Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

MM. Bernard Saugey, Jean-Paul Virapoullé.

1. Procès-verbal

2. Entreprise publique La Poste et activités postales – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Rappel au règlement

M. Guy Fischer.

Article 1er (suite)

Amendements nos 439 et 443 de M. Michel Teston. – MM. Martial Bourquin, Jean-Jacques Mirassou ; Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie ; Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Daniel Raoul, Bernard Vera. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 24 et 25 de M. Jean-Claude Danglot ; amendements identiques nos 28 de M. Jean-Claude Danglot et 445 de M. Michel Teston. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Annie David, Odette Terrade, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre, René-Pierre Signé, Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie ; Mme Béatrice Descamps, MM. Martial Bourquin, Didier Guillaume, Jean-Jacques Mirassou, François Fortassin, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. David Assouline, le président, Thierry Foucaud, Claude Bérit-Débat, Jean Bizet. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 24 ; rejet des amendements nos 25, 28 et 445.

Amendements nos 440, 448 à 451, 432 de M. Michel Teston et 12 à 19 de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Gisèle Printz, MM. David Assouline, Yannick Botrel, Roland Courteau, Claude Bérit-Débat, Thierry Foucaud, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Odette Terrade, MM. le rapporteur, le ministre, Martial Bourquin, Guy Fischer, Daniel Dubois, Alain Fouché, Yannick Botrel. – Rejet des amendements nos 440, 448 à 451, 19, 12 à 17 et, par scrutin public, de l’amendement no 18.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Questions d'actualité au Gouvernement

TAXE PROFESSIONNELLE

Mmes Marie-France Beaufils, Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

RÉACTEUR EPR

MM. Charles Revet, Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

CRISE DU SECTEUR AGRICOLE

Mme Anne-Marie Escoffier, M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

nomination du président d'edf

M. Jean Arthuis, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

situation de l'économie

MM. Jean-Pierre Bel, François Fillon, Premier ministre.

droit à l'image collective

M. Alain Vasselle, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

situation de l'emploi

M. Claude Jeannerot, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

plan cancer

M. Alain Milon, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Politique de santé

M. Yves Daudigny, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Mode d'élection des conseillers territoriaux et cumul des mandats

MM. Jean Louis Masson, Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

4. Entreprise publique La Poste et activités postales. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Article 1er (suite)

M. Michel Teston. – Retrait de l’amendement no 432.

Amendements nos 31 rectifié de M. Jean-Claude Danglot, 447, 431 de M. Michel Teston, 2 de M. Christophe-André Frassa, 567 de M. Hervé Maurey et 266 de M. Jean Desessard ; amendements identiques nos 26 de M. Jean-Claude Danglot, 265 de M. Jean Desessard et 441 rectifié de M. Michel Teston ; amendements identiques nos 27 de M. Jean-Claude Danglot, 267 de M. Jean Desessard et 433 rectifié de M. Michel Teston ; amendements nos 268 à 272 de M. Jean Desessard, 336 de M. Michel Teston et 582 de M. François Fortassin. – Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Christophe-André Frassa, Jean-Claude Merceron, Jacques Muller, Thierry Foucaud, Claude Bérit-Débat, Mme Éliane Assassi, MM. François Fortassin, Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie ; Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie ; Jean-Pierre Bel, Hugues Portelli, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean Desessard. – Retrait des amendements nos 447, 2, 431, 433 rectifié et 336 ; rejet des amendements nos 31 rectifié, 266, 26, 265, 441 rectifié, 27, 267 à 272 ; adoption de l’amendement no 567, l’amendement no 582 devenant sans objet.

Amendements identiques nos 579 de M. Bruno Retailleau et 580 de M. François Fortassin. – MM. Bruno Retailleau, François Fortassin, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Teston, Mme Bariza Khiari. – Adoption des deux amendements.

Amendements identiques nos 30 de M. Jean-Claude Danglot et 435 rectifié bis de M. Michel Teston ; amendements nos 434 de M. Michel Teston et 29 de M. Jean-Claude Danglot. – MM. Guy Fischer, Martial Bourquin, Mme Odette Terrade. – Retrait de l’amendement no 434.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

MM. le rapporteur, le ministre, Michel Billout, Mme Odette Terrade. – Rejet des amendements nos 30, 435 rectifié bis et 29.

Amendement no 442 de M. Michel Teston ; amendements identiques nos  32 de M. Jean-Claude Danglot et 437 de M. Michel Teston ; amendement no   438 de M. Michel Teston ; amendements identiques nos   34 de M. Jean-Claude Danglot et 444 de M. Michel Teston ; amendements identiques nos   33 de M. Jean-Claude Danglot et 446 rectifié bis de M. Michel Teston ; amendements identiques nos   35 de M. Jean-Claude Danglot et 275 de M. Jean Desessard ; amendement n° 36 de M. Jean-Claude Danglot. – M. Claude Bérit-Débat.

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

MM. Jean-Claude Danglot, Yves Chastan, Michel Teston, Mme Éliane Assassi, M. Roland Courteau, Mme Odette Terrade, MM. Jean-Jacques Mirassou, Michel Billout, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre, Michel Billout. – Rejet des onze amendements.

MM. Jean-Claude Danglot, Michel Teston, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Jacques Mirassou, Martial Bourquin

Adoption, par scrutin public, de l'article 1er modifié.

Articles additionnels après l’article 1er

Amendements nos 276 et 277 de M. Jean Desessard. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Claude Danglot. – Rejet des deux amendements.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

Article 2

M. Michel Teston, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Odette Terrade, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Jacques Mirassou, Pierre-Yves Collombat, Georges Patient, Claude Biwer, Martial Bourquin, Thierry Repentin, Jean-Pierre Bel.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

Amendement no 37 de M. Jean-Claude Danglot MM. Jean-Claude Danglot, le rapporteur, le ministre, Bernard Vera. – Rejet par scrutin public.

Amendement no 195 rectifié de M. Jean-Claude Danglot. – Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Odette Terrade, M. Thierry Repentin. – Rejet par scrutin public.

Amendement no 198 rectifié de M. Jean-Claude Danglot. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre, Guy Fischer. – Rejet.

Amendement nos 199 à 201 de M. Jean-Claude Danglot. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Renvoi de la suite de la discussion.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Bernard Saugey,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Rappel au règlement

Entreprise publique La Poste et activités postales

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 51, rapport n° 50).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 1er (début)

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, dans le débat pour le moins argumenté qui nous a occupés hier toute la nuit, vous avez, une fois encore, évoqué la question de la dette de La Poste en mettant en exergue son montant et en insistant sur son caractère particulièrement préoccupant.

Cela m’a troublé et empêché de dormir ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je vais essayer de vous répondre, monsieur le ministre.

Vous nous avez ainsi parlé d’une dette de 6 milliards d’euros – ce chiffre est exact – négligeant par là même quelques données de base de la comptabilité d’entreprise.

Une vraie démarche objective d’analyse comptable nécessite de citer tous les chiffres et de replacer les données dans leur contexte. La dette – au demeurant de long terme – que La Poste continue de supporter doit donc être rapportée aux autres données comptables.

Une dette de 5,6 milliards d’euros – c’est le chiffre figurant dans le rapport comptable de 2008 – comparée par exemple à un chiffre d’affaires du groupe de 21 milliards d’euros, cela n’est pas si terrible. Et par rapport à un actif de bilan de 124 milliards d’euros hors livret A, c’est encore moins.

Quand on pense que l’État encaisse 250 milliards d’euros de recettes fiscales et qu’il supporte une dette de 1 000 milliards d’euros que deux années de réformes à la cravache et de sarkozysme militant… (Exclamations sur les travées de lUMP.) ont encore accrue de 200 milliards d’euros, finalement, tout est relatif.

Comme j’ai cru comprendre que vous êtes fâché avec la comptabilité, monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que les charges d’intérêts que supporte La Poste sont de quelque 289 millions d’euros, c’est-à-dire environ 1,4 % du chiffre d’affaires

Par comparaison, la ville de Nice… (Sourires.) acquitte 13,5 millions d’euros de frais financiers pour des recettes de fonctionnement de 492 millions d’euros, soit environ 3 %, c'est-à-dire le double de ce qui est fait pour La Poste. Quand on lit les supports d’information municipale, on constate qu’on ne semble pas s’émouvoir outre mesure de cette situation !

Cela étant dit, monsieur le ministre, ce que vous nous proposez en modifiant le statut de la Poste, c’est de procéder aussi à un accroissement spectaculaire de sa dette.

Avec les 2,7 milliards d’euros que l’État et la Caisse des dépôts et consignations – encore une fois partenaire obligé – s’apprêtent à investir dans le capital de la société anonyme, c'est à un accroissement de 50 % de la dette de la Poste que vous allez vous livrer. Parce que, comptabilité pour comptabilité, un apport en capital dans une entreprise, ce n’est pas un don désintéressé, un legs charitable !

Ce n’est rien d’autre qu’une dette nouvelle que la Poste devra contracter auprès de ses actionnaires, qui en attendront légitimement un retour, un versement de dividendes.

M. Paul Blanc. C’est l’État qui va encaisser les dividendes !

M. Guy Fischer. Au demeurant, et puisque l’argument éculé des évolutions technologiques nous a été encore opposé pour expliquer la baisse de la production de services « courrier », j’apporterai quelques éléments financiers de plus sur lesquels nous reviendrons tout au long des débats.

En 2008, La Poste a versé 141 millions d’euros de dividendes à l’État, une goutte d’eau dans l’océan du déficit public né des réformes de Sarkozy.

En 2009, pour le premier semestre, malgré la contraction de l’activité courrier, La Poste est déjà prête à lui verser 103,4 millions d’euros.

Alors, une mesure législative qui consiste à accroître l’endettement de la Poste, ce n’est pas forcément une bonne idée. C’est ce que je voulais démontrer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

Après l’article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :

« Art. 1-2. – I. – La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.

« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État.

« Cette transformation n’emporte pas création d’une personne juridique nouvelle. L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. La transformation en société anonyme n’affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique. 

« II. – La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.

« Les premier et quatrième alinéas de l’article L. 225-24 du code de commerce s’appliquent en cas de vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.

« Le premier alinéa de l’article L. 228-39 du même code ne s’applique pas à la société La Poste.

« L'article L. 225-40 du même code ne s’applique pas aux conventions conclues entre l’État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »

M. le président. Au sein de l’article 1er, nous en sommes parvenus aux amendements nos 439 et 443, faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 439, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est un établissement public à caractère industriel et commercial.

La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, La Poste est aujourd’hui un EPIC. Elle est sous le contrôle de la puissance publique et bénéficie d’un statut « protecteur » : si elle n’a plus ce statut, elle n’est plus protégée.

Ce statut n’est pas le fruit du hasard et d’une quelconque volonté de soustraire La Poste au monde concurrentiel. Bien au contraire, 70 % des activités de l’entreprise publique sont d’ores et déjà soumises à la concurrence et La Poste fait face à des offres d’autres entreprises sur certains secteurs. Il semble, au regard des chiffres dont nous disposons, que l’entreprise publique ne soit pas en mauvaise posture. Au contraire, elle se situe dans un bon trio de tête dans nombre de secteurs, tout en étant pour l’heure relativement bien perçue par les usagers français, malgré la détérioration progressive du service postal.

Dès lors, mes chers collègues, l’établissement public industriel et commercial, l’EPIC, n’est en rien un statut dépassé, un statut has been, comme on dit aujourd'hui. Il ne doit pas tomber sous les coups d’une prétendue modernité. Cet EPIC, comme Michel Teston l’a démontré hier soir, peut parfaitement s’adapter aux exigences modernes, tout en plaçant au cœur de son activité les impératifs de service public que sont la continuité, l’adaptabilité et l’égalité.

Nous ne comprenons pas l’acharnement du Gouvernement à vouloir modifier le statut d’une entreprise alors que rien ne semble pouvoir le justifier dans l’état actuel des choses. Les Français ont rappelé le 3 octobre dernier leur attachement au service postal et à la nécessité de le protéger. Allez-vous les écouter ou le Parlement restera-t-il sourd à leur demande ?

Nous souhaitons que La Poste conserve son statut actuel, riche en possibilités….

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie. On l’avait compris !

M. Martial Bourquin. … pour qu’il puisse faire face à l’ouverture de la concurrence au secteur réservé. Le montage que vous proposez afin de pouvoir faire de cet EPIC une société anonyme nous semble surprenant.

M. le rapporteur ainsi que M. le ministre s’emploient à rassurer nos concitoyens en tentant de garantir que le capital sera à 100 % public. Comme il a été dit maintes fois dans cet hémicycle, une loi peut en défaire une autre.

Il est des manières de rassurer plus simples et plus efficaces. Il suffit de maintenir le statut actuel de La Poste et de travailler ensemble à sa modernisation. Personne ici ne met en cause cette nécessaire modernisation.

Le problème, c’est que nous, nous voulons garder ce statut protecteur parce que nous avons vu ce qui s’est passé pour GDF. Nous savons que pourrait être introduite la possibilité d’une privatisation. Cette privatisation ne serait peut-être pas immédiatement à l’ordre du jour, mais elle le serait très vite, dans les semaines, dans les mois, voire dans les années qui viennent.

Quelles que puissent être vos assurances, les Français ont bien trop d’exemples en tête, qu’il s’agisse d’EDF ou de GDF, pour pouvoir être convaincus uniquement par des paroles, par des élans du cœur. Ils savent que les actes finiront toujours par trahir les engagements et que cela accroîtra encore le fossé entre la représentation parlementaire et les citoyens.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bourquin !

M. Martial Bourquin. Mes chers collègues, cette défense du statut actuel de La Poste traduit la volonté de garder un grand service public postal. Il serait souhaitable que nous le fassions ensemble et que nous puissions travailler à sa modernisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, je tiens à vous faire remarquer que les afficheurs de chronomètres installés dans l’hémicycle passent au jaune trente secondes avant la fin du temps autorisé, puis au rouge quand le temps est écoulé !

M. Guy Fischer. C’est du harcèlement ! (Sourires.)

M. le président. Comme chacun a la possibilité de s’exprimer et que vous avez le souci de me faciliter la tâche, je vous demande de respecter strictement les temps de parole. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Par ailleurs, au nom de la commission de la culture, je demande à ceux d’entre vous qui sont saisis au bout de trois minutes d’un geste frénétique consistant à taper avec leur stylo, de ne plus le faire, car les cuirs des pupitres risquent d’être abîmés et il faudra les changer. (Rires sur les travées de lUMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Blanc. Il faut faire des économies !

M. le président. L'amendement n° 443, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est une personne morale de droit public désignée sous l'appellation d'exploitant public.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, je vais essayer de ne pas me retrouver dans le rouge !

Comme cela a été dit à de nombreuses reprises, La Poste est très fortement liée à notre conception de la République. C’est le service public que nos concitoyens apprécient le plus.

M. Jean-Jacques Mirassou. Quelles que soient les difficultés actuelles, nous devons tenir compte de l’histoire de notre pays, qui repose sur la construction méthodique et pertinente des services publics, singulièrement depuis 1945.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Celle-ci montre que le secteur public et en son sein les entreprises publiques ont été un facteur déterminant de l’essor économique et social de notre pays et de l’exercice de la démocratie dans plusieurs dimensions, je pense aux transports, à l’énergie, aux communications et à la santé.

Le secteur public, même affaibli à cause des attaques subies, demeure un atout que les sénateurs socialistes défendront en toute circonstance.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou. L’expérience des privatisations, en France comme dans d’autres pays, montre que celles-ci s’accompagnent systématiquement de restrictions et d’inégalités pour la population dans son ensemble et d’un recul pour une majorité de salariés des entreprises concernées. Ce sont toujours in fine les usagers les grands perdants de ces privatisations !

Certes, on le sait, dans un premier temps, la concurrence entraîne la baisse les prix, mais, rapidement, les usagers déchantent. En vertu d’accords passés entre les principaux acteurs du marché dans des conditions qui ne sont pas toujours très claires, se développe un monopole qui maintient des tarifs élevés. Les récentes privatisations du gaz ou, plus simplement, des renseignements téléphoniques en sont le meilleur exemple. Chacun a pu le mesurer.

Pour l’avenir, les privatisations privent les pouvoirs publics des moyens d’intervention dans un contexte de mondialisation des mouvements de capitaux et de marchandises. L’exemple des États-Unis, qui mobilisent aujourd'hui massivement leurs moyens étatiques au service de stratégies industrielles et financières, souligne pourtant l’importance de posséder de puissants leviers d’action.

Enfin, les mutations technologiques en cours devraient ouvrir la voie à plus de solidarités entre les peuples. Cela implique des relations fondées sur des critères autres que le profit et la rentabilité.

Pour toutes ces raisons, La Poste doit rester un exploitant public. Le changement de statut n’a aucune raison d’être !

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Roland Courteau. Quel talent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. L’amendement n° 439 vise à maintenir le caractère d’établissement public à caractère industriel et commercial de La Poste, qui ne lui permet pourtant plus d’assurer son développement. Nous en avons déjà largement débattu, la commission approuve le changement de statut de l’entreprise en société anonyme avec des capitaux 100 % publics.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 443, qui a le même objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 439.

M. Daniel Raoul. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, on nous avance l’argument selon lequel la seule façon d’augmenter les fonds propres de l’entreprise La Poste, sans encourir les foudres de Bruxelles, serait de procéder à une recapitalisation – c’est bien de cela qu’il s’agit ici ! –, en lui conférant le statut de société anonyme. Permettez-moi de vous dire tout mon étonnement.

Comment soutenir un tel raisonnement, alors que le Gouvernement a aidé les banques à hauteur de plusieurs milliards d’euros ? La Grande-Bretagne vient d’ailleurs également d’injecter 50 milliards d’euros dans ses banques pour les sauver.

Rien qu’en remboursant les dettes réelles qu’il doit depuis des années à l’EPIC pour ses missions de service public, l’État aurait pu lui donner les moyens d’assurer son développement et sa survie,…

M. Daniel Raoul. … et il n’aurait pas été nécessaire aujourd'hui de faire cet appel de fonds supplémentaires ! Je vous le dis franchement, avant il aurait fallu mettre les compteurs à zéro.

Lorsque nous parlons du financement de l’EPIC, vous agitez toujours, monsieur le ministre, le spectre de Bruxelles ! Mais alors, comment avez-vous pu financer un certain nombre d’établissements, notamment les banques ? Quelle différence y-a-t-il entre une SA, qui est, théoriquement, une entreprise à capitaux privés, dans laquelle on injecterait des fonds publics, et un EPIC, à qui l’État ne ferait que rembourser ses dettes ! Voilà une distinction qui m’échappe ! À moins que vous ne nous donniez pas les vraies raisons pour lesquelles vous voulez faire passer La Poste du statut d’EPIC à celui de SA !

M. Roland Courteau. C’est plutôt cela !

M. Daniel Raoul. Ayez le courage d’assumer vos choix stratégiques !

J’ose imaginer que vous êtes au-dessus des questions de gouvernance et de rémunération évoquées hier par mon collègue Jean Desessard ! Et j’espère que vous avez une stratégie réelle pour cet établissement public et ses missions de service public national.

Monsieur le ministre, quand allez-vous nous fournir les vraies raisons qui guident votre décision ? Vous vous réfugiez derrière de faux alibis. Je vous demande instamment de nous livrer votre stratégie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Conserver le statut de La Poste et ses missions de service public : tel est le résultat de la votation citoyenne, qui s’est exprimée avec force, dans l’Essonne, avec plus de 47 000 votes …

M. Alain Gournac. Au minimum !

M. Bernard Vera. C’est la vérité, monsieur Gournac !

… répertoriés dans 235 bureaux de vote dans 78 communes !

Cependant, le Gouvernement reste déterminé à faire adopter le projet de loi visant à modifier le statut de La Poste, …

M. Bernard Vera. … qui est, sans conteste, le prélude à sa privatisation. Notre mobilisation se poursuit donc dans nos départements et dans cet hémicycle pour préserver ce service public de proximité.

Aujourd’hui, La Poste est soumise à des missions d’intérêt général, qui assurent une qualité de service et une accessibilité des services à un tarif unique sur l’ensemble du territoire, garantissant ainsi l’égalité de traitement des citoyens. Cette entreprise constitue aussi un lien social et un moyen de lutter contre la désertification rurale. Le projet du Gouvernement menace directement ce rôle, auquel est pourtant attachée la population.

Le 20 octobre 2009, les sénateurs du groupe CRC-SPG, associés à ceux du groupe socialiste et du RDSE, ont tenu, au Sénat, une conférence de presse au cours de laquelle ils ont renouvelé leur demande d’organiser un référendum sur l’avenir du service public postal et ont déposé une motion référendaire en ce sens.

Chacun d’entre nous devra prendre ses responsabilités à l’égard des habitants de notre pays profondément attachés à leur bureau de poste et leur expliquer pourquoi, pour des questions de rentabilité, leur bureau de poste a été fermé, puisque cette politique est malheureusement déjà en œuvre depuis quelques années.

Dans le département de l’Essonne, la situation est caractéristique : en 2004, nous comptions 84 bureaux de poste de plein exercice, contre 45 en 2009. Combien en restera-t-il après l’ouverture du capital de La Poste à des capitaux privés, soucieux d’augmenter leurs dividendes en diminuant toujours davantage l’offre de service public ?

Depuis 1997, ce sont 250 emplois qui ont disparu dans le département que j’administre ! La fermeture du centre de tri de Bondoufle est prévue à l’horizon 2011. Ce sont entre 400 et 450 personnes qui sont concernées par la réorganisation complète de la distribution, qui s’accompagnera bien évidemment d’un plan de suppression de postes.

Les enjeux sont de taille, aussi bien pour les usagers de La Poste que pour les personnels. L’État devrait plutôt s’engager à donner à cette entreprise publique les moyens de poursuivre ses missions de service public au lieu de l’abandonner au secteur privé et à ses intérêts concurrentiels.

La parole de nos concitoyens ne peut pas être confisquée plus longtemps par le Gouvernement. Nous demandons simplement de ne pas changer le statut de La Poste et continuerons d’exiger la tenue d’un référendum sur ce service public. C’est pourquoi nous soutenons l’amendement n° 439.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Dans mon argumentation, j’ai essayé tout à l'heure de faire valoir les liens prégnants qui existaient entre la République et son service public.

En dépit de toutes les assurances qui sont apportées, vous n’arrivez finalement pas à nous convaincre qu’une société anonyme peut être représentative du service public, et donc de la République elle-même.

Monsieur le ministre, en nous expliquant hier que La Poste avait besoin d’être recapitalisée pour affronter les défis qui l’attendent, singulièrement pour ce qui concerne les nouveaux moyens de communication, vous avez d’ailleurs vous-même également constaté que le courrier était en chute libre dans ce pays. Pourtant, vos propos ont laissé penser que vous faisiez l’impasse sur cette activité. Or, comme cela vient d’être souligné à l’instant, l’acheminement du courrier préoccupe, au jour le jour, l’ensemble de nos concitoyens, qui, du reste, appartiennent souvent aux strates sociales les plus défavorisées.

C’est la raison pour laquelle on assiste, réunion après réunion, dans les conseils municipaux et généraux, au vote de motions ou de vœux réclamant la non-fermeture de tel ou tel bureau de poste de plein exercice.

J’ai eu l’occasion de le souligner en commission, nous nous préoccupons du fait que le facteur au volant de sa fameuse camionnette jaune constitue, au quotidien, pour bien des personnes habitant dans des villages éloignés, notamment les personnes âgées, un lien social.

En dépit des explications quelque peu lapidaires qui nous ont été données, non seulement nous maintenons l’amendement n° 439, mais nous invitons tous nos collègues à le voter. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 439.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement s’inscrit dans la logique d’ensemble de nos remarques, car nous doutons de la volonté du Gouvernement et du Président de la République de préserver durablement les fonctions et les missions de La Poste au service du public, les territoires où cette entreprise est encore implantée et les personnels qui animent cette institution fortement ancrée dans notre identité nationale.

Ce projet de changement de statut s’inscrit dans le droit-fil d’une ouverture à la concurrence qui est clairement inscrite dans l’article 129 B du traité de Maastricht et est un élément structurant du libéralisme que l’on veut nous imposer.

En proposant de supprimer cet article, nous avons conscience de gêner la privatisation de La Poste à moyen terme. Nous assumons clairement notre position afin que demain – ou un peu plus tard – personne ne puisse dire dans cette assemblée : « Nous ne savions pas ! » ou encore « Nous ne pouvions pas imaginer les conséquences de cette loi ! »

Dans ce projet de loi, malgré les précautions de rédaction et les nombreuses justifications qui ont été apportées, aucun argument sérieux et vérifiable n’est avancé pour garantir le maintien d’un service public postal et le développement de ce dernier pour mieux s’adapter aux enjeux de notre époque.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement a pour objet – nous le revendiquons – de vider l’article 1er du projet de loi de son contenu principal, à savoir privatiser La Poste.

L’alinéa 1 de cet article ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. Reconnaissons d’ailleurs au rédacteur du projet de loi de ne pas avoir cherché à dissimuler ses intentions, quand bien même M. le ministre ne lit pas ce qui est écrit noir sur blanc : « La personne morale de droit public La Poste est transformée […] en une société anonyme dénommée La Poste. »

Monsieur le président, mes chers collègues, la volonté qui préside à ce projet de loi est limpide et l’objet « société anonyme » contient dans sa formulation même ce qui fait les délices des libéraux !

Le deuxième alinéa nous informe sur le caractère public de l’actionnariat ; nous reviendrons sur les raisons qui ont prévalu pour ces précautions épistolaires. Notons seulement que nous ne sommes ni rassurés, ni satisfaits par une telle formulation, pour de multiples raisons.

Rien n’indique que les « autres personnes morales de droit public » qui seraient associées au capital de la société anonyme dénommée La Poste y entreraient pour exercer un mandat pérenne, avec comme objectif le développement des missions publiques du service postal.

L’expérience nous apprend que les entreprises publiques qui se positionnent face à une concurrence privée sur des marchés finissent toujours par utiliser les mêmes armes que les sociétés privées.

Est-ce à dire, comme on l’entend généralement sur les travées réservées au groupe UMP, que c’est bien la preuve de la supériorité du marché et que le public n’a plus qu’à disparaître ?

Nous ne sommes pas d’accord avec cet « adage » libéral. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Les amendements nos 28 et 445 sont identiques.

L'amendement n° 28 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 445 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 28.

Mme Odette Terrade. En cohérence, avec nos interventions précédentes, l’amendement n° 28 vise à supprimer le deuxième alinéa de l’article 1er, qui constitue le cœur de ce projet de loi en transformant La Poste en société anonyme à compter du 1er janvier prochain, soit un an avant l’ouverture totale à la concurrence des activités postales.

Ce processus est maintenant engagé depuis de nombreux mois, puisque, à l’automne dernier, le Président de la République a demandé à la commission Ailleret de faire des propositions concernant le statut de La Poste. Elle a donc suggéré la transformation de cette dernière en société anonyme, tout en précisant bien que cette société serait détenue à 100 % par des personnes publiques. C’est déjà un progrès par rapport à ce qui était annoncé au départ, à savoir une simple mise en bourse de ce « joyau de la République » !

Mais ces précautions oratoires n’ont, malheureusement pour le Gouvernement, pas suffi à convaincre les 2 300 000 personnes qui se sont déplacées le 3 octobre dernier pour lui faire entendre leur refus du changement de statut de La Poste.

Il faut dire que les citoyens sont de plus en plus exaspérés par les formules prononcées par votre majorité ainsi que par les promesses non tenues.

Je vous rappelle que GDF a été privatisé, alors que Nicolas Sarkozy affirmait qu’il n’en serait jamais ainsi. Il en a été de même pour France Télécom !

Lors de l’organisation de la votation citoyenne, nous avons eu l’occasion de discuter avec des personnes travaillant depuis de nombreuses années à France Télécom. Elles nous ont affirmé qu’elles ne voulaient pas que leurs collègues de La Poste vivent la même dégradation des conditions de travail, et que cela justifiait à leurs yeux l’importance du vote organisé par le Comité national de défense de La Poste.

France Télécom et La Poste sont deux entreprises qui évoluent en parallèle. Il est donc particulièrement important de regarder ce qui se passe chez France Télécom avant de nous prononcer sur La Poste.

Dès à présent, nous pouvons tirer des conclusions sur l’opportunité de la privatisation de La Poste.

Nous savons maintenant que l’intérêt d’un développement à l’international est limité, puisqu’il est facteur de pertes financières extrêmement lourdes.

Nous savons également que, dans une entreprise privée, la pression liée à l’objectif d’une rentabilité toujours plus grande a des conséquences dramatiques sur les personnels.

Pour finir, nous savons également que l’entrée de nouveaux opérateurs ne s’est pas faite au bénéfice des usagers, puisque France Télécom et les autres se sont entendus sur des tarifs élevés.

Est-ce cela que vous voulez pour La Poste ? Est-ce cela la modernité que vous appelez de vos vœux ?

Nous vous invitons une nouvelle fois à la lucidité. C’est pour garantir un service public de qualité produit par des agents performants qu’il ne faut pas transformer l’EPIC en société anonyme.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 445.

M. Roland Courteau. Avec cet amendement, qui complète les trois précédents de nos collègues, nous proposons de supprimer le deuxième alinéa de l’article 1er.

Cet alinéa dispose que la personne morale de droit public, La Poste, est transformée, à compter du 1er janvier 2010, en une société anonyme dénommée La Poste.

Nous sommes là « au cœur du cœur » de ce projet de loi ! À plusieurs reprises, je me suis longuement exprimé sur ce changement de statut que j’ai qualifié de dogmatique et qui ouvre toutes grandes les portes vers une prochaine privatisation.

Ce changement de statut est dogmatique, car, comme nous l’avons démontré à de multiples reprises, il n’est justifié ni par l’Europe, ni par des questions de financement.

Reconnaissez que, si l’on change de statut, c’est bien pour modifier la propriété. En fait, il s’agit là d’une dépossession du bien commun du plus grand nombre de Français, comme l’a d’ailleurs souligné hier notre collègue Daniel Raoul, qui est notre grand spécialiste.

Je sais bien que le sort de La Poste est décidé et ficelé depuis longtemps, la commission Ailleret n’ayant eu pour seule utilité que d’entériner les choix actés ailleurs. Mais, oui, nous nous opposons à cette transformation du statut de La Poste, car nous savons que cela va conduire à la privatisation et que toute privatisation mène inéluctablement à une recherche du profit maximal pour les actionnaires au détriment des missions de service public.

Voilà la vérité que doivent connaître les Français ! Ce ne sont pas les faux remparts que vous érigez qui stopperont le processus engagé ou qui feront croire qu’ils sont susceptibles d’y parvenir. Personne n’est dupe et personne ne vous croit !

Voilà les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer le deuxième alinéa et voulons conserver le statut actuel, lequel est réellement protecteur pour les missions de service public et tout à fait adapté pour affronter la concurrence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Comme je l’ai indiqué précédemment, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a approuvé le changement de statut. Par conséquent, elle ne peut qu’être défavorable à l’amendement 24.

Elle est également défavorable à l’amendement n° 25, qui vise à supprimer l’alinéa d’introduction de l’article 1er, lequel insère un nouvel article 1-2 dans la loi du 2 juillet 1990, car, sans cette disposition, les alinéas suivants perdraient leur point d’ancrage.

Enfin, elle est également défavorable aux amendements identiques nos 28 et 445, qui visent à s’opposer à la transformation de La Poste en société anonyme dont votre commission approuve le principe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 24.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il nous semble nécessaire de revenir de manière plus explicite sur les fausses raisons avancées dans ce projet de loi pour organiser ultérieurement une vraie privatisation de La Poste !

Certes, de nombreux experts, ou désignés comme tels, ont produit des études, des analyses ou des rapports en tout genre. Nous ne contesterons pas la qualité de cette élite qui s’est « spontanément » mise à votre disposition pour changer le statut de « notre Poste », afin de moderniser celle-ci.

Je rappellerai simplement qu’une votation citoyenne organisée avec beaucoup de sérieux dans des conditions particulièrement difficiles, sans aucun support institutionnel, ni médiatique, a clairement rejeté votre projet de privatisation déguisée de ce service public de proximité.

Celui-ci est souvent le dernier qui subsiste dans les communes ou sur le territoire de nos concitoyens. En effet, vous avez déjà supprimé des gendarmeries, des commissariats, des perceptions, des subdivisions de l’équipement, des tribunaux, etc.

Supprimer un bureau de poste n’est pas si simple ! Il fallait bien trouver d’autres arguments ! Progressivement, vous avez donc réduit les services rendus aux usagers, limitant les heures d’ouverture des bureaux de poste : suppression de quelques heures d’ouverture ici ou là, suppression de postes de personnels fonctionnaires par le non-remplacement des départs en retraite, embauche de personnels contractuels corvéables et « licenciables ».

Vous proposez désormais le service minimum postal aux maires, en leur offrant, pour l’instant, quelques compensations financières. Mais les bureaux de plein exercice disparaissent les uns après les autres. Si nous comptons toujours environ 17000 « points de contact », moins de 11 000 sont encore des bureaux de poste et seule une minorité d’entre eux offre la totalité des services postaux. La tendance est depuis plusieurs années à la baisse : en 2007, l’opérateur public a perdu plus de 600 bureaux de poste, 25 000 emplois ont été supprimés depuis 2001 et la précarité s’étend.

La logique fondamentale de ce processus de privatisation, que vous dissimulez par des arguments généreux, constitue le fil conducteur de ce projet de réforme.

Avec ce projet de loi, vous faites le choix d’offrir un cadre légal à la privatisation, en ayant pour objectif non seulement d’aller plus vite, mais aussi de rationnaliser votre entreprise de destruction.

Les conclusions de la commission Ailleret nous éclairent sur les objectifs réels de ce changement de statut. Elles affirment sans ambiguïté qu’en transformant La « Poste » en société anonyme il s’agit en fait de diminuer les surcoûts liés aux missions de service public, notamment en termes d’aménagement du territoire.

L’État souhaite donc, pour atteindre les fameux « équilibres financiers » dont il a fait sa doctrine, une économie sur ses missions de service public ! Comment ne pas rappeler, dans ce contexte, que l’État doit déjà un milliard d’euros par an à La Poste, au titre de ces fameux surcoûts liés aux missions de service public ?

Les marges d’action de l’État existent pour sauver l’établissement public ; il suffit de rembourser les sommes qu’il doit à l’opérateur public.

Afin que La Poste demeure un grand service public répondant aux attentes et aux besoins de nos concitoyens, nous proposons des solutions concrètes, des solutions fondées sur la satisfaction de tous les besoins fondamentaux exprimés par les particuliers comme par les entreprises, et plus particulièrement les PME et les artisans, sur le rapprochement du service public postal des besoins de la collectivité nationale et sur l’ouverture et la démocratisation de sa gestion.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote sur l'amendement n° 24.

M. René-Pierre Signé. Je voudrais revenir sur la suppression des agences postales, car je m’étonne de cette autodestruction de La Poste.

Les bureaux de poste sont maintenant installés dans les grandes surfaces de type Carrefour. Le directeur départemental de la Nièvre s’est d’ailleurs réjoui de constater que c’était le bureau établi à Carrefour qui fonctionnait le mieux !

Parallèlement à l’installation de bureaux de poste dans les magasins où les gens qui viennent faire leurs courses profitent bien évidemment de ce service, on « déshabille » de fait les zones rurales de leurs agences postales communales.

De plus, comme on réduit les heures d’ouverture de ces agences, comment voulez-vous qu’elles restent rentables ? On a alors beau jeu de raconter ensuite qu’elles subissent un déficit évident, car elles n’encaissent plus, en une matinée, qu’une trentaine d’euros de recettes !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, permettez-moi de répondre à notre collègue René-Pierre Signé.

Les agences postales en place sont dans les mairies.

M. René-Pierre Signé. Pas seulement !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Si, mon cher collègue, une agence postale communale est toujours installée dans les locaux de la mairie, et sa présence ne peut être remise en cause, car elle a été décidée par contrat. Dans les grandes surfaces, ce ne sont que des points Poste.

C’est la raison pour laquelle j’encourage les maires qui rencontrent des difficultés pour maintenir un bureau de poste sur leur territoire à signer un contrat pour l’ouverture d’une agence postale communale.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. En zone de revitalisation rurale, La Poste verse aux communes qui mettent en place une agence postale communale une indemnité compensatrice mensuelle d’environ 930 euros par mois, ...

Mme Annie David. Mais pendant combien de temps ?

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. ... dans le cadre d’un contrat signé pour une période de quinze ans renouvelable.

De plus, installer une agence postale communale, c’est aussi contribuer à développer les maisons de services publics.

Monsieur Signé, dans un département touristique comme la Nièvre, un point touristique peut même être installé à la mairie grâce à l’agence postale financée par contrat ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour explication de vote.

Mme Béatrice Descamps. Mes chers collègues, certains d’entre vous ont-ils une agence postale communale dans leur commune ? (Murmures d’approbation.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On s’est battu de longues années !

Mme Béatrice Descamps. Dans ma commune, une agence postale communale a, depuis des années, remplacé le bureau de La Poste, dont l’activité avait diminué.

Lorsque j’ai été élue maire, il y a une vingtaine d’années, le receveur des postes, qui avait un logement de fonction dans la mairie, tenait son bureau ouvert du matin au soir. Lorsqu’il est parti, le bureau de poste de ma commune est devenu dépendant de la commune voisine, qui est plus importante.

L’activité baissant, l’agence postale, qui était tenue à l’époque par des agents de La Poste, n’a bientôt plus ouvert que le matin. L’activité continuant de baisser, il a fallu choisir entre la fermeture pure et simple, la création d’une agence postale communale ou un point de contact au débit de tabac.

Le conseil municipal a opté pour une agence postale communale, qui est désormais située dans la mairie. Ses heures d’ouverture sont celles de la mairie. Comme vous, mes chers collègues, j’ai signé une convention, d’ailleurs défendue par l’Association des maires de France, qui m’assure le remboursement des trois quarts ou des quatre cinquièmes des frais restant à la charge de la commune.

M. Didier Boulaud. Quel aveu !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Écoutez-la !

Mme Béatrice Descamps. Il s’agit ici de mettre en évidence l’intérêt de ces agences postales communales.

À l’heure actuelle, les mairies des petites communes ne délivrent plus de copies conformes, de fiches d’état civil, ni même de passeports, car elles ne disposent pas des appareils de biométrie nécessaires.

Nos concitoyens ne se rendent plus à la mairie que pour demander un permis de construire – c'est-à-dire une fois dans leur vie ! – et pour acheter des tickets de cantine. Mais ils viennent, notamment les plus modestes, à l’agence postale communale pour envoyer ou récupérer un recommandé ou un colis et pour déposer ou retirer de l’argent. Aujourd’hui, nous connaissons nos administrés grâce à l’agence communale postale.

Selon moi, la pérennisation de ces agences est une excellente façon de défendre le service public. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Elles sont privées de clients !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Mais non !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je remercie ma collègue Béatrice de l’UMP d’avoir aussi bien posé le débat.

Comment passe-t-on d’un bureau de poste de plein exercice à une agence postale communale, puis à un point Poste ? C’est simple ! Il suffit de réduire l’amplitude horaire, pour ne conserver que quelques heures d’ouverture par jour. Une fois observée une baisse de la fréquentation, on envisage la création d’une agence postale communale, qui recevra une indemnité compensatrice de 9 600 euros par an. Si cette solution paraît trop onéreuse et est refusée, un magasin de proximité se trouve alors chargé de cette tâche.

La logique adoptée est de diminuer volontairement l’activité. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. Alain Fouché. C’est votre interprétation !

M. Martial Bourquin. Ne vous énervez pas, mes chers collègues !

Comme je siège dans une commission départementale de présence postale, c’est ce que je constate ! Au début, cette évolution, dont les maires, à l’instar de notre collègue Béatrice Descamps, ont parfois pris l’initiative, ne concernait que les communes rurales. Aujourd’hui, ce sont des communes de 5 000 à 9 000 habitants et des quartiers sensibles qui sont touchés.

Avec la transformation de La Poste en société anonyme, ce processus, qui est engagé depuis un certain temps, connaîtra une accélération extraordinaire. Observez ce qui s’est passé dans toutes les postes européennes ! Ces pratiques se sont généralisées, comme elles le seront en France dans l’ensemble des villes.

La Poste conservera certains centres importants, dont l’activité est rentable. Mais la plupart des bureaux de poste se transformeront en agences postales communales, lesquelles bénéficieront d’une subvention, qui disparaîtra par la suite. Ces agences seront, au final, totalement à la charge des communes. J’en suis même à me demander, mes chers collègues, si, dans certains cas, le coût des tournées des facteurs ne sera pas supporté par les collectivités locales !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. N’importe quoi !

M. Martial Bourquin. Regardez ce qui s’est passé en Europe !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. On n’est pas obligé de faire pareil !

M. Martial Bourquin. Le processus est engagé. Si nous votons la transformation de l’EPIC en société anonyme, il sera malheureusement irréversible.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Nous allons la voter !

M. Martial Bourquin. Surtout, ce processus, qui se déploie aujourd’hui à un rythme modéré, risque de s’accélérer.

Or la présence postale est fondamentale.

M. Martial Bourquin. Le vieillissement de la population pose avec acuité la question de la proximité, y compris d’un point de vue économique. Ce texte est un véritable contresens sociologique !

Quelle contradiction entre le Grenelle de l’environnement et ce texte ! S’il est adopté, nos concitoyens seront obligés de prendre leur voiture pour aller à la poste ! Sans parler du fait que les personnes âgées sont parfois dans l’impossibilité de conduire !

Vous le savez comme moi, les facteurs jouent un rôle social essentiel, notamment dans le cadre des plans canicule.

Dans cette course à la rentabilité, le passage du facteur, y compris auprès des personnes les plus fragilisées, ne sera bientôt plus possible. À l’heure actuelle, leur parcours est chronométré.

M. Alain Gournac. Et alors ?

M. Martial Bourquin. Je ne considère pas cela comme un progrès, monsieur Gournac !

M. le ministre nous l’a dit, grâce au courrier électronique, la besace du facteur est plus légère qu’auparavant. Ce que l’on ne dit pas, c’est qu’il y a de moins en moins de facteurs, La Poste supprimant des milliers d’emplois.

Nous ne voulons pas en arriver à une telle situation. L’EPIC constitue une garantie dans ce monde libéral, …

M. Martial Bourquin. … où le chacun pour soi et la précarité gagnent du terrain. Le Secours catholique a fait hier une communication alarmante sur la situation de la pauvreté et de la précarité dans notre pays. Allons-nous aggraver cette situation ? Tel est bien l’enjeu de la présence postale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Ce débat aurait davantage sa place dans le cadre de l’examen de l’article 2. Néanmoins, il a été introduit de belle façon par M. le président de la commission, dont je partage les arguments.

Toutefois, la situation que mon collègue Martial Bourquin vient de décrire est réelle. Pour une commune rurale, la création d’une agence postale communale est préférable à l’absence de toute présence postale, de même qu’il vaut mieux envisager un point de contact que rien du tout ! Nous nous battons tous en ce sens !

En tant que président, durant dix ans, de l’association des maires de mon département, je me suis battu, avec le directeur départemental des postes, pour y maintenir les points de contact, qui sont aujourd’hui au nombre de soixante-cinq.

Ce qui est en cause, c’est le délitement du service public, que mon collègue Martial Bourquin a très bien décrit.

En tant que gestionnaires, nous sommes tous conscients du fait qu’un bureau de poste dans lequel viennent trois, quatre ou cinq personnes par jour ne peut pas être ouvert toute la journée, tous les jours de la semaine.

M. Alain Gournac. Sur ce point, on est d’accord !

M. Didier Guillaume. Si les horaires d’ouverture changent tous les jours, les gens ne savent plus quand le bureau est ouvert et s’y rendent de moins en moins. Alors, on s’appuie sur les statistiques de fréquentation pour fermer le bureau de poste et ouvrir une agence postale communale.

Nous avons nous-mêmes accepté l’agence postale communale, solution qui semblait préférable au « rien du tout ». Mais, reconnaissons-le, il n’est pas logique que la municipalité paie pour le service public.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Mais non !

M. Didier Guillaume. Si ! Le coût d’une agence postale communale n’est pas remboursé à 100 %. On sait très bien qu’il y a un résiduel.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Mais non, il n’y a pas de résiduel !

M. Didier Guillaume. Notre collègue Béatrice Descamps l’a dit elle-même. Même si cette somme résiduelle n’est pas très importante, elle est bien réelle !

Je m’adresse à vous calmement, mes chers collègues, car je sais que nous pouvons nous retrouver sur ce sujet. Il faut le dire, nous préférons une agence postale communale, voire un point Poste, que rien du tout. Mais, reconnaissons-le, nous avons mis le doigt dans l’engrenage du délitement du service public.

Certes, nos concitoyens estiment qu’il est plus facile de récupérer un colis parmi des boîtes de conserve, car l’amplitude horaire du magasin est plus grande. Comment feront les gens pour effectuer des opérations réclamant une certaine confidentialité, notamment retirer ou déposer de l’argent ? Comment feront les personnes âgées qui habitent des villages reculés et qui ne peuvent plus conduire ?

Au bout du compte, Martial Bourquin l’a très bien dit, contrairement aux exigences fixées par le Grenelle de l’environnement, on éloigne les bureaux de poste de nos concitoyens, ce qui rend indispensable l’utilisation d’un véhicule. Quel progrès !

En tant qu’élus locaux, nous devons tenir le même discours au Parlement et dans nos départements.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela s’adresse à vous, chers collègues de la majorité !

M. Didier Guillaume. Oui, nous œuvrons pour l’évolution de La Poste dans nos départements ; oui, nous négocions avec le directeur départemental de La Poste pour maintenir nos points de contact ; oui, nous nous efforçons de maintenir des agences postales communales ; oui, nous nous battons parfois aussi pour ouvrir des points Poste : telle est, nous pouvons l’affirmer en tant que gestionnaires et élus locaux, la réalité du service public.

Dans le cadre de l’EPIC, nous en sommes déjà là ! Le jour où ce statut disparaîtra au profit de celui de société anonyme, que deviendra cet équilibre, face au risque d’une privatisation ?

M. Alain Gournac. C’est vous qui le dites !

M. Didier Guillaume. Nous ne sommes pas des oiseaux de mauvais augure. Observant simplement ce qui se passe sur le terrain, nous donnons l’alerte.

Monsieur Gournac, vous le savez très bien, nous nous battons tous, dans les territoires, pour que le maillage soit le meilleur possible.

M. Alain Fouché. Personne ne veut privatiser pour privatiser !

M. Didier Guillaume. Sur ce point, aucun procès d’intention ne peut être fait. Que l’on soit de gauche ou de droite, chacun, sur le terrain, prend ses responsabilités.

La transformation de l’EPIC en société anonyme, je le répète, posera, à terme, le problème de l’implantation de La Poste et du maillage territorial.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Le projet de loi prévoit 17 000 points de contact !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. J’ai déjà eu l’occasion de le dire hier, si nous voulons avoir un débat constructif, nous devons examiner les sujets article par article. M. Guillaume vient de le rappeler, cette discussion aurait dû intervenir sur l’article 2.

Aujourd’hui, La Poste a le statut d’EPIC. Certes, vous pouvez critiquer à loisir les méthodes de management de cet établissement public, mais vous ne pouvez pas contester le fait que le nombre d’agences postales communales est passé de 900 en 2002 à 5 000 à la fin de l’année 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Ainsi, 5 000 conseils municipaux ont accepté, après délibération, sans contrainte aucune, de créer une agence postale communale, en s’appuyant sur les résultats des enquêtes de satisfaction.

Selon vous, nos concitoyens ont-ils le droit d’affirmer leur préférence pour un bureau de poste, une agence postale communale ou un relais Poste ?

En ma qualité de président de l’Observatoire national de la présence postale – un organisme au sein duquel siègent des élus de tous bords, qui connaissent parfaitement le dossier –, j’ai suivi le processus de modernisation de l’établissement public et je peux affirmer, en toute bonne foi, qu’il s’est plutôt bien déroulé.

Ainsi que le préconisait la loi du 20 mai 2005, le dialogue a eu lieu dans les commissions départementales de présence postale territoriale. Afin que nul ne soit contraint, il était possible de prévoir un statu quo et, en cas de besoin, de faire appel au représentant de l’État dans le département pour qu’il engage une médiation.

Alors que nous sommes passés de 900 à 4 600 agences postales communales, je crois savoir que le statu quo et la médiation du préfet n’ont été sollicités que dans moins de 1 % des cas.

Pour l’essentiel, la modernisation de l’EPIC a donc d’ores et déjà été réalisée.

M. René-Pierre Signé. Vous l’avez détruit !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Quant au problème de la cartographie de la présence postale territoriale, là non plus, il n’existe pas de contraintes. Des négociations sont conduites, des conciliations peuvent avoir lieu, mais, finalement, la seule chose qui doit nous guider, c’est la satisfaction de l’électeur-citoyen-contribuable.

Vous nous taxez de vouloir imposer un changement : nous ne l’imposons pas…

M. David Assouline. Vous l’accompagnez !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. … ; nous en débattons et, surtout, nous cherchons la formule susceptible de satisfaire l’ensemble de la population. (Applaudissements sur les travées de lUMP – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Que ce débat ait lieu à l’article 1er ou à l’article 2, peu importe : il se situe de toute façon au cœur de nos préoccupations et de celles des usagers de La Poste.

Nous avons déjà esquissé ce débat en commission, certains considérant que les agences postales communales représentent un moyen terme intéressant ; d’autres, dont je fais partie, estimant au contraire qu’elles sont un pis-aller au regard de l’ancienne organisation de La Poste, bien qu’elles puissent rendre des services.

Tout le problème est de savoir si cette évolution ne résulte pas, de manière générale, d’une pénurie de financement du service public. Lorsque les municipalités acceptent, en toute indépendance, la présence d’une agence postale communale, il faut reconnaître qu’elles voient également dans cette activité parallèle l’opportunité de justifier la présence de personnels qu’elles ont souvent du mal à payer. Dans le même temps, toute réduction de la voilure s’accompagne d’une diminution de la clientèle.

Il me semble qu’un parallèle pertinent peut être établi entre le délitement du maillage national de bureaux de plein exercice que l’on constate à La Poste et ce qui s’est passé dans la gendarmerie, lorsqu’on a supprimé une brigade sur deux.

M. Alain Fouché. Merci Jospin !

M. Jean-Jacques Mirassou. Plutôt que de faire appel à la brigade du canton voisin, parfois très éloignée, les usagers ont renoncé à porter plainte, ce qui a permis aux promoteurs de la réforme de la justifier après coup. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Ce qui est en cause, ce sont les moyens que l’on donne au secteur public. Là encore, il y a, d’un côté, les optimistes modérés et, de l’autre, les pessimistes, dont nous sommes, qui constatent le nivellement par le bas de la conception du service public, lequel s’accélérera inévitablement en cas de changement de statut, l’effet d’aubaine se manifestant avec davantage d’acuité.

Pour l’ensemble de ces raisons, ces amendements sont parfaitement justifiés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Nous sommes effectivement au cœur d’un débat profond, qui oppose plusieurs conceptions de la République.

Les maires ne veulent pas être pris en otage. Ils ont le choix entre une agence postale communale ou plus rien du tout…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous exagérez !

M. Roland Courteau. C’est la réalité !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Vous avez une bien piètre idée du fonctionnement des commissions départementales !

M. François Fortassin. Évidemment, ils acceptent l’agence postale communale. Celle-ci fonctionne : tant mieux ! Il me semble toutefois que La Poste aurait été mieux inspirée de proposer aux maires le marché suivant : l’agence postale s’installera dans la mairie, qui constitue le meilleur lieu d’accueil que l’on puisse trouver dans la commune, mais le service postal restera assuré par nos propres agents. Ce faisant, La Poste aurait opté pour une posture offensive et pour une solution de continuité. À l’inverse, en se contentant d’une contribution financière, elle laisse aux municipalités le soin de faire fonctionner les agences.

M. Alain Fouché. Elle forme aussi les personnels !

M. François Fortassin. Qu’on le veuille ou non, c’est une autre conception de nos principes républicains. Et il ne s’agit pas d’une opposition droite-gauche, car nous sommes nombreux à penser qu’il existe une organisation propre à la République française. Aujourd’hui, en bradant cet héritage, vous faites offense à notre histoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si vous voulez dire que les collectivités territoriales suppléent les carences de l’État, vous avez parfaitement raison ! (M. le rapporteur s’inscrit en faux.) Mais combien de temps vont-elles pouvoir remplir ce rôle, étant donné que vous les étranglez financièrement ?

Nous avons beaucoup parlé des zones rurales ; je voudrais maintenant évoquer les zones urbaines. À Paris, les bureaux de poste ne connaissent aucune désaffection, les files d’attente ayant augmenté proportionnellement à la diminution du nombre de guichets.

Si vous voulez dire que la déstructuration du service public a déjà commencé, vous avez raison ! Jusqu’à présent, la diminution du nombre de guichets n’était pas vraiment visible à Paris ; elle le devient ! Pour réduire le nombre de guichets, on va même jusqu’à casser des bureaux de poste qui avaient été refaits voilà trois mois… Bonjour le gaspillage !

Avant, il y avait davantage de guichets mais, comme beaucoup étaient fermés faute de personnel, les usagers pestaient contre les employés, pensant sans doute qu’ils s’amusaient en coulisse… Maintenant, les seuls guichets qui restent bien en vue sont ceux de la Banque Postale. Les guichets d’accueil ont pratiquement disparu et les files d’attente s’allongent, en dépit de l’intervention d’un agent qui essaye tant bien que mal d’orienter les usagers vers les automates.

Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, les salariés du bureau de poste de Château-Rouge ont fait une grève de quinze jours pour dénoncer les suppressions d’effectifs. Ils ont fini par gagner, les suppressions d’emplois prévues ont été annulées. Dans le même temps, une agence dédiée au retrait des colis ouvrait à la station de métro Simplon. Voilà un bel exemple d’amélioration du service public : on diminue le nombre de personnes dans les bureaux de poste et l’on doit aller à la RATP pour retirer ses colis ! C’est formidable, n’est-ce pas ?

M. Laurent Béteille. C’est très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes convaincus que le changement de statut de La Poste va, hélas ! accentuer ce genre d’évolutions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Comme l’ont montré certaines interventions, en particulier celle de M. Fortassin, ce débat illustre les divergences profondes qui nous opposent sur ce texte.

On peut multiplier les professions de foi – tout le monde s’accorde d’ailleurs pour dire que La Poste est un service public essentiel, et tout le monde promet qu’elle restera publique –, il n’en demeure pas moins que deux méthodes s’opposent.

Dans le contexte actuel de mondialisation, de directives européennes, de libéralisation généralisée et d’inversion des rapports de force au détriment des services publics, particulièrement en France, il y a ceux qui pensent qu’il faut laisser aller les choses et faire confiance et ceux, dont nous sommes, qui considèrent qu’il convient de faire très attention et de poser de solide garde-fous pour contrer la tendance naturelle à la remise en cause du service public.

On nous reproche d’être pessimistes, mais, quotidiennement, nous constatons que nos craintes sont fondées.

Je vous invite, mes chers collègues, à prendre un peu de recul : depuis l’Ancien Régime, l’histoire de la poste est marquée par un accroissement continu de la couverture territoriale. Regardez donc la chronologie, notamment celle qui figure sur Wikipedia : le progrès humain s’est accompagné d’une augmentation du nombre de bureaux de poste, siècle après siècle.

Aujourd’hui, alors que nous pensons avoir atteint le summum d’un certain développement humain, le nombre des bureaux diminue, et vous appelez cela la modernisation ! Mais c’est quoi, pour vous, la modernité ?

M. Alain Gournac. Il n’y a personne dans les bureaux !

M. David Assouline. Vous savez, mon cher collègue, l’insatisfaction est encore plus grande quand il y a trop de monde, comme Mme Borvo Cohen-Seat vient de le montrer. Les gens font la queue et les personnes âgées finissent par rebrousser chemin et rentrer chez elles, épuisées.

M. Alain Gournac. Arrêtez !

M. David Assouline. Avant, les files d’attente n’étaient pas aussi longues. Pourtant, nous n’avons pas connu à proprement parler d’explosion démographique. C’est donc bien la diminution du nombre de guichets qui explique ce phénomène.

Ce débat est très concret. Il apparaît clairement que le maintien d’un EPIC permettra d’aller à l’encontre de cette tendance déjà générale à la remise en cause du service public, dont vous ne mesurez sans doute pas les effets. On en reparlera dans quelques années !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bien sûr !

M. David Assouline. Quant à nous, nous gardons les yeux ouverts et estimons que ces précautions sont indispensables à la lumière de ce qui s’est passé ces vingt dernières années. On sait ce à quoi conduit ce genre d’évolution : voyez l’exemple de France Télécom !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. La discussion qui s’est engagée à ce stade du débat aurait davantage trouvé sa place à l’article 2, qui comporte un grand nombre de réponses aux questions que vous avez soulevées, les uns et les autres.

Cela étant, ces échanges ont conféré une dimension humaine au débat sur l’avenir de la Poste. Chacun d’entre vous, qu’il soit élu d’une zone rurale ou d’une zone urbaine, a évoqué sa propre expérience. La diversité de ces expériences reflète la diversité des territoires qui sont ici représentés.

Par ailleurs, il est sans doute avantageux pour un membre du Gouvernement d’être aussi un élu local. Parlementaire pendant plus de vingt ans, j’ai été confronté à ces situations. En tant que ministre délégué à l’aménagement du territoire, je vous ai proposé la création de pôles d’excellence rurale, afin, notamment, de promouvoir les services publics. Nous avons instauré une aide de 5 000 euros à destination des communes rurales, afin de soutenir celles d’entre elles qui souhaitaient ouvrir des services publics, notamment des agences postales communales ou des bureaux de poste, ou bien des épiceries.

Citons encore les aides du fonds national d’aménagement et de développement du territoire.

Avant ce soir, je vous communiquerai la liste des maires, toutes tendances confondues, qui, au cours de cinq dernières années, ont fait appel à ces moyens de l’État ou aux diverses aides proposées par La Poste pour répondre du mieux possible à leurs problèmes.

Un certain nombre de maires, avec beaucoup de volontarisme, ont ainsi sollicité l’aide de La Poste, de l’État ou des collectivités locales pour mener à bien des projets. De fait, certains présidents de département et de région abondent parfois les aides de l’État.

Certains d’entre vous affirment que les services publics sont moins nombreux qu’auparavant. J’ignore ce qu’il en est dans chacun de vos départements, mais, dans celui que j’ai présidé durant quelques années, le nombre des services publics situés en zone rurale a augmenté de 40 % au cours des dix dernières années, qu’il s’agisse de crèches, d’écoles maternelles, de bureaux de poste, etc. Voilà cinq ans, mon département comptait 188 bureaux de poste ; il en compte 208 à ce jour ! Comment peut-on affirmer que les bureaux de poste sont aujourd’hui moins nombreux ?

Hier soir, M. Collombat m’a profondément blessé en déniant au maire de Nice que je suis la qualité d’homme de la ruralité. Pourtant, celui-ci étant un élu du Var, nous avons siégé ensemble au conseil régional. De fait, il sait très bien que, depuis vingt ans, je suis d’abord l’homme d’un petit village, Saint-Étienne-de-Tinée, situé en bordure du parc national du Mercantour, que j’ai été très longtemps le conseiller général du canton et le député de cette circonscription, qui compte 72 communes rurales. Je suis maintenant le maire d’une ville qui compte un vignoble, des activités agricoles et des hameaux qui se sont organisés par rapport à leur problématique de services publics.

Hier, Paul Blanc, élu des Pyrénées-Orientales, rappelait que j’étais venu inaugurer, voilà trois ans, dans son village de Sournia, situé au pied du pic du Canigou, son centre de service public, qui compte notamment un bureau de poste. Il ajoutait que, depuis lors, l’activité de cette agence postale communale avait doublé.

M. Daniel Raoul. Et alors ? C’est un contre-exemple !

M. Jacques Mahéas. Oui, c’est un contre-exemple !

M. Christian Estrosi, ministre. Je vous ai écoutés très attentivement et j’ai pris connaissance de toutes vos expériences, qui, pour certaines d’entre elles, sont intéressantes.

Certains maires, de gauche comme de droite, me disent que, depuis plus de trente ans, leur village ne comptait plus ni pompe à essence, ni épicerie, ni dépôt de pain, ni poste,…

M. Didier Boulaud. Ni crémière ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ni saucisson ! (Mêmes mouvements.)

M. Christian Estrosi, ministre. …et qu’il était impossible d’y acheter du beurre et des journaux.

Le soutien financier de La Poste leur a permis de rouvrir à la fois une agence postale et une épicerie et d’offrir ainsi une vraie mission de service public. L’épicier y trouve son avantage, car le chiffre d’affaires qu’il réalise au titre de son activité principale ne lui permet pas de vivre.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Exactement !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre. La seule conjonction de ces deux activités – épicerie et poste – en un même lieu permet de faire renaître dans un canton rural ou dans une commune des services répondant aux besoins de la population et qui avaient disparu depuis vingt ou trente ans.

Voilà pourquoi des maires de toutes tendances politiques, sans étiquette, socialistes, communistes, UMP,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Centristes ! (Sourires.)

M. Christian Estrosi, ministre. …de manière originale, au cas par cas, ont pris l’initiative, ou ont répondu à une proposition – de faire revivre des services qui avaient disparu.

Aussi, je ne comprends pas que M. Bourquin affirme que des milliers de postes de facteurs ont été supprimés. Au mieux, vous vous montrez excessif, monsieur le sénateur, au pire, vous mentez. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À cet égard, je remercie Béatrice Descamps, qui a parfaitement résumé la situation réelle et énuméré les réponses concrètes qui ont été proposées à un certain nombre de maires.

Didier Guillaume indique, quant à lui, que les horaires d’ouverture sont inadéquats, qu’ils ne correspondent pas aux besoins des gens, qu’ils ont été restreints.

M. Didier Guillaume. C’est vrai !

M. Christian Estrosi, ministre. Or, dans le cas où le service postal est disponible dans une épicerie ou dans une mairie, il est parfois possible de retirer un courrier recommandé six jours sur sept, voire sept jours sur sept, de huit heures à vingt et une heures. La population bénéficie aussi d’un meilleur service. C’est cela, la réalité !

Mme Borvo Cohen-Seat a évoqué les zones urbaines. Les situations y sont diverses. Je connais ainsi des zones urbaines dont les bureaux de poste, de petite taille, étaient éparpillés, avec des horaires d’ouverture inadaptés. Grâce à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, il a été possible d’aménager un grand centre postal, dont les larges missions lui permettent de répondre au cas par cas aux demandes de la population et des comités de quartier.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous déplorez que la RATP ait signé une convention avec La Poste aux termes de laquelle il est désormais possible aux usagers du métro de retirer un colis ou de déposer un recommandé auprès d’un guichet installé, à ce jour, dans une seule station. Pour ma part, je considère que nombre de nos concitoyens sont pleinement satisfaits par ce type de service, par cette diversité d’offres que leur propose La Poste depuis quelques années.

Vous dites, en particulier monsieur Assouline, que les files d’attente s’allongent, que des milliers de postes de facteur ont été supprimés,…

M. David Assouline. Nous avons des chiffres précis !

M. Christian Estrosi, ministre. …que les horaires d’ouverture ne correspondent plus aux besoins, bref que tout va mal.

M. David Assouline. N’est-ce pas vrai ?

M. Christian Estrosi, ministre. Dans le même temps, monsieur Assouline, vous réclamez le maintien de l’EPIC, au motif que c’est la structure qui fonctionne le mieux. Pardonnez-moi de vous dire que vos propos sont totalement contradictoires, car si La Poste devait conserver son statut actuel, elle ne pourrait pas se moderniser. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le nouveau statut de La Poste aggravera la situation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Martial Bourquin, pour un rappel au règlement.

M. Martial Bourquin. Mes chers collègues, je vous invite, pendant les suspensions de séance, à vous rendre sur le site Twitter. C’est ce que je viens de faire et j’ai consulté la page de Christian Estrosi. Permettez-moi de citer quelques-unes des phrases que l’on peut y lire : « Les sénateurs socialistes et communistes font de l’obstruction mais considèrent qu’ils travaillent trop. Que peuvent en penser les Français ? »

M. Didier Boulaud. C’est nul !

M. Martial Bourquin. « Le référendum d’initiative populaire : socialistes et communistes en ont rêvé, notre majorité l’a instauré. » Si seulement !

M. Roland Courteau. Depuis le temps que l’on attend le projet de loi organique !

M. Martial Bourquin. « L’obstruction parlementaire continue. Le PS et le PC n’ont pour seul projet d’avenir qu’un référendum. »

Plus grave : « Patriat, PS. Raconter autant de salades en séance, me solliciter pour accompagner ses projets et se coller à moi sur la photo Bourgogne. Gonflé ».

M. Didier Boulaud. Drôles de mœurs et de manières !

M. Martial Bourquin. Je vous rappelle que c’est un ministre qui écrit : « Je commence le bêtisier : Bourquin, PS : “efficacité du service publique mais cette efficacité pas au détriment du service publique”. »

Monsieur Estrosi, je suis un autodidacte, comme vous. Mais, dans l’expression « service public », public s’écrit avec un « c » et non pas avec « que ». Le Gouvernement parle de l’identité nationale. Je considère que l’orthographe fait partie de l’identité nationale.

M. Alain Gournac. C’est minable !

M. Patrice Gélard. Cela n’a rien à voir avec le règlement !

M. Martial Bourquin. Lorsqu’on est un élu de la nation, que l’on siège au Parlement, et a fortiori quand on est ministre, on se doit de respecter les parlementaires…

M. Didier Boulaud. C’est un devoir !

M. Martial Bourquin. … de respecter les opinions différentes.

Un sénateur de l’UMP. Pas l’obstruction !

M. Martial Bourquin. Toujours sur le site Twitter, vous ajoutez qu’à minuit et demi vous n’aviez toujours aucune proposition des sénateurs socialistes et communistes. N’avez-vous pas entendu Michel Teston et plusieurs orateurs socialistes et communistes, qui ont consacré la moitié de leur intervention à faire des propositions dans le cadre de l’EPIC ?

M. Nicolas About. Sur quel article se fonde ce rappel au règlement ?

M. Martial Bourquin. Nous avons le devoir de nous respecter ! On n’a pas le droit de brocarder des élus de la nation. Si, un jour, des extrêmes, de droite ou de gauche, mettent en cause notre démocratie, ce sera le fait de tels comportements.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Martial Bourquin. Tout le monde a le droit au respect, monsieur le ministre !

Je viens de téléphoner à François Patriat : il m’a indiqué que le pylône qui a été inauguré en Bourgogne a été financé par le conseil régional.

M. Didier Boulaud. Évidemment !

M. Martial Bourquin. Vous venez inaugurer, en Bourgogne, un pylône financé par le conseil régional de Bourgogne. Vous figurez donc sur la photo à côté du président de région. Vous ne pouvez pas le brocarder comme vous l’avez fait ! J’ai l’intervention littérale de François Patriat, hier : il a simplement posé la question des zones blanches.

On ne peut, dans cet hémicycle de la Haute Assemblée, se comporter de la sorte ! Je suis profondément indigné ! De tels comportements doivent cesser, car ils ne font que renforcer les extrêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Monsieur Bourquin, je m’efforce de faire en sorte que tout le monde puisse s’exprimer dans le débat, y compris au titre d’un rappel au règlement. Néanmoins, vous n’avez pas fait un rappel au règlement.

M. Alain Gournac. Exactement !

M. le président. Je vous ai laissé terminer votre intervention, car j’ai vu que vous y attachiez de l’importance.

Mes chers collègues, je vous demande désormais de respecter scrupuleusement les temps de parole qui vous sont impartis. En outre, lorsque vous demandez la parole pour un rappel au règlement, veuillez m’indiquer sur quel article de notre règlement vous vous fondez. Celui-ci est suffisamment large pour accueillir l’expression de votre imagination. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je n’avais que cette question à poser, monsieur le président. Vous l’avez fait, et je vous en remercie.

Pour le reste, chacun a la liberté d’utiliser les médias qu’il souhaite pour annoncer sa part de vérité.

M. Bourquin devrait lui aussi se montrer plus respectueux à mon égard. Lorsque je lis la manière dont je suis brocardé…

M. Martial Bourquin. Je ne brocarde jamais un intervenant !

M. Christian Estrosi, ministre. … dans un certain nombre d’articles, dans L’Humanité, dans Libération, lorsque j’entends ce qui se dit dans des studios de radios ou sur des plateaux de télévision, je constate que chacun utilise les médias dont il dispose pour exprimer ses vérités.

Monsieur Bourquin, par votre intervention, vous venez de m’inciter à recourir davantage encore à un média utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Je vous remercie vivement d’en avoir fait la promotion. Cela permettra à un plus grand nombre de personnes de se connecter à Twitter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP)

M. le président. La parole est à M. Foucaud, pour explication de vote sur l’amendement no 25.

M. Thierry Foucaud. La libéralisation des services postaux telle qu’elle a été engagée par la Commission européenne ne peut servir à vous exonérer de vos responsabilités, sauf à dire clairement que la voix de la France n’est pas entendue dans l’enceinte bruxelloise.

Votre Gouvernement est bien engagé dans une politique très libérale de privatisation des services publics aux seules fins de donner au marché une capacité accrue à transformer les services rendus à notre population en dividendes pour des actionnaires.

Je préfère anticiper les réfutations qui ne manqueront pas d’affluer sur certaines de ces travées au prétexte que l’actionnaire resterait l’État. Il suffit de se tourner vers les pratiques qui sont déjà en vigueur entre la SNCF et son actionnaire : 321 millions d’euros de dividendes versés en deux ans. Les salariés en butte à une direction hermétique à tout dialogue social et les usagers abandonnés sur les quais, faute de matériels en ordre de marche ou de personnels en nombre suffisant, apprécient assez peu cette gouvernance censée faire entrer notre pays dans la modernité mercantile.

Et nous-mêmes, avertis par ces précédents, ne souhaitons pas poursuivre avec La Poste cette fuite en avant destructrice du « vivre ensemble » symbolisé par le système social français imaginé par le Conseil national de la Résistance.

Permettez que j’entre maintenant dans le détail des conséquences déjà en cours de ce changement de statut de l’entreprise et de ses personnels.

Des dizaines de tournées de distribution du courrier sont supprimées, ce qui se traduit par une distribution du courrier tous les deux ou trois jours.

On constate des restrictions d’ouverture des bureaux, en particulier dans les quartiers dont les habitants supportent les inégalités les plus criantes en matière de logement, d’emploi, d’accès à des services publics de qualité.

La gestion patrimoniale conduit à abandonner des locaux jugés obsolètes dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise. Dans les faits, il s’agit souvent d’opérations lucratives sur le marché de l’immobilier, s’accompagnant d’une diminution du nombre de bureaux et de l’installation des agents dans des locaux exigus où l’ensemble des services ne peut plus être rendu.

Par ailleurs, il faut savoir que l’augmentation du nombre de points poste dans certains secteurs, que vous évoquiez tout à l’heure, répond à une diminution considérable du nombre de bureaux de poste.

C’est aussi la fermeture des bureaux de poste dans les zones rurales, avec l’obligation pour les maires de devoir choisir entre la disparition pure et simple de la présence postale sur leur territoire ou la création de « maisons des services publics », dans lesquelles seuls certains des services postaux peuvent être rendus par des fonctionnaires territoriaux, en échange d’une dotation de l’entreprise La Poste.

C’est encore le projet avancé de faire payer l’oblitération du courrier en fonction non plus de son volume ou de son poids, mais du trafic.

C’est enfin une gestion des personnels qui, à l’image de celle de France Télécom ou de pôle emploi, est entrée dans une démarche de productivité effrénée, qui nie toute autre dimension qu’industrieuse à ses salariés et qui utilise à cette fin des méthodes que l’on croyait jusqu’ici réservées aux patrons de choc tels que les affectionne Laurence Parisot, voire aux patrons voyous d’ateliers clandestins.

Le résultat, ce sont évidemment les luttes que mènent les postiers avec leurs organisations syndicales, relayées par des collectifs de citoyens.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement no 28.

Mme Odette Terrade. Pour justifier le vote de cet amendement par les sénateurs du groupe CRC-SPC je m’appuierai sur les enseignements que nous avons retirés de l’examen de ce texte en commission.

La commission a remplacé dans l’alinéa concerné un « ou » par un « et » : grand pas selon d’innombrables dépêches, en réalité peu de chose puisque cette substitution ne garantit pas une présence de l’État au sein du capital.

Cette manœuvre était donc uniquement destinée à faire accepter la transformation du statut de La Poste, prélude à sa privatisation. Nous ne sommes pas dupes et nous considérons que cette disposition n’est qu’une précision rédactionnelle. Ce qui nous rassure assez peu.

Il en aurait été certainement autrement si un amendement déposé en commission avait été accepté. Cet amendement, qui n’émanait pas de notre groupe, je le précise, disposait que le capital de La Poste était détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations. Cet amendement aurait pu être considéré comme une simple formalité, puisque vous justifiez ce projet de changement de statut justement pour permettre à la Caisse des dépôts et consignations d’entrer dans le capital de La Poste.

Le rejet de cet amendement par la commission, l’avis défavorable émis par le rapporteur, ont sonné pour nous comme un aveu.

Une autre modification effectuée par la commission est, elle, importante. La commission a estimé que la rédaction initiale du projet de loi, qui mentionnait que La Poste pouvait être détenue par l’État ou des personnes morales du secteur public, était trop large et permettait, notamment, que des sociétés détenues en partie par des investisseurs privés puissent entrer dans le capital de La Poste.

Nous voyons bien que le projet du Gouvernement était non pas, malgré les déclarations d’intention, de sécuriser l’appartenance publique du capital de La Poste, mais bien de passer en société anonyme. C’est la clé du projet de loi.

Selon le rapport de notre collègue Pierre Hérisson, la transformation de La Poste en société anonyme n’appelle pas nécessairement sa privatisation. Il cite l’exemple d’autres sociétés anonymes étant 100 % publiques, telles que Radio France ou France Télévision.

Pourtant, il me semble que la comparaison est difficilement tenable au regard des secteurs d’activités qui sont fondamentalement différents. Excusez-moi, mais les convergences de situations sont plus à chercher dans des grands services publics en réseau, comme France Télécom ou GDF, que dans des services publics culturels. Nous considérons donc qu’il s’agit d’un argument de mauvaise foi.

Au final, nous estimons qu’aucune garantie sérieuse ne nous a été donnée sur l’avenir de La Poste. Nous voterons donc le présent amendement qui, conformément aux résultats de la votation citoyenne, demande le retrait du projet de changement de statut de La Poste, que nous considérons comme un préalable à son inéluctable privatisation.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Nous soutiendrons cet amendement pour la simple et bonne raison que le risque du passage en société anonyme ne permettrait pas le maintien des points poste.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Nous nous en sommes déjà expliqués !

M. Didier Guillaume. Je souhaite réagir à l’intervention de M. le ministre.

Monsieur le ministre, dans tous les départements, nous nous efforçons de défendre le service public. Pour ma part, en qualité de président de conseil général, je subventionne les mairies qui aménagent des bâtiments pour installer une agence postale communale ; je finance les points poste qui sont installés dans des commerces multiservices. D’ailleurs, jeudi dernier, nous avons inauguré un commerce multiservices dont l’équilibre général a été maintenu grâce à l’apport de La Poste.

Telle est la situation en zone rurale ! Bien souvent, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, la dotation globale d’équipement, la subvention du conseil général, dont le montant est souvent supérieur, et les aides de la communauté de communes et de la commune permettent de tenir. Simplement, cela ne doit pas devenir la règle !

Vous nous demandez des propositions ! Eh bien ! dans les petites communes, la possibilité de monter un commerce multiservices, qui regroupe à la fois une épicerie, un bureau de tabac, un bistrot et un point poste, est une solution pour maintenir ou créer un ou deux emplois en zone rurale.

Lorsqu’un maire accepte de mettre en place une agence postale communale, c’est pour maintenir un service public dans une petite commune de 500 à 2 000 habitants. Nous devons le soutenir ! Il n’y a pas ceux qui voudraient aller de l’avant et les autres.

Néanmoins, je le répète, cela ne doit pas devenir la règle ! In fine, nous voulons maintenir le plus grand nombre possible d’agences postales,…

M. Alain Fouché. Nous sommes d’accord avec vous !

M. Didier Guillaume. … pour la simple raison que le service est plus étendu ; nous ne pouvons qu’être d’accord sur ce point. Avec l’EPIC, nous avons la garantie d’assurer ce maintien.

Je sais bien que les 17 000 points de contact figurent dans le projet de loi, mais ce qui m’importe, en tant qu’élu local, c’est que, sur le territoire national, et dans mon département de la Drôme en particulier, le nombre de points de contact de La Poste ne diminue pas ; nous y sommes attentifs, depuis des années, au sein de la Commission départementale de présence postale territoriale. Avec la mairie, La Poste est le dernier service public.

M. Alain Gournac. Nous sommes d’accord !

M. Didier Guillaume. Ne nous opposons pas sur des sujets qui n’en valent pas la peine et où nous pouvons nous retrouver. Nous divergeons sur le fond, c’est-à-dire sur le statut de La Poste,…

M. Didier Guillaume. … et c’est tout à fait respectable. En revanche, sur quelque travée que nous siégions, je pense que nous avons la même volonté de maintenir le service public communal, intercommunal et départemental, et que nous nous battons tous à cet effet !

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je soutiendrai cet amendement, d’autant que, cela a été rappelé à différentes reprises, l’EPIC permet effectivement à La Poste non seulement de bien fonctionner, mais aussi de se moderniser.

Je souhaiterais réagir, comme l’a fait Didier Guillaume à l’instant, mais d’une façon un peu différente, aux propos de M. le ministre. M. Estrosi a fait son propre panégyrique et rappelé les actions qu’il a menées sur le terrain ; je ne mets en doute ni sa compétence ni son expérience en milieu rural ou urbain.

Il a démontré, en conclusion, que le service public existait toujours. Notre divergence porte sur la définition du service public. S’agit-il, comme le pense M. le ministre, d’un service public financé par les communes sur le territoire ? Ou bien est-ce un service qui est assuré à tous les citoyens français, quel que soit leur lieu d’habitation ou leur profil sociologique ? Il y a une sacrée différence !

M. le ministre a énoncé un certain nombre de moyens qui sont mis à la disposition des communes ; je n’y suis pas opposé. Simplement, tout le monde ne peut pas assurer ce service public. Nous aboutissons à un véritable transfert de charges. Bien entendu, tous les maires qui apprendront la disparition de l’agence postale voudront maintenir ce service dans leur commune et créer un point poste. Mais qui le financera ?

Contrairement à ce qui a été prétendu, le coût de ce dispositif ne sera pas marginal et ne pourra pas être financé avec moins de mille euros. Et, en tout état de cause, c’est le contribuable qui paiera ! (MM. Alain Gournac et Alain Fouché s’exclament.) Veuillez m’excuser, mais je tiens à exposer la situation telle qu’elle est !

Aujourd’hui, nombre de communes n’ont pas les moyens, à leur niveau, en dépit de l’aide à l’investissement apportée par le conseil général ou le conseil régional, de maintenir un service public, qui doit être mis en place par l’État. Il revient à la nation d’assurer cette égalité citoyenne et républicaine !

Je voudrais dénoncer ici ce transfert de charges insidieux. Lors des délibérations, lorsqu’ils devront choisir entre rien et un minimum, les élus, qui sont des personnes responsables, opteront pour le minimum, mettant ainsi le doigt dans l’engrenage : on fera supporter à d’autres des services qui doivent être financés par le budget de l’État.

Si l’EPIC permet des dérives aujourd’hui, c’est un problème de volonté politique et de bonne gouvernance. Demain, avec la création de la société anonyme, celles-ci vont s’accentuer : pour une question de rentabilité, certains services ne pourront plus être rendus, et le service public n’existera plus vraiment.

M. Alain Gournac. Pas du tout !

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur Gournac, laissez-moi terminer mon propos !

M. Alain Gournac. Quand c’est faux, je le dis !

M. Claude Bérit-Débat. Cessez de « cornaquer » les uns et les autres !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Je suis tout à fait d’accord avec les propos de Claude Bérit-Débat, et je souhaiterais faire une mise au point.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit tout à l’heure que le nombre d’agences postales communales avait considérablement augmenté et était passé, si je ne me trompe, de 900 à 4 600. Curieusement, nos collègues ont applaudi. En fait, ils ont applaudi le désengagement de La Poste.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le volontarisme des maires. Mais savez-vous comment les choses se passent dans nos départements ?

M. Christian Estrosi, ministre. Oui !

M. Roland Courteau. Dans de très nombreux cas – je ne dis pas que c’est systématique –, le directeur départemental de La Poste suggère au maire soit la transformation du bureau de poste en agence postale communale, soit sa fermeture, soit la réduction des trois quarts des heures d’ouverture. Que peut répondre le maire ? Est-ce du volontarisme ? Comment qualifiez-vous un tel comportement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Je ne me suis pas encore exprimé sur ce sujet, parce que je n’ai pas autant d’expertise que mes collègues. Je voudrais malgré tout, au nom de la commission des affaires européennes, revenir sur ce problème du statut de La Poste, parce qu’il est au cœur de nos débats et qu’il fait l’objet d’incompréhensions de part et d’autre de cet hémicycle.

Je m’abstiendrai d’évoquer une quelconque posture intellectuelle des uns par rapport aux autres, sachant que l’on n’est jamais très loin de l’imposture ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) J’ai dit, chers collègues, que je ne voulais pas franchir ce pas !

M. Roland Courteau. Vous l’avez quand même franchi !

M. Jean Bizet. Je souhaite simplement vous livrer deux informations.

Tout d’abord, le traité de Lisbonne, qui s’imposera à partir du 1er décembre, comporte un protocole qui garantit précisément le service public. Quelle sécurité supplémentaire pourriez-vous désirer ?

M. David Assouline. Avec Barroso ?

M. Jean Bizet. Vous le savez très bien, nous appartenons à un espace européen au niveau tant des marchés que des règles communautaires. Je vous rappelle à ce propos que la Commission européenne a engagé contre la France une procédure motivée par la garantie illimitée dont bénéficierait La Poste en tant qu’EPIC. La transformation de l’EPIC en société anonyme représenterait pour La Poste une opportunité extraordinaire de récupérer 2,7 milliards d’euros, que la France – cela n’échappera à personne ! – n’a pas spécialement les moyens de verser.

L’intervention de la Caisse des dépôts et consignations, qui pourrait fonctionner comme un investisseur avisé, permettrait à La Poste de se moderniser, tout en bénéficiant de la sécurité du service public.

J’ajoute que, s’agissant de la dernière directive postale, la commission des affaires européennes a veillé à ce que le service public puisse être présent sur l’ensemble du territoire national, dans les zones urbaines comme dans la plus petite commune rurale.

Je ne vois pas pourquoi le débat est aussi difficile. Je salue une telle rationalisation. Ce type de montage financier permettra à La Poste d’évoluer et d’être un outil au service de tous nos concitoyens.

Enfin, je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Didier Guillaume. Il existe en effet des points de convergence entre nous, mon cher collègue. Avec la mutualisation des points poste et les agences postales communales, une ère nouvelle s’ouvre pour La Poste, qui accédera à une autre dimension. Pour cela, il faut beaucoup d’argent, et le montage proposé est le seul qui nous permette d’obtenir des moyens financiers importants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Les problèmes abordés sont très concrets, mais ils s’inscrivent dans le cadre d’un débat beaucoup plus général. C’est une question de volonté politique !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !

M. David Assouline. Contrairement à ce que nous dit M. le ministre, qui nous dénigre, les sénateurs ici présents, notamment M. Guillaume, nous expliquent que, quand ils doivent choisir entre rien et un bureau communal, les élus locaux de gauche ne pratiquent pas la politique du pire.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. David Assouline. Mais est-ce cela le service public national ? Il s’agit, là encore, d’un transfert de charges sur les collectivités territoriales,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non !

M. David Assouline. … lequel sera au cœur des débats lorsque nous discuterons de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme des collectivités territoriales, qui nous concernent tous.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est un autre débat !

M. Daniel Raoul. Mais non, c’est le même !

M. David Assouline. Vous pouvez nous dire que ce n’est plus un service public national, que l’État et les collectivités locales doivent apporter leur aide. Mais vous ne pouvez pas nous reprocher de pratiquer la politique du pire, de ne pas considérer la réalité.

Une tendance générale, imposée par l’Europe et l’ouverture aux marchés, se dessine. Nous ne l’avons pas décidé, mais c’est ainsi ! Si nous voulons que le service public soit garanti, il faut beaucoup de volonté politique, parce que la pente s’accentuera doucement, année après année.

L’enjeu du débat sur le maintien du statut d’EPIC est donc de savoir si l’on va conserver non pas un outil satisfaisant, mais l’outil qui empêchera cette tendance générale à la dérive. Bien sûr que la modernisation est indispensable ! Mais l’État peut apporter tous les ans les moyens nécessaires pour que La Poste, malgré ce processus d’ouverture à la concurrence, soit en mesure de se centrer sur des missions de service public, qu’il n’est pas envisageable que cette concurrence vienne casser.

Bientôt, un débat aura lieu à propos de l’AFP. Je regrette d’ailleurs qu’il soit aussi segmenté, car, de ce fait, chaque sénateur, spécialisé dans un domaine, a l’impression d’être le seul à rencontrer les problèmes auxquels il se heurte.

La situation de l’AFP est exactement la même, et son PDG, que j’ai auditionné, tient un discours identique : il faut que l’AFP change de statut et devienne une SA au capital intégralement public. Devant mon étonnement, puisque l’AFP réalise des bénéfices et ne semble pas proche de la banqueroute, il a argué que divers besoins, notamment la nécessaire modernisation, rendent indispensable l’apport de capitaux. J’ai demandé des précisions sur ces divers besoins. Il n’a évoqué ni le renforcement des missions de l’AFP ni la lutte contre la concurrence : il s’agit d’être en mesure de prendre des participations, de racheter des sociétés ici et là dans le monde, de pouvoir sous-traiter. Or les salariés de l’AFP sont catégoriques : cela est possible sans que le statut soit modifié.

M. David Assouline. Le changement de statut aura des effets secondaires que ni vous ni moi ne pouvons prévoir, tout simplement parce que la marche du monde continue. Nous serons sans cesse placés devant des choix semblables à ceux que les élus locaux doivent faire aujourd’hui à propos de La Poste : entre fermer ou accepter le bureau communal, ils préfèrent accepter le bureau communal !

M. Alain Fouché. À nous d’être vigilants !

M. David Assouline. Le débat est donc le même, à ceci près que, pour La Poste, la situation est bien pire.

Si nous consacrons autant de temps à La Poste, c’est qu’il s’agit d’une affaire publique, non d’une entreprise privée quelconque. Alors que s’annonce l’ouverture à la concurrence, ne faut-il pas tout faire pour que, le moment venu, La Poste ne soit pas concurrencée sur le territoire national, pour que le citoyen français continue de recourir à ses services et ne lui préfère pas des concurrents venus de l’extérieur ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Les capitaux qu’il faut chercher doivent être consacrés à ces missions de service public. Or le seul argument que l’on nous oppose pour justifier la remise en cause du statut d’EPIC, c’est la prise de participations et l’entrée dans le jeu de la concurrence dans les pays étrangers. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Vous n’avez rien compris ! C’est vraiment n’importe quoi !

M. David Assouline. C’est le seul argument que j’aie entendu jusqu'ici !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 445.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 440, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. La Poste est une entreprise à laquelle les Français sont très attachés. Ils l’ont clairement montré lors de l’organisation du vote citoyen du 3 octobre : la preuve en est que la majorité n’a eu de cesse de vilipender cette manifestation sous les prétextes les plus divers. Nous sommes fiers, pour notre part, d’avoir participé à cette noble expression citoyenne.

L’inquiétude légitime exprimée par nos concitoyens devant l’ouverture du capital de La Poste et son changement de statut mérite que l’on s’y attarde, au lieu de la balayer d’un revers de la main.

Le statut actuel de La Poste permet à cette entreprise de s’adapter aux nécessités de la concurrence accrue à laquelle elle doit faire face et à l’internationalisation de ses activités. Il n’y a nulle nécessité d’une évolution que l’Europe ne nous impose d’ailleurs pas. La Poste est aujourd’hui l’une des entreprises les plus compétitives de son secteur, et ce malgré ce statut que l’on voudrait parer de tous les défauts. Elle a dégagé cette année, malgré la crise, un bénéfice de 500 millions d’euros. Ne joignons donc pas les mensonges à la mauvaise foi : les chiffres sont d’une rare clarté en ce domaine !

Il est tout à fait possible à La Poste de nouer des partenariats à l’étranger pour accroître ses activités à l’international. La RATP le fait déjà avec succès. Il lui est également possible d’emprunter des sommes d’argent pour financer son expansion, à condition de présenter un réel plan d’action susceptible de convaincre son créancier. C’est peut-être là, d’ailleurs, que se situe le véritable problème de l’entreprise : son plan d’expansion ne convainc pas grand monde, pour l’heure. Nous pourrions avoir un débat de fond sur la manière dont La Poste devrait gérer la perte du secteur réservé et sa stratégie à l’international. Au lieu de cela, vous préférez, par idéologie, noyer le poisson dans des questions de forme. Nous cherchons un vrai débat.

Si La Poste devient une SA, il est plus que probable qu’elle sera privatisée au détour d’un texte dans les années à venir. Voilà, somme toute, votre vrai objectif, au mépris de cette compagnie et des valeurs qu’elle représente, des valeurs qui sont aux antipodes du concept de recherche de rentabilité que sous-tend la privatisation. Les missions de cette entreprise commandent de la conserver dans le giron public sous une forme protectrice, car non seulement elle répond à des obligations de service public, mais elle assure également des missions de cohésion nationale et d’aménagement du territoire.

La Poste n’est pas une entreprise comme les autres. Cessons de vouloir la normaliser et en faire une société lambda ! Mes chers collègues, nous souhaitons qu’elle puisse conserver son statut et ses prérogatives plutôt que de perdre sa spécificité. Nous avons tout à perdre mais peu à gagner.

M. le président. L'amendement n° 448, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise publique qui exerce ses missions pour le compte de la collectivité.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La Poste est face à des défis importants, nous en débattons depuis plusieurs jours : libéralisation complète des marchés postaux en 2011, concurrence des nouveaux modes de communication dématérialisée, banalisation du livret A.

À cet égard, et j’aimerais que tous ceux qui sont présents dans cet hémicycle, notamment le ministre, en soient bien conscients, le groupe socialiste est convaincu que La Poste doit évoluer, s’adapter, innover, mais tout en assurant le maintien d’un service public de qualité sur l’ensemble du territoire national.

La solution de cette équation, d’après le président de La Poste, M. Jean-Paul Bailly, suivi en cela par le Gouvernement, résiderait dans le changement de statut. En devenant une société anonyme, La Poste pourrait accéder à une manne financière lui permettant son développement.

Les sénateurs du groupe socialiste ont procédé, tout au long de l’année, à de nombreuses auditions. Or une question est restée sans réponse : pour quelle raison La Poste a-t-elle besoin de 2,7 milliards d’euros ou même plus, et pour quoi faire ?

M. Charles Revet. Pour se moderniser !

M. David Assouline. Dans un communiqué datant d’août 2008, La Poste se donnait comme objectif de tirer sa croissance, entre autres, par l’acquisition ou le développement d’« opérateurs alternatifs de courrier en Europe » ainsi que par des « acquisitions ciblées hors d’Europe ».

Dernièrement, dans le cadre des auditions de la commission de l’économie, M. Bailly a fait valoir qu’il était urgent de moderniser les systèmes d’information de son groupe et qu’il lui fallait également procéder à des investissements lourds dans l’activité de colis express. En l’espace d’un an, le discours, les priorités, les montants ont changé.

Au regard de cette grande opacité, le passage en force vers la société anonyme relève bien plus du dogmatisme que d’une véritable nécessité : aujourd’hui, l’État peut parfaitement, par dotation publique, apporter à La Poste la somme dont elle aurait besoin pour procéder aux investissements nécessaires afin de se préparer à l’ouverture de la concurrence.

Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !

M. David Assouline. Cette dotation ne serait d’ailleurs que justice si l’on songe aux missions de service public assurées par La Poste et que l’État n’a jamais véritablement compensées.

C’est pourquoi le groupe socialiste, opposé au changement de statut de La Poste, entend rappeler que celle-ci est une entreprise publique au service de la collectivité.

M. le président. L'amendement n° 449, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise en totalité publique.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, malgré vos explications, malgré vos hésitations et malgré vos atermoiements, les Français ont bien compris ce qui se trame avec ce projet de loi : la future privatisation de l’entreprise publique postale.

Dans le contexte européen actuel de libéralisation des services, certains ont tenté de nous expliquer que la France était dans l’obligation de procéder à ce changement de statut. Cet argument est rigoureusement faux. Les traités européens en vigueur n’obligent pas les entreprises publiques à changer de statut en cas d’ouverture des marchés.

Nous n’avons aucune garantie que le capital de La Poste restera 100 % public ; les précédents sont là pour le rappeler, et allusion a été faite à plusieurs reprises à la situation de GDF. J’ajouterai que, dans tous les pays où la privatisation a été actée, la situation est loin d’être satisfaisante, pour les usagers comme pour les salariés.

Dans un tel contexte, le maintien d’opérateurs publics est une condition indispensable pour continuer d’assurer la présence postale sur l’ensemble du territoire. Conserver un opérateur public, c’est avoir la garantie d’améliorer la qualité des services rendus aux citoyens.

La rédaction de l’article 1er ne permet pas, en l’état, de garantir la pérennité du statut public de l’entreprise postale. Au contraire, cet article ouvre la voie à la privatisation de La Poste en lui conférant le statut de société anonyme. C’est une décision anachronique. La Poste n’est pas et ne peut pas être une société anonyme : ce n’est pas une entreprise comme les autres !

Les risques d’une dépéréquation tarifaire et d’une réduction de la couverture territoriale qui se manifesterait par une déprise postale dans les zones rurales sont bien réels. Les lois de la concurrence et du marché ne doivent pas l’emporter sur les missions de service public remplies par La Poste.

L’adoption de cet amendement interdirait toute possibilité de privatisation future, tout en facilitant le développement de l’entreprise publique postale. Si vous êtes réellement opposés à cette privatisation, mes chers collègues, et si la posture que vous adoptez dans les médias n’est pas seulement politicienne, vous vous devez de vous opposer à ce changement de statut.

M. le président. L'amendement n° 450, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger comme suit cette phrase :

La Poste demeure la propriété collective de la nation.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je ferai quatre remarques.

Première remarque : le préambule de la Constitution de 1946, dans son neuvième alinéa, précise que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété » de l’État.

Deuxième remarque : le maintien du secteur réservé, voulu et négocié par le gouvernement Jospin, permet d’assurer la péréquation tarifaire. Selon ce dispositif économique, le coût pour l’usager est le même, qu’il envoie un pli du VIe arrondissement de Paris dans le XXe, ou de la Corse aux îles du Ponant, alors même que le coût réel est bien différent.

En ayant accepté la fin du maintien du secteur réservé, mes chers collègues, vous fragilisez le financement des missions de service public de La Poste, notamment celui de la présence postale. Or le monopole Corse-îles du Ponant demeure entier et de fait ! À La Poste, vous laissez les segments les plus coûteux, tout en la privant des financements nécessaires pour les assurer.

Troisième remarque : rien en droit ne permet de garantir que l’État ne se désengagera pas progressivement du capital de La Poste transformée en société anonyme. Même la promesse présidentielle de ne pas privatiser GDF, on a pu le constater rapidement, a fait long feu. La représentation nationale peut très bien se dédire demain et réduire la part de capital détenue par l’État.

Enfin, quatrième remarque : La Poste a dégagé l’an passé 1 milliard d’euros de bénéfices et 500 millions cette année. Non seulement elle est bénéficiaire, mais elle ne coûte rien au contribuable. La transformation de La Poste en une société anonyme aboutit à ce paradoxe, qui ne vous a pas échappé : alors qu’elle ne sera plus une entreprise au statut de droit public, elle sera en partie financée par les contribuables.

Le groupe socialiste ne s’explique pas cette logique du perdant-perdant. La seule garantie que La Poste demeurera la propriété collective de la nation réside donc dans le maintien de son statut d’EPIC.

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste demeure la propriété de la collectivité.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Il s’agit, mes chers collègues, d’un amendement de principe.

La Poste est un service public national et fait partie, à ce titre, de notre patrimoine. Le Gouvernement paraissant vouloir revenir sur un acquis historique avec ce projet de loi, il nous semble nécessaire de rappeler certaines évidences.

Permettez-moi donc de vous donner lecture d’un texte fondateur de notre République, le préambule de la Constitution de 1946, plus précisément – je ne veux pas être trop long –, d’un seul des dix-huit alinéas que compte ce texte ; Roland Courteau et moi avons les mêmes références !

Le neuvième alinéa de ce texte fondateur du pacte social français d’après-guerre précise : « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » Cela signifie que, lorsqu’une entreprise concourt à l’exercice d’une activité de service public, quand son rôle est de permettre l’exercice par les citoyens d’un droit fondamental, cette entreprise doit devenir propriété de la collectivité.

Si les constituants de 1946 ont jugé nécessaire de poser ce principe, c’est parce qu’il était évident à leurs yeux que certaines tâches devaient relever de la collectivité ou être réalisées sous son contrôle. Ils considéraient que la nation doit à ses citoyens, où qu’ils habitent, un service public de qualité, dans les domaines qui l’exigent.

Qui oserait prétendre que l’acheminement et la distribution du courrier ne sont pas des services que l’État doit garantir à ses citoyens ? Certes, l’État ne peut pas tout et des entreprises peuvent remplir certaines missions de service public. De là à considérer, comme cela est de bon ton aujourd'hui, que l’État devrait céder la place au marché, lequel serait capable de faire aussi bien que le service public et, en plus, de réaliser des bénéfices…

Le bilan de ces dérégulations, nous le savons tous, montre que la pratique est peu conforme à la théorie, à tel point que les pays qui ont largement privatisé leurs services publics font désormais machine arrière ; je ne citerai que l’exemple du Japon.

Puisque ce texte engage La Poste sur la voie d’une privatisation, dont on sait par avance qu’elle ne profitera pas aux citoyens, surtout dans les zones rurales, l’amendement n° 451 vise à réaffirmer par principe que la nation – la collectivité française – doit seule remplir les missions de service public indispensables au bon fonctionnement de la société. La Poste, vous en conviendrez, fait partie de ces services publics fondamentaux. Pour cette raison, elle doit rester propriété de la collectivité, c'est-à-dire des citoyens, et non être cédée à des capitaux privés.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2035

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Si l’article 1er ne vise pas à privatiser La Poste, pourquoi transformer celle-ci en une société anonyme, ce qui induit, à terme, tout le monde le sait, sa privatisation ?

Le même discours nous a été tenu au moment du changement de statut de France Télécom, de GDF et d’EDF ; cela a été rappelé à maintes reprises. Aujourd’hui, chacun sait ce qu’il en est de la situation de ces entreprises et ce que cela implique d’un point de vue humain pour leurs salariés et pour leurs usagers, devenus des clients.

Je ne redirai pas ici que votre politique de rupture vise à privatiser toujours plus et à abandonner le service public, tout le monde le sait.

Je ne rappellerai pas non plus que, voilà quelques années, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et à ce titre chargé des dossiers d’EDF et de GDF, avait juré que ces entreprises ne seraient jamais privatisées ; la gauche l’a plusieurs fois rappelé.

Tout indique que votre volonté, très forte d’ailleurs, est de « marchandiser » toutes les activités humaines et de remettre en cause l’ensemble des services publics.

M. le ministre a évoqué tout à l’heure la nécessaire modernisation de La Poste. Certes, La Poste a besoin d’être modernisée, et nous y sommes favorables ; mais cela n’implique pas un changement de statut. En quoi le statut actuel de La Poste interdit-il à celle-ci, par exemple, de mettre en œuvre des partenariats financiers avec la Caisse des dépôts et consignations ?

Cela pose donc la question du financement des services publics, lequel pourrait être assuré avec un pôle financier public qui permette, justement, de moderniser des services publics toujours plus utiles aux usagers, au lieu de les casser au faux nom de la modernité. C’est une proposition que nous vous faisons, monsieur le ministre !!

Nous sommes de celles et de ceux qui ont travaillé à l’élaboration d’un véritable service public dans notre pays et qui ont lutté pour que chacune et chacun puisse y avoir accès, quelle que soit son origine sociale ou territoriale.

Aujourd’hui, La Poste reprend les critères de gestion du secteur privé. On en mesure les conséquences en milieu rural : transformation de bureaux de poste en points poste ou en agences postales communales, manque de personnel, etc. Le service public de proximité est déjà bien abîmé !

Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2030

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À la suite de la votation citoyenne organisée sur le statut de La Poste, M. Darcos a déclaré : « Si j’avais dû voter au cours de cette votation, j’aurais voté aussi contre la privatisation, pour une bonne raison, c’est qu’il ne s’agit pas de privatiser La Poste. » On pourrait saluer son bel enthousiasme si des faits têtus ne venaient contredire son affirmation.

À cet égard, permettez-moi de procéder à quelques brefs rappels.

L’ouverture à la concurrence du secteur postal a été décidée en 1997 par l’Union européenne, par l’adoption d’une directive le 15 décembre 1997 à Bruxelles. Le Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000 a demandé « à la Commission européenne d’accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz, l’électricité, les services postaux et les transports ». Le 15 octobre 2001, à Luxembourg, les ministres des quinze pays de l’Union européenne s’accordaient, après quelques controverses, sur la poursuite de l’ouverture à la concurrence des services postaux.

Pour désamorcer les résistances à la politique du tout libéral, ces mêmes ministres décidaient de lâcher un peu de lest par étapes successives, en 2003 et en 2006, tout en repoussant la déréglementation totale à l’année 2009.

Le calendrier de l’ouverture à la concurrence fut fixé peu de temps après, dans la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002. Par la suite, le 4 octobre 2006, la Commission européenne a exigé de la France « la suppression de la garantie étatique illimitée en faveur de La Poste », considérant que cette garantie « plaçait l’entreprise dans une position avantageuse par rapport à ses concurrents et créait ainsi une distorsion de concurrence sur un marché en voie de libéralisation ».

C’est donc en cohérence avec la législation européenne de ces dix dernières années que le Gouvernement a arrêté, lors du conseil des ministres du 27 juillet 2009, le principe du changement de statut de La Poste.

Tout cela a déjà eu de nombreuses répercussions sur le système postal français. Comme cela s’est produit avec d’autres services publics, la mise en orbite capitalistique de La Poste a été précédée d’une profonde transformation de l’entreprise : introduction de techniques de management agressives, précarisation du personnel, dégradation du service et fermeture de bureaux, diversification dans des activités concurrentielles, rétablissement de la profitabilité.

Malgré tous ces éléments, la majorité, et M. Darcos en est l’exemple, n’assume pas sa volonté, pourtant explicite, de privatiser La Poste et rétorque que le changement de son statut ne signifie pas sa privatisation. Un argument déjà entendu dans le cas de France Télécom…

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue. Trois minutes, c’est la règle !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je conclus, monsieur le président !

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter l’amendement n° 18.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2025

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Il s’agit d’un amendement de repli visant à reporter la date à laquelle La Poste devrait être privatisée.

L’article 1er du projet de loi revient sur la loi Quilès et prévoit la transformation de l’établissement public à caractère industriel ou commercial La Poste en société anonyme. Ce faisant, le Gouvernement, malgré les minces garde-fous proposés par le rapporteur, entend bien privatiser La Poste. Il le fait contre la volonté du peuple et sans que cela soit imposé par le droit communautaire.

Mais peut-être devrais-je parler de « sociétisation », terme cher à certains membres de la majorité et utilisé à propos de France Télécom, pour ne pas employer le vilain mot de « privatisation » et ne pas affoler les foules.

Ainsi, dans le rapport d’information intitulé Le bilan de la loi n° 96-660 relative à l’entreprise nationale France-Télécom, M. Gérard Larcher nous explique ce néologisme : la « sociétisation » de France Télécom est la « transformation en société anonyme détenue majoritairement par l’État […], dans des conditions garantissant […] de manière pérenne le statut et l’emploi des personnels de l’entreprise publique, tout en leur ouvrant de nouveaux droits ». Bref, il n’y a pas de quoi s’inquiéter pour le service public et les personnels.

Plus de dix ans après les lois de déréglementation et d’ouverture à la concurrence, et après la privatisation de France Télécom, où en sommes-nous ?

Alors que France Télécom totalisait 165 000 agents fonctionnaires en 1997, elle n’en comptait plus que 95 000 en 2008, dont 25 000 salariés de droit privé. Pour supprimer massivement l’emploi sans provoquer trop de remous social, la direction a mis en place une préretraite maison, le « congé de fin de carrière », ouverte aux fonctionnaires dès l’âge de cinquante-cinq ans, avec des conditions financières quasi équivalentes au salaire.

En dix ans, fortement inquiets pour leur l’avenir, 40 000 agents ont utilisé, de gré ou de force, cette porte de sortie. À la fin de l’année 2006, la direction a mis fin à ce dispositif pour des raisons financières, sans pour autant renoncer à la saignée des effectifs. Elle a ainsi annoncé son objectif de supprimer 22 000 postes sur 2006-2008. Du coup, les méthodes d’incitation au départ se sont « musclées ». Les pressions sur les agents se multiplient pour les pousser à trouver un emploi dans la fonction publique ou à créer leur propre entreprise. À la fin de l’année, l’opérateur devrait ainsi afficher 90 000 salariés au compteur.

Ces pertes d’emploi entraînent une explosion de la précarité au travers du développement de la sous-traitance. L’ouverture à la concurrence a déclenché une guerre tarifaire au détriment des usagers : les opérateurs s’entendent pour maintenir des tarifs élevés ; de nombreux services sont devenus payants ou plus chers ; la couverture de l’ensemble du territoire n’est pas assurée.

Seuls les actionnaires et les banques se frottent les mains. Si le bilan est catastrophique pour le service public et pour les droits et garanties des salariés, il est en revanche positif, en termes de résultats financiers, pour l’entreprise.

Parce que nous ne souhaitons pas que La Poste connaisse de telles dérives, nous vous demandons de repousser la date du changement de statut de cette entreprise. Bien sûr, un tel report ne vaut pas acceptation de la privatisation.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2020

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement comme ceux qui l’ont précédé sont pour nous des amendements de repli, car nous sommes contre la modification du statut de La Poste qui nous est proposée.

Ces amendements doivent également être compris comme des amendements d’appels destinés à permettre un débat sur le fond s’agissant de la situation actuelle et des projets d’avenir de cette grande entreprise publique, à laquelle tant de Français sont attachés.

Au-delà du présent amendement, c’est à un véritable état des lieux, à une réelle étude d’impact qu’il faut nous atteler collectivement. Pour permettre le grand débat national que nous appelons de nos vœux et qui doit également avoir lieu en dehors de cet hémicycle, il nous faut repousser la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi. Il est en effet impossible que tout soit prêt pour le changement de statut dans moins de soixante jours.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2015

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, vous avez fait le choix de transformer La Poste en une société anonyme à compter du 1er janvier 2010, alors que rien ne vous y obligeait. En effet, il est faux de dire que ce changement de statut est une obligation voulue par l’Union européenne. Rien n’impose à l’État de faire évoluer le statut de La Poste pour se préparer à la libéralisation totale du courrier. La directive européenne prévoit la mise en concurrence, pas la privatisation.

Pourquoi une telle précipitation, une telle volonté de faire adopter la loi selon la procédure accélérée pour une application dès le 1er janvier 2010 ? Pourquoi ce refus opposé aux résultats de la votation citoyenne, alors que 75 % des Françaises et des Français sont opposés à la privatisation de La Poste ? Transformer La Poste en société anonyme et ouvrir son capital pour la privatiser, comme vous l’avez fait pour France Télécom, GDF et d’autres, est donc un choix idéologique !

La privatisation de La Poste s’accompagnera d’une recherche de rentabilité et d’une modification en profondeur des activités, au détriment des conditions de travail des postiers. Des restructurations sont déjà à l’œuvre dans certains départements où des agents sont reconvertis en commerciaux, où des postes de contractuels sont supprimés et remplacés par des automates et où des filiales de La Poste s’imposent lors de restructurations, avec des méthodes pour le moins douteuses. Bien entendu, ces dispositions sont prises au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.

Pour stopper cette politique néfaste, nous demandons de repousser à 2015 la date de mise en œuvre de la mesure, prévue initialement le 1er janvier 2010.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2014

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. L’article 1er traite de la date à laquelle la personne morale de droit public La Poste est transformée en une société anonyme dénommée La Poste.

Cet amendement a pour objet de reculer au 1er janvier 2014 l’échéance prévue au 1er janvier 2010.

Quatre années sont nécessaires pour permettre à La Poste de confirmer et de développer ses activités postales publiques, dans la fidélité à sa tradition d’excellence, qui remonte aux relais de poste instaurés par Louis XI, pour être aujourd’hui un établissement public à caractère industriel et commercial.

C’est ce maillage d’agences postales qui assure de nos jours la présence d’un service public de proximité sur l’ensemble de notre territoire.

Ces quatre années permettraient également à La Poste de prendre une part active aux assises de la ruralité, comme annoncé par M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, lors de son audition par la commission de l’économie, le 14 octobre dernier. En effet, la date de ces assises n’étant pas encore déterminée, il semblerait opportun de garantir le caractère public des missions universelles de La Poste, notamment celle de l’aménagement du territoire.

Ces assises seront l’occasion d’assurer le maintien du maillage actuel du territoire par les points de contacts postaux dont seule La Poste peut se prévaloir en tant que service public.

La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales impose à La Poste une obligation de présence postale territoriale minimale, puisqu’elle dispose : « au moins 90 % de la population doit avoir accès à un point de contact de La Poste à moins de cinq kilomètres et à moins de vingt minutes de trajet automobile de son domicile ».

En ce sens, 88 % des Français résidant dans une commune rurale accueillant une agence postale communale ou un relais de poste en connaissent l’existence et en sont satisfaits ou très satisfaits.

Ces chiffres montrent bien l’attachement de la population à La Poste, qui est le symbole du service public de proximité.

La participation de La Poste comme entreprise publique aux assises de la ruralité est donc primordiale. Selon les propos tenus par M. le ministre lors de son audition, « ce dispositif, qui a fait la preuve de son efficacité, doit être préservé et servir de modèle pour tous les grands opérateurs qui ont signé la charte des services publics ». C’est donc le sens cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2013

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à repousser au 1er janvier 2013 la date à laquelle La Poste passerait au régime juridique de société anonyme.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. On se rapproche de la date prévue ! Proposez-nous un amendement fixant comme date le 1er janvier 2010 et nous le soutiendrons.

M. Thierry Foucaud. Selon nous, ce changement de date est tout à fait possible, puisque rien n’impose, en tout cas pas l’Union européenne, cette transformation de statut. La seule obligation, c’est l’« ouverture » – le gouvernement actuel aime utiliser ce mot – à la concurrence, c'est-à-dire le fait de livrer les usagers, les citoyens, les résidents français à des « vendeurs » de transport de courriers, se menant une concurrence libre et non faussée, et leur faisant payer le tarif qu’ils voudront, selon une logique de rentabilité, pour une qualité de service non garantie.

Quelle urgence y a-t-il à procéder à cette modification de statut, non obligatoire et inutile, en 2010 ? Pourquoi cette volonté, cette obsession devrais-je dire, de faire tout dans l’urgence ? Quelles en sont les motivations ?

Selon l’exposé des motifs du projet de loi que nous examinons, le statut d’établissement public de La Poste, qui fait aujourd’hui figure d’exception en Europe, ne lui permet pas d’être concurrentielle en accédant à des capitaux et à des sources de financement élargies.

Si je lis bien, cela veut dire que La Poste ne serait pas capable de faire face à la concurrence en étant un service public, avec les seuls moyens de l’État. D’autres moyens financiers seraient donc nécessaires… Mais quels seraient ces autres financements ? Et en permettant à La Poste de rester 100 % publique, comme vous ne cessez de le promettre, monsieur le ministre ?

Visiblement, les choses ne sont pas si simples. Les engagements d’aujourd’hui seront certainement remis en cause dans quelque temps, au regard évidemment de la réalité et du besoin de faire face à cette concurrence libre et non faussée, si belle, mais si violente et si destructrice pour nos entreprises. Pouvez-vous, monsieur le ministre, vous engager devant la représentation nationale que, lorsque les fonds devront être levés pour défendre cette belle entreprise ex-publique, nous n’aurons pas recours à d’autres fonds, privés cette fois ?

Pourquoi ne pas attendre de voir si La Poste avec son statut actuel, 100 % public, est capable de faire face à la concurrence imposée par l’Europe, plutôt que de la transformer en une société anonyme pour lever des capitaux autres que publics tout en promettant qu’on ne le fera pas ? Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2012

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pour toutes les raisons précédemment évoquées, nous jugeons que la libéralisation des services postaux n’est pas désirable. Cependant, si notre opposition à ce projet ne devait pas permettre de sauvegarder à terme le monopole public sur les activités postales, nous plaidons au moins pour qu’il soit repoussé en 2012.

Ce délai devrait permettre de mener à bien sereinement l’étude précitée que nous préconisons sur les conséquences de la libéralisation du secteur sur les conditions de travail et sur la qualité des prestations, et ce afin de pouvoir pallier d’éventuelles dégradations liées au nouveau statut.

Notre service postal est trop précieux pour décider, sans avoir mené jusqu’au bout la réflexion, de prendre des mesures dont nous ne connaissons pas clairement les effets, sinon au travers d’exemples étrangers et de la libéralisation d’autres services en réseau nationaux, qui, il faut le reconnaître, ne présagent rien de bon.

Peut-être au moins pourrons-nous nous garder, en préservant ce délai de transition, d’une inutile dégradation brutale de la qualité du service postal, tout particulièrement dans les zones enclavées, en offrant également une certaine prévisibilité aux entreprises qui seront affectées ?

De plus, un tel délai permettrait de se mettre en conformité avec la directive européenne tout en laissant un sursis pour que soient rediscutées les conditions de cette libéralisation en Conseil européen, eu égard à ses effets négatifs.

Car le combat n’est pas perdu contre cette idéologie néolibérale, pour laquelle les services publics ne sont qu’autant d’obstacles au développement du capitalisme mondialisé, parce qu’ils représentent une certaine conception de la société allant à l’encontre d’une philosophie de compétition permanente entre les individus et parce qu’ils contribuent au respect des droits de chacun, au respect d’un statut pour les salariés, au respect du bien commun, à plus de lien social et à plus de solidarité.

Ces valeurs-là comptent également, au-delà d’un enrichissement aveugle au nom duquel il faudrait tout sacrifier. Si vous êtes réticents, et si vous ressentez que cette politique va à l’encontre de la conception française d’un service public garant avant tout de l’égalité entre les citoyens, alors accordez-vous, accordons-nous au moins ce sursis de réflexion. C’est l’objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 432, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dont le capital demeure en totalité public

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous avons une série d’amendements en discussion commune, dont sept sont proposés par le groupe CRC-SPG.

L’amendement n° 440 tend à s’opposer à la transformation de La Poste en société anonyme, mais, moins cohérent que l’amendement n° 445 des mêmes auteurs, il laisserait subsister les dispositions relatives à son capital. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 448 vise à maintenir le statut d’entreprise publique de La Poste. Pour les raisons déjà exposées, votre commission est défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 449 se distingue de l’amendement précédent des mêmes auteurs par la précision que La Poste est une entreprise « en totalité » publique. Il appelle le même avis.

En ce qui concerne l’amendement n° 450, l’affirmation que La Poste demeure la propriété collective de la nation est vraie. Cela restera le cas même une fois que La Poste aura été transformée en société anonyme contrôlée à 100 % par l’État et d’autres personnes morales de droit public. Toutefois, tel que l’amendement est rédigé, cette affirmation se substitue aux dispositions transformant La Poste en société anonyme. Nous ne pouvons donc pas y être favorables.

L’amendement n° 451 n’est qu’une variante de l’amendement n° 450 des mêmes auteurs. Il appelle le même avis défavorable.

L’amendement n° 19 est le premier d’une série d’amendements tendant à repousser dans le futur la transformation de La Poste en société anonyme. Une telle mesure serait dangereuse, car, comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, il y a urgence à mettre La Poste en état de recevoir la dotation en capital dont elle a besoin pour se moderniser.

L’avis de la commission est défavorable sur l’ensemble de ces sept amendements. Je vous rappelle qu’ils vont, par amendements de repli, de 2035 à 2012 et que le projet de loi prévoit 2010. Peut-être cette précision pourrait-elle vous inspirer…

La commission est également défavorable à l’amendement n° 432.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Les auteurs de ces amendements proposent l’année 2035 : pourquoi pas l’éternité ? (Sourires.)

Mme Odette Terrade. Mais nous avons l’éternité devant nous !

M. Christian Estrosi, ministre. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l’amendement n° 440.

M. Martial Bourquin. Nous voterons évidemment ces amendements.

Pourquoi sommes-nous très attachés au service public de La Poste ?

Ce matin, M. le ministre nous a invités à faire attention, à ne pas nous montrer excessifs – tout ce qui est excessif est insignifiant –, et nous a demandé de cesser d’affirmer que le changement de statut de La Poste provoquerait des milliers de suppressions d’emplois.

Il faut effectivement éviter toute subjectivité. Je propose donc de nous fonder sur les chiffres publiés dans le bilan social de La Poste. Selon ce document, il y a eu 10 000 suppressions d’emplois en 2007 et 7 000 en 2008, soit un total de 17 000 sur deux ans. Vous voyez que je n’exagérais pas en évoquant « des milliers de suppressions d’emplois », monsieur le ministre ! J’ai pris comme source directe le bilan social de La Poste, un document dont vous disposez comme nous.

J’ai également essayé de me renseigner pour connaître la situation en 2009, ainsi que la stratégie de la direction de La Poste. L’objectif visé est désormais celui du remplacement d’un départ à la retraite sur cinq seulement, contre un sur deux ou un sur trois au cours des dernières années.

J’ai sous les yeux une courbe intéressante. Ce n’est pas subjectif : c’est objectif ! Le bilan social est le suivant : on comptait 315 364 équivalents temps plein en 2003, contre 295 742 en 2008, et 114 500 emplois précaires en 2003, contre 143 455 en 2008.

De fait, nous allons vers une grande précarisation du personnel, avec moins d’équivalents temps plein.

Nous sommes là au cœur du débat ! Avec la transformation de l’EPIC en société anonyme, la stratégie, qui est déjà pratiquée, ne manquera pas de connaître un coup d’accélérateur fantastique.

M. Alain Fouché. Le statut de l’EPIC ne l’a pas freinée !

M. Martial Bourquin. Cher collègue, laissez-moi m’expliquer, vous me contredirez par la suite ! Sur des questions de cette importance, essayons d’avoir un débat de qualité !

Je n’invente rien : il s‘agit du bilan social de La Poste ! Ces suppressions d’emplois, ce sont des facteurs en moins, des guichets fermés, des files d’attente qui s’allongent dans les bureaux de poste, un aménagement du territoire moins satisfaisant.

Au bout du compte, chers collègues, tous les élus, qu’ils soient de droite ou de gauche, seront confrontés à des problèmes récurrents, car ils seront privés de cet aménagement du territoire indispensable pour faire vivre la ruralité, pour que les quartiers sensibles disposent de services publics.

M. le ministre a annoncé qu’il créait des services publics dans les Alpes-Maritimes. Mais tous les départements ne disposent pas de la même richesse par habitant.

M. Alain Gournac. Vous allez nous faire pleurer !

M. Martial Bourquin. Un département comme la Creuse sera dans l’impossibilité de faire face à ces transferts de charges.

Nous défendons le grand service public qu’est La Poste, parce que nous défendons l’emploi,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous aussi, mais nous ne le faisons pas de la même manière !

M. Martial Bourquin. …parce que nous voulons que reste toujours d’actualité l’aménagement du territoire actuel, qui assure un équilibre entre les campagnes et les villes. Mes chers collègues, si nous continuons à « déménager » ainsi le territoire, nous le paierons très cher ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 440.

M. Guy Fischer. Je souhaite apporter ma pierre au débat. (Rires sur les travées de l’UMP.)

L’explication de vote de Martial Bourquin m’incite à vous faire part de quelques exemples très simples que j’ai glanés au cours des nuits passées à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry avec les postiers.

La mise en œuvre de la politique qui a été définie, laquelle est appliquée au pas de charge, a eu pour conséquence, notamment, la redéfinition des tournées de facteurs. Ainsi, sur le VIIIe arrondissement de Lyon, sept postes de facteur ont été supprimés sur les vingt et un que comptait l’arrondissement.

Tout cela influe sur le comportement des cadres. La nouvelle génération de cadres à La Poste me fait penser à celle qui a mis en place une certaine politique à France Télécom. Ce point mérite d’être souligné, car des formes de harcèlement commencent à être détectées. (M. Alain Gournac s’esclaffe.) Vous pouvez rire, monsieur Gournac, mais c’est la pure vérité !

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. Guy Fischer. Cette politique se traduira par la suppression de plusieurs dizaines de milliers d’emplois, en particulier à La Poste !

M. Jean Bizet. Et Besancenot est toujours là ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Nous souhaitons tous que le service public soit un service de qualité rendu au public, peu importe que nous l’appelions usager ou client !

Je veux simplement poser une question à M. Fischer : avec sept facteurs de moins dans le VIIIe arrondissement de Lyon, le courrier continue-t-il à être distribué ?

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Daniel Dubois. C’est donc qu’il y avait peut-être sept facteurs de trop. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Vos propos n’engagent que vous !

M. Martial Bourquin. 5 millions de chômeurs !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je ne suis pas du tout d’accord avec M. Guy Fischer, qui expose un problème propre à Lyon, ville en expansion.

Je vis en milieu rural, près de Poitiers. Dans mon département et dans les départements limitrophes, le nombre de facteurs ne diminue pas : il reste stable, comme celui des services. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Cher collègue, je rencontre également des facteurs ! Vous n’êtes pas le seul à avoir ce privilège ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je souhaite dépassionner le débat.

Quelle est la grande entreprise de notre pays qui, sur vingt ans, s’est modernisée et a évolué sans restructurer ni réorganiser ses ressources humaines ?

Les moyens de La Poste doivent être renforcés pour que celle-ci diversifie ses métiers et crée des emplois. De la sorte, elle sera présente sur d’autres marchés que ceux qu’elle occupe aujourd'hui, tout en continuant à assumer parfaitement les missions qui sont aujourd'hui les siennes. Car tel est bien l’enjeu : faire de La Poste une entreprise qui créera encore plus d’emplois.

Effectivement, monsieur Bourquin, nous relevons d’une année sur l’autre des suppressions d’emplois. Mais regardons l’évolution sur une vingtaine d’années : en 1991, La Poste comptait 308 608 emplois ; en 2008, elle en comptait 295 742. Malgré les fluctuations à la hausse ou à la baisse d’une année sur l’autre, sur presque vingt ans, les effectifs sont restés autour de 300 000 emplois.

Quelle grande entreprise française ou européenne a réussi à préserver environ 300 000 emplois ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre. Il existe des entreprises moins exemplaires que celle-là.

Je souligne qu’en 1997 La Poste comptait 286 000 emplois. Cela signifie qu’elle a recruté depuis 1997.

Vous affirmez que La Poste a perdu des emplois. Elle en a beaucoup perdu à une certaine période, mais la courbe est remontée, et nous restons à une moyenne de 300 000 emplois.

En 2008, il y a eu 8 300 embauches, dont 90 % en CDI. Citez-moi une seule entreprise française qui en ait fait autant !

M. Guy Fischer. Sous statut privé !

M. Christian Estrosi, ministre. Il y a eu des départs à la retraite, mais pas de suppression d’emplois.

M. Martial Bourquin. 17 000 suppressions d’emplois !

M. Christian Estrosi, ministre. Non, il y a eu 7 000 départs naturels à la retraite et 5 000 embauches. J’ai ici les tableaux ; je les tiens à votre disposition !

M. Martial Bourquin. Je les ai aussi !

M. Christian Estrosi, ministre. Malgré les difficultés conjoncturelles et structurelles, La Poste, sur dix-neuf ans, a réussi à rester une grande entreprise, avec une moyenne de 300 000 salariés et 8 300 personnes recrutées en CDI en 2008.

Aujourd'hui, nous renforçons ses moyens pour lui permettre de consolider ses métiers historiques et de diversifier ses activités.

L’objectif est de permettre à La Poste de créer des emplois, pas de la mettre en difficulté face à la future concurrence. Tel est le vrai débat ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 448.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l'amendement n° 449.

M. Yannick Botrel. Notre débat porte, depuis déjà quelque temps, sur le futur statut de La Poste, qui deviendra une société anonyme en lieu et place d’un l’EPIC.

À plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que le caractère public de La Poste ne sera pas affecté par ce changement de statut.

Nous n’en sommes pas complètement convaincus, mais nous ne demandons qu’à l’être. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui offre le mérite de clarifier considérablement les choses dans la mesure où il vise à rédiger ainsi la première phrase du deuxième alinéa de l’article : « La Poste est une entreprise en totalité publique. »

Cet amendement est conforme aux affirmations de M. le ministre et de M. le rapporteur. Il devrait donc faire l’objet d’un consensus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 449.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 450.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 451.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.

M. Thierry Foucaud. Si la dégradation de la présence postale et du service rendu au public sur le territoire est déjà bien entamée – je partage le point de vue de mon collègue Martial Bourquin sur la question des effectifs –, la situation ne pourra que se dégrader en raison de la concurrence et de la rentabilité exigée. C’est d’ailleurs ce que nous constatons à France Télécom ou à Gaz de France.

La présence postale sur le territoire doit être une réalité.

Le résultat de cette recherche de rentabilité liée à l’ouverture à la concurrence a déjà conduit à la fermeture de nombreux bureaux de poste.

À la place des bureaux de poste, on installe des agences postales dans des boutiques et les règles minimales ne sont pas respectées : aucune garantie de pérennité de la présence de ces agences, aucun respect de confidentialité des opérations, etc.

Nous constatons chaque jour, sur le terrain, que la soumission des activités postales à des exigences de rentabilité a des conséquences néfastes sur la qualité du service rendu et sur l’accessibilité au service public. Cette observation se vérifie malheureusement dans bon nombre d’entreprises, notamment à France Télécom.

Vous vous cachez derrière l’Europe, mais l’Europe n’impose pas le changement de statut de l’établissement public.

Certes, les directives postales imposent l’ouverture des services postaux à la concurrence, ce qui pèsera sur la qualité des services fournis, mais aucun statut particulier aux entreprises. Il est donc possible de refuser la privatisation et le changement de statut de La Poste. Telle est bien sûr notre démarche.

Nous ne voulons pas d’un tel avenir pour La Poste ! C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement de repli, dont l’objet est de repousser la date fatidique de changement de statut de La Poste.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 18.

Mme Odette Terrade. Nous l’avons dit, la privatisation de La Poste, comme celle de toutes les entreprises publiques et services publics, a été décidé au niveau européen depuis des années ; tout le monde peut le constater.

Depuis deux décennies, la machine européenne s’est attaquée aux marchés non concurrentiels, sur lesquels on trouve les grands services publics historiques. Cela s’inscrit dans une politique encore plus large, celle de la mondialisation libérale, portée par les institutions financières internationales.

Ainsi, le 1er octobre dernier, alors que la votation citoyenne sur l’avenir de La Poste se poursuivait en France, le journal The Guardian rappelait que près de 400 millions de dollars avaient été engagés par des lobbies industriels contre le projet de réforme de l’assurance maladie aux Etats-Unis, qui prévoit l’introduction d’une assurance publique. L’opposition du Sénat des États-Unis à cette réforme, promise par Barack Obama pendant sa campagne électorale, se fonde sur une prétendue inégalité entre un éventuel secteur public, moins coûteux pour les assurés, et ses concurrents du secteur privé.

Or on oublie souvent d’évoquer à ce sujet les contraintes qu’impose aux États l’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, signé dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Pourtant, cet accord, qu’aucun gouvernement ne remet en cause, s’oppose de fait à l’existence de services publics, les services devenant des marchandises.

Un problème identique se pose en France et à l’échelle de l’Union Européenne, où, depuis deux décennies, les services publics sont systématiquement démantelés, et La Poste n’en est qu’un exemple.

La privatisation de France Télécom est encore plus avancée, et celle de la recherche et de l’éducation publique se met en place par un processus accéléré.

Si l’on prend l’exemple de la privatisation de l’électricité, celle-ci a conduit à une très forte augmentation du prix de l’électricité en France, qui s’est alignée sur le prix du marché, nettement plus élevé que le prix régulé imposé jusque-là par la puissance publique.

Tous les indicateurs, qu’il s’agisse du référendum sur le TCE, des sondages, des mouvements sociaux, des initiatives citoyennes comme la votation organisée le mois dernier, montrent, à l’évidence, que l’opinion publique s’oppose majoritairement à la libéralisation à marche forcée de ce secteur.

L’Europe à laquelle vous adhérez est donc directement responsable de ce retrait du service public !

En effet, la Commission promeut un programme systématique de libéralisation des services publics. Elle essaie d’introduire la concurrence et les règles du marché dans des secteurs où, jusqu’à présent, régnaient les règles du service public, faisant ainsi reculer l’un des éléments-clés du modèle européen.

L’Europe ne porte pas le modèle européen. Pire, elle le menace ! C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. D’autres pays européens ont déjà franchi le cap de la privatisation, et les résultats, bien que prévisibles, sont catastrophiques.

Permettez-moi de citer quelques exemples. Ainsi, la poste néerlandaise, groupe TPG, a été privatisée à 66 % en 1989. Elle a, depuis, procédé à des licenciements massifs. En octobre 2003, alors qu’elle souhaitait racheter la poste belge, son directeur exécutif déclarait : « Nous sommes une entreprise cotée en bourse, nous devons montrer tous les ans à nos actionnaires que nous avançons ». TPG s’intéresse à la poste belge « pour occuper le marché avant les concurrents – allemands et français. Car demain ne resteront en Europe que quelques grands acteurs. »

Le PDG du groupe précisait que « la poste belge devra subir une sévère rationalisation […] en quatre ans, avant la libéralisation complète du marché. Ce ne sera pas possible avec des départs naturels [...] et les restructurations nécessaires, nous voulons bien les faire nous-mêmes, nous en avons l’expérience ».

En Suède, la libéralisation du courrier postal date de 1993. Depuis, les effectifs ont baissé de 25 %, mais les prix des services postaux ont augmenté de 7 % entre 1993 et 2003, en monnaie courante et hors taxe, selon un rapport gouvernemental.

Au Royaume Uni, Royal Mail est devenue en 2001 une société anonyme à capitaux d’État. Elle renoue avec les bénéfices cette année, après avoir lancé en 2002 un plan de licenciement concernant 30 000 de ses 200 000 employés. Le nombre de bureaux de poste a également été réduit.

Les usagers se plaignent de la dégradation du service : rapidité, ponctualité, qualité.

Le 31 août 2009, le président du conseil de surveillance de la poste, Peter Carr, déclarait : « Lors des trois dernières années, les clients ont payé plus cher des services qui se dégradent ». Royal Mail devra donc verser à ses clients un dédommagement estimé par l’entreprise à 50 millions de livres, une somme que devrait prendre en charge son actionnaire unique, le gouvernement britannique.

La Deutsche Post illustre parfaitement le passage d’une entreprise publique à une entreprise internationale à vocation commerciale. En quelques années, la Deutsche Bundespost, poste publique allemande, est devenue la Deutsche Post World Net, une compagnie internationale dont le bénéfice a atteint 1,31 milliard d’euros en 2003. Quelques dates marquent cette transformation. Vous verrez que l’analogie avec le cas français est particulièrement intéressante.

En 1989, le parlement allemand votait la loi régissant la structure des postes et des télécommunications. La loi, entrée en vigueur le 1er janvier 1990, précise alors que la nouvelle entreprise doit rester publique. En 1997, une nouvelle loi transforme la Deutsche Post en une société par actions. Le gouvernement s’engage à conserver l’intégralité des actions dans un premier temps, et à rester l’actionnaire majoritaire pendant au moins cinq ans.

La loi supprime également le recrutement de nouveaux fonctionnaires et introduit la concurrence en deux étapes, ainsi que la notion de service postal universel. Elle crée en même temps l’Agence fédérale de la poste et des télécommunications, qui assume des fonctions de surveillance et de coordination.

En 2000, la Deutsche Post est introduite en bourse : 29 % de son capital est vendu, puis 2 % supplémentaires en 2001. En 2003, le patron de la Deutsche Post prévoit une privatisation totale de son entreprise en quatre ans. Dans le magazine Capital, il déclare : « Je m’imagine bien que l’État fédéral réduira à zéro sa part d’ici à 2007 ». Pendant ce temps, l’entreprise s’est lancée dans une politique d’expansion internationale.

Le bilan social est sévère. Selon la direction, entre 1990 et 1996, les restructurations ont réduit les effectifs de 95 000 emplois : ils sont passés de 380 000 à 285 000. Le nombre de bureaux de poste est passé de 26 000 à 13 000, dont 7 000 sont devenus des points de contacts : stations-service, papeteries...

M. Guy Fischer. C’est ce qui nous attend !

M. Thierry Foucaud. Et leur nombre va encore diminuer ! Le mercredi 22 septembre, la direction de la Deutsche Post a annoncé la fermeture supplémentaire de 1000 bureaux, essentiellement dans les zones rurales.

La démonstration est limpide : la libéralisation et la privatisation, partielle ou totale, des monopoles historiques a permis aux entreprises de gagner en rentabilité financière pour le compte de quelques-uns, mais au détriment de l’emploi et de la qualité du service public.

M. Guy Fischer. Voilà qui est bien argumenté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.

Mme Odette Terrade. Le président de La Poste, le ministre, les élus de la majorité ne cessent de nous répéter que le changement de statut de La Poste est nécessaire à la survie de l’entreprise publique, que les personnels et les usagers n’ont pas à s’inquiéter, car il s’agit non pas d’une privatisation, mais seulement d’une ouverture du capital, dans lequel l’État resterait majoritaire. On nous répète également que les missions de service public et le statut des agents seront préservés.

Pourtant, vous ne parvenez pas à nous convaincre, pas plus que les 2 300 000 citoyens qui ont voté, et pour cause : il y a dix ans, les mêmes arguments et les mêmes garanties ont été utilisés pour France Télécom, avant d’être rapidement foulées au pied.

Vos discours sont un « copier-coller » de ceux que l’on entendait en 1996, lorsque le gouvernement d’Alain Juppé transformait l’opérateur téléphonique public en société anonyme en vue d’une ouverture du capital. À l’époque, on nous disait aussi que les missions de service public étaient garanties et que l’État conserverait plus de 50 % du capital. Très rapidement, les modifications législatives ont supprimé la barre des 50 % ainsi que des obligations de service public. La participation de l’État, qui s’élevait à 79 % du capital après la première ouverture, chute à 62 % en 1998, puis à 50 % en 2003. Ce saut, qui marque la « privatisation » au sens propre, est opéré en septembre 2004, huit ans après le changement de statut.

Aujourd’hui, l’État détient moins de 30 % du capital de France Télécom, qui fonctionne comme n’importe quelle entreprise privée. Il n’est pas étonnant qu’aucun bilan officiel n’ait été tiré de cette expérience, puisque la seule conclusion possible serait de renoncer à toute privatisation.

Voilà donc ce qui attend La Poste, au détriment des salariés et des usagers, pendant que les actionnaires seront grassement rémunérés. C’est pourquoi nous avons proposé cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l’amendement n° 16.

M. Thierry Foucaud. Depuis plusieurs années, votre majorité et la direction de La Poste se sont ingéniées à transformer en profondeur cette entreprise nationale, pour en faire une entreprise commerciale presque comme une autre. Des secteurs postaux ont d’ores et déjà été ouverts à la concurrence et des entités publiques déjà privatisées. L’esprit de service public ne souffle plus à La Poste, en particulier depuis que vous avez décidé de fermer des bureaux de poste et que vous y avez instauré des techniques managériales fondées sur la mise en concurrence des agents et non plus sur des objectifs partagés d’un service de qualité à rendre à chaque usager.

En agissant ainsi, vous pensiez qu’il vous serait possible de procéder comme vous l’avez fait avec de nombreuses autres entreprises et services publics : réduire les moyens et les coûts en réduisant les missions et la qualité du service rendu ; créer une insatisfaction populaire envers un service qui se détériore ; puis privatiser ce qui peut être rentable en faisant miroiter à nos concitoyens une amélioration des prestations servies.

Seulement, cette fois, cela ne fonctionne pas ! Ce que vous avez fait pour casser La Poste, la population l’a vu, l’a vécu, l’a subi ! Nos concitoyens ont bien compris votre stratagème et refusent finalement de s’y laisser prendre. Vous n’avez pas réellement mesuré leur attachement au service public de La Poste. Paraphrasant une chanson populaire, j’oserai dire : « on a tous en nous quelque chose de La Poste ».

La transformation annoncée avec ce projet de loi, la découpe, le dépeçage à venir de cette belle entreprise nationale, qui a encore de « beaux restes », pourrions-nous dire, et qui recèle toujours les potentialités d’un renouveau du service public, nous savons qu’une majorité de Français ne le souhaite pas. Aussi, il faut l’écouter, il faut l’entendre. Il importe également de comprendre le levier considérable qu’un tel attachement représente pour soutenir La Poste dans la concurrence internationale exacerbée à laquelle vous avez décidé de la soumettre.

Donnons la parole à notre peuple au cours d’un grand débat national sur l’avenir de La Poste et du service public postal, suivi d’un référendum. Celles et ceux qui sont favorables au projet de loi doivent accepter de reporter sa mise en œuvre pour laisser le temps à la souveraineté populaire de s’exprimer. Tel est le sens du vote que nous vous demandons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 14.

M. Guy Fischer. Nous voulons réaffirmer nos convictions.

Nous sommes convaincus que, dans le contexte de crise que nous vivons, La Poste doit demeurer plus que jamais un service public de proximité pour tous les citoyens, dans la complémentarité de ses services.

M. Nicolas About. Très bien !

M. Guy Fischer. M. About approuve !

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Guy Fischer. La Poste a bien vocation à rester un service public répondant aux besoins de la population, tout en jouant un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire.

La transformation de La Poste en société anonyme et l’ouverture de son capital, présentées comme le seul moyen d’affronter l’ouverture du marché à la concurrence, doivent être retardées pour laisser « du temps au temps » : le temps nécessaire pour garantir la définition publique du service postal dans notre pays ; le temps nécessaire aussi pour s’assurer que les quatre missions publiques de La Poste, à savoir le service universel du courrier, l’aménagement du territoire, l’accessibilité bancaire et la distribution de la presse, sont maintenues et confortées sur l’ensemble de notre territoire, sans conditions de flexibilité ou de productivité.

Ce changement de statut dans l’urgence intervient alors qu’aucune directive européenne, nous l’avons démontré, n’oblige à la privatisation. En effet, l’Union européenne est souvent montrée du doigt quand il s’agit de chercher le responsable du démantèlement des services publics, en l’occurrence, aujourd’hui, du service postal ! Or si les différentes directives postales ont effectivement ouvert les services postaux à la concurrence, elles n’imposent pas un statut particulier aux opérateurs postaux, puisque l’Union européenne n’a aucune compétence en matière de régime de propriété. Les directives européennes n’imposent donc pas un changement du statut juridique de La Poste.

Nous ne cesserons donc de vous le répéter, jusqu’à la fin des débats : c’est vous, et vous seuls, chers collègues de la majorité, qui souhaitez ce changement en société anonyme ! Autrement dit, l’Union européenne est responsable de la libéralisation, avec l’ouverture à la concurrence, quand vous êtes responsables de la privatisation, avec le changement de statut !

En droit communautaire, il n’existe pas de « définition minimale » du service public. Les directives garantissent uniquement un ensemble commun d’obligations, qui constituent le service universel, par exemple une distribution et une levée du courrier au minimum cinq jours sur sept à un prix abordable sur l’ensemble du territoire. Je pourrais développer ma démonstration, mais l’heure du repas approche…

Liberté est donc donnée aux États membres de déterminer les modalités de financement ; liberté leur est aussi donnée d’adopter une définition plus large et surtout plus ambitieuse du service postal. L’ambition que vous nous proposez aujourd’hui est loin, très loin d’être satisfaisante ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.

Mme Odette Terrade. « Il n’est pas question de privatiser La Poste », ne cesse-t-on de nous répéter. Pourtant, l’article 1er du projet de loi indique explicitement que « la personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste ». Au-delà de la question de la propriété publique du capital, cette disposition figurant au deuxième alinéa signifie bien, en droit, une privatisation du statut et des modes de gestion de La Poste.

La Poste sera donc soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes, autrement dit, La Poste relèvera des dispositions du droit commun des sociétés commerciales, comme du code de commerce et du code monétaire et financier. Cette transformation, à elle seule, est lourde de sens et de conséquences, puisqu’elle signifie la soumission aux règles et normes de gestion économiques, comptables et sociales des entreprises privées agissant dans un marché fortement concurrentiel. Nous mesurons déjà tous les dégâts provoqués.

Depuis trente ans, il n’est pas un exemple de transformation d’établissement public en société anonyme qui n’ait conduit, à terme, à une banalisation et à une privatisation de sa gestion, autrement dit à une disparition programmée de ses missions de service public, quand il ne s’agit pas tout simplement de sa disparition totale.

Vous nous affirmez que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront les principaux actionnaires publics de La Poste et que le capital sera à 100 % public. Cette garantie est censée rassurer les employés et les usagers de La Poste sur la pérennité des emplois et des missions publiques. Encore une fois, une telle garantie est insuffisante puisque, d’une part, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire et, d’autre part, la qualité publique d’un actionnaire est toute relative lorsqu’il s’agit d’une société anonyme soumise au code du commerce.

Là encore, les exemples ne manquent pas. Je voudrais vous citer celui d’ICADE, dont le capital est détenu à 60 % par la Caisse des dépôts et consignations, qui fut l’un des premiers bailleurs sociaux français et qui, aujourd’hui, cède la plupart de ses activités de service et la totalité de son patrimoine de logements à vocation sociale, mettant ainsi en danger 2 000 employés.

Lorsqu’elle agit en qualité d’investisseur privé, la Caisse des dépôts et consignations exige un rendement de ses actifs à peine inférieur à celui qui est fixé par les autres investisseurs. Dans sa plaquette Les doctrines d’action, publiée en décembre 2008, après la promulgation de la loi de modernisation de l’économie, dite loi LME, la Caisse des dépôts et consignations indique, à la page 7 de ce document, qu’elle « peut attendre un retour financier significatif […] de participations substantielles dans les grandes entreprises françaises dont la rentabilité est “indexée” sur la croissance mondiale ». Il n’en faut pas plus pour comprendre les volontés d’investissement de la Caisse des dépôts et consignations, dont on nous assure pourtant aujourd’hui qu’elle est le seul garant possible des missions du service public postal.

Rien n’interdit de nos jours à la Caisse des dépôts et consignations de céder ultérieurement tout ou partie de sa participation au capital de La Poste. C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Discussion générale

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

TAXE PROFESSIONNELLE

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Marie-France Beaufils. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Madame la ministre, vous avez décidé d’inscrire dans le projet de loi de finances la suppression de la taxe professionnelle, annoncée par le Président de la République en février dernier.

Comme vous nous l’avez précisé, les entreprises bénéficieront ainsi d’une capacité de trésorerie supplémentaire de 11 milliards d’euros en 2010, puis de 5,8 milliards d’euros chaque année suivante. Que peut-on attendre d’une telle décision pour notre économie ? Pourquoi cette mesure aurait-elle des effets positifs ? Une plus grande part de la valeur ajoutée créée par les entreprises sera-t-elle consacrée à l’emploi, à l’investissement ? Le rapport demandé par le Président de la République nous a rappelé dernièrement qu’en vingt ans cette valeur ajoutée a profité aux seuls actionnaires.

Selon vous, madame la ministre, toutes les activités seront gagnantes avec le nouvel impôt. Mais, avec un faible taux de cotisation, fixé à 1,5 % de la valeur ajoutée, les banques, les assurances, la grande distribution étaient déjà gagnantes depuis de nombreuses années. C’est cet écart avec le secteur industriel qu’il aurait fallu rectifier. Une fois de plus, les grandes perdantes seront les familles, appelées à compenser cette perte de recettes.

Les collectivités territoriales, que le Gouvernement a été bien heureux de trouver pour maintenir un haut niveau d’investissement et conserver ainsi aux entreprises des carnets de commandes suffisamment remplis, sont complètement déstabilisées.

M. Jacques Mahéas. C’est exact !

Mme Marie-France Beaufils. Les budgets pour 2010 se préparent, mais, vous le savez bien, madame la ministre, les projets ne se financent pas sur un seul exercice. L’absence de visibilité est inquiétante pour les collectivités territoriales, pour leurs habitants, mais aussi pour les entreprises concernées par les investissements publics. Je rappelle que 73 % de ceux-ci sont réalisés par les collectivités territoriales.

Pourquoi, une fois de plus, tant de précipitation ? Pourquoi n’écoutez-vous pas les élus locaux ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Roland Courteau. Elle a raison !

Mme Marie-France Beaufils. Pourquoi refusez-vous d’engager une réflexion sur cet impôt économique, qui prendrait en compte l’ensemble de la fiscalité locale et serait menée parallèlement à la réforme des institutions et à la définition des compétences de chaque niveau, y compris l’État ? Allez-vous retirer le projet de suppression de la taxe professionnelle, dangereux pour notre économie et nos services publics, contraire à l’intérêt général ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

M. Jean-Pierre Michel. Ministre du chômage !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame le sénateur, rappelons-nous du contexte dans lequel cette réforme intervient et des objectifs que nous cherchons à atteindre !

Confrontés à une crise économique, nous devons améliorer la situation de l’emploi et la compétitivité de nos entreprises. J’ai noté, madame Beaufils, que vous établissiez très clairement le lien entre emploi et entreprise : nous aussi !

M. René-Pierre Signé. Et le pouvoir d’achat ?

Mme Christine Lagarde, ministre. La réforme que nous engageons doit permettre de restaurer la compétitivité des entreprises, de soutenir l’économie française et, bien évidemment, d’assurer la fiscalité de tous les niveaux de collectivités territoriales, lesquelles ont joué un rôle important dans le cadre du plan de relance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est faux !

M. Paul Raoult. Vous n’y croyez pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Tels sont les trois objectifs qui nous guident.

La méthode suivie est la même que pour l’élaboration de la loi de finances : elle repose sur le dialogue, l’écoute, la concertation.

M. Guy Fischer. Mais non !

Mme Christine Lagarde, ministre. Dans cet esprit, j’ai d’ailleurs eu le plaisir, mesdames, messieurs les sénateurs, de recevoir un certain nombre d’entre vous. Je voudrais tout particulièrement remercier MM. Hervé, Guené et de Montgolfier de leur participation au travail de concertation que nous avons engagé voilà maintenant sept mois, depuis l’ouverture, par le Premier ministre, de la Conférence nationale des exécutifs.

M. Paul Raoult. C’est la solidarité nationale portée par les départements !

Mme Christine Lagarde, ministre. Par conséquent, les objectifs et la méthode sont simples, tout comme le calendrier. La crise n’attend pas : il faut impérativement, pour les entreprises, que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2010.

M. Paul Raoult. C’est l’asphyxie des collectivités locales !

M. Guy Fischer. C’est trop tôt !

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour des raisons constitutionnelles qui ne vous échappent pas, il est indispensable que l’impôt voté soit attribué. Dans ces conditions, il est parfaitement légitime que la contribution économique territoriale, qui se substituera à la taxe professionnelle et sera notamment assise sur la valeur ajoutée, soit mise en place dans un délai suffisant, en 2010.

M. Paul Raoult. Et après ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Cela nous permettra de réaliser des simulations, de nous assurer que les curseurs sont bien placés et, si nécessaire, de procéder à des ajustements pendant le courant de l’année 2010, afin qu’au 1er janvier 2011 la réforme marche sur deux jambes : une pour les entreprises, une pour les collectivités territoriales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

RÉACTEUR EPR

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Ma question s'adressait à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, mais je remercie M. le secrétaire d’État chargé des transports de bien vouloir y répondre.

Lundi dernier, les autorités de sûreté nucléaire britannique, française et finlandaise ont émis des réserves sur les systèmes de sûreté des réacteurs nucléaires de type EPR, dont elles demandent aux exploitants et aux fabricants d’améliorer la conception initiale.

Le réacteur pressurisé européen, ou EPR, constitue une avancée considérable en matière énergétique et environnementale, permettant à la France de conserver, au côté des États-Unis, une place de leader mondial dans ce domaine.

Certes, la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables enregistre des progrès importants, mais, aujourd’hui, plus de 78 % de notre électricité est d’origine nucléaire.

En tant que sénateur de Seine-Maritime, je suis d’autant plus sensible à ce sujet que mon département compte deux centrales nucléaires, à Paluel et à Penly, et que le Président de la République a annoncé, le 30 janvier dernier, la construction d’un EPR sur le second de ces sites. Cela confortera considérablement la place de la Normandie dans le secteur nucléaire, sur le plan mondial.

Le début de la construction est prévu en 2012, pour une mise en service en 2017. Au plus fort de son activité, le chantier mobilisera près de 2 500 salariés. L’entrée en service de l’EPR s’accompagnera de la création de 300 emplois directs permanents, au sein d’EDF ou d’entreprises externes, auxquels s’ajouteront de très nombreux emplois induits.

Pour autant, et bien que je sois, comme la majorité des élus de Seine-Maritime, favorable au développement de l’EPR, je suis parfaitement conscient du risque humain d’une telle entreprise, principal enjeu, d’ailleurs, du débat nucléaire. À ce sujet, le fait que le contrôle soit assuré par deux autorités témoigne de la transparence des processus.

Toutefois, la critique actuelle porte sur la trop grande interconnexion entre les deux systèmes de contrôle, supposés être indépendants. Aussi aimerais-je, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous donniez plus de précisions sur les tenants et aboutissants de la controverse portant sur l’EPR. Il est important que nos concitoyens trouvent une réponse aux questions qu’ils peuvent légitimement se poser, suite aux informations diffusées ces jours derniers. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Je vous prie, monsieur Revet, de bien vouloir excuser M. Borloo.

Vous avez parfaitement raison de soulever cette question, car l’existence d’une autorité de sûreté nucléaire indépendante est un gage de transparence et de sécurité. Cette autorité est fiable techniquement et libre de sa parole : c’est une condition indispensable au développement de l’industrie nucléaire, en France comme à l’étranger.

Les événements auxquels vous avez fait allusion témoignent d’ailleurs de l’existence d’un dialogue nourri entre l’Autorité de sûreté nucléaire et les exploitants. Ce débat permet de bâtir les solutions les plus sûres.

On ne peut donc que se féliciter, dans un esprit de transparence absolue, que toutes les prises de position de l’Autorité de sûreté nucléaire soient rendues publiques. Que n’entendrait-on pas, d’ailleurs, si ses avis étaient tenus confidentiels ?

La représentation nationale peut également être satisfaite de la bonne coordination entre les autorités de sûreté nucléaires française, britannique et finlandaise. Comme vous le savez, monsieur Revet, la France a souhaité développer les coopérations européennes et internationales dans ce domaine. C’est une manière de faire progresser la sûreté nucléaire dans le monde entier.

Il est normal que des éclaircissements techniques soient demandés par l’Autorité de sûreté nucléaire. Cela montre que notre organisation nucléaire est robuste et que cette autorité joue bien le rôle que le législateur a voulu lui confier.

L’enjeu technique, dans cette affaire, porte sur le système de contrôle et de commande, c’est-à-dire sur le pilotage opérationnel du réacteur. Je tiens à vous dire solennellement que nous avons obtenu l’assurance qu’EDF et Areva s’étaient engagés à fournir toutes les réponses attendues. Nous veillerons, bien sûr, au respect de cet engagement. En tout état de cause, aucun retard ne devrait être enregistré, et les fondamentaux du programme EPR ne sont pas remis en cause.

En conclusion, je voudrais rappeler que notre responsabilité collective porte sur la sûreté, bien sûr, mais aussi sur la performance, qui est un enjeu essentiel compte tenu de la place de l’industrie nucléaire dans notre pays. En renforçant la sûreté et la performance, nous mettons un outil de production électrique de grande qualité au service de nos industries et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean Bizet. Très bien !

CRISE DU SECTEUR AGRICOLE

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Au moment de la création de la Communauté européenne et dans les négociations ultérieures, la France et l’Allemagne avaient pris le parti de défendre, quelle que soit l’évolution de la situation, l’agriculture et l’industrie, puisque l’espace européen est traditionnellement ordonnancé autour de ces deux activités majeures.

Pourtant, force est de constater aujourd’hui, à l’heure où les effets de la crise mondiale se font lourdement sentir, que si l’industrie paraît relativement protégée, l’agriculture, elle, a le triste sentiment d’être abandonnée des pouvoirs publics. Le discours éloquent prononcé par le Président de la République à Poligny,…

M. Didier Boulaud. Pour causer, il est bon !

Mme Anne-Marie Escoffier. … la semaine dernière, n’y a rien changé et n’a pas convaincu les organisations syndicales agricoles.

Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à mesurer chaque jour, en tant que sénateurs de ce qu’il est convenu d’appeler la France rurale, la légitime colère des producteurs des différentes filières – éleveurs, céréaliers, producteurs de lait, producteurs de fruits et légumes –, qui constatent, impuissants, que les prix ne permettent plus de couvrir les charges et de dégager le moindre salaire.

Il fut un temps où il ne fallait pas, disait-on, « désespérer Billancourt ». Aujourd’hui, a-t-on véritablement conscience de la détresse des Français chargés de nourrir le pays et de contribuer, sans juste retour, au dynamisme de deux secteurs paradoxalement en pleine expansion, l’agroalimentaire et la grande distribution ? Je ne crois pas que souligner la noblesse de la terre et de ceux qui la travaillent suffira à régler cette crise, tout à la fois structurelle et conjoncturelle, de même qu’annoncer un énième plan si celui-ci n’est doté d’aucun financement sérieux.

Chacun sait bien que l’avenir de l’agriculture se joue désormais à l’échelon européen et au sein de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Or, depuis 1992, la politique agricole commune se démantèle au fil du temps : elle est de moins en moins politique, de moins en moins agricole et de moins en moins commune !

Dans ce contexte, comment le Gouvernement entend-il s’y prendre pour atteindre l’objectif prioritaire que le Président de la République a lui-même fixé : mettre en place une nouvelle régulation des marchés pour l’ensemble des productions ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, comme j’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises ces derniers mois, je suis moi aussi conscient de la détresse du monde agricole. Nous entendons, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, y apporter des réponses concrètes.

Le plan d’aide immédiate à l’ensemble des filières agricoles annoncé par le Président de la République est d’une ampleur sans précédent,…

M. Didier Boulaud. C’est ce qu’on nous dit à chaque fois !

M. Bruno Le Maire, ministre. … puisque son montant s’élèvera à 1,65 milliard d’euros. Dès la semaine prochaine, une enveloppe de 1 milliard d’euros de prêts bonifiés sera disponible, sur la base de la convention que je signerai avec les banques ce lundi.

M. René-Pierre Signé. Il faudra les rembourser, ces prêts !

M. Didier Boulaud. Les agriculteurs sont déjà endettés jusqu’au cou !

M. Bruno Le Maire, ministre. En outre, 650 millions d’euros de crédits budgétaires seront débloqués pour prendre en charge des intérêts d’emprunts, alléger les cotisations à la Mutualité sociale agricole et apporter une aide directe aux exploitants agricoles. Je le répète, c’est un plan sans précédent dans l’histoire de l’agriculture française ! Il s’agit d’une aide concrète à tous les exploitants agricoles, appropriée à la situation. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. C’est nul !

M. Bruno Le Maire, ministre. Par ailleurs, nous entendons, grâce à des mesures structurelles, permettre à l’ensemble des filières de gagner en compétitivité et de retrouver un élan digne de la première agriculture européenne. Tel sera l’objet de la loi de modernisation de l’agriculture, sur laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois, en liaison étroite avec le président de la commission de l’économie du Sénat, Jean-Paul Emorine.

Enfin, nous œuvrons sans relâche pour obtenir une régulation européenne des marchés agricoles.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre. Depuis le début du mois de juillet, nous menons bataille, avec l’Allemagne et vingt et un autres États européens, pour mettre sur pied une telle régulation, d’abord pour le marché du lait, puis pour l’ensemble des marchés agricoles.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il aurait fallu commencer avant !

M. Bruno Le Maire, ministre. Aujourd'hui, le Président de la République et le Premier ministre polonais ont signé une déclaration conjointe sur la régulation européenne des marchés agricoles et sur l’avenir de la politique agricole commune.

M. Paul Raoult. Cela ne changera rien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ne céderons pas d’un pouce sur la régulation européenne des marchés agricoles, ni sur une redéfinition d’une politique agricole commune dans l’intérêt de l’ensemble des exploitants agricoles français. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Paul Raoult. L’agriculture va crever !

nomination du président d'edf

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. David Assouline. Et du chômage !

M. Jean Arthuis. Madame la ministre, nous avons appris, il y a quelques semaines, que M. Henri Proglio serait proposé à la présidence d’EDF.

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

M. Jean Arthuis. Il a manifestement toutes les compétences requises pour exercer une telle responsabilité, mais je suis de ceux qui se sont étonnés d’apprendre que, s’il était nommé, il ne renoncerait pas à la présidence de la société Veolia. Je voudrais faire remarquer que les chiffres d’affaires d’EDF et de Veolia sont respectivement de 64 milliards d’euros et de 36 milliards d’euros, et que ces entreprises comptent 160 000 et 340 000 salariés…

Peut-on exercer simultanément la présidence d’EDF, entreprise contrôlée par l’État, et celle de Veolia, société cotée en bourse ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Non !

M. Jean Arthuis. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les risques de conflits d’intérêts.

M. Jean Arthuis. Certains pourraient penser, à tort selon moi, que l’on envisage la nationalisation de Veolia ou la privatisation d’EDF.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est sûrement l’une ou l’autre !

M. Jean Arthuis. Toujours est-il que cela crée une confusion.

M. René-Pierre Signé. Nous y sommes !

M. Jean Arthuis. Certes, le Gouvernement a appliqué les nouvelles dispositions de la Constitution, mais les commissions compétentes des assemblées ont entendu les candidats en vain, puisque la loi organique n’a toujours pas été votée.

Madame la ministre, à la lumière de ce cas très particulier, je souhaiterais que vous nous exposiez la doctrine du Gouvernement en matière de gouvernance des entreprises publiques. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

M. Bernard Frimat. Ça va être dur !

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Arthuis, votre souci est parfaitement légitime, EDF étant une grande entreprise nationale, qui joue un rôle important dans la vie quotidienne de tous les Français. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. On est content de l’apprendre !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le mandat de son actuel président arrive à échéance le 22 novembre prochain. En vue de la nomination de son successeur, l’État a soutenu la candidature de M. Henri Proglio, qui a été entendu par chacune des deux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale.

M. Christian Poncelet. C’est exact !

Mme Christine Lagarde, ministre. À cette occasion, il a pu indiquer dans quelles conditions il envisageait d’exercer les fonctions de président d’EDF. Je sais qu’il a notamment été longuement interrogé sur la compatibilité de celles-ci avec son mandat de président de Veolia.

Trois questions se posent.

La première a trait à d’éventuels conflits d’intérêts. M. Proglio est administrateur d’EDF depuis 2004 : en cinq ans, il n’a jamais eu à en connaître.

M. Paul Raoult. Et son bonus ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Par ailleurs, le conseil d’administration d’EDF s’est engagé, s’il était nommé président, à éviter toute situation de conflits d’intérêts. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Nous voilà rassurés ! Et vous parvenez à dire cela sans rire…

M. René-Pierre Signé. C’est indéfendable !

Mme Christine Lagarde, ministre. La deuxième question qui se pose est celle du rôle que jouera M. Proglio s’il est choisi. Votre préoccupation, monsieur Arthuis, serait légitime s’il était destiné à présider EDF à mi-temps.

M. René-Pierre Signé. C’est indéfendable !

Mme Christine Lagarde, ministre. Bien évidemment, il n’en sera rien. S’il est nommé, il sera un président d’EDF de plein exercice, assumant l’intégralité des fonctions opérationnelles, tandis que l’ensemble des fonctions exécutives, au sein de Veolia, seront dévolues au directeur général. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Catherine Tasca. Quels seront son titre et sa rémunération !

M. Charles Gautier. C’est indécent !

M. Yannick Bodin. C’est abracadabrantesque !

Mme Christine Lagarde, ministre. Enfin, la troisième question porte sur la rémunération. Lors de son audition par la commission des finances du Sénat, M. Proglio a indiqué très clairement que sa rémunération actuelle, en tant que président de Veolia, le plaçait au vingt-huitième rang des dirigeants des sociétés du CAC 40. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Simon Sutour. On va sortir les mouchoirs !

Mme Christine Lagarde, ministre. Si ce que je dis ne vous intéresse pas,…

M. Charles Gautier. Cela nous intéresse, mais nous sommes scandalisés !

Mme Christine Lagarde, ministre. … n’écoutez pas, mais arrêtez de hurler, vous empêchez vos collègues d’entendre ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Il n’est pas question de cumul de rémunérations. M. Proglio n’en percevra qu’une,…

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas ça, le problème !

Mme Christine Lagarde, ministre. … qui sera fixée le 22 novembre prochain, à l’occasion de sa nomination. Il serait raisonnable de tenir compte de sa rémunération chez Veolia,…

M. Yannick Bodin. C’est incompréhensible !

Mme Christine Lagarde, ministre. … mais en aucun cas – je le précise à l’intention de ceux d’entre vous qui ne semblent être intéressés que par cette seule question – il n’y aura cumul.

M. Yannick Bodin. C’est laborieux !

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !

Mme Christine Lagarde, ministre. Rémunération unique, exercice des responsabilités exécutives, absence de conflits d’intérêts : telles sont les conditions dans lesquelles M. Proglio pourra réaliser des opérations stratégiques très importantes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

situation de l'économie

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Il faudrait vraiment être sourd et aveugle pour ne pas constater l’émotion considérable que soulèvent actuellement les grands projets du Gouvernement, émotion qui est partagée, au-delà de la seule opposition, par de nombreux élus de la majorité, dont des personnalités de premier plan : à l’instant, M. Arthuis l’a exprimée avec force.

Tous ces élus sont notamment affligés par l’impréparation, l’absence d’anticipation et même de simulations qui président à la suppression de la taxe professionnelle, dont le produit représente tout de même 26 milliards d’euros. Tous savent que c’en sera fini de la libre administration des collectivités locales et de leur autonomie fiscale.

Mais cette émotion a aussi gagné les citoyens, qui ont bien compris que l’allégement de la fiscalité des entreprises, à hauteur de 11 milliards d’euros en 2010 et de 8 milliards d’euros les années suivantes, sera forcément compensé par une augmentation, sans doute de l’ordre de 30 %, des impôts pesant sur les ménages.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Jean-Pierre Bel. C’est considérable !

Monsieur le Premier ministre, vous qui avez déclaré que la France était en faillite, pensez-vous vraiment que la situation catastrophique des comptes publics vous autorise à charger la barque du déficit de 11 milliards d’euros supplémentaires en 2010 ? Le déficit budgétaire s’élève déjà à 140 milliards d’euros en 2009, montant auquel il faut ajouter les 28 milliards d’euros de déficit de la sécurité sociale, et la dette publique du pays sera supérieure en 2010 à 84 % du PIB : comment pouvez-vous, dans ces conditions, justifier les 50 milliards d’euros de cadeaux fiscaux consentis depuis 2002 ?

Demain, c’est nous, mes chers collègues, qui devrons supporter les conséquences de cette asphyxie financière. Nous serons contraints de réduire drastiquement les services publics de proximité, pourtant si nécessaires à ceux qui vivent dans nos territoires, et d’augmenter les impôts locaux pesant sur les ménages.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, les problèmes que vous rencontrez avec votre majorité sont votre affaire, mais soyez attentif aux appels au bon sens qui vous sont adressés. Par exemple, ne mettez pas la charrue devant les bœufs : commencez par définir les compétences des collectivités territoriales et par estimer le coût de leur exercice, avant de régler la question du financement !

Dites-nous si, en ces temps tumultueux, vous resterez « droit dans vos bottes », ou si vous laisserez le temps à la réflexion, à la concertation, en un mot au débat démocratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, pour juger de l’efficacité d’une politique économique, il faut la comparer à celle des autres pays développés ou aux politiques alternatives éventuelles.

Je constate qu’en 2009, dans un contexte de récession extrêmement sévère, les résultats de l’économie française seront les meilleurs de la zone euro.

M. François Fillon, Premier ministre. Ainsi, la récession sera deux fois moins forte chez nous : l’Allemagne sera à moins 5 %, le Royaume-Uni à moins 4,9 %, l’Italie à moins 4 %.

M. René-Pierre Signé. Nous serons les moins mauvais !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour 2010, l’Union européenne nous prédit une croissance supérieure à 1,2 %, soit le double de ce qu’elle prévoit pour la zone euro.

Ces résultats sont dus aux décisions que nous avons arrêtées depuis le début de la crise pour sauver le système financier puis mettre en œuvre le plan de relance (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), et surtout aux décisions structurelles que nous prenons depuis deux ans et demi pour améliorer la compétitivité de l’économie française. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Bel, je croyais que vous souhaitiez parler de l’économie française, de sa compétitivité, de sa capacité à produire de la richesse, mais vous ne parlez en fait que de l’organisation des collectivités locales. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Paul Raoult. Il ose dire cela au Sénat !

M. Didier Boulaud. Il oublie qu’il a été maire de Sablé-sur-Sarthe !

M. François Fillon, Premier ministre. Certes, il s’agit d’une question très importante, mais elle est subordonnée à celle de la création de richesse dans notre pays !

Quelles solutions proposez-vous ?

Depuis le début de la crise, vous avez d’abord suggéré de baisser la TVA.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez fait pour la restauration !

M. François Fillon, Premier ministre. Le seul pays qui s’est engagé dans cette voie s’en mord aujourd’hui les doigts, car il a les plus mauvais résultats économiques de l’Union européenne.

Par ailleurs, vous ne cessez de préconiser une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises, alors que la compétitivité de celles-ci est précisément le grand problème de notre pays. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Charles Gautier. C’est faux !

M. François Fillon, Premier ministre. Si vous n’écoutez pas, nous ne pourrons pas dialoguer ! Dans ces conditions, ce n’est pas la peine de prôner la concertation ! Pour ma part, j’ai écouté M. Bel respectueusement, et j’ai entendu ses arguments. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Didier Boulaud. Répondez à la question !

M. François Fillon, Premier ministre. Je vais y répondre, si vous me laissez conduire mon raisonnement.

Prenons un exemple. Au début des années quatre-vingt, la part de l’industrie automobile française sur le marché mondial était de 10 % ; aujourd’hui, elle est tombée à 5 %.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Vive la globalisation !

M. François Fillon, Premier ministre. Dans le même temps, la part de l’industrie automobile allemande est passée de 11 % à un peu plus de 10 %. Cela montre que nous avons un problème majeur de compétitivité,…

M. Paul Raoult. Le problème, c’est le ferroviaire !

M. François Fillon, Premier ministre. … en particulier face à notre voisin et principal concurrent, l’Allemagne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salaires sont plus élevés en Allemagne !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons donc le devoir d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Comment peut-on y parvenir ? En baissant les charges sociales ? Depuis des années, tous les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, l’ont fait !

M. Didier Boulaud. Vous n’avez rien fait depuis 2002 !

M. François Fillon, Premier ministre. La seule possibilité qui subsiste encore, aujourd’hui, est d’abaisser les cotisations retraite et chômage sur les bas salaires. Mais personne, naturellement, ne proposerait de retenir une telle solution !

M. Didier Boulaud. Vous avez été ministre du travail sous Chirac !

M. François Fillon, Premier ministre. Il est donc indispensable, si l’on veut favoriser la création de richesse dans notre pays, si l’on veut que les communes, que vous représentez ici, conservent une activité industrielle, de supprimer la taxe professionnelle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Taxez plutôt les actionnaires !

M. François Fillon, Premier ministre. Telle est la politique que nous allons conduire. Nous en profiterons pour appliquer enfin cette fameuse péréquation réclamée de manière unanime depuis des années, mais que personne n’a encore jamais mise en œuvre !

M. Didier Boulaud. Il fallait vous réveiller en 2002 !

M. François Fillon, Premier ministre. Les collectivités territoriales, notamment les communes et les intercommunalités, bénéficieront finalement de cette réforme. La péréquation permettra de mettre enfin un terme aux injustices que ni vous ni nous n’avions su corriger par le passé. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. René-Pierre Signé. On verra !

droit à l'image collective

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports, que je souhaite interroger sur le droit à l’image collective. (Très bien ! sur les travées de lUMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Madame la ministre, ma messagerie électronique est saturée depuis plusieurs jours. Le monde sportif est en ébullition, et la polémique enfle.

M. Didier Boulaud. Comme la dette !

M. Alain Vasselle. À l’Assemblée nationale, vous avez accepté un amendement tendant à revenir sur une mesure d’exonération de charges sociales prise en 2004. Lors de l’élaboration de la loi de finances de 2009, nous avions déjà décidé de redéployer les moyens en faveur des clubs sportifs et de supprimer l’avantage en question à compter du 1er juillet 2012.

L’amendement que je viens d’évoquer ramène l’échéance au 31 décembre 2009. Dans leur argumentation, les députés ont mis l’accent sur les salaires très élevés versés à certains sportifs et ont fait valoir l’inefficacité du dispositif mis en place en 2004. Ils ont également fait référence aux conclusions très négatives de la Cour des comptes, qui préconisait, dans son rapport de 2009, de supprimer cet avantage.

Néanmoins, certains considèrent qu’adopter cet amendement revient à changer la règle du jeu en cours de partie, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif et pourrait créer une insécurité juridique.

M. Alain Vasselle. J’aimerais que vous tordiez le cou à ces arguments, madame la ministre, vous dont les attributions recouvrent à la fois le sport et la santé, ce qui vous impose de veiller à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Alain Vasselle. Or, en tant que ministre chargée des sports, vous devez environ 10 millions d’euros à la sécurité sociale, tandis que l’exonération de cotisations sociales en question représente un coût de 28 millions d’euros. Il est donc temps, à mon sens, d’y mettre fin. J’ai toutefois déposé un amendement au projet de loi de finances visant à ce que cette suppression ne prenne effet qu’au 1er juillet 2010. Quel est votre sentiment sur ce dossier ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

M. David Assouline. Et Rama Yade ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur Vasselle, vous avez, comme à votre habitude, excellemment posé le problème.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement de M. Yves Bur visant à avancer l’échéance de la suppression de cette exonération partielle de charges sociales sur les salaires des joueurs des clubs professionnels.

En effet, le dispositif s’est révélé inefficace, puisqu’il ne permet pas à nos clubs de résister à la concurrence des clubs étrangers les plus fortunés, qui proposent parfois des salaires de quatre à cinq fois plus élevés.

La mesure est en outre injuste, dans la mesure où elle favorise certains clubs par rapport aux autres. Ainsi, l’Olympique lyonnais…

M. Jean-Claude Carle. Excellent club !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … économise 6 millions d’euros grâce au DIC, mais le club de Boulogne-sur-Mer 127 000 euros seulement.

De surcroît, le dispositif n’est plus contrôlable, puisque son coût est en train d’exploser. Vous avez rappelé la dette du ministère des sports à l’égard de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale : 28 millions d’euros étaient inscrits au budget au titre du droit à l’image collective, or le coût de cette mesure s’élève à ce jour à 38 millions d’euros, soit 15 % du programme « Sport ». Hier, le président de la Ligue nationale de rugby m’a annoncé qu’il s’apprêtait à me présenter une facture de 10 millions d’euros, au lieu des 3 millions d’euros prévus cette année…

Cela étant, le Premier ministre et moi-même ne méconnaissons évidemment pas les difficultés auxquelles sont confrontés certains clubs sportifs professionnels. Nous cherchons à y remédier de plusieurs façons, et d’abord en rénovant les enceintes sportives, qui sont en général très vétustes dans notre pays, leur durée de vie étant supérieure à soixante ans. Le Premier ministre a ainsi décidé d’y consacrer 150 millions d’euros en vue du championnat d’Europe de football de 2016. Par ailleurs, à l’échelon européen, nous entendons promouvoir, au côté du président de l’UEFA, Michel Platini, des règles de fair play financier.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. D’autres solutions peuvent également être envisagées. C’est la raison pour laquelle, à l’instigation du Premier ministre, …

M. Didier Boulaud. On croyait qu’il avait disparu !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … nous avons réuni une commission de travail sur ce sujet. Pour faire coïncider notre calendrier avec celui des clubs sportifs, nous sommes bien entendu prêts à reporter la suppression du dispositif au 30 juin 2010. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

situation de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Jeannerot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. David Assouline. Et du chômage !

M. Claude Jeannerot. Les chiffres du chômage ne sont pas bons : septembre 2009 a été marqué par une nouvelle progression du nombre des demandeurs d’emploi, qui a augmenté de 25 % en un an. D’autres indicateurs témoignent de la gravité de la situation. Ainsi, le nombre de chômeurs de moins de vingt-cinq ans a crû de 30 % en un an. Rendez-vous compte : aujourd’hui, près d’un jeune actif sur quatre est sans emploi !

Ce constat recouvre des situations très disparates selon les territoires. Par exemple, ma région, la Franche-Comté, qui est la plus durement touchée, connaît une augmentation dramatique du nombre de ses chômeurs, de 35,5 % en un an. Corrélativement, on enregistre une chute de 17 % sur un an du nombre des offres d’emploi collectées au plan national par Pôle emploi.

Ces chiffres traduisent la violence de la crise que nous traversons. Comme tout se tient, on enregistre parallèlement une dégradation de nos comptes sociaux, hypothéquant chaque jour un peu plus nos perspectives d’avenir.

Mais surtout, derrière ces chiffres, il y a les visages d’hommes et de femmes qui n’arrivent plus à faire face aux nécessités de la vie quotidienne. Ils ne veulent pas une allocation ; ils veulent un emploi susceptible, tout simplement, de leur permettre de vivre dignement.

Vous avez entendu ce matin, madame la ministre, les constats dressés par le Secours catholique. Ils infirment l’argumentaire que vient de développer M. le Premier ministre, car seuls comptent les résultats.

À mi-parcours du mandat présidentiel, n’est-il pas temps d’engager un plan d’action alternatif ? N’est-il pas temps, comme vous y invite le Bureau international du travail, d’adopter une stratégie en faveur de l’emploi plus ambitieuse que votre trop faible plan de relance ? N’est-il pas temps d’en finir avec les cadeaux fiscaux consentis aux plus favorisés ? Ces avantages, tel le bouclier fiscal, sont devenus insupportables. N’est-il pas temps de sortir d’une politique du coup par coup ? N’est-il pas temps de repenser l’ensemble de notre système fiscal, pour le mettre au service d’une double exigence : l’efficacité économique et l’équité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir décrit de manière équilibrée la situation actuelle : c’est l’approche qui convient pour un problème de cette gravité.

Revenons sur les chiffres.

Ceux de septembre, comme vous l’avez souligné, dénotent une légère aggravation par rapport au mois d’août. Toutefois, l’examen des données trimestrielles fait apparaître une évolution légèrement favorable. Ce n’est pas une victoire, car il est clair que le nombre des demandeurs d’emploi s’accroîtra au cours de l’année 2010, malgré la reprise évoquée par M. le Premier ministre et la mise en œuvre, prioritaire à nos yeux, d’une politique économique qui soit la plus attentive possible à l’emploi. La nature des crises économiques veut en effet que la reprise doit être amorcée avant que l’on puisse recréer de l’emploi.

M. David Assouline. Et aujourd’hui ?

Mme Christine Lagarde, ministre. En 2009, la croissance mensuelle moyenne du nombre des demandeurs d’emploi a été de 81 200 au premier trimestre, de 25 400 au deuxième trimestre et de 16 800 au troisième trimestre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je n’en tire aucune gloire ! Il s’agit simplement d’un ralentissement tendanciel de l’augmentation du nombre des demandeurs d’emploi.

M. René-Pierre Signé. Et les chômeurs cachés, les RMIstes, les temps partiels ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous devons impérativement mobiliser tous les moyens de lutter contre le chômage qui sont à notre disposition.

Premièrement, le Fonds d’investissement social, mis en place avec les partenaires sociaux, a été doté de 1,4 milliard d’euros supplémentaires afin d’instaurer des mécanismes spécifiques pour maintenir l’emploi.

Deuxièmement, nous devons soutenir l’activité à temps partiel. La comparaison avec l’Allemagne est éclairante à cet égard. Cela signifie mieux indemniser le chômage partiel et durant des périodes plus longues, afin que les entreprises qui, plongées actuellement dans la crise, ne peuvent sauvegarder l’emploi, soient au moins en mesure de maintenir en vigueur les contrats de travail en vue de leur réactivation au moment de la reprise.

Troisièmement, nous devons utiliser les contrats de transition professionnelle, que vous connaissez bien dans votre département, monsieur le sénateur. Au nombre de quarante et un sur l’ensemble du territoire, ils permettent d’assurer une indemnisation à hauteur de 100 % du salaire net pendant douze mois, avec des périodes de formation.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Enfin, s’agissant des jeunes, vous avez raison de souligner qu’ils sont toujours les premiers touchés par le chômage en période de crise.

Nous avons mis en place un plan pour la jeunesse, qui assure le placement de 500 000 jeunes par tous les moyens disponibles, de l’apprentissage à la formation en alternance sous toutes ses formes.

Nous devons impérativement continuer à mettre en œuvre toutes ces mesures et être à l’écoute du marché pour aller chercher les emplois là où ils sont. Dans cette perspective, il est important de renforcer l’attractivité du territoire, et la suppression de la taxe professionnelle jouera un rôle à cet égard. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Elle est bonne, celle-là !

M. René-Pierre Signé. Il fallait que cela vienne à la fin !

plan cancer

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Lundi dernier, le Président de la République a annoncé à Marseille les principales mesures du plan cancer II. Celui-ci vise à consolider les acquis du premier plan mis en place sous la présidence de M. Chirac, qui avait fait de la lutte contre cette maladie l’un des chantiers prioritaires de son quinquennat.

Le Président Sarkozy, dans un discours à portée sociale, a donné le coup d’envoi de ce second plan, en annonçant la mobilisation de près de 750 millions d’euros supplémentaires sur cinq ans.

M. Didier Boulaud. Où va-t-il les prendre ? On est fauchés !

M. Alain Milon. Sa volonté est de réduire par tous les moyens les inégalités sociales et géographiques…

M. Didier Boulaud. C’est le chevalier de la plate bourse !

M. Alain Milon. … constatées au regard de cette maladie, qui touche 350 000 Français chaque année, l’objectif nouveau étant de mieux préparer la vie des patients.

Comportant cinq axes principaux, trente mesures concrètes et cent dix-huit actions allant du dépistage aux moyens de communication et de la recherche aux soins, ce plan, dans son principe, semble donner entière satisfaction – je le souligne – à la fois aux médecins et aux associations,…

M. René-Pierre Signé. C’est faux !

M. Alain Milon. … qui ont salué notamment le montant des moyens alloués et la prise en compte des diverses inégalités face à la maladie.

Ce second plan conforte donc le précédent, principalement fondé sur un volet médical. Il comporte une dimension humaine et sociale, ce dont nous nous félicitons tous.

Élément nouveau, et à mes yeux considérable, ce plan aborde deux points ô combien importants : la vie pendant et après le cancer – une série d’actions tendant à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes et surtout à éviter toute forme d’exclusion est présentée – et le cancer de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte – des mesures pour faciliter la vie après le cancer et une prise en charge spécifique, en particulier psychologique, sont prévues.

Aujourd’hui, un malade sur deux guérit du cancer ; souhaitons qu’un jour prochain ce pourcentage de guérison augmente et que le cancer devienne une maladie chronique.

Il existe donc une vie après le cancer, qui ne doit plus être taboue. C’est pourquoi il faut à la fois tenter de décomplexer la vision du cancer et concevoir un accompagnement des personnes guéries ou en rémission.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Milon.

M. Alain Milon. Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez conforter mes propos en nous présentant le plan cancer II. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Cher Alain Milon,…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a présenté lundi dernier, à l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille, cher à M. Jean-Claude Gaudin, le plan cancer II.

Ce plan extrêmement ambitieux va mobiliser 2 milliards d’euros, dont 750 millions d’euros de mesures nouvelles. (« Où les prenez-vous ? » sur les travées socialistes.) Son fil rouge est, à mon sens, la lutte contre les inégalités sociales en matière de santé. En effet, s’agissant du cancer, un fort déterminisme social existe. Ce sujet doit donc être au cœur de notre réflexion sur la prise en charge de cette maladie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. C’est pour cela qu’on supprime la prise en charge à 100 % ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez appelé mon attention sur deux points particuliers, monsieur le sénateur.

En ce qui concerne le cancer de l’enfant, plusieurs axes du plan sont particulièrement dédiés aux 1 700 enfants âgés de moins de quinze ans atteints chaque année d’un cancer.

Une action spécifique en leur direction est nécessaire, avec tout d’abord un effort de recherche considérable, car ces jeunes ont besoin de traitements innovants. En outre, ils nécessitent une prise en charge personnalisée, particulièrement adaptée à leur cas. Nous sommes enfin en train de mettre en place des consultations pluridisciplinaires ou de les renforcer, afin de mieux assurer le passage de la médecine pédiatrique à la médecine pour adultes.

Par ailleurs, c’est à juste titre que vous avez mis l’accent sur l’amélioration de la vie après le cancer, puisqu’un malade sur deux en guérit. Cette affection ne doit plus déboucher sur une relégation sociale. C’est la raison pour laquelle nous voulons revoir en profondeur la convention d’assurance AERAS – « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » –, dont l’application connaît des difficultés considérables. Mme Hermange est très sensible à cette question.

Certes, il convient de maintenir le remboursement à 100 % des examens de contrôle, mais nous entendons permettre aux personnes qui guérissent du cancer d’échapper à cette forme de relégation sociale que représente la prise en charge au titre des affections de longue durée, ou ALD,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … afin qu’elles puissent bénéficier d’une meilleure réinsertion sociale et professionnelle, ainsi qu’en matière de logement.

Tels sont les principes au cœur de notre plan cancer. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Un seul objectif, faire des économies !

Politique de santé

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports et porte sur l’avenir de la sécurité sociale.

Comment ne pas s’interroger, madame la ministre, sur les choix du Gouvernement en matière de santé publique et d’accès aux soins pour nos concitoyens ?

Sur le plan financier, les déficits sont abyssaux, sidérants, terrifiants : 10 milliards d’euros en 2008 pour le régime général, 23,5 milliards d’euros en 2009.

M. Nicolas About. C’est la branche retraite !

M. Yves Daudigny. Toutes les branches sont déficitaires, et la situation ne s’améliorera pas jusqu’en 2013 ; le déficit de la branche maladie a été multiplié par deux et demi ; un plafond historique de 65 milliards d’euros d’emprunts a été atteint pour l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, en 2010.

Le déficit a été certes creusé par la crise, mais il est devenu, à ce stade, structurel, comme en témoignent les déclarations du Premier président de la Cour des comptes : « le déficit très important, qui pourrait atteindre 30 milliards d’euros, est de nature à compromettre la pérennité de la protection sociale ».

Vous allez nous présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale d’attente, indigent, surréaliste. À cette passivité étonnante, coupable, vous ajoutez encore l’injustice sociale !

Aujourd’hui, 27 % de nos concitoyens retardent leurs soins ou renoncent même à se soigner, et cinq millions d’entre eux n’ont pas de couverture complémentaire.

M. Yves Daudigny. Alors que ces renoncements entraînent une aggravation des pathologies, dont la prise en charge coûte très cher à la collectivité, vous entendez, encore et toujours, faire peser sur les ménages et les familles la responsabilité et la charge du déficit : augmentation du forfait hospitalier, nouveaux déremboursements de médicaments, alourdissement du coût des assurances complémentaires.

Vous validez même l’idée de taxer les indemnités versées aux victimes d’accidents du travail, et vous ajouterez aux difficultés financières des inégalités géographiques en généralisant par arrêté les fermetures de blocs opératoires !

M. Yves Daudigny. De surcroît, vous refusez toujours obstinément, au nom du maintien d’un bouclier fiscal sacralisé, de réintroduire la CRDS dans le droit commun des cotisations, alors même que, dans votre propre camp, certaines voix le réclament.

Madame la ministre, quels sont vos objectifs, quel est votre dessein ? Est-ce d’accompagner l’effondrement financier de la sécurité sociale…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour mieux l’étrangler !

M. Yves Daudigny. … pour liquider définitivement l’héritage du Conseil national de la Résistance ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Daudigny.

M. Yves Daudigny. Est-ce de substituer aux valeurs de solidarité et de mutualisme, au contrat social, des principes de concurrence, de rentabilité, d’individualisme ?

M. Gérard Cornu. C’est fini !

M. Yves Daudigny. Est-ce de confier au marché notre protection en matière de santé ? Madame la ministre, quand allez-vous dire enfin la vérité aux Françaises et aux Français quant à l’avenir de leur protection sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, vous avez allègrement mélangé les chiffres entre les différentes branches de la sécurité sociale !

M. Charles Gautier. Ils sont tous dans la même colonne !

M. René-Pierre Signé. Le résultat est là !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les objectifs que nous avions fixés à la branche maladie pour 2009 ont été tenus. Les dépenses ont pu être contenues, et je tiens à en remercier tous les acteurs de l’assurance maladie.

M. Guy Fischer. Ce sont les plus pauvres qui ont payé !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons décidé, pour l’année 2010, de garantir une progression des dépenses de 3 %. Dans les circonstances que nous connaissons, c’est un effort considérable d’investissement en faveur de notre santé. Nous assurons le taux de prise en charge le plus élevé du monde, et le « reste à charge » le plus faible ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Et le forfait hospitalier ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous voulons offrir des prises en charge adaptées aux plus faibles d’entre nous, à ceux dont la situation est le plus précaire, en faisant porter nos efforts dans plusieurs directions.

Par exemple, nous entendons élargir l’accès à la couverture complémentaire en matière de santé. Grâce à l’action de M. Méhaignerie, il a été accru de 75 % pour les personnes âgées de cinquante à soixante ans. C’est tout à fait considérable ! Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous avons également inscrit des mesures d’aide aux plus jeunes, qui se verront attribuer 100 euros supplémentaires : leur accès à la couverture complémentaire santé sera doublé.

Nous voulons également lutter contre les dépassements d’honoraires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est complètement faux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des mesures extrêmement fortes ont été prises à cet égard. Le protocole d’accord signé le 15 octobre dernier permettra, avec la mise en place du secteur optionnel, de contrôler ces dépassements d’honoraires et d’obliger un certain nombre de médecins à offrir des soins aux tarifs opposables.

M. Guy Fischer. On en reparlera la semaine prochaine !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En outre, nous entendons lutter contre les refus de soins, par des mesures de plus en plus précises, en prévoyant des sanctions à l’encontre des professionnels de santé qui ne respectent pas leurs obligations.

M. Nicolas About. Très bien !

M. Guy Fischer. Vous ne touchez pas aux médecins !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous refusez les sanctions !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, nous voulons assurer la prise en charge des plus faibles !

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas une réponse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. À l’hôpital, nous avons également pris des mesures permettant d’orienter la tarification à l’activité vers la prise en charge de ces derniers. C’est ainsi que 100 millions d’euros ont été accordés aux établissements qui accueillent les personnes en situation de précarité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les hôpitaux qui ferment ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Oui, monsieur le sénateur, la lutte contre les inégalités sociales est bien le fil rouge de notre politique ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. C’est de la langue de bois !

M. René-Pierre Signé. Les applaudissements sont maigres !

Mode d'élection des conseillers territoriaux et cumul des mandats

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

À la suite des récentes péripéties survenues lors de votes à l’Assemblée nationale, la presse a relancé la polémique sur l’absentéisme parlementaire. (Exclamations amusées.) Afin d’y répondre, les commissions de l’Assemblée nationale font dorénavant signer des listes de présence.

À juste titre, de nombreux députés, de droite comme de gauche, ont qualifié cette mesure de « ridicule », la véritable cause de l’absentéisme parlementaire étant selon eux le cumul des mandats.

M. Jean Louis Masson. Ils ont tout à fait raison : l’absentéisme est effectivement la conséquence d’une particularité bien française, à savoir le cumul des mandats. Toutefois, c’est non pas tant le cumul de mandats stricto sensu qui est en cause, que celui de très lourdes fonctions exécutives locales avec un mandat de parlementaire.

La charge de travail d’un simple conseiller municipal ou conseiller général n’a absolument rien à voir avec celle d’un maire ou d’un président de conseil général. Si des avancées peuvent être réalisées en matière de réglementation des cumuls, elles concernent en priorité l’exercice des grandes fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales.

En effet, les fonctions de maire de grande ville, de président de conseil régional, de président de conseil général ou de président de communauté d’agglomération correspondent à des activités à plein temps. Un mandat parlementaire est aussi une activité à plein temps, et nul ne peut assumer correctement deux fonctions correspondant chacune à un plein temps. (Exclamations moqueuses.)

M. Didier Guillaume. Et celles de maire et de ministre ?

M. Jean Louis Masson. Le Président Sarkozy s’est lui-même déclaré hostile aux cumuls excessifs. De son côté, le parti socialiste vient de s’engager très fermement sur le sujet. (M. Alain Gournac rit.)

M. Didier Guillaume. Doucement ! (Sourires.)

M. Jean Louis Masson. Tout le monde est donc d’accord sur le principe et les déclarations de bonnes intentions se multiplient, mais, hélas, rien ne se concrétise dans les faits ! À la veille du débat sur la réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement a-t-il enfin l’intention, monsieur le secrétaire d’État, de proposer des mesures concrètes pour renforcer la limitation du cumul de mandats ?

M. Didier Guillaume. Applaudissements nourris sur l’ensemble des travées ! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la réponse est non : le Gouvernement n’a pas l’intention de modifier la législation en la matière. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que l’une des dispositions essentielles de la réforme des collectivités territoriales est la création de conseillers territoriaux, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un cumul organisé… au détriment des femmes !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Moins nombreux, ils seront tous élus à l’échelon des cantons, au scrutin majoritaire pour 80 % d’entre eux et par répartition proportionnelle au plus fort reste pour les 20 % restants. Je souligne au passage que les petits départements compteront au minimum quinze élus et seront donc mieux représentés qu’ils ne le sont aujourd’hui au sein des régions. (Brouhaha.)

Ces conseillers territoriaux seront titulaires d’un mandat unique, monsieur le sénateur, même si celui-ci les conduit à exercer une double fonction et à siéger dans les deux assemblées,…

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est un tour de passe-passe !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … donc à assumer davantage de responsabilités. C’est pourquoi le projet de loi prévoit qu’ils pourront se faire remplacer par leur suppléant, qui sera obligatoirement, je le rappelle, de sexe opposé,…

M. Jean-Pierre Godefroy. Voilà qui va rassurer les femmes !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … pour siéger dans les organismes extérieurs où ils représenteront la région ou le département.

Monsieur le sénateur, je vous précise enfin que ce nouveau mandat s’inscrira dans le cadre de la législation actuelle visant à limiter le cumul des mandats. Je connais votre attachement à un renforcement de cette limitation (Rires sur les travées de l’UMP) par l’interdiction de cumuler un mandat de parlementaire et la présidence d’un exécutif local. Je vous confirme cependant une nouvelle fois que le Gouvernement n’envisage pas de modifier la législation sur ce point.

D’ailleurs, je ne suis pas certain que les divergences apparues sur cette question entre l’Assemblée nationale et le Sénat aient totalement disparu et qu’un consensus puisse éventuellement émerger.

M. Didier Boulaud. Vous avez raison !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nombreux sans doute sont ceux, sur toutes les travées de cette assemblée, qui refuseraient un renforcement de la législation visant à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec la présidence d’un conseil général ou d’un conseil régional.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cela pourrait en outre affaiblir le rôle de la Haute Assemblée, dont la fonction est aussi de représenter nos collectivités territoriales. C’est pourquoi le projet de loi dont vous aurez à débattre prochainement ne modifie pas la situation actuelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 1er

Entreprise publique La Poste et activités postales

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, aux explications de vote sur l’amendement n° 432.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Articles additionnels après l’article 1er

Article 1er (suite)

Après l’article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :

« Art. 1-2. – I. – La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.

« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État.

« Cette transformation n’emporte pas création d’une personne juridique nouvelle. L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. La transformation en société anonyme n’affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique. 

« II. – La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.

« Les premier et quatrième alinéas de l’article L. 225-24 du code de commerce s’appliquent en cas de vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.

« Le premier alinéa de l’article L. 228-39 du même code ne s’applique pas à la société La Poste.

« L'article L. 225-40 du même code ne s’applique pas aux conventions conclues entre l’État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »

M. le président. Je rappelle les termes de l'amendement n° 432, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés :

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dont le capital demeure en totalité public

La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Notre attachement au maintien du statut actuel d’établissement public à caractère industriel et commercial de La Poste s’explique par trois raisons principales.

Premièrement, ce statut est adapté à l’ouverture à la concurrence du secteur postal.

Deuxièmement, aucune législation ou cadre européen n’oblige à le remplacer par le statut de société anonyme.

Troisièmement, le renforcement des fonds propres de La Poste est possible sous ce statut, l’État pouvant parfaitement l’aider chaque année à financer la présence postale, ainsi que le transport et la distribution de la presse. Il pourrait même faire davantage s’agissant de cette seconde mission.

Cela étant, comme cela se pratique couramment, nous avons déposé un certain nombre d’amendements de repli, notamment cet amendement n° 432 prévoyant, en cas de changement de statut, que le capital demeure en totalité public.

En effet, malgré les dénégations tant de M. le rapporteur que de M. le ministre depuis le début de l’examen de ce projet de loi, les débats ont confirmé que l’objectif est en réalité, dans un premier temps, de faire sauter le verrou que représente le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial en créant une société anonyme, avant d’ouvrir le capital de cette dernière lorsque l’occasion s’en présentera, à une échéance que je ne saurais préciser.

D’ailleurs, si vous avez le moindre doute à ce sujet, mes chers collègues, je vous renvoie aux avis défavorables qui ont été émis ce matin sur l’amendement n° 432, tant par M. le rapporteur que par M. le ministre : ce rejet de notre proposition signifie que le Gouvernement n’entend pas se lier les mains et qu’il refuse absolument de s’engager à ce que le capital de La Poste, en cas de changement de statut, soit à 100 % public.

Dans ces conditions, comme nous n’avons aucune confiance dans les intentions affichées par le Gouvernement,…

M. Hugues Portelli. Vous avez tort !

M. Michel Teston. … nous n’avons aucune raison de maintenir cet amendement de repli. Par conséquent, nous le retirons, comme nous retirerons également d’autres amendements similaires dans la suite de la discussion.

Nous confirmons résolument, bien entendu, notre volonté de maintenir le statut d’EPIC, car cela nous paraît être la seule solution pour garantir l’avenir de La Poste.

M. le président. L'amendement n° 432 est retiré.

Je suis saisi de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 31, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'intégralité du capital reste la propriété de l'État.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Nous souhaitons rectifier cet amendement de repli, afin d’ajouter que le capital de La Poste sera réputé incessible. Cela permettra de garantir que ce capital restera à 100 % public.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'intégralité du capital reste la propriété de l'État. Il est réputé incessible.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Odette Terrade. Cet amendement tend donc à prévoir que l’intégralité du capital de la société anonyme La Poste appartiendra à l’État.

En effet, seule la maîtrise publique peut préserver l’intérêt général, en ignorant les logiques de marchandisation des services promues à l’échelon communautaire.

Non seulement vous souhaitez privatiser La Poste, mais vous mettez fidèlement en œuvre l’ouverture totale à la concurrence du marché postal. Ces deux éléments combinés vont aboutir à une précarisation de la situation du personnel et à une détérioration des services publics.

Dans ces conditions, le risque est grand que la présence postale territoriale ne devienne incomplète et profondément inégalitaire. Cela est d’autant plus inquiétant que les réseaux, une fois détruits, le sont irrémédiablement.

La Commission européenne a très rapidement affirmé sa volonté de voir privatiser tous les services postaux. La Poste a largement entamé cette privatisation. La Commission assure qu’elle ne se prononce pas sur le statut juridique de l’entreprise, qui peut rester public, mais elle exige une mise en concurrence des entreprises incompatible avec un service public moderne de qualité.

Ainsi, la course aux segments de marché les plus rentables impose de différencier le traitement des usagers, devenus clients, en privilégiant les gros opérateurs – les grandes entreprises – au détriment des petits – les particuliers, les artisans, les très petites entreprises. Elle implique également des augmentations de tarifs : hausse des prix des timbres, disparition des colis ordinaires au profit des « colissimo », plus onéreux. Elle entraîne enfin des suppressions de bureaux. Le facteur qui se contente de distribuer le courrier et n’a rien à vendre se fera de plus en plus rare, notamment dans certaines zones rurales, où il assure pourtant un lien essentiel entre les habitants et contribue au maintien à domicile des personnes âgées.

Nous dénonçons avec force la marchandisation des services postaux mise en œuvre avec zèle par la direction de La Poste. Nous désapprouvons la privatisation de la gestion de l’entreprise, qui va se trouver renforcée avec le changement de statut.

Demain, en application de l’article 1er, et sans même avoir à revenir devant le législateur, l’État pourra décider de ne conserver qu’une position minoritaire au sein du capital de La Poste. C’est d’ailleurs ce qui ressort clairement de la modification de la composition du conseil d'administration introduite par la commission. Or nous voulons que l’État garde la pleine maîtrise de l’entreprise publique et que le capital de celle-ci soit réputé incessible.

M. le président. L'amendement n° 447, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le capital de la société est entièrement détenu par l'État.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Pour les raisons que j’ai indiquées à propos de l’amendement n° 432, nous retirons également cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 447 est retiré.

L'amendement n° 2, présenté par M. Frassa, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

Son capital, détenu par l'État, peut-être ouvert à d'autres institutions financières publiques françaises qui exercent des activités d'intérêt général pour le compte de l'État, à l'exception de...

La parole est à M. Christophe-André Frassa.

M. Christophe-André Frassa. Cet amendement vise à garantir que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations puissent entrer au capital de La Poste. Les assurances que j’ai reçues à cet égard depuis lundi soir de la part de M. le ministre, tant au cours du débat que par lettre, m’amènent à le retirer.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.

L'amendement n° 431, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

de la société

insérer les mots :

en totalité public

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Je vais retirer cet amendement, pour les mêmes motifs que les amendements nos 432 et 447. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous qui sembliez douter de notre volonté de faire avancer le débat, voilà bien une preuve que nous n’entendons absolument pas faire de l’obstruction !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre. Dont acte !

M. Michel Teston. Toutefois, nous aimerions que, de votre côté, vous nous prouviez que le statut d’EPIC ne permet pas d’assurer l’avenir de La Poste, ce que vous n’avez nullement fait jusqu’à présent !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Si, nous l’avons fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait la démonstration inverse !

M. le président. L'amendement n° 431 est retiré.

L'amendement n° 567, présenté par MM. Maurey, Dubois, Détraigne, Amoudry, Deneux, C. Gaudin, Merceron et Biwer, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. Zocchetto et Soulage, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

État

insérer les mots :

, actionnaire majoritaire,

La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Trois jours après le début de la discussion de ce projet de loi, je puis enfin présenter le premier des quatorze amendements déposés par les sénateurs du groupe de l’Union centriste !

Nous ne présenterons que peu d’amendements, parce que nous sommes globalement favorables à ce texte. Ayant privilégié la qualité et veillé au caractère constructif de nos propositions, nous sommes persuadés que leur adoption permettra d’améliorer les dispositions du projet de loi ou d’apporter des garanties rationnelles. C’est donc avec conviction que nous les défendrons.

L’article 1er, tel qu’il nous est soumis, pose le caractère public de l’actionnariat de La Poste. Toutefois, dans sa rédaction actuelle, il ne permet pas de garantir que l’État, au sein des actionnaires publics, pourra peser d’un poids substantiel dans la gestion du groupe La Poste et l’orientation de ses choix stratégiques.

Or seul l’État peut, à la différence des autres personnes morales de droit public, garantir de façon crédible la bonne réalisation de certaines missions de service public, notamment en matière d’aménagement du territoire. C’est là une de ses compétences, que l’on pourrait qualifier de régalienne.

Il nous semble donc pertinent de poser un garde-fou en prévoyant que l’État sera l’actionnaire majoritaire, afin d’éviter que d’autres personnes morales de droit public puissent prendre, en toute légalité, une part trop importante au capital de La Poste.

M. le président. L'amendement n° 266, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

et par d'autres personnes morales de droit public.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Cet amendement de repli vise à clarifier qui sera, au final, propriétaire du capital de La Poste.

En effet, que recouvre la notion de personne morale de droit public ?

Il peut s’agir d’abord de l’État ou des collectivités territoriales. Cependant, l’État, qui ne peut plus, ou plutôt ne veut plus apporter sa contribution au développement du service public de La Poste, recherche pour celle-ci d’autres financements publics, notamment auprès des collectivités territoriales. Mais ces dernières ont déjà bien du mal à faire face aux conséquences d’un transfert continu de compétences en provenance de l’État… Les élus locaux ne cessent d’ailleurs de déplorer cette situation.

Parmi les personnes morales de droit public figurent également les établissements publics, c'est-à-dire les hôpitaux, les établissements culturels, les universités, les lycées. Bien évidemment, ils n’entreront pas au capital de La Poste.

Enfin, il y a la Caisse des dépôts et consignations, établissement public autonome placé sous le contrôle du Parlement. « De par son positionnement historique, sa neutralité et son expérience au service de l’intérêt général, la Caisse des dépôts et consignations joue son rôle de tiers de confiance au service des acteurs publics et du développement local » : elle peut donc investir dans La Poste, cela étant permis tant par le droit national que par les textes européens. Toutefois, si La Poste devient une société anonyme, elle le fera suivant une autre logique et exigera un rendement équivalent à celui qu’espèrent les investisseurs classiques, sa doctrine d’investissement indiquant que « la Caisse des dépôts et consignations peut en effet attendre un retour financier significatif […] de participations substantielles dans des grandes entreprises françaises dont la rentabilité est “indexée” sur la croissance mondiale ».

Voilà qui peut avoir de graves conséquences ! En effet, rien n’empêcherait demain la Caisse des dépôts et consignations de céder tout ou partie de ses actions de la SA La Poste si elle jugeait au final cet investissement insuffisamment rentable.

Pour éviter tout risque de privatisation rampante, il nous semble essentiel d’écarter clairement toute autre personne morale de droit public que l’État du capital de La Poste.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 26 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 265 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 441 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

 l'État

supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l’amendement n° 26.

M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous souhaitons inscrire dans la loi que l’État sera le seul détenteur du capital de La Poste. Eu égard à la frénésie de privatisations du Gouvernement, nous ne sommes pas assurés que les autres personnes morales de droit public ne céderont pas, à terme, leurs actions.

De plus, le service postal, service public national, doit rester la propriété de la collectivité. Or la collectivité, c’est l’État, et personne d’autre !

Les exemples de promesses non tenues ou de mensonges éhontés ayant précédé le passage d’entreprises publiques sous le contrôle d’intérêts privés ne manquent pas ! Ces entreprises sont alors devenues des machines à produire des centaines de millions d’euros de retour sur investissement pour les actionnaires, au détriment bien sûr des investissements nécessaires à leur développement et à leur performance, voire de la sécurité des usagers et de la population en général. Je pense notamment, à cet instant, à France Télécom, à EDF ou à GDF.

Je ne m’étendrai pas ici, faute de temps, sur les dégâts causés aux entreprises elles-mêmes, affectant leur capacité à exercer leur métier ou l’entretien des équipements, ce qui engendre pannes et accidents. Le service rendu à la population est toujours moindre, à notre avis, et facturé toujours plus cher.

Enfin, j’évoquerai la situation du personnel de La Poste, qui est scindé par de véritables fractures statutaires : certains agents, les plus anciens, ont le statut de fonctionnaire, tandis que d’autres, embauchés sous contrat de droit privé, connaissent souvent la précarité.

Tout cela fait fortement penser à la privatisation de France Télécom, expérience cruelle s’il en fût, en particulier pour les salariés de l’entreprise…

Parce que nous sommes attachés à la défense du service public postal et que les usagers ne doivent pas être sacrifiés, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 265.

M. Jacques Muller. Puisque vous persistez à croire que le changement de statut juridique reste la meilleure solution pour assurer l’avenir de La Poste, la moindre des choses serait de garantir les missions de service public et les emplois. Or la seule façon d’y parvenir est de garantir que seul l’État aura voix au chapitre, en prévoyant qu’il sera l’unique détenteur du capital de l’entreprise La Poste. Cela permettra de préserver un service public de qualité pour les usagers, tout en protégeant les conditions de travail des agents.

En effet, chacun le sait, ce changement de statut risque de se faire au détriment du personnel, dont l’effectif est passé de 280 000 agents en 2004 à 257 000 en 2008. Plus précisément, cette évolution reflète deux tendances contraires : le nombre des fonctionnaires a diminué de 190 000 en 2004 à 151 000 en 2008, soit une baisse de plus de 20 %, tandis que l’effectif des contractuels a augmenté de 16,5 %.

Comme nous l’avons déjà dit, la dégradation des services de La Poste est observée partout, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural. Le changement de statut, lié à l’ouverture à une concurrence débridée, fait craindre la poursuite des licenciements et la suppression de bureaux de poste au nom de la sacro-sainte rentabilité.

L’État a une vraie responsabilité dans l’évolution de la gestion de cette entreprise. Le fonctionnement d’un service public de qualité, attentif aux besoins des usagers, ne peut s’accommoder d’une réduction du nombre des fonctionnaires. Il est donc essentiel que La Poste ne quitte pas le giron de l’État. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 441 rectifié.

M. Claude Bérit-Débat. Le présent amendement vise à réaffirmer notre refus de la transformation de La Poste en société anonyme. Comme nous l’avons déjà précisé, ce refus se fonde sur le constat simple que ce changement de statut ne se justifie pas économiquement. Il représente même une menace au regard du maintien des garanties de service public et risque d’accroître les inégalités territoriales entre les Français.

Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, la menace de privatisation est bel et bien réelle. Vous voulez engager définitivement La Poste dans une course à la rentabilité et à la concurrence, ce qui ne peut se faire, nous le savons, qu’au détriment des citoyens et des usagers du service public.

Pourtant, rien n’oblige le Gouvernement à ouvrir le secteur postal à la concurrence et à le privatiser. En effet, aux termes d’une communication de la Commission européenne du 26 septembre 1996 sur les services d’intérêt général en Europe, « la neutralité à l’égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels [est] garantie par l’article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d’intérêt général, et n’impose donc aucune privatisation. » Il s’agit donc bien d’un choix idéologique de votre part ! Ce choix, vous l’assumez, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons y souscrire, d’autant que le facteur est aujourd'hui moins présent qu’hier sur notre territoire et que les bureaux de poste ont souvent disparu, comme en témoigne la situation de nos campagnes.

Je veux rappeler avec fermeté que La Poste n’est pas et ne peut être une entreprise comme les autres : elle incarne ce service public à la française que les citoyens veulent préserver, comme ils l’ont affirmé avec force lors de la votation citoyenne du 3 octobre dernier.

Vous vous trompez de combat, monsieur le ministre, parce que vous ne tenez pas compte de la nature intrinsèque de La Poste. C’est d’ailleurs également pour cette raison que nous voulons supprimer les dispositions tendant à mettre en place un actionnariat du personnel. Les salariés de La Poste sont animés par les valeurs du service public et guidés par l’intérêt général ; en faire des actionnaires n’est pas compatible avec cette réalité. Ce n’est pas de cette entreprise-là qu’ils veulent, et ce n’est pas en tentant ainsi de les acheter que vous les ferez changer d’avis !

En conclusion, nous pensons que seul le statut actuel de La Poste peut garantir véritablement le maintien du service public territorial qu’assure aujourd'hui cette entreprise.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 27 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 267 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 433 rectifié est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, seconde phrase

après les mots :

de droit public

Supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 27.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer la possibilité offerte aux salariés de participer au capital de l’entreprise La Poste.

En effet, si une partie du capital est détenue par des salariés, comment affirmer que l’entreprise La Poste restera publique, dans la mesure où ces salariés actionnaires ne seront tenus de conserver leurs parts que pendant deux années ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non !

Mme Éliane Assassi. À l’issue de ce délai, ils pourront donc les céder à qui bon leur semblera, puisque vous n’avez pas jugé utile de prévoir, afin de garantir que l’architecture initialement définie sera conservée, que les salariés ne pourront revendre leurs actions qu’à d’autres salariés ou à l’État. Il est simplement indiqué que cette participation des salariés doit être minoritaire.

On peut donc facilement imaginer le scénario suivant : 49,9 % des actions sont attribuées dans un premier temps à des salariés, avant d’être revendues, au bout de deux années, à de simples personnes privées, motivées uniquement par le profit réalisé par l’entreprise.

Selon nous, une telle disposition est pernicieuse et ouvre la voie à la privatisation de l’entreprise. D’ailleurs, nous nous sommes toujours prononcés contre ce type de dispositif. En effet, la participation et l’intéressement individualisent un peu plus encore les rémunérations au détriment des salariés, car ils se substituent tout bonnement, le plus souvent, aux augmentations de salaires, lesquels, dans le cas des postiers, ne sont pas mirobolants, c’est le moins que l’on puisse dire !

Quant à l’actionnariat salarié, n’oublions pas qu’il ne concerne, en général, que des cadres dirigeants, qui négocient par ce biais leur rémunération. Pour les autres, l’actionnariat salarié se résume souvent à une forme d’épargne forcée.

En faisant miroiter des gains boursiers à leurs employés, les entreprises leur font accepter de se serrer la ceinture ou de renoncer à certains de leurs acquis. Si l’actionnariat salarié transforme le monde du travail en un univers de petits boursicoteurs, ce seront toujours, au final, les grandes entreprises qui s’y retrouveront. En puisant de la sorte dans l’épargne de leurs salariés, ces entreprises se constituent des sources de financement fiables et peu exigeantes en matière de rentabilité financière.

À nos yeux, non seulement cette disposition ne fera très probablement pas gagner un euro de plus aux salariés, mais, de surcroît, elle aboutira à déconstruire encore un peu plus les relations de travail et les négociations collectives, en particulier en matière de salaires.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression, à l’article 1er, de l’exception relative à la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat du personnel.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 267.

M. Jacques Muller. Cet amendement vise à ce que le capital de La Poste ne puisse être détenu que par l’État et d’autres personnes morales de droit public, à l’exclusion par conséquent du personnel.

La directive européenne n’impose pas d’ouvrir le capital de La Poste à d’autres entités que l’État. Une telle ouverture n’apportera rien au fonctionnement de l’entreprise ni aux usagers.

En revanche, céder des actions au personnel ne peut que faciliter, à terme, la privatisation partielle de La Poste, par la vente des parts concernées. Seul l’État doit financer le fonctionnement d’un service public par essence comme La Poste.

Par ailleurs, les agents de La Poste sont rémunérés dans le cadre d’un statut de la fonction publique ou dans un cadre contractuel. Ils ne sont pas censés pouvoir boucler ou arrondir leurs fins de mois en fonction de la rentabilité du service public postal ! Cette dérive illustre le dévoiement de l’esprit du service public qu’ils servent. L’objectif premier d’un service public est de répondre aux attentes et aux besoins des usagers, et non de maximiser le profit. Si l’on introduit une telle logique, quid de la présence postale sur l’ensemble du territoire, du prix unique du timbre, de l’accessibilité bancaire, etc. ?

Enfin, à qui seraient destinées ces actions ? Le salaire moyen d’un postier est d’environ 1 200 euros par mois : connaissez-vous beaucoup de personnes qui puissent se permettre de boursicoter avec un tel revenu ?

M. Jacques Muller. Cette mesure nous apparaît profondément injuste, car elle ne concernerait que la frange la mieux rémunérée des agents de La Poste, c’est-à-dire ceux qui ne souffrent pas des bas salaires.

Pour ces raisons, nous estimons que si l’objectif caché est de « faire une fleur » aux agents de La Poste, augmenter les salaires serait plus juste que de faire des plus aisés d’entre eux des actionnaires.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 433 rectifié.

M. Michel Teston. Nous le retirons, car il est redondant avec l’amendement n° 441 rectifié, qu’a défendu M. Bérit-Débat.

M. le président. L’amendement n° 433 rectifié est retiré.

L'amendement n° 268, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À l'exception de la part détenue au titre de l'actionnariat de ses personnels, 100 % du capital de La Poste est public.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Il s’agit là encore, bien entendu, d’un amendement de repli.

Si l’on doit transformer La Poste en société anonyme, il est essentiel que 100 % de son capital soit public. Comme je l’ai dit précédemment, la directive européenne n’impose nullement d’ouvrir le capital de La Poste à d’autres entités que l’État, et cette ouverture n’apportera rien au fonctionnement de l’entreprise, ni aux usagers.

Ainsi que l’a indiqué récemment Mme Christine Lagarde lors d’une interview, « les acteurs qui vont entrer au capital seront des acteurs publics, notamment la Caisse des dépôts et consignations ». Comme nous ne pouvons pas nous contenter de paroles prononcées par des membres du Gouvernement dans les médias – les Français ne cessent d’ailleurs de constater que nombre d’engagements ne sont pas tenus ! –, nous proposons d’inscrire clairement dans la loi que le capital de La Poste devra rester public à 100 %, à l’exception de la part détenue au titre de l’actionnariat du personnel. Nous essayons de trouver un compromis !

M. le président. L'amendement n° 269, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les parts du capital de La Poste sont incessibles à d'autres catégories d'acteurs que les trois susnommées.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jean Desessard. Les gens de l’Est sont infatigables ! (Sourires.)

M. Jacques Muller. La sphère publique est mouvante. L’exemple de France Télécom, où la part de capital détenue par l’État s’est progressivement réduite à 27 %, nous l’a montré.

Même si, à la date de publication de ses statuts initiaux, il est prévu que le capital de La Poste soit détenu en totalité par l’État, ces statuts pourront ensuite être modifiés par décret du Conseil d’État. Rien ne garantit donc, en l’état actuel du texte, que l’État, les autres personnes morales de droit public ou les personnels actionnaires conserveront leurs parts.

Cet amendement vise précisément à inscrire dans la loi que seuls ces trois acteurs pourront participer au capital. En effet, en tant qu’actionnaire principal, l’État a un véritable rôle à jouer dans la gestion de l’opérateur historique qu’est La Poste. Pour éviter les graves problèmes rencontrés notamment par la société anonyme France Télécom, il est indispensable que les pouvoirs publics assument pleinement leurs responsabilités économiques, financières, sociales et écologiques. L’État ne doit pas pouvoir se déposséder de ses parts de capital au profit d’acteurs privés.

Si cet amendement n’était pas adopté, nous aurions, une nouvelle fois, la preuve que la voie à la privatisation est largement ouverte.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jean Desessard. Moi, je me réserve pour samedi et dimanche ! (Sourires.)

M. Jacques Muller. « Je l’affirme, parce que c’est un engagement du Gouvernement : EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés. » Tels étaient les propos, le 15 juin 2004, de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On connaît la réalité d’aujourd’hui !

Monsieur le ministre, nous voulons bien vous faire crédit quant à votre volonté de ne pas privatiser La Poste une fois son nouveau statut adopté. Mais, dans ce cas, vous ne pourrez que soutenir cet amendement de précision, visant à empêcher les futurs actionnaires de la société anonyme La Poste de vendre leurs parts.

Nous avons évoqué le fait que, dans le cadre du régime de droit commun des sociétés anonymes, la nature publique d’un actionnaire n’était en aucun cas une garantie de comportement vertueux de sa part. Le cas de la Caisse des dépôts et consignations est là pour nous le rappeler. Il peut en être de même, ni plus ni moins, pour les salariés de La Poste, qui pourraient ne pas résister à la tentation d’effectuer une plus-value financière en cédant leurs actions.

Dès lors, nous proposons d’inscrire dans la loi une clause d’incessibilité, en vue d’apporter une garantie juridique supplémentaire quant au maintien de La Poste dans le giron public.

Si le Gouvernement est bel est bien déterminé à conserver la nature publique de La Poste, à ne pas se dédire et donc à ne pas laisser se répéter un scénario similaire à celui qui a prévalu pour GDF, il donnera, j’en suis sûr, un avis favorable à cet amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 272, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité jusqu'en 2020.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Il s’agit à nouveau d’un amendement de repli,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est même du repli intégral !

M. Jacques Muller. … notre objectif étant de tenter de limiter la casse.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est très difficile !

M. Jacques Muller. Nous proposons d’assortir l’attribution des actions de la future SA La Poste d’une incessibilité temporaire de près de dix ans. Je présume que l’incessibilité totale de ces actions nous serait refusée…

Ce type de démarche est connu du monde des affaires et du droit des sociétés. À titre d’exemple, Nestlé et la richissime famille Bettencourt ont signé un pacte d’actionnaires concernant la holding L’Oréal, qui inclut des clauses de préemption et d’incessibilité temporaire d’actions. Je dirai, pour paraphraser le slogan fameux de cette marque, que La Poste vaut bien, a minima, une clause d’incessibilité !

M. le président. L'amendement n° 271, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La cession d'actions de toute autre catégorie d'acteurs que l'État ouvre droit à préemption de celui-ci sur ces actions.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je suis convaincu que vous allez exprimer un avis favorable sur cet amendement ! En effet, il est sous-tendu par la même idée que le précédent, à savoir garantir le maintien du caractère public de l’actionnariat de la société anonyme La Poste.

Vous allez certainement m’opposer le fait que l’on ne peut interdire aux futurs actionnaires de la SA de céder leurs parts. Mais vous conviendrez tout de même que l’on doit accorder à l’État un droit préférentiel d’acquisition de toute action de La Poste qui serait cédée par son détenteur. Il serait paradoxal que le Gouvernement rejette cet amendement, car il s’agit d’une pratique commune dans le monde des sociétés et des affaires.

Si, demain, la Caisse des dépôts et consignations ou un actionnaire salarié décide de céder des actions, il est impératif que l’État ait la priorité pour les racheter.

M. le président. L'amendement n° 336, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Après le 1er janvier 2010, les parts du capital de La Poste ne seront cessibles qu'à l'État ou à d'autres personnes morales de droit public.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Pour les raisons que j’ai déjà exposées à propos de l’amendement n° 432, je retire également cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 336 est retiré.

L'amendement n° 582, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La part de l'État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Cet amendement vise à garantir le caractère d’actionnaire majoritaire de l’État parmi les actionnaires publics, précision qui ne figure pas dans le texte.

En effet, tel qu’elle résulte des travaux de la commission, la rédaction du projet de loi prévoit que le capital de La Poste, hormis l’actionnariat du personnel, est détenu intégralement par des personnes publiques, sans pour autant indiquer quelle est la part de l’État dans ce capital.

C’est pourquoi, afin de garantir l’engagement majoritaire de l’État par rapport à d’autres actionnaires publics, le présent amendement vise à préciser que la part de l’État dans le capital ne peut être inférieure à 51 %.

Une telle précision est, selon nous, de nature à prévenir un certain nombre de dérives qui pourraient se faire jour dans un avenir plus ou moins proche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’adoption de l’amendement n° 31 rectifié interdirait à d’autres personnes morales de droit public que l’État, telle la Caisse des dépôts et consignations, de venir renforcer les fonds propres de La Poste. Or la participation au capital de ces personnes morales de droit public ne peut en rien être assimilée à une privatisation de La Poste.

La commission demande donc à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.

L’amendement n° 567 tend à préciser que l’État est actionnaire majoritaire de La Poste. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui lui paraît de bon sens.

L’amendement n° 266 vise à limiter la détention du capital de La Poste à l’État et au personnel de la future société anonyme. Son adoption empêcherait l’entreprise de bénéficier des capitaux indispensables à son développement que peut lui apporter la Caisse des dépôts et consignations. La commission demande à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 26, 265 et 441 rectifié, la commission a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet. La Poste a besoin d’autres capitaux que ceux que pourra lui apporter l’État. La commission émet donc un avis défavorable.

La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 27 et 267, qui visent à interdire toute participation des personnels de La Poste au capital de leur entreprise. Une telle participation constituera pourtant un moyen efficace de motivation et, partant, d’amélioration de la performance de l’entreprise. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. C’est incroyable !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Du reste, cette participation restera minoritaire et ne pourra jamais aboutir à une privatisation de La Poste, d’autant que celle-ci, étant devenue une société anonyme, aura la possibilité d’attribuer à son personnel des actions gratuites, lesquelles pourront, si les salariés le souhaitent, être vendues à l’État actionnaire.

Par conséquent, il me semble dommage d’évoquer un risque qui n’existe pas. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Les salariés, dont la participation est limitée, ne pourront céder éventuellement leurs actions qu’à l’État ou aux personnes morales de droit public. J’en appelle à votre bon sens, mes chers collègues. Nous verrons tout à l’heure que M. Desessard a déposé un amendement intéressant sur ce point.

L’amendement n° 268 est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi, qui prévoit que le capital de La Poste est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public. La commission y est donc défavorable.

L’amendement n° 269 est également satisfait, qui vise à préciser que le capital de La Poste est incessible à d’autres acteurs que l’État, les personnes morales de droit public et les personnels.

L’amendement n° 270 a pour objet de conditionner toute prise de participation au capital de La Poste à l’acceptation d’une clause d’incessibilité. Celle-ci serait parfaitement dérogatoire au droit commun des sociétés, puisqu’elle interdirait tout échange d’actions de La Poste entre l’État et les autres personnes morales de droit public qui participeront à son capital. La commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 272 prévoit l’incessibilité des participations au capital de La Poste jusqu’en 2020. Même ainsi limitée dans le temps, une telle clause d’incessibilité n’apparaît pas justifiée.

En ce qui concerne l’amendement n° 271, dans la mesure où l’État cède une partie du capital de La Poste, je ne vois pas pour quelle raison il souhaiterait disposer d’un droit de préemption sur les actions de la future société anonyme. Je le rappelle, le caractère public du capital de La Poste est, en toute hypothèse, garanti.

Enfin, la commission demande au Gouvernement de bien vouloir lui faire connaître son avis sur l’amendement n° 582, dont l’objet est semblable à celui de l’amendement nº 567, puisqu’il prévoit de préciser que l’État sera actionnaire majoritaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Les auteurs des amendements nos 31 rectifié, 266, 265 et 441 rectifié souhaitent que seul l’État puisse être actionnaire de La Poste. Selon nous, il serait dommage de priver La Poste de l’apport de la Caisse des dépôts et consignations. Nous sommes donc défavorables à une telle proposition.

L’amendement n° 567, qui prévoit que l’État sera l’actionnaire majoritaire de La Poste, ne paraît pas nécessaire, le capital devant être presque entièrement détenu par l’État et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle est le bras armé de l’État. Votre amendement n’apporte rien, monsieur Merceron, le texte étant déjà suffisamment explicite, néanmoins je ne verrais pas d’inconvénient majeur à son adoption. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 27 et 267, je ne comprends pas, très sincèrement, que l’on puisse vouloir supprimer un droit ouvert aux salariés par le projet de loi, celui de détenir une part du capital. Le Gouvernement est fondamentalement opposé à une telle intention : on ne peut pas à la fois clamer, du matin au soir, sa considération pour le personnel de La Poste et vouloir refuser aux salariés qui le souhaitent la possibilité de devenir actionnaires de leur entreprise !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Versez-leur de meilleurs salaires !

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

En ce qui concerne l’inscription d’une clause d’incessibilité des parts, je suis en désaccord avec les auteurs des amendements, notamment s’agissant des actions détenues par les salariés. En effet, un salarié de La Poste qui achèterait des parts de son entreprise n’aurait pas le droit de les revendre ensuite à un autre salarié, à l’État ou à la Caisse des dépôts et consignations, seuls actionnaires possibles, je le rappelle. Dans cette hypothèse, que se passerait-il si un salarié avait besoin de céder sa participation parce qu’il traverse de graves difficultés personnelles ? J’émets un avis défavorable sur les amendements nos 269, 270 et 272.

Enfin, l’amendement n° 271, dont je me suis longuement entretenu avec M. le rapporteur, tend à instaurer un droit de préemption de l’État pour toute cession de participation. Dans ces conditions, un salarié qui voudrait acheter un titre à un autre salarié devrait d’abord demander à l’État si celui-ci compte exercer son droit de préemption… Cela étant, cette disposition, marquée par un certain bon sens, ne me pose de problème fondamental. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 31 rectifié.

Mme Odette Terrade. Il n’est évidemment pas question que nous retirions cet amendement, qui porte sur la détention du capital de La Poste et sur son incessibilité.

Nous souhaitons en effet clairement inscrire dans la loi, même si cela ne représente, je le répète, qu’une position de repli au regard de notre opposition de fond au changement de statut de La Poste, que le capital de l’entreprise ne pourra pas être détenu par une personne morale de droit public autre que l’État et qu’il ne pourra en aucun cas être cédé.

Si vous souhaitez, monsieur le ministre, rendre La Poste « imprivatisable », selon le néologisme que vous utilisez depuis le début de ce débat, nous vous offrons ici la possibilité d’atteindre cet objectif : il vous suffit d’appeler les parlementaires de l’UMP à adopter notre amendement. Sinon, nous serons enclins à penser que telle n’est pas votre intention réelle et que, dans le novlangue sarkozien comme dans celui d’Orwell, les réalités recouvertes par les mots ne correspondent pas à ce qu’ils désignent. Autrement dit, les promesses n’engagent que ceux qui y croient !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions.

Il est donc prévu que la Caisse des dépôts et consignations prenne une participation dans le capital de la future société anonyme. Or je note que le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui s’est réuni il y a deux jours, n’a été saisi d’aucun projet de cet ordre. Trouvez-vous cela normal, alors que la constitution de la société anonyme devrait intervenir, si ce projet de loi est adopté, à brève échéance ? Certes, le conseil de surveillance se réunira à nouveau dans quinze jours, mais les délais sont courts… Quel est le calendrier prévu pour l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations ?

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Le texte initial du projet de loi constituait une provocation, après le succès de la consultation citoyenne, qui a permis de recueillir plus de deux millions de signatures en faveur du maintien du caractère public de La Poste.

« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État », est-il écrit à l’article 1er. Et ensuite ? Je reste dubitatif quant aux intentions réelles du Gouvernement.

En effet, le statut de société anonyme permet la détention de parts par une société d’économie mixte. Cela est tout à fait courant. Par quelle magie pourrait-on garantir qu’il n’en sera jamais ainsi concernant La Poste ? Comment le Gouvernement, dans cette période incertaine de crise, face à l’injonction européenne de tout ouvrir à la concurrence, pourrait-il prévoir et garantir que, à l’avenir, le capital de la société anonyme restera à 100 % public ?

Les déclarations gouvernementales visent à calmer l’opinion publique, hostile à la privatisation de La Poste.

Nous aimerions pouvoir les croire, mais nous éprouvons des doutes, car cette opération n’est pas une première et les précédents changements de statut d’entreprises publiques ont abouti, en dépit des promesses faites, à des privatisations totales, à une dégradation du service rendu, à une hausse des tarifs et à une couverture insatisfaisante du territoire. De surcroît, ce processus suscite un mal-être profond parmi les salariés, qui, attachés au service public, se voient contraints d’adopter une logique de rentabilité à tout prix. Nous avons tous en tête l’exemple dramatique de France Télécom, mais il en va de même pour Gaz de France, pour ERDF ou je ne sais quel autre morceau de ce que l’on appelait naguère EDF.

Pourquoi en irait-il différemment demain avec le secteur public postal ? Tous les personnels ont attiré notre attention sur le fait que La Poste était déjà prête à être dépecée et vendue à la découpe. Les activités non rentables, celles qui faisaient pourtant la qualité du service rendu à celui que l’on appelait l’ « usager », devenu maintenant le « client », seront laissées à la charge de l’État et dotées de moyens drastiquement réduits, avant d’être purement et simplement supprimées. C’en sera alors fini des multiples petits services quotidiens que rendent encore certains résistants, considérés comme des « moutons noirs » par la direction actuelle.

Cette prédiction est malheureusement plus crédible que la promesse du maintien de la propriété publique de l’intégralité du capital de la société anonyme…

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Notre groupe apprécie la rectification de l’amendement, visant à rendre incessible le capital de la société anonyme. Toutefois, à l’instar des membres du groupe CRC-SPG, nous ne faisons pas confiance au Gouvernement et redoutons que la transformation du statut de La Poste ne constitue la première étape vers la privatisation.

Dans ces conditions, nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Ce débat me semble quelque peu surréaliste. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Nous discutons du statut d’une entreprise publique qui exerce des missions de service public. À cet instant, il n’est sans doute pas inutile de rappeler le b.a.-ba de la première année de droit. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Odette Terrade. Tout le monde n’a pas fait de droit, monsieur Portelli ! Restez correct !

M. Hugues Portelli. Mais vous rabâchez toujours les mêmes inepties ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)

Premièrement, une entreprise publique peut avoir différents statuts juridiques.

Deuxièmement, La Poste est, au moins depuis 1968, un service public à caractère industriel et commercial, ce qui a des conséquences en termes de missions et de statut des agents. Certes, une grande partie de ces derniers sont des fonctionnaires, pour des raisons historiques, mais rien n’impose qu’il en soit ainsi.

Par ailleurs, les missions de service public de La Poste peuvent varier dans le temps. Ainsi, certaines missions qu’elle exerçait jadis ne relèvent plus aujourd’hui du service public – je pense notamment au secteur des télécommunications.

Le problème est que l’activité postale relève des compétences de l’Union européenne. Une directive a été adoptée.

M. Jean Desessard. Par vous !

M. Jean Bizet. Et alors ?

M. Hugues Portelli. Elle l’a également été par tous vos camarades des partis socialistes européens. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. M. le professeur ne va pas nous intimider !

M. Hugues Portelli. Nous avons obtenu que cette directive consacre la notion de service public universel. N’oubliez pas, mes chers collègues, qu’obtenir la reconnaissance par l’Union européenne du service public tel que nous le concevons traditionnellement en France exige de mener une véritable bataille politique. Or, nous avons remporté des victoires significatives sur ce terrain. Alors que d’aucuns considéraient la libéralisation totale comme l’issue inéluctable, la notion de service public universel a été retenue, et elle peut notamment s’appliquer à La Poste. Certes, le vocabulaire employé ne correspond pas aux termes juridiques français, la plupart des textes communautaires étant d’abord rédigés en anglais, mais nous avons bel et bien obtenu ce résultat. Chaque État membre a ensuite la possibilité d’adapter cette directive comme il l’entend, et c’est d’ailleurs ce que tend à faire le présent projet de loi, dans un sens conforme à notre conception traditionnelle du service public postal.

Cela étant précisé, dans une économie concurrentielle, si nous ne voulons pas que La Poste meure d’asphyxie financière, nous devons changer son statut pour lui permettre de se financer et d’investir. Nous faisons en sorte qu’il s’agisse de capitaux publics, en sollicitant la holding d’État qu’est la Caisse des dépôts et consignations. Tous les États qui ont voulu préserver le statut public de la poste ont procédé de la sorte. C’est une question de bon sens financier et juridique, et même de bon sens tout court.

Prêter au Gouvernement et à la majorité des intentions perverses, en les accusant de vouloir en fait liquider le service public, c’est tout simplement faire preuve d’ignorance. Il existe d’autres statuts, pour une entreprise publique, que celui qui a été fixé au XIXe siècle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci de la leçon, monsieur le professeur !

M. Jean Bizet. Vous ne l’avez pas écoutée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toutefois, je l’ai trouvée hors sujet ! La vraie question est la suivante : la directive européenne nous oblige-t-elle à faire passer La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme ? (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

La réponse est négative. Depuis lundi, certains essaient de nous faire croire qu’un EPIC ne peut pas recevoir de financements de l’État. Nous leur avons opposé l’exemple de la SNCF, qui est encore un EPIC, quoi qu’en dise l’un de nos collègues, ex-doyen de faculté de droit… De même, les offices de l’habitat, qui sont des EPIC aux termes de la loi Boutin du 25 mars 2009, reçoivent des dotations de l’État.

M. Guy Fischer. N’est-ce pas, monsieur Repentin ?

M. Thierry Repentin. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel est au juste votre objectif dans cette discussion ? Depuis trois jours, vous répétez en boucle les mêmes arguments (Rires sur les travées de l’UMP), mais ils sont totalement erronés !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je voudrais répondre à la question posée par M. Jean-Pierre Bel sur l’intervention de la Caisse des dépôts et consignations.

Dès le mois de décembre 2008, le Président de la République avait très clairement indiqué que la Caisse des dépôts et consignations participerait au capital de la nouvelle société anonyme. Je me suis personnellement entretenu de ce sujet à de nombreuses reprises avec son président, M. de Romanet, ainsi que de la représentation de cet organisme au conseil d’administration de La Poste.

Je sais que M. le rapporteur a participé à des réunions techniques avec la Caisse des dépôts et consignations, dont des responsables ont été auditionnés par la commission de l’économie, à la demande de M. Emorine. En outre, la commission a adopté un amendement, dont nous aurons l’occasion de débattre ultérieurement, qui vise à améliorer la représentation de la Caisse des dépôts et consignations au conseil d’administration de La Poste.

M. Guy Fischer. Ce n’est qu’une première étape !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour explication de vote sur l’amendement n° 567.

M. Jean-Claude Merceron. Nous sommes attachés à cet amendement, visant à garantir l’engagement majoritaire de l’État dans la future société anonyme. Nous souhaitons que cette précision figure dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Alors que l’on ne cesse de dire que La Poste n’est pas une entreprise comme les autres, nos collègues centristes font comme s’ils n’avaient rien entendu.

Il ressort de cet amendement que l’ouverture du capital de La Poste serait aujourd’hui indispensable, et que l’on doit fixer à 51 % au moins la part de son capital détenue par l’État. Si l’on pousse cette logique jusqu’au bout, cela signifierait que les 49 % restants pourraient être détenus par d’autres personnes morales de droit public.

Je précise que tous les sénateurs du groupe de l’Union centriste n’ont pas cosigné cet amendement pour le moins intéressant, qui permettrait à l’État, par le biais d’une étrange opération financière déconnectée de toute logique économique, de se refaire une petite santé financière en cédant une partie du capital de La Poste à la Caisse des dépôts et consignations ou à une autre personne morale de droit public, comme une région ou un département. Cela s’est déjà fait, mais les précédents ne sont guère encourageants de notre point de vue…

En ce qui concerne le rôle dévolu à la Caisse des dépôts et consignations au côté de l’État dans cette opération, vous oubliez un peu vite, mes chers collègues, que cet organisme est aujourd’hui doté d’un comité des investissements et qu’il participe, bon gré mal gré, au Fonds stratégique d’investissement, lequel ne semble d’ailleurs pas vraiment remplir la mission qui lui a été assignée.

La vérité, c’est que le paravent de papier que constitue l’article 1er ne résistera pas longtemps quand le vent de l’ouverture totale à la concurrence des services postaux se lèvera. Il suffira alors, par exemple, d’un amendement déposé de façon impromptue au détour de l’examen d’un projet de loi de finances ou d’un texte économique ou financier « fourre-tout » pour le faire tomber.

Une autre question à prendre à considération est celle de la valeur initiale de La Poste.

En réalité, la valeur de La Poste sera probablement révisée à la baisse, ce qui signifie qu’elle sera naturellement sous-évaluée. Car, s’il fallait déterminer effectivement ce que vaut La Poste, nous ne pourrions sans doute parvenir qu’à un résultat particulièrement spectaculaire, probablement bien éloigné de l’évaluation prétendument indépendante dont nous allons être prochainement informés.

Soyons précis : croyez-vous vraiment que La Poste, en tout cas si l’on considère la place éminemment particulière d’opérateur de service public qu’elle occupe depuis plusieurs décennies, sinon plusieurs siècles, n’ait qu’une valeur initiale limitée à 2,258 milliards d’euros ?

La valeur immatérielle de La Poste et la qualité même de son service ne se mesurent pas avec les outils de la comptabilité privée ordinaire.

Dans le même ordre d’idées, par souci d’une parfaite honnêteté, on pourrait fort bien déterminer la valeur de La Poste à partir du volume actualisé, selon les règles en vigueur en la matière, des versements qu’elle a faits au profit du budget de l’État durant tout le temps que l’on a procédé au virement de l’excédent du budget annexe des postes et télécommunications sur le budget général.

Autre aspect de la question : celui des charges indues supportées par La Poste et non prises en compte par l’État, au plus grand mépris des engagements pris dans le cadre du contrat de plan !

Si vous étiez conséquent, monsieur le ministre, avant même de procéder à tout apport en capital à la société anonyme que vous allez porter sur les fonts baptismaux, vous commenceriez par vous acquitter de vos dettes !

Comment oublier que la somme que vous vous apprêtez à mettre dans le capital de La Poste – 1,5 milliard d’euros - ne représente même pas les 1 871 millions d’euros que l’État doit à l’EPIC de La Poste pour le transport de la presse ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Thierry Foucaud. Comment oublier que le déficit d’au moins 150 millions d’euros que connaît la prise en charge du service universel se répète tous les ans depuis dix-neuf ans et que cet argent, qui représente des montants importants, a manqué et manque encore au développement de ce service public ?

C’est tout cela qu’il faut rappeler, ici encore, au moment de rejeter sans ambiguïté cet amendement de la minorité de nos collègues du groupe centriste.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Les auteurs de cet amendement vont plus loin que le Gouvernement lui-même puisque, si leur rédaction était adoptée, on admettrait que l’État ne puisse plus détenir, dans un délai relativement rapide, que 51 % du capital de l’entreprise.

Comme nos collègues du groupe CRC-SPG, nous sommes totalement opposés à cet amendement, qui, se voulant protecteur, pourrait en réalité être un accélérateur du processus de privatisation progressive de La Poste.

Mme Odette Terrade. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Cet amendement est sensiblement identique à l’amendement n° 582, que j’ai déposé avec plusieurs collègues de mon groupe et dont, à titre personnel, je préfère le libellé.

En effet, poser que « la part de l’État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital », c’est envisager qu’elle puisse être supérieure. Pour moi, c’est une garantie.

En outre, je ne suis pas choqué que des collectivités locales, communes, départements et même régions, puissent être actionnaires de La Poste. Après tout, dès lors que l’on est très attaché au service public postal, cette possibilité est, somme toute, assez logique. Cela constituera d’ailleurs une garantie supplémentaire contre la privatisation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 567.

(L'amendement est adopté.)

Mme Odette Terrade. C’est mettre le doigt dans l’engrenage !

M. Guy Fischer. C’est un amendement fondamental que vous venez d’adopter, chers collègues de la majorité !

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 582 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 26, 265 et 441 rectifié.

M. Thierry Foucaud. Ces trois amendements identiques de repli, qui visent à préciser que l’État est l’unique actionnaire de la société anonyme à créer, sont essentiels au regard des missions de service public de La Poste exploitant d’un service public national.

Ces amendements sont également importants, car ils réservent du même coup la propriété du patrimoine de l’exploitant public à l’État. Or l’entreprise publique possède un beau patrimoine immobilier.

D’ailleurs, elle a déjà réalisé des transactions, notamment des ventes d’immeubles, tout à fait intéressantes financièrement compte tenu de la flambée des prix qu’a connue Paris.

On se souvient que La Poste avait vendu un immeuble de 17 000 mètres carrés, situé avenue d’Italie, à Captiva Capital Partners II, société créée par Nexity et Ixis Capital Partners. La Poste, via sa filiale Locaposte, est restée locataire d’un tiers de la surface, laquelle comprend le bureau de poste...

Bien sûr, on peut s’interroger sur la pertinence de ce genre de transaction. Toujours est-il que le produit de telles ventes reste la propriété de l’État à travers son exploitant public.

Dans la nouvelle société, l’argent servira à rémunérer les actionnaires.

De plus, actuellement, de source syndicale, selon « les textes en vigueur, le conseil d’administration doit avaliser toute cession immobilière dont le montant est supérieur à 25 millions d’euros et toute vente de filiale dont le prix de vente dépasse 12 millions d’euros ».

Dans la nouvelle configuration, le risque est que l’État ne soit plus suffisamment fort pour faire entendre sa voix.

Enfin, il est inadmissible de transférer l’ensemble du patrimoine de La Poste à la nouvelle société anonyme sans une identification et une évaluation de ce patrimoine.

L’unique parole du Gouvernement comme garantie que ces biens resteront la propriété d’une société détenue majoritairement par des personnes publiques est un faible gage.

Et, quand bien même il en serait ainsi, il reste que l’exploitant public sera dissous et que ses biens appartiendront désormais non plus uniquement à l’État, mais aussi aux actionnaires de la nouvelle société.

Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à voter ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26, 265 et 441 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 27 et 267.

Mme Éliane Assassi. En dépit de vos arguments respectifs, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous persistons à penser que le dispositif qui nous est proposé est dangereux, car non seulement il fragilise la protection sociale en créant des exonérations de cotisations sociales, mais aussi et surtout il contrevient tout simplement au principe de la rémunération par les salaires.

Or ce type de rémunération sert fondamentalement de prétexte pour ne pas augmenter les salaires. Une telle pratique serait pourtant encore plus dommageable dans une entreprise de main-d’œuvre comme La Poste, qui compte de nombreux bas salaires. Je rappelle qu’un facteur perçoit au maximum 1 200 euros par mois.

Les syndicats considèrent qu’il s’agit d’une déformation du partage de la valeur ajoutée. En effet, offrir une telle opportunité aux salariés ne règle pas le problème, que nous dénonçons continuellement, du déséquilibre entre les revenus du travail et les revenus du capital.

Il s’agit d’une réponse tronquée à un véritable problème. Comment ne pas voir que cet argument de la participation des salariés au capital de l’entreprise est utilisé de manière récurrente à chaque privatisation depuis le milieu des années quatre-vingt ?

De plus, que se passera-t-il si le cours de ces actions baisse ? Les salariés subiront alors une « double peine » : premièrement, l’actionnariat pourra justifier l’impossibilité de toute augmentation des salaires ; deuxièmement, le capital que les salariés auront investi aura diminué.

Je vous rappelle, à titre d’exemple, que la poste allemande a perdu 20 % de sa valeur depuis son entrée en bourse, en 2000.

Enfin, les dispositifs d’épargne salariale existent déjà au sein de l’entreprise depuis 2007, mais ils n’ont séduit que 40 000 personnes, soit 13 % du personnel. L’actionnariat salarié ne bénéficiera donc qu’à celles et à ceux qui ont déjà les moyens d’épargner, soit une minorité.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je profiterai de cette explication de vote pour répondre à notre collègue Hugues Portelli.

Je suis d’accord avec lui sur un point : il existe différentes conceptions des missions de service public.

Pour leur part, les Verts défendent une vision aussi globale et large que possible du service public. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean Bizet. On l’avait deviné !

M. Jean Desessard. Eh oui ! Ce qui nous différencie de vous, c’est que nous ne sommes pas d’accord avec le mode de management actuellement pratiqué par La Poste, lequel consiste à assigner des objectifs et à vérifier, au terme d’un pointilleux comptage de petites croix, ce que chacun fait quotidiennement.

Nous ne voulons pas d’un service public asservi aux critères de rentabilité, nous ne voulons pas que La Poste recoure aux mêmes méthodes que le privé.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean Desessard. Vous persistez à vouloir motiver les salariés de La Poste pour que celle-ci fasse du profit.

M. Jean Desessard. Or que veut dire « mission de service public », sinon rendre service aux gens, même quand cela prend du temps, même quand cela n’est pas rentable ?

M. Jean Bizet. Ce n’est pas durable, à terme !

M. Jean Desessard. C’est cela, le service public, rendre service aux gens même lorsque ce n’est pas rentable. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Vous voulez nous faire croire, en plus, que vous allez augmenter la rémunération des postiers ? Monsieur le rapporteur, savez-vous combien gagne un postier, aujourd’hui ?

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ils ont la sécurité de l’emploi !

M. Jean Bizet. Cela, Besancenot ne veut pas le dire !

M. Jean Desessard. Savez-vous quelle est la différence de rémunération entre un postier fonctionnaire et un postier titulaire d’un contrat de droit privé à durée déterminée ou indéterminée ? Plus de 20 % !

Depuis que La Poste recrute des salariés sur des contrats de droit privé, salariés qui n’ont donc pas le statut de fonctionnaire, les rémunérations ont baissé. D’ailleurs, M. le ministre le sait bien, puisqu’une grève a éclaté à Nice, à l’issue de laquelle les postiers ont obtenu une prime pour le logement de 50 euros. Il est vrai que, avec un salaire de 1 100 euros, il leur était très difficile de se loger dans cette ville trop chère.

M. Guy Fischer. À Nice, les logements sont effectivement chers !

M. Jean Desessard. Et à Paris, comment voulez-vous vous loger quand vous gagnez 1 100 euros ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À Paris, un postier n’a pas les moyens de se loger !

M. Jean Desessard. Et comme les gens sont contraints d’habiter à cent kilomètres ou plus de leur lieu de travail, il faut construire des lignes de tramway ou de RER !

Comment vivre, dans ces conditions ?

Assurer un service public, c’est donc rendre service, bien évidemment, mais c’est aussi garantir la sérénité sociale, c’est-à-dire donner aux salariés les moyens de vivre décemment.

La mission de service public doit être vue sous cet angle.

La transformation de La Poste en société anonyme ne fera qu’accentuer le mouvement de précarisation, de baisse des salaires, de fixation d’objectifs de travail, un peu comme à France Télécom. Dans quelques années, il ne faudra pas s’étonner que les salariés de La Poste souffrent au travail.

M. Guy Fischer. C’est déjà le cas !

M. Jean Desessard. Il ne faudra pas s’étonner non plus des suicides, et il sera bien temps, alors, de convoquer M. Bailly pour lui demander ce qu’il compte faire. Mais c’est aujourd’hui que nous créons les conditions de la souffrance au travail et du stress que ne manquera pas de connaître La Poste dans quelques années !

Enfin, si, avec nos camarades communistes, nous défendons, à travers ces amendements identiques, une même proposition, c’est que nous considérons la possibilité pour les postiers d’acquérir des actions de leur entreprise comme le prélude à la privatisation. Dans quelques années, une fois partis à la retraite, ces actionnaires anciens salariés de La Poste céderont leurs titres et on aura beau jeu d’en tirer argument pour poursuivre le processus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Augmentez les salaires !

M. Jean Desessard. Nous nous opposons formellement à l’actionnariat salarié.

En revanche, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous sommes tout à fait prêts à voter une augmentation des rémunérations des postiers et de l’ensemble des personnels !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Cela ne figure pas dans le projet de loi !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 et 267.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 268.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'amendement n° 272.

M. Jacques Muller. Afin de ne pas abuser du temps du Sénat, mon explication de vote vaudra également pour les amendements nos 266, 265, 267, 268, 269, 270 et 272.

M. le président. Monsieur Muller, sur le plan de la méthode, mieux vaut éviter les explications de vote post mortem. (Sourires.) Nombre des amendements sur lesquels vous allez vous exprimer ont déjà été rejetés. Il eût été préférable d’intervenir avant leur mise aux voix, encore que cela n’aurait sans doute rien changé.

M. Jean Desessard. Les socialistes sont pour la vie, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Muller.

M. Jacques Muller. Vous aurez constaté que les Verts sont bien présents dans cet hémicycle et témoignent ainsi de leur attachement au service public de La Poste.

M. Jean Bizet. Ils ne sont pas encore majoritaires !

M. Jacques Muller. Nous refusons la privatisation rampante qui se profile, comme 90 % des Français qui se sont exprimés lors de la votation citoyenne.

Pour autant, nous n’avons pas adopté de posture d’obstruction. (M. le président de la commission de l’économie s’exclame.)

Les nombreux amendements de repli que nous avons déposés sont constructifs et destinés à éviter le pire.

Je constate que tous ces amendements ont donné lieu à un avis défavorable tant de la commission que du Gouvernement. Pourtant, leur objet était d’éviter la dilution du capital de La Poste, notamment par la clause d’incessibilité.

Notre objectif était très clair : empêcher l’adoption de dispositions dangereuses et injustes, dangereuses parce qu’elles risqueraient de réduire la capacité de La Poste d’assurer correctement sa mission de service public, injustes socialement puisque l’on veut rémunérer les acteurs du service public au moyen d’actions.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le rejet de nos amendements traduit clairement votre refus d’écouter la voix qui monte du terrain.

En fait, vous avez fait la preuve que vous refusez tout ce qui est susceptible d’atténuer la privatisation rampante qui est en cours.

Vous avez décidé d’imposer l’évolution de La Poste aux forceps. Vous manifestez ainsi une posture strictement idéologique. Nos concitoyens le verront et ils en tiendront compte pour la suite.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Mon intervention s’inscrit dans le même registre que celle de M. Michel Teston.

Remarquons au passage que nos collègues Verts sont sans doute un peu plus naïfs que nous. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.). En effet, nous estimons que la ligne de partage se situe très exactement là où vous considérez que l’EPIC est disqualifié. Tout le reste est destiné à limiter la casse, comme vient de l’expliquer M. Jacques Muller.

Mais la détermination du ministre et du rapporteur est telle que, même sur ce point, ils refusent la moindre concession.

Au-delà des pensées, on trouve des arrière-pensées récurrentes. On ne peut donc pas s’empêcher d’imaginer que les incertitudes qui pèsent sur les conditions dans lesquelles s’effectuera l’actionnariat de la Caisse des dépôts et consignations, voire des salariés, pourraient tenter certains de faire entrer dans le dispositif un cheval de Troie afin d’engager, dans un second temps, une privatisation, la privatisation annoncée.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je me félicite que la naïveté des Verts ait permis aux socialistes de souligner le machiavélisme du Gouvernement et du rapporteur. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Ma foi, si notre naïveté peut être utile au progrès du monde, tant mieux ! À nous d’en garder l’expression dans notre idéologie et dans notre utopie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Desessard. Le ministre s’en était pourtant remis à la sagesse du Sénat !

M. Christian Cambon. Et, justement, nous sommes très sages !

M. Guy Fischer. Le voilà, le positionnement idéologique !

M. Jean Desessard. Sans faille !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On descendra à 51 %, puis ce sera la privatisation !

M. le président. Toujours sur l’article 1er, je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 579 est présenté par M. Retailleau.

L'amendement n° 580 est présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mme Laborde, MM. Mézard et Milhau et Mme Escoffier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste.

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour défendre l’amendement n° 579.

M. Bruno Retailleau. Il convient de lever toute ambiguïté : la modernisation de La Poste, oui, sa privatisation, non !

Cet amendement vise à inscrire très explicitement dans le projet de loi un second verrou contre la privatisation. Après la première garantie que nous a apportée la commission de l’économie par la voix de son rapporteur sur la nature publique du capital social de la future SA, cet amendement reprend une jurisprudence du Conseil constitutionnel, récente puisqu’elle date de 2006, qui affirme, pour la première fois, que le législateur ne peut pas privatiser un service public national, sauf à lui faire perdre son caractère de service public national.

En d’autres termes, cet amendement vise à inscrire dans le projet de loi le caractère de service public national de La Poste.

Depuis quelques jours, certains collègues qui siègent à gauche de cet hémicycle se réfèrent à cette jurisprudence. Toutefois, ils ne lisent qu’un membre de la phrase intéressante. Permettez-moi de vous donner lecture du second membre de cette phrase : « le transfert [au secteur privé] suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».

J’attends avec impatience les objections que nos collègues socialistes et communistes ne manqueront pas de m’opposer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre lecture ressemble à celle de M. Guaino !

M. Bruno Retailleau. Nos collègues prennent par ailleurs deux autres exemples : France Télécom, que je connais un peu, et Gaz de France. Quels enseignements nous apportent ces deux exemples au regard de ce que nous voulons faire en inscrivant le caractère de service public national dans la loi ?

France Télécom n’a pu être privatisée qu’après qu’une loi lui a fait perdre son caractère de service public national. Nous pourrons nous expliquer sur ce sujet si vous le souhaitez dans quelques instants.

Pour Gaz de France, la démonstration est plus flagrante encore parce que le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence de 2006, avait posé une réserve d’interprétation en indiquant que l’on ne pouvait pas privatiser cette entreprise avant le 1er juillet 2007, car, jusqu’à cette date, elle conservait son caractère de service public national. Elle n’a pu être en effet privatisée qu’à partir du moment où on lui a fait perdre cette caractéristique.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons inscrire dans le projet de loi, et de la façon la plus claire possible, le caractère de service public national de La Poste.

Cet amendement est utile. En explicitant la volonté du législateur, on évite au Conseil constitutionnel d’avoir à reconstituer le faisceau d’indices qui peuvent l’amener à décider qu’il s’agit, ou non, d’un service public national.

J’en apporte une illustration.

Dans le commentaire de la décision du Conseil constitutionnel figurant aux Cahiers du Conseil constitutionnel no 22, publiés en 2007, la question est posée de savoir « comment reconnaître la volonté du législateur de confier à une entreprise un service public national, à défaut [...] de trouver dans les textes une qualification explicite en ce sens ».

Autrement dit, lorsque le législateur explicite le caractère de service public national, le Conseil constitutionnel en prend acte aussitôt.

Si, demain, un gouvernement de gauche, par exemple, voulait privatiser La Poste (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.),...

M. Jean Bizet. Cela pourrait arriver !

M. Bruno Retailleau. ... il lui faudrait au préalable déposer un nouveau texte de loi pour supprimer la mention du caractère de service public de La Poste.

Alors, mes chers collègues, cessons les procès d’intention. Ce projet de loi est-il, oui ou non, un projet de loi de privatisation ? La réponse est sans ambiguïté négative, car il y a deux garanties : celle de la commission et celle qu’apporte cet amendement.

M. Gérard Cornu. Et le traité de Lisbonne !

M. Bruno Retailleau. Les choses doivent être carrées. Mais, en tout état de cause, reconnaître à La Poste son caractère de service public national est un geste juridique extrêmement fort. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste et du RDSE.)

M. Guy Fischer. C’est le premier pas vers la privatisation !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 580.

M. François Fortassin. Je n’ai rien à ajouter aux propos de M. Retailleau. Il est bien évident que cet amendement apporte à nos yeux une garantie supplémentaire.

J’ajoute que, pour l’opinion publique, d’un point de vue sémantique, il y a quelque chose de fort dans l’expression « service public national de La Poste ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement porte sur la réaffirmation du caractère de service public national de La Poste.

M. Retailleau avait présenté un amendement analogue lors de la première réunion de la commission. Nous en avions alors demandé le retrait dans l’attente d’un complément d’expertise juridique.

Il nous apparaît en fin de compte qu’il s’agit d’une très bonne idée. En affirmant le caractère de service public national de La Poste, on confirme l’impossibilité de sa privatisation, conformément au préambule de la Constitution de 1946.

La commission a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. L’amendement n° 579, qui se situe au cœur du débat, a fait beaucoup parler de lui et m’a amené à prendre position. J’ai même utilisé un néologisme, qui a été caricaturé par certains alors que d’autres y ont vu au contraire une forme d’originalité destinée à bien faire comprendre quel était l’état d’esprit du Gouvernement et ainsi apaiser les inquiétudes d’un certain nombre de parlementaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la première fois que je me suis présenté devant vous en commission, je vous ai indiqué que j’étais déterminé à accepter un certain nombre de garanties supplémentaires, même si le texte initial du Gouvernement me paraissait suffisamment explicite, pour confirmer à chacun que la modification statutaire de La Poste n’entraînerait à aucun moment la perte de son caractère à 100 % public.

C’est ce qui m’a conduit, pour renforcer encore cette position, à accepter en commission un amendement du rapporteur visant à ce que soit bien prévue la mention de ce caractère à 100 % public, ce qui a été fait.

Je tiens à souligner que, lorsque M. Retailleau a déposé son amendement en commission, j’avais dit très clairement que sa proposition me paraissait particulièrement intéressante. Cependant, ne disposant pas de toutes les analyses juridiques nécessaires à ce moment-là, j’avais demandé à son auteur de bien vouloir retirer l’amendement, quitte à le redéposer, le cas échéant, en séance publique. Je tiens à remercier M. Retailleau d’avoir accepté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il vous suffit de vous référer au compte rendu de la réunion de la commission pour vérifier que les choses se sont passées dans ces conditions.

Entre-temps, nous avons poussé plus avant notre analyse. Je ne reviendrai pas sur l’éloquent et remarquable plaidoyer de M. Retailleau. Je dirai simplement que si, dans quelques instants, les amendements identiques n° 579 et 580 sont adoptés, La Poste sera rendue « imprivatisable », pour reprendre ce néologisme, que j’assume.

Pour que toutes les conditions soient réunies afin que La Poste soit privatisable, il faudrait d’abord un changement de majorité. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est de la provocation !

M. Christian Estrosi, ministre. Des bouleversements importants sont possibles dans notre pays, mais je ne vois pas comment une majorité qui, lors de l’examen d’un amendement, prend toutes les mesures nécessaires pour renforcer ce caractère à 100 % public, se renierait demain.

M. Christian Estrosi, ministre. Comme l’a dit Bruno Retailleau, pour qu’une entreprise puisse être qualifiée de service public à caractère national, elle doit répondre à trois critères : l’entreprise doit être chargée d’une mission de service public ; cette mission doit être décrite dans la loi et elle doit être exercée sur l’ensemble du territoire.

C’est clairement le cas de La Poste, qui exerce, sur l’ensemble du territoire, quatre missions de service public définies dans la loi : la distribution du courrier, l’aménagement du territoire, le transport de la presse et l’accessibilité bancaire, notamment le livret A.

Autrement dit, pour rendre demain La Poste privatisable, il faudrait que les deux assemblées votent en termes identiques la suppression par la loi des quatre missions de service public.

Sincèrement, je ne pense pas que cette majorité, qui s’apprête à voter ce texte avec l’inscription de ces quatre missions de service public, serait prête demain à en sacrifier ne serait-ce qu’une seule, encore moins les quatre. Or c’est pourtant la seule condition requise pour que l’ouverture de La Poste à des capitaux privés soit de nouveau en débat. Sans la suppression de ces missions, La Poste ne peut être privatisée.

La Poste peut donc être qualifiée de service public à caractère national, ce qui, en application du préambule de la Constitution de 1946, la rend insusceptible d’être privatisée.

Je me permets de réaffirmer, en émettant un avis plus que favorable sur les deux amendements identiques de MM. Retailleau et Fortassin,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre. … que, si vous adoptez ces amendements en l’état, mesdames, messieurs les sénateurs, La Poste deviendra « imprivatisable » ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà eu ce débat.

M. Retailleau brandit la décision du Conseil constitutionnel, mais nous avons une autre interprétation que lui, celle de M. Henri Guaino... Ceux qui défendent la libéralisation des services publics devraient au moins se mettre d’accord !

Que dit le Conseil constitutionnel, en 2006 ? « Considérant [...] que le fait qu’une activité ait été érigée en service public national sans que la Constitution l’ait exigé ne fait pas obstacle au transfert au secteur privé de l’entreprise qui en est chargée ; que, toutefois, ce transfert suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».

M. Bruno Retailleau. Le considérant est clair !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les explications de M. le ministre, ne nous ont pas convaincus. En effet, avec l’ouverture à la concurrence des activités postales, on sort du cadre du préambule de la Constitution de 1946, qui faisait des services publics des monopoles.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Nous sommes en 2009 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a fort à parier que La Poste n’exercera plus exclusivement le service public national et qu’elle perdra son monopole, y compris au regard de la continuité des services publics sur le territoire, qui est pourtant une condition essentielle.

Le Conseil constitutionnel a posé un certain nombre de conditions, et, selon lui, elles étaient remplies. Gaz de France a donc été privatisée par la loi !

La loi que vous allez voter, chers collègues, pourra être défaite demain par une loi simple : le capital pourra passer de 100 % à 51 %, comme le prévoit déjà M. Merceron, puis à 30 % ou même à 0,1 % !

Par ailleurs, la loi qui fait qu’aujourd’hui La Poste exerce un monopole au titre du service public de la distribution du courrier sur l’ensemble du territoire sera amendée lorsque les activités postales seront ouvertes à la concurrence en vertu de la directive européenne. Dans ce cas, nous ne serons plus dans une situation de service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946. (M. Bruno Retailleau proteste.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez beau vous agiter, monsieur Retailleau, ces arguments ne sont pas du tout convaincants, et surtout pas au regard du préambule de la Constitution de 1946 !

Je tiens à signaler que nous avions déposé un amendement de repli avant l’article 1er pour préciser les missions de service public que devait exercer un service public national. Or vous avez voté contre ! Cela prouve que vous ne voulez absolument pas garantir que La Poste restera un service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Monsieur Retailleau, vous voudriez nous faire croire que le fait d’inscrire à l’article 1er la phrase suivante : « Cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste » nous apporterait toutes les garanties.

Mon cher collègue, vous vous appuyez sur une décision du Conseil constitutionnel de 2006 relative au service public de l’énergie. Je ne reviens pas sur le considérant principal, puisque Nicole Borvo Cohen-Seat vient de l’évoquer, mais, en tout cas, la référence est explicite au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

Qu’en est-il réellement ?

Pour notre part, nous considérons qu’il existe en droit public français une hiérarchie des normes : la Constitution, la loi et les actes réglementaires. Je l’ai dit lundi soir, il n’y a pas de « supra-légalité », il n’y a pas de lois intouchables auxquelles on ne pourrait plus à l’avenir apporter la moindre modification. C’est le principe juridique du parallélisme des formes qui s’applique : ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire.

Donc, sur le plan strictement juridique, et s’agissant des pouvoirs du Parlement, on ne peut pas dire que le présent amendement rendrait La Poste « imprivatisable ».

Si l’on voulait introduire une garantie plus forte en la matière, il faudrait que cette disposition figure dans la Constitution, beaucoup plus difficile à modifier que la loi. Or tel n’est pas le cas, et je ne vois pas, d’ailleurs, comment justifier cette inscription dans la Constitution.

Un conseiller très proche du Président de la République a repris exactement les mêmes arguments, sans que nous ne nous soyons concertés. (Sourires.)

J’en viens à un autre argument, qui a été évoqué à l’instant par Nicole Borvo Cohen-Seat. Si nous lisons bien le considérant 14 de la décision du Conseil constitutionnel de 2006 relative au service public de l’énergie, cité par Bruno Retailleau et Nicole Borvo Cohen-Seat, le fait, pour le législateur, de modifier le statut de La Poste priverait l’entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public.

Avec cette disposition et la suppression du secteur réservé au 1er janvier 2011, qui est imposée par la troisième directive postale, le monopole de La Poste sera écarté et d’autres opérateurs de services postaux arriveront sur le marché. Rien n’empêchera donc par la suite d’amener la participation publique en deçà des 50 % et de s’engager dans une privatisation progressive du capital de La Poste.

M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Michel Teston. Donc, je le répète, en raison tout à la fois de l’évolution législative imposée par l’Europe et des décisions imposées par le Gouvernement – et elles risquent d’être actées par le Parlement -, La Poste va être privée des caractéristiques qui en faisaient un service public.

C’est la raison pour laquelle la formule retenue dans ces amendements ne nous paraît absolument pas opportune et que nous n’approuvons pas son inscription dans le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue Bruno Retailleau de ses efforts de pédagogie. Je pense qu’il souhaite de bonne foi verrouiller le système, mais ses arguments ne sont pas convaincants.

Selon un éminent constitutionnaliste, spécialiste des services publics, le service public national avait autrefois un sens organique. Notre collègue Mme Nicole Borvo Cohen-Seat l’a d’ailleurs expliqué.

Mais, depuis plus de vingt ans, il est acquis qu’une entreprise nationale assurant plusieurs activités dont certaines sont concurrentielles peut être privatisée tout en conservant de par la loi l’obligation d’assurer une activité de service public.

Votre argument, mon cher collègue, ne tient donc pas, ainsi que le montre cet avis de M. Guglielmi, éminent spécialiste et constitutionnaliste.

Cela étant, je tiens à vous remercier de vos efforts.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je voudrais d’abord remercier à mon tour Bariza Khiari. Bien sûr, j’aurais préféré la convaincre, mais je ne désespère pas... (Sourires.)

M. le ministre a rappelé les conditions dans lesquelles j’avais déposé cet amendement : je voulais m’assurer que l’on ne pourrait pas, à travers cette loi, privatiser La Poste. C’était ma conviction, et vous m’accorderez au moins, mes chers collègues, où que vous siégiez dans cet hémicycle, que je tiens une ligne quand j’estime devoir la tenir.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Bruno Retailleau. Souvenez-vous par exemple des lois HADOPI : j’avais mis en garde bien avant que l’Assemblée nationale ne se saisisse du premier texte de son caractère difficilement conciliable avec les principes constitutionnels. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Cette indépendance, je crois, me permet d’échapper à toute suspicion de collusion.

Je pense que l’amendement, qui a été accepté par le Gouvernement, éclaire la volonté du Gouvernement. À mes yeux, monsieur le ministre, ce point est fondamental, et je vous remercie de l’avoir rappelé tout à l’heure.

J’en reviens à la question, complexe, du critère organique, abordée par Mme Borvo et M. Teston. Un monopole suffit-il à qualifier un service public national ? Tout service public national est-il un monopole ?

Ce critère n’est pas suffisant, comme je voudrais le montrer à travers deux exemples.

La Française des jeux est un monopole, mais n’est pas un service public national. À l’inverse, l’éducation nationale – je pourrais aussi citer les hôpitaux – est un service public national sans être un monopole. Nous voilà bien avancés !

Pour écarter donc toute ambiguïté, il faut que le législateur inscrive explicitement dans la loi qu’il entend conférer à La Poste le caractère de service public national. Tel est l’objet de cet amendement.

Par ailleurs, vous avez cité un collaborateur du Président de la République, M. Guaino, pour qui j’ai une profonde estime. M. Guaino est un bon républicain, il ne croit pas en l’éternité législative. Je vous rassure, moi non plus ! (Sourires.) Jamais je n’ai affirmé qu’une Constitution ne pouvait changer, jamais je n’ai affirmé qu’une loi ne pouvait changer.

Cependant, mes chers collègues, soyez bien conscients du fait que, en vous appuyant sur l’argument qu’une loi peut en changer une autre, vous levez vous-mêmes toute ambiguïté. En effet, vous reconnaissez ainsi que le statu quo actuel n’est pas plus protecteur que ce que nous vous proposons puisque lui aussi peut être modifié par une loi.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai, c’est toujours possible !

M. Michel Teston. Mais plus difficilement !

M. Bruno Retailleau. C’est la première fragilité de votre position.

Vous reconnaissez également, seconde fragilité, que, s’il faut à l’avenir en passer par une autre loi pour privatiser La Poste, c’est que celle dont nous débattons aujourd’hui n’est pas une loi de privatisation !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Très bien !

M. Bruno Retailleau. Mon but était, par une démonstration simple, de m’assurer, en posant un verrou juridiquement clair et incontestable, qu’il n’entrait pas dans les intentions du Gouvernement, aujourd’hui, de privatiser La Poste. Et si, mes chers collègues, nous devions, dans la logique de votre raisonnement, refuser chaque projet de loi parce que demain peut-être un nouveau gouvernement, une nouvelle majorité, le modifiera par une nouvelle loi, nous ne pourrions plus rien faire !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Exactement ! C’est le rôle du Parlement que de légiférer !

M. Bruno Retailleau. Les choses sont claires : mon amendement apporte une garantie « béton ». Si vous la refusez, vous affaiblissez vos positions ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 579 et 580.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme Catherine Procaccia. La gauche vote contre ? Curieuse manière de défendre les postiers ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Martial Bourquin. Nous militons pour garder le statut d’EPIC ! Ce serait tellement plus simple ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Chers collègues, il ne faut pas vous énerver !

M. Jean Desessard. Vous aviez refusé ces amendements, en commission !

M. Rémy Pointereau. On va dire aux postiers que vous avez voté contre ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, vous avez encore du temps devant vous ... Échangez donc dans le calme !

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les amendements nos 30 et 435 rectifié bis sont identiques.

L’amendement n° 30 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 435 rectifié bis est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement no 30.

M. Guy Fischer. Nous n’allons pas nous laisser intimider !

M. le président. Veuillez présenter l’amendement n° 30, je vous prie.

M. Guy Fischer. L’alinéa 3 de l’article 1er du projet de loi est présenté par le Gouvernement et le rapporteur comme une garantie du maintien du contrôle de l’État. Nous réaffirmons qu’il n’en est rien : ce texte est l’un des premiers pas qui conduiront inexorablement à la privatisation.

Ainsi, la politique du Gouvernement s’inscrit fidèlement dans les politiques communautaires successives.

Le changement de statut de La Poste, qui, d’établissement public, deviendrait société anonyme, est clairement demandé depuis un an par ses dirigeants et validé dans le rapport Ailleret ainsi que par le Président de la République. Chacun, dans le rôle qui est le sien, veut profiter de la mise en concurrence totale décidée par les instances communautaires pour imposer cette réforme.

Dix-sept ans après le traité de Maastricht et quatre ans après le refus de notre peuple d’accorder sa confiance au traité européen et de cautionner la stratégie de Lisbonne, le Gouvernement engage une nouvelle fois une réforme qui sera fatale au service public français.

Chacun aura pu mesurer la précipitation qui a présidé à l’organisation de ce débat, qui concerne pourtant nos concitoyens, nos élus et les salariés de cet établissement public. Vraiment, la question méritait que l’on organise le référendum que nous ne cessons de réclamer !

Face à cette précipitation, nous affirmons qu’il y a lieu au contraire de recourir à la réflexion, au raisonnement, afin de ne pas céder devant les décisions prises au pas cadencé par le Président de la République et par le Gouvernement, et de légiférer dans la plus grande sagesse.

Autre époque, autres mœurs politiques ! Voilà quelques années encore, notre philosophie consistait à « donner du temps au temps ». Il faut désormais décider vite pour ne pas entraver le développement effréné de l’ultralibéralisme dans tous les secteurs de notre existence. Aujourd’hui, La Poste, demain, la SNCF, après-demain, EDF… Les voies sont ouvertes !

Voilà de quoi il s’agit !

On va donc brader les joyaux du Conseil national de la Résistance ! Pourtant, nos concitoyens sont plus que réticents sur ce sujet, et les résistances se développent.

Ce projet de loi répond à la volonté d’ouvrir à la concurrence une activité économique considérée comme un monopole, monopole qui pourtant, nous le savons, est déjà battu en brèche par diverses sociétés. Je ne citerai que l’exemple d’Adrexo, une société spécialisée notamment dans la distribution des paquets et qui est basée dans ma ville.

En visant à réaliser dès le 31 décembre 2010 la transposition de la directive européenne relative à la libéralisation totale des marchés postaux, le projet de loi de transformation du statut de La Poste qui nous est présenté répond parfaitement aux dogmes du libéralisme.

Chaque fois qu’il s’agit de livrer un service public à la concurrence « libre et non faussée », on invoque la nécessité de s’adapter à l’environnement économique, d’encourager l’innovation, la qualité des services et la baisse des coûts pour les « clients ». Ce seul mot de « clients », qui s’est progressivement substitué au terme d’« usagers », en dit long sur les motivations réelles du libéralisme !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 435 rectifié bis

M. Martial Bourquin. Par cet amendement, nous souhaitons également manifester notre opposition à la suppression du secteur réservé telle qu’elle a été décidée dans la troisième directive postale.

Cette directive est contestable, mais elle est implacable. On peut y lire : « Il convient de mettre un terme au maintien d’un secteur réservé et de droits spéciaux comme moyen de garantir le financement du service universel. » Ou encore, un peu plus loin : « Les États membres n’accordent pas ou ne maintiennent pas en vigueur de droits exclusifs ou spéciaux pour la mise en place et la prestation de services postaux. » Désormais, la possibilité de financer le service universel grâce au secteur réservé n’existe plus et, du fait de l’application de la clause de réciprocité, ceux qui subsistent encore sont systématiquement stigmatisés.

Nous ne comprenons pas et nous ne comprendrons jamais pourquoi le gouvernement de l’époque, au cours de la négociation de cette directive – négociation qui s’est étirée, écoutez bien les dates, mes chers collègues, de 2006 à 2008 –, a renoncé à défendre le secteur réservé, au maintien duquel était subordonné le vote positif de la France – du moins c’est ce qui avait été affiché !

Pourquoi le gouvernement de la France a-t-il voté la proposition de directive, alors qu’il n’avait pas obtenu les garanties nécessaires ? La question est essentielle !

Le bilan de cette négociation est absolument négatif, car la directive supprime effectivement le financement par le secteur réservé. Elle n’apporte aucune assurance, d’aucune sorte, si ce n’est qu’elle précise les coûts qui relèvent des obligations du service universel et ceux qui n’en relèvent pas.

Deux ans nous sont accordés pour que nous puissions nous mettre en accord avec la directive européenne. C’est un délai tout à fait cosmétique !

Il est bien tard pour fournir des explications, et le Gouvernement aurait dû se rendre compte de la tournure prise par les négociations longtemps avant d’être conduit à signer cette directive européenne. Mais les citoyens doivent savoir pourquoi, aujourd’hui, nous sommes en train de sacrifier le service universel postal.

Pourquoi, monsieur le ministre, la France a-t-elle aussi mal négocié cette directive européenne ? À moins qu’au contraire celle-ci n’ait été bien négociée et que le but n’ait été de transformer le service postal pour le privatiser !

M. le président. L’amendement n° 434, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

À la date de publication de ses statuts initiaux,

M. Michel Teston. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 434 est retiré.

L’amendement n° 29, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

À la date

par le mot :

Après

et le mot :

est

par le mot :

demeurera

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Pour éclairer l’objet de notre amendement, que certainement vous allez considérer comme provocateur, je voudrais citer la motion que l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, a adoptée très récemment, le 25 octobre dernier : « L’AMRF entend le besoin de financement de l’entreprise pour assurer son développement dans un contexte concurrentiel. Pour autant, ayant conscience que le changement de statut est une nouvelle étape d’un long processus engagé dès 1990, l’AMRF sait que le risque est grand de voir à terme l’entrée de fonds privés dans le capital de La Poste dont la privatisation serait l’aboutissement. »

L’Association des maires ruraux de France aurait-elle fait elle aussi l’objet d’une désinformation ? d’une manipulation ? Peut-elle être taxée d’être partisane ? Non ! Elle est simplement lucide.

En réalité, monsieur le ministre, personne –  et les élus moins que quiconque – n’est dupe de votre manège, qui consiste à affirmer que l’on ferait sauter le verrou que représente le statut de La Poste mais que bien évidemment l’entreprise resterait définitivement fermée aux capitaux privés.

Nous avons déjà eu l’occasion d’expliquer en quoi cela était faux, comme le montre très explicitement, dans ce texte même, la possibilité donnée aux salariés de participer au capital.

Nous avons également eu l’occasion de vous rappeler que ce raisonnement ne convainc pas au regard de l’histoire des services publics en France et en Europe. L’expérience montre bien que, une fois le changement de statut opéré, la privatisation n’est plus très loin.

Pourtant, d’autres choix étaient possibles. Nous pourrions notamment rapprocher le service public postal des besoins de la collectivité nationale, ouvrir et démocratiser sa gestion, tenir compte de la dimension européenne par des coopérations adaptées. Toutes ces propositions pourraient servir de base à la construction d’une alternative à la privatisation.

L’État devrait être en mesure d’assurer les financements indispensables pour accompagner cette évolution. On trouve bien des centaines de milliards d’euros pour les institutions financières, ne pourrait-on pas trouver 3,5 milliards d’euros pour La Poste, sans recourir à l’ouverture du capital et à la privatisation ?

Nous pensons qu’il était possible d’apporter une réponse positive à cette question.

Nous pensons également que toute réflexion sur la modernisation de La Poste imposait de prendre en compte les objectifs de création d’un pôle public bancaire permettant de garantir à tous un véritable service public et d’engager la réorientation de l’épargne populaire, notamment par le biais du livret A, vers les investissements en faveur de la cohésion sociale et du développement.

Pour finir, nous pensons que la constitution d’un pôle public des télécommunications et des activités postales aurait pu être envisagée afin d’établir une complémentarité des offres conforme à la complémentarité des usages. Le réseau postal est un formidable atout pour lutter contre la fracture numérique. La Poste et Internet sont deux sujets qui ne peuvent être séparés.

Ainsi, alors que d’autres choix étaient possibles, vous proposez la pire des solutions, la plus simple, aussi : vous bradez le patrimoine !

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement de repli.

(M. Guy Fischer remplace M. Bernard Frimat au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Les amendements identiques nos 30 et 435 rectifié bis visent à supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er.

Cet alinéa ne fait que constater logiquement l’état de fait résultant du passage de La Poste du statut d’EPIC à celui de société anonyme. La commission prie donc leurs auteurs de bien vouloir retirer leurs amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 29 vise à préciser que le capital de La Poste demeurera, dans sa totalité, détenu par l’État. J’ai déjà eu l’occasion d’intervenir sur ce point.

Il faut réaffirmer que l’ouverture du capital de La Poste à d’autres acteurs que l’État ne constitue en rien une privatisation, car il s’agit de personnes morales de droit public.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Les amendements identiques nos 30 et 435 rectifié bis tendent en effet à supprimer un alinéa qui définit les conditions initiales de détention du capital de La Poste. Cette suppression introduirait un vide juridique potentiellement déstabilisateur pour La Poste.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

L’amendement n° 29, qui vise à empêcher un nouvel investisseur public, en l’occurrence la Caisse des dépôts et consignations, d’entrer au capital de La Poste, suscite, bien évidemment, le même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 30 et 435 rectifié bis.

M. Michel Billout. En ce qui me concerne, j’insisterai sur l’une des raisons avancées par le Gouvernement pour justifier la transformation de La Poste, EPIC, en société anonyme.

À longueur de discours officiels, on nous présente ce changement de statut comme étant évident et surtout obligatoire afin de nous mettre en conformité avec la législation européenne. Le Gouvernement et les autres promoteurs du présent projet de loi nous affirment en effet que « ce changement de statut permettra de disposer des moyens nécessaires pour affronter la libéralisation totale du marché du courrier en 2011 et de respecter ainsi la réglementation européenne ».

Or il n’en est rien.

Cet argument ne résiste pas à l’examen des textes européens eux-mêmes. Il faut rétablir la vérité : textes à l’appui, j’affirme que ni les directives, ni les normes communautaires ne comportent d’obligations juridiques concernant le statut des opérateurs. De même, ils n’obligent en rien à privatiser lesdits opérateurs.

Pour notre part, nous n’avons eu de cesse de dénoncer les dispositions ultralibérales contenues dans tous les traités européens depuis le traité de Rome, acte fondateur de la Communauté européenne. Nous avons également combattu, pour n’en citer que quelques-uns, le traité de Maastricht de 1992, qui, comme l’a rappelé mon ami Jean-Claude Danglot, est passé de justesse, et, dans la même logique, le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe qui, lui, a été largement rejeté par les électeurs lors du référendum de 2005.

À cet égard, nous pensons que le revers subi par les élites en 2005 n’est sans doute pas étranger au refus du Président de la République d’organiser un débat suivi d’un référendum sur l’avenir de La Poste dans notre pays.

Consulter le peuple devient en effet de plus en plus risqué pour le Président de la République et pour son Gouvernement, car les effets d’annonce largement médiatisés et la communication officielle ne suffisent plus à abuser l’opinion publique.

Revenons-en aux textes européens qui, nous dit-on, régiraient le présent projet de loi.

La directive européenne de 2008 complète les directives européennes de 1997 et de 2002. Ces directives avaient commencé à libéraliser le secteur postal. La petite dernière, la directive de 2008, vise « à l’achèvement du marché intérieur postal en procédant à la libéralisation totale du courrier en 2011 ».

Voilà pour le contexte général.

Si l’on examine cependant de manière plus précise les dispositions spécifiques propres au secteur postal, force est de constater que ce secteur est traité différemment des autres, par exemple les télécommunications, l’énergie ou les transports. En effet, les textes communautaires comportent une définition ambitieuse et exigeante du service universel garanti à chaque habitant-usager de l’Union au plan communautaire.

Il s’agit précisément de définir un plan ambitieux de présence postale afin de « tenir compte des besoins des utilisateurs » ; de permettre d’assurer la gratuité pour les aveugles ; d’assurer, et ce au moins cinq jours ouvrables par semaine – contre six actuellement – au minimum la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes, des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes, ce poids pouvant atteindre 20 kilogrammes, les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée ; de définir précisément les normes de qualité de service – délais de distribution, temps d’attente aux guichets, réactivité des demandes, traitement des plaintes ou des litiges pour les utilisateurs.

Est-il utile de rappeler que les textes communautaires ne parlent en aucun cas de « clients » dans ce domaine ?

Pour utiliser l’intégralité du temps de parole qui m’est imparti, je rappelle également que les textes communautaires prévoient la garantie « d’exigences essentielles » : respect des conditions de travail du personnel et des conventions collectives, aménagement du territoire, protection de l’environnement, obligation de décider d’un tarif unique sur tout le territoire national, pour ne citer que ces exemples.

Je comprends l’embarras de la commission de l’économie qui, alors qu’elle ne peut ignorer le contenu de ces textes, doit tenir ses engagements et faire respecter la parole gouvernementale.

Nous voterons donc ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 435 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.

Mme Odette Terrade. Nous le répétons depuis le début des débats : de notre point de vue, le projet de loi qui nous est soumis ne garantit en rien un avenir public pour La Poste. Nous souhaitons donc que soit très clairement inscrit dans le texte que, après la date de publication des statuts initiaux de La Poste, le capital demeurera, dans sa totalité, détenu par l’État.

En effet, nous pensons que l'intervention en faveur de la modernisation de La Poste peut se faire autrement : soit dans d'autres formes plus traditionnelles, je parle ici de la Caisse des dépôts et consignations, qui intervient dans de nombreux EPIC sans prendre part à leur capital – voir l’exemple d’OSEO -, soit, concernant les salariés, par une augmentation de salaires à la hauteur d'un renforcement des missions de service public.

L’État peut également financer La Poste sans que cela soit pour autant considéré comme une aide d’État. Si l’État rembourse ce qu’il doit à La Poste au titre de ses missions de service public pour la seule année 2009, l’entreprise publique disposera déjà de 1 milliard d’euros.

Fondamentalement, nous considérons que La Poste doit rester un EPIC, car cette forme est adaptée à ses missions.

En effet, on ne le répétera jamais assez, si La Poste change de statut, elle ne sera plus liée par le principe de spécialité qui encadre aujourd’hui ses activités et auquel nous sommes, pour notre part, très attachés. Elle pourra, dans cette hypothèse, diversifier ses activités comme n’importe quelle société anonyme, au gré des desiderata des actionnaires ou pour occuper une niche que ceux-ci jugeront particulièrement rentable.

Or nous estimons au contraire qu’une entreprise de service public a une finalité bien précise – servir l’intérêt général –, qui requiert compétences et savoir-faire. On ne peut donc transformer les agents du service public en commerciaux, alors même que leur mission est aujourd'hui déjà de plus en plus complexe, entre activités financières et activités postales.

Par ailleurs, comment interpréter votre volonté de faire entrer la Caisse des dépôts et consignations au capital de La Poste, alors même que, nous dit-on, la privatisation de la Caisse est, elle aussi, envisagée ? À vouloir tout privatiser, peut-être ne savez-vous plus par où commencer, monsieur le ministre ?

Vous l’avez maintenant compris, nous refusons la transformation de La Poste en société anonyme, non parce que nous en serions restés à l’âge de pierre, comme l’affirment certains de nos collègues, mais, au contraire, parce que nous souhaitons que La Poste se modernise. Or La Poste ne pourra se moderniser que si ses missions de service public sont réaffirmées, voire étendues pour répondre à de nouveaux besoins. Sa modernisation ne peut donc résulter d’une rationalisation de ses coûts et de ses personnels destinée uniquement à limiter l’investissement public à long terme.

Nous estimons que seul l’État, garant de l’intérêt général et de la cohésion sociale et territoriale, peut diriger une telle modernisation de l’établissement public.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement, comme nous allons le faire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 442, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 4, 5, 6, 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement vise à réaffirmer notre opposition au changement de statut de La Poste.

Avec raison, nous continuons de penser que, en dépit de tout ce qui a été dit sur cette question jusqu’à présent, l’abandon du statut d’EPIC et la transformation de La Poste en société anonyme conduiront à terme à l’ouverture de son capital à des intérêts privés. Pourquoi en irait-il autrement ?

M. le rapporteur a d’ailleurs repris à son compte les arguments avancés par le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, notamment dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien La Tribune le 30 octobre dernier, en affirmant que le changement de statut « résulte avant tout d’une demande forte du président de La Poste et de son conseil d’administration », avant d’ajouter que La Poste souhaitait « se battre à armes égales avec la concurrence ».

Je rappelle que le président de La Poste n’avait pas hésité, à la fin de l’été 2008, à demander non seulement le changement de statut de La Poste pour en faire une société anonyme, mais également l’ouverture de son capital à hauteur de 20 % en 2011.

Pour quelles raisons s’arrêterait-on en si bon chemin ? Pourquoi le sort de La Poste serait-il différent de celui de France Télécom, d’EDF ou de GDF ?

Vous nous affirmez aujourd’hui, monsieur le ministre, que le capital de La Poste demeurera public à 100 %. Excusez-moi de rappeler une fois encore les propos que tenait Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, mais je ne résiste pas à la tentation : « Il est en effet clair qu’EDF et GDF doivent pouvoir lutter à armes égales avec la concurrence. Pour cela, nous devons les transformer d’établissements publics en sociétés anonymes. » Le même jour, il ajoutait : « Je l’affirme, parce que c’est un engagement du Gouvernement, EDF et GDF ne seront pas privatisées ».

Aujourd’hui, chacun le sait, l’État ne détient que 35 % du capital de GDF, …

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Et cela fonctionne très bien !

M. Claude Bérit-Débat. … qui a fusionné avec Suez pour donner naissance à la société anonyme GDF-Suez.

Pour quelles raisons devrions-nous donc croire aujourd'hui à des promesses semblables ?

Par ailleurs, pour justifier le changement de statut, on nous explique que La Poste a impérieusement besoin de nouveaux capitaux. L’État contribuerait à l’augmentation du capital de La Poste à hauteur de 1,5 milliard d’euros et la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de 1,2 milliard d’euros, soit un apport total de 2,7 milliards d’euros, le changement de statut devant intervenir pour le 1er janvier 2010.

Dans quelle mesure ces fonds seront-ils pérennes ? Que dire des fonds de la Caisse des dépôts et consignations si elle entre au capital de La Poste ? Ces fonds ne sont-ils pas généralement destinés à être transitoires ?

Tout cela nous amène à nous interroger.

La transformation de La Poste en société anonyme constitue déjà un transfert de droit de propriété d’un EPIC, c'est-à-dire d’un établissement public propriété collective de la nation, à une société. Nous sommes opposés à cette proposition.

(M. Bernard Frimat remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. Les amendements nos 32 et 437 sont identiques.

L'amendement n° 32 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 437 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l’amendement n° 32.

M. Jean-Claude Danglot. Avec l’alinéa de l’article 1er, vous transférez l’ensemble du patrimoine national détenu par La Poste à l’entreprise privée nouvellement créée.

D’une certaine manière, c’est à une véritable spoliation des intérêts et des biens de la nation que vous vous livrez. Et le patrimoine de La Poste est considérable !

Il s’agit avant tout d’une mission, d’une relation, d’une organisation, d’un savoir-faire, d’un savoir-être, d’un métier, d’une logistique et d’un capital humain uniques en France. Il s’agit même sans doute de la plus importante entreprise de notre pays.

À travers l’histoire, l’intelligence de ses agents, mais également de notre peuple et de ses élus, a façonné, adapté et développé ce formidable outil économique, indispensable à la bonne marche de notre société.

Aussi, en offrant cet outil à une société privée, vous l’offrez à ses actionnaires d’aujourd’hui et de demain, quels qu’ils soient, sans même en demander la valeur.

Plusieurs siècles d’investissement public ne valent rien à vos yeux ! C’est scandaleux !

C’est en cela que nous pouvons bien parler de spoliation et que chacun d’entre nous peut se sentir atteint.

N’oubliez jamais que, si vous êtes à la direction des affaires publiques, vous n’êtes pas les propriétaires du pays ! Vous n’êtes pas à la tête d’un conseil d’administration ! La nation appartient à son peuple !

Faut-il rappeler ici que les biens de la nation appartiennent à l’ensemble de la population et donc, d’une certaine manière, à chacun d’entre nous ?

Vous prétendez rêver d’une France de propriétaires ? Alors, n’oubliez jamais que nous sommes tous propriétaires des services et des biens de la nation ! Et cela donne des droits à tous les citoyens !

Certes, la gestion de ces biens publics vous est confiée aujourd’hui, mais vous ne pouvez que les vendre ou les louer, pas en réduire la valeur à zéro !

C’est pourquoi nous vous demandons de supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er, qui brade le patrimoine de la nation.

M. le président. La parole est à M. Yves Chastan, pour présenter l'amendement n° 437.

M. Yves Chastan. Le présent projet de loi est l’aboutissement d’une logique défendue depuis maintenant près de quinze ans.

Au pouvoir, la gauche comme la droite ont demandé des reports pour l’ouverture à la concurrence du secteur postal, mais chacune pour des raisons différentes.

Depuis la négociation de la première directive postale, les socialistes ont toujours défendu un report au nom de la défense du service public et du renforcement du service universel postal, dont le rôle en matière de cohésion économique, sociale et territoriale a toujours été très particulier.

Mais à droite, qu’il s’agisse du Sénat ou du Gouvernement, la stratégie du report n’a toujours eu qu’une seule fin : préparer La Poste à être une entreprise comme les autres, quitte à réduire le service universel comme une peau de chagrin.

Pour preuve, dans une proposition de résolution du 1er décembre 2000, déposée en application de l’article 88-4 de la Constitution sur la deuxième directive postale, M. Gérard Larcher reprochait au gouvernement socialiste de n’avoir « pas mis à profit le délai obtenu au Conseil européen de Dublin pour mener les réformes de structure indispensables afin de rendre La Poste compétitive dans ce nouveau contexte européen : adaptation de son statut, […] identification et financement des missions d’intérêt général étrangères aux métiers postaux proprement dits... »

Ainsi, le changement de statut était déjà accepté et programmé !

Aujourd’hui, selon le rapport de M. Pierre Hérisson, La Poste doit se préparer à affronter « la menace représentée par les grands opérateurs historiques nationaux » désormais privatisés d’autres États membres, comme Deutsche Post et le néerlandais TNT, et à relever de nouveaux défis, comme le développement du courrier à l’international.

Effectivement, si le secteur réservé n’existe plus et si le service universel est réduit aux zones rentables, il y a de quoi se faire du souci !

Une telle stratégie ferait le jeu des objectifs ultralibéraux qui figurent dans le rapport de la Commission européenne du 22 décembre 2008 sur l’application de la directive postale. Ce document fait bien ressortir que le secteur réservé gêne les opérateurs privés dans leur démarche d’expansion. Il y est notamment écrit : « Le développement généralement lent de la concurrence peut être imputé aux obstacles juridiques, c’est-à-dire au fait que dans la plupart des États membres les secteurs réservés représentent encore la plus grande partie des volumes postaux. Vu que les économies d’échelle jouent un rôle important dans les activités postales, la réservation des services aux opérateurs postaux historiques fait qu’il est difficile pour les nouveaux entrants d’atteindre des volumes suffisants pour profiter aussi des économies d’échelle et d’être compétitifs sur le marché postal. »

Pour la Commission européenne, le secteur réservé constitue bien un obstacle à une « concurrence libre et non faussée » et est source de distorsion du marché lorsqu’il fonctionne bien, comme c’est le cas en France.

Faut-il donc lui offrir La Poste sur un plateau ? Souhaitez-vous vraiment jeter cet établissement dans la gueule des loups et fragiliser le secteur public, comme c’est le cas au Royaume-Uni, face à des opérateurs redoutables, mais dont les conditions de service sont discutables ?

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous demandons la suppression du quatrième alinéa de l’article 1er de ce projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 438, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 5, 6, 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement est la conséquence logique de notre opposition au basculement de La Poste dans le droit commun des sociétés anonymes.

En effet, nous considérons que La Poste n’a pas à être soumise à des dispositions de cette nature. C’est tout à fait cohérent par rapport à la position que nous défendons depuis déjà plusieurs mois ; moi-même et d’autres collègues avons d’ailleurs déjà eu l’occasion de le faire ici même à plusieurs reprises.

Nous sommes pour le maintien du statut actuel.

M. le président. Les amendements nos 34 et 444 sont identiques.

L'amendement n° 34 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 444 est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5.

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 34.

Mme Éliane Assassi. L’alinéa 5 de l’article 1er soumet La Poste aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dès le 1er janvier 2010 avec l’ouverture du capital, à hauteur de 3 millions d’euros.

De notre point de vue, c’est la première étape vers une privatisation totale. Et encore, lorsque j’évoque une « première » étape, je devrais sans doute nuancer mon propos.

En effet, la libéralisation du service postal a été préparée par une succession de restructurations, notamment la séparation de l’activité colis, puis de l’activité courrier de l’activité grand public, la réorganisation du tri autour de grandes plateformes automatisées, la fermeture de nombreux bureaux, le tout s’accompagnant de la création d’une véritable nébuleuse de filiales.

Une étape importante de cette privatisation avait déjà été franchie avec la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, qui transposait avec un zèle particulier deux directives communautaires de 1997 et de 2002 visant à instaurer un cadre pour le marché postal dont l’ensemble des activités s’ouvrent à la concurrence, à l’exception d’un petit secteur réservé à l’opérateur historique.

Aujourd’hui, avec cette ouverture du capital, l’État confirme son désengagement : il n’entend plus consacrer de moyens au service public de La Poste.

Pour nous, il s’agit là d’un choix purement idéologique qui s’inscrit dans la droite ligne de la réduction des dépenses publiques. Demain, les actionnaires dicteront leur loi. De plus en plus, il faudra vendre des produits plutôt que d’assurer les missions de service public. Les personnels, quant à eux, seront soumis à l’obsession du rendement, les automates se multiplieront, ainsi que les agences postales communales et les relais postaux chez les commerçants.

Pendant ce temps, les files d’attente s’allongeront – elles sont déjà longues dans les rares bureaux de plein exercice – pour envoyer un mandat, déposer ou retirer de l’argent sur un compte de La Banque postale ou obtenir un conseil personnalisé.

Les usagers, devenus des clients, attendront en vain le facteur dans des communes rurales ou des banlieues exclues du droit à communiquer.

En matière d’emploi et de conditions de travail, la dégradation est déjà très parlante. La « modernisation » a consisté à supprimer 40 000 emplois en cinq ans, à supprimer des tournées de facteurs et à fermer des guichets et des bureaux.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, La Poste et le service rendu aux usagers se dégradent depuis des années. Et c’est justement fait pour préparer la privatisation ! Par conséquent, et contrairement à ce qu’on veut nous expliquer aujourd’hui, il est bien évident que, si La Poste devient une société anonyme où entreront bientôt des capitaux privés, cette « évolution » ne pourra que s’accentuer.

Pour toutes ces raisons, l’amendement que nous vous invitons à adopter vise à conserver à La Poste un régime juridique spécifique au regard de l’importance de ses missions de service public.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 444.

M. Roland Courteau. À l’occasion de ce débat sur l’article 1er du présent projet de loi, il nous semble indispensable de vous rappeler que rien n’oblige à privatiser La Poste. Certes, vous vous en défendez, monsieur le ministre, mais, dans la réalité, vous demandez bien au Parlement de vous signer un chèque en blanc. Rien ne vous empêcherait désormais de diminuer la participation du Gouvernement à l’entreprise publique.

Le risque n’est pas nul. En effet, le 10 juin 2003, M. Mario Monti, alors commissaire européen chargé de la concurrence, s’était autorisé à faire cette déclaration aux parlementaires français : « La transformation du statut d’EDF, telle qu’elle est prévue par le projet de loi, va au-delà des exigences de la Commission européenne et répond au libre choix du gouvernement français. »

Il avait également souligné que la Commission ne critiquait pas ce choix, mais qu’elle ne l’imposait pas non plus.

Nous sommes bien dans une situation similaire.

D’ailleurs, la législation européenne, singulièrement la troisième directive postale, n’oblige pas le gouvernement français à privatiser La Poste.

En effet, selon la communication de la Commission européenne sur les services d’intérêt général en Europe du 26 septembre 1996, « la neutralité à l’égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels [est] garantie par l’article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d’intérêt général, et n’impose donc aucune privatisation. » C’est très clair.

M. Mario Monti avait également rappelé un autre élément : l’article 295 du traité instituant l’Union européenne précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les États membres. Il n’appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des États membres.

De même, rien dans la nouvelle communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 sur les services d’intérêt général, qui résume la philosophie de la Commission, ne suggère une telle option.

En outre, le rapporteur, conservateur, du Parlement européen, M. Markus Ferber, fervent partisan de la libéralisation totale du secteur postal, a clairement confirmé à l’issue du vote que l’Union européenne avait été capable de garantir à tous les citoyens, y compris aux habitants des régions faiblement peuplées, le maintien du service postal universel dans un environnement libéralisé.

Il s’agit bien d’une « libéralisation » et non d’une « privatisation », a-t-il souligné. Ne soyez donc pas plus libéraux que les ultralibéraux !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Roland Courteau. Je conclus, monsieur le président.

En tout état de cause, si nous voulons empêcher que La Poste ne soit un jour privatisée, nous ne pouvons pas accepter la modification du statut proposée dans ce projet de loi.

M. le président. Les amendements nos 33 et 446 rectifié bis sont identiques.

L'amendement n° 33 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 446 rectifié bis est présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 33.

Mme Odette Terrade. Le secteur postal constitue un immense potentiel économique. La Commission européenne l’a bien compris, tout comme les acteurs privés qui sont déjà présents sur le marché du service postal.

En 2007, les vingt-sept gouvernements de l’Union européenne ont trouvé un accord sur l’ouverture totale à la concurrence, repoussée certes de 2009 à 2011, mais néanmoins actée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement propose de transposer la directive du 20 février 2008 dans ce projet de loi, afin de parvenir à la libéralisation totale du secteur postal.

C’est pourquoi nous sommes plus que sceptiques lorsque le Gouvernement explique que La Poste, même transformée en société anonyme, restera entièrement publique, alors qu’il défend dans le même temps la libéralisation du secteur postal devant ses partenaires européens.

Le Gouvernement et La Poste n’ont pas hésité à anticiper la future ouverture à la concurrence bien en amont de la présentation de ce projet de loi.

Déjà La Poste a accéléré les restructurations et les fermetures de bureaux de poste afin de les remplacer par des « points de contact » proposant un service minimal, et elle a multiplié les contrats de droit privé afin d’aligner les coûts salariaux sur ceux de ses concurrents.

C’est dans ce contexte déjà fortement inspiré de la logique libérale européenne que le Gouvernement propose aujourd’hui de transformer l’établissement public à caractère industriel et commercial de La Poste en une société anonyme.

Suivant cette logique, le projet de loi soumet désormais La Poste aux règles de droit commun des sociétés, et donc au code de commerce, en particulier en ce qui concerne la vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.

La Poste n’est cependant pas une entreprise comme les autres. Prétendre le contraire, comme le fait le Gouvernement, revient à remettre en cause les missions de service public de La Poste et à abandonner un service simple et efficace, fondé sur la solidarité grâce à la péréquation tarifaire, pour un autre service, opaque et coûteux pour la collectivité et les usagers.

Une société anonyme n’a pas pour objet de garantir le principe de la péréquation tarifaire : elle abandonne les services les moins rentables au profit de ceux qui le sont plus afin de réaliser le maximum de profit et de distribuer des dividendes à ses actionnaires.

C’est ainsi que l’on se trouve confronté, comme en Suède, à l’apparition d’un véritable désert postal : les trois quarts des établissements de l’opérateur historique ont disparu et le prix des timbres a littéralement flambé.

Nous refusons que La Poste connaisse le même sort. Les usagers ne veulent pas devenir de simples clients.

Conscients de certains dysfonctionnements actuels, nos concitoyens réclament au contraire davantage de moyens, en termes de guichetiers, notamment, mais ne souhaitent pas que l’on modifie l’organisation d’une entreprise publique qui a démontré son efficacité et son utilité sur l’ensemble du territoire.

Par conséquent, nous refusons tout changement de statut de l’entreprise publique La Poste et nous refusons que cette dernière soit soumise au code de commerce.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour présenter l'amendement n° 446 rectifié bis.

M. Jean-Jacques Mirassou. La logique du passage au statut de société anonyme prédispose à l’application des dispositions du code du commerce. Restant attachés au statut de l’EPIC, largement indépendant du code du commerce, nous préconisons la suppression de cet alinéa qui vise à soumettre La Poste aux dispositions de ce code.

M. le président. Les amendements nos 35 et 275 sont identiques.

L'amendement n° 35 est présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 275 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l’amendement n° 35.

M. Michel Billout. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

En effet, le septième alinéa de l’article 1er tire les conséquences du changement de statut de La Poste puisqu’il prévoit de dispenser La Poste du respect de la condition posée par le premier alinéa de l’article L. 228-39 du code du commerce aux sociétés par actions qui souhaitent émettre des obligations.

Or nous refusons, vous l’aurez compris, ce changement de statut.

La distribution du courrier sera totalement libéralisée en 2011. C’est pour préparer la mise en concurrence que le Gouvernement défend opiniâtrement le changement de statut de La Poste en société anonyme. Comme vous avez pu le dire récemment, monsieur le ministre, « donner sa chance à La Poste », c’est-à-dire aux 7 000 cadres de La Poste, c’est en réalité organiser la réduction de la qualité du service, permettre les suppressions massives d’emplois, les augmentations tarifaires, et donner, à terme, la priorité à la rentabilité et à la satisfaction des actionnaires.

En tout état de cause, ce n’est certainement pas donner leur chance aux usagers et aux élus de conserver un service public postal de proximité, eux qui ont déjà vu fermer leur trésorerie et qui verront prochainement fermer leur tribunal d’instance, leur conseil de prud’hommes, leur sous-préfecture et, enfin, leur bureau de poste !

Ce projet de loi comporte donc des enjeux très concrets pour nos concitoyens. Comme ils l’ont massivement exprimé lors de la votation citoyenne du 3 octobre dernier, tous craignent la désertification rurale, qui a malheureusement tendance à s’accélérer.

La préservation d’un service public postal de qualité, à même de répondre en tout point du territoire aux besoins des usagers, y compris en matière de nouvelles technologies de communication, est aussi la condition sine qua non d’un aménagement équilibré et cohérent.

Nous demandons par conséquent la suppression de l’alinéa 7 de l’article 1er, qui vise à inscrire un peu plus La Poste dans un statut de société anonyme

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 275.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous avions envisagé un temps de retirer cet amendement, mais nous nous sommes rendu compte que nous avions besoin d’explications complémentaires avant de pouvoir prendre une telle décision.

Malgré sa transformation en société anonyme, La Poste profiterait de dérogations à certaines dispositions du code du commerce.

Si La Poste est une société anonyme comme les autres, pourquoi envisagez-vous un régime dérogatoire au code de commerce ?

Si La Poste ne se transforme pas une société anonyme comme les autres, de quelle dérogation s’agit-il ?

Notre crainte est que cette dérogation soit un moyen de s’affranchir de certaines obligations, sociales ou comptables.

En tout état de cause, nous avons vraiment besoin d’être rassurés avant, le cas échéant, de retirer cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Il s’agit d’un amendement de cohérence tendant à supprimer le dernier alinéa de l’article 1er, qui vise à transformer l’entreprise publique La Poste en société anonyme.

Il faut souligner que la transformation du statut de La Poste se situe dans un mouvement déjà acté de désengagement territorial de La Poste, que ce soit par le biais de la fermeture des bureaux de poste ou de la diminution du nombre des levées et des tournées.

Ce projet de loi aggravera incontestablement le désengagement en défaveur des bureaux de poste dans les communes rurales et accentuera ainsi la fracture postale territoriale.

Si l’on y ajoute l’ouverture totale à la concurrence au 1er janvier 2011, force est de constater que c’est le principe même d’accessibilité au service public postal qui sera remis en cause.

Aujourd’hui, les usagers bénéficient d’un prix unique du timbre sur tout le territoire grâce au principe de péréquation.

L’ouverture à la concurrence et la logique de rentabilité propre aux sociétés anonymes sonneront la fin du mécanisme de péréquation qui permet, grâce aux excédents dégagés par les segments les plus rentables, de financer les activités déficitaires et d’assurer ainsi, par exemple, la distribution du courrier en zone rurale ou – j’en ai déjà parlé –, de garantir le prix unique du timbre.

Le Gouvernement saisit d’ailleurs l’occasion offerte par ce projet de loi pour ouvrir une brèche dans le principe du prix unique du timbre, puisqu’il opère une distinction entre la France métropolitaine et les départements d’outre-mer. La voie est ainsi ouverte à une remise en cause générale de ce principe sur l’ensemble du territoire national.

La qualité de société anonyme ne permettra plus à La Poste d’assurer ses missions de service public. Comment pourra-t-elle garantir une présence postale dans nos communes alors que, dans le même temps, elle devra atteindre des objectifs de rentabilité ?

Aujourd’hui, la péréquation entre les différentes activités que sont le courrier, les colis, et j’en passe, permettent à La Poste de faire face à ses obligations de service public.

Le Gouvernement, avec ce projet de loi, casse une complémentarité qui jusqu’à présent a fait ses preuves. Ce sont les usagers qui en paieront les conséquences.

Nous demandons donc la suppression de toutes les dispositions qui tendent à appliquer le droit commun des sociétés à l’entreprise La Poste.

Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces onze amendements en discussion commune ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous nous trouvons face à une série d’amendements de suppression partielle, identiques pour un certain nombre d’entre eux.

Les sénateurs qui les ont présentés défendent avec constance la logique du maintien de l’EPIC.

Vous comprendrez donc que l’avis de la commission soit globalement défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Je tire les mêmes conclusions que M. le rapporteur.

Je comprends parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, que vous restiez dans la logique qui est la vôtre, et que je respecte.

Ces amendements visent à supprimer les dispositions tirant les conséquences du changement de statut de La Poste, par exemple quand il s’agit de prévoir que l’entreprise, en tant que société anonyme, sera soumise au droit des sociétés.

Ces dispositions techniques sont pourtant indispensables, si l’on accepte le changement de statut de l’entreprise.

M. Christian Estrosi, ministre. Voilà pourquoi je suis défavorable aux amendements visant à supprimer les alinéas 4, 5, 6, 7 et 8 de l’article 1er.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 32 et 437. (Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Claude Danglot. Nous avons assez dénoncé, en défendant l’amendement n° 32, la véritable spoliation d’un service et d’un bien de la nation dont il s’agit ici. Je n’y reviens donc pas, préférant, dans cette explication de vote, m’élever cette fois conte le véritable détournement du droit du travail dont se rend également coupable l’alinéa 4 de l’article 1er.

En effet, d’une simple phrase, vous décidez que la transformation du statut de La Poste n’a aucune incidence sur ses biens, ses droits, ses obligations, ses contrats et conventions, donc sur les contrats de travail.

Oser une telle affirmation et décider d’une telle mesure, c’est considérer qu’il ne faut pas accorder au personnel plus de valeur qu’à une boîte aux lettres ou qu’à une bicyclette. C’est inacceptable !

Une telle disposition est aussi contraire au droit. Tout salarié dispose de droits quand une entreprise est transférée, d’une façon ou d’une autre, à une nouvelle personne morale.

C’est l’une des raisons qui motivent notre vote en faveur de la suppression de cet alinéa

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Pour motiver mon vote en faveur la suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er, je reviendrai sur la spoliation dont vient de parler mon collègue, en considérant un élément du patrimoine de la nation, je veux parler des biens immobiliers de La Poste.

Ce patrimoine immobilier s’est construit au fil du temps grâce à l’investissement de chaque citoyen qui, par ses impôts et ses taxes, a participé à la réalisation de nos milliers de bureaux de poste.

Au-delà des équipements propres au travail, il s’agit également de biens immobiliers répartis sur l’ensemble du territoire, souvent des maisons, mais aussi des bâtiments, acquis directement par La Poste ou bien cédés gracieusement par les communes pour installer une administration, puis pour assurer le maintien et le développement du service public.

Les surfaces construites pour l’activité du bureau de poste comprennent, en général, au moins un appartement, qui était auparavant consacré au receveur. Souvent, les plus importants d’entre eux comptent un ensemble de chambres, qui servait à accueillir les facteurs mutés d’une autre région.

À l’heure de la bulle immobilière, la valeur de ces biens est immense. Certains d’entre eux deviennent vacants.

Or, loin de vous contenter d’autoriser seulement la jouissance de ces lieux par la future entreprise privée, vous transférez également les titres de propriété, sans même réclamer l’euro symbolique.

Faut-il rappeler que les biens de la nation appartiennent à l’ensemble de la population, donc, en somme, à chacun d’entre nous ? Si l’autorité administrative, qui peut vendre ou louer ces biens, en assure la gestion, elle ne saurait pour autant en réduire la valeur à zéro en les cédant sans aucune contrepartie.

C’est également en cela que nous pouvons parler de spoliation.

Pour ces raisons, je voterai en faveur des amendements identiques de suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 437.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 438.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 444.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 446 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 35 et 275.

M. Michel Billout. Ma collègue s’interrogeait précédemment sur certaines dérogations au code de commerce dont pourrait bénéficier la future société anonyme La Poste. Je souhaiterais lui fournir quelques explications, puisqu’elle ne les a obtenues ni de la commission ni du ministre.

Le Gouvernement défend avec obstination le principe de la transformation de La Poste en société anonyme, et ce malgré l’hostilité de l’ensemble des organisations syndicales de La Poste, de nombreux partis politiques et d’associations réunies au sein du comité national contre la privatisation de La Poste. Il ne fait surtout aucun cas des 2,3 millions de personnes qui se sont exprimées, le 3 octobre dernier, contre le projet de loi et contre tout projet de privatisation de La Poste.

Or l’évolution juridique que l’on nous propose laisse entrevoir, à plus ou moins brève échéance, une privatisation de l’opérateur public postal.

M. Alain Fouché. C’est nouveau, comme argument !

M. Michel Billout. Cette crainte ne résulte pas d’une quelconque certitude idéologique. Elle est le fruit de l’expérience des privatisations précédentes de services publics nationaux majeurs, comme France Télécom, EDF et GDF !

Par ailleurs, ce projet est contraire à l’intérêt général. Le changement de statut de La Poste en société anonyme conduira inéluctablement à privilégier une logique financière, c’est-à-dire à faire primer la rentabilité et non la satisfaction de l’intérêt général !

Certes, les petits bureaux de poste de nos campagnes ne sont pas rentables, mais c’est parce qu’ils assurent des missions de service public qui, par nature, n’ont pas vocation à répondre à une logique de rentabilité.

La logique de solidarité nationale et de maillage territorial qui est celle du service public postal est en effet remise en cause par ce projet de loi !

Nous refusons le changement de statut de La Poste et la transformation de l’EPIC en société anonyme et voterons par conséquent ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 275.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 36.

M. Jean-Claude Danglot. Ce projet de loi ne répond à aucune attente de la population, ni des élus, ni des postiers.

En témoignent la mobilisation des Français lors de la votation citoyenne, mais aussi celle des communes, surtout les communes rurales, déjà fortement touchées par un désengagement de La Poste.

Contrairement à ce qu’assure le Gouvernement depuis le début de l’examen de ce texte, rien ne rend obligatoire le changement de statut de La Poste. En particulier, l’ouverture à la concurrence des plis de moins de 50 grammes en 2011 ne rend nullement nécessaire une telle modification.

Par ailleurs, ce changement de statut n’apporte aucune garantie en termes de service rendu aux usagers, bien au contraire.

Le 3 octobre dernier, ces usagers ont pu faire part de leur attachement à un service public qu’ils considèrent comme essentiel. Ils ont ainsi exprimé leur souhait de voir assuré un service public postal moderne et rénové, garantissant l’avenir de La Poste et l’emploi de ses personnels.

En effet, le service public national de La Poste ne saurait se réduire à de simples points de contact, insusceptibles de garantir l’accessibilité et l’égalité de traitement des citoyens.

Nous refusons de voir La Poste soumise à un droit des sociétés parfaitement étranger à ses missions d’intérêt général ! C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'article 1er. (Protestations sur les travées de lUMP)

M. Christian Cambon. Des arguments nouveaux, s’il vous plaît ! Innovez !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Changez de disque !

Mme Odette Terrade. Rien ne vous empêche de vous exprimer, chères collègues !

M. Jean-Claude Danglot. Je vois que la majorité se réveille, il était temps ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Personne ne vous empêche de prendre à votre tour la parole, chers collègues ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Mélot. Vous dites toujours la même chose !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Danglot. (Brouhaha sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Danglot. Merci, monsieur le président. J’ai en effet la parole, et moi seul !

Beaucoup de choses ont été dites sur cet article 1er, si bien que nous avons pu, nous, sénateurs du groupe CRC - SPG et de l’ensemble de l’opposition sénatoriale, dissiper le brouillard savamment diffusé par le Gouvernement pour masquer les desseins réels des auteurs de ce projet de loi. (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Le brouillard, c’est de saison !

M. Jean-Claude Danglot. Je souhaiterais, pour expliquer notre vote sur cet article 1er, revenir sur un point essentiel, la confiance.

En effet, comme il a été démontré par A plus B depuis lundi, il n’est rien qui puisse entraver la poursuite de la privatisation de La Poste, malgré les déclarations de M. Estrosi

Le concept d’entreprise « imprivatisable » a fait long feu !

Chacun sait, et vous-même devriez le savoir, monsieur le ministre, que la loi peut toujours défaire la loi et que toute entreprise publique peut être privatisée. M. Henri Guaino, que vous connaissez bien, vous l’a d’ailleurs rappelé.

Puisque ce concept, pour le moins étonnant, « d’entreprise imprivatisable » a volé en éclats, ne demeure donc aujourd’hui que celui de la confiance pour prévenir la privatisation de La Poste.

Aucune garantie ne pourra provenir d’une virtualité juridique créée de toutes pièces dans le seul but de nous faire accepter un changement de statut frayant la voie à la privatisation. Il ne dépend que de notre volonté commune que La Poste reste publique à l’avenir.

Mais comment vous accorder une telle confiance, à vous en particulier, monsieur le ministre, mais aussi à l’ensemble du Gouvernement, au Président de la République et à sa majorité ?

Je ne reviendrai pas sur la tromperie bien connue d’EDF-GDF.

Je suis cependant étonné de ne pas avoir entendu, au cours des débats, de référence au passionnant rapport relatif à l’avenir de La Poste publié en octobre 1997 par M. Gérard Larcher, alors grand spécialiste de la majorité sénatoriale en matière de poste et de télécommunications.

Mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, a pourtant rappelé aux bons souvenirs du Sénat des éléments de ce rapport dans le cadre de la discussion générale.

M. Larcher s’opposait alors à la transformation en société anonyme de La Poste, transformation qu’il nommait « sociétarisation ».

Je vous rappelle ses propos : « Est-ce à dire que tout comme pour France Télécom, une sociétarisation présenterait un intérêt pour les postiers, pour La Poste et pour la nation ? Il ne le semble pas. »

Pourquoi une telle évolution depuis ? Pour respecter les exigences européennes ? Les directives communautaires n’exigent pas de changement de statut. Pour pouvoir recevoir les aides de l’État, ce que ne permettrait pas le statut d’EPIC ? Cette ineptie a été ravalée au rang qu’elle méritait.

Je crains malheureusement que ce ne soit la mondialisation financière et l’émergence croissante de l’argent-roi qui aiguisent les appétits. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

La crise ne change pas la donne. Les centaines de milliards envolés, les dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires n’y font rien, le capital a besoin de nourriture pour croître !

La Poste est en ligne de mire et la multiplication de ces contre-vérités grossières ne pourra dissimuler cette vérité : pour Nicolas Sarkozy et ses amis, les services publics sont à vendre, et il y a beaucoup de clients !

Nous voterons donc résolument contre cet article 1er, car nous voulons que La Poste demeure un bien commun. Nous rejetons la nouvelle société chère à M. Estrosi, celle où les intérêts privés prennent le pas sur l’intérêt général ! Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article.

M. Michel Teston. Depuis lundi, nous nous sommes efforcés de faire prendre conscience à nos collègues de la majorité sénatoriale du danger que représente l’adoption de l’article 1er de ce projet de loi.

Le statut d’EPIC de La Poste est le dernier garde-fou à éliminer. La transformation de l’établissement public en société anonyme fera sauter un verrou, ce qui permettra par la suite, bien que le Gouvernement ainsi que M. le rapporteur s’en défendent, d’ouvrir, par une autre loi, le capital de La Poste à des intérêts privés.

La Poste est privatisable, et c’est d’ailleurs l’objet de l’article 1er que d’ouvrir une telle possibilité !

Nous y sommes totalement opposés, comme nous n’avons cessé de le dire depuis plusieurs mois déjà.

M. Gérard Cornu. On avait compris !

M. Michel Teston. De plus, vous n’avez pas apporté la preuve que La Poste était dans l’incapacité de se développer dans le cadre juridique actuel.

Je rappelle également qu’aucune législation-cadre européenne n’oblige la France à changer le statut de La Poste. Ce n’est pas parce que les autres États européens ont mis en place des sociétés anonymes que nous devons obligatoirement faire de même !

En outre, si la question des fonds propres et de leur amélioration mérite d’être soulevée, la solution ne réside pas nécessairement dans un changement de statut.

En effet, l’Union européenne autorise les États membres à apporter des aides aux postes, dès lors qu’il s’agit de compenser leurs obligations de service public dans deux domaines particuliers : la présence postale, d’une part, le transport et la distribution de la presse, d’autre part.

Jusqu’à présent, nous constatons que l’État n’a jamais apporté, en loi de finances, les sommes nécessaires pour que La Poste exerce la première mission et que celles qu’il consacre, en loi de finances initiale, au transport et à la distribution de la presse sont insuffisantes.

Des crédits plus importants devraient être votés dans le cadre de la loi de finances initiale. Mais L’État s’y refuse, alors qu’une telle décision serait conforme à la législation européenne et que nous le réclamons chaque année à l’occasion de l’examen des crédits des missions !

Le changement de statut correspond donc à une volonté politique du Gouvernement français, et non pas à une demande de l’Union Européenne ! Ce choix dogmatique repose sur l’idéologie selon laquelle il n’y a de salut pour la poste française que dans le cadre d’une société anonyme !

Nous sommes parfaitement opposés à cette orientation et voterons donc contre l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'article. (On crie « Parlez sans papier ! » sur de nombreuses travées de lUMP.)

Mme Marie-France Beaufils. Il me semble judicieux de revenir sur ce que le Gouvernement perçoit comme une nécessité.

La Poste pourrait-elle, en demeurant un EPIC, trouver les ressources internes et externes nécessaires à son développement ? Le parallèle avec l’évolution du cadre juridique d’autres EPIC est ici éclairant.

Un texte en particulier me semble pertinent dans le cadre du débat qui nous occupe : la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, qui a notamment transformé la SNCF, alors société d’économie mixte, en EPIC.

Il me semble opportun de rappeler, pour l’information de tous, que RFF et la SNCF sont bien des EPIC, et non pas des sociétés anonymes, contrairement à ce qu’affirmait hier au soir M. Patrice Gélard.

M. Roland Courteau. C’est juste ! Et cela fonctionne très bien !

Mme Marie-France Beaufils. De plus, les directives européennes, si libérales soient-elles, n’ont jamais imposé à un opérateur du service universel, dans quelque domaine que ce soit, d’adopter à tout coup le statut de société anonyme par actions !

Les directives européennes visant à mettre en œuvre la fameuse « concurrence libre et non faussée » n’ont jamais porté sur la nature juridique des entreprises intervenant en matière de services publics !

L’article 24 de la LOTI dispose d’ailleurs que « la Société nationale des chemins de fer français reçoit des concours financiers de la part de l’État au titre des charges résultant des missions de service public qui lui sont confiées en raison du rôle qui est imparti au transport ferroviaire dans la mise en œuvre du droit au transport et de ses avantages en ce qui concerne la sécurité et l’énergie. Elle reçoit également des concours des collectivités territoriales, notamment en application des dispositions de l’article 22 de la présente loi ainsi que de l’article 67 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ».

La SNCF remplit des missions d’aménagement du territoire, et les points de contact de La Poste participent de cette même obligation !

Rien n’empêche La Poste de bénéficier de ressources publiques pour adapter ses structures, moderniser ses activités et améliorer constamment la qualité du service rendu.

Et rien n’empêche d’inscrire ces principes dans la loi, où ils ne figurent d’ailleurs peut-être pas encore avec la précision nécessaire, contrairement à la loi d’orientation des transports intérieurs qui, elle, les affirme expressément.

Enfin, La Poste, quand elle ne dégage pas suffisamment de marge pour autofinancer ses investissements, et donc son développement – Dieu sait qu’elle le fait, notamment quand elle ferme des centres de tri départementaux pour les remplacer par les fameux centres « Cap Qualité Courrier » ! –, fait appel à l’endettement.

Cet endettement reste mesuré, soit dit en passant, puisqu’il ne représente, pour le coup, que quelques mois d’activité de l’ensemble du groupe ! En effet, la dette de La Poste s’élève à près de 6 milliards d’euros : à la fin de 2008, elle se décomposait en une dette obligataire de 5,591 milliards d’euros et une dette liée à la situation des personnels – correspondant à la provision pour les retraites des fonctionnaires de La Poste – d’un montant de 1,384 million d’euros. En regard, le chiffre d’affaires du seul secteur courrier s’élève à 11,53 milliards d’euros et le chiffre d’affaires de l’ensemble du groupe La Poste atteint les 20,8 milliards d’euros !

Cette dette présente donc un coût apparent relativement faible, aux alentours de 5 % rapportée à l’encours. Nous ne sommes donc même pas convaincus, dans les faits, que le choix de La Poste de s’endetter pour investir ne soit pas moins onéreux, dans la pratique, que celui qui résulterait de l’attribution de dividendes fondés sur la diffusion d’un capital démembré en actions.

C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à voter contre cet article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l’article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous arrivons au terme d’un débat qui s’est manifestement apaisé par rapport à hier soir. Cependant, malgré les efforts des uns et des autres, nous devons faire le constat que les lignes n’ont pas bougé !

D’un côté, M. le ministre, en s’appuyant sur les options gouvernementales, essaie de nous faire croire que le changement de statut de La Poste a une portée purement technique, affirmant vouloir garantir avant tout l’efficacité économique. De l’autre côté, dans les rangs de la gauche, nous constatons, derrière ce « changement technique », un véritablement changement de nature politique. J’emploie cette épithète dans son sens le plus élevé, car il s’agit bien ici de la gestion de la cité.

Vous prenez donc inévitablement le risque de rompre avec une conception du service public qui est la nôtre, bien sûr, mais qui est aussi partagée par d’autres sensibilités politiques, rompant du même coup ce lien indéfectible que cette conception entretient avec l’histoire de notre peuple et de la République.

Si ce changement de statut est adopté, nous sommes persuadés – peut-être nous trompons-nous – que nous mettons le doigt dans un engrenage : à terme, par souci de rentabilité, comme nous l’avons expliqué ce matin, La Poste risque de se voir en quelque sorte aspirée vers le bas. C’est ainsi que le bureau de plein exercice devient une agence postale communale, qui devient ensuite un point relais commercial, qui lui-même devient...on ne sait quoi !

Mme Nathalie Goulet. Un dépôt de pain !

M. Jean-Jacques Mirassou. Au-delà de l’altération du service rendu à la population, il est intéressant de constater que la recherche du profit aura inévitablement des conséquences directes, non seulement sur les conditions de travail, mais également sur l’effectif considérable des postiers, ces femmes et ces hommes qui, aujourd’hui, travaillent au service de l’immense majorité des Français.

Ces deux dérives représentent une altération de notre conception du service public. Or, c’est précisément la raison pour laquelle vous voulez prendre ce risque ; quant à nous, nous nous y refusons.

Nous sommes donc fermement opposés au changement de statut de La Poste, et nous voterons mécaniquement, mais avec beaucoup de conviction, contre cet article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l’article.

M. Martial Bourquin. À aucun moment, durant ces deux jours de débats, je n’ai perçu de volonté de « pourrir la semaine ». Bien au contraire, le débat est sérieux : parce qu’il est idéologique, il est caractérisé, comme il se doit, par des désaccords. Quand on n’est pas d’accord, on échange des arguments, on essaie de convaincre l’autre partie, on essaie de l’écouter.

M. Gérard Cornu. Pour écouter, on écoute !

M. Martial Bourquin. J’ignore si le vote qui va suivre montrera que nous avons été compris, mais je tiens à souligner que ce temps consacré à La Poste ne saurait se résumer à un « pourrissement » de la semaine. Mes chers collègues, si on aime La Poste, on peut lui consacrer du temps. La Poste le vaut bien, comme le dit la publicité !

Je regrette que, sur ce dossier, le Gouvernement avance masqué, car je pense que le passage au statut de société anonyme est la première étape d’une privatisation ultérieure, une privatisation annoncée.

Je sais que, lorsque M. le ministre, tout comme le précédent ministre des finances, dit que La Poste sera publique à 100 %, il le pense vraiment. Mais peut-être ne sera-t-il plus en fonction dans quelques mois, alors que La Poste, elle, sera devenue une société anonyme. Son successeur ne se sentira pas forcément lié par les engagements pris aujourd’hui. Après tout, le passé est le passé !

M. Gérard Cornu. C’est précisément pour cela que nous avons voté l’amendement Retailleau !

M. Martial Bourquin. Cette transformation en société anonyme, vous allez le voir, va entraîner, dans les semaines qui viennent, une accélération des fermetures de bureaux de poste (Protestations sur les travées de lUMP- Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG.)...

M. Martial Bourquin. ... et une accélération des suppressions d’emplois.

Tout à l’heure, M. le ministre nous a cité des statistiques sur les suppressions d’emplois, mais sur une période longue – voilà une preuve d’habileté rhétorique ! Ses chiffres étaient justes sur la durée, mais, si l’on examine les deux dernières années, les statistiques sont catastrophiques : 17 000 suppressions d’emplois, un plan social terrible !

M. Guy Fischer. Et cela s’accélère !

M. Martial Bourquin. Chers collègues de la majorité, vous qui allez voter cet article, soyez certains que vos électeurs, c’est-à-dire des élus, ne manqueront pas de vous reprocher à la première occasion d’avoir approuvé le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme, parce que le déménagement du territoire est en route et va s’accélérer ! Mais chacun prendra ses responsabilités !

L’EPIC, comme l’a remarquablement expliqué Michel Teston, offre une protection aux salariés, à la société, aux usagers de La Poste, dans ce monde libéral où le chacun-pour-soi est la règle, où les services publics sont dévorés. En un vote, cette protection va partir en fumée !

Après le temps de la distribution de l’argent que l’État n’a pas, viendra celui de la résorption des déficits. À ce moment-là, vous le verrez, on vendra au mont-de-piété les bijoux de famille !

M. Christian Cambon. C’est ce qu’a fait Jospin !

M. Martial Bourquin. Peut-être La Poste en fera-t-elle partie, mais cela ne suffira pas à régler la question des déficits, comme nous l’avons dit lors de la séance des questions d’actualité. C’est aussi pour cette raison que nous devons être lucides : vous verrez que les engagements pris aujourd’hui ne seront pas tenus. Comme l’a dit Michel Teston, le respect du parallélisme des formes fera qu’une loi viendra en démentir une autre.

Le statut d’EPIC a fait ses preuves à la SNCF, à la RATP ! On peut donc moderniser des entreprises sous ce statut : si le Gouvernement veut passer au statut de société anonyme, c’est bien qu’il y a anguille sous roche ! On nous prépare une privatisation ultérieure de La Poste, une purge libérale des services publics. Nous devons nous y opposer, et nous nous y opposons en votant contre ce changement de statut.

Non, nous n’avons pas voulu « pourrir » la semaine, mais nous sommes pleins de passion : nous aimons ce service public, nous avons envie de le conserver !

Nous pensons à ces facteurs qui, par tous les temps, portent le courrier de maison en maison,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est du Zola !

M. Martial Bourquin. … à ces agents qui, derrière les guichets, accueillent sans distinction l’ensemble des Français. Si, demain, ce service public n’existe plus, comme il n’existe déjà plus en Allemagne et dans les autres pays qui ont privatisé leur service postal, le peuple sera en droit de vous demander des comptes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe socialiste, la deuxième, de la commission de l’économie, la troisième, du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 187
Contre 151

Le Sénat a adopté.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 2 (début)

Articles additionnels après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 276, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’engagent à prendre en compte dans l’ensemble de leurs activités, les préoccupations environnementales. La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’efforcent de développer l’usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l’utilisation du courriel. Ils veillent à limiter leurs émissions de déchets. La Poste et les titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s’engagent à financer la recherche en matière de développement durable.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 277.

M. le président. J’appelle en effet l’amendement n° 277, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et ainsi libellé :

Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le groupe La Poste s’engage à prendre en compte, dans l’ensemble de ses activités, les préoccupations environnementales. Le groupe La Poste s’efforce de développer l’usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l’utilisation du courriel. Il veille à limiter ses émissions de déchets. Le groupe La Poste s’engage à financer la recherche en matière de développement durable.

Veuillez poursuive, madame Boumediene-Thiery, et présenter ces deux amendements.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’un des deux principaux concurrents de La Poste, le hollandais TNT, compte 120 sites et affirme expédier chaque jour plus de 350 000 colis en France et à l’étranger.

Avec sa nouvelle stratégie de développement durable, La Poste a déjà pris de nombreuses décisions en faveur du développement soutenable et de la prise en compte de l’environnement.

Cependant, ces mesures ne suffisent pas. Il convient d’aller beaucoup plus loin et de faire en sorte que chaque décision des opérateurs du secteur postal puisse s’accompagner d’une véritable révolution des pratiques et des cultures d’entreprise, en plaçant l’écologie et la soutenabilité au cœur de ces décisions.

Comme je le disais plus tôt, il est impératif que cette exigence ne se limite pas à La Poste qui, en tant que prestataire du service postal universel, doit déjà répondre à de très nombreuses autres exigences. Il convient donc de l’étendre à l’ensemble des opérateurs du secteur, afin de ne pas voir la concurrence également faussée à ce niveau.

En clair, vous l’avez compris, mes chers collègues, il s’agit de permettre une réduction maximale des nécessités de transport et de livraison. Il n’y a pas besoin de livrer plusieurs fois par jour, au motif que plusieurs sociétés interviennent ! Il s’agit également de s’intéresser aux conditions de travail des hommes et des femmes de ce secteur. Pour nous, sénateurs Verts, soucieux de l’environnement, ces conditions de travail participent aussi de l’amélioration de la qualité de vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La Poste a pleinement pris conscience de l’objectif lié à la préservation de l’environnement, à laquelle le code des postes et des communications électroniques contraint tous les opérateurs postaux. Par ailleurs, ces derniers sont soumis, comme toutes les entreprises de notre pays, aux lois relatives à la protection de l’environnement et aux principes de la Charte de l’environnement. Leur activité ne justifie pas un régime particulier et le dispositif est déjà assez complexe.

Notre avis est défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Tout prestataire de services postaux doit respecter l’objectif de préservation de l’environnement. Cette disposition fournit un cadre suffisant pour pleinement prendre en compte les préoccupations environnementales.

À titre d’exemple, La Poste a mis en œuvre plusieurs mesures destinées à réduire les émissions de gaz carbonique, comme l’éco-conduite, le développement des véhicules électriques et le recours au TGV fret. D’ailleurs, dois-je le rappeler, 50 000 agents ont déjà bénéficié d’une formation à l’éco-conduite.

Je note également que les deux amendements visent à demander à La Poste de développer l’usage des courriels, ce qui, vous en conviendrez, madame Boumediene-Thiery, est en décalage avec son métier historique.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur les amendements nos 276 et 277.

M. Jean-Claude Danglot. Ces amendements, présentés par notre collègue Jean Desessard et les autres sénateurs Verts, posent des questions intéressantes, ayant toute leur place dans le débat qui nous occupe depuis quelques jours et semble devoir encore nous retenir un certain temps.

Comme nous sommes soucieux de ménager des conditions normales au débat parlementaire, cette explication de vote vaudra pour les deux amendements, chers collègues.

Les préoccupations environnementales sont au cœur de la démarche des entreprises publiques. De toute évidence, cette affirmation, pratiquement de l’ordre du principe, ne peut, dans une société légitimement préoccupée par les questions d’environnement, qu’appeler quelques observations.

Depuis fort longtemps, La Poste montre l’exemple.

Ainsi, les enveloppes des services financiers sont désormais réalisées en papier recyclé et l’on a décidé de donner un « signal prix » fort aux détenteurs de comptes chèques postaux en facturant l’envoi des relevés hebdomadaires d’opérations sur formule papier. Le souci écologique s’est parfaitement doublé d’un effort de liaison entre les coûts et le prix des prestations, puisque, désormais, seule la délivrance de relevés mensuels d’opérations bancaires est gratuite.

C’est autant de papier consommé en moins, autant de bois et de forêts préservés, et c’est, pour les récalcitrants qui continuent de recevoir des relevés hebdomadaires, autant de frais bancaires à payer ! D’ailleurs, pourquoi continuer de s’attacher à la délivrance de relevés bancaires sur papier quand il est si simple, pour une personne habitant dans l’une des « zones blanches » de notre territoire numérique, de consulter l’état de son compte postal sur Internet ? (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Cela étant dit, plus généralement, La Poste a effectivement accompli des efforts importants en matière de protection de l’environnement.

Elle a ainsi décidé de mettre en place un intéressant plan intitulé « Cap Qualité Courrier », ou CQC, qui consiste à mettre un terme à l’existence de centres de tri départementaux et à regrouper les opérations de tri sur des sites industrialisés en nombre plus limité – une quarantaine sur l’ensemble du territoire national –, mais, bien entendu, plus performants.

Le problème vient du fait que les centres de tri départementaux avaient comme particularité, pour le moins étonnante, d’être généralement situés à proximité immédiate des principales gares SNCF du pays. Ainsi, on trouvait des centres de tri postal dans les gares de Paris,…

M. Jean-Claude Danglot. … à Toulouse Matabiau, Marseille Saint-Charles, Bordeaux Saint-Jean, Montpellier Saint-Roch, Angers Saint-Laud ou Limoges Bénédictins, pour ne citer que quelques exemples.

M. Guy Fischer. Et à Lyon !

M. Jean-Claude Danglot. La Poste a, depuis, abandonné cette synergie naturelle avec la SNCF et déplacé ces nouveaux centres industriels de tri « Cap Qualité Courrier » dans des localités en général non desservies par le train. Résultat écologiquement compatible ? Ces centres CQC étant plus éloignés des gares, le tri du courrier exige aujourd’hui l’utilisation massive de véhicules de transport routier, dont l’impact environnemental n’est évidemment pas si positif que cela...

Par ailleurs, même si les bâtiments, conçus au-delà de l’échelle humaine, qui abritent les centres CQC sont parfois primés pour leur usage de matériaux recyclés, le reste n’est manifestement pas écologique. Je pense notamment à la gestion des personnels, qui sont en permanence soumis à des horaires atypiques et décalés au seul motif de tenir les objectifs de qualité affichés par le groupe. De plus, comme ces centres de tri de nouvelle génération ne sont généralement pas situés à proximité de transports en commun adaptés, les mêmes agents sont contraints d’utiliser leur véhicule personnel.

La logique économique qui anime la conception générale du traitement du courrier – c’est le cœur de métier de La Poste – et qui, pour reprendre la délicieuse expression de Jean Paul Bailly, consiste à faire du service public « le meilleur service pour chacun » est, de notre point de vue, parfaitement incompatible avec la responsabilité environnementale et le respect des engagements tant du Grenelle de l’environnement que des termes de la Charte de l’environnement.

Pour tous ces motifs, nous voterons évidemment ces deux amendements de nos collègues, amendements qui devraient au demeurant, si tant est que le Sénat soit conséquent avec lui-même, recueillir l’assentiment général.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement n'est pas adopté. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Articles additionnels après l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

L’article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. – La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité.

« I. – Les missions de service public sont :

« 1° Le service universel postal, dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 1 et L. 2 ;

« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l’article 6 de la présente loi ;

« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;

« 4° L’accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.

« II. – La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité de collecte, de tri, de transport et de distribution d’envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d’objets et de marchandises.

« La Poste exerce des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances dans les conditions prévues au code monétaire et financier.

« La Poste est habilitée à exercer en France et à l’étranger, elle-même et par l’intermédiaire de filiales ou participations, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions et activités telles que définies par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts. »

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l'article.

M. Michel Teston. L’article 2 du projet de loi énumère les quatre missions de service public de La Poste : le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire.

Il faut le rappeler, la directive prévoit ces missions de service public puisqu’elle définit la notion de service universel postal comme « une offre de services postaux de qualité déterminée, fournis de manière permanente en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

L’article 2 paraît en contradiction avec l’article 1er. En effet, lorsque La Poste sera devenue une société anonyme, elle sera vraisemblablement amenée à privilégier la rentabilité économique au détriment de ses missions de service public. Comment pourra-t-elle alors garantir le financement de ces dernières ?

En effet, l’énumération de ces missions à l’article 2 ne garantit en rien que La Poste disposera effectivement d’un financement suffisant et pérenne à la hauteur des besoins nécessaires. Si le projet maintient La Poste comme le prestataire universel pour une durée de quinze ans, l’absence de nouveaux moyens pour assurer ces missions pourrait contraindre la société anonyme à réduire ses coûts, ce qui se traduirait par la suppression d’emplois et le recul de la présence postale.

De plus, avec la fin programmée du secteur réservé, les moyens actuels de financement du service universel postal ne vont pas augmenter. On me rétorquera que le projet de loi prévoit la création d’un fonds de compensation qui sera alimenté par l’ensemble des opérateurs postaux, au prorata de leur chiffre d’affaires. Mais j’émets des réserves sur ce dispositif dans la mesure où l’expérience menée dans le domaine de la téléphonie fixe depuis la loi de 1996 n’est pas très probante.

Dans ce domaine, en effet, le fonds est principalement financé par l’opérateur historique, en l’occurrence France Télécom. Mais ses concurrents contestent très souvent le montant de la quote-part qui leur incombe, et ce malgré la décision prise par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Cet exemple montre bien les limites d’un tel système.

Pour terminer, je voudrais exprimer mon inquiétude quant à l’avenir du partenariat entre La Poste et les collectivités territoriales, après le changement de statut. En effet, alors que les agences postales font l’objet de conventions négociées, sans mise en concurrence, avec les collectivités territoriales, il se pourrait que La Poste soit contrainte, à l’avenir, de lancer des appels d’offres, mode normal de choix d’un prestataire en cas de délégation de service public. Si tel devait être le cas, nous n’aurions aucune garantie que les communes seraient systématiquement retenues pour exercer ces délégations.

Par ailleurs, je m’interroge sur la réaction des concurrents de la Banque postale à ce dispositif quand La Poste deviendra une société anonyme… si ce projet de loi est voté dimanche, voire ultérieurement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article revient sur les missions de La Poste et de ses filiales en matière d’accessibilité bancaire.

Nous avons suffisamment répété que La Poste ne doit pas devenir une entreprise comme les autres, mais il convient également de rappeler que la Banque postale ne doit pas non plus devenir une banque comme les autres, particulièrement dans un contexte de crise financière.

Les banques, par leur politique de placements à risques, ont été à l’origine de la crise. Jusqu’à présent, la Banque postale est restée en dehors des pratiques les plus graves. Mais, aujourd’hui, la Société générale se rapproche de la Banque postale pour certaines de ses activités, espérant ainsi bénéficier du crédit de La Poste auprès de la population et de ses lieux d’implantation. La Société générale est-elle vraiment l’archétype d’une banque responsable, dotée d’un esprit de service public ?

C’est désormais la recherche de la rentabilité qui anime la Banque postale. La présence postale et le personnel disponible dépendent non pas du nombre d’opérations réalisées dans les bureaux de poste, mais du montant de ces opérations, en particulier de celles de La Banque postale. C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’agences bancaires ferment.

Cette situation n’est pas acceptable. Si garantir 17 000 points de contact est une bonne chose, jamais un commerce ou une agence communale ne pourra faire office de véritable banque ! C’est se moquer de l’usager ! Et que se passe-t-il dans les Relais Poste implantés chez les commerçants ou dans les agences postales communales ? Nous n’avons aucune garantie de la pérennité de la présence de ces points de contact ni du respect de la confidentialité des opérations.

La présence de la Banque postale sur le territoire doit être une réalité, particulièrement dans les zones rurales ou urbaines sensibles.

Enfin, je souhaite dire un mot sur la vaste partie de Monopoly qui se joue à l’international. Que ce soit avec la Banque postale ou par le rachat d’opérateurs postaux dans d’autres pays, La Poste cherche aujourd’hui à se placer au premier rang pour participer au démantèlement des postes étrangères, dépossédant ainsi les populations locales de leurs services publics.

Monsieur le ministre, la Banque postale est privatisable depuis 2005. Si La Poste participe actuellement à la privatisation d’opérateurs étrangers, sera-t-il possible de refuser demain la sienne ?

Nous, les Verts, souhaitons que La Poste et la Banque postale restent un service public. La Banque postale ne doit pas se laisser grignoter par des groupes à la morale douteuse, elle doit conserver son esprit de service public. Certes, l’accessibilité bancaire est garantie dans le texte, mais, sur le terrain, la réalité est tout autre.

Plutôt que de brader la Banque postale, il faut garantir un service bancaire universel. Je reviendrai sur ce point lors de la discussion de mes amendements. Selon moi, un pôle financier public serait aujourd’hui nécessaire pour impulser une véritable politique financière décidée par l’État, notamment en matière de logement social, d’environnement, de crédit aux entreprises et aux particuliers. Nous espérons donc que la Banque postale sera sauvegardée.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Cet article 2 a pour objet de définir les missions de service public dont La Poste est chargée. Loin de constituer une avancée, cet article est une simple compilation de dispositions existantes dont l’unique objectif est d’afficher que La Poste, même transformée en société anonyme, sera chargée de missions de service public.

Ces missions sont au nombre de quatre : fourniture du service universel postal, aménagement du territoire – c'est-à-dire présence de La Poste sur l’ensemble du territoire national –, distribution de la presse et accessibilité bancaire.

Monsieur le ministre, vous nous garantissez que ces missions, telles qu’elles sont reconnues par le projet de loi, seront préservées, et qu’elles seront même renforcées. Permettez-nous d’en douter, pour une simple et unique raison : elles ne seront plus financées.

En effet, alors que l’existence d’un secteur réservé permettait de financer l’accomplissement du service universel, celui-ci est purement et simplement supprimé par ce texte, au nom des impératifs communautaires de concurrence totale dans les activités postales.

Le fonds de compensation, dont le principe a été posé dans la loi relative à la régulation des activités postales, n’est toujours pas institué. À ce titre, des doutes subsistent sur sa capacité éventuelle à assurer un financement suffisant des obligations liées à la fourniture du service universel. En Italie, la création d’un tel fonds s’est révélée un échec.

Un fonds finance également la mission d’aménagement du territoire. Je vous rappelle, mes chers collègues, qu’il n’est pas suffisamment abondé pour faire face au défi de la présence postale. Chaque année, plus de 100 millions d’euros restent à la charge de La Poste pour le financement de cette mission. Qu’en sera-t-il lorsque la taxe professionnelle aura été supprimée par votre majorité puisque, je le rappelle, ce fonds est abondé par l’exonération de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste ?

Continuons cette liste, fort intéressante. L’aide à la presse va décroître de manière conséquente à partir de 2015. Et je ne parlerai pas de la fameuse accessibilité bancaire, dont les objectifs ont été laminés par la loi de 2005, qui prévoit l’obligation pour l’opérateur public d’offrir des services bancaires au plus grand nombre et non plus à tous, comme c’était le cas précédemment.

Nous le voyons bien, il manque à La Poste des financements pérennes pour remplir ses missions de service public. De cela, il n’est point question dans le projet de loi. En effet, au-delà de l’ouverture du capital, rien n’est prévu de manière durable. C’est donc juste une aide ponctuelle qui est envisagée par ce gouvernement.

L’État prévoit certes d’investir 1,2 milliard d’euros dans La Poste, mais cette somme correspond uniquement au manque à gagner qu’il lui inflige depuis des décennies.

De plus, comment ne pas deviner, notamment à la lecture du rapport de la commission Ailleret, que les missions de service public vont décliner puisque La Poste sera incitée à être en équilibre sur ces prestations ? Cet équilibre ne pourra être obtenu qu’au détriment de l’aménagement du territoire, de la présence postale, de l’accessibilité bancaire et de l’aide à la presse.

Ne nous racontons pas d’histoires ! La transformation en société anonyme et l’ouverture à la concurrence vont priver l’opérateur en charge de missions de service public des moyens de les assumer. Nous ne pouvons donc croire à vos bonnes intentions.

Vous rappelez également dans cet article que La Poste est un groupe public. Soit, mais jusqu’à quand ? On connaît dorénavant la chanson… De plus, par « groupe public », on entend simplement signifier que la part détenue par des personnes publiques doit rester supérieure à 50 %. Dès lors, quelle garantie cette disposition offre-t-elle pour l’avenir de La Poste, qui est aujourd’hui détenue à 100 % par l’État ?

Les sénateurs du groupe CRC-SPG ne peuvent cautionner un tel recul pour La Poste et ses missions de service public. C’est pourquoi ils ont déposé des amendements visant à préciser les missions de service public, notamment concernant le réseau des points de contact.

Cela ne les empêche pas de rester opposés sur le fond à cet article, qui entérine la fin du service public à la française tel qu’il est assuré par La Poste aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste est soumise à des droits et obligations au titre de ses missions de service public d’envois postaux.

Le code des postes et des communications électroniques dispose ceci « Le service universel postal […] est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l’ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. […] Le service de distribution est effectué, dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne physique ou morale […] ».

Le courrier doit donc être distribué dans chaque boîte aux lettres, y compris dans celles qui sont situées dans les voies de lotissements réservées à l’usage des colotis ou les voies dites privatives, à partir du moment où ces voies sont ouvertes à la circulation publique.

Or certains bureaux de poste ont récemment décidé de manière arbitraire et subite de ne plus distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres de certaines voies dites privatives, contrairement à ce qui se faisait depuis toujours et bien que ces voies soient ouvertes à la circulation publique, c’est-à-dire qu’elles ne possèdent ni barrière, ni portail, ni digicode en interdisant l’accès et que tout véhicule puisse donc y accéder.

M. Guy Fischer. Et voilà !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela signifie que les habitants devront faire installer à leurs frais une batterie de CIDEX, ou courrier individuel à distribution exceptionnelle, à l’entrée de ces voies. En tant que maire, ce n’est pas une décision que j’apprécierais, notamment sur un plan esthétique.

Les principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité ne sont donc plus respectés, et encore moins les obligations de La Poste en matière de qualité du service.

En conséquence, je me permets de vous demander, monsieur le ministre, de bien vouloir nous confirmer que vous veillerez à ce que les obligations de service public de La Poste, notamment le principe d’égalité de tous les citoyens, soient toujours respectées.

M. Guy Fischer. Il ne le fera pas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne peut y avoir de régression dans les normes de qualité des services de La Poste, puisque ce serait contraire aux objectifs poursuivis par le présent projet de loi.

Les 2,7 milliards d’euros ne sont pas un chèque en blanc à La Poste ! Les élus locaux veulent l’assurance d’une amélioration du service public de La Poste, que chaque Français réclame d’ailleurs.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l’article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous touchons véritablement là aux conséquences de l’article 1er que le Sénat a adopté cet après-midi. L’article 2 prend en effet soin de détailler les missions de service public de La Poste. Il s’agit de dispositions fondamentales de ce projet de loi. Chacune d’entre elles mérite donc d’être définie le plus précisément possible.

Dans cette perspective, je souhaiterais insister sur une mission en particulier, à savoir celle qui concerne la contribution de La Poste à l’aménagement du territoire.

En reconnaissant que La Poste participe à l’aménagement du territoire, admettez, monsieur le ministre, que l’activité postale n’est pas uniquement marchande : elle est incontournable si l’on veut maintenir et préserver le lien social et, d’une manière plus générale, ce qui fait l’identité de nos territoires.

Mme Nathalie Goulet. L’identité nationale !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela peut aussi toucher à l’identité nationale, en effet.

La Poste est aussi de plus en plus fréquemment le dernier service public de proximité. Dans les campagnes, quand l’école a fermé, le bureau de poste demeure souvent le dernier symbole de la présence de l’État.

La Poste incarne donc de ce point de vue le dernier rempart avant la désertification institutionnelle, qui sévit parfois dans les zones que nous connaissons. À ce titre, elle ne peut ni ne doit être considérée comme une entreprise « comme les autres ». Elle est bien plus que cela !

N’ayons pas peur de le dire, chacun ici – je le crois, ou du moins je l’espère – considère que La Poste représente symboliquement le lien entre l’État et ses citoyens. La Poste est donc un véritable symbole de la République et, à ce titre, elle se doit d’être présente, opérationnelle et visible dans tout notre pays.

Quelle image renverrions-nous à nos concitoyens si, en guise de projet de « vivre ensemble », nous actions la disparition de La Poste des zones territoriales les plus défavorisées, les plus reculées ou bien encore les moins bien équipées ?

Nous considérons donc pour notre part qu’inscrire dans le texte de loi les missions de service public postal n’est pas suffisant si les moyens permettant de les mettre en œuvre ne sont pas assurés. Pour cette raison, nous défendrons des amendements visant à introduire dans le projet de loi des dispositions permettant de préserver un niveau important d’accessibilité aux services postaux dans la France tout entière.

Cela revêt, je crois, une importance décisive ; sinon le principe d’égalité des citoyens serait définitivement ignoré. Les Français, où qu’ils habitent, quelles que soient leurs conditions sociales, ne doivent pas se sentir abandonnés par l’État. Ils ont donc droit à ce que La Poste fonctionne partout et qu’elle soit aussi, très concrètement – c’est un exemple parmi d’autres –, ouverte à tous avec des horaires d’ouverture suffisants.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jusque-là nous n’avons pas réussi à nous convaincre les uns les autres, ni des dangers que le changement de statut de La Poste fait courir au service public, selon nous, ni des merveilles à en attendre, selon vous. Pourtant, nous sommes apparemment tous d’accord sur un point, rappelé d’ailleurs clairement par l’article 2 : le groupe public La Poste remplit des missions de service public.

« Remplir des missions de service public » signifie que La Poste a des obligations qu’un opérateur dont l’ensemble des activités s’exercent dans le cadre concurrentiel ne remplirait pas, parce qu’elles lui feraient perdre de l’argent. L’exercice du monopole par l’établissement public La Poste a donc permis pendant longtemps de financer ces obligations de service public.

Dès lors que l’essentiel de son activité s’exerce dans le cadre concurrentiel, se pose le problème du financement de ce qu’il faut bien appeler le « surcoût de service public » mis à sa charge. Celui-ci n’a pas été résolu de manière satisfaisante jusqu’à ce jour.

Bienvenu hier, un dispositif pérenne et suffisant de ce financement, avec le changement de statut et la disparition de ce qui restait de monopole, est devenu nécessaire.

Tel est l’objet des amendements que nous présenterons. Les premiers visent à consacrer le principe de l’obligation du financement intégral et pérenne des missions de service public de La Poste. Les autres tendent à décliner les modalités de ce financement s’agissant du « service universel postal » et de la présence postale sur l’ensemble du territoire national. À cet égard, deux choses sont indispensables : d’une part, donner une existence réelle et non virtuelle au fonds postal national de péréquation territoriale en le sortant des comptes de La Poste ; d’autre part, lui assurer des ressources réelles et non virtuelles comme aujourd’hui.

L’équivalent d’exonérations fiscales n’est pas une ressource, c’est d’abord un signal envoyé à Bruxelles pour ne pas être accusé de bénéficier d’avantages concurrentiels.

Quelle que soit sa position quant au statut souhaitable pour La Poste, chacun ici peut partager cette analyse et, si son souci de pérenniser la présence postale sur l’ensemble de notre territoire est sincère, soutenir nos propositions, ou d’autres du même type si elles sont meilleures, de localisation du fonds postal national de péréquation territoriale ou de recettes pour abonder celui-ci. Il faut absolument en finir avec le bricolage actuel. Les élus ruraux ne comprendraient pas que le Sénat ne réponde pas à leur attente.

Mes chers collègues, avec cet article 2 sonne un peu l’heure de vérité. Graver dans le marbre les missions de service public de La Poste en lui refusant les moyens identifiables et pérennes de les remplir serait pure hypocrisie. C’est dans cette catégorie que je range les propositions qui s’obstinent à gager le fonds de péréquation sur des exonérations fiscales, fragiles et difficilement identifiables, fussent-elles supérieures à celles d’aujourd’hui.

Mme Bariza Khiari. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des missions de service public de La Poste se pose aussi avec une très grande acuité dans les outre-mer du fait de leur configuration géographique, de leur situation économique, d’un marché restreint et de leur éloignement par rapport au territoire métropolitain. C’est un fait reconnu. C’est d’ailleurs pourquoi les départements d’outre-mer ont été inscrits en tant que « zones prioritaires » au titre de la mission d’aménagement du territoire de La Poste. Pourtant, la situation de La Poste est loin d’être satisfaisante au regard des différents critères listés.

Hier, en réponse aux différentes interventions sur la motion référendaire, M. Estrosi a cité la Guyane pour illustrer son souci d’élargir le maillage territorial de La Poste dans toutes les zones du territoire français, surtout dans les zones les plus isolées, comme celles qui se situent à la frontière amazonienne.

La Guyane se singularise, il est vrai, par sa configuration géographique : un territoire continental immense avec beaucoup de zones enclavées, accessibles soit par le fleuve, soit par avion.

En dépit des déclarations de M. le ministre, force est de constater que la Guyane accuse un sérieux retard structurel en matière postale. Les chiffres sont parlants et saisissants : environ un bureau de poste pour 7 000 habitants, contre un pour 4 000 habitants en métropole.

Depuis plusieurs années, La Poste tient en Guyane un discours fondé sur l’ouverture à la concurrence, les directives européennes, la mondialisation et les réorganisations nécessaires liées à cet environnement. Sa logique d’intervention ou d’implantation est celle de n’importe quelle entreprise qui vise la rentabilité financière.

Il va donc sans dire qu’aucune des quatre missions de service public figurant dans ce texte, à savoir le service universel postal, le service public du transport et de distribution de la presse, la mission d’accessibilité bancaire et la mission d’aménagement du territoire, n’est remplie dans ce département. Je vais le démontrer à travers quelques exemples.

Le service universel postal et le service public du transport et de distribution de la presse, qui sont des services de base, déjà en difficulté, tendent à s’affaiblir de plus en plus en raison de la mutualisation forcée et non logique des moyens, de l’ouverture de relais-poste en lieu et place d’agences postales. Tous ces changements ne font que détériorer un service qui est loin d’être de qualité.

La mutualisation de communes éloignées conduit à accepter une offre postale de moindre niveau et oblige de fait les administrés à effectuer de nombreux kilomètres sur les routes et les fleuves. Ce sont les usagers qui sont les premières victimes de cette politique : beaucoup de files d’attente, un courrier à J+8, et encore… En conséquence, la grogne monte, et de plus en plus d’habitants dénoncent ces insuffisances de La Poste, comme ce fut le cas récemment en matière de distribution postale à Apatou, commune enclavée le long du fleuve Maroni.

Concernant la mission d’accessibilité bancaire, la Banque postale reste souvent, pour les plus démunis, la seule banque où ouvrir un compte. Je rappelle que les prestataires de minima sociaux sont pour la plupart détenteurs d’un compte à La Poste.

Cependant, des questions se posent actuellement quant à la pérennisation de la Banque postale en raison de la mutualisation, une fois de plus très fréquente, de certaines activités avec les Antilles, voire la métropole.

Au centre financier de la Guyane, c’est le cas pour le traitement des dossiers financiers, qui dure plusieurs semaines.

En outre, il n’y a toujours pas de réelle accessibilité bancaire, et les problèmes relatifs à l’alimentation de fonds sont récurrents. Cette situation a d’ailleurs déclenché un mouvement de contestation en septembre dernier à Apatou, commune du fleuve Maroni.

J’en viens, enfin, à la mission d’aménagement du territoire, une mission qui prend tout son sens dans les zones fragilisées connaissant des problèmes d’isolement, d’enclavement.

En Guyane, pour les raisons que j’ai énoncées précédemment, cette mission est particulièrement importante. En effet, le nombre insuffisant de « points poste » par rapport à la configuration géographique rend difficiles les conditions de travail des agents, qui parcourent de nombreux kilomètres en voiture, à pied ou en pirogue. Récemment, deux facteurs âgés de quarante ans sont décédés d’une crise cardiaque, dont l’un durant son service. Sans émettre de conclusions hâtives, on peut toutefois s’interroger sur ces événements.

Aussi, je suis certain que la privatisation de La Poste, avec son corollaire, la recherche de la rentabilité financière, ne fera qu’aggraver une situation qui est déjà très fragile et pénalisera une fois de plus les ultramarins. Nous connaissons l’attachement fort des populations d’outre-mer à l’un des derniers services publics garantissant à chacun, quelle que soit sa situation sociale ou géographique, un accès égalitaire à un bureau de poste, à la distribution du courrier ou encore à l’accessibilité bancaire.

Alors, au nom des principes d’égalité et d’équité, principes figurant dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de 1995, et tout particulièrement des principes « d’unité de la nation, de solidarité entre citoyens et d’intégration des populations », nous devons être certains que La Poste continuera à assurer ses missions de service public sur l’ensemble du territoire français et que l’État se portera garant de leur financement.

C’est le sens des amendements que je vous proposerai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article est au moins aussi important que l’article 1er puisqu’il traite des quatre missions de service public de La Poste, à savoir le service universel postal, le service public du transport et de la distribution de la presse regroupé avec le service universel au sein du service public des envois postaux, la mission d’accessibilité bancaire et, bien sûr, la mission d’aménagement du territoire.

Comme l’a souligné notre rapporteur, Pierre Hérisson, La Poste constitue un acteur majeur de l’aménagement du territoire par son réseau de points de contact et, de ce fait même, joue un rôle social indispensable en milieu rural.

Les élus des collectivités territoriales souhaitaient, à juste titre, que soient inscrites très clairement dans la loi de véritables garanties sur le maintien des missions de service public de La Poste. Je pense que le présent article sera en mesure de leur donner satisfaction.

Ils souhaitaient également obtenir des garanties sur le volume et la pérennité du fonds postal national de péréquation territoriale qui concourt à l’aménagement du territoire et, bien entendu, sur le maintien d’un maximum de bureaux de poste ou de points de contact en milieu rural.

À cet effet, le groupe de l’Union centriste a proposé que la loi fixe très clairement le nombre minimum de points de contact de La Poste à son niveau actuel, c’est-à-dire à 17 000, et réaffirme l’engagement de l’État dans le maintien de la présence postale territoriale.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir été sensible à notre demande en acceptant de défendre un article additionnel après l’article 2 – l’article 2 bis nouveau – prévoyant que le réseau de La Poste devra compter au moins 17 000 points de contact, tout en précisant cette notion. Ainsi, le contrat pluriannuel de présence territoriale devra élaborer des règles concernant notamment les horaires d’ouverture et la gamme de services postaux et financiers qui seront offerts à la population.

M. le rapporteur est allé encore plus loin puisqu’il défend un article additionnel visant à ce que La Poste apporte 65 millions d’euros supplémentaires au fonds postal national de péréquation territoriale, ce qui devrait permettre à cette entreprise de financer de manière plus satisfaisante sa mission d’aménagement du territoire.

Nous savons que ces financements avaient pour contrepartie le non-paiement de la taxe professionnelle, mais nous entendons bien que la suppression progressive de celle-ci ne remette pas en cause l’engagement de ces 65 millions d'euros, qui demeurent pour nous le garant de la présence postale sur l’ensemble de notre territoire.

J’aimerais être rassuré sur ce point, monsieur le ministre.

Dans mon département, nous avions pensé que le milieu périurbain risquait d’être encore plus pénalisé que le monde rural, et nous avions souhaité y conserver un certain nombre de bureaux de poste. Nous avons été rappelés à l’ordre et, finalement, nous sommes satisfaits de ce qui est en train de se passer.

Pour ma part, je crois donc sincèrement que, après avoir approuvé l’article 1er de ce projet de loi en renforçant le caractère public de l’entreprise La Poste, puis en approuvant l’article 2 et les articles additionnels qui en précisent la mission territoriale, le Sénat aura fait œuvre utile et répondu aux principales préoccupations qui se sont fait jour depuis le dépôt de ce texte.

C’est donc un acte de confiance que j’évoque en cet instant, en espérant que nous retrouverons la sérénité utile pour préparer ensemble véritablement l’avenir de La Poste. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bravo, monsieur Biwer !

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, soyez assuré que nous n’avons nullement l’intention de perturber une séance du Sénat qui a toute son importance. Nous voulons travailler et non pas « pourrir la semaine » du Gouvernement, comme quelqu’un l’a dit. (Exclamations.) Ce n’était certes pas vous, monsieur le ministre, mais on dit que le Gouvernement est un…

Mes chers collègues, l’article 2 de ce projet de loi est essentiel pour plusieurs raisons.

Nous connaissons des mutations sociologiques, économiques et écologiques décisives. Dans ce contexte, la continuité des services publics sur l’ensemble du territoire, y compris dans les lieux les plus démunis, mérite une attention particulière.

Je voudrais attirer l’attention du Sénat sur la situation de nos concitoyens. L’exclusion, la solitude se développent, de nombreuses familles monoparentales sont en difficulté. Nous assistons à une envolée de la pauvreté et de la précarité : le rapport du Secours catholique est à cet égard extrêmement inquiétant. Ne sous-estimons pas cette situation, car elle risque de nous revenir comme un boomerang !

Les services publics, en particulier La Poste, restent souvent le seul lien social pour certaines personnes. Si nous ne prêtions pas attention à ces questions dans ce projet de loi, nous serions inévitablement amenés à nous interroger sur notre qualité de parlementaires.

Face à la concurrence qui se prépare aujourd'hui, deux attitudes seront possibles : soit on l’affrontera en modernisant La Poste, soit on recherchera la rentabilité à tout prix, en transformant La Poste en une société privée classique où la rentabilité financière sera l’alpha et l’oméga de toute action et de toute stratégie. Dans ce dernier cas, les coûts seront volontairement réduits, les effectifs seront systématiquement baissés, le maximum de bureaux de poste de plein exercice sera fermé, certaines activités abandonnées, et La Poste se coupera inévitablement d’une grande partie de la population.

C’est malheureusement ce qui se passe déjà dans toute l’Europe. La singularité française, avec son EPIC, c’est justement de faire rimer modernisation et maillage du territoire. Nous devons faire en sorte de répondre à cette mise en concurrence en se servant de l’aménagement du territoire comme d’une force et non pas comme d’une faiblesse. Or je crains que la direction actuelle de La Poste ne considère plutôt l’aménagement du territoire comme un handicap…

Ainsi, en pleine crise financière, la Banque postale avait une occasion unique de dire qu’elle n’était pas une banque comme les autres, qu’elle n’avait pas trempé dans cette bulle spéculative et qu’il était possible d’y placer son argent en toute sécurité. Une telle campagne n’a pas eu lieu parce que c’était considéré comme ringard !

C’est pourquoi, tout au long du débat, nous allons proposer des amendements pour éviter toute restriction du service postal et défendre la continuité du service public en toutes circonstances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. –Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Chacun a désormais bien compris que le Gouvernement prend le prétexte de la directive européenne du 20 février 2008 pour changer le statut de La Poste. Il a été abondamment démontré ces derniers jours que le processus d’ouverture progressive à la concurrence du secteur postal n’implique nullement le changement de statut de La Poste, qui, de personne morale de droit public, va devenir une société anonyme puisque l’article 1er a été adopté. Dès lors, on peut légitimement se demander si ce n’est pas le premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom, du moins pas encore.

La majorité tente de justifier sa démarche en invoquant une condition nécessaire à la concurrence. Disons-le une nouvelle fois – mais il vaut mieux se répéter que se contredire –, la concurrence ne rend nullement nécessaire le changement de statut de La Poste, cet établissement dont la mission de cohésion et de service sur nos territoires va bien au-delà de l’aspect purement financier et devrait justifier l’engagement des pouvoirs publics.

Acheminer le courrier, délivrer un service bancaire universel et assurer une présence sur l’ensemble des territoires ruraux, de montagne, mais aussi dans les zones urbaines sensibles, c’est une mission qu’aucune entreprise privée ne souhaitera remplir, qui ne représentera aucune valeur ajoutée. Est-ce bien là ce que nous voulons pour La Poste ?

L’article 2 cherche à sauvegarder l’essentiel des missions de service public. C’est déjà un aveu ! Le statut de société anonyme est donc clairement une menace pour l’avenir de La Poste et pour le service postal en général. La Poste se trouvera en effet opposée à des concurrents qui se positionneront sur les secteurs d’activités offrant la plus forte valeur ajoutée.

Bien sûr, les missions de service public de La Poste restent un dernier rempart face à des dérives prévisibles ; mais pour combien de temps ?

Ne cherchez pas à nous faire croire que ce changement de statut ne s’accompagnera pas, à terme, de mesures de réorganisation et d’adaptation, comme la fermeture de bureaux de poste, voire des réductions d’effectifs, puisque c’est déjà le cas !

C’est sans doute pour cette raison, mes chers collègues, que le conseil général de la Savoie a récemment rejeté à l’unanimité le changement de statut de La Poste et s’est prononcé pour le maintien des services publics quels que soient les territoires.

Ce conseil général, que vous connaissez bien, est présidé par un personnage illustre, Hervé Gaymard, ancien ministre de l’économie. Dans ses rangs, on compte Michel Bouvard, député ô combien important, membre de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que notre collègue Jean-Pierre Vial, qui siège dans cet hémicycle sur les travées de l’UMP.

M. Michel Mercier, ministre. Et M. Thierry Repentin !

M. Thierry Repentin. Les élus de ce département ont voté en faveur du maintien du service tel qu’il existe, car ils connaissent bien les effets, dans les territoires de montagne, de la dernière modification de La Poste, dont ils avaient d’ailleurs dénoncé les risques. Notre ancien collègue Pierre-Yvon Trémel s’était ainsi battu ici pour que la présence du service public de La Poste soit effectivement assurée dans tous les territoires.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il n’y a pas de problème, elle le sera toujours !

M. Thierry Repentin. Sénateur d’un département de montagne, je mesure d’ores et déjà les difficultés et les retraits du service postal dans notre territoire.

Élu d’un canton situé en zone urbaine sensible, je veux témoigner du fait que, à la suite de deux agressions dans une agence de La Poste, les employés ont fait valoir leur droit de retrait. Voilà un an que nous discutons avec cette entreprise, afin que la mission de service public soit assurée. Peut-être allons-nous déboucher sur une solution dans les jours qui viennent. Cela fera néanmoins un an de discussions... Mais qu’en sera-t-il lorsque nous aurons en face de nous une entreprise privée ?

M. Roland Courteau. C’est la question !

M. Thierry Repentin. Qui assurera sur le long terme l’accessibilité aux services bancaires, notamment dans les zones urbaines sensibles, où les gens privés de compte chèques n’ont plus comme seul recours que le livret A, service aujourd’hui gratuit et obligatoire pour toute personne qui le demande, disposition que l’on ne retrouve d’ailleurs pas dans le projet de loi, notamment à l’article 2 ?

Voilà ce que je voulais vous dire sur la base d’une expérience de territoire et non d’une approche dogmatique, monsieur le ministre, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, sur l'article.

M. Jean-Pierre Bel. J’ai apprécié les interventions précédentes, et je voudrais en particulier m’inscrire dans la lignée des propos de Mme Des Esgaulx, qui a mis en avant les nécessités de service public. Au travers d’exemples que nous pouvons les uns et les autres puiser dans nos territoires, nous pourrons mieux apprécier, me semble-t-il, ce que devrait être le service public de La Poste.

Je pense avoir été l’un des seuls présidents d’une commission départementale de présence postale à avoir démissionné de ses fonctions, comme s’est également empressé de le faire mon successeur lorsque cette commission a été remise en place. Pourquoi ?

Je suis élu du département de l’Ariège, un département qui présente certaines spécificités, pas uniquement rurales d’ailleurs. Le service public de La Poste est actuellement marqué par un certain nombre de dysfonctionnements sur lesquels, au moment où nous allons essayer de préciser, par nos amendements, les missions de service public de La Poste, nous souhaitons des éclaircissements.

Si les élus de ce département, au-delà de tous les clivages et de toutes les sensibilités politiques, ont considéré que la situation n’était plus tenable, c’est parce qu’ils rencontraient des difficultés, qui, à défaut d’être exceptionnelles, sont bien réelles.

Il s’agit, premièrement, du déclassement des bureaux de poste. Voilà cinq ans, mon département comptait quatre-vingt-cinq bureaux de poste de plein exercice ; aujourd’hui, il en reste une douzaine. Il s’ensuit la mise en place d’agences postales communales ou, quand c’est impossible, de points de contact ; je vous laisse apprécier cette dégringolade considérable, qui a un impact tout à fait significatif dans un département comme le mien !

Mais le plus grave, c’est la raison pour laquelle on en arrive là, parce qu’il faut toujours justifier la fermeture d’un bureau de poste et la demande d’ouverture d’une agence postale communale pour laquelle on doit faire appel aux collectivités.

C’est assez simple. On commence par diminuer l’amplitude horaire du bureau de poste : les gens, ne connaissant pas les jours d’ouverture du bureau de poste, ont alors quelques difficultés à utiliser ce service.

Je prendrai l’exemple du canton de Quérigut, l’un des plus petits de France, me semble-t-il, avec celui de Barcelonnette dans les Alpes de Haute-Provence. Situé en Ariège, non loin des départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, ce canton de Quérigut est totalement enclavé en zone de montagne. Pendant douze ans, j’ai été maire d’une petite commune de ce canton, qui se situe à environ trois quarts d’heure ou une heure d’une ville un peu importante, que ce soit du côté de l’Ariège ou de l’Aude, à Quillan.

Aujourd’hui, les malheureux habitants – 500 au maximum, 450 l’hiver – qui continuent à vivre dans le pays du Donezan, situé dans le canton de Quérigut, ne peuvent profiter de ce qui tient lieu de bureau de poste qu’un jour et demi par semaine !

La Poste ne doit certes pas être le bouc émissaire de toutes les difficultés rencontrées, j’en conviens, et d’autres services publics sont également sources de problèmes. Mais cela signifie, en définitive, qu’il vaut mieux, à la limite, inciter les habitants à déménager dans un canton plus peuplé !

Deuxièmement, si ces bureaux de poste sont déclassés, c’est en raison du traitement qu’ils subissent. Je connais de très nombreux exemples de situations ayant exaspéré les maires. Ainsi, dans des bureaux de poste de montagne, par exemple, on ne remplace plus les personnels en congé de maladie, et même plus les personnels en congé annuel !

M. Roland Courteau. C’est exact !

M. Jean-Pierre Bel. On multiplie les handicaps, et les difficultés deviennent extrêmement importantes, amenant à s’interroger sur la signification et la validité des termes « service public ». « Service public », cela veut dire que toute personne, quel que soit l’endroit où elle habite sur le territoire national de notre République, y compris dans le canton de Quérigut, a droit aux mêmes services que d’autres citoyens vivant dans un contexte plus favorable.

À cela s’ajoute le problème du courrier qui n’arrive plus, ou qui arrive très tard…

Nous travaillons maintenant, et ce depuis de nombreux mois, contre le service public, lequel subit une rétrogradation tout à fait inquiétante. Personne n’aurait compris dans mon département que, au moment où nous nous exprimons sur La Poste, je ne signale pas ce cas tout à fait particulier, malgré les efforts de certains responsables de la direction de La Poste pour apporter des solutions.

Nous devons veiller à redonner son véritable sens au service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. –Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Il n’est pas d’usage de répondre aux interventions sur l’article, mais je voudrais, par égard pour les membres du Sénat, apporter de brèves réponses aux interrogations que vous avez toutes et tous manifestées ce soir.

Douze orateurs se sont exprimés. Je ne reprendrai pas systématiquement ce qui a été dit puisque nous aurons l’occasion d’y revenir cette nuit et demain toute la journée ; mais je pense que, grâce à votre attachement au service public et aux missions d’aménagement du territoire, nous pourrons terminer cette affaire le plus tôt possible, et ce sera le mieux pour le service public.

M. Guy Fischer. Pas de pression ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, il n’y a jamais aucune pression de ma part : avec moi, vous le savez, tout est proposé, rien n’est imposé ! (Sourires. – Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)

Mme Odette Terrade. Jusqu’à dimanche !

M. Gérard Cornu. C’est comme au Club Med !

M. Michel Mercier, ministre. Non, ce n’est pas le Club Med, c’est bien en dessous ! (Nouveaux sourires.)

Je rappellerai d’abord que rien n’imposait au Gouvernement de reprendre dans les articles 2, 2 bis et 2 ter des dispositions relatives aux missions de service public de La Poste. La loi du 2 juillet 1990, dans son article 6, a fixé ces missions. Le Gouvernement a choisi de les rappeler et de les conforter dans ce texte pour bien montrer que le changement de statut de La Poste n’obère pas ces missions de service public.

Je répondrai sur ce point à Mme Des Esgaulx et à M. Mirassou.

Madame Des Esgaulx, vous avez – cela ne m’étonne d’ailleurs pas – parfaitement rappelé les missions du service public. Vous êtes juriste et élue de la Gironde. C’est le « maître de Bordeaux », Léon Duguit, qui a fixé la conception matérielle du service public, laquelle a toujours été confirmée par le Tribunal des Conflits et le Conseil d’État.

Monsieur Mirassou, vous êtes élu de Toulouse,…

M. Jean-Pierre Bel. Là, c’est le doyen Haurioux !

M. Michel Mercier, ministre. … où professait effectivement le doyen Maurice Haurioux, qui a toujours privilégié la définition institutionnelle du service public sans prendre en compte les missions du service public. Dans notre pays, entre la définition matérielle et la définition institutionnelle, le choix est toujours allé vers la première, qui portait sur le contenu, et ce tant pour le service public que pour la Nation.

C’est ce choix que le Gouvernement continue de faire aujourd’hui. Le fait d’avoir confié à une société anonyme le soin d’assurer des missions de service public n’a rien de nouveau, et cela a été confirmé par le Conseil d’État à de multiples reprises, notamment en 1972, dans l’arrêt Société Unipain.

Il s’agit de poursuivre notre grande tradition du service public avec La Poste…

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bourquin, vous le savez parfaitement, et je sais que vous le savez ! (Sourires.) Il faut aussi de temps en temps pouvoir parler. C’est l’objet de nos débats.

Oui, La Poste a un statut de société anonyme…

M. Martial Bourquin. Non, c’est un EPIC !

M. Guy Fischer. Vous anticipez, monsieur le ministre !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Fischer, si vous ne me laissez pas terminer mes phrases, comment allons-nous pouvoir dialoguer ? Après, vous me direz que je ne vous parle pas !

M. Guy Fischer. Cela fait deux fois que vous parler de « société anonyme » !

M. Michel Mercier, ministre. Cet après-midi, le Sénat a voté l’article 1er, qui prévoit la transformation de La Poste en société anonyme.

M. Martial Bourquin. Ce n’est pas fait !

M. Michel Mercier, ministre. Ce texte doit bien entendu être soumis à l’Assemblée nationale, mais on retrouve ces dispositions dans de nombreux services publics, et il n’y a rien là de très novateur.

M. Repentin nous a dit que la concurrence ne nécessitait pas un changement de statut. Je ne veux pas revenir sur cette question parce que M. Repentin, qui est remarquablement intelligent…

M. Alain Fouché. C’est vrai !

M. Michel Mercier, ministre. … et au courant de toutes les choses de la vie publique, sait parfaitement que ce qui nous pousse à changer de statut, c’est non pas un problème de concurrence mais le régime des aides européennes. La Poste ayant besoin d’argent…

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Bourquin, acceptez-vous de dialoguer ? Si vous devez être le seul à parler, je peux me taire !

M. Michel Mercier, ministre. Ce sera votre choix ! Mais vous avez exposé votre thèse, et j’expose maintenant la mienne. Si vous n’écoutez que la vôtre, vous penserez que vous avez raison même quand vous aurez tort ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

Il faut accepter d’écouter, de dialoguer, sinon cela ne marche jamais. Je suis pour le dialogue, je vous explique ma thèse, car vous avez déjà exposé la vôtre !

M. Martial Bourquin. Je ferai l’antithèse et quelqu’un fera la synthèse !

M. Michel Mercier, ministre. Moi, je suis toujours pour la synthèse, et c’est ce qui vous manque en ce moment ! (Sourires.)

M. Martial Bourquin. Nous, nous savons ce que c’est, la synthèse ! (Nouveaux sourires.)

M. Michel Mercier, ministre. Je voudrais simplement ajouter deux ou trois choses, qui marquent bien le caractère de service public de La Poste.

Vous nous avez dit que la Banque postale ne devait pas être une banque comme les autres.

M. Michel Mercier, ministre. Je suis content du soutien de M. Fischer ! Oui, cette banque n’est pas comme les autres : 50 % de sa clientèle perçoit des minima sociaux. Elle est la seule à remplir cette mission d’accessibilité bancaire, et elle va continuer à le faire. Cette mission de service public sera en effet poursuivie.

Monsieur Teston, le financement des missions de service public est assuré ; nous en discuterons lors de l’examen des trois articles que j’ai rappelés tout à l'heure, notamment l’article 2 ter. La commission, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, formulera des propositions, et nous trouverons une solution.

M. Michel Teston. Laquelle ?

M. Michel Mercier, ministre. Si vous voulez la connaître, il faut vous dépêcher d’arriver à l’examen de l’article 2 ter ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Nous sommes impatients !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Patient, il est vrai que certains problèmes se posent dans les départements d’outre-mer, notamment en Guyane. Mais il y a tout de même au moins un bureau de poste par commune !

Monsieur Repentin, il y a montagne et montagne ! Vous le savez bien, en Savoie, c’est en haute montagne que La Poste fait ses meilleurs chiffres ! Elle n’a donc pas du tout envie d’en partir. D’ailleurs, je ne vous vois pas protester…

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments de réponse que je tenais à vous apporter. J’aborde toutes ces questions dans un esprit de dialogue et d’ouverture, et je suis certain que nous parviendrons tous ensemble à faire en sorte que La Poste, société anonyme, …

M. Michel Mercier, ministre. … détenue uniquement par l’État et ses « excroissances », assure totalement ses missions de service public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Nous demandons la suppression de l’article 2, article essentiel du projet de loi, qui consacre La Poste non plus comme un service public, mais comme une entreprise gérant, pour une partie de son activité, des missions de service public. Nous refusons cette transformation.

À y regarder de plus près, des raisons particulières justifient également notre demande de suppression, surtout lorsque l’on prend connaissance de vos propos sur les missions de service public, monsieur le ministre.

Tout d’abord, nous notons que les fameuses missions de service public sont placées au même niveau que les autres activités de La Poste. Nous aurions pu penser que, pour mettre l’accent sur ces missions, vous ayez décidé de les détailler dans un article spécifique. Eh bien non, ce n’est pas ce que vous avez fait ! Vous placez sur un pied d’égalité les missions de service public et les activités concurrentielles, financièrement rentables, de La Poste. Le risque de dérive est donc réel.

Ensuite, dans un langage froid et technocratique, vous réduisez la notion de service public à des missions, faisant l’impasse complète sur les objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour les assurer.

En outre, cet article est rédigé comme si la définition du service universel relevait de la loi. Or, vous le savez bien, ce n’est pas si simple.

Si le service universel postal relève bien des articles L. 1 et L. 2 du code des postes et des communications électroniques, ceux-ci restent relativement généralistes et peu précis, à tel point d’ailleurs que le cinquième alinéa de l’article L. 2 prévoit qu’« un décret en Conseil d’État, pris après consultation de La Poste, et après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les caractéristiques de l’offre de service universel que La Poste est tenue d’assurer ».

Ainsi, La Poste devenue entreprise privée, avec bientôt des actionnaires privés, participera à la définition des activités relevant du service universel ; il vous suffira donc de restreindre, par décret, le service universel. C’est dire les garanties de service public que vous nous donnez dans ce projet de loi !

Nous pourrions également détailler, point par point, toutes les dispositions incohérentes, imprécises et dangereuses que contient cet article, mais le temps qui nous est imparti pour défendre un amendement est trop court pour ce faire. Aussi y reviendrons-nous dans le cadre des explications de vote.

Quoi qu’il en soit, nous demandons à bon droit la suppression de l’article 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’article 2 vise à conforter les quatre missions de service public de La Poste, en les regroupant dans un même article. Pourquoi vouloir supprimer l’article 2 quand on est attaché au service public ?

Comme M. le ministre vient de le souligner, les missions de service public de La Poste sont au nombre de quatre : le service universel postal, le service public du transport et de la distribution de la presse, la mission d’accessibilité bancaire et la mission d’aménagement du territoire.

Elles permettent à La Poste de ne pas être une entreprise comme les autres ; elle est l’emblème du service public à la française.

Le contenu de ces missions est défini dans diverses dispositions législatives, notamment dans l’article 2 de la loi du 2 juillet 1990. Comme l’a souligné voilà quelques instants M. le ministre, le Gouvernement n’avait nullement l’obligation de les rappeler ici ! Pourtant, il a fait le choix de renforcer et de sécuriser les missions de service public !

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui n’est pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur Danglot, j’ai envie de vous dire : Chiche ! Supprimons l’article 2, ne faisons plus référence aux 17 000 points de contact et ne précisons plus le contrat de service public de La Poste !

Mais nous avons tous ici, me semble-t-il, envie d’approfondir ces questions, en garantissant notamment le maintien des 17 000 points de contact et en prévoyant le financement de la mission d’aménagement du territoire.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être que défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Danglot. À mon avis, il faut surtout supprimer votre projet de loi, monsieur le ministre ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Fouché. C’est un peu rapide…

M. Jean-Claude Danglot. En défendant cet amendement, j’ai insisté sur la définition froide et technocratique des missions de service public et sur le fait que vous faites complètement l’impasse, monsieur le ministre, sur les moyens à garantir pour mettre en œuvre le service universel postal. Ce n’est pas un oubli, nous vous le concédons.

En réalité, vous ne souhaitez pas du tout engager le débat sur ce terrain, qui, je le sais, ne relève pas de la loi ; mais celui-ci concerne pourtant la vie de nos concitoyens et la qualité des services que La Poste est appelée à leur rendre.

Aussi importante que soit la nécessaire définition des actes que recouvrent ces missions, un service public ne saurait se définir seulement ainsi. Il importe également de prévoir la manière de le mettre en œuvre. Il s’agit, par exemple, de prendre en considération le fait que les acteurs de ce service public sont bien en permanence au service de leur public, c'est-à-dire des usagers et non des clients, auxquels on ne fait que rendre le service qu’ils ont payé.

Être à la disposition d’un usager, dans le cadre d’un service public, c’est être à son écoute et être disponible pour l’aider. Ainsi, tant dans les campagnes qu’en ville, nous savons tous que le facteur joue un rôle essentiel. Il fait bien plus que de distribuer le courrier six jours sur sept, comme le prévoit le service universel. Il ne se contente pas toujours de glisser la lettre dans la boîte ; parfois, il sonne et attend que le citoyen habitant à cette adresse vienne à sa rencontre, parce qu’il sait que celui-ci a, par exemple, des problèmes de vue. Aussi, pour lui rendre service – ce fameux service désintéressé et non rentable –, il lui lira quelquefois la lettre ou la carte qu’il lui a apportée. S’agit-il là d’une mission de service universel ? Non, nous le savons ! Cette pratique existe-t-elle encore à La Poste ? Oui, nous pouvons en témoigner, et c’est ce lien social qui est indispensable ! Est-elle appelée à perdurer dans le cadre du changement de statut de La Poste ? Non, car la recherche de l’efficacité et de la rentabilité imposera sa disparition !

Au nom du maintien et du développement d’un vrai service public, disposant des moyens permettant sa mise en œuvre au plus près des besoins et des attentes de nos concitoyens, de tous nos concitoyens, je refuse d’entériner cette restriction du service public postal enfermé dans les définitions froides d’un service universel, totalement déshumanisé.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de libéralisation totale des activités postales, et l’article 2 en tire les conséquences.

La mention « service public des envois postaux » disparaît. On bascule du service public au service universel, en nous faisant croire que l’on parle de la même chose. Or, en réalité, on remplace le service public par des groupes privés en concurrence et aux marges du marché, qui assureront quelques prestations obligées, mais minimales, au titre du service universel.

Le service universel, c’est en réalité le service au rabais pour les plus démunis.

Monsieur le ministre, les missions de service public de La Poste sont rappelées dans l’article 2 du projet de loi, mais la question de leur financement n’est jamais abordée. Croyez-vous que les opérateurs privés s’en soucieront ? Croyez-vous que La Poste, société anonyme, privilégiera la rentabilité sociale au détriment de la rentabilité financière ?

Avec ce projet de loi, vous mettez encore une fois en œuvre votre projet politique, qui ne se soucie pas de satisfaire les intérêts de notre pays et de la majorité de la population.

Votre objectif est de couler notre pays dans le moule libéral, celui où s’appliquent, sans entrave, les orientations de l’Organisation mondiale du commerce pour la libéralisation des services, celui qui obéit à l’Accord général sur le commerce des services, en vertu duquel toutes les activités humaines doivent être soumises à la concurrence.

L’entreprise publique, débridée par les politiques communautaires et encouragée par le Gouvernement, a commencé à mener une politique néfaste pour les usagers et les personnels.

La mission de contribution de La Poste à l’aménagement et au développement du territoire constitue un exemple inquiétant de la dégradation du service public postal. Il est de la responsabilité du Gouvernement d’assurer un contenu substantiel aux services publics. Or les politiques qu’il conduit ne cessent, au contraire, de les vider de leur contenu !

En tant que parlementaires, nous devons défendre ces territoires et leur avenir. La Poste n’est pas une entreprise comme les autres. Sa force, c’est son réseau ! Son atout, c’est la proximité ! Quelle entreprise peut s’appuyer sur un tel réseau ?

Ce projet de loi acte l’ouverture totale à la concurrence, la fin du secteur réservé, et prépare la privatisation de l’exploitant public La Poste. Il pèse donc lourd sur l’avenir du service public postal français.

Dans ce contexte de libéralisation totale et de marchandisation des activités postales, l’article 2 n’a plus beaucoup de sens. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 33 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue des suffrages exprimés 113
Pour l’adoption 37
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 195 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. - La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment dans le code des postes et des communications électroniques :

« - d'assurer, dans les relations intérieures et internationales, le service public du courrier sous toutes ses formes, ainsi que celui du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications ;

« - d'assurer, dans le respect des règles de la concurrence, tout autre service de collecte, de transport et de distribution d'objets et de marchandises ;

« - d'offrir, dans le respect des règles de la concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transferts de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance. La Poste gère le service des chèques postaux et contribue au développement de l'épargne populaire, notamment par la collecte du Livret A. Elle participe ainsi à la lutte contre l'exclusion bancaire et à la mise en place du droit au compte défini au titre Ier du livre III du code monétaire et financier. À cet effet, elle est partie prenante d'un pôle financier public l'associant à la Caisse des dépôts et consignations, au réseau des caisses d'épargne, à OSEO et à tout établissement financier doté d'une mission de service public. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Avec cet amendement, nous procédons en fait à la réécriture intégrale du texte de l’article 2 pour revenir au texte originel de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom.

Dans un premier temps, je me limiterai à un exemple, compte tenu du temps qui nous est imparti, mais je reviendrai sur ce sujet à l’occasion d’une explication de vote.

Mon exemple concerne l’un des aspects du service attendu pour La Poste : celui de la distribution de la presse.

Tel qu’il nous est proposé sur cette question, le texte de l’article 2 est ainsi rédigé : « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d’autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité. ».

Sous ces dehors apparemment simples se dissimule, en fait, une certaine conception du rôle et des missions de La Poste qui s’éloigne, lentement mais sûrement, des critères habituels du service public tels que soixante années les ont précisés depuis l’adoption de la Constitution de 1946 et la traduction, dans les faits, d’une bonne part du programme du Conseil national de la Résistance.

En effet, dans sa rédaction encore en vigueur, l’article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom est ainsi libellé : « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit, dans les conditions définies par les textes qui régissent chacun de ses domaines d’activité, des missions d’intérêt général et exerce des activités concurrentielles. ».

Je ne peux évidemment que vous inviter à vous référer au texte initial de la loi de 1990, qui indiquait encore : « La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d’activité, contenues notamment dans le code des postes et télécommunications […] ».

Nous sommes donc passés d’une législation sur mesure, en quelque sorte, tenant compte des spécificités de La Poste et s’appuyant sur les termes du code des postes et télécommunications, à une rédaction – celle qui nous est aujourd’hui proposée – dans laquelle les missions de service public deviennent l’accessoire et où, de fait, l’essentiel réside dans les activités strictement et totalement ouvertes à la concurrence, avec l’application du code du commerce, avant toute autre considération.

Nous ne voulons aucunement de cette apparence de service public, de ce qui semble avoir l’aspect du service public mais qui ne fait que consacrer la réduction des missions de service public au strict minimum et laisse la porte ouverte à sa disparition programmée.

Nous vous proposons également, dans cette nouvelle rédaction, la participation de La Poste avec la Banque postale à ce que l’on appelle un pôle public financier ; mais j’y reviendrai lors de mon explication de vote !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cette rédaction soulève deux difficultés.

D’abord, s’agissant notamment des références aux autres dispositions législatives, elle est moins précise que celle qui a été adoptée par la commission.

Ensuite, elle supprime la mention de la mission d’aménagement du territoire de La Poste.

Je suis, pour ma part, très attaché au réseau de points de contact de La Poste ; aussi, je ne peux être qu’opposé à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Je partage tout à fait l’avis du rapporteur. Je suis hostile à cet amendement, car il ne reprend pas la mission d’aménagement du territoire de La Poste, pourtant essentielle.

Mme Éliane Assassi. Ah, si cela ne tient qu’à ça !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Sans doute aurait-il fallu rectifier à nouveau cet amendement. Cela prouve bien que nous n’avons pas eu assez de temps pour travailler sur ce texte…

Cet amendement, qui porte aussi sur l’intégration de la Banque postale dans le périmètre de la société mère, La Poste, comporte quelques aspects particuliers sur lesquels je souhaite revenir.

La Banque postale a une mission de service public qui est résumée, au sein de cet article 2, par un alinéa très bref.

La mission de service public de la Banque postale, telle qu’elle peut lui être déléguée par La Poste, ne porte pas sur la gestion de comptes courants sécurisés et liquides pour une clientèle d’entreprises et de particuliers.

M. Claude Biwer. Heureusement !

Mme Marie-France Beaufils. Elle ne porte pas sur la mise à disposition du public de prêts immobiliers à vocation écologique, de prêts particuliers, de conventions d’assurance au moindre coût.

Elle ne porte pas plus sur le développement des produits d’épargne-logement, alors même que l’acquisition de logements constitue un facteur essentiel de la politique gouvernementale.

En fait, dans le projet de loi, le service public assumé par la Banque postale est strictement limité à une accessibilité bancaire qui s’arrête à la prise en compte, par La Poste, de l’ensemble des déposants de l’épargne populaire dont personne d’autre ne veut « gérer » la clientèle. Pour aller vite, même si l’on peut s’enorgueillir de cet état de choses, c’est l’accueil des clients effectuant des retraits bien souvent inférieurs à dix euros qui constitue la mission de service public de la Banque postale !

Nous n’avons pas la même conception du service public de la Banque postale. Nous souhaiterions une vision moins rabougrie et misérabiliste du service public. Aujourd’hui, en effet, on laisse au public ce qui ne « rapporte » pas et l’on ouvre à la concurrence ce qui peut « rapporter », en attendant que la concurrence finisse par racheter les activités dites « profitables » !

Nous défendons aussi pour la Banque postale, et plus précisément pour les services publics financiers de La Poste, une autre vision.

Il existe, niché dans notre droit financier, et pratiquement inconnu du grand public, un droit au compte pour les personnes qui, encore aujourd’hui, dans notre pays, sont dépourvues de compte bancaire.

Nous estimons que la nature publique de La Poste peut pleinement justifier qu’une mission de service public lui soit accordée pour lui permettre d’être le dépositaire naturel de l’exercice de ce droit au compte. C’est là une différence entre la conception que vous présentez et la nôtre.

Nous voulons également faire de La Poste l’élément d’un véritable pôle public financier, lequel associerait, entre autres, La Poste, la Caisse des dépôts et consignations, le réseau des Caisses d’épargne et celui de l’établissement public industriel et commercial destiné au financement des PME, OSEO, pour accomplir des missions de service public et d’intérêt général.

Outre les missions de service public que La Poste assume pour l’heure et assumera demain, j’en viens à quelques observations sur les champs dans lesquels cette intervention de service public doit intervenir.

Le premier champ est celui de la construction de logements, notamment de logements locatifs sociaux comme de logements en accession sociale. Ce qui est déjà en grande partie accompli avec la centralisation des dépôts du Livret A dans le fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations serait encore plus pertinent si l’on pouvait, dans le droit fil de la constitution de ce pôle, permettre aux ménages de disposer d’un volume de prêts immobiliers d’accession moins coûteux qu’aujourd’hui.

Le deuxième champ est celui du financement des petites et moyennes entreprises. Il peut se faire dans le cadre de la mise à disposition d’une enveloppe de prêts à taux d’intérêt réduit distribués sur des ressources centralisées dans le même fonds d’épargne que précédemment.

Le troisième champ, que nous estimons bienvenu pour ce pôle public financier, c’est celui des économies d’énergie et de la réalisation des objectifs du Grenelle de l’environnement, notamment pour les bâtiments publics et pour les logements privés.

Nous pourrions évidemment assigner à ce pôle public financier des missions précises de service public : par exemple, gérer l’encours de 40 milliards, 50 milliards ou encore 100 milliards d’euros du fameux grand emprunt, idée reprise par le Président de la République, notamment pour financer les projets de grandes infrastructures dont notre pays a besoin pour connaître un nouveau développement économique et social.

Voilà ce que je voulais ajouter sur cet amendement, auquel il manque peut-être la dimension d’aménagement du territoire, je le reconnais, mais qui a surtout pour objet d’insister sur la création du pôle public financier.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Cet article 2 consacre la réduction des missions de service public de La Poste au strict minimum.

Si nous devions nous résumer quant à la situation posée par le projet de loi, nous pourrions le faire ainsi.

Nous allons avoir demain, en lieu et place d’un exploitant public dont on aura transformé la nature juridique, une société anonyme dont le capital sera, dans un premier temps, totalement détenu par l’État et d’autres personnes morales de droit public.

Cette définition vise évidemment, de manière expresse, la Caisse des dépôts et consignations, bras séculier de l’État en bien des situations, Caisse dont on attend, le moment venu, qu’elle apporte pour 1,2 milliard d’euros de capital dans la nouvelle entité.

Au moment de la création de la société anonyme à capitaux publics, appliquant évidemment les règles du code du commerce avant toute autre règle – et c’est là que les ennuis commencent ! –, une partie du capital définie comme minoritaire sera distribuée auprès du personnel de la Poste et de ses filiales. On peut supposer que cet actionnariat populaire obligé, appelé à renforcer le noyau dur des détenteurs du capital, sera fort heureux de traduire les gains de productivité qui lui seront imposés en dividendes particulièrement généreux plutôt qu’en augmentations de salaires ou de primes. On peut objectivement s’attendre à quelque chose comme 3 % ou 4 % de la valeur de l’action de La Poste SA en dividendes, ce qui laisse augurer une haute profitabilité !

Après ces considérations, parlons un peu des missions de service public.

Le service public universel du courrier ? Il est apparemment limité à la seule circulation du courrier de caractère administratif.

L’accessibilité bancaire et la prévention de l’exclusion ? Elles sont manifestement limitées à la seule diffusion d’une sorte de Livret A du pauvre, sans même prise en compte de l’application du droit au compte.

Le réseau des points de contact ? Il est de plus en plus appelé à se généraliser en agences postales communales ou en simples Relais Poste chez les commerçants, avec le risque évident de réduction de la qualité et de la quotité des opérations que les usagers pourront accomplir dans ces points de contact.

Le transport et la distribution de la presse ? Il est de plus en plus à la charge quasi exclusive de La Poste, du simple fait que l’État a décidé, dans les années à venir, de réduire la part du budget de la mission Médias destinée à financer cette mission d’intérêt général pourtant évident.

Tant pis pour la démocratie et la diffusion de toutes les idées : la régulation budgétaire passe avant tout le reste !

Nous ne voulons pas d’un statut public pour un service public rabougri et réduit à sa plus simple expression, nous n’en voulons pas ! C’est aussi pour ces motifs que nous vous proposons d’adopter cet amendement 195 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. Dans la mesure où il vise en quelque sorte à sauvegarder l’essentiel, l’amendement n° 195 rectifié me paraît intéressant.

Monsieur le ministre, rappelons-le, rien ne nous oblige à changer le statut de La Poste. En effet, l’Union européenne accepte d’ores et déjà que l’État accorde des aides budgétaires ou fiscales à une entreprise, quelle que soit sa nature.

J’en veux pour preuve le fait que, à l’heure actuelle, l’Union européenne accepte la définition des services sociaux d’intérêts généraux et des services d’intérêt économique général. C’est d’ailleurs à ce titre que l’EPIC La Poste bénéficie d’avantages fiscaux, notamment en ce qui concerne la délivrance du livret A en tant que service bancaire universel, le fameux droit au compte dont vient de parler Mme Beaufils. Dans notre pays, il existe d’autres structures qui, sans être des sociétés anonymes, bénéficient d’aides budgétaires et fiscales.

Je prendrai l’exemple, au hasard, d’un office départemental d’HLM. L’Union européenne ne voit rien à redire à ce que l’État français lui accorde des subventions et une fiscalité à taux réduit pour la construction de logements locatifs sociaux, voire pour l’accession sociale à la propriété, dès lors que cela vise des publics sous conditions de ressources. Pour autant, que je sache, monsieur le ministre, nous n’allons pas transformer tous les offices publics d’HLM en sociétés anonymes ! (Sourires. – M. Martial Bourquin applaudit.)

M. Michel Mercier, ministre. Il va défendre Courchevel et les pauvres !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 195 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 198 rectifié, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1 

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, les sommes collectées par La Poste au titre de l'article L. 221-2 du même code sont intégralement reversées au fonds défini à l'article L. 221-7 du même code.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement est le premier d’une série…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Oh ! là ! là !

M. Bernard Vera. … portant sur une question importante, celle de l’épargne populaire. Il s’agit en effet de rappeler les termes du débat qui s’est engagé sur l’utilisation de la ressource du livret A, depuis sa banalisation, donnant l’occasion au Gouvernement d’en ajuster la rémunération, en l’occurrence à la baisse.

L’attractivité de La Poste est étroitement liée aux missions de collecte de l’épargne populaire qu’elle mène de longue date et dont, jusqu’à la funeste loi de modernisation de l’économie, elle était l’un des acteurs attitrés, avec le réseau des caisses d’épargne.

Notons d’ailleurs que la banalisation du livret A a précédé de peu la transformation des caisses d’épargne en élément du nouveau groupe Banques populaires–caisses d’épargne, créé à l’instigation du Président de la République dans la plus totale opacité quant aux perspectives réelles de survie de cette nouvelle entité.

La banalisation du livret A a toutefois été marquée par un phénomène que nous n’avions que peu connu jusqu’ici : la loi qui viendrait à s’appliquer n’aurait pas la même rigueur pour tous. C’est notamment vrai pour ce qui concerne la centralisation des ressources, principe désormais à géométrie variable. En effet, les nouveaux acteurs de la distribution du livret A jouissent d’une clause particulièrement favorable de convergence progressive des taux de centralisation.

Pour parler clairement, alors même que La Poste et les caisses d’épargne étaient tenues, par leur qualité d’opérateur historique de la collecte du livret A, de respecter un taux élevé de centralisation et de recueillir l’essentiel des 160 milliards d’euros attendus au titre du fonds d’épargne, les autres opérateurs n’avaient qu’à respecter un calendrier de convergence des taux de centralisation peu contraignant.

Certes, notre amendement peut paraître particulièrement sévère, puisqu’il vise à exiger de La Poste une centralisation intégrale des ressources issues de la collecte tant du livret A que du livret de développement durable, l’ex-CODEVI.

Pris isolément, il peut paraître contraignant. C’est la raison pour laquelle il est associé à d’autres dispositifs, déclinés au fil des amendements suivants, qui tendent à établir une plus grande égalité de traitement entre La Poste et les autres établissements assurant la collecte de ces produits d’épargne défiscalisés à haute valeur ajoutée pour la société dans son ensemble.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Pourquoi soumettre la Banque postale à un régime différent des autres établissements de crédit, qui peuvent également, je vous le rappelle, proposer le livret A depuis le 1er janvier 2009 ?

Le mécanisme introduit par la loi de modernisation de l’économie est équilibré et permet à la Caisse des dépôts et consignations de financer ses actions en faveur du logement social sans aucune difficulté. Laissons-le vivre avant de le modifier si cela s’avère nécessaire.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Cet amendement, très bien défendu par Bernard Vera, précise les conditions d’utilisation et de collecte de l’épargne populaire.

Les différents amendements que nous allons décliner s’intéressent aux enjeux sociaux très importants qui en découlent. J’aurai l’occasion de m’appesantir davantage sur ce point tout à l’heure. La banalisation du livret A au 1er janvier 2009 – on le voit aujourd’hui – consiste en fait en un véritable pillage de l’épargne populaire par les autres institutions bancaires, pour la détourner de son utilisation sociale, au profit notamment des entreprises. Certes, tout n’est pas négatif, mais on assiste – je tiens à le souligner – à un vrai détournement de l’épargne populaire.

Nous devons, me semble-t-il, être vigilants. En effet, par le passé, avec qui traitaient les élus des communes, pour financer leurs investissements ? Ils avaient des rendez-vous réguliers avec la Caisse des dépôts et consignations et les caisses d’épargne. Aujourd’hui, compte tenu des instructions gouvernementales, les disponibilités sont de moins en moins grandes et les élus sont parfois obligés de financer leurs investissements dans des conditions bien plus difficiles. Le niveau de rémunération des crédits pèse indirectement sur les budgets des collectivités territoriales et se traduit notamment par une hausse de la fiscalité locale. C’est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à l’amendement qui vient d’être présenté.

J’aurai également l’occasion tout à l’heure de développer certains points concernant le logement social, dont les conditions se dégradent considérablement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Pour poursuivre dans la veine de Guy Fischer, je rappellerai que le livret A, depuis sa création en 1818, est le symbole de l’épargne populaire. Il concerne aujourd’hui 45 millions de titulaires.

Tous les gouvernements se sont attachés à préserver son mode de distribution, ainsi que le mode de centralisation de ses fonds, confiés à la Caisse des dépôts et consignations.

Ils l’ont fait au nom de deux impératifs majeurs et incontournables : le financement du logement social cofinancé à 80 % par le livret A et la lutte contre l’exclusion bancaire.

Dans son rapport de 2007 sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé-Pierre estime à près de six millions le nombre total de « personnes en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme ».

De son côté, l’Union sociale pour l’habitat, qui rassemble l’ensemble du mouvement HLM, estime que plus d’un million de demandes de logement HLM sont en attente en France métropolitaine et que le ralentissement, ces derniers mois, de la mise en chantier de logements, malgré les cadeaux fiscaux accordés par le Gouvernement aux promoteurs, n’a pas permis, loin de là, de répondre au problème.

Avec la loi Boutin, on est presque tenté de croire que c’est par la gestion locative autoritaire que l’on va pouvoir pallier l’insuffisance de la construction de logements neufs ! Aujourd’hui, environ 10 millions de personnes résident dans le parc HLM et acquittent des loyers en moyenne deux fois moins élevés que dans le secteur privé.

Il est prévu que le financement du plan Borloo de relance de la production de logement social repose à 80 % sur les fonds collectés par le livret A.

D’une manière générale, les Français continuent donc de vivre une situation de crise en matière de logement : logements chers à la location comme à l’achat, ségrégation, difficultés d’accès au logement, personnes sans abri.

Par ailleurs, à défaut de chiffrage officiel, on estime couramment, depuis le débat législatif, en 2004, sur la mise en place de la procédure de rétablissement personnel, que l’exclusion bancaire touche environ 5 millions de personnes dans notre pays.

Or le livret A représente par excellence le dernier outil de lutte contre l’exclusion bancaire. En l’absence de tout dispositif légal de service universel bancaire gratuit, les populations les plus démunies et souvent âgées – exclus, bénéficiaires de minima sociaux, travailleurs émigrés – utilisent pratiquement quotidiennement leur livret A pour effectuer leurs opérations financières.

Produit d’épargne populaire sans équivalent à l’échelon international, le livret A a fait, depuis des décennies, la preuve de sa solidité.

En cent quatre-vingt-dix ans d’existence, il n’a jamais spolié aucun épargnant et constitue le système le moins coûteux, en Europe, pour les finances publiques.

Ces qualités doivent s’accompagner d’une exigence sociale complémentaire, celle d’une utilisation rationnelle et responsable de sa collecte.

C’est le but de cet amendement, qui tend à prévoir une centralisation exemplaire de la collecte que la Poste réalise au titre du livret A et du livret de développement durable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 199, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° 201, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux sept dixièmes des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° 200, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux trois quarts des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre l’amendement n° 199.

M. Guy Fischer. L’amendement n° 199 constitue une déclinaison de l’amendement n° 198 rectifié, présenté à l’instant par Bernard Vera.

M. Thierry Repentin. Une déclinaison particulièrement intéressante ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Alors que l’amendement n° 198 rectifié prévoyait que la totalité de la collecte soit centralisée, l’amendement n° 199 vise à ce qu’il en soit ainsi pour les quatre cinquièmes de cette collecte.

Nous devons nous demander quel a été le comportement des banques depuis le 1er janvier 2009, date de la banalisation du livret A.

M. Guy Fischer. Quelle a été la responsabilité des nouveaux opérateurs chargés de sa collecte ?

La banalisation a d’ores et déjà des conséquences : avec un encours global de collecte du livret A et du livret de développement durable de 254 milliards d’euros à la fin du mois de septembre 2009, on constate une décollecte relative du livret A de l’ordre de 9 milliards d’euros au regard du mois d’août précédent. On peut donc parler de « siphonage » du livret A au profit des établissements bancaires.

Nous souhaitons être très exigeants sur la centralisation afin que le droit au compte, le financement du logement social et des investissements des collectivités territoriales ne soient pas progressivement remis en cause.

La mission d’accessibilité bancaire est en train de se dégrader, alors qu’elle joue un rôle essentiel. Il suffit pour s’en convaincre de se rendre dans les grands quartiers populaires – je pense notamment aux Minguettes, à Vénissieux – et d’observer les longues files d’attente aux guichets de la Banque postale. Les familles les plus démunies vont en effet y retirer des sommes extrêmement faibles : cinquante, dix ou même cinq euros.

M. le président. Monsieur Fischer, je vous propose de présenter dans la foulée les amendements nos 201 et 200, dont les objets sont très voisins : seule la proportion varie en effet. (Protestations sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Je ne sais si mes camarades sont d’accord…

Mais compte tenu de l’heure tardive, j’accède à votre demande, monsieur le président.

Vous avez compris, mes chers collègues, que ces amendements constituaient plusieurs déclinaisons du même principe. Le problème qu’ils soulèvent n’en est pas moins réel. Tout un chacun peut concrètement vérifier, dans les quartiers les plus populaires de nos villes, le délitement progressif des liens sociaux tissés par la Banque postale. C’est très grave !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ces trois amendements sont presque identiques. Ils visent l’ensemble des établissements de crédit et excèdent largement le champ du présent projet de loi. Le problème qu’ils soulèvent concerne l’ensemble du système bancaire.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Nous avons déjà eu un débat sur le livret A, et nous ne pouvons pas le rouvrir sans cesse.

Le Gouvernement ne peut donc que s’opposer à ces trois amendements, qui sont des cavaliers.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 200.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 6 novembre 2009, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD