compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Daniel Raoul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement.

M. Didier Guillaume. En ce dimanche matin, nous mesurerons tout l’intérêt que portent nos collègues au projet de loi relatif à La Poste, en particulier Jean-Pierre Caffet, sénateur de Paris, dont c’est l’anniversaire aujourd’hui. (Sourires et applaudissements.)

M. le président. La présidence de séance adresse tous ses compliments à notre collègue Jean-Pierre Caffet !

3

Article 6 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 6

Entreprise publique La Poste et activités postales

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accelérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié, 2008-2009 ; texte de la commission n° 51 ; rapport n° 50).

Dans la discussion des articles, le Sénat va poursuivre l’examen de l’article 6.

Discussion générale
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Article 7

Article 6 (suite)

L’article 11 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 11. – Le président du conseil d’administration de La Poste est nommé par décret en Conseil des ministres après avis des commissions compétentes de chacune des assemblées. Il assure la direction générale de La Poste. »

M. le président. Au sein de l’article 6, nous en étions parvenus à l’amendement n° 412, qui, présenté par MM. Teston, Bourquin, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président du conseil d'administration de La Poste ne peut détenir en parallèle aucune autre responsabilité dans une entreprise. »

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Nous sommes tout à fait opposés au système des administrateurs croisés, par lequel des dirigeants de conseil d’administration peuvent être des mandataires sociaux dans une autre société et vice-versa.

Vous comprendrez bien que cet amendement résulte aussi de notre indignation lorsque nous apprenons que le nouveau président de GDF, M. Proglio, continue d’exercer la présidence du conseil de surveillance de Veolia en parallèle.

Ce n’est pas en nommant un vice-président de ce même conseil de surveillance que les choses vont changer.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Yannick Botrel. Il est nécessaire que le président du conseil d’administration de La Poste soit pleinement impliqué dans son mandat et qu’il ne soit pas distrait par d’autres activités que nous qualifierons poliment d’annexes.

M. Roland Courteau. Effectivement !

M. Yannick Botrel. Il s’agit d’une fonction exigeante, exigeante en temps, exigeante en énergie et en convictions.

Nous demandons que La Poste ait un mode de gouvernance irréprochable, moderne et transparent.

Bien entendu cet amendement pourrait être rectifié, car nous pourrions étendre cette proposition à l’ensemble des membres du conseil d’administration.

M. Nicolas About. Ça, c’est violent ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Ma réponse sera identique à celle que j’ai faite hier soir. Ce débat, extérieur à La Poste, même s’il peut la concerner, a vocation à être réglé dans un autre cadre.

Il est souhaitable que le président de La Poste se consacre entièrement à sa tâche. Pour autant, cette question ne concerne pas seulement cette entreprise – vous le savez bien, mes chers collègues du groupe socialiste, puisque vous avez abordé à plusieurs reprises ce sujet – et n’a pas vocation à être réglée exclusivement pour le président de La Poste.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En France, aujourd’hui, une entreprise publique peut bel et bien, même si les trois quarts de son capital demeurent détenus par l’État, être confiée à un P-DG issu du secteur privé alors même que celui-ci continue d’y exercer des responsabilités.

De plus, La Poste compte également quatre directeurs généraux des secteurs courrier, colis, banque et enseigne, parfois nantis d’une autre fonction.

Ainsi, les directeurs du courrier, des colis et de la banque sont également à la tête de chacune des holdings Sofipost, GeoPost et La Banque Postale, qui chapeautent les filiales dédiées.

Cela leur donne naturellement deux éléments de rémunération : un traitement de haut fonctionnaire et un salaire de dirigeant d’entreprise.

Nous considérons que cette situation n’est pas admissible. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. À plusieurs reprises, au cours des débats, M. le ministre et M. le rapporteur ont affirmé que La Poste conservera un caractère public, y compris lorsqu’elle sera devenue une société anonyme. Pour notre part, nous avons eu maintes fois l’occasion de dire que nous ne partagions pas ce point de vue.

Se pose alors la question de la gouvernance de La Poste, qui est centrale. Les précédents dont nous avons fait état voilà un instant apparaissent pour le moins fâcheux. C’est pourquoi nous tenons instamment à ce que, compte tenu du caractère public de La Poste, il n’y ait aucune confusion des genres dans son mode de gouvernance.

Quelle sera la crédibilité, tant auprès des personnels que des partenaires de La Poste, d’un président qui exercerait des mandats dans d’autres établissements ? Pour nous, quelles que soient les explications, quelque peu succinctes, de M. le rapporteur, il n’y a pas de doute, le futur président de La Poste devra consacrer tout son temps à son seul mandat, qui ne manquera pas de l’accaparer dans la période qui vient.

Je le répète, puisque le Gouvernement soutient que La Poste conservera son statut public, nous devons aller jusqu’au bout de ce raisonnement et contraindre son président à n’exercer que ce mandat.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 412.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le Bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. Nicolas About. EDF et Veolia, cela commence à faire beaucoup ! Même si, finalement, cet amendement n’est pas retenu par la commission mixte paritaire, nous aurons au moins adressé un signal !

M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Après l'article 11 de la même loi, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. - Les fonctions définies à l'article 11 ci-dessus sont exclusives de toute autre fonction de direction d'une entreprise publique ou d'un établissement public. »

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Monsieur le ministre, vous vous êtes senti obligé de rédiger un article, l’article 6 du projet de loi, disposant que le président du conseil d’administration de La Poste est nommé par décret en Conseil des ministres, dans la mesure où il reste encore des fonctionnaires dans cette société anonyme. Ce ne sera d’ailleurs plus le cas très longtemps puisque vous avez décidé de ne plus en recruter, sauf, donc, le président, dont l’embauche sera la première à caractère public pour l’entreprise depuis 2001.

Pour éviter ces dérives, grâce auxquelles certains grands patrons réussissent parfois à doubler et même à tripler leurs rémunérations, cependant que l’ensemble des salariés voit les leurs stagner, nous proposons d’amender cet article 6 afin d’imposer le respect d’un minimum de règles déontologiques. À l’heure où certains souhaitent moraliser la vie économique et politique, il est temps de poser un acte concret.

C’est la raison pour laquelle nous vous appelons à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, comme elle l’avait fait sur le précédent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. En effet, l’amendement n° 243 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Articles additionnels après l'article 7

Article 7

L’article 29-4 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 29-4. – À compter du 1er janvier 2010, les corps de fonctionnaires de La Poste sont rattachés à la société anonyme La Poste et placés sous l’autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Ce dernier peut déléguer ses pouvoirs de nomination et de gestion et en autoriser la subdélégation dans les conditions de forme, de procédure et de délai déterminées par décret en Conseil d’État.

« Le président de La Poste peut instituer des primes et indemnités propres aux fonctionnaires de La Poste, qui peuvent être modulées pour tenir compte de l’évolution des autres éléments de la rémunération des fonctionnaires tels qu’ils résultent de l’article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

« Les personnels fonctionnaires de La Poste demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi. »

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la transformation de La Poste, d’un établissement public industriel et commercial en une société anonyme, aurait, nous en sommes persuadés, des conséquences très négatives sur le travail au sens large au sein de l’entreprise et ses répercussions toucheraient le quotidien de ses salariés dans tous ses aspects.

Qu’il s’agisse du maintien des emplois actuels, des futures embauches ou des conditions de travail des salariés, tout nous porte à croire que la casse en matière salariale serait particulièrement lourde, profonde et durable.

Pour nous en convaincre, il n’est qu’à voir ce qui se passe en matière salariale dans d’autres sociétés qui furent également publiques, et qui furent également des EPIC. Le premier exemple qui vient à l’esprit est celui de France Télécom, entreprise avec laquelle il nous paraît inévitable de faire un parallèle.

Pour mémoire, en 1996, France Télécom passe du statut d’EPIC à celui de société anonyme, avec l’État français comme seul actionnaire. En 1997, l’entreprise ouvre son capital et devient une société cotée sur les marchés boursiers. En 2004, l’État français cède une grande partie de ses actions et l’entreprise France Télécom devient une entreprise privée. Il aura suffi de huit ans pour assister à la privatisation de France Télécom. Je vous épargne l’historique d’EDF, puisqu’il est sensiblement le même.

Pour nous, une question nous intéresse ici : les actuels salariés de La Poste verront-ils leur situation s’améliorer du fait de ce passage en société anonyme ? Plus concrètement, que faut-il penser des facultés de délégation et de subdélégation accordées par cet article au président de La Poste et du pouvoir qui lui serait donné d’instituer des primes et indemnités individuelles ?

Qui pourrait sérieusement soutenir que ce passage en société anonyme se traduira par un mieux-être au travail pour les salariés ? Ce n’est pas l’attribution de quelques actions aux personnels de La Poste qui y changera quoi que ce soit.

Une réforme structurelle s’accompagne nécessairement de changements dans les conditions de travail. Pour le personnel de La Poste, ce sera un pas de plus vers le règne sans partage de la sélection, de l’évaluation individuelle, de la pression quotidienne, de la sacro-sainte compétitivité, de la mobilité forcée, du stress au travail, et la liste n’est pas exhaustive.

Mais revenons brièvement sur l’état des lieux actuel de la situation salariale au sein de La Poste.

La Poste représente aujourd’hui, tous métiers confondus, 287 000 salariés, dont 142 000 fonctionnaires et 145 000 salariés de droit privé dits « contractuels », embauchés en CDI ou en CDD. La Poste, c’est aussi plus de 200 filiales en France et à l’étranger. Il existe donc une très grande diversité : diversité des métiers, mais aussi disparité des situations juridiques des salariés.

Cette hétérogénéité s’explique certes par l’histoire de l’entreprise, mais elle est aussi la conséquence de choix délibérés des pouvoirs publics et des dirigeants de La Poste : aller lentement mais sûrement vers des sociétés commerciales éclatées.

Pour réformer, il fallait démanteler. Aujourd’hui, La Poste compte des agents fonctionnaires, mais c’est une espèce en « voie de disparition », si je puis m’exprimer ainsi. Ceux qui, en 1993, ont fait le choix de demeurer fonctionnaires en paient tous les jours le prix, notamment dans leur carrière qui, pour certains, est entièrement bloquée depuis plus de seize ans. Ces agents sont, selon la terminologie officielle, des « reclassés ». Ils ne sont plus tout à fait des fonctionnaires, ils sont plutôt fonctionnaires uniquement attachés à cette entreprise.

Certains salariés ayant choisi de devenir des salariés de droit privé ont été « reclassifiés ». D’autres, enfin, ont été directement engagés comme contractuels de droit privé. Les salariés de ces deux dernières catégories ne sont pas tout à fait des salariés de droit privé, car ils n’en ont pas tous les droits : pas de représentants du personnel, pas de comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de CHSCT.

Ce qui est incontestable, c’est que, toutes catégories confondues, aucun d’entre eux ne bénéficie de l’ensemble des garanties dont jouissent soit les agents de droit public, soit les salariés de droit privé. Ce ne sont pas des salariés à part entière, ce sont des salariés entièrement à part.

Le passage de La Poste en société anonyme ne fera qu’aggraver ces inégalités. On ajoutera un étage supplémentaire au sommet de cet escalier juridique. Le pouvoir de délégation et de subdélégation accordé au président de La Poste en est un très bon exemple. N’oublions pas que, sur le papier, La Poste peut encore recruter des fonctionnaires. Aussi, de délégation en délégation, un simple responsable d’unité, salarié de droit privé, va se voir accorder le droit, le pouvoir de nommer des fonctionnaires et d’accorder primes et indemnités. On voit bien qu’il s’agit d’une usine à gaz.

Aujourd’hui, sous le prétexte d’ouvrir son capital et d’assurer sa pérennité, on veut nous faire accepter l’idée d’une société anonyme de droit public. Cependant, le but réellement recherché est la suppression d’emplois : compression de personnels et rentabilité maximale.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 7 du projet de loi sur le changement de statut de La Poste.

M. le président. Sur l’article 7, je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 67 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 299 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 496 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 67.

M. Jean-François Voguet. Par cet amendement, nous nous opposons fermement au changement de statut juridique de La Poste en raison des conséquences qu’il aurait sur ses personnels.

La transformation de La Poste, d’un établissement public industriel et commercial en une société anonyme, aurait, n’en doutons pas, des conséquences très graves sur le travail au sens large au sein de l’entreprise.

Une réforme structurelle s’accompagne nécessairement de changements dans les conditions de travail des salariés. Les dispositions contenues dans l’article 7 se traduiraient inéluctablement par une aggravation de la situation des personnels de La Poste.

Concrètement, le passage en société anonyme, c’est la concentration des pouvoirs entre les mains d’un homme, à savoir son président. Les directeurs généraux sont totalement évincés. Cet homme pourra, comme il le veut, nommer, révoquer, sanctionner, muter, accorder des primes sans aucun contre-pouvoir. C’est la logique de la société commerciale.

Concrètement, l’article 7 vise à conférer au président de La Poste des facultés de délégation et de subdélégation. Comme nous l’avons déjà dit, cela pourrait avoir pour conséquence de permettre à un salarié de droit privé de nommer un fonctionnaire. Une telle pratique est juridiquement contestable et nécessite que soient réunies des conditions précises et cumulatives, comme l’a rappelé l’avis du Conseil d’État du 18 novembre 1993, lorsque cette question s’est posée chez France Télécom.

Or, l’article 7 dispose simplement que cette délégation et la subdélégation seront autorisées « dans des conditions de forme, de procédure et de délai déterminées par décret en Conseil d’État ».

Concrètement, le présent projet de loi ne contient, en lui-même, aucune garantie ni aucune limitation quant à cette faculté de délégation, de fait infinie. Quand on connaît le temps mis par le Gouvernement pour adopter les décrets susvisés, on peut légitimement craindre que cette pratique ne reste longtemps hors cadre juridique.

Ce sont ces craintes et celles que nous avons déjà exposées qui nous conduisent à vous proposer le rejet de l’article 7.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 299.

Mme Marie-Christine Blandin. L’article 7 prévoit qu’à compter du 1er janvier 2010 les fonctionnaires de La Poste soient rattachés à la nouvelle société anonyme tout en conservant leur statut de fonctionnaire.

Cette proposition est complètement bancale. Je souhaite donc la suppression d’une disposition qui signifie une programmation de l’extinction des fonctionnaires.

Ce déclin de la fonction publique à La Poste a commencé il y a longtemps. Depuis 2003, on ne recrute plus de fonctionnaires. En 2002, ils représentaient les deux tiers de l’effectif de La Poste. Ils ne sont plus que 56 % aujourd’hui. Dans les filiales, la situation est encore pire : seulement 1,5 % des agents sont des fonctionnaires. C’est donc bien un modèle social que l’on veut liquider.

L’esprit du service public qui anime les fonctionnaires est empreint d’un sentiment d’appartenance, d’une culture forte, de la fierté de relever des défis dans le cadre d’une mission de service public affirmée. Je ne crois pas à la taylorisation des services. Le service public à la française, c’est notre identité, notre fierté nationale !

En France, travailler, c’est avant tout choisir sa place, participer à une histoire : l’histoire de son entreprise, d’un métier, d’une région. La Poste est une aventure humaine et collective ; c’est un fleuron du service public. Les valeurs républicaines doivent être compatibles avec les valeurs du travail dans nos grandes entreprises. Plutôt que de mettre en péril la fonction publique, réfléchissons ensemble à la construction d’entreprises publiques modernes, respectueuses des conditions de travail de leurs salariés, attentives à la qualité, soucieuses des conséquences de leurs activités sur l’environnement, à l’écoute aussi de la parole des usagers.

Ce n’est pas la multiplication des emplois précaires à La Poste qui permettra de construire de telles entreprises. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 7.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour présenter l'amendement n° 496 rectifié.

M. Claude Jeannerot. Mon intervention sera de la même tonalité et s’inspirera des mêmes analyses que celles des orateurs qui m’ont précédé.

L’article 7 prévoit qu’à compter du 1er janvier 2010 les fonctionnaires de La Poste seront rattachés à la nouvelle société anonyme tout en conservant leur statut de fonctionnaire.

Cet article est cohérent avec votre démarche, monsieur le rapporteur. Si le changement de statut ne semble pas avoir de conséquence directe sur le statut des fonctionnaires, nous savons que ce projet de loi accélérera les risques de pertes d’emploi.

Depuis 2003, je le rappelle, La Poste a déjà perdu plus de 20 000 emplois. La part des fonctionnaires décroît de manière continue et régulière avec le non-remplacement d’un départ sur deux, en moyenne, dans les autres corps.

En outre, les syndicats avancent la suppression d’environ 6 000 emplois par an au sein du groupe. Il suffit de regarder ce qui se passe en Europe, à l’extérieur de nos frontières, pour constater que le mouvement de libéralisation du marché postal a eu partout de lourdes conséquences en termes d’emploi. En Allemagne, entre 1999 et 2006, la Deutsche Post a supprimé 21 000 emplois à temps plein et 12 000 emplois à temps partiel, aux Pays-Bas, ce sont 16 000 équivalents temps plein qui ont disparu à la suite de la libéralisation du marché postal.

Ce mouvement s’accompagne par ailleurs pour les personnels, fonctionnaires ou non, d’une dégradation importante des conditions de travail, les salariés des opérateurs historiques privatisés ou des opérateurs nouveaux ne bénéficiant plus d’une protection suffisante. C’est selon cette logique, par exemple, que 27 000 facteurs et factrices hollandais sont employés sur un contrat dit de service professionnel. Ce ne sont pas des salariés. Ce sont, en quelque sorte, des prestataires de service qui sont payés uniquement en fonction du nombre d’articles délivrés.

C’est selon cette même logique que 58 % des postiers allemands exercent ce qu’on appelle des mini-emplois, dont le salaire n’excède pas, écoutez-moi bien, 500 euros par mois !

M. Roland Courteau. C’est un chiffre à méditer !

M. Claude Jeannerot. Compte tenu de ces éléments, vous le comprendrez, il est cohérent avec la position que nous défendons depuis le début de cette discussion de demander la suppression de l’article 7.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Chacun de nous est cohérent avec les principes qu’il défend.

Il est bien écrit dans le rapport que les fonctionnaires « conservent donc leurs garanties d’emploi et de retraite et leur statut n’est pas remis en cause par la transformation de La Poste en société anonyme ».

La Poste étant transformée en société anonyme, il est nécessaire de prévoir le maintien du statut des fonctionnaires. C’est l’objet de l’article 7 et c’est pourquoi la commission ne peut qu’être défavorable à sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. L’article 7 précise que les fonctionnaires restent fonctionnaires. Je comprends difficilement que l’on veuille le supprimer.

Vous avez souligné que La Poste avait perdu des emplois. C’est bien parce que nous ne souhaitons pas que La Poste en perde encore que nous voulons à la fois moderniser son statut et diversifier ses activités.

Vous savez pertinemment que, si nous ne faisons rien, le 1er janvier 2011, La Poste sera confrontée à l’ouverture à la concurrence. L’activité postale ne cessera de perdre des parts de marché, nous entraînant vers un processus catastrophique de disparition d’emplois.

Comme je l’ai précisé hier à M. Desessard, le seul fait de donner aujourd’hui à La Poste les moyens de se moderniser et de diversifier ses activités, loin de lui faire perdre des emplois, lui permettra au contraire d’en créer de nouveaux. (M. Roland Courteau s’exclame.)

En prenant position sur cet article, vous avez le choix entre une grande entreprise d’avenir créant des emplois ou un établissement menacé à cause de l’ouverture à la concurrence.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Nous venons d’avoir un débat solide sur l’avenir du personnel de La Poste. Je ne pense pas que le changement de statut de La Poste s’imposait. Nos opinions divergent sur ce point.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. C’est sûr !

M. Martial Bourquin. Ce changement a été voté, et nous le regrettons, car il ne permettra pas, d’un coup de baguette magique, de faire face à la nouvelle situation concurrentielle.

Des questions ont été posées à maintes reprises par Michel Teston, plusieurs sénateurs de gauche et nos collègues écologistes. Il faut maintenant s’interroger sur d’autres points, notamment le financement du service public. Inévitablement, EPIC ou SA, les choses ne se régleront pas toutes seules et nous aboutirons à une accélération du processus.

La situation de l’emploi de La Poste se dégrade très fortement depuis deux ans, car on a tendance à rogner sur les coûts et à précariser le personnel pour faire face à la concurrence, comme l’ont fait toutes les postes européennes.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Martial Bourquin. Avec Michel Teston, je propose que l’État prenne toute sa part dans le financement du service public et que La Poste se serve du maillage territorial pour affronter la concurrence, au lieu de le percevoir comme un handicap.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Martial Bourquin. Nous ne sommes pas convaincus par votre projet. Dans quelques mois, nous ferons le point et comprendrons qu’une orientation néolibérale peut dégrader très fortement la situation de cette grande entreprise publique, chère à tous les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Devant les dégâts d’une mondialisation sans règles autres que la concurrence, nous entendons chaque jour sur le terrain la détresse des licenciés, l’angoisse de ceux qui ont peur de perdre leur emploi, l’impossibilité de vivre normalement, de contracter un emprunt quand on n’a pas la sécurité de l’emploi, la crainte de ne pas avoir un niveau de vie décent, une fois la retraite arrivée.

Les colloques, les séminaires, les livres et les articles sont nombreux sur le sujet. Leurs auteurs ne manquent pas d’imagination pour jeter les pistes de futurs statuts où l’emploi serait associé à la sécurité quitte à ce que des rémunérations modestes soient acceptées et où, pour bénéficier de perspectives plus durables, il y aurait un droit à la formation et une possibilité de recours en cas d’abus de la hiérarchie. Ce statut existe, c’est celui des fonctionnaires !

Mon amendement ne vise pas à laisser de côté les fonctionnaires et à les écarter des futures missions de la société anonyme. Mais le choix que vous leur laissez entre une coquille en extinction sans moyens et un chaudron financé, mais prometteur de harcèlement et de perte de savoirs, est inacceptable.

Vous reprenez le schéma de la danse insupportable qu’a vécu France Télécom, celui où les impératifs de rentabilité s’imposent à un PDG soucieux de sa carrière, qui exige de ses managers des résultats plus en parts de marché qu’en qualité de service, et de ses salariés des cadences, non évaluées par des méthodes scientifiques et dont la seule variable d’ajustement est le point de rupture. Les employés « pètent les plombs ». Voilà ce qui va se produire à nouveau.

Notre amendement a pour objet de dénoncer le futur statut de La Poste et votre responsabilité en la matière Mais il est inutile de le soumettre au vote et je le retire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit également.)