La passation des conventions avec l’ANAH a été simplifiée pour faciliter le relogement.

Nous avons également porté la déduction fiscale des revenus locatifs de 45 % à 60 % des loyers, pour les propriétaires qui pratiquent des loyers « sociaux », et à 70 % pour ceux qui s’engagent dans l’intermédiation locative.

Par ailleurs, nous avons souhaité inciter les propriétaires, par la fiscalité, à remettre sur le marché des logements vacants. Deux taxes – vous les connaissez, car elles ont déjà été évoquées par d’autres orateurs – jouent ce rôle : la taxe sur le logement vacant, qui concerne près de 80 000 logements aujourd’hui, et la taxe d’habitation sur le logement vacant. Chaque commune qui le souhaite dispose donc d’un outil de lutte contre le logement vacant. Ces mesures ont d’ailleurs rencontré un succès certain : dans les communes où la taxe sur les logements vacants a été instituée, on a pu constater une baisse du taux de vacance plus importante que sur le reste du territoire.

Enfin, l’outil essentiel de lutte contre les vacances de logement est la garantie apportée aux propriétaires contre les risques locatifs. Nous avons mené une négociation avec les partenaires sociaux du 1 % logement et espérons pouvoir déployer cette garantie des risques locatifs, ou GRL, dans le courant de l’année 2010.

Toutes ces mesures résultent essentiellement de l’adoption de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, votée voilà huit mois, qui a renforcé nos outils de lutte contre le logement vacant. Le Gouvernement travaille encore aujourd’hui à l’élaboration des textes d’application de cette loi : je souhaite donc mener à leur terme ces différents chantiers et améliorer les dispositifs existants, avant d’imaginer de nouveaux dispositifs législatifs.

Quand au droit de préemption urbain, que vous avez évoqué, cet outil essentiel est mis à la disposition des maires. Ce droit sera renforcé et simplifié dans le cadre d’une proposition de loi plus globale, déposée par le député Jean-Luc Warsmann, qui sera examinée dès la semaine prochaine par la commission des lois de l’Assemblée nationale. On peut donc, me semble-t-il, attendre les deux ou trois mois nécessaires au fonctionnement de la navette parlementaire pour déposer des amendements.

Je voudrais évoquer les actions que nous menons de façon plus générale, notamment en matière de droit au logement opposable.

Nous avons plusieurs impératifs en la matière.

Tout d’abord, nous devons développer une information beaucoup plus large pour saisir toutes les situations qui le méritent.

Par ailleurs, nous ne devons pas nous contenter des taux de relogement que nous obtenons aujourd’hui, notamment en Île-de-France, où, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce taux est à peine de 25 %.

Nous disposons aujourd’hui de tous les outils pour répondre à cette équation et pour remplir l’obligation que nous nous sommes imposée à nous-mêmes en créant le droit au logement opposable.

Le premier outil à notre disposition est le contingent préfectoral. Je ne vais pas vous redonner tous les chiffres de façon précise. Néanmoins, si je me borne à l’Île-de-France, ce contingent préfectoral, qui est censé être de 30 % du parc locatif social,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas assez !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … atteint dans la réalité 12 % de ce parc. Si son utilisation effective passait de 12 % à 30 %, cela représenterait, pour cette seule région, 10 000 logements supplémentaires.

Une nouvelle loi n’est donc pas nécessaire. Il suffit d’appliquer les dispositions existantes : utilisons réellement le contingent préfectoral, et 10 000 logements nouveaux pourront être mis à contribution dans le cadre du droit au logement opposable !

La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion nous a donné un autre outil : l’utilisation possible de 25 % du contingent d’Action logement, l’ancien 1 % logement des partenaires sociaux. Si nous mettons en place, à partir du 1er janvier prochain, ce nouveau droit de réservation au bénéfice des publics DALO, 5 000 logements supplémentaires pourront être utilisés pour des relogements.

Avec 10 000 logements par le contingent préfectoral et 5 000 logements par le contingent d’Action logement, nous arrivons à un total de 15 000 logements supplémentaires par an pour la seule région d’Île-de-France, en utilisant – j’insiste sur ce point – les seuls outils existants.

Je vous confirme d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous nous donnerons tous les moyens pour mettre en place cette saine gestion du contingent préfectoral dans les semaines à venir.

Enfin, enjeu tout aussi important que le précédent, nous devons construire plus de logements sociaux. C’est ce qui nous permettra d’apporter une vraie réponse aux demandes actuelles de nos concitoyens, à la condition, bien évidemment, que nous construisions ces logements là où il le faut !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous allons financer cette année 125 000 logements sociaux. C’est un record absolu, je le rappelle, correspondant à une augmentation de 300  % par rapport à l’année 2000. Mais, c’est bien la localisation de ces logements qui pose des difficultés : aujourd’hui, nous construisons 60 % de ces logements dans des zones faiblement tendues ou moyennement tendues, et à peine 40  % dans des zones tendues.

Il nous faut impérativement réorienter notre production de logement social, si nous souhaitons que cette production soit efficace, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Notre vision est donc celle d’un État exemplaire, qui gère correctement les outils dont il dispose, qui réoriente sa production de logement social, et non celle d’un État qui contraint ses citoyens pour combler ses propres insuffisances.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous serons évidemment attentifs aux discussions parlementaires et, dans quelques instants, je prendrai l’engagement de modifier le décret relatif à la taxe sur les logements vacants. En effet, je partage votre analyse en la matière. Pour mieux répondre à l’attente de nos concitoyens, nous devons élargir cette taxe à d’autres communes. (À Neuilly ! sur les travées du groupe socialiste.)

En revanche, je ne donnerai pas d’avis favorable à l’amendement déposé sur ce sujet, qui me semble beaucoup trop large. Mais je crois que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours de nos débats.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les maires présents aujourd’hui dans nos tribunes, dans très exactement dix jours – le 27 novembre – se tiendra sur la place de la Bastille la deuxième nuit solidaire pour le logement, sur l’initiative d’une large plate-forme rassemblant trente-deux associations.

Après l’amitié franco-allemande, célébrée la semaine dernière sur la place de la Concorde, la bien-nommée,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. On commémorait la chute du communisme ! Ce n’est pas pareil !

M. Thierry Repentin. … ce sera donc un rassemblement sur la place de la Bastille, la citoyenne, pour construire une nouvelle politique du logement.

Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez cité une étude selon laquelle les services fiscaux n’auraient pas été en mesure de répertorier les 96 000 logements vacants sur Paris, je voudrais simplement vous indiquer que, place des Vosges, des associations ne disposant pas des moyens des services fiscaux ont identifié des logements inoccupés et les occupent depuis quelques jours !

La crise du logement est partout, ou presque : là où les prix ne sont pas prohibitifs, ce sont les logements locatifs qui manquent ; là où les logements locatifs et en accession existent, ce sont les prix qui excluent. Toutes les catégories sociales sont touchées, tant et si bien que le logement est devenu la première dépense des ménages, comme le montre l’INSEE dans son rapport sur la consommation des Français, paru en septembre 2009.

Bref, la crise est telle que rien ne doit être négligé. C’est la modeste ambition de cette proposition de loi, qui vise, d’une part, à approfondir et à améliorer des dispositifs existants et, d’autre part, à responsabiliser les élus locaux et les territoires, car ce sont eux qui sont au plus près des besoins.

Notre proposition de loi est donc d’abord un texte d’optimisation.

Il s’agit de rendre plus opérants des dispositifs existants, parfois inachevés. Je pense en premier lieu au droit au logement opposable.

Comme nous l’avions souligné à l’époque, le texte adopté en mars 2007 est bancal. Il assigne à l’État une responsabilité que celui-ci n’est pas en mesure d’assumer. Deux ans après l’adoption de la loi, le problème de l’effectivité du droit au logement opposable reste entier.

Mais qui pâtit le plus de cette légèreté législative ? Ce n’est pas l’État ! Ce sont nos concitoyens mal logés, sans logement ou sous le coup d’une expulsion sans solution de relogement. Pour eux, la contradiction des pouvoirs publics est cruelle : ils peuvent être reconnus prioritaires pour l’attribution d’un logement, mais, dans le même temps, être expulsés avec le concours de la force publique !

L’objet de l’article 4 de cette proposition de loi est de les protéger dans le cas – et dans ce cas seulement – où ils seraient reconnus prioritaires, et donc de bonne foi, par la commission de médiation.

J’entends d’ici les craintes de certains de mes collègues concernant le dédommagement du propriétaire qui ne recouvre plus ses loyers depuis déjà plusieurs mois. Je les partage, comme François Rebsamen et l’ensemble des signataires de cette proposition de loi.

L’article 40 de la Constitution nous a empêchés de traiter cet aspect dans la proposition de loi. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, vous avez la possibilité de déposer en séance un amendement gouvernemental tendant au versement au propriétaire d’indemnités journalières.

Cela ne sera pas plus coûteux que le concours de la force publique et les frais de prise en charge sociale des familles expulsées. Autant que l’argent public serve à maintenir des locataires de bonne foi chez des propriétaires de bonne foi, plutôt qu’à héberger ces mêmes locataires chez des marchands de sommeil !

M. Thierry Repentin. J’évoquais une proposition de loi d’optimisation… S’il en est une qui mérite d’être optimisée, c’est précisément la taxe sur les logements vacants, la TLV, car elle n’a été qu’insuffisamment explorée.

Pourtant, cette taxe a montré son efficacité. Oui, mes chers collègues, j’utilise bien le mot « efficacité » et je conteste fortement la position prise par le Conseil d’analyse économique. L’efficacité d’un impôt ne se mesure pas seulement à son rendement ; la fiscalité sert aussi à influencer les comportements.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est le cas avec la TLV !

M. Thierry Repentin. C’est d’ailleurs la position de M. Borloo, qui entend utiliser la fiscalité écologique pour inciter les citoyens à modifier leurs actes d’achat ou leurs choix en termes de modes de déplacement. Il en va de même pour la TLV : moins nous percevrons de TLV, plus il y aura de logements remis sur le marché !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tout à fait d’accord !

M. Thierry Repentin. C’est aussi un but que nous cherchons à atteindre avec cette proposition de loi.

Ainsi, dans les huit agglomérations où cette disposition, inventée sous le gouvernement de Lionel Jospin, a été mise en place en 1999, on a constaté une diminution de 50 % du nombre de logements qui n’étaient pas remis sur le marché.

Plus généralement, j’ajoute que cette proposition de loi est peu coûteuse, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités quand le déficit public dépasse 8 % du produit intérieur brut, ou PIB, et l’endettement public 73 % de ce PIB.

D’abord, les mesures d’urbanisme des articles 1er, 2 et 3 n’ont pas d’effet budgétaire pour l’État. Mieux, la proposition de loi peut être source de ressources supplémentaires pour l’ANAH, destinataire du produit de la TLV.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Au détriment des communes !

M. Thierry Repentin. Ces ressources ne seront pas un luxe à l’heure où l’État a totalement renoncé à soutenir l’amélioration de l’habitat ancien. Il a en effet sorti du budget la subvention qu’il allouait à l’ANAH et a sommé Action logement de compenser son retrait.

Notre proposition de loi est aussi un texte de confortation des territoires.

La suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, la réforme de la taxe professionnelle, la réduction du nombre d’élus locaux, en Île-de-France le transfert autoritaire de la quasi-totalité de la compétence d’urbanisme à la Société du Grand Paris, voilà autant d’éléments, mes chers collègues, qui nous permettent de constater l’effritement des collectivités locales.

Une VIe République se dessine, qui oublie les territoires, oublie le rôle essentiel joué par les élus locaux, oublie la pertinence d’une action locale sur mesure. La réforme des collectivités territoriales se trompe de cible : les territoires sont responsables et efficaces.

M. Thierry Repentin. Le logement est un besoin fondamental de nos concitoyens, au même rang que l’emploi. Le logement sera pourtant l’une des politiques publiques qui souffriront le plus de cette reprise en main de l’État. Ce sont bien les maires qui sont en première ligne, face aux situations de détresse de leurs administrés, face à la difficulté des jeunes adultes à trouver d’autres solutions que la cohabitation, face à la contrainte imposée aux jeunes ménages de quitter les cœurs d’agglomération pour aller habiter plus loin quand la famille s’agrandit...

Si les départements et les régions ne peuvent plus participer au cofinancement des logements sociaux du fait de la perte de la clause de compétence générale, comment les communes et intercommunalités parviendront-elles à assurer seules le bouclage du financement des opérations ?

Vous vous exprimez régulièrement, monsieur le secrétaire d’État, sur la territorialisation des politiques du logement, en particulier en matière de logement social. Les mesures que nous vous proposons vous offrent l’occasion de contribuer à cet objectif.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ah non ! Pas du tout !

M. Thierry Repentin. Ainsi, dans son rapport, la commission s’inquiète des difficultés d’identification des logements vacants. Or, l’association Jeudi-Noir n’a eu aucun problème à identifier des logements vacants sur la place des Vosges ! Cette problématique prend une tout autre tournure dès lors qu’elle est examinée à l’échelle locale. C’est au plus près des acteurs, des biens et des marchés que l’on peut apprécier la vacance réelle et entamer les démarches nécessaires : recherche du propriétaire et engagement des procédures.

De la même façon, le transfert du droit de préemption urbain aux organismes d’HLM est une contribution évidente à l’efficacité des politiques locales.

Prendre en compte les réalités locales, c’est enfin accepter de se ranger au constat que font tous les élus locaux sur leur territoire : le droit au logement opposable est inapplicable en l’état si le parc privé n’est pas mobilisé, au moins pour partie.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est faux !

M. Thierry Repentin. C’est l’objet de l’article 5, qui permet de reloger les demandeurs jugés prioritaires par la commission de médiation dans des logements conventionnés avec l’ANAH.

Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez compris, personne n’est montré du doigt avec cette proposition de loi. (M. le secrétaire d’État acquiesce.) Celle-ci ne vise pas à mettre à mal des textes existants qui s’appliquent sur la totalité du territoire. Il s’agit tout simplement, en se fondant sur les expériences des élus locaux, d’optimiser les dispositifs existants et d’en tirer toutes les conséquences.

Par exemple, celui de nos voisins européens qui connaît le taux de vacance le plus élevé est aussi celui qui a le moins développé son offre locative. L’Espagne est l’illustration de l’impérieuse nécessité de déployer une politique du logement diversifiée, encourageant tous les segments de l’offre de logement et favorisant, surtout, la réalisation de logements abordables.

Chers collègues, la crise du logement, pour nous, n’est pas une fatalité, et nous souhaitons vous faire partager cette conviction par le vote de ce texte donnant de nouveaux outils aux élus locaux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

Un sénateur socialiste. Le poète des Pyrénées ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Mais il ne s’agit pas ici de poésie,…

M. Ivan Renar. Quoique !

M. François Fortassin. … il s’agit de donner un toit à nos concitoyens !

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, force est de constater que, dans ce pays, de très nombreux rapports, publics ou privés, ont été consacrés au logement. Depuis quelques années, ces rapports se sont multipliés – vingt-huit sur la seule période allant de 2002 à 2005 –, contenant plus d’un millier de propositions, d’ailleurs régulièrement recyclées faute d’avoir pu connaître un aboutissement normal.

Malgré les sept lois adoptées au cours des six dernières années, force est de constater que la situation du logement est loin de s’améliorer. En 2009, 3,5 millions de nos concitoyens sont mal logés ou ne sont pas logés du tout. Il faudrait d’ailleurs y ajouter les laissés-pour-compte de la crise économique qui vont encore gonfler ce chiffre.

Il y a un décalage très fort entre les capacités contributives des ménages et le coût de logement en accession à la propriété ou à la location. Aujourd’hui, on raisonne financièrement : une personne qui veut mettre un appartement en location attend un retour sur investissement durant quinze ou vingt ans, alors qu’en réalité le logement est avant tout un problème de possibilités contributives de nos concitoyens. Les plus modestes sont en quelque sorte assignés à résidence dans des quartiers en difficulté ou n’ont le choix qu’entre des formes dépréciées d’habitat.

Au-delà de discriminations économiques très réelles, il existe aussi des discriminations sociales, voire raciales, dans l’accès au logement. Cela, nous ne pouvons pas l’ignorer.

Le droit au logement opposable, dont la mise en œuvre se révèle laborieuse et décevante, restera sinon lettre morte, du moins une disposition intelligente mais difficile à mettre en œuvre et, en tout état de cause, insuffisante.

À cette situation, il faut ajouter l’engorgement des dispositifs d’hébergement.

Le moins que l’on puisse dire, à ce stade, c’est que l’accès au logement ressemble pour beaucoup de nos concitoyens à un parcours du combattant, lorsqu’il n’est pas un mirage dans le désert.

Les politiques publiques sont insuffisantes ou inefficaces. Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, vous avez stigmatisé l’attitude de la gauche,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non, je ne me le permettrais pas !

M. François Fortassin. …  qui, en présentant ce projet, serait considérée comme rêveuse. Moi, je ne stigmatise personne, je considère que tous les ministres sont excellents mais qu’il y a peut-être des degrés dans l’excellence… (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

L’engagement budgétaire de l’État est insuffisant. Dans certaines zones, il y a pénurie d’offres, dans d’autres, surabondance. Le parc locatif est souvent incompatible avec les besoins réels. La mainmise de l’État sur le 1 % logement prive, dans une certaine mesure, les salariés d’un outil essentiel pour résoudre leurs problèmes d’accès au logement et de mobilité. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

La fiscalité du logement a une lisibilité faible et une efficacité contestable.

Il y a urgence, car la France va devoir faire face à des défis susceptibles d’affecter durablement le nombre et la nature des logements à réaliser, liés aux recompositions familiales, au vieillissement de la population, au souhait légitime d’un certain nombre de nos jeunes concitoyens de pouvoir accéder à un logement indépendant. Ces besoins nouveaux accentuent le problème du logement, qui est aujourd'hui beaucoup plus prégnant qu’il ne l’était voilà quinze ou vingt ans.

Il faut favoriser la solvabilisation de la demande par un relèvement et un meilleur ciblage des aides personnelles au logement et, surtout, par l’encadrement des loyers.

Selon certains chiffres officiels de l’INSEE, les Français consacreraient 6 % de leurs revenus au logement. Peut-on réellement croire que la plupart de nos concitoyens se logent avec 6 % de leur budget, à part, bien entendu, ceux qui, comme moi, sont privilégiés et possèdent une maison pour laquelle ils ont fini de rembourser les emprunts ? Dans ce cas, la part du budget peut descendre en dessous de 6 %. Mais, pour la plupart des gens, cette part est d’au moins 30 %.

Une solution serait de fixer un pourcentage minimum de logements sociaux sur les programmes de plus de dix logements : un promoteur réalisant dix logements devrait construire parallèlement deux logements sociaux.

Cette proposition, qui n’est pas révolutionnaire, aurait le mérite, me semble-t-il, de favoriser une véritable mixité sociale. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) On ne peut pas laisser le maire seul face à ce problème ! Et que l’on ne me dise pas que les promoteurs seront freinés par une telle disposition !

Cette proposition serait extrêmement incitative dans la mesure aussi où les aides publiques instaurées pour développer l’offre de logements et pour réduire les tensions sur le marché de l’immobilier n’ont pas toujours été suffisantes.

L’urgence, aujourd’hui, est-elle de répondre aux besoins de nos concitoyens mal logés ou qui ne sont pas logés du tout ? Si l’on répond par l’affirmative à cette question, on devra adopter une attitude draconienne. Je sais très bien que l’on ne peut pas, dans ce pays, porter atteinte au droit de propriété, qui est inscrit dans la Constitution. En revanche, rien ne nous empêche de mettre en œuvre certaines taxations.

Ainsi, serait-il scandaleux d’imposer au propriétaire d’une résidence secondaire qui l’occupe quinze jours par an et qui ne la loue pas une taxe supplémentaire destinée à alimenter un fonds pour les logements sociaux ?

Mme Nathalie Goulet. Pas du tout !

M. Dominique Braye, rapporteur. Et s’il la prête, comme c’est d'ailleurs mon cas ?

M. François Fortassin. Cela m’arrive aussi, mais je ne trouverais pas anormal de payer une surtaxe à la taxe d’habitation !

Il faut donc incontestablement des prises de position draconiennes.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Fortassin. La politique du logement doit devenir, selon nous, un grand principe républicain fondé sur la solidarité et sur la reconnaissance de la dignité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors des débats sur la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, la ministre de la ville et du logement de l’époque évoquait des objectifs ambitieux : construire plus, faciliter l’accès au logement, lutter contre le mal-logement. Elle justifiait la procédure d’urgence par « la culture du résultat ».

Sept mois après le vote de cette loi, force est de constater que la situation du logement en France est plus que jamais alarmante et que la loi votée, loin d’apporter des réponses adaptées, soulève, au contraire, bon nombre d’inquiétudes.

Considéré comme première préoccupation par nos concitoyens, le logement représente 30 % des dépenses des ménages français, pour un montant global de 282 milliards d’euros en 2006, soit 23 % du produit intérieur brut.

Mais le logement n’est pas seulement une question de pouvoir d’achat. Il est devenu de plus en plus une question d’urgence sociale.

Selon le dernier bilan de la Fondation Abbé-Pierre, plus de 6,7 millions de nos concitoyens, soit 13 % de la population, seraient en situation de fragilité par rapport au logement.

La crise économique et sociale n’a fait qu’accentuer une situation déjà préoccupante. En effet, si la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a institué le droit au logement opposable – le désormais célèbre « DALO » –, elle ne permet pas de répondre à la diversité des situations de mal-logement et d’exclusion sociale qui n’ont cessé de s’accroître ces dernières années.

Face à cette crise sans précédent, notre pays a besoin d’une politique du logement qui soit ambitieuse et se dote des moyens nécessaires pour que tout individu puisse accéder à ce droit fondamental.

Au lieu de cela, les signes envoyés par le Gouvernement sont loin d’être encourageants. Pour ne citer qu’un exemple, la suppression du ministère du logement et son remplacement par un secrétariat d’État a été un message sans appel quant aux priorités données à l’action publique.

Il faut rappeler également que le budget de la ville et du logement pour 2009 a été des plus restrictifs puisqu’il a enregistré une baisse de 720 millions d’euros, soit plus de 7 % par rapport à 2008.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non !

Mme Odette Terrade. S’il paraît augmenter, c’est parce que le hold-up opéré sur les fonds du 1 % salarial vous a permis d’atténuer les déficits.

Le budget pour 2010 n’est pas meilleur…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il est en augmentation !

Mme Odette Terrade. … puisqu’il prévoit une baisse de 70 millions d’euros de l’aide à la pierre, amputant par là même tout effort en matière de construction de logement social. Cela ne laisse augurer aucune amélioration, alors même que le nombre de logements mis en chantier en 2007 était de 450 000 et que ce chiffre, déjà insuffisant pour répondre à l’urgence, est passé à moins de 300 000 cette année. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

D’ailleurs, le Conseil d’État, dans son rapport intitulé Droit au logement, droit du logement, publié le 10 juin 2009, note à cet égard une mutation de la définition du logement, devenu depuis la réforme Barre de 1977 un « bien économique qui s’échange sur un marché ».

On ne peut mieux résumer l’action du Gouvernement en matière de logement, action qui s’est en effet progressivement effacée au profit du marché. Le Gouvernement s’est privé des principaux moyens dont il disposait pour contrôler le coût de la construction et le niveau des loyers. (M. le secrétaire d’État fait à nouveau un signe de dénégation.)

Outre le désengagement financier de l’État, l’empilement législatif de ces dernières années – sept textes de loi sur le logement en sept ans ! – n’a pas permis de freiner l’aggravation de la situation du logement en France, mais, comme le souligne M. le rapporteur, a placé la politique du logement dans « une instabilité juridique chronique », instabilité peu propice à la mobilisation de l’ensemble des partenaires.

Aujourd’hui, les loyers du privé sont 45 % plus élevés que ceux du parc social, et l’augmentation des loyers n’est plus en corrélation avec une amélioration des conditions de vie.

Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, la mise en place de la loi DALO rencontre un nombre important de difficultés d’application et montre ses limites dans la réalité de la vie quotidienne des victimes de la crise du logement. Les demandes sans réponse ne cessent de s’accumuler, provoquant des situations que l’on peut qualifier d’« urgence installée » !

Pour le seul département du Val-de-Marne, sur 12 000 dossiers déposés, seuls 1 300 ont été déclarés pour l’instant « éligibles », soit environ 10 %. Si le chiffre des dossiers éligibles est si bas, c’est parce que, sur les 12 000 dossiers, seuls 6 000 ont pu être traités ; il en reste donc environ 6 000 en attente depuis plus de six mois, alors même qu’il en arrive à la commission du Val-de-Marne de 600 à 700 par mois et qu’elle n’en traite que de 150 à 160 par semaine.

Actuellement, les accusés de réception, à partir desquels court le délai de six mois pour statuer, sont délivrés quatre mois après la réception des dossiers, soit un temps de réponse de dix mois pour les demandeurs !

Vous le voyez, ce dispositif est très loin de pouvoir répondre efficacement aux énormes besoins qui existent.

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste que nous examinons aujourd’hui repose sur « l’idée que pour donner corps à la solidarité nationale pour le logement de tous, nous devons consentir à imposer des mécanismes de régulation innovants et audacieux ».

De l’audace, il en faut effectivement pour s’attaquer à ces phénomènes de spéculation sur l’immobilier !

Par ailleurs, nos collègues du groupe socialiste ont raison de proposer un moratoire sur cette pratique d’un autre âge que sont les expulsions locatives, traumatisantes pour les familles et les enfants. Ils ont également raison de proposer d’augmenter le taux comme l’assiette de la taxe sur les logements vacants en donnant parallèlement plus de pouvoirs aux maires pour l’expropriation de logements vacants depuis de trop nombreuses années.

Monsieur le rapporteur, pour ne pas soutenir ce texte, vous arguez qu’il s’oppose au droit de propriété et qu’il aboutirait à priver les propriétaires de loyers dont ils ont pourtant absolument besoin. Nous pensons, sans amoindrir ce « droit de propriété », que celui-ci doit non s’opposer mais se conjuguer avec celui du droit au logement au moins aussi fondamental.

Il faut être cohérent : cette proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vise fondamentalement à rendre effectif le droit au logement opposable dont vous vous êtes faits vous-mêmes, mes chers collègues, les fervents défenseurs.

Cette proposition de loi est une boîte à idées permettant d’aller au-delà des belles déclarations d’intention, qui, sans moyens, restent aujourd’hui lettre morte.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG avaient déposé une proposition de loi tendant à favoriser la prévention des expulsions locatives, qui contenait déjà plusieurs propositions allant dans le même sens.

Face aux situations dramatiques vécues par tous ceux qui sont en attente d’un logement, parfois depuis de nombreuses années, il paraît nécessaire de développer rapidement un véritable contre-projet à la politique menée par le Gouvernement.

Pour notre part, nous sommes favorables à la création d’un grand service public du logement décentralisé soutenu par un engagement financier de l’État, qui représenterait 2 % du PIB. Nous prônons également le lancement d’un grand plan national de construction de logements sociaux soutenu par une politique volontaire en matière d’aide à la pierre.

Mes chers collègues, nous ne pouvons que constater qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que le droit au logement soit une réalité pour tous, partout. En attendant, notre groupe votera la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste reconnaît que la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste dénote leurs bonnes intentions.

La lutte contre le logement vacant ne peut en effet qu’être encouragée. Toutefois, si l’on en croit l’adage, l’enfer est parfois pavé de bonnes intentions,…

M. Dominique Braye, rapporteur. Je l’ai indiqué !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … et cette proposition de loi n’échappe pas à ce constat.

Certaines dispositions de ce texte – je pense aux articles 2, 3 et 4 – sont intéressantes.

L’article 2 prévoit la taxation des logements vacants. Mais cette dernière est déjà possible ! En effet, cette taxation est déjà autorisée dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants. Mais l’article 47 de la loi de 2006 portant engagement national pour le logement – vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le secrétaire d’État – autorise les collectivités non concernées à assujettir les logements vacants à la taxe d’habitation.

M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cette disposition permet donc aux agglomérations de moins de 200 000 habitants, comme la mienne – elle ne comprend que 100 000 habitants – de taxer les logements vacants.

Il me paraît néanmoins utile de renforcer les mesures déjà existantes. La disposition figurant à l’article 2 de la proposition de loi pourrait ainsi être étendue aux agglomérations visées à l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, c'est-à-dire à celles de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Cette disposition, somme toute assez logique, permettrait d’apporter une solution au problème, soulevé par plusieurs de nos collègues, des agglomérations connaissant une tension du marché locatif.

Les articles 3 et 4 ont également le mérite de confirmer d’autres dispositifs existants, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Mon groupe y est favorable, même si l’application de la loi instituant le droit au logement opposable – je reviendrai d’ailleurs sur cette question lors de la discussion du projet de loi de finances – est particulièrement difficile dans la région parisienne et les grandes agglomérations.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Dominique Braye, rapporteur. À Paris, en particulier !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En revanche, dans les régions, les dispositifs mis en place ne sont pas toujours justifiés.

L’article 1er est, à mon avis, assez difficile à mettre en œuvre. Comment évaluer les intentions spéculatives au regard des difficultés de location que nous connaissons actuellement dans nos agglomérations ?

Quant à l’article 5, il me semble en contradiction avec les objectifs de l’ANAH. Faut-il freiner le combat que mène cette Agence contre l’habitat indécent, voire indigne, en adoptant des mesures qui risquent d’inquiéter les bailleurs privés ? Je n’ai pas la réponse, mais j’estime que nous devons au moins nous poser la question.

Je conclurai mon propos en encourageant les collectivités locales à accompagner la garantie du logement locatif, qui permet de remettre sur le marché des logements vacants. Elle constitue en effet une incitation financière pour le bailleur et une plus-value sociale pour le locataire. Cette mesure, qui figurait dans le projet de loi de mobilisation pour le logement voté en 2008, rejoint les préoccupations du groupe socialiste, qui sont aussi les nôtres.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise essentiellement, d’une part, à augmenter l’offre de logements abordables en luttant contre la vacance et en mobilisant le parc privé et, d’autre part, à éviter les expulsions de locataires reconnus comme prioritaires au titre de la loi relative au droit au logement opposable.

Comme l’a très justement fait observer notre rapporteur, Dominique Braye, auquel je veux rendre hommage pour ses grandes compétences en matière d’urbanisme et de logement,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Très juste !

Mme Colette Giudicelli. … il est indispensable de replacer ces dispositions dans le contexte des nombreux dispositifs qui existent déjà ou viennent d’être adoptés.

Il est bien évident que les gouvernements qui ont été soutenus par notre groupe ne sont pas restés inactifs depuis 2002, loin de là !

Lutter contre le mal-logement est un impératif qui s’impose à nous tous et qui ne souffre aucune démagogie. C’est la raison pour laquelle nous avons voté le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion le 19 février 2009, présenté par Mme Boutin, qui vise à soutenir l’activité de construction pour répondre aux besoins en matière de logement de nos concitoyens.

Ce texte comporte des dispositions permettant de renforcer la prise en compte des populations en difficulté, afin de leur donner les moyens d’accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement. Dans ce domaine, la loi s’attache à mobiliser à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État.

Elle vise également à permettre aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé, afin de les sous-louer à des ménages logés dans des hôtels ou des centres d’hébergement, le plus souvent avec l’aide d’associations subventionnées par les départements. Cette mesure attendue participe indéniablement au développement d’une offre d’hébergement plus humaine.

Une politique du logement est nécessairement complexe, parce qu’elle revêt des dimensions à la fois humaines, économiques, financières et techniques. En outre, elle doit tenir compte d’une grande diversité de situations locales ou d’exigences personnelles. Mais elle constitue également, et surtout, une chaîne de solidarité entre tous les citoyens de notre pays.

La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est venue compléter plusieurs lois importantes, votées ces dernières années, qui ont profondément modifié, comme M. Fortassin l’a justement souligné, le paysage dans le domaine du logement. Je pense en particulier à la loi instituant le droit au logement opposable, adoptée par le Sénat en 2007.

Par cette loi, le principe du droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. La loi précise que ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux.

L’objectif que nous recherchons tous est, bien évidemment, que les logements sociaux soient occupés par les personnes qui en ont vraiment besoin. Or, monsieur le secrétaire d’État, tel n’est pas toujours le cas. Dans les mairies et les conseils généraux, il nous arrive d’être confrontés à des cas spéciaux : les logements sociaux disponibles sont quelquefois attribués à des personnes qui auraient les moyens de se loger par elles-mêmes soit dans le secteur privé, soit dans un logement dont elles sont déjà propriétaires. Je pourrais vous donner des exemples très précis.

La loi instituant le droit au logement opposable a prévu un recours amiable devant une commission de médiation pour les personnes déclarant ne pas pouvoir se loger. La réglementation prévoit que cette commission peut demander, pour l’instruction des demandes dont elle est saisie, aux services compétents de l’État ou des collectivités territoriales, ou à toute autre personne, de faire les constatations sur place ou, au moins, l’analyse de la situation sociale du demandeur, qui sont nécessaires à l’instruction du dossier.

Cette réglementation devrait normalement permettre d’écarter les demandeurs qui ont les moyens de se loger ou de se reloger par leurs propres moyens.

Or, dans les faits, les commissions statuent, la plupart du temps, uniquement en fonction du formulaire déclaratif que leur ont remis les demandeurs, sans qu’aucune enquête soit diligentée. Si cette situation s’explique certainement par le manque de temps et de moyens pour approfondir les enquêtes, il s’agit souvent d’une volonté de ne pas mettre en porte-à-faux les services sociaux, face à des populations souvent difficiles et peu enclines à livrer le détail de leurs revenus et de leur patrimoine. En tout cas, une telle méthode ne garantit pas l’équité, alors que le but de la loi DALO est d’aider les plus démunis.

Dans le département dont je suis l’élue, j’ai parfois été confrontée à des comportements qui frôlaient l’escroquerie, et je pèse mes mots.

Les commissions de médiation peuvent être abusées lors du dépôt du dossier de recours par des demandeurs qui trichent notamment sur le montant de leurs revenus et sur l’étendue de leur patrimoine.

Lorsque j’apprends que certaines personnes gardent leur logement social alors qu’elles n’y habitent plus, par exemple pour y loger leurs enfants lorsqu’ils viennent en vacances, je suis vraiment scandalisée. (M. François Rebsamen s’exclame.)

Puisque M. Rebsamen a cité l’exemple de Dijon, je vais évoquer la ville de Menton : il nous arrive de voir des membres d’une même famille ayant chacun un logement HLM s’installer ensemble, et sous-louer les appartements restants.

M. Daniel Raoul. Quel rapport avec les logements vacants ?

Mme Colette Giudicelli. La loi Boutin va permettre de faciliter les contrôles, voire d’intenter des actions contre les locataires indélicats. Je voudrais également plaider en faveur d’une diminution des plafonds, pour que les familles les plus modestes soient bien celles qui bénéficient des logements sociaux.

Dans les faits, il est difficile d’expulser un locataire d’un logement social, quand bien même celui-ci ne rassemble pas toutes les conditions pour s’y maintenir, et encore plus difficile de le faire, moralement, lorsqu’il s’agit d’une famille avec enfants.

C’est la raison pour laquelle il me semble que la meilleure façon de réserver les logements sociaux à nos concitoyens qui en ont réellement besoin est, à mon avis, de se prémunir des tricheurs et de contrôler en amont la réalité de la situation patrimoniale des demandeurs.

À Menton, j’ai demandé au service du logement que chaque dossier soit assorti d’une déclaration dans laquelle le demandeur certifie sur l’honneur ne pas posséder de patrimoine immobilier. Je suis consciente des limites d’un tel document, la tricherie étant toujours possible.

La solution, qui ne doit pas non plus être trop radicale, serait de rendre obligatoire, au moment où est déposé le recours amiable, outre les justificatifs de revenus, la présentation par les demandeurs d’une attestation fiscale de non-propriété. Or il n’existe pas de justificatif fiscal sur lequel figurerait une mention de non-propriété. Monsieur le secrétaire d’État, je suis bien consciente que cet outil reste à inventer, et je compte évidemment sur vous.

J’en viens maintenant aux mesures de la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de nos travaux.

Avec mes collègues de l’UMP, nous avons évidemment conscience du problème de la vacance de longue durée.

C’est la raison pour laquelle l’ANAH mène déjà une politique active d’incitation à la remise sur le marché. En 2008, pas moins de 9 000 logements l’ont été après plus d’une année de vacance.

Mais, si nous soutenons cette politique d’incitation, nous ne pouvons accepter les mesures figurant dans cette proposition de loi sur laquelle nous avons, tout comme la commission de l’économie, de sérieuses objections de fond.

La proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste vise, en effet, à permettre au maire, lorsqu’un logement a été vacant durant au moins cinq années consécutives, de déclencher une procédure au terme de laquelle l’expropriation du bien peut être effectuée.

Ce n’est pas en voulant porter atteinte au droit de propriété, qui est garanti par la Constitution, que nous arriverons à surmonter la crise du logement social dans notre pays.

En outre, il faut bien s’interroger sur les difficultés pratiques auxquelles se heurteraient des communes souhaitant utiliser une telle procédure. M. le rapporteur nous l’a très bien expliqué, il faut d’abord identifier les logements ou immeubles vacants.

En outre, nos collègues du groupe socialiste proposent un moratoire visant à empêcher toute expulsion d’ici le 16 mars 2012 de personnes reconnues comme prioritaires tant qu’aucune offre de relogement ou d’hébergement ne leur aura été proposée.

Comme l’a également très justement souligné M. le rapporteur, une telle mesure ne ferait que dissuader les propriétaires de louer leur bien. Le marché de la location serait totalement bloqué et le nombre de logements vacants ne ferait qu’augmenter. Cette mesure aurait donc l’effet inverse du but recherché. De plus, il s’agirait d’une nouvelle atteinte au droit de propriété, surtout pour les petits propriétaires.

M. Rebsamen, dans sa présentation de cette proposition de loi, a parlé des petits propriétaires qui plaçaient leur intérêt personnel avant l’intérêt général.

M. François Rebsamen. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit.

Mme Colette Giudicelli. Que ce soit à Dijon, à Menton, ou dans le Nord, lorsque, après toute une vie de travail, des gens ont décidé, malgré des revenus modestes, d’acheter un petit studio ou un appartement pour le louer afin d’améliorer leur retraite, et qu’ils ont connu une ou deux expériences malheureuses – des locataires qui ne paient pas leur loyer, des occupants qu’ils mettent cinq ans à expulser ou qui leur laissent un appartement dans un état dégradé –, vous aurez beaucoup de mal à les convaincre de relouer leur appartement.

C’est la raison pour laquelle certains propriétaires modestes décident – c’est fréquent dans les Alpes-Maritimes – d’opter pour les locations saisonnières, au mois ou à la semaine. Cela ne contribue pas à résoudre notre problème. Je dis « notre problème », car ce problème est autant celui de l’UMP que celui du groupe socialiste, puisque, sur le fond, nous sommes d’accord.

Enfin, le Gouvernement a annoncé une remise à plat du droit de préemption urbain dans le cadre d’une prochaine réforme globale sur la préemption. Je souhaite que M. le secrétaire d’État complète les précisions qu’il nous a déjà apportées sur ce point.

Il ne serait pas responsable de traiter un problème aussi grave par une proposition de loi démagogique.

L’idée que les logements vacants constituent un gisement d’offres potentielles s’exprime couramment et donne lieu à des actions en vue de remettre sur le marché lesdits logements.

D’aucuns considèrent l’existence de logements vacants comme une anomalie, voire comme un scandale. La vacance est rapprochée des difficultés de logement d’une partie de la population et même de la question des sans-abri. Établir une relation entre logements vacants et sans-abri n’a pas grande signification. C’est pourtant fréquent, car cela permet d’appréhender la politique du logement en termes de recherche de coupables et de fédérer les indignations contre un adversaire abstrait : les propriétaires de logements vacants.

Le plan de cohésion sociale a ainsi assigné à l’ANAH un objectif de remise sur le marché de 100 000 logements, moyennant une prime incitative. On peut penser qu’en bénéficieront surtout des logements qui, faute de travaux, étaient inhabitables. Enfin, nombreuses sont les collectivités locales qui ont mis en place des dispositifs d’incitation à la remise sur le marché de logements vacants, ou qui envisagent de le faire.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai la chance de présider le conseil d’administration d’un institut médico-pédagogique qui accueille de jeunes autistes et trisomiques. Ce centre est installé dans un superbe bâtiment dans lequel il fallait faire des travaux importants et que le conseil général a décidé de rénover.

Nous avons décidé de faire participer les enfants aux travaux en leur demandant de dessiner la maison qu’ils aimeraient avoir. Près de 70 % d’entre eux ont tracé un vague carré surmonté d’un toit. La couleur ou la forme pouvaient être différentes, mais il y avait toujours un toit.

Ces enfants un peu différents nous apprennent mieux que quiconque que, lorsque l’on est fragile, ou très fragile, on va à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est d’avoir un toit. Nous avons trouvé cela très symbolique et nous avons évoqué cette question avec les pédopsychiatres de l’établissement.

Permettre à tous d’avoir un toit est une priorité pour nous, membres de l’UMP. Nous devons nous battre pour que chacun, dans ce pays, puisse être logé décemment.

M. le président. Veuillez conclure, madame Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Cela dit, pour toutes les raisons que j’ai invoquées, le groupe l’UMP ne votera pas cette proposition de loi. Nous faisons confiance au Gouvernement et à son secrétaire d’État à l’urbanisme pour mener ce nécessaire combat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, M. Claude Jeannerot ayant malheureusement dû retourner en urgence dans son département pour des raisons personnelles, je vais vous faire part de ses observations sur cette proposition de loi.

L’existence de logements vacants est un scandale aux yeux de tous. L’indignation de nos concitoyens est bien compréhensible au moment où tant de gens ont du mal à se loger.

Le taux de vacance est actuellement très bas, et c’est justement ce qui révèle la tension du marché et ce qui explique le nombre de demandes non satisfaites.

C’est au moment de l’appel de l’abbé Pierre que ce taux a été le plus bas. Il était alors pratiquement impossible de trouver un logement.

Aujourd’hui, le rapport public du Conseil d’État pour l’année 2009, intitulé Droit au logement, droit du logement, dresse un constat inquiétant : 3,5 millions de personnes seraient mal logées ou non logées et le nombre de personnes hébergées est en forte augmentation.

On assiste par ailleurs à une « déconnexion » entre le montant du loyer et les caractéristiques du logement. Les ménages doivent consentir un effort financier accru pour se loger, sans que cet effort s’accompagne d’une amélioration des conditions de logement. La perte du pouvoir d’achat ressentie par la population semble découler d’abord des dysfonctionnements récents constatés sur le marché du logement.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est à cette demande de logements qu’il nous faut répondre. L’État a tendance à se défausser sur les collectivités locales qui sont de plus en plus sollicitées. Encore faudrait-il leur donner les moyens d’agir.

À ce titre, l’article 3 du présent texte vise à doter les communes d’un véritable pouvoir d’intervention. Il reprend une proposition formulée dans un rapport du Conseil d’état de décembre 2007 sur le droit de préemption urbain. Il s’agit de confirmer que les communes peuvent préempter à fin de relogement et d’élargir cette prérogative au motif de relogement de personnes évincées dans le cadre d’opérations de lutte contre l’insalubrité, d’aménagement, voire de démolition.

Il existe plusieurs procédures en matière de lutte contre l’insalubrité, mais le relogement final échoit toujours à l’autorité qui a engagé la procédure, c’est-à-dire au maire ou au préfet. Compte tenu des problèmes que rencontrent ces personnes publiques pour procéder à des relogements dans leur propre parc social, on peut craindre une diminution du nombre des procédures engagées du seul fait des difficultés à reloger les ménages concernés.

Ainsi, offrir aux maires la possibilité de procéder à des préemptions de logements existants afin de reloger des personnes évincées dans le cadre de ces procédures constitue un outil supplémentaire, dont le financement serait de surcroît assuré par les sommes dues par les propriétaires de logements insalubres.

L’évolution du droit dans ce domaine est d’autant plus indispensable que le Conseil d’État a rappelé, dans sa décision du 6 avril 2001, que des préemptions peuvent être effectuées pour remplir une obligation de relogement à condition de constater que le parc social ne permet pas d’y pourvoir. Or, pour qu’une offre de relogement soit valable, la collectivité est contrainte de respecter certains critères, notamment en matière de géographie et de solvabilité des ménages.

Une commune peut donc disposer de logements vacants sans toutefois être en mesure de les proposer pour le relogement d’une famille. Offrir aux maires la possibilité de préempter est une manière de faciliter l’aboutissement des procédures engagées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est aujourd’hui saisi d’une proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement.

Comme l’a souligné M. le rapporteur, cette proposition de loi semble, à bien des égards, louable. Nul doute que les hommes et les femmes de bonne volonté, de part et d’autre de notre hémicycle, reconnaîtront les bonnes intentions qui président à ce texte.

Néanmoins, force est de constater que les bonnes intentions ne suffisent pas. Nos concitoyens n’attendent pas de leurs élus de vibrants plaidoyers, si brillants soient-ils. Ce qu’ils attendent, ce sont des résultats et c’est pourquoi ils ont confié à notre majorité le soin d’engager des réformes.

L’article 1er prévoit que le maire pourrait obtenir l’expropriation d’un bien au terme d’une vacance anormalement longue, de cinq ou huit années consécutives.

Le caractère général d’une telle mesure constituerait une nouvelle atteinte à la petite propriété.

En premier lieu, cette proposition me paraît quelque peu dogmatique.

L’expropriation peut être envisagée au terme d’une durée de vacance non seulement longue, mais surtout abusive. Seul l’abus peut justifier une expropriation. La durée de vacance ne saurait à elle seule constituer un abus.

De fait, on peut remédier à la vacance d’un logement, même anormalement longue, par des dispositifs plus consensuels. Le maire pourrait par exemple enjoindre le propriétaire de mettre en location son logement au profit de bailleurs intermédiaires.

Cette perspective va dans le sens des propositions du Gouvernement qui, dans sa grande sagacité, a affiché sa volonté de limiter les expulsions en expérimentant l’intermédiation locative, c’est-à-dire la reprise du bail par une association amenée à sous-louer le logement.

J’ai préféré ne pas amender le présent texte afin de laisser à M. le secrétaire d’État la possibilité de mieux évaluer la portée d’un tel dispositif.

En second lieu, l’article 1er me paraît dangereux.

Les conditions proposées pour permettre l’expropriation sont discrétionnaires. Selon les termes de la proposition de loi, le maire pourra enclencher la procédure d’expropriation si le logement est resté vacant pendant une durée de cinq à huit ans.

Cette proposition ne tient pas compte de la diversité des cas de vacances. Certains logements ne répondent à aucun besoin. Pourtant, avec cette proposition de loi, le propriétaire d’un immeuble situé dans une zone géographique sans intérêt pourra être exproprié !

Par ailleurs, cette proposition laisse au maire le pouvoir discrétionnaire de déclencher une procédure d’expropriation pour tel logement resté anormalement vacant.

L’extension du pouvoir d’expropriation est dangereuse. Il aurait été bienvenu de l’entourer de garanties objectives : soit en liant le pouvoir du maire à une déclaration de vacance « anormalement longue » ; soit en limitant géographiquement la possibilité de recourir à un tel droit d’expropriation.

L’article 2 de la présente proposition de loi tend tout à la fois à élargir le champ de la taxe sur les logements vacants à l’ensemble des villes visées par l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation et à doubler les taux applicables.

La taxe sur les logements vacants semble certes avoir fait ses preuves. L’idée d’en élargir le champ d’application me paraît opportune, car, comme le souligne M. le rapporteur, le taux de vacance a baissé plus rapidement dans les agglomérations où la taxe est en vigueur que dans le reste du pays.

En revanche, il faut entendre la critique du Comité d’analyse économique, qui suggère la suppression de la taxe, car son rendement est nul.

D’aucuns proposent donc le doublement des taux applicables. Néanmoins, cette proposition n’apporte aucun gage supplémentaire d’efficacité. Le rendement de la taxe sera certes meilleur, mais elle ne contiendra pas davantage la spéculation sur le logement.

Je considère que nous devrions examiner d’autres hypothèses. Par exemple, pourquoi ne pas envisager de ne pas accorder d’exonération sur la plus-value résultant de la vente de logements restés vacants ? De fait, à ce jour, toute plus-value immobilière bénéficie d’une exonération de 10 % par année de détention au-delà de cinq ans. Cette exonération pourrait ne pas être accordée pour chaque année de vacance des biens aujourd’hui assujettis à la taxe.

Plutôt que de taxer, il me semble plus utile de revenir sur les avantages fiscaux existants. Cela serait sans doute plus efficace, plus rentable et plus juste.

L’article 4 vise à instituer un moratoire pour les expulsions de personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation tant qu’aucune offre de logement ou d’hébergement respectant l’unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.

L’intention de la proposition est encore louable, mais les effets n’en seront que pervers.

En effet, elle ne fait qu’accroître les risques pesant sur le propriétaire. Au lieu de remédier à la vacance intentionnelle des logements, elle ne fait que la renforcer. Ainsi, cette proposition de loi s’inscrit en porte-à-faux avec les objectifs mêmes qu’elle cherche à atteindre.

Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que de nombreuses mesures de prévention limitaient le recours à l’expulsion. Ainsi, le taux d’expulsions effectives n’est que de 10 %, portant le délai d’expulsion à deux ans. Le moratoire, allongeant encore les délais, augmentera d’autant l’insécurité juridique, au détriment des seuls propriétaires. Le marché locatif s’en trouverait encore moins fluide.

En dépit du manque de réalisme de la proposition, l’intention est appelée à mûrir.

La question pourrait éventuellement se poser d’opposer un tel moratoire aux investisseurs institutionnels qui interviennent sur le marché locatif. Mais, plus simplement, il faudrait trouver des compensations financières au maintien dans les lieux, notamment lorsque le bail est rompu pour des raisons financières.

En revanche, il faudrait travailler à réduire les délais d’expulsion dans des cas de rupture ou de non-renouvellement de bail à fin de reprise. En effet, un propriétaire doit pouvoir disposer de son bien, lorsque l’occupant est sans droit ni titre.

Par ailleurs, le Gouvernement travaille actuellement à la mise en place d’une garantie des risques locatifs qui devrait également permettre de sécuriser les propriétaires contre les risques d’impayés et éviter aux locataires d’avoir à fournir la caution de tiers.

Il s’agit là d’une mesure d’accompagnement intéressante, qui appelle toutefois une remarque : on fait encore peser sur la tête du propriétaire la prise en charge de l’intérêt général, ce qui n’est pas sa vocation. À défaut d’être une obligation d’assurance à la charge du locataire, la souscription à une telle garantie, monsieur le secrétaire d’État, devra ouvrir droit à une diminution du revenu imposable.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi est aussi paradoxale que l’état du marché locatif. La France est le pays qui compte le plus de logements par propriétaires, de même qu’elle compte le plus de logements sociaux par habitants. Et pourtant les problèmes demeurent.

Il va sans dire qu’il y a des cas de grande urgence que nous devons accompagner.

Cela dit, ce n’est pas en stigmatisant les petits propriétaires que l’on apportera des solutions durables. Si le taux de logements vacants est en diminution constante depuis quelques années, c’est que l’équilibre trouvé est globalement efficace en l’état. Rien ne sert donc de renforcer le climat d’insécurité juridique qui entoure le contrat de location ; mais il faut fluidifier le marché du logement locatif.

En ce sens, je voterai contre cette proposition de loi.

Je m’y opposerai d’autant plus fermement qu’il serait souhaitable que l’opposition, plutôt que de stigmatiser les propriétaires, s’attache à formuler des propositions qui aillent dans le sens de l’accession sociale à la propriété. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C’est n’importe quoi !

M. Alain Houpert. L’accès à la propriété reste le rêve de l’ensemble des Français. Faisons en sorte que ce rêve devienne une réalité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a très exactement un mois, le 17 octobre, c’était la Journée mondiale du refus de la misère. Osons regarder la réalité en face : le mal-logement continue de frapper aujourd’hui en France quelque 3,5 millions de personnes, auxquelles s’ajoutent plus de 6,5 millions de personnes en situation de réelle fragilité de logement à court ou moyen terme.

Face à cette situation, qui constitue dans les faits une violation des droits de l’homme – le droit au logement en est un –, que fait le Gouvernement ? Peu, beaucoup trop peu.

Le plan de relance de l’économie ? Il a surtout consisté à enrichir les banquiers, au lieu de servir les familles, les personnes âgées et les jeunes frappés par le mal-logement.

Le programme de construction de 100 000 logements issu de ce plan de relance ? Il engage certes quelque 600 millions d’euros, mais comporte moins de 45 % de véritables logements sociaux, et ne permet donc pas de répondre aux demandeurs inscrits auprès des organismes HLM...

En réalité, l’État continue de se désengager : depuis le début des années 2000, la part des dépenses publiques consacrées au logement dans le PIB ne cesse de diminuer, pour se situer aujourd’hui à son niveau le plus bas depuis trente ans !

Par ailleurs, la situation du mal-logement en France souffre d’un autre fléau, celui des logements vacants. Une bonne partie de cette vacance est directement causée par la spéculation immobilière avec laquelle jouent quelques riches privilégiés, au détriment de millions de défavorisés.

C’est pourquoi nous cosignons cette proposition de loi, qui prévoit de doubler les taux applicables à la taxe sur les logements vacants. Cette proposition va très exactement dans le sens des conclusions d’une étude réalisée par l’ANAH, qui démontre que l’application de cette taxe a permis d’obtenir des résultats dans la lutte contre la vacance des logements : celle-ci a commencé à diminuer dans les communes soumises à la taxe, par rapport à celle qui est observée dans les agglomérations de taille comparable qui n’y étaient pas soumises.

Dans le même esprit, et parce que nous ne nous résignons pas au fatalisme, nous défendons la proposition d’expropriation de logements vacants depuis au moins cinq ans en vue de réaliser des logements sociaux.

En effet, les dispositions contenues dans cette proposition de loi viennent palier les lacunes actuelles du droit : elles améliorent significativement le régime juridique du droit de préemption ainsi que du droit d’expropriation, en mettant les communes au cœur de ces nouveaux dispositifs.

En effet, les élus des communes, et en particulier le maire, sont en première ligne du front de la précarité sociale. Mieux que le préfet, ils connaissent très précisément les situations de détresse et les situations d’urgence. Mieux que le préfet, ils connaissent le parc de logement, les logements vacants sur leur commune. Alors, donnons-leurs les moyens juridiques nécessaires : mieux que le préfet, ils pourront agir avec l’efficacité requise !

Cette proposition de loi doit être considérée comme un complément indispensable de la loi instituant le droit au logement opposable. En effet, l’État n’a pas su ou n’a pas voulu offrir à ce dispositif les moyens de ses ambitions : les contingents préfectoraux sur lesquels repose la mise en œuvre du dispositif DALO ne peuvent potentiellement mettre à disposition que 60 000 logements au maximum par an, soit 10 % des 600 000 ménages susceptibles de bénéficier de l’application de ce droit.

C’est pourquoi l’extension du régime de l’expropriation et de la préemption proposée par cette proposition de loi est essentielle. Il y a des familles en détresse, il existe encore de trop nombreux logements vacants pour les reloger : il est de notre devoir de faire évoluer le régime juridique !

Mes chers collègues, je vous invite à adopter cette excellente proposition de loi, qui contribue très concrètement au droit effectif au logement. Monsieur le secrétaire d’État, c’est bel et bien un droit de l’homme qui n’est pas respecté dans notre pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 199 decies E du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction, laquelle elle est répartie sur six années au maximum. »

II. - Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 199 decies EA du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction. »

III. - Au début du quatrième alinéa du IV et du VIII de l'article 199 septvicies du code général des impôts, les mots : « Au titre d'une même année d'imposition » sont supprimés.

IV. - Le 1° de l'article 31 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) le contribuable ne peut bénéficier des dispositions prévues aux alinéas h) à n) qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement. »

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif privé de type Robien, Borloo ou Scellier ainsi que les réductions d’impôt accordées au titre des investissements immobiliers locatifs réalisés dans des résidences de tourisme ou dans des logements situés dans les stations classées sont peu lisibles et d’une efficacité contestable.

En attendant une nécessaire remise à plat, il est proposé, par cet amendement, de limiter à un seul logement par contribuable le bénéfice de ces dispositifs fiscaux.

Aujourd’hui, des particuliers tout à fait honnêtes réalisent des placements d’argent dans un certain nombre de stations balnéaires ou de stations de ski. Pour autant, ces investissements immobiliers ne méritent pas tous d’être défiscalisés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. L’amendement n° 1 vise à limiter à un seul logement par contribuable le bénéfice des dispositifs fiscaux d’incitation à l’investissement locatif.

J’aurais compris, mon cher collègue, que vous présentiez un tel amendement dans le cadre du projet de loi de finances, afin de lutter contre cette mesure fiscale. Mais nous devons tout faire ici, c’est vous qui l’avez dit, afin de lutter contre le manque de logements.

M. Daniel Raoul. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Dominique Braye, rapporteur. Tout ce qui peut aller dans le sens de l’augmentation de l’offre de logements doit être favorisé.

Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que nous traversions une crise économique. Tous les acteurs économiques reconnaissent que l’activité du bâtiment a été grandement aidée par ces investissements, notamment ceux qui ont été effectués dans le cadre du dispositif Scellier. Et je ne vous cache pas que le président de la communauté d’agglomération de Rennes, M. Daniel Delaveau, a réalisé un travail reconnu en matière de logement.

M. Thierry Repentin. Comme son prédécesseur !

M. Dominique Braye, rapporteur. Un certain nombre d’élus réclament au contraire que l’on étende le dispositif Scellier dans des endroits qui n’y ont pas droit et qui se trouvent en zone C, estimant que, de toute façon, tout doit être fait pour favoriser la construction d’un maximum de logements.

Mes chers collègues, si des particuliers ont de l’argent et décident de l’investir dans le logement, nous ne pouvons que nous en féliciter !

J’aurais tendance à dire – et nous en avons discuté avec François Rebsamen, qui a déposé cette proposition de loi – que nous avons en quelque sorte déséquilibré les rapports entre locataires et propriétaires, sous couvert de bonnes intentions comme la protection du locataire face aux investisseurs.

Ce phénomène a eu pour conséquence, il y a quelques années, la disparition totale des investisseurs dans le secteur locatif privé. Nous n’avons plus d’investisseurs, et je vous le dis aujourd’hui, nous n’en retrouverons plus, parce qu’ils ne sont plus intéressés par ces acquisitions, estimant qu’ils n’en ont plus les moyens.

Comme l’a dit notre collègue Colette Giudicelli, de nombreux petits bailleurs privés cèdent actuellement leur appartement : 60 % d’entre eux sont modestes, quelquefois plus pauvres que les personnes à qui ils louent leur bien. Ils ont besoin des loyers pour rembourser leur emprunt, et, quand ils ont eu de mauvaises expériences, ils vendent leur appartement. Il en résulte une diminution de l’offre de logements pour les locataires qui n’ont pas la possibilité de devenir propriétaires.

Mais, de grâce, sous prétexte de lutter contre le mal-logement – d’après tout ce que j’ai entendu, il me semble qu’une quasi-unanimité s’est dégagée sur cette volonté –, de s’attaquer aux riches, au grand capital, ne portons pas atteinte à ceux qui sont prêts à dépenser leur argent pour loger ceux qui n’ont pas accès à la propriété !

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vais évidemment suivre la commission et émettre un avis également défavorable, et ce pour une raison très simple.

Si l’on veut résoudre la crise du logement dans notre pays, il faut jouer sur tous les facteurs : le logement vacant, le logement social, mais également le logement privé.

La moitié des constructions du logement privé sont le fait des promoteurs et, parmi celles-ci, 50 % relèvent du dispositif Scellier. Si vous diminuez l’avantage Scellier en ne l’autorisant que pour un seul investissement, comme vous le préconisez, l’ensemble de la construction en France va s’effondrer entraînant la réduction du nombre de logements mis à la disposition de nos compatriotes.

Le logement locatif, c’est une échelle de produits, qui va du logement locatif social à l’accession sociale à la propriété, en passant par le logement locatif mis à la disposition des locataires par les promoteurs. Si nous souhaitons avoir un vrai parcours locatif, il nous faut pouvoir compter sur les logements des promoteurs.

Or, avec la réduction que vous proposez, la production de logements sera moindre en France. Ce n’est pas ce que nous souhaitons, notamment en période de crise.

Voilà l’ensemble des raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je peux être d’accord avec M. le rapporteur et M. le ministre, mais le problème, c’est qu’ils n’ont pas répondu à ma question : j’ai parlé exclusivement des résidences de tourisme qui ne correspondent absolument pas aux logements locatifs traditionnels.

Si j’ai exclu le logement traditionnel, c’est parce que, dans ce cas, les incitations sont nécessaires, mais, lorsqu’un promoteur ou un constructeur privé réalise dix logements dans une résidence de tourisme et qu’il bénéficie d’une défiscalisation pour ces dix logements, cela me semble abusif, d’autant qu’il n’améliore en rien le logement de nos concitoyens les plus défavorisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Cela s’appelle une niche fiscale !

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais abonder dans le sens de notre collègue Fortassin car M. le rapporteur n’a pas du tout répondu à la question. En effet, les dispositifs Robien, Borloo et Scellier ne sont pas aussi idylliques que vous le prétendez. Avec le dispositif Scellier, par exemple, au lieu de favoriser la mixité sociale, on encourage la concentration avec des logements de moindre qualité. Il faut donc faire très attention.

L’amendement présenté par notre collègue François Fortassin vise à limiter les résidences de tourisme et les logements situés dans les stations classées. Pourquoi pas ?

On sait en effet que les problématiques du logement en montagne – notre ami François Fortassin est un excellent représentant de la montagne – commencent à être prises sérieusement en compte. Depuis la loi portant engagement national pour le logement, la loi ENL, le droit offre aux maires des possibilités d’intervention dans le domaine foncier et d’orientation de la fiscalité locale. Ils peuvent aussi planifier le type d’habitat qu’ils souhaitent pour leur territoire en définissant dans le plan local d’urbanisme, le PLU, zone par zone, le type de logements souhaité – accession à la propriété, logements locatifs, logements sociaux – et l’imposer ainsi à toute opération immobilière.

À ce propos, de nombreuses municipalités ont mis en place ce dispositif dans le PLU et je l’ai fait moi-même dans ma commune de 5 000 habitants.

Reste qu’ils se trouvent parfois démunis face à des promoteurs, en particulier aujourd’hui, puisque l’arsenal de nos dispositifs fiscaux est en pleine transition.

Dans de nombreuses zones de montagne, comme partout dans les zones B et C, d’ici à la fin de l’année et après 2012, plus aucun programme de défiscalisation ne pourra voir le jour sauf dans les très rares zones de montagne classées en zone A. Au début de l’année, certains promoteurs menaçaient les maires de tout simplement abandonner leurs territoires. Une transition nous a été annoncée par le ministre du budget l’année dernière, mais les transitions ne résolvent pas tout.

C’est pourquoi nous en appelons, avec l’auteur de cet amendement, à une réelle mise à plat des dispositifs pour le développement des zones de montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Ce n’est pas dans le texte de l’amendement !

M. Daniel Raoul. Non, mais c’est ça !

M. le président. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que notre discussion ne doit pas dépasser quatre heures, cette durée ayant été fixée par la conférence des présidents, avec l’accord de M. Frimat.

La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Il faut effectivement recentrer l’intérêt de l’amendement de notre collègue, qui ne vise absolument pas les investissements défiscalisés dans le logement locatif sur le territoire national,…

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Si !

M. Thierry Repentin. … mais les résidences de tourisme…

M. Dominique Braye, rapporteur. Non !

M. Thierry Repentin. Or vous n’avez pas répondu à ce sujet.

J’attire votre attention sur le fait que ce débat a eu lieu la semaine dernière lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.

Dans nos territoires de montagne – je peux en attester en tant que sénateur du département de la Savoie –, mais c’est vrai aussi dans les zones touristiques du littoral, notamment au Pays basque, aujourd’hui un certain nombre d’opérations immobilières sont tout simplement arrêtées. En effet, on a fait miroiter à des particuliers qu’en investissant dans des locations saisonnières dans des zones touristiques attractives ils percevraient un bon rendement. Malheureusement, celui-ci n’est pas au rendez-vous car ces produits se sont multipliés et plusieurs sociétés qui portaient ces investissements ont déposé leur bilan.

En montagne comme sur le littoral, des chantiers sont arrêtés depuis plusieurs mois car les constructeurs ont mis la clé sous la porte.

L’Assemblée nationale a voté en catastrophe une disposition permettant à ceux qui avaient investi de créer – la loi ne le prévoyait pas – une SCI pour tenter d’aller au bout du chantier et de gérer eux-mêmes leurs biens alors qu’ils étaient passés par un soi-disant « professionnel » pour réaliser cet investissement.

Cela montre qu’il y a bien un vrai problème.

L’intérêt de l’amendement de notre collègue François Fortassin est double : d’une part, il vise à limiter les risques pour les ménages qui se laissent abuser par des publicités leur laissant penser qu’en investissant sur le littoral ou en montagne ils tireront un bon revenu de leur location saisonnière.

D’autre part, il tend à répondre à un appel répété sans cesse dans cet hémicycle par M. Marini pour limiter les niches fiscales qui ne produisent pas d’activité économique dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’amendement de M. Fortassin concerne d’autres dispositifs d’investissement locatif, mais il concerne également le dispositif Scellier, cela figure dans l’exposé des motifs. Il y a certes de l’investissement locatif en montagne, dont acte, mais le dispositif Scellier représente en volume la majeure partie des quatre dispositifs que vous proposez de supprimer et il est bien visé dans le III de votre amendement.

M. François Fortassin. Je peux déposer un sous-amendement. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je ne peux pas laisser dire que nous n’avons pas répondu à la question posée. Nous n’avons pas répondu à l’exposé des motifs, certes, mais nous avons répondu à l’amendement, ce qui me paraît le plus important. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous ferai remarquer que, pour la clarté du débat, il serait préférable que les exposés des motifs correspondent bien à la rédaction des amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 77 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 152
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel avant l'article 1er
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Article 2

Article 1er

Au titre IV du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :

« CHAPITRE IV : Déclaration de logements en état de vacance anormalement longue

« Art. L. 2244–1. – Lorsque dans une commune, un ou plusieurs logements vacants situés dans un même immeuble et appartenant aux mêmes propriétaires ou titulaires de droits réels sont assujettis à l’une ou l’autre des taxes visées aux articles 232 et 1407 bis du code général des impôts pendant au moins trois années consécutives, le maire peut engager la procédure de déclaration du ou des logements concernés en état de vacance anormalement longue.

« La procédure de déclaration de logements en état de vacance anormalement longue ne peut être mise en œuvre qu’à l’intérieur des parties actuellement urbanisées de la commune.

« Art. L. 2244–2. – Le maire constate, par procès-verbal provisoire, la vacance anormalement longue d’un logement, après qu’il a été procédé à la détermination de celui-ci ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés.

« Le procès-verbal provisoire de vacance est affiché pendant trois mois à la mairie de la commune, ou à Paris, Marseille et Lyon, de l’arrondissement où est situé l’immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble. Il fait l’objet d’une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire de vacance anormalement longue est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés tels qu’ils figurent au fichier immobilier et qui sont invités à présenter leurs observations dans un délai de deux mois. Si l’un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés, n’a pu être identifié ou si son domicile n’est pas connu, la notification le concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l’arrondissement où est situé l’immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble.

« Art. L. 2244–3. – À l’issue d’un délai de trois mois à compter de l’exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l’article L. 2244-2, si les propriétaires ne se sont pas fait connaître, n’ont pas mis fin à l’état de vacance ou n’ont pas manifesté leur intention d’y mettre fin dans un délai fixé en accord avec le maire, celui-ci constate par un procès-verbal définitif l’état de vacance anormalement longue de l’immeuble. Ce procès-verbal est tenu à la disposition du public pendant un délai de trois mois. À l’issue de ce délai, le maire déclare par arrêté l’état de vacance du bien immeuble.

« Lorsque les propriétaires n’ont pas mis fin à l’état de vacance dans le délai convenu conformément au premier alinéa, la procédure peut être reprise. À son terme, le procès-verbal définitif intervient.

« Art. L. 2244–4. – Le maire saisit le conseil municipal qui l’autorise à poursuivre l’expropriation des logements ayant fait l’objet de l’arrêté de vacance anormalement longue au profit de la commune, d’un organisme y ayant vocation ou d’un concessionnaire d’une opération d’aménagement visé à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, en vue de la construction ou de la transformation en logement social.

« L’expropriation est poursuivie dans les conditions prévues par le présent article.

« Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d’acquisition publique, qui est mis à la disposition du public appelé à formuler ses observations dans des conditions précisées par la délibération du conseil municipal.

« Par dérogation aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le représentant de l’État dans le département, dans un délai de trois mois à date de réception du dossier :

« - déclare d’utilité publique le projet visé à l’article L. 2243-3 et détermine la liste des immeubles ou parties d’immeubles, des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier ;

« - déclare cessibles lesdits immeubles, parties d’immeubles, parcelles ou droits réels immobiliers concernés ;

« - fixe le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ou titulaires de droits réels immobiliers, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l’évaluation effectuée par le service chargé des domaines ;

« - fixe la date à laquelle il pourra être pris possession des biens après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, après consignation de l’indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d’au moins deux mois à la publication de l’arrêté déclaratif d’utilité publique. Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers.

« L’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable consentie après l’intervention de l’arrêté prévu au présent article produit les effets visés à l’article L. 12-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

« Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobilier et d’indemnisation des propriétaires sont soumises aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. »

M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, sur l'article.

M. Robert Navarro. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le mal-logement est un phénomène encore trop répandu en France. Le rapport publié par la Fondation Abbé Pierre évalue à 7 millions de personnes la population en situation de précarité, soit 13 % de la population.

Pourtant, depuis 2002, le Gouvernement a réduit le budget consacré à ce secteur. Et dans le même temps, la contribution des collectivités territoriales n’a cessé d’augmenter : elle a été multipliée par deux entre 2003 et 2006 pour atteindre 959 millions d’euros.

Ces précisions sont importantes dans une période où le Président de la République et le Gouvernement entretiennent le trouble sur les dépenses des collectivités et, qu’on le veuille ou non, les débats sont liés.

Alors que le Gouvernement multiplie les discours sur la sortie de crise, on sait que le chômage va encore progresser, après l’augmentation de 18 % depuis un an.

Par conséquent, la situation exige une réponse urgente et concrète anticipant les difficultés qui vont surgir en 2010 et 2011.

C’est tout l’objet de cette proposition de loi, en particulier de l’article 1er, dans lequel nous proposons de mettre fin à un phénomène pervers dans les grandes villes : la vacance anormalement longue dont la cause réside dans les objectifs uniquement spéculatifs des grands propriétaires.

Au bout de cinq ans de vacance injustifiée, les logements devraient pouvoir être expropriés en vue de la réalisation de logements sociaux. C’est aux maires que nous devons donner la possibilité de constater la vacance anormalement longue d’un logement.

Avec l’ensemble du conseil municipal, il doit pouvoir procéder à l’expropriation – dûment encadrée – en vue de la construction ou de la transformation en logement social des biens vacants.

Cette menace, véritable épée de Damoclès, entraînerait de facto le retour sur le marché de nombreux biens, simplifiant ainsi en partie l’accès au logement pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Cet article vise à mettre en place un dispositif permettant l’expropriation des logements laissés vacants pour des raisons manifestement spéculatives pendant plus de cinq ans, et ce au profit des communes, à fin de transformation en logements sociaux. Nous avons appelé cela la « vacance passive ».

Ce dispositif s’inspire de la procédure d’expropriation pour abandon manifeste, créée par les socialistes en 1998, dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions.

La procédure pourrait être activée sur l’appréciation du maire, qui la lancerait dans le cadre de la poursuite des objectifs fixés par le programme local de l’habitat. Le but est en effet d’augmenter le parc de logements utiles aux ménages.

Couplée avec le doublement de la taxe sur la vacance que nous proposons par ailleurs, cette procédure permettra une remise sur le marché locatif de logements laissés vides par défaut d’attention, ou par manque de volonté, par exemple de la part de propriétaires indivis.

Mais ce n’est pas là le moindre de ses intérêts. Cet article se présente aussi dans une certaine mesure comme un rappel à l’ordre des propriétaires qui feraient preuve de mauvaise volonté. Ce n’est pas, comme vous nous le faites croire, une menace contre tous les propriétaires.

Par exemple, dans certains cas de vacances liés au régime d’indivision, notre outil pourrait être utile car, aujourd’hui, seule la procédure de péril permet de régler ce problème. Mais quand des logements en bon état sont laissés vacants parfois plus de dix ans, le maire n’a malheureusement que ses yeux pour pleurer face à son incapacité à résoudre le problème.

Partout dans les grandes villes il existe désormais des aides permettant aux propriétaires d’être accompagnés dans leurs démarches de réhabilitation et de remise sur le marché locatif, comme les aides prévues dans le cadre de Solibail.

Ne serait-ce qu’à Paris, l’institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France recense, dans une étude publiée en octobre, 109 273 logements vacants, soit 8,3 % du parc. Seuls 12 000 propriétaires paient la taxe sur les logements vacants. Cela représente tout de même un vivier important de logements, que la mairie tente de mobiliser grâce au dispositif « Louer solidaire ». En 2009, cinq cents propriétaires avaient adhéré au dispositif, ce qui démontre, s’il en était besoin, l’utilité de fortes incitations

Soulignons enfin que le dispositif offre plusieurs possibilités au propriétaire de se manifester au cours de la procédure, s’il souhaite garder la maîtrise de son bien. Le maire peut quant à lui mettre fin au processus à tout moment.

Ce dispositif ne va donc pas à l’encontre du droit de propriété. C’est au contraire un nouvel outil permettant de lutter contre la vacance passive qui conduit à laisser un certain nombre de personnes sans logement et constitue, compte tenu de la lourdeur de la crise actuelle, un véritable abus de droit dans notre pays.

Il me paraît donc opportun de voter cet article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je souhaite également soutenir cet article 1er. Puisque les petits propriétaires ont été largement évoqués, j’ai choisi de vous parler d’un riche propriétaire, plus particulièrement d’une riche propriétaire ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écrit le 29 juin dernier au sujet d’un immeuble situé au 69, rue de Sèvres. Vous m’avez répondu le 27 juillet 2009, en me remerciant tout d’abord des félicitations que je vous avais adressées lors de votre nomination au sein du Gouvernement.

Un sénateur sur les travées de l’UMP. De quoi vous plaignez-vous ?

M. Jean Desessard. Puis, vous déclarant sensible à mes préoccupations, vous m’avez écrit que vous alliez solliciter l’avis de vos services sur ces éléments, ajoutant que vous ne manqueriez pas de me tenir informé des suites qui y seraient données.

Je n’ai pas eu vent des suites en question ! Ayant quatre minutes de temps de parole à ma disposition, je souhaiterais vous demander si, un jour, le droit de réquisition des logements vacants inscrits dans la loi a été appliqué.

Ma première question, monsieur le secrétaire d’État, est donc la suivante : le droit de réquisition a-t-il été appliqué dans des cas flagrants ? Je suis curieux de connaître votre réponse. L’exemple que je vais vous soumettre me semble être un parfait cas d’application de la loi.

Cet immeuble du sixième arrondissement, qui comporte cinq étages et dispose d’une superficie de 250 m2, est vide et inoccupé depuis onze ans. La propriétaire se refuse à le mettre en location ou en vente, alors même que la mairie de Paris s’est portée volontaire pour son acquisition.

Il s’agit de petits appartements ou de grands studios, qui pourraient utilement être reconvertis en logements sociaux. L’habitation de ce petit immeuble, qui ne comporterait qu’une douzaine de locataires, ne susciterait guère de troubles du voisinage.

Or, il est vide et inoccupé depuis onze ans, délaissé par une propriétaire qui vit en Suisse pour diminuer le poids de ses d’impôts ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Robert del Picchia. Puisque l’immeuble est situé en France, elle acquitte une taxe sur ce bien !

M. Jean Desessard. Je parlais du reste de ses impôts.

Dans quels cas, monsieur le secrétaire d’État, doit-on appliquer la loi de réquisition ? Cet immeuble inoccupé depuis onze ans pourrait être utilisé pour créer des logements étudiants ! La propriétaire n’est pas ce que l’on pourrait qualifier de « petite propriétaire » : elle dispose de moyens financiers importants et ne ressent d’ailleurs pas la nécessité de louer son bien. Elle refuse d’ailleurs également de le vendre, alors que la mairie de Paris se dit prête à acquérir ce logement.

Personne ne peut ignorer cette affaire, pas même vos services, puisque huit étudiants ont investi cet immeuble pour se loger et en ont été expulsés avec une amende de 72 000 euros. La presse s’est alors emparée du sujet et j’ai sollicité une action de votre part. Vous m’avez répondu que vos services allaient étudier ce cas précis.

Cet immeuble doit-il donner lieu à une réquisition ? Dans l’hypothèse d’une réponse négative, quelles en seraient les raisons ? Enfin, combien y a-t-il eu de réquisitions pour logements vacants en France ?

On ne peut pas prétendre ici, comme vous l’avez fait pendant la discussion générale, que la région parisienne est une zone géographique qui ne connaît pas de tension sur le marché du logement, en particulier sur le marché du logement étudiant !

Je tiens à souligner que, si la loi de réquisition sur les logements vacants n’est pas appliquée aujourd’hui, c’est par manque de volonté politique !

C’est pourquoi je défends ardemment cet article 1er, qui permet au maire de réquisitionner les logements vacants dans les conditions que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L’article 1er n’est pas adopté.)

Article 1er
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Articles additionnels après l’article 2

Article 2

I. – Après les mots : « vacants dans les communes », la fin du I de l’article 232 est ainsi rédigé : « visées à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation ».

II. – La seconde phrase du IV de l’article 232 du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Son taux est fixé à 20 % la première année d’imposition, 25 % la deuxième année et 30 % à compter de la troisième année. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. La taxe sur la vacance créée en 1998 avait accompagné la loi de lutte contre les exclusions de la même année. Elle permet d’assujettir les propriétaires de logements laissés vacants depuis au moins deux années consécutives à une taxe assise sur la valeur locative du logement. Le taux applicable est alors de 10 % la première année, de 12,5 % la seconde et de 15 % la troisième.

L’évaluation de la mise en place de cette taxe, circonscrite actuellement aux agglomérations de 200 000 habitants en zone tendue, est très positive. Sur les dix agglomérations dans lesquelles la vacance a diminué entre 1999 et 2005, huit l’avaient mise en place. À Lyon et Bordeaux, la vacance a ainsi diminué de près de 50 % en six ans.

D’autres communes ont créé des taxes similaires par l’intermédiaire de la taxe d’habitation sur les logements vacants, ce qui a également donné des effets intéressants. Cette taxe, applicable partout où la taxe sur la vacance ne l’est pas, repose cependant sur la base du volontariat.

Par ailleurs, le respect de l’esprit de la taxe sur la vacance aurait nécessité une application à l’ensemble des agglomérations de plus de 200 000 habitants. Il existe au moins trente agglomérations de plus de 200 000 habitants au sens de l’INSEE, alors que la taxe ne s’applique qu’à huit d’entre elles. Pourquoi ne pas avoir révisé le décret ?

Notre proposition tend à un élargissement de cette taxe à toutes les communes concernées par l’obligation de réaliser 20 % de logements sociaux.

Dans son rapport, notre collègue Dominique Braye souhaitait que le Gouvernement s’engage en séance publique à modifier rapidement le décret. Nous nous associons volontiers à cette demande, mais pensons que la taxe pourrait également concerner aussi des agglomérations comprises entre 100 000 et 200 000 habitants.

Nous aurions été prêts à un compromis. Vous ne pouvez pas ignorer que la vacance pose problème dans certaines agglomérations de province de moins de 100 000 habitants, en particulier dans les centres anciens.

Le doublement du taux répond quant à lui au souci de donner un nouveau souffle à cette incitation.

Malheureusement, vous continuez à faire preuve d’autisme à l’égard de nos propositions et cela est bien dommage.

J’espère que le jour où vous proposerez vous-même cette mesure, vous aurez la délicatesse de nous en attribuer la paternité politique, ce que n’avaient pas fait, pour un certain nombre des bonnes idées qu’ils avaient eues, vos prédécesseurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Cet article n’a rien à voir avec la réquisition, c’est de l’expropriation !

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(L’article 2 n’est pas adopté.)

Article 2
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Article 3 (réservé)

Articles additionnels après l’article 2

L'amendement n° 2, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 232 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - I. Il est institué, à compter du 1er janvier 2010, une taxe annuelle sur les logements dont la durée d'occupation est inférieure à six mois au cours de l'année d'imposition dans les communes visées à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation.

« II. L'assiette de la taxe est déterminée par décret en Conseil d'État.

« III. La taxe n'est pas due pour les logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources.

« IV. La taxe n'est pas due en cas de sous-occupation indépendante de la volonté du contribuable et lorsque le logement constitue sa résidence principale ou sa résidence secondaire, cette dernière dans la limite d'un seul logement.

« V. La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement au cours de l'année d'imposition.

« VI. Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.

« VII. Le produit net de la taxe est versé au Fonds de solidarité pour le logement. »

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Les logements concernés par la taxe sur les logements vacants sont ceux qui possèdent des éléments de confort minimum, comme l’installation électrique, l’eau courante, ou encore des équipements sanitaires, qui sont par ailleurs vides de meubles ou avec un mobilier insuffisant pour permettre l’habitation.

Il est proposé, par cet amendement, de créer une taxe pour les logements meublés affectés à l’habitation et dont la durée d’occupation est inférieure à six mois de l’année. Cette taxe viendrait abonder le fonds de solidarité pour le logement.

Bien entendu, cette taxe ne concernerait pas les logements du parc social et ceux dont la sous-occupation est indépendante de la volonté du propriétaire. Il en irait de même lorsque le logement constitue la résidence principale ou secondaire du propriétaire, dans la limite d’une seule résidence secondaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Je voudrais rappeler à notre collègue Fortassin que son amendement, tel qu’il est rédigé, ne vise pas uniquement les logements meublés, mais bien tous les logements vacants. Là encore, l’objet de l’amendement ne correspond pas à son texte et cela est regrettable. En effet, il est difficile pour nos collègues de lire l’ensemble des amendements. Il serait donc appréciable que les explications des amendements correspondent à leurs rédactions exactes.

Vous nous proposez donc, mon cher collègue, une nouvelle taxe pour les logements vacants.

Je rappelle, ce que tout le monde a admis, que la taxe sur les logements vacants est aujourd’hui efficace quand elle est mise en place. Son application est certes limitée aux agglomérations de plus de 200 000 habitants, mais elle a fait la preuve de son efficacité dans huit d’entre elles.

Nous demandons la possibilité de l’étendre à d’autres agglomérations de plus de 200 000 habitants. Nous ne souhaitons pas l’étendre uniformément, mais seulement aux agglomérations dont le marché locatif est soumis à des tensions.

Nous ne sommes pas là pour taxer les contribuables, mais pour tenter de remettre sur le marché, là où cela est nécessaire, les logements vacants.

Par ailleurs, ne croyez pas que les maires sont démunis dans les communes de moins de 200 000 habitants, qui ne peuvent pas appliquer la TLV. Toutes les communes de France et de Navarre ont la possibilité d’instituer une taxe d’habitation sur les logements vacants.

M. Dominique Braye, rapporteur. Mais nous ne souhaitons pas, mon cher collègue, généraliser cette disposition.

Pour quelle raison voulez-vous taxer des propriétaires de logements vacants dans des zones non tendues, dans lesquelles il n’y a pas de demande de logement ?

Il appartient aux élus locaux de prendre les décisions concernant leur territoire. D’ailleurs, vous avez été l’un des principaux défenseurs de la libre appréciation des élus locaux. Je me souviens parfaitement de vos propos en la matière : faisons leur confiance, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire ! Nous partageons ce point de vue et c'est la raison pour laquelle nous estimons que les élus locaux sont les mieux à même de savoir s’ils doivent exiger une taxe d’habitation pour les logements vacants.

En outre, vous faites passer le délai à six mois, si bien que des propriétaires pourraient être taxés deux fois, une fois au titre de la taxe que vous proposez, mon cher collègue, et une autre fois au titre de la taxe d’habitation instituée par le conseil municipal. Vous pouvez le comprendre, tout cela est naturellement source de confusion.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je partage complètement l’avis de la commission.

J’ajoute que cet amendement ne prend pas en compte des événements de la vie quotidienne : une succession un peu longue, un étudiant qui part en stage et laisse un logement vacant, une difficulté à trouver un locataire, bref toute une série de raisons peuvent justifier que la vacance excède six mois. De ce point de vue, cet amendement me semble difficilement applicable et ne semble surtout pas correspondre à vos souhaits.

Mais je reviens un instant sur l’article 2 de la proposition de loi et le principe même de la taxe sur les logements vacants.

Aujourd'hui, les maires ont la possibilité de soumettre les propriétaires de logements vacants à une taxe d’habitation ; certains maires ici présents, tel M. Rebsamen, à Dijon, l’ont mise en place dans leur commune. (M. François Rebsamen approuve.) Si le maire de Chambéry veut le faire, il en a la possibilité, comme tous les autres…

Mais, une fois encore, veillons à ne pas prévoir des mesures de portée générale qui ne répondent pas à l’objectif souhaité. Comme vient de le signaler, à juste titre, M. le rapporteur, vous n’allez tout de même pas taxer les propriétaires de logements vacants situés dans des communes qui ne connaissent aucune tension du marché locatif et n’ont donc aucun besoin de remettre des logements sur le marché ! Faisons effectivement confiance aux élus locaux !

Par ailleurs, je soulignerai un détail, pour le moins incongru. L’article 2 de la proposition de loi prévoit de transférer à l’État une recette éventuelle des communes !

M. Thierry Repentin. Non ! À l’ANAH !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je tiens à en remercier les auteurs.

Aujourd'hui, la taxe d’habitation prévue sur les logements vacants est affectée au budget de la ville. Or, si l’article 2 était adopté, les recettes de cette taxe iraient directement à l’État. !

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.

M. François Rebsamen. Je ferai deux remarques.

Monsieur le rapporteur, en matière de logement, il est assez aisé de repérer les zones de tension ; c’est là où l’on note une augmentation de la population. La loi SRU ne s’applique que dans ces zones.

Quand il n’y a pas augmentation de la population, même dans les zones comptant moins de 20 % de logements locatifs, la loi SRU, notamment son article 55, ne s’applique pas.

Or cet article 55 a tout de même eu pour conséquence d’augmenter le nombre de logements locatifs dans les communes qui en avaient besoin.

Prévoir, dans un cadre général, l’extension de la taxe sur les logements vacants dans les agglomérations permettrait d’augmenter le nombre de logements mis à la disposition des personnes qui en ont besoin, et cela n’est pas forcément en opposition avec ce que vous dites, monsieur le ministre.

M. le président. Monsieur Fortassin, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. François Fortassin. Compte tenu des explications qui m’ont été apportées, je le retire, monsieur le président. (C’est bien ! sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

L'amendement n° 3, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 1396 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« La valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme est majorée d'une valeur forfaitaire de trois euros par mètre carré, pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis, cette valeur peut être augmentée dans la limite de dix euros par mètre carré. »

La parole est à M. François Fortassin.

M. Charles Revet. Il faut le retirer ! (Sourires.)

M. François Fortassin. L’article 1396 du code général des impôts donne aux conseils municipaux la possibilité de majorer jusqu’à trois euros par mètre carré la valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur.

Le présent amendement a pour objet d'amplifier ce dispositif afin d'éviter une immobilisation du foncier constructible. Il majore automatiquement la valeur cadastrale des terrains constructibles de trois euros et donne la possibilité au conseil municipal de la majorer encore, dans la limite de dix euros par mètre carré, pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, mon argumentation sera la même que précédemment.

Je vous rappelle que cette taxe a été créée à la suite du rapport d’information intitulé « Foncier, logement : sortir de la crise » que j’ai coécrit avec Thierry Repentin.

Ainsi, toute commune a la possibilité d’instituer une taxe sur les terrains constructibles non bâtis pour éviter que les propriétaires ne fassent de la rétention foncière et mettent, par là même, à mal la politique de développement d’une commune. Telle est la philosophie de cette taxe. D’ailleurs, Thierry Repentin s’en souvient aussi bien que moi, nous avons longuement réfléchi avant de proposer ces dispositions.

Toutefois, là encore, tout dépend des situations locales. Ne figeons pas les règles, d’autant que vous n’allez taxer que les propriétaires de biens situés dans les petites communes, qui ont toujours un POS, un plan d’occupation des sols, et gèrent la situation au fil de l’eau, sans pression aucune. Tel n’est surtout pas le souhait des élus.

S’agissant des communes plus importantes, comme celle que j’administre, elles ont trouvé la parade depuis fort longtemps. Elles s’ouvrent à l’urbanisation progressivement, portion par portion, en fonction des projets précis.

De grâce, n’allez donc pas compliquer la vie des maires, ceux des petites communes notamment, que vous allez obliger à taxer les propriétaires terriens ! Je ne sais pas si cette mesure serait bien accueillie dans le département des Hautes-Pyrénées – il faudrait mener une petite enquête ! –, mais je ne le crois pas, à moins que les propriétaires terriens ne souhaitent contribuer à résorber le déficit de l’État… Ce serait là une position vraiment très originale des Haut-Pyrénéens !

Je vous rappelle que la municipalité peut actuellement prévoir une taxe maximale de trois euros par mètre carré.

Le propriétaire d’un terrain de 10 000 mètres carrés, par exemple, paie actuellement 42 euros au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Au titre de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles, il pourrait payer jusqu’à 8 000 euros par an si la municipalité décide d’appliquer la taxe maximale de trois euros par mètre carré. Mais, avec la disposition que vous proposez, sa contribution passerait à 30 000 euros ! En deux années, voire moins, c’est le prix du terrain qui serait « englouti » !

Mon cher collègue, votre proposition mérite une étude plus approfondie et elle ne semble manifestement pas applicable en l’état. La taxe telle qu’elle est a prouvé son efficacité dans les 290 communes qui l’ont appliquée au 31 décembre 2008.

Pour répondre à M. Rebsamen, je lui dirai qu’une étude comparative serait nécessaire pour savoir si la taxe d’habitation mise en place par les élus est moins productive et moins efficace que la taxe sur les logements vacants, car ce n’est pas prouvé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vous demanderai, monsieur Fortassin, de bien vouloir retirer votre amendement à la lumière des explications que je vais vous donner.

Sincèrement, arrêtons de considérer que la problématique du logement et de l’urbanisme est la même sur tout le territoire !

Les tensions sur le marché du logement ne sont évidemment pas les mêmes en Île-de-France, en Bretagne, sur l’Arc atlantique ou le bassin méditerranéen – des régions qui ont potentiellement besoin d’un tel outil – que sur d’autres portions du territoire où trop de logements ont été construits, ce qui crée de la vacance.

Je crains qu’un tel amendement ne contribue malheureusement à avoir l’effet inverse de ce que nous voulons, c'est-à-dire mieux territorialiser nos politiques pour construire plus de logements et avoir une politique d’urbanisme adaptée dans les zones tendues. Il faut construire plus de logements dans les zones qui en ont besoin et beaucoup moins qu’aujourd’hui dans les zones non tendues.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour répondre à M. le rapporteur que le Gouvernement s’engage bien évidemment à réexaminer le décret de 1998, qui a fixé une liste limitative de huit communes autorisées à appliquer la TLV, pour voir s’il faut ou non en élargir le champ.

M. le président. Monsieur Fortassin, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. François Fortassin. Oui, monsieur le président, et je vais même le rectifier pour tenir compte des éléments qui m’ont été apportés.

Ainsi, je prévois que cette taxe sera majorée, sauf délibération contraire du conseil municipal. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Fortassin, et ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 1396 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« La valeur cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme est majorée sauf délibération contraire du conseil municipal d'une valeur forfaitaire de trois euros par mètre carré, pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Pour les terrains détenus depuis plus de cinq ans, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis, cette valeur peut être augmentée dans la limite de dix euros par mètre carré. »

La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. L’article 1396 du code général des impôts donne aux conseils municipaux la possibilité de majorer jusqu’à trois euros la valeur locative cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines délimitées par une carte communale, un plan local d’urbanisme ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur.

Notre collègue François Fortassin propose de donner la possibilité au conseil municipal de majorer la valeur cadastrale, dans la limite de dix euros par mètre carré, pour les terrains détenus depuis plus de cinq années. Je ne reviendrai pas sur la rectification qu’il vient d’apporter.

Nous avons déjà longuement discuté d’une telle mesure de bon sens, notamment en 2006 lors de l’examen de la loi portant engagement national pour le logement. Le groupe socialiste, apparentés et rattachés, avait alors lui-même proposé des versions un peu différentes de cet amendement, mais allant dans le même sens.

C'est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 302-8 du code de la construction et de l'habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans les communes visées à l'article L. 302-5, les projets portant sur la construction ou la réhabilitation de logements ne sont autorisés que s'ils comportent une proportion minimale de deux logements sociaux par tranche de dix logements. »

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Cet amendement propose que, dans les communes soumises à l'obligation de 20 % de logements sociaux, la délivrance d'un permis de construire soit conditionnée à la réalisation de deux logements sociaux par tranche de dix logements. Cela permettrait de combler le retard en matière de logements sociaux dans certaines communes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Nous avons déjà discuté de cette question à plusieurs reprises ; un tel amendement a d’ailleurs déjà été déposé je ne sais combien de fois par plusieurs d’entre nous.

Les maires ont déjà la possibilité de prévoir dans leur PLU, le plan local d’urbanisme, un pourcentage de logements sociaux. Les y contraindre reviendrait à rendre la vie impossible à tous les acteurs, notamment les bailleurs sociaux qui ne veulent pas vraiment avoir un patrimoine dispersé avec deux logements par-ci et deux logements par-là. Au contraire, ils nous demandent très nettement de regrouper leurs logements dans un patrimoine clairement identifié, afin de ne pas être en copropriété.

Par trois amendements successifs, vous essayez d’imposer aux élus une possibilité qui leur est offerte.

Je vois, monsieur Fortassin, que vous avez grandement changé de philosophie sur ce problème-là ! (M. François Fortassin s’exclame.)

Vous étiez, en effet, le défenseur de la liberté des élus locaux, alors que vous voulez maintenant leur imposer un certain nombre de choses.

En l’occurrence, la décision doit relever de leur libre appréciation. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Vous comprendrez aisément que, malgré toutes vos explications, nous soyons favorables à cet amendement.

Même si, lors des débats antérieurs, nous avons fait des propositions un peu différentes, notamment avec la proposition de loi pour un logement adapté à chacun et abordable pour tous de MM. Jean-Pierre Bel, Thierry Repentin et des membres du groupe socialiste, déposée en avril 2008, tout ce qui est de nature à améliorer la production des logements sociaux dans notre pays va dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Nous allons voter cet amendement émanant de M. François Fortassin, non seulement pour son auteur, mais aussi pour Mme Valérie Létard.

En effet, chacun s’en souvient, elle nous avait fait adopter dans cet hémicycle un dispositif imposant un nombre minimal de logements locatifs pour toute opération de construction de plus de dix logements.

Le décret n’étant jamais sorti, l’adoption de cet amendement est un signe positif de soutien à l’égard de M. François Fortassin et surtout de Mme Valérie Létard, devenue depuis membre du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Sur cette question essentielle du logement, je constate un véritable blocage. En effet, tous les amendements sont refusés, qu’ils visent à proposer ou à imposer aux maires un pouvoir supplémentaire !

À M. le secrétaire d’État qui semblait surpris tout à l’heure, je rappelle que le droit au logement est un droit de l’homme ! Si, en France, nous avons célébré le 17 octobre la Journée mondiale du refus de la misère, c’est pour que tous les citoyens sachent que la misère doit être pourchassée et que le droit au logement fait partie des droits fondamentaux.

J’insiste, car nous discutons aujourd’hui d’un sujet essentiel et je suis choqué de constater que l’on a recours à des scrutins publics.

Je voterai cet excellent amendement de mon collègue François Fortassin, à deux mains même, car nous devons absolument sortir de la situation actuelle, et j’espère qu’il connaîtra un autre sort que les précédents !

M. le président. Une seule main suffira ! (Sourires.)

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Je prends note du fait que notre collègue Thierry Repentin prend ses décisions en fonction non de la pertinence de la proposition, mais de son auteur. C’est quelque chose qui m’étonne particulièrement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Thierry Repentin. Vous pouvez parler ! Moi, il m’est arrivé de voter des amendements de M. Dominique Braye…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Article 4

Article 3 (réservé)

I. – Après le premier alinéa de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En vue de l’application de l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le relogement des personnes en application de l’article L. 521-1 du même code et pour transformer les biens ainsi préemptés en logements locatifs sociaux. »

II. – L’article L. 210-1 du code de l’urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application des deux premiers alinéas, elle peut déléguer ce droit de préemption à des organismes d’habitations à loyer modéré, prévus par l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite intervenir sur cet article 3, car il me paraît être véritablement important.

En effet, mes chers collègues, il ne vous a pas échappé qu’il reprend expressément les préconisations du rapport particulièrement remarqué de décembre 2007 du Conseil d’État. Ce dernier avait préconisé d’élargir explicitement les motifs du droit de préemption urbain aux questions relatives au logement.

Certes, la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a déjà permis d’améliorer les conditions de l’usage de cet outil au profit de la réalisation des objectifs – j’insiste sur ce terme – des programmes locaux de l’habitat ; c’est positif.

Mais il s’agit d’aller plus loin. Avec cette proposition de loi, nos collègues MM. François Rebsamen et Thierry Repentin proposent justement d’élargir explicitement le droit de préemption, au motif de relogement de personnes évincées à l’occasion d’opérations de lutte contre l’insalubrité, d’aménagement, voire de démolition, comme cela est prévu par le programme national de rénovation urbaine.

Vous connaissez les difficultés auxquelles se heurtent les personnes publiques pour reloger sur leur propre parc les familles évincées, du fait, notamment, de l’application de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO. Il existe un risque de voir le nombre de procédures engagées diminuer.

Aujourd’hui, il est possible de préempter pour mettre en place une opération de logement. Mais la commune ne peut pas proposer les logements ainsi préemptés pour le relogement d’une famille en particulier. Offrir la possibilité aux maires de préempter à cette fin serait une manière de faciliter l’aboutissement des procédures. Il s’agirait de flécher, en quelque sorte, l’attribution des logements sociaux qui serait ainsi réalisée grâce au droit de préemption au profit des familles évincées.

En outre, cet article prévoit que les maires soient en mesure de déléguer le droit à tous les organismes HLM, et pas seulement aux organismes à statut public. C’est ce qu’a proposé le Conseil d’État dans un rapport largement salué.

Il s’agit ici de concrétiser la possibilité de reloger les personnes évincées, sans logement, mal logées, en grande difficulté, en utilisant l’outil que constitue le droit de préemption urbain.

Vraiment, mes chers collègues, cette mesure est très opportune et j’espère vivement que cet article 3 sera adopté par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Mes chers collègues, les scrutateurs m’informent qu’il y a lieu d’effectuer un pointage, la différence n’étant que d’une voix entre les votes pour, au nombre de 157, et les votes contre, au nombre de 158.

En attendant le résultat définitif, je vous propose de réserver le vote de l’article 3 et d’aborder l’examen de l’article suivant.

Article 3 (réservé)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Article 3 (réservé)

Article 4

Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l’habitation, à titre transitoire jusqu’au 16 mars 2012, aucune expulsion ne pourra être exécutée à l’encontre des personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation conformément à l’article 441-2-3 du même code, et tant qu’aucune offre de logement ou d’hébergement respectant l’unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Cet article vise à instaurer un moratoire sur les expulsions locatives de « personnes de bonne foi » reconnues prioritaires par la commission de médiation que la loi DALO a instituée.

Ce moratoire est demandé par les travailleurs sociaux, par l’ensemble des associations spécialisées ainsi que, de plus en plus fréquemment, par les élus de terrain que nous sommes, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le nombre des expulsions a augmenté de 150 % en dix ans. En 2008, qui était pourtant l’année d’entrée en vigueur de la loi DALO, on a dénombré 11 300 expulsions effectives. Et il s’agit d’expulsions manu militari, si j’ose dire, avec décision de justice, huissier, policiers… Les personnes expulsées doivent, souvent dans les larmes, emballer leurs affaires à la sauvette, prendre leurs enfants sous le bras et partir en ne sachant où aller !

À ce propos, monsieur le secrétaire d'État, nous aimerions connaître le nombre de familles expulsées quelques jours seulement avant la trêve hivernale, dans la précipitation, alors qu’elles avaient été reconnues prioritaires en vertu de la loi DALO et qu’à ce titre l’État est garant de leur relogement. Je vous pose cette question pour avoir recueilli quelques témoignages qui n’honorent pas vraiment notre République !

Il est important de noter qu’aujourd’hui près de 2 millions de familles ont du mal à payer leur loyer et 500 000 sont en situation d’impayé. Compte tenu de la crise et des 600 000 personnes qui ont récemment perdu leur emploi, le doute n’est pas de mise quant à l’aggravation à venir de la situation !

Enfin, alors même que l’on comptabilise 1,2 million de demandes de logements sociaux, avec moins de 300 000 mises en chantier, 2009 restera, sur les onze dernières années, celle où l’on aura construit le moins de logements.

Dans Le Monde daté du 31 octobre dernier, Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, résumait parfaitement la situation : « Nous avons, d’un côté, un gouvernement qui se vante d’avoir fait voter une loi qui instaure un droit au logement et qui retient comme prioritaires les personnes menacées d’expulsion, et, de l’autre, ce même gouvernement qui continue à expulser toujours autant. »

Dans ces conditions, nous vous l’avions dit à l’époque, nous vous le redisons aujourd’hui, le DALO n’a aucune chance de fonctionner.

D’ailleurs, vous-même, monsieur le secrétaire d’État, en conveniez récemment en confirmant que, en Île-de-France, 75 % des personnes ayant obtenu un avis favorable des commissions de médiation n’ont pas été relogées.

Nous serons d’accord au moins sur un point : malgré la complexité des démarches, le nombre de dossiers DALO ne cesse d’augmenter.

Pour l’instant, c’est la trêve hivernale, mais qu’adviendra-t-il au 15 mars prochain ? Pouvez-vous nous certifier qu’au printemps le déficit structurel de logements sociaux aura été complètement et durablement résorbé ? Pouvez-vous nous garantir que vous serez indiscutablement en mesure de respecter l’engagement bafoué par votre prédécesseur, Mme Boutin, laquelle avait promis qu’il n’y aurait pas d’expulsion sans relogement ?

C’est bien parce que nous estimons qu’on ne peut pas prendre un tel risque et parce que nous avons conscience de l’ampleur des problèmes que nous proposons ce moratoire.

N’oublions pas, chers collègues, que, derrière tout cela, il y a une réalité extrêmement douloureuse, des situations insupportables à force d’inhumanité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, sur l'article.

M. Daniel Raoul. À la rentrée, le Collectif des demandeurs DALO avait demandé l’instauration d’un moratoire sur les expulsions locatives pour les « personnes de bonne foi », soulignant que « la crise économique, en privant 600 000 personnes de leur travail, a singulièrement compliqué la situation de nombreux ménages ».

En 1998, déjà, lors de l’adoption de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, nos collègues avaient tenté de conditionner les expulsions à l’offre d’une solution de relogement. Malheureusement, la mesure avait été jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour des raisons de pure forme. À cette époque, bien sûr, le DALO n’existait pas.

La mesure proposée ici est, par nature, transitoire. Que l’on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas : ce moratoire ne vise pas à interdire purement est simplement les expulsions, ce qui serait d’ailleurs contre-productif ; sur ce point précis, nous partageons votre analyse, monsieur le rapporteur. Il s’agit au contraire de maintenir dans leur logement les ménages reconnus éligibles au DALO. Cette condition garantit leur bonne foi et, en même temps, assure que le sursis à l’expulsion sera temporaire : le temps pour l’État d’exercer, conformément à la loi, ses responsabilités en matière de relogement.

On évitera ainsi des ruptures dans le parcours résidentiel de nombreux ménages, ainsi qu’une précarisation rapide et dramatique de ces familles. M. Braye, qui s’est d’ailleurs déclaré favorable à la philosophie générale de l’article, précise dans son rapport : « Si le présent article était adopté, pour quelques cas qui seraient visés en pratique, l’inscription dans la loi d’un tel moratoire enverrait un signal très négatif aux locataires aussi bien qu’aux propriétaires. »

Vous reconnaissez donc vous-même, monsieur le rapporteur, que les cas visés sont peu nombreux. Mais vous en concluez que le jeu, c'est-à-dire l’équilibre de ces familles, n’en vaut pas la chandelle ! Selon vous, il est plus sage de préserver le moral des propriétaires. C’est un choix politique !

En réalité, cet article vise non pas à pénaliser les propriétaires, mais plutôt à mettre l’État devant ses responsabilités.

Aujourd’hui, le savez-vous, mes chers collègues, pour une famille expulsée en attente de relogement, l’État paie une amende de 380 euros par mois ! Est-ce le prix normal de la vie brisée de ces familles, dont certaines, en Île-de-France, ont été expulsées à la veille de la trêve hivernale ?

Rejeter cet article, c’est, selon moi, gravement méconnaître la réalité vécue par ces personnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur. Tout d’abord, cher ami et collègue Daniel Raoul, ne me prêtez pas des intentions que je n’ai pas !

Je suis ici le seul à faire partie du Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable. Par ailleurs, je copréside, avec Paul Boucher, le groupe de travail « Île-de-France » constitué en son sein. Par conséquent, s’il existe un problème que je connais sûrement au moins aussi bien que vous, monsieur Raoul, c’est celui du DALO ! Et je peux vous dire que, sur ce terrain, les élus de votre sensibilité, dans les départements qu’ils président, sont très loin d’être totalement exemplaires. Alors, de grâce, épargnez-nous vos conseils parce que, manifestement, vous ne connaissez pas très bien le problème !

M. Daniel Raoul. Je gère Angers ! Où je vous invite !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je n’aurai pas la cruauté de vous poser quelques questions précises, comme celle du nombre de personnes qui ont été reconnues prioritaires à Paris et dans les huit départements d’Île-de-France… Le savez-vous ? Au demeurant, il est tout à fait normal que, siégeant au comité de suivi, je connaisse un peu mieux le problème que vous ! Celui-ci se réunit d’ailleurs demain, et j’y serai, comme notre ami Jack Ralite.

Pourquoi la commission repousse-t-elle cet article 4 ? Pourquoi ceux qui siègent au comité de suivi n’en veulent-ils pas eux-mêmes ? Tout simplement parce que ce serait créer un appel d’air en laissant croire qu’il est possible de ne pas payer son loyer ! En effet, à quoi sont dues, à l’heure actuelle, la majorité des expulsions locatives ? Au non-paiement des loyers ! Parallèlement, un très grand nombre de ménages, souvent au prix d’un effort important – toutes les études le prouvent –, réussissent à honorer leur loyer, s’en faisant un devoir.

En proposant la création d’une véritable filière de non-expulsables, vous faites véritablement preuve d’angélisme ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Cinq millions de personnes n’ont que 600 euros pas mois pour vivre !

M. Dominique Braye, rapporteur. Vous rêvez, tandis que ceux qui n’ont pas de logement sont, eux, bien conscients des réalités ! Si l’on appliquait la disposition proposée à l’article 4, il est bien évident que beaucoup de gens seraient fortement tentés de ne plus payer leur loyer ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Pour avoir rencontré tous les préfets d’Île-de-France, qui est la région où le DALO s’applique le plus difficilement, je peux vous dire que ce à quoi tous les acteurs tiennent, c’est à ce qu’on fasse en sorte que ceux qui ont la capacité de régler leur loyer continuent de le faire. Aucun signe contraire ne doit être lancé aux ménages ! Je veux d’ailleurs souligner à cet égard que le préfet de Seine-Saint-Denis effectue dans ce domaine, avec M. Bruno Morel, directeur du GIP Habitat et intervention sociale, un travail remarquable.

Ainsi, toutes les personnes actuellement expulsables et reconnues comme prioritaires par la commission de médiation sur les huit départements d’Île-de-France, y compris la Seine-Saint-Denis, qui est certainement, je le reconnais, l’un des départements les plus touchés par ces problèmes, vont se voir systématiquement proposer, avant expulsion, deux offres de logement.

Votre proposition est donc d’ores et déjà satisfaite par les mesures prises par les préfets.

Parce que nous sommes pragmatiques et écoutons les acteurs de terrain, nous sommes défavorables à cet article, qui constituerait un très mauvais signe envoyé aux locataires.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. J’interviendrai brièvement sur ce sujet très important.

Comme M le rapporteur, je suis défavorable au principe même d’un moratoire, proposition qui revient très régulièrement. En effet, il vient de le dire très justement, si l’on donne l’autorisation de ne pas payer son loyer, on risque d’assister à une véritable dérive, évidemment peu souhaitable.

Par ailleurs, je le rappelle, 60 % des propriétaires qui louent un logement sont de petits propriétaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Or vous ne prévoyez aucun mécanisme de compensation de ce moratoire.

Autrement dit, un couple de personnes âgées, qui possède un logement… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je suis désolé, 60 % des propriétaires sont dans ce cas ! Il n’y a pas que de grands propriétaires ! Et ces petits propriétaires ont besoin de ce complément de revenus !

Si, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, vous indiquez que ce moratoire est réservé aux « locataires de bonne foi », rien de ce genre ne figure dans le texte lui-même.

Enfin, j’avoue que je trouve assez amusante la date que vous avez retenue pour la fin du moratoire... J’imagine qu’il ne faut y chercher aucune relation de cause à effet ! Je m’aperçois toutefois que cet événement serait censé intervenir peu de temps avant l’élection présidentielle. Comme par hasard, vous autorisez le Gouvernement à expulser des locataires pendant la campagne électorale !

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote sur l’article 4.

M. François Rebsamen. Monsieur le secrétaire d’État, pour notre part, nous ne sommes pas obsédés par la prochaine élection présidentielle. Quand nous avons rédigé ce texte, nous avons d’abord pensé à ceux qui sont menacés d’expulsion.

Monsieur le rapporteur, vous avez parlé d’« appel d’air ». Or l’article 4 énonce clairement qu’« aucune expulsion ne pourra être exécutée à l’encontre des personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation, conformément à l’article 441-2-3 du même code ». Chaque cas, je le répète, devra être étudié par une commission.

Vous avez également évoqué l’éventuelle mauvaise foi de locataires qui souhaiteraient rester dans les lieux qu’ils occupent sans payer leur loyer. En tant qu’élus locaux, nous savons très bien qu’on ne peut pas encourager la population à ne pas payer ses loyers ! Ce que nous voulons éviter, c’est la véritable rupture sociale que provoquent les expulsions et qui fait que, finalement, les expulsions coûtent plus cher à la collectivité !

Vous avez cependant raison sur un point : nous n’avons pas prévu de mécanisme de compensation. Mais on peut y réfléchir ! Je préférerais que ma commune puisse apporter une garantie des loyers de x mois, plutôt que de me retrouver avec des familles en rupture sociale, qui ont abandonné leurs parcours d’insertion et dont les enfants ne peuvent plus aller à l’école ! Telle est, en toute bonne foi, ma position.

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Article 5 (début)

Article 3 (suite)

M. le président. Mes chers collègues, je suis maintenant, après pointage, en mesure de vous donner les résultats du scrutin n° 78 sur l’article 3 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l’adoption 156
Contre 158

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 3 (réservé)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
Article 5 (fin)

Article 5

I. – Après le huitième alinéa du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans le département peut également désigner le demandeur à tout bailleur privé ayant conclu une convention avec l’Agence nationale de l’habitat dans les conditions et selon les modalités prévues par les articles L. 321-1 et L. 321-4. »

II. – Le premier alinéa du II de l’article L. 321-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle précise que les logements ayant bénéficié de l’aide de l’Agence nationale de l’habitat peuvent être désignés par le préfet dans le cadre de la procédure visée à l’article L. 441-2-3 du présent code. »

III. – Après le septième alinéa (f) de l’article L. 321-4 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« g) Les conditions dans lesquelles le propriétaire est tenu d’attribuer le logement à un demandeur visé à l’article L. 441-2-3 du présent code. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Mes chers collègues, l’ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi est rejetée.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vraiment triste ! Après tout le travail fourni par nos collègues Rebsamen et Repentin, il est regrettable que cette proposition de loi n’ait pas davantage intéressé nos collègues, et qu’aucun de ses articles n’ait été adopté !

Article 5 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement
 

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Concentration dans le secteur des médias

Rejet d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 590 rect., 2008 2009, rapport n° 89).

Dans la discussion générale, la parole est à M. David Assouline, auteur de la proposition de loi.

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. David Assouline, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une étude vient de nous apprendre que, à l’heure de la révolution numérique, les Américains n’ont jamais passé autant de temps devant leur écran de télévision : quatre heures et quarante-neuf minutes par jour en moyenne, soit quatre minutes de plus que l’année dernière et, surtout, 20 % de plus qu’il y a dix ans, ce qui représente par foyer américain huit heures et vingt et une minutes consacrées quotidiennement à la télévision.

Pour leur part, nos concitoyens y consacrent chaque jour près de trois heures et dix minutes de leur temps libre, ce qui fait de la télévision, et de loin, leur premier loisir.

Pourtant, dans le même temps, la télévision apparaît comme le média auquel les Français accordent le moins leur confiance pour leur offrir une information fiable et objective, comme le montre l’étude réalisée pour La Croix par TNS Sofres-Logica en janvier dernier.

C’est dire que l’opinion publique, dans nos vieilles démocraties, n’est pas dupe de sa relation aux médias. C’est dire aussi que les médias et, en particulier, la télévision restent l’outil le plus simple et le plus efficace pour « fabriquer l’opinion », rêve de tout chef d’État ou de gouvernement depuis que les recettes du marketing ont remplacé des moyens moins pacifiques dans la conquête du pouvoir. À l’heure d’internet et de la dématérialisation des supports de communication et d’information, il est donc plus que jamais d’actualité d’évoquer le rôle de ce « quatrième pouvoir » que jouent les médias dans notre démocratie.

Au-delà de leur influence décisive dans la sélection du personnel politique, on peut dire que les médias vont jusqu’à guider l’action des gouvernants, et c’est encore plus vrai sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Le Président de la République semble en effet organiser son agenda comme un rédacteur en chef de journal télévisé cherchant à créer l’actualité en permanence.

Cette agitation quotidienne ne susciterait pas d’interrogations au regard du fonctionnement et de l’équilibre de la vie démocratique si, dans notre pays, les médias étaient réellement indépendants, c’est-à-dire tout à fait libres de diffuser ou de ne pas diffuser, en fil continu, de l’information présidentielle, de la traiter, de la mettre en perspective et de la critiquer. Mais il se trouve le chef de l’État entretient des amitiés – bien sûr, c’est son droit ! – pour le moins utiles : Arnaud Lagardère, son « frère », Martin Bouygues, témoin à l’un de ses mariages, Vincent Bolloré, financeur de ses vacances luxueuses… Ces trois-là sont patrons de groupes de communication, détenant entreprises de presse, stations de radio et chaînes de télévision. Plus grave, les mêmes sont à la tête de groupes industriels qui tirent une part tout à fait significative de leur chiffre d’affaires de commandes publiques. C’est l’objet de notre débat d’aujourd’hui.

Ainsi, Arnaud Lagardère, président de Lagardère Active, possède notamment Europe 1, Paris Match, Le Journal du Dimanche, 17 % du Monde, 20 % de Canal Plus France et une participation dans le groupe publiant Le Parisien et L’Équipe. Dans le même temps, le groupe Lagardère reste un actionnaire « stratégique » d’EADS, au côté de l’État.

Dans le secteur de l’aéronautique et de la défense, le groupe Dassault, dont les principales activités sont regroupées dans Dassault Aviation, détient le groupe Figaro, qui édite notamment Le Figaro, Le Figaro Magazine et Le Journal des Finances.

Quant à Martin Bouygues, il préside aux destinées du groupe de construction, d’immobilier et de travaux publics du même nom, dont l’activité l’amène à être partie à de nombreux marchés publics de l’État et des collectivités locales, et qui est aussi actionnaire principal du groupe TF1, comprenant TF1, Eurosport, LCI, etc.

Enfin, Vincent Bolloré, patron du conglomérat du même nom, a récemment développé une activité dans les médias avec la chaîne Direct 8, les quotidiens gratuits Direct Soir et Matin Plus, la Société française de production, achetée à l’État à des conditions particulièrement avantageuses voilà quelques années, et dont une partie significative de l’activité est assurée par des commandes des antennes du groupe France Télévisions.

Il faut aussi noter que deux autres groupes industriels, qui n’ont pas, eux, de relations économiques avec la puissance publique, sont présents dans les médias : LVMH, dirigé par Bernard Arnault, est désormais propriétaire des Échos au terme d’une longue bataille avec la rédaction du quotidien économique qui a, pour la première fois de son histoire, connu une grève, notamment à cause de l’intervention directe du Président de la République dans le dossier. Enfin, le groupe Pinault est propriétaire du Point.

Cette concentration de l’essentiel des titres de la presse d’information et d’importantes stations de radio et chaînes de télévision aux mains de puissants groupes industriels et de services, dont les patrons sont quasiment tous réputés « proches » du Président de la République, et dont la plupart tirent une part significative de leurs activités et de leurs revenus de commandes publiques, est à la fois inquiétante et unique au monde.

Il faut ici citer Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. »

M. Jean-Pierre Sueur. Très juste ! Vive Montesquieu !

M. David Assouline. Malheureusement, les exemples abondent d’abus réguliers et répétés : l’inquiétude des journalistes des Échos, d’Europe 1, du Figaro, de TF1, n’est donc pas fantasmatique, mais bel et bien proportionnelle à la gravité des pressions exercées ici et là sur les rédactions de ces titres ou de ces antennes par leurs propriétaires, souvent en relation directe avec le pouvoir d’État.

Mme Nathalie Goulet. N’oubliez pas l’AFP !

M. David Assouline. Ainsi, au moment où le discours politique relève toujours plus de la publicité ou du storytelling et moins que jamais de l’échange d’arguments rationnels, il n’est malheureusement pas surprenant de voir se développer au sommet de l’État des comportements confinant à la confusion la plus indécente des rôles et des genres.

Il suffira de rappeler l’intervention directe d’un ministre de l’intérieur, alors numéro deux du Gouvernement, auprès d’un de ses amis industriels afin que soit congédié le responsable de la rédaction d’un magazine appartenant au groupe de presse dudit ami. Il se trouve que l’hebdomadaire en question tire « seulement » à 700 000 exemplaires chaque semaine, et que la révocation de son directeur en juin 2006 avait pour seule cause la publication en « une », quelques mois auparavant, d’une photo qui ne plaisait pas.

Il n’est, par ailleurs, pas inutile de revenir sur les curieuses pratiques d’un de nos collègues, sénateur de l’Essonne et avionneur bien connu, mais aussi actionnaire, par le biais de son groupe familial, de la société éditrice du Figaro, après l’avoir été d’autres titres comme L’Express. Le directeur de ce magazine eut ainsi la désagréable surprise d’entendre Serge Dassault en personne lui demander de ne pas publier, en février 2006, les désormais célèbres caricatures du prophète Mahomet, et ce afin de ne pas mettre en difficulté ses activités commerciales au Moyen-Orient. Il est vrai que l’impétrant en journalisme ne cache pas la conception très arrêtée qu’il a de cette activité, comme lorsqu’il expliqua que les journaux devaient diffuser des « idées saines », car « nous sommes en train de crever à cause des idées de gauche ».

Il est certain que M. Dassault ou M. Bouygues ne prennent pas ce risque quand Le Figaro et LCI rendent publics les sondages commandés par la Présidence de la République à la société de M. Buisson, pour des montants astronomiques à la charge du contribuable.

De ce point de vue, les pressions qu’a subies le président de l’Assemblée nationale de la part des principaux ténors de son camp ces jours derniers pour que soit enterrée la simple idée que puisse être constituée une commission d’enquête à ce sujet sont purement scandaleuses et tout à fait significatives d’une conception des institutions et du pouvoir étrangère aux principes mêmes de notre démocratie.

Ces très mauvaises manières faites à la liberté et au pluralisme des médias dans notre pays ne sont pas qu’anecdotiques, ce dont nos concitoyens ont d’ailleurs parfaitement conscience. C’est ce qui explique leur méfiance, pour ne pas dire leur défiance, au demeurant fort injuste, à l’égard des journalistes, défiance que fait ressortir l’étude déjà citée de TNS-SOFRES : six Français sur dix estiment en effet que les journalistes ne sont indépendants ni des pressions du pouvoir politique ni de celles des puissances de l’argent, et cette proportion est en augmentation significative par rapport à l’année précédente.

Dans ce contexte préoccupant pour l’état et l’évolution à venir de notre débat démocratique, les parlementaires de gauche et avant tout républicains que nous sommes jugent indispensable que le législateur prenne ses responsabilités, d’autant que la Constitution lui fait spécifiquement obligation, grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais défendu au nom des sénateurs socialistes, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, de fixer « les règles concernant [...] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

Comme nous venons d’en faire la démonstration, il n’y a pas qu’en Italie que ces règles sont publiquement bafouées ; c’est aussi le cas en France. Les médias sont ainsi devenus le terrain de jeu préféré du Président de la République.

Il est vrai que ce terrain n’est guère miné, avec la mise sous tutelle financière et politique du service public de l’audiovisuel par la loi organique du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Quant au secteur privé de la radio et de la télévision, il est dominé par quelques groupes comme TF1 ou Europe 1, qui appartiennent à des conglomérats industriels dont les revenus dépendent significativement de la commande publique.

Enfin, les titres de presse le plus lus en France, ceux de la presse quotidienne régionale – les cinq quotidiens régionaux les plus diffusés vendent près de 2 millions de numéros par jour, alors que leurs cinq homologues de la presse nationale n’en vendent que 1,3 million –, connaissent un mouvement de concentration inquiétant qui met en danger l’indépendance et le pluralisme des rédactions.

Même si cette question de la concentration n’est pas directement liée à cette proposition de loi, il nous faudra bien la traiter. Comment les rédactions peuvent-elles rester indépendantes quand on compte six titres dans telle ou telle localité ?

Face à des enjeux de pouvoir et à des intérêts économiques majeurs, il est donc au mieux naïf, au pis cynique d’estimer que les règles de « bonne gouvernance », de transparence et d’autorégulation qui ont été proposées par les états généraux de la presse suffiront à garantir l’effectivité des principes énoncés par les dispositions constitutionnelles et à convaincre l’opinion de reprendre confiance dans les médias d’information.

Dans un tout autre domaine, celui du système bancaire, même le Président de la République a jugé qu’il fallait des règles et de la régulation.

Qui serait donc prêt, dans cet hémicycle, à prendre le pari que des dispositifs d’autocontrôle suffiront à laisser, par exemple, la liberté à la rédaction du Figaro de critiquer les conditions faites, ici ou là, par le groupe Dassault à la vente d’avions Rafale ou aux reporters de TF1 d’enquêter sur les intérêts du groupe Bouygues dans telle ou telle opération de construction ?

L’audience de ces médias et leur influence potentielle sur la formation de l’opinion publique, notamment en période électorale, sont suffisamment établies pour que le législateur se préoccupe des conditions de leur contrôle économique.

De ce point de vue, notre proposition de loi vise à combler une carence évidente dans le système de régulation de la concentration des médias tel qu’il résulte de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, pour le secteur de la communication audiovisuelle, et de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

Le dispositif que nous proposons consiste à proscrire la possibilité pour tout acteur privé entretenant des relations économiques significatives avec la puissance publique d’éditer, de manière directe ou indirecte, un service de radio ou de télévision ou un titre de presse d’information politique et générale.

M. le rapporteur aurait d’ailleurs pu au moins constater qu’un mécanisme de ce type avait déjà existé dans notre droit positif, certes limité au secteur de la presse, aux termes de la loi du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et a assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse. Mais il est peut-être difficile, mon cher collègue, de vous demander de rendre hommage à une loi de l’Union de la gauche que la droite a abrogée dès son retour aux affaires, en 1986.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. David Assouline. En tout état de cause, cet épisode appartient au passé et n’interdit aucunement à tous les sénateurs attachés au pluralisme et à la liberté d’expression de joindre leurs voix aux nôtres, d’autant que les arguments de M. le rapporteur – je les ai entendus en commission – pour écarter sans plus de discussion notre proposition de loi sont assez contestables.

Ainsi, sur le plan juridique, rien ne démontre l’incompatibilité de notre texte avec le droit européen. Au contraire, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui prendra effet dès l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre prochain, pose l’obligation de respecter « la liberté des médias et leur pluralisme ».

De plus, il apparaît spécieux de disqualifier la proposition de loi en se retranchant derrière l’arrêt du 16 décembre 2008 de la Cour de justice des Communautés européennes relatif à la législation grecque. La situation en Grèce est différente. Notre proposition de loi n’aurait pas d’effet rétroactif : elle s’appliquerait, à TF1 ou aux autres groupes, lors de chaque renouvellement de contrat avec l’État. Par ailleurs, des mécanismes de transition devront être trouvés pour les groupes de presse écrite, de manière à éviter tout changement brutal et à ne pas perturber leur environnement économique.

Nous ne demandons pas d’aller aussi loin que la Constitution des États-Unis d’Amérique, dont le premier amendement confère à la presse une entière liberté. C’est d’ailleurs grâce à cette liberté que des affaires comme celle du Watergate ont pu faire la une des journaux, et ce pour la plus grande gloire de la démocratie américaine.

Cependant, il est aujourd’hui urgent de sortir des vœux pieux, des demi-mesures et de l’hypocrisie, et de passer aux actes. Nous n’abordons qu’un seul domaine, celui de la régulation de la concentration dans les médias. D’autres chantiers devront être ouverts ultérieurement.

Il faudra assurer l’indépendance et le pluralisme des rédactions, en particulier dans le cadre des concentrations opérées dans la presse quotidienne régionale, et généraliser le droit d’accès des citoyens, et donc des journalistes, à la « mémoire publique », mouvement indispensable qui impliquera l’abrogation des dispositions de la dernière loi de programmation militaire accroissant de manière illégitime le champ du secret-défense, qui est déjà étendu. Il conviendra aussi de garantir réellement le secret des sources, exigence qui va à l’encontre du projet de loi, en cours d’examen, relatif à la protection du secret des sources des journalistes. Enfin, il sera nécessaire de créer un statut européen de société de médias à but non lucratif, avec une exonération de TVA à la clé.

C’est cette réforme ambitieuse et d’avenir, indispensable à la vitalité de notre démocratie, que nous invitons aujourd’hui le Gouvernement et la majorité à ouvrir avec nous.

Pour conclure, je citerai Chateaubriand : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l’explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle. » Et j’ajouterai, en parlant plus largement des médias : « …à vivre avec des médias libres, pluralistes et indépendants ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un sujet très important !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à en juger par le ton avec lequel notre collègue David Assouline vient de détailler les dispositions de sa proposition de loi, nous avons bien senti que, au-delà de la sincérité de ses propos, il manifestait une certaine amertume, celle qui vous étreint lorsqu’on se trouve dans l’opposition.

M. Jean-Pierre Sueur. Non ! Il a fait preuve d’enthousiasme et de conviction ! (Sourires.)

M. Michel Thiollière, rapporteur. Cher collègue Assouline, il faut avoir conscience que chacun d’entre nous peut, un jour ou l’autre, se retrouver dans l’opposition et que, dans ces moments-là, on n’apprécie pas toujours ce qui est dit dans la presse. Cela m’est arrivé !

M. Thierry Repentin. Cela fait trop longtemps que ce n’est pas arrivé à la droite !

M. Michel Thiollière, rapporteur. David Assouline, a fait référence à l’histoire américaine et évoqué la révélation par Bob Woodward et Carl Bernstein, deux journalistes du Washington Post, du scandale du Watergate. Pour ma part, j’ai un autre exemple en tête, français celui-là, celui Jacques Derogy, journaliste à L’Express, grâce à qui Klaus Barbie fut retrouvé. Ce travail exemplaire est le fait d’hommes libres et indépendants des groupes de presse qui les emploient.

Mme Nathalie Goulet. « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… » (Sourires.)

M. Michel Thiollière, rapporteur. C’est la raison pour laquelle je reviendrai non pas sur les dispositions en tant que telles de votre proposition de loi, mais sur ses modalités d’application si elle devait être adoptée. J’essaierai de vous démontrer, en quelques minutes, que ses effets iraient à l’encontre de vos intentions.

Votre objectif, que nous partageons tous, est de rendre la presse réellement indépendante. À cette fin, ce qui ne manque pas d’étonner, vous voulez tenir les médias aussi éloignés que possible de l’argent public et de la commande publique.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Ce postulat est surprenant, car il sous-tend que seule la commande publique, c'est-à-dire celle des collectivités et de l’État, entraîne la suspicion et la défiance. Aussi, selon vous, toute intervention directe ou indirecte de la puissance publique dans les médias rendrait impossible toute objectivité et tout pluralisme. Vous en concluez qu’il faut dissocier, presque irrévocablement, médias et acteurs publics, dénouer ce lien qui vous paraît intrinsèquement pervers et attentatoire au pluralisme, à l’indépendance et à la liberté de la presse.

Pour ma part, je pense tout le contraire ! Permettez-moi à cet égard de vous renvoyer aux très longs débats que le Sénat a consacrés à l’examen des deux lois de mars 2009, que vous avez citées, au cours desquels nous avons pris grand soin de veiller au renforcement du service public de l’audiovisuel.

Il est tout de même paradoxal de prétendre que la liberté diminue à mesure de l’engagement de fonds publics. Nous observons tous les jours le contraire. Les différentes stations de Radio France et les différentes chaînes de France Télévisions prouvent quotidiennement qu’elles travaillent en toute liberté et en toute indépendance, bien que ces deux groupes soient financés par des fonds publics.

Il est tout aussi paradoxal de prétendre que seuls des groupes privés, non seulement, par définition, indépendants des fonds publics, mais aussi étrangers à toute commande publique, seraient à même de fonder des médias libres et indépendants.

M. David Assouline. Voyez comment font les Anglo-Saxons !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Une chaîne de télévision ou un groupe de presse nécessite la mobilisation d’énormes moyens financiers. Chacun sait, par exemple, que la situation financière des nouvelles chaînes de la TNT est aujourd’hui loin de l’équilibre, et que les autres chaînes privées, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, souffrent considérablement de la crise économique actuelle.

Si, pour exister, les chaînes privées, qu’elles soient françaises ou étrangères, doivent demeurer indépendantes à l’égard de la commande publique et ne pas bénéficier de plus de 1 % d’investissements publics, où vont-elles trouver les moyens de se financer ? Si l’on devait en quelque sorte faire le tri entre celles qui auraient le droit d’avoir des activités dans la presse et les médias et celles qui ne le pourraient pas, finalement, seules les entreprises de la grande distribution seraient gagnantes. Ce serait assez réducteur et il s’agirait là d’une autre forme de perversité.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Donc, à tant vous défier de l’argent public et de la commande publique, vous donnez tout pouvoir aux annonceurs sur les médias. Cette façon de considérer l’indépendance et la liberté de la presse n’est pas la nôtre, n’est pas celle de la commission et n’est pas la mienne.

M. David Assouline. Comment cela se passe-t-il au Royaume-Uni ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Pour ce qui est de l’indépendance de la presse et des autres médias, il ne fait pas de doute que c’est un objectif unanimement partagé. Mais, à vous suivre, il serait plus difficile de concilier indépendance et pluralisme puisque votre proposition de loi, si elle était adoptée, aurait pour effet immédiat de raréfier l’offre en réduisant le nombre de ceux qui pourraient diriger un groupe de presse. Pour qu’il y ait indépendance, il faut qu’il y ait pluralisme et pour qu’il y ait pluralisme, il faut une diversité des moyens de financement.

Toutes les politiques conduites depuis de nombreuses années, par des gouvernements de sensibilité différente d’ailleurs, visent à offrir aux téléspectateurs, aux lecteurs et aux auditeurs le plus large choix possible. Pensez à la TNT, par exemple, à laquelle le Sénat a apporté à de nombreuses reprises sa pierre, ou au satellite, qui permet à nos concitoyens de disposer d’une offre télévisuelle abondante et pluraliste. Regardez également ce qui se passe avec internet, qui propose une offre d’information illimitée.

En fait, on l’aura compris, votre texte vise principalement TF1, et quelques autres médias, assez peu nombreux du reste.

M. David Assouline. Non ! C’est un principe !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous pourrions vous suivre si TF1 était la seule chaîne de télévision française. C’est une chaîne importante, mais on ne va pas lui reprocher tous les matins de faire de l’audience et d’avoir la confiance de nombreux téléspectateurs !

Je n’arrive pas à comprendre pourquoi, dans notre pays, certains, comme vous, tendent à considérer qu’il y a quelque chose d’anormal à avoir du succès, à faire de l’audience. Vous ne pouvez vous empêcher de penser que cela cache nécessairement une forme de perversité. Drôle de manière d’appréhender la culture, et plus particulièrement l’audiovisuel !

Telles sont les principales raisons pour lesquelles notre commission, sous la présidence de Jacques Legendre, est défavorable à votre proposition de loi.

Je profite de ce débat dans lequel sont soulevés des problèmes importants concernant l’audiovisuel et notre société en général pour apporter quelques éclaircissements qui me paraissent utiles.

Il est non seulement possible, mais également indispensable de concilier la société des écrans dans laquelle nous vivons aujourd’hui avec les principes républicains qui nous guident. Certes, ce n’est pas facile, et nous avons souvent eu cette discussion ici avec le ministre de la culture et de la communication, notamment lorsque nous avons examiné les phases ultimes de la loi HADOPI. Nos principes républicains doivent aussi présider à l’aventure des nouveaux médias audiovisuels, de l’internet, etc.

Contrairement à vous, nous ne voulons pas faire de procès d’intention. Pour obtenir l’indépendance, la critique, au sens le plus noble du terme, la diversité, culturelle et audiovisuelle, la créativité, la profondeur dans les émissions et les débats, il est nécessaire d’avoir une pluralité de moyens, ce qui permettra à l’offre d’être la plus abondante possible.

Cette société qui se construit doit non seulement être respectueuse des principes républicains qui sont les nôtres, mais aussi moderne, c'est-à-dire apte à intégrer les développements technologiques. C’est une société du respect et de la confiance que nous appelons de nos vœux.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Permettez-moi de vous dire que, ni dans votre proposition de loi ni dans vos propos, je n’ai noté beaucoup de respect et de confiance à l’égard de ceux qui animent aujourd’hui l’audiovisuel, qu’il soit public ou privé.

Sachez que nous ne sommes ni dupes ni naïfs.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous le savons, il y a des risques, mais ceux-ci doivent être analysés si l’on veut les éviter.

Je relève deux écueils possibles sur la route de la société des écrans qui se construit jour après jour et dans laquelle nous voulons insuffler un esprit républicain.

Le premier consiste à considérer – et cela apparaît de manière récurrente, monsieur Assouline, dans votre pensée philosophique et politique – que la doctrine peut tout. Or, à mon sens, plus on s’enferme dans une doctrine, plus on est autoritaire et, par conséquent, moins on permet à la liberté de s’exprimer.

Je n’irai pas jusqu’à rappeler les exemples historiques douloureux du XXe siècle.

Mme Nathalie Goulet. Et du XXIe siècle !

M. David Assouline. Vous pensez au fascisme ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Le deuxième écueil, dont vous êtes bien conscient, est celui de l’argent qui peut tout. Le capitalisme débridé peut effectivement nous offrir des écrans sous l’unique emprise du marché.

Nous ne voulons ni de l’un ni de l’autre, ni d’une société doctrinaire et autoritaire qui force les choses à tel point que la liberté ne peut plus s’exprimer ni d’une société où l’argent est seul maître des émissions qui sont proposées à nos concitoyens.

D’ailleurs, vous pourriez reconnaître avec moi et plusieurs de nos collègues que nous avons beaucoup œuvré au début de cette année, notamment avec Catherine Morin-Desailly, qui était avec moi co-rapporteur, pour permettre à France Télévisions d’être à la fois plus autonome financièrement et plus indépendante dans son fonctionnement, tout en respectant les acteurs de l’audiovisuel public. Ces débats sont récents, et chacun a encore en mémoire celui qui a porté sur la redevance.

Si nous voulons une information libre et indépendante, une création qui occupe toute sa place dans notre pays, nous devons encourager une forme de foisonnement de la pensée, la diversité culturelle, et faire en sorte que des regards libres et éclairés puissent s’exprimer, tant à l’intérieur des médias que du côté des téléspectateurs, des lecteurs ou des auditeurs.

Cette société du respect que j’appelle de mes vœux, nous y parviendrons par l’équilibre des moyens. Pour ce faire, il n’y a pas d’autre solution que la régulation. C’est pourquoi nous avons étendu les pouvoirs du CSA, qui attribue les fréquences et garantit le pluralisme. Avec Catherine Morin-Desailly, nous aurions même souhaité aller un peu plus loin, mais ce n’est déjà pas si mal. En tout cas, une autorité de régulation est bien la garantie dans une démocratie que l’autoritarisme ou les excès du marché ne peuvent l’emporter.

Je trouve que vous faites très peu de cas de nos concitoyens. Vous témoignez d’une défiance absolue vis-à-vis des téléspectateurs ou des auditeurs, comme s’ils étaient tous d’authentiques gogos, n’ayant aucun libre arbitre, aucun sens critique et gobant tout sans discernement.

Mme Catherine Dumas. Très bien !

M. David Assouline. J’ai dit l’inverse !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Venant d’un parlementaire, passez-moi l’expression, c’est un peu fort de café !

Mme Catherine Dumas. Tout à fait !

M. Michel Thiollière, rapporteur. J’entends tous les jours des Français émettre des critiques, qui n’épargnent pas le pouvoir en place, non plus d’ailleurs que l’opposition, qui en prend aussi pour son grade, rassurez-vous !

Croyez-le, chacun se fait son propre jugement. C’est si vrai que votre caricature insistante du pouvoir du Président de la République, censé souffler tous les jours aux médias ce qu’ils doivent dire ne reflète absolument pas ce que j’entends à la radio, ce que je lis dans les journaux ou ce que je vois à la télévision

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Exactement !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Mais après tout, c’est affaire d’appréciation personnelle !

Ce qui est sûr, c’est que nos concitoyens ne sont ni crédules ni stupides. Ils méritent notre considération, notre respect et nous devons leur faire confiance pour être des citoyens libres et justes dans leurs appréciations.

Vous allez me rétorquer que ces citoyens reçoivent tellement d’images, sont confrontés à tellement de bruit et de fureur qu’ils ne savent plus où ils en sont.

C’est la raison pour laquelle il faut accentuer la formation aux médias dans nos écoles. C’est ce à quoi s’attache régulièrement notre commission lorsqu’elle adopte des mesures ou qu’elle procède à des évaluations. Les jeunes doivent être formés à la lecture critique des messages diffusés par les médias, à leur décryptage.

M. David Assouline. C’est moi qui ai fait le rapport sur ce sujet, et vous me donnez des leçons !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Croyez-le, dans les écoles de notre pays, cela se fait. Là encore, faisons confiance aux enseignants.

M. David Assouline. C’est trop fort !

M. Michel Thiollière, rapporteur. De la défiance, vous en éprouvez apparemment aussi envers les professionnels des médias.

À longueur d’année, dans le cadre de notre mandat de parlementaire, nous rencontrons beaucoup de journalistes. Comment peut-on imaginer une seule seconde que ceux-ci sont totalement corsetés, dépourvus de tout jugement critique et que ne s’élève jamais une voix pour dire que la rédaction est une chose et l’actionnaire une autre. Nous ne devons pas fréquenter les mêmes personnes ! Les nombreux journalistes que je croise sont non seulement soucieux de leur indépendance, mais ils la font également respecter.

M. David Assouline. Moi, je vais vous en faire rencontrer d’autres !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Je regrette, cher David Assouline, que vous ayez des contre-exemples. Cela signifie simplement que vous fréquentez des gens qui ont peur.

M. David Assouline. Des aigris, dites-le !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Aidons-les à ne plus avoir peur.

M. David Assouline. Oui, en faisant des lois !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Après cet ensemble de considérations, je voudrais revenir sur un point sur lequel nous sommes tous unanimes. Je crois pouvoir dire qu’il faut franchir quelques obstacles dans cette société des écrans qui s’impose désormais.

Le temps s’accélère et celui des médias, aussi bien que celui de la société, est « compacté ». Tant les professionnels que les téléspectateurs manquent certainement de recul, de distance, de réflexion. Eh bien, faisons en sorte de ne pas toujours céder à la tyrannie de l’instantanéité et du dernier scoop ! Faisons en sorte que le recul soit la règle, et notre assemblée est sans doute particulièrement bien placée pour mettre en valeur la nécessité de ce recul comme facteur de lucidité.

C’est à nous, parlementaires, à nous, citoyens, de faire cet effort. Les médias ne doivent pas être en reste et éviter de « sucer la roue », comme on dit dans le vélo, de celui qui est devant pour le doubler ou ne pas être distancé.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Tout cela est affaire de professionnalisme, de formation et, pour nous, citoyens et parlementaires, de jugement éclairé sur notre société.

Si nous voulons construire une société fondée sur le respect, ayons des valeurs. Nous en avons tous reçu. Nous sentons bien que les journalistes ont besoin que nous fassions confiance à leurs valeurs, qui sont aussi les nôtres.

Nous devons respecter, je le répète, les téléspectateurs, qui ont le droit d’avoir leur propre jugement. Pourquoi le choix majoritaire serait-il, ici, dans le cadre du suffrage universel, une règle absolue, et, là, dans le domaine des médias, objet de dénigrement. Médiamétrie montre tous les jours qu’en zappant nos concitoyens votent pour ou contre une émission. Faisons-leur confiance !

M. David Assouline. Pas de problème !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Ayons également confiance dans la diversité.

M. David Assouline. Il n’y a pas de diversité !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Il n’est pire pays ou pire régime que celui qui réduit la diversité. C’est pourquoi les groupes de presse et les médias doivent être nombreux.

Il y a des moyens à mettre en place pour que ces différents principes sur lesquels nous sommes majoritairement d’accord s’appliquent.

M. David Assouline. Nous ne sommes pas d’accord !

M. Michel Thiollière, rapporteur. Il faut un grand service public de l’information. Nous l’avons encore amélioré cette année.

Il faut des médias privés, libres, indépendants et nombreux. Nous les aidons, et le CSA, notamment, leur permet d’exister à travers sa mission de régulation.

Il faut former les professionnels, mais aussi les jeunes à l’école, afin d’éveiller leur sens critique.

Il faut que nous, parlementaires, nous agissions et que nous exercions une forme de vigilance républicaine afin que les médias soient toujours libres et indépendants.

Il faut, enfin, de la transparence et la confrontation des idées.

Sachant que nous partageons tous ces objectifs d’indépendance, de liberté et de diversité, je voudrais rappeler que nous, législateur, avons fait œuvre utile pour aller dans le sens de l’indépendance, de la liberté, de la diversité : la TNT partout sur le territoire, le groupe France Télévisions, Radio France, Arte, la radio numérique, sans oublier une presse, dont les états généraux se sont déroulés cette année, qui va elle aussi se réformer pour être encore plus proche des souhaits de nos concitoyens et des valeurs que nous défendons.

La question que vous posez est certes légitime, mais vous y apportez une réponse réductrice, qui détruirait ce à quoi nous sommes attachés. C’est la raison pour laquelle, à cette société de défiance et de raréfaction de l’offre que vous appelez, je voudrais répondre par la confiance, une offre élargie et le respect envers les professionnels ainsi qu’envers nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. À charge de revanche !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, cher Jacques Legendre, monsieur le rapporteur, cher Michel Thiollière, monsieur le sénateur David Assouline, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez tous la fable de La Fontaine l’Ours et l’Amateur des jardins. Un vieil homme solitaire se lie d’amitié avec un ours - ces choses-là sont possibles chez La Fontaine. L’animal, pour témoigner son amitié au vieillard, chasse les mouches de son visage pendant qu’il dort. Seulement, il y met tant de zèle qu’un jour il finit par lancer une pierre et « casse la tête à l’homme en écrasant la mouche ». C’est de cette fable qu’est tirée l’expression le « pavé de l’ours ».

La Fontaine, par cette fable, nous rappelle qu’il est des amis quelque peu maladroits, souvent d’ailleurs les plus démonstratifs, qui s’avèrent parfois plus dangereux que des adversaires. Aujourd'hui, je crois que les grands amis de la liberté de la presse lui préparent, en voulant bien faire, un vrai pavé de l’ours.

Sur les principes, nous sommes d’accord : la nécessité de sauvegarder le pluralisme des courants de pensée et d’opinion est clairement une des conditions de notre démocratie. C’est, en droit, un objectif de valeur constitutionnelle, comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel.

C’est pourquoi le législateur a défini, dans les lois relatives à la presse et à la liberté de communication, un ensemble de règles qui visent à limiter la concentration des médias et à en assurer l’indépendance. Ces règles sont d’ailleurs largement issues de décisions du Conseil constitutionnel, qui a guidé le législateur dans la détermination de normes pertinentes.

Or, comme si ces garanties n’étaient déjà pas savamment construites par nos plus hautes législations, David Assouline et le groupe socialiste nous proposent aujourd’hui de compléter ce dispositif. Un désir d’amélioration toujours légitime, après tout…

Il conviendrait donc, selon vous, d’empêcher tout acteur privé qui entretient des relations économiques avec la puissance publique de bénéficier d’une nouvelle autorisation de diffusion par voie hertzienne terrestre ou d’acquérir une publication imprimée d’information politique et générale.

Je ne vous cache pas que je suis en total désaccord avec cette proposition. Je le suis pour des raisons techniques et économiques que je vais vous exposer, mais aussi et surtout, je dois le dire, pour des raisons éthiques.

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi ce pavé dans la mare que vous croyez jeter au Gouvernement est, à mon sens, un « pavé de l’ours » à la presse et à la liberté d’expression.

Techniquement, votre proposition soulèverait d’importantes difficultés liées en particulier à la collecte de l’information, qui nécessiterait des investigations approfondies. Pour l’audiovisuel, cela impliquerait un alourdissement de la tâche du Conseil supérieur de l’audiovisuel, au détriment de ses autres missions. Pour le secteur de la presse, lequel n’est pas doté d’une instance de régulation similaire, qui devrait se charger de ces lourdes recherches ? Votre proposition de loi est muette à ce sujet.

En outre, il ne faut pas occulter les difficultés liées au contrôle du respect du dispositif. Pour l’audiovisuel, il appartiendrait au CSA d’y veiller ; mais, pour la presse, cela devrait-il relever du juge pénal ? La proposition de loi ne comporte, là non plus, aucune précision satisfaisante.

Je note que, s’agissant de la presse écrite, votre proposition ne concerne que la presse imprimée sur support papier, à l’exclusion de la presse sur support numérique, aujourd’hui pourtant en pleine expansion.

Mais ces obstacles techniques ne sont peut-être pas essentiels, et votre grande amitié pour la presse trouverait sans doute tous les moyens de les lever. L’essentiel, c’est que votre proposition soulève, à mes yeux, plusieurs difficultés d’ordre économique, éthique et politique.

Je ne partage pas votre idée selon laquelle les liens financiers entre un actionnaire et une collectivité publique porteraient atteinte, en eux-mêmes, à l’indépendance d’un média. On ne saurait considérer, par exemple, que les télévisions locales, qui sont nombreuses à bénéficier de financements publics pour compenser leur sujétion particulière de service public, soient dépendantes des collectivités.

La procédure actuelle, traditionnelle, a fait ses preuves. C’est au Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’il appartient d’adopter les garanties qui s’imposent dans le cadre des conventions qu’il conclut avec ces chaînes.

D’ailleurs, à supposer que votre approche soit la bonne, pourquoi refuser à une télévision ce que vous admettriez en radio avec les aides du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale,…

M. David Assouline. Cela n’a rien à voir !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. … qui n’entrent pas dans votre dispositif puisque celui-ci ne concerne pas les associations ? Par principe, les associations seraient-elles toutes indépendantes à vos yeux ?

De même, devrait-on mettre fin au groupement d’intérêt public France Télé numérique, qui associe l’État et les chaînes analogiques pour gérer au mieux la transition vers le numérique, au simple motif que ses membres pourraient être regardés comme bénéficiaires des campagnes d’information diffusées par ce même groupement ? Ce serait, reconnaissez-le, assez absurde.

M. David Assouline. Il ne s’agit pas de groupes privés !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La presse, vous le savez, bénéficie d’aides directes et indirectes de l’État, réparties selon des critères objectifs ; un système qui permet à la fois de répondre aux nécessités économiques du secteur et de préserver l’indépendance et le pluralisme de la presse.

Enfin, en admettant même que la présence dans les médias d’actionnaires entretenant des relations économiques significatives avec la puissance publique puisse constituer un risque pour l’indépendance desdits médias, la proposition de loi ne réglerait cette difficulté qu’à très long terme puisqu’elle ne permettrait pas de remettre en cause les situations existantes.

Il est, en effet, très probablement inévitable, au regard des exigences du Conseil constitutionnel, que votre proposition de loi ne pourrait prendre en compte que les opérations à venir. Elle a donc pour conséquence de la rendre sans portée réelle sur les situations qui vous choquent et qu’elle entend combattre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Sans préjuger de vos intentions, il me semble que votre pavé n’arrivera pas jusqu’aux destinataires souhaités.

Soyons réalistes, qu’on le veuille ou non, les grandes entreprises vivent nécessairement pour partie de commandes publiques. Faut-il pour autant leur faire une sorte de procès en sorcellerie ? Elles doivent obéir à des règles de transparence et de libre concurrence qui sauvegardent l’équilibre général.

Dans cette affaire comme dans toutes, que ce soit la loi HADOPI ou l’affaire Google-BNF, notre maître mot est encore et toujours la régulation, c’est-à-dire une manière respectueuse et efficace d’être vraiment à l’écoute de la société et de son dynamisme économique et culturel, comme l’a d’ailleurs rappelé le rapporteur, Michel Thiollière.

De fait, les outils de régulation propres à chaque type de média permettent de veiller au respect de leur indépendance. En vertu de l’article 19 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA dispose de pouvoirs d’enquêtes étendus aux actionnaires des diffuseurs pour « toutes les informations sur les marchés publics et délégations de service public pour l’attribution desquels cette personne ou une société qu’elle contrôle ont présenté une offre au cours des vingt-quatre derniers mois ».

La loi fait obligation au CSA de tenir compte, dans les autorisations qu’il délivre, des dispositions envisagées par le candidat en vue de garantir le caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, l’honnêteté de l’information et son indépendance à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public.

Dans les conventions qu’il conclut avec les chaînes, le CSA doit ensuite prendre toutes dispositions pour garantir l’indépendance des éditeurs à l’égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public. Cela vaut d’ailleurs également pour les chaînes du câble et du satellite.

En matière de presse, la loi du 1er août 1986 soumet les entreprises éditrices à des règles de transparence, notamment en ce qui concerne leur actionnariat. Ces règles doivent être prochainement renforcées, conformément aux orientations arrêtées par le Président de la République à l’issue des états généraux de la presse écrite.

Enfin, la plupart des entreprises de presse disposent de chartes internes dites « de déontologie » qui garantissent l’indépendance des rédactions à l’égard des actionnaires. Les travaux du comité des sages dirigé par Bruno Frappat ont d’ailleurs abouti, le 27 octobre dernier, à l’élaboration d’un projet de code de déontologie des journalistes. Ce texte, attendu, rappelle notamment que l’indépendance du journaliste est la condition essentielle d’une information libre, honnête et pluraliste. Les partenaires sociaux du secteur doivent maintenant se saisir de ce projet de code et lui réserver les suites appropriées.

Dans un contexte technologique et économique particulièrement difficile et instable, les entreprises du secteur des médias doivent pouvoir s’appuyer sur des actionnaires solides, bénéficier de la plus grande souplesse et d’une totale sécurité juridique dans leurs opérations capitalistiques.

La France a besoin d’entreprises de médias économiquement fortes si nous voulons qu’elle puisse peser sur un marché mondial très ouvert, très concurrentiel et largement dominé par des acteurs anglo-saxons.

Les groupes français de l’audiovisuel ou de la presse sont nettement sous-dimensionnés face aux géants News Corporation, NBC Universal – qui est en train de fusionner avec le premier opérateur du câble américain, Comcast –, Time Warner et, bien entendu, Google. Nos entreprises doivent être confortées sur le marché national pour pouvoir conquérir des positions ailleurs, en Europe et dans le reste du monde. Car s’il est vrai que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi, nous savons aussi que, malheureusement, la raison du plus fort est souvent la meilleure.

Avec des mesures aussi contraignantes que celles que vous nous proposez aujourd’hui, nous n’avons qu’une seule assurance, c’est qu’aucune entreprise française de médias ne pourra plus financer son développement grâce aux fonds investis par les actionnaires industriels. Le résultat ne fait aucun doute : elles s’en trouveront marginalisées au niveau mondial.

M. David Assouline. Comment fait M6 ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Si votre intention est réellement de garantir le pluralisme des médias et de défendre la liberté d’expression, laissez-moi vous dire, David Assouline, que vos actes auraient exactement l’effet contraire de celui que vous prétendez rechercher ici. Si vos propositions étaient retenues, elles feraient le lit de l’opacité et nous ramèneraient à l’ère du soupçon, celle de l’influence politique. Pardonnez-moi de le dire ainsi, mais il s’agirait d’une démagogie mal dissimulée.

Qui pourrait alors investir dans les médias ?

M. David Assouline. C’est le régime qui a cours en Grande-Bretagne !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Vous voulez Murdoch ?

Qui pourrait alors investir dans les médias ? Les collectivités territoriales ? L’État ? Est-ce cela dont vous rêvez, le retour à un paysage audiovisuel nationalisé, totalement contrôlé par l’État ? Avec cette proposition de loi, vous dites vouloir défendre la démocratie alors que vous ne feriez que porter atteinte à la liberté.

Je vous le dis : le texte que vous proposez est finalement plutôt liberticide. Il organise un retour en arrière de plus de vingt-cinq ans. Il nous renverrait à cette période que nous avons connue, celle d’avant les radios libres, celle d’avant la première chaîne à péage, celle d’avant les chaînes privées gratuites. À l’heure de la TNT, vous voulez nous renvoyer à l’âge de l’ORTF !

Mme Catherine Dumas. Quelle régression !

M. Jean-Marc Todeschini. Parce qu’on n’y est pas ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le gouvernement auquel j’ai l’honneur d’appartenir est celui qui a garanti l’avenir de la télévision publique en la libérant de la course à l’audimat immédiat et de la recherche compulsive de recettes publicitaires. C’est ce même gouvernement qui a permis la consolidation de la production et de la création audiovisuelles patrimoniales en renforçant les obligations de financement des chaînes de télévision instituées par Catherine Tasca, votre collègue, qui occupa voilà quelques années les fonctions qui sont aujourd'hui les miennes.

C’est aussi cette majorité qui a lancé la télévision numérique terrestre accessible à chacun, multipliant ainsi par trois l’offre de chaînes gratuites pour tous les Français.

Je n’ose vous rappeler enfin que, suivant les conclusions des états généraux de la presse écrite voulus par le Président de la République,…

M. Jean-Marc Todeschini. Ah oui ! Il ne faudrait pas l’oublier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Frédéric Mitterrand, ministre. … nous avons consacré des moyens sans précédents pour assurer l’avenir de la presse française.

Le budget de mon ministère pour 2010 l’atteste : les aides à la presse écrite y sont en hausse de 51 %. Cela étant dit, une politique ne se mesure pas uniquement à l’aune des moyens consentis, elle s’incarne aussi dans le cadre juridique et économique mis en place.

Pour la presse, par exemple, je pense à la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne afin de favoriser le développement de ces nouveaux acteurs qui sont nés sur internet et qui contribuent pleinement aujourd'hui au pluralisme des expressions. C’est aussi le code de déontologie dont je parlais tout à l’heure et que doivent désormais s’approprier journalistes et éditeurs. C’est enfin l’avenir du lectorat de presse que nous voulons garantir en initiant les plus jeunes à la lecture de la presse d’information politique et générale. À cet égard, permettez-moi de vous rappeler le succès de l’opération « Mon journal offert ». Nous avons eu raison d’investir pour offrir à 200 000 jeunes âgés de dix-huit ans à vingt-quatre ans un abonnement d’un an à l’un des soixante quotidiens qui participent à cette opération.

Dans le secteur des médias, nous avons fait le choix de conforter les acteurs par un cadre juridique adapté au développement de leurs économies. Le dispositif que vous nous proposez va à l’encontre de cet objectif. Il gênerait la vie des entreprises sans apporter de réelles avancées en termes d’indépendance, car il faut le rappeler ici : la première des garanties d’indépendance des médias, c’est un bilan sain et un compte de résultat positif.

Votre proposition de loi est donc idéologique et, pour tout dire, anachronique. Regardez le monde autour de vous ! Considérez nos entreprises de médias dans l’univers numérique mondialisé. Pensez-vous franchement que ceux qui les menacent le plus, ce sont des actionnaires entrepreneurs ou je ne sais quel grand patronat ressuscité pour l’occasion par une opposition en mal de programme ?

À l’heure d’internet, ce qui fait peur, c’est de voir l’ensemble de notre économie des contenus et de l’information piraté, formaté, dévalué, par le leurre d’une gratuité fondamentalement marchande.

M. David Assouline. Vous êtes réactionnaire !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Mon engagement et la politique que j’entends mener visent à préserver la valeur des biens culturels que la France produit, qu’il s’agisse de la musique, du cinéma, de la création audiovisuelle ou des livres. Il en va de même pour les expressions et les opinions que transmettent et défendent les médias.

Pour toutes ces raisons, David Assouline, je suis défavorable à la proposition de loi que vous présentez aujourd'hui, car elle ne ferait qu’affaiblir les entreprises qui participent à la vitalité du débat démocratique et à la défense de la diversité culturelle.

Je pense que, en faisant mine de lutter contre la société du spectacle, vous en faites un peu vous-même le jeu, et que cette proposition de loi n’est, à bien des égards, qu’une opération de communication qui vise à diffuser le soupçon et à décrédibiliser le Gouvernement en prétendant aider la presse et l’audiovisuel.

Mme Catherine Dumas. Très bien !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Or c’est non pas le Gouvernement que cette proposition de loi mettrait en danger, mais l’économie des médias français et leur place dans la mondialisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis Gutenberg, l’humanité n’a jamais connu une mutation aussi spectaculaire que l’avènement du Net. Ce profond bouleversement conduit les médias à des évolutions majeures, dans un monde où le flux incessant de l’information et des images n’en finit pas de s’accélérer. Les médias, omniprésents dans notre vie sociale et culturelle, constituent plus que jamais un enjeu déterminant pour les libertés, le pluralisme et la démocratie.

Réguler les concentrations dans ce secteur stratégique est une nécessité, d’autant que celles-ci ne cessent de s’accentuer, avec, de surcroît, des prises de contrôle des médias par des groupes d’intérêt complètement étrangers au monde de la presse. Ce phénomène contribue à réduire l’information à une simple marchandise au service d’actionnaires dont la seule préoccupation n’est certes pas la qualité des contenus.

Il s’agit de renouer avec la lettre et l’esprit visionnaires du programme du Conseil national de la Résistance, qui, préparant la Libération, avait pris la précaution de libérer l’information de la toute-puissance des monopoles économiques en prenant soin de la soustraire à une pensée ou à une idéologie unique. C’est d’autant plus nécessaire que la crise structurelle des médias, renforcée par la crise conjoncturelle qui touche l’ensemble de l’économie, conduit à de nouvelles poussées de restructurations et de concentrations dans le secteur des médias.

Il est vital pour la démocratie de prendre des mesures nouvelles afin de remédier à la collusion des pouvoirs médiatique, économique et politique. Ce mélange des genres contribue largement à conforter la méfiance de nos concitoyens à l’égard de la presse écrite, des chaînes de télévision ou des radios.

La vigilance démocratique conduit donc à proposer de nouveaux verrous anti-concentration afin que la pensée unique ne s’impose pas – et je sais de quoi je parle ! – dans le nécessaire débat contradictoire et que les intérêts des puissances financières ne l’emportent pas sur l’intérêt général.

On peut tout de même être inquiet. Et je relève au passage, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cher Michel Thiollière, que vous vous êtes vraiment mobilisés sur la question ! Reconnaissez que vous avez « fait très fort », ce soir !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Eh oui !

M. Ivan Renar. Je ne pense pas que l’arsenal législatif actuel soit suffisant pour réguler le secteur des médias et garantir leur pluralisme et leur indépendance. Je pense au contraire que la loi a même fâcheusement régressé, comme en atteste par exemple le fait que les présidents de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur soient désormais nommés et révoqués par le Président de la République.

Les chaînes privées, c’est un fait, sont dirigées par les amis du Président de la République, et la télévision et la radio publiques le seront dorénavant par des responsables qu’il a lui-même choisis !

Nos concitoyens ne veulent pas que le service public, qui est un bien commun, soit subordonné au pouvoir en place, quel qu’il soit. Il ne faut pas confondre télévision publique et télévision d’État. Après avoir instauré la nomination et la révocation des responsables de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur par le Président de la République, pour faire bonne mesure, on met en place une vassalité financière en remplaçant la ressource publicitaire par des crédits budgétaires aléatoires.

Le Gouvernement ne respecte même pas la parole donnée puisque les 450 millions d’euros promis pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures, pourtant gravés dans le marbre de la loi, se réduisent finalement à 415 millions d’euros !

Alors que le sous-financement de France Télévisions est chronique depuis des années, que la Cour des comptes s’inquiète à juste titre de la fragilisation du groupe public, cette mise sous tutelle économique, politique et éditoriale ne constitue-t-elle pas les prémices d’une réduction de son périmètre et d’une future privatisation de l’une de ses antennes ? On peut légitimement se poser la question.

Les médias, dans leur diversité, sont des outils extrêmement prégnants dans la vie quotidienne et intellectuelle de notre pays.

On nous dit que nous n’aurions rien à redouter de Bouygues, de Lagardère, de Bolloré, de Dassault, qui sont de petits groupes à l’échelon européen et des fourmis à l’échelle planétaire. Certes, nous assistons à la montée en puissance de groupes de télécommunication de plus en plus puissants et, avec Google, à l’avènement d’un nouveau monopole extravagant. Ce n’est pas une raison pour accepter la connivence malsaine entre ces groupes et les pouvoirs publics.

Tout citoyen éclairé ne peut tolérer l’uniformisation et l’aseptisation de l’information, lesquelles deviennent inévitables dès lors que les médias appartiennent à une poignée de groupes qui dictent ce que l’on peut dire et montrer et incitent insidieusement à l’autocensure afin de ne pas rendre la censure trop visible. Un devoir de réserve permanent en quelque sorte !

Cela dit, il est vrai que les recettes publicitaires, qui constituent un apport déterminant pour l’équilibre financier des médias, sont aujourd’hui vampirisées par internet et par les moteurs de recherche, en particulier Google news, site d’information sans journalistes qui puise gratuitement dans 5 000 sites d’information et qui ne partage que très marginalement ses gains, pourtant phénoménaux, avec les éditeurs de journaux qui lui fournissent les contenus.

En ce qui concerne Google, on peut vraiment parler de nouveau monopole et d’abus de position dominante tout à fait condamnable. Nous en avons débattu hier de façon passionnée et passionnante. D’où l’importance de légiférer tant à l’échelon national qu’à l’échelon européen afin d’assurer l’existence de médias pluriels et indépendants capables de produire une information fiable. Celle-ci ne saurait être qu’un simple copier-coller n’ayant fait l’objet d’aucune vérification et ne respectant pas les droits d’auteur.

Nous devons nous emparer résolument de ces enjeux et en faire une véritable priorité politique. Il y va de la bonne santé de la démocratie, du pluralisme des pensées et des opinions, ainsi que de la liberté d’expression et de diffusion.

Je saisis cette occasion pour saluer le dynamisme de nombre de radios associatives, aujourd’hui mises en danger par le passage au numérique, dont les coûts de diffusion sont prohibitifs Or le Gouvernement n’a rien prévu pour les aider financièrement. Le virage numérique risque de leur être fatal et ne peut que conduire à un terrible retour en arrière.

On le constate, la concentration des médias ne fait que se renforcer au détriment des petites entreprises indépendantes, qui n’ont guère les moyens d’investir pour leur indispensable modernisation. C’est particulièrement le cas pour la presse d’information à faibles ressources publicitaires et pour la presse quotidienne et hebdomadaire d’information régionale. On assiste à l’émergence de nouveaux empires et à une vague de fusions-acquisitions contraire à la diversité des titres de presse, qui disparaissent les uns après les autres, faisant reculer dangereusement le pluralisme.

Comment ne pas évoquer, enfin, la situation de l’Agence France-Presse ? Son statut, qui relève du Parlement, lui assure une véritable indépendance, ainsi qu’une solide crédibilité, et constitue une réelle garantie pour que l’Agence échappe en toutes circonstances au contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique. Ce statut lui a permis de devenir la troisième agence de presse mondiale.

Or, sous prétexte de modernisation, la direction de l’entreprise et le Gouvernement tentent de réformer ce statut et d’ouvrir le capital de l’Agence.

On ne soulignera jamais assez à quel point l’existence et l’indépendance de l’AFP, seule agence mondiale non anglo-saxonne, sont d’une importance capitale dans le paysage médiatique planétaire. Alors que la maîtrise des sources d’information est de plus en plus stratégique dans notre société, quelle chance pour notre pays de bénéficier de ce remarquable fleuron et quelle valeur ajoutée pour l’ensemble de nos médias, alors que l’information certifiée, précise, rapide et fiable devient une valeur rare ! Si le statut de l’AFP n’existait pas, il faudrait l’inventer !

Monsieur le ministre, le règne de l’argent ne fait pas bon ménage avec la liberté et le pluralisme des médias. Nous ne pouvons assister sans réagir à la prolifération d’un modèle d’information à bas coût, qui condamne le journalisme d’investigation. Pas un jour ne passe sans que de nouveaux licenciements de journalistes soient annoncés. Les journalistes et les photographes, qui sont de plus en plus précarisés, deviennent de simples variables d’ajustement, comme en témoigne l’ampleur des licenciements. La qualité de l’information et l’indépendance éditoriale sont en danger !

Au-delà de principes déontologiques exigeants, auxquels les professionnels adhèrent avec conviction, les journalistes doivent bénéficier de garanties renforcées, afin d’exercer leur métier en toute liberté. Il devient urgent que la loi consacre enfin l’indépendance des rédactions face aux pressions des groupes industriels, tout comme il est urgent de se conformer enfin à la loi et à la justice européennes, afin d’assurer la protection des sources des journalistes.

Parallèlement, il est important de former des citoyens éclairés et vigilants. Alors que la culture de l’écran, où se côtoient le pire et le meilleur, se développe chez les jeunes, l’éducation à l’image et l’appréhension critique de l’information doivent devenir une des priorités de l’éducation nationale. Hélas, nous en sommes loin ! C’est d’autant plus regrettable, que nous baignons dans une forme de présent perpétuel, qui pousse à l’amnésie généralisée, en flattant l’ignorance et la déculturation.

Je dois dire, monsieur le ministre, que le vif succès des abonnements gratuits à la presse quotidienne dans la campagne que vous menez démontre que l’imprimé n’est pas un « vieux média pour vieux » et qu’il n’y a pas de fatalité. De ce point de vue, je suis d'accord avec Umberto Eco, invité d’honneur au Louvre, quand il déclare que la lecture quotidienne du journal est la « prière laïque de l’homme moderne ».

Les défis auxquels sont confrontés les médias sont bien l’affaire de toute la société et conditionnent son avenir. Nous soutenons donc cette proposition de loi, qui vise à promouvoir des médias pluriels, indépendants des forces politiques et économiques, bref des médias au service de l’intelligence collective et de l’émancipation humaine. Au moins, ce soir, nous en aurons discuté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, comme vous le savez, la conférence des présidents avait réservé une plage de quatre heures au groupe socialiste.

Nous avons entamé l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement à quinze heures trente et nous n’avons pu débuter l’examen de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias qu’à partir de dix-huit heures cinquante, et je prie son auteur, M. David Assouline, de bien vouloir nous en excuser. Je remercie également M. le ministre de la culture et de la communication de sa patience.

Dans un souci de courtoisie, j’ai souhaité prolonger le présent débat jusqu’à vingt heures. Néanmoins, dans la mesure où la conférence des présidents n’a pas prévu de séance ce soir, je me vois obligé d’interrompre l’examen de la présente proposition de loi.

La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure, qui sera fixée lors de la prochaine conférence des présidents.

Toutefois, j’indique aux présidents de commission – cela ne s’adresse évidemment pas seulement à vous, monsieur le président de la commission de la culture – que nous devrions à l’avenir, me semble-t-il, mieux anticiper le temps nécessaire à l’examen des différents textes. En l’occurrence, nous l’avions quelque peu sous-estimé.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias
Discussion générale (suite)

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 novembre 2009 à 14 heures 30 et le soir :

1. Proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d’une entreprise du secteur public et d’une entreprise du secteur privé, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (n° 8, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 87, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 88, 2009-2010).

2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (n° 506, 2008-2009).

Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 85, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 86, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD