compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Bernard Saugey,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Rappel au règlement

Entreprise publique La Poste et activités postales

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 51, rapport n° 50).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 1er (début)

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, dans le débat pour le moins argumenté qui nous a occupés hier toute la nuit, vous avez, une fois encore, évoqué la question de la dette de La Poste en mettant en exergue son montant et en insistant sur son caractère particulièrement préoccupant.

Cela m’a troublé et empêché de dormir ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je vais essayer de vous répondre, monsieur le ministre.

Vous nous avez ainsi parlé d’une dette de 6 milliards d’euros – ce chiffre est exact – négligeant par là même quelques données de base de la comptabilité d’entreprise.

Une vraie démarche objective d’analyse comptable nécessite de citer tous les chiffres et de replacer les données dans leur contexte. La dette – au demeurant de long terme – que La Poste continue de supporter doit donc être rapportée aux autres données comptables.

Une dette de 5,6 milliards d’euros – c’est le chiffre figurant dans le rapport comptable de 2008 – comparée par exemple à un chiffre d’affaires du groupe de 21 milliards d’euros, cela n’est pas si terrible. Et par rapport à un actif de bilan de 124 milliards d’euros hors livret A, c’est encore moins.

Quand on pense que l’État encaisse 250 milliards d’euros de recettes fiscales et qu’il supporte une dette de 1 000 milliards d’euros que deux années de réformes à la cravache et de sarkozysme militant… (Exclamations sur les travées de lUMP.) ont encore accrue de 200 milliards d’euros, finalement, tout est relatif.

Comme j’ai cru comprendre que vous êtes fâché avec la comptabilité, monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que les charges d’intérêts que supporte La Poste sont de quelque 289 millions d’euros, c’est-à-dire environ 1,4 % du chiffre d’affaires

Par comparaison, la ville de Nice… (Sourires.) acquitte 13,5 millions d’euros de frais financiers pour des recettes de fonctionnement de 492 millions d’euros, soit environ 3 %, c'est-à-dire le double de ce qui est fait pour La Poste. Quand on lit les supports d’information municipale, on constate qu’on ne semble pas s’émouvoir outre mesure de cette situation !

Cela étant dit, monsieur le ministre, ce que vous nous proposez en modifiant le statut de la Poste, c’est de procéder aussi à un accroissement spectaculaire de sa dette.

Avec les 2,7 milliards d’euros que l’État et la Caisse des dépôts et consignations – encore une fois partenaire obligé – s’apprêtent à investir dans le capital de la société anonyme, c'est à un accroissement de 50 % de la dette de la Poste que vous allez vous livrer. Parce que, comptabilité pour comptabilité, un apport en capital dans une entreprise, ce n’est pas un don désintéressé, un legs charitable !

Ce n’est rien d’autre qu’une dette nouvelle que la Poste devra contracter auprès de ses actionnaires, qui en attendront légitimement un retour, un versement de dividendes.

M. Paul Blanc. C’est l’État qui va encaisser les dividendes !

M. Guy Fischer. Au demeurant, et puisque l’argument éculé des évolutions technologiques nous a été encore opposé pour expliquer la baisse de la production de services « courrier », j’apporterai quelques éléments financiers de plus sur lesquels nous reviendrons tout au long des débats.

En 2008, La Poste a versé 141 millions d’euros de dividendes à l’État, une goutte d’eau dans l’océan du déficit public né des réformes de Sarkozy.

En 2009, pour le premier semestre, malgré la contraction de l’activité courrier, La Poste est déjà prête à lui verser 103,4 millions d’euros.

Alors, une mesure législative qui consiste à accroître l’endettement de la Poste, ce n’est pas forcément une bonne idée. C’est ce que je voulais démontrer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

Après l’article 1-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom, il est inséré un article 1-2 ainsi rédigé :

« Art. 1-2. – I. – La personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste. Le capital de la société est détenu par l’État et par d’autres personnes morales de droit public, à l’exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l’actionnariat des personnels dans les conditions prévues par la présente loi.

« À la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l’État.

« Cette transformation n’emporte pas création d’une personne juridique nouvelle. L’ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de la personne morale de droit public La Poste, en France et hors de France, sont de plein droit et sans formalité ceux de la société anonyme La Poste à compter de la date de la transformation. Celle-ci n’a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n’entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par La Poste ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. La transformation en société anonyme n’affecte pas les actes administratifs pris par La Poste. L’ensemble des opérations résultant de la transformation de La Poste en société est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l’État, de ses agents ou de toute autre personne publique. 

« II. – La Poste est soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi.

« Les premier et quatrième alinéas de l’article L. 225-24 du code de commerce s’appliquent en cas de vacance de postes d’administrateurs désignés par l’assemblée générale.

« Le premier alinéa de l’article L. 228-39 du même code ne s’applique pas à la société La Poste.

« L'article L. 225-40 du même code ne s’applique pas aux conventions conclues entre l’État et La Poste en application des articles 6 et 9 de la présente loi. »

M. le président. Au sein de l’article 1er, nous en sommes parvenus aux amendements nos 439 et 443, faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 439, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est un établissement public à caractère industriel et commercial.

La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, La Poste est aujourd’hui un EPIC. Elle est sous le contrôle de la puissance publique et bénéficie d’un statut « protecteur » : si elle n’a plus ce statut, elle n’est plus protégée.

Ce statut n’est pas le fruit du hasard et d’une quelconque volonté de soustraire La Poste au monde concurrentiel. Bien au contraire, 70 % des activités de l’entreprise publique sont d’ores et déjà soumises à la concurrence et La Poste fait face à des offres d’autres entreprises sur certains secteurs. Il semble, au regard des chiffres dont nous disposons, que l’entreprise publique ne soit pas en mauvaise posture. Au contraire, elle se situe dans un bon trio de tête dans nombre de secteurs, tout en étant pour l’heure relativement bien perçue par les usagers français, malgré la détérioration progressive du service postal.

Dès lors, mes chers collègues, l’établissement public industriel et commercial, l’EPIC, n’est en rien un statut dépassé, un statut has been, comme on dit aujourd'hui. Il ne doit pas tomber sous les coups d’une prétendue modernité. Cet EPIC, comme Michel Teston l’a démontré hier soir, peut parfaitement s’adapter aux exigences modernes, tout en plaçant au cœur de son activité les impératifs de service public que sont la continuité, l’adaptabilité et l’égalité.

Nous ne comprenons pas l’acharnement du Gouvernement à vouloir modifier le statut d’une entreprise alors que rien ne semble pouvoir le justifier dans l’état actuel des choses. Les Français ont rappelé le 3 octobre dernier leur attachement au service postal et à la nécessité de le protéger. Allez-vous les écouter ou le Parlement restera-t-il sourd à leur demande ?

Nous souhaitons que La Poste conserve son statut actuel, riche en possibilités….

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l’économie. On l’avait compris !

M. Martial Bourquin. … pour qu’il puisse faire face à l’ouverture de la concurrence au secteur réservé. Le montage que vous proposez afin de pouvoir faire de cet EPIC une société anonyme nous semble surprenant.

M. le rapporteur ainsi que M. le ministre s’emploient à rassurer nos concitoyens en tentant de garantir que le capital sera à 100 % public. Comme il a été dit maintes fois dans cet hémicycle, une loi peut en défaire une autre.

Il est des manières de rassurer plus simples et plus efficaces. Il suffit de maintenir le statut actuel de La Poste et de travailler ensemble à sa modernisation. Personne ici ne met en cause cette nécessaire modernisation.

Le problème, c’est que nous, nous voulons garder ce statut protecteur parce que nous avons vu ce qui s’est passé pour GDF. Nous savons que pourrait être introduite la possibilité d’une privatisation. Cette privatisation ne serait peut-être pas immédiatement à l’ordre du jour, mais elle le serait très vite, dans les semaines, dans les mois, voire dans les années qui viennent.

Quelles que puissent être vos assurances, les Français ont bien trop d’exemples en tête, qu’il s’agisse d’EDF ou de GDF, pour pouvoir être convaincus uniquement par des paroles, par des élans du cœur. Ils savent que les actes finiront toujours par trahir les engagements et que cela accroîtra encore le fossé entre la représentation parlementaire et les citoyens.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bourquin !

M. Martial Bourquin. Mes chers collègues, cette défense du statut actuel de La Poste traduit la volonté de garder un grand service public postal. Il serait souhaitable que nous le fassions ensemble et que nous puissions travailler à sa modernisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, je tiens à vous faire remarquer que les afficheurs de chronomètres installés dans l’hémicycle passent au jaune trente secondes avant la fin du temps autorisé, puis au rouge quand le temps est écoulé !

M. Guy Fischer. C’est du harcèlement ! (Sourires.)

M. le président. Comme chacun a la possibilité de s’exprimer et que vous avez le souci de me faciliter la tâche, je vous demande de respecter strictement les temps de parole. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Par ailleurs, au nom de la commission de la culture, je demande à ceux d’entre vous qui sont saisis au bout de trois minutes d’un geste frénétique consistant à taper avec leur stylo, de ne plus le faire, car les cuirs des pupitres risquent d’être abîmés et il faudra les changer. (Rires sur les travées de lUMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Blanc. Il faut faire des économies !

M. le président. L'amendement n° 443, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est une personne morale de droit public désignée sous l'appellation d'exploitant public.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, je vais essayer de ne pas me retrouver dans le rouge !

Comme cela a été dit à de nombreuses reprises, La Poste est très fortement liée à notre conception de la République. C’est le service public que nos concitoyens apprécient le plus.

M. Jean-Jacques Mirassou. Quelles que soient les difficultés actuelles, nous devons tenir compte de l’histoire de notre pays, qui repose sur la construction méthodique et pertinente des services publics, singulièrement depuis 1945.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Celle-ci montre que le secteur public et en son sein les entreprises publiques ont été un facteur déterminant de l’essor économique et social de notre pays et de l’exercice de la démocratie dans plusieurs dimensions, je pense aux transports, à l’énergie, aux communications et à la santé.

Le secteur public, même affaibli à cause des attaques subies, demeure un atout que les sénateurs socialistes défendront en toute circonstance.

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou. L’expérience des privatisations, en France comme dans d’autres pays, montre que celles-ci s’accompagnent systématiquement de restrictions et d’inégalités pour la population dans son ensemble et d’un recul pour une majorité de salariés des entreprises concernées. Ce sont toujours in fine les usagers les grands perdants de ces privatisations !

Certes, on le sait, dans un premier temps, la concurrence entraîne la baisse les prix, mais, rapidement, les usagers déchantent. En vertu d’accords passés entre les principaux acteurs du marché dans des conditions qui ne sont pas toujours très claires, se développe un monopole qui maintient des tarifs élevés. Les récentes privatisations du gaz ou, plus simplement, des renseignements téléphoniques en sont le meilleur exemple. Chacun a pu le mesurer.

Pour l’avenir, les privatisations privent les pouvoirs publics des moyens d’intervention dans un contexte de mondialisation des mouvements de capitaux et de marchandises. L’exemple des États-Unis, qui mobilisent aujourd'hui massivement leurs moyens étatiques au service de stratégies industrielles et financières, souligne pourtant l’importance de posséder de puissants leviers d’action.

Enfin, les mutations technologiques en cours devraient ouvrir la voie à plus de solidarités entre les peuples. Cela implique des relations fondées sur des critères autres que le profit et la rentabilité.

Pour toutes ces raisons, La Poste doit rester un exploitant public. Le changement de statut n’a aucune raison d’être !

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Roland Courteau. Quel talent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. L’amendement n° 439 vise à maintenir le caractère d’établissement public à caractère industriel et commercial de La Poste, qui ne lui permet pourtant plus d’assurer son développement. Nous en avons déjà largement débattu, la commission approuve le changement de statut de l’entreprise en société anonyme avec des capitaux 100 % publics.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 443, qui a le même objet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 439.

M. Daniel Raoul. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, on nous avance l’argument selon lequel la seule façon d’augmenter les fonds propres de l’entreprise La Poste, sans encourir les foudres de Bruxelles, serait de procéder à une recapitalisation – c’est bien de cela qu’il s’agit ici ! –, en lui conférant le statut de société anonyme. Permettez-moi de vous dire tout mon étonnement.

Comment soutenir un tel raisonnement, alors que le Gouvernement a aidé les banques à hauteur de plusieurs milliards d’euros ? La Grande-Bretagne vient d’ailleurs également d’injecter 50 milliards d’euros dans ses banques pour les sauver.

Rien qu’en remboursant les dettes réelles qu’il doit depuis des années à l’EPIC pour ses missions de service public, l’État aurait pu lui donner les moyens d’assurer son développement et sa survie,…

M. Daniel Raoul. … et il n’aurait pas été nécessaire aujourd'hui de faire cet appel de fonds supplémentaires ! Je vous le dis franchement, avant il aurait fallu mettre les compteurs à zéro.

Lorsque nous parlons du financement de l’EPIC, vous agitez toujours, monsieur le ministre, le spectre de Bruxelles ! Mais alors, comment avez-vous pu financer un certain nombre d’établissements, notamment les banques ? Quelle différence y-a-t-il entre une SA, qui est, théoriquement, une entreprise à capitaux privés, dans laquelle on injecterait des fonds publics, et un EPIC, à qui l’État ne ferait que rembourser ses dettes ! Voilà une distinction qui m’échappe ! À moins que vous ne nous donniez pas les vraies raisons pour lesquelles vous voulez faire passer La Poste du statut d’EPIC à celui de SA !

M. Roland Courteau. C’est plutôt cela !

M. Daniel Raoul. Ayez le courage d’assumer vos choix stratégiques !

J’ose imaginer que vous êtes au-dessus des questions de gouvernance et de rémunération évoquées hier par mon collègue Jean Desessard ! Et j’espère que vous avez une stratégie réelle pour cet établissement public et ses missions de service public national.

Monsieur le ministre, quand allez-vous nous fournir les vraies raisons qui guident votre décision ? Vous vous réfugiez derrière de faux alibis. Je vous demande instamment de nous livrer votre stratégie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Conserver le statut de La Poste et ses missions de service public : tel est le résultat de la votation citoyenne, qui s’est exprimée avec force, dans l’Essonne, avec plus de 47 000 votes …

M. Alain Gournac. Au minimum !

M. Bernard Vera. C’est la vérité, monsieur Gournac !

… répertoriés dans 235 bureaux de vote dans 78 communes !

Cependant, le Gouvernement reste déterminé à faire adopter le projet de loi visant à modifier le statut de La Poste, …

M. Bernard Vera. … qui est, sans conteste, le prélude à sa privatisation. Notre mobilisation se poursuit donc dans nos départements et dans cet hémicycle pour préserver ce service public de proximité.

Aujourd’hui, La Poste est soumise à des missions d’intérêt général, qui assurent une qualité de service et une accessibilité des services à un tarif unique sur l’ensemble du territoire, garantissant ainsi l’égalité de traitement des citoyens. Cette entreprise constitue aussi un lien social et un moyen de lutter contre la désertification rurale. Le projet du Gouvernement menace directement ce rôle, auquel est pourtant attachée la population.

Le 20 octobre 2009, les sénateurs du groupe CRC-SPG, associés à ceux du groupe socialiste et du RDSE, ont tenu, au Sénat, une conférence de presse au cours de laquelle ils ont renouvelé leur demande d’organiser un référendum sur l’avenir du service public postal et ont déposé une motion référendaire en ce sens.

Chacun d’entre nous devra prendre ses responsabilités à l’égard des habitants de notre pays profondément attachés à leur bureau de poste et leur expliquer pourquoi, pour des questions de rentabilité, leur bureau de poste a été fermé, puisque cette politique est malheureusement déjà en œuvre depuis quelques années.

Dans le département de l’Essonne, la situation est caractéristique : en 2004, nous comptions 84 bureaux de poste de plein exercice, contre 45 en 2009. Combien en restera-t-il après l’ouverture du capital de La Poste à des capitaux privés, soucieux d’augmenter leurs dividendes en diminuant toujours davantage l’offre de service public ?

Depuis 1997, ce sont 250 emplois qui ont disparu dans le département que j’administre ! La fermeture du centre de tri de Bondoufle est prévue à l’horizon 2011. Ce sont entre 400 et 450 personnes qui sont concernées par la réorganisation complète de la distribution, qui s’accompagnera bien évidemment d’un plan de suppression de postes.

Les enjeux sont de taille, aussi bien pour les usagers de La Poste que pour les personnels. L’État devrait plutôt s’engager à donner à cette entreprise publique les moyens de poursuivre ses missions de service public au lieu de l’abandonner au secteur privé et à ses intérêts concurrentiels.

La parole de nos concitoyens ne peut pas être confisquée plus longtemps par le Gouvernement. Nous demandons simplement de ne pas changer le statut de La Poste et continuerons d’exiger la tenue d’un référendum sur ce service public. C’est pourquoi nous soutenons l’amendement n° 439.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Dans mon argumentation, j’ai essayé tout à l'heure de faire valoir les liens prégnants qui existaient entre la République et son service public.

En dépit de toutes les assurances qui sont apportées, vous n’arrivez finalement pas à nous convaincre qu’une société anonyme peut être représentative du service public, et donc de la République elle-même.

Monsieur le ministre, en nous expliquant hier que La Poste avait besoin d’être recapitalisée pour affronter les défis qui l’attendent, singulièrement pour ce qui concerne les nouveaux moyens de communication, vous avez d’ailleurs vous-même également constaté que le courrier était en chute libre dans ce pays. Pourtant, vos propos ont laissé penser que vous faisiez l’impasse sur cette activité. Or, comme cela vient d’être souligné à l’instant, l’acheminement du courrier préoccupe, au jour le jour, l’ensemble de nos concitoyens, qui, du reste, appartiennent souvent aux strates sociales les plus défavorisées.

C’est la raison pour laquelle on assiste, réunion après réunion, dans les conseils municipaux et généraux, au vote de motions ou de vœux réclamant la non-fermeture de tel ou tel bureau de poste de plein exercice.

J’ai eu l’occasion de le souligner en commission, nous nous préoccupons du fait que le facteur au volant de sa fameuse camionnette jaune constitue, au quotidien, pour bien des personnes habitant dans des villages éloignés, notamment les personnes âgées, un lien social.

En dépit des explications quelque peu lapidaires qui nous ont été données, non seulement nous maintenons l’amendement n° 439, mais nous invitons tous nos collègues à le voter. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 439.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement s’inscrit dans la logique d’ensemble de nos remarques, car nous doutons de la volonté du Gouvernement et du Président de la République de préserver durablement les fonctions et les missions de La Poste au service du public, les territoires où cette entreprise est encore implantée et les personnels qui animent cette institution fortement ancrée dans notre identité nationale.

Ce projet de changement de statut s’inscrit dans le droit-fil d’une ouverture à la concurrence qui est clairement inscrite dans l’article 129 B du traité de Maastricht et est un élément structurant du libéralisme que l’on veut nous imposer.

En proposant de supprimer cet article, nous avons conscience de gêner la privatisation de La Poste à moyen terme. Nous assumons clairement notre position afin que demain – ou un peu plus tard – personne ne puisse dire dans cette assemblée : « Nous ne savions pas ! » ou encore « Nous ne pouvions pas imaginer les conséquences de cette loi ! »

Dans ce projet de loi, malgré les précautions de rédaction et les nombreuses justifications qui ont été apportées, aucun argument sérieux et vérifiable n’est avancé pour garantir le maintien d’un service public postal et le développement de ce dernier pour mieux s’adapter aux enjeux de notre époque.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement a pour objet – nous le revendiquons – de vider l’article 1er du projet de loi de son contenu principal, à savoir privatiser La Poste.

L’alinéa 1 de cet article ne laisse aucune ambiguïté à ce sujet. Reconnaissons d’ailleurs au rédacteur du projet de loi de ne pas avoir cherché à dissimuler ses intentions, quand bien même M. le ministre ne lit pas ce qui est écrit noir sur blanc : « La personne morale de droit public La Poste est transformée […] en une société anonyme dénommée La Poste. »

Monsieur le président, mes chers collègues, la volonté qui préside à ce projet de loi est limpide et l’objet « société anonyme » contient dans sa formulation même ce qui fait les délices des libéraux !

Le deuxième alinéa nous informe sur le caractère public de l’actionnariat ; nous reviendrons sur les raisons qui ont prévalu pour ces précautions épistolaires. Notons seulement que nous ne sommes ni rassurés, ni satisfaits par une telle formulation, pour de multiples raisons.

Rien n’indique que les « autres personnes morales de droit public » qui seraient associées au capital de la société anonyme dénommée La Poste y entreraient pour exercer un mandat pérenne, avec comme objectif le développement des missions publiques du service postal.

L’expérience nous apprend que les entreprises publiques qui se positionnent face à une concurrence privée sur des marchés finissent toujours par utiliser les mêmes armes que les sociétés privées.

Est-ce à dire, comme on l’entend généralement sur les travées réservées au groupe UMP, que c’est bien la preuve de la supériorité du marché et que le public n’a plus qu’à disparaître ?

Nous ne sommes pas d’accord avec cet « adage » libéral. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.