M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je voudrais confirmer les propos de Mme  Demontès. Cela fait quelques décennies que Christiane Demontès et moi avons, dans le département du Rhône, l’expérience du problème de l’accès à l’emploi des jeunes les plus éloignés, notamment ceux qui sont issus des grands quartiers populaires. Vous le savez, je l’ai maintes fois répété, j’ai été conseiller général des Minguettes pendant des années. Nous nous sommes vraiment cassé les dents, alors que nous nous sommes véritablement investis, sur le terrain, sur tous les problèmes de formation, notamment avec la création de centres de formation.

L’un des problèmes des centres de formation, tels qu’ils ont été créés, et des grandes institutions est qu’ils laissent très fréquemment sur le bord du chemin les plus éloignés, c’est-à-dire, bien souvent, les jeunes d’origine maghrébine, qui se trouvent en majorité dans ces quartiers. On est ainsi confronté au problème de l’accès aux lycées professionnels. Dans les grandes agglomérations, telles les nôtres, nous y retrouvons particulièrement des jeunes de ces grands quartiers populaires et, plus particulièrement, des jeunes Français d’origine maghrébine. Une sorte de discrimination dans l’accès à l’ascenseur social nous place aujourd’hui en difficulté.

Dans toutes les villes, nous connaissons bien les opérateurs, avec qui nous avons des contacts. Les objectifs, par exemple, d’Adecco ne sont pas les mêmes. Je rencontre pour ma part, tous les matins, le patron d’Adecco à Vénissieux, qui achète son journal en même temps que moi, et nous discutons des problèmes d’emploi.

M. Alain Gournac. Ce n’est pas le même journal ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Effectivement, je lis L’Humanité, il lit Le Progrès. (Nouveaux sourires.)

Bien entendu, il me donne de très intéressantes informations sur la situation de l’emploi, notamment industriel, dans des régions comme les nôtres, mais aussi sur les difficultés des publics qu’il veut placer pour répondre aux besoins des industriels. Telle est la réalité.

Vous êtes donc en train de jouer un mauvais tour à Pôle emploi, ce qui justifie l’amendement que je défendrai ultérieurement. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa de cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je ne reviendrai pas sur la privatisation du service public de l’emploi, à laquelle participe cet article. S’il ne fallait retenir qu’une seule chose, ce serait ceci : nous entérinons aujourd’hui la privatisation de Pôle emploi.

Comme nous l’avions déjà souligné en son temps, l’Union européenne considère que le placement des demandeurs d’emploi relève du champ concurrentiel. C’est aujourd’hui devenu un véritable marché. De même, les salariés privés d’emploi sont devenus des valeurs. Bien entendu, lorsqu’on regarde la réalité des trente-sept groupes auxquels le Gouvernement a confié la mission de gérer ces demandeurs d’emploi, on s’aperçoit que les plus grands sont des multinationales européennes.

Nous sommes fortement opposés à cette logique et entendons supprimer cet article, qui tend à instaurer une disposition aux termes de laquelle les conventions conclues entre l’État et les opérateurs privés de placement peuvent déterminer des objectifs d’identification des offres d’emplois non pourvues dans le bassin d’emploi, qui doivent relever conjointement des statistiques publiques et du service public de l’emploi.

On va démolir le service public de l’emploi, et puis on va démolir l’INSEE. Ainsi, on aura des statistiques truquées du chômage.

M. Jean Desessard. Vous voyez loin, monsieur Fischer !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Comme sur le précédent amendement, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Après le septième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Ces conventions prévoient la consultation par le représentant de l'État dans le département, des observatoires des branches professionnelles existants sur le territoire.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je crois à la prospective et à l’anticipation. Je suis d’ailleurs favorable à un ministère du Plan, susceptible de programmer les évolutions.

Par cet amendement, je souhaitais redynamiser et vivifier les observatoires des branches professionnelles, car il s’agit d’observatoires prospectifs des métiers et des qualifications. Ce sont des outils de pilotage pour anticiper les besoins relatifs à l’évolution des métiers.

Les missions de ces observatoires sont les suivantes : recueillir et analyser les informations sur les entreprises, l’emploi, la formation, afin de dresser une photographie de la branche ; identifier les principaux facteurs qui vont avoir une incidence sur les métiers de la branche professionnelle ; opérer une analyse prospective des évolutions ; repérer les métiers dits « sensibles » sur lesquels porteront en priorité les actions ; préconiser des solutions à mettre en œuvre.

Je souhaitais que le représentant de l’État coordonne ces actions et utilise ces observatoires pour anticiper les emplois dans le développement durable, les emplois dans les services, les emplois pour réparer les ascenseurs. Ainsi, il aurait pu avoir des données lui permettant de répondre aux légitimes questions des parlementaires.

Cet amendement visait donc à une utilisation des compétences des observatoires des branches à des fins d’anticipation. Dans le contexte de cet article, tel qu’il a été défini par mes collègues, je retire l’amendement, même si l’idée est très bonne.

M. le président. L'amendement n° 114 est retiré.

Je mets aux voix l'article 13 quater.

(L'article 13 quater est adopté.)

Article 13 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie
Article 13 sexies

Article 13 quinquies

À titre expérimental, lorsqu'elles sont engagées à compter de la publication de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 2011, peuvent être financées au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue dans le cadre du plan de formation les dépenses correspondant :

- à une part de la rémunération des salariés assurant le tutorat de jeunes de moins de vingt-six ans embauchés depuis moins de six mois ou stagiaires dans l'entreprise ;

- aux éventuels compléments de salaire versés aux salariés en contrepartie de leur activité de tutorat des jeunes susmentionnés.

Un décret détermine les modalités d'application du présent article.

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2011, un rapport sur la présente expérimentation, qui évalue en particulier son impact sur le développement et la valorisation du tutorat ainsi que sur l'accès des jeunes peu ou pas qualifiés à l'emploi, à la formation et à la qualification.

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les trois premiers alinéas de cet article :

À titre expérimental, une part de la rémunération des salariés assurant le tutorat des jeunes de moins de vingt-six ans embauchés depuis moins de six mois ou stagiaires dans l'entreprise, comme les éventuels compléments de salaire versés aux salariés en contrepartie de leur activité de tutorat des jeunes susmentionnés peuvent être financés au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue dans le cadre du plan de formation à condition que :

- les dépenses soient engagées à compter de la publication de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 2011 ;

- l'employeur puisse faire la preuve, à l'organisme paritaire collecteur dont il dépend, qu'il a aménagé le poste et les conditions de travail du tuteur pour lui permettre de réaliser pleinement sa mission.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre amendement porte sur l’article 13 quinquies qui résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale et tend à autoriser les entreprises à imputer, sur leur obligation légale de financement de la formation professionnelle, une part des dépenses de l’entreprise liées à la mise en place d’un tutorat interne pour les jeunes salariés.

Notre commission a adopté un amendement du rapporteur renvoyant au décret – un de plus ! – les modalités d’application de cette disposition.

Cela ne nous satisfait pas et nous entendons au contraire, par cet amendement, préciser les modalités d’application de cet article afin d’éviter qu’il ne soit qu’un simple effet d’aubaine permettant aux employeurs de diminuer artificiellement les sommes dues par l’entreprise au titre de la formation.

C’est pourquoi notre amendement prévoit d’introduire une nouvelle condition, l'aménagement effectif du poste et des conditions de travail du tuteur pour lui permettre d'effectuer effectivement les missions qui justifient le financement du tutorat au titre de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue dans le cadre du plan de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Ma chère collègue, les OPCA ne sont pas en mesure de contrôler les mesures d’aménagement du poste de travail mises en place par l’employeur. La condition restrictive imposée aux entreprises témoigne, de votre part, pardonnez-moi de le dire, d’une méfiance excessive, qui découragera le développement du tutorat.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Défavorable. Seule l’inspection du travail est compétente pour contrôler l’aménagement des postes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par Mmes Blondin et Demontès, MM. Jeannerot et Fichet, Mmes Printz, Le Texier, Schillinger et Bourzai, MM. Patriat, Desessard, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le coût de la prise en charge de la formation du tuteur en vue de sa mission pédagogique ne doit pas s'imputer sur le nombre d'heures acquises par lui au titre du droit individuel à la formation.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Le projet de loi prévoit de valoriser à titre expérimental le rôle des tuteurs afin de donner plus de pertinence aux stages en entreprise.

Il ressort pourtant des auditions qui ont été réalisées en commission que le rôle de tuteur ne s’improvise pas et appelle non seulement des compétences professionnelles mais aussi des compétences pédagogiques. Ces dernières ne sont pas forcément spontanées et ne s’improvisent pas.

Le fait de ne pas parvenir à exercer cette fonction de manière satisfaisante peut causer un préjudice à la fois au jeune et au tuteur lui-même, qui peut être découragé de continuer dans cette voie. Au final, c’est tout ce dispositif, pourtant très intéressant, qui en souffre.

Pour que le tuteur puisse acquérir ces compétences, il doit pouvoir bénéficier d’une formation. Mais cette formation de nature pédagogique bien spécifique, qui ne lui apporte aucune qualification supplémentaire sur le plan strictement professionnelle, ne doit pas amputer son propre droit à la formation dans sa qualification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Madame Printz, le droit actuel permet déjà aux entreprises d’imputer, sur leur plan de formation, les dépenses de formation des tuteurs.

Donc, votre amendement est satisfait et je vous demande de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Pourquoi interdire au salarié d’utiliser son DIF pour suivre une formation de tuteur ? Or c’est ce à quoi aboutit cet amendement, madame le sénateur. L’utilisation du DIF pour suivre une formation de tuteur relève de la liberté du salarié, qu’il faut préserver. Je pense d’ailleurs que restreindre cette liberté n’était pas votre objectif.

C'est la raison pour laquelle je me permets également de vous demander de retirer cet amendement.

M. le président. Madame Printz, l'amendement n° 148 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13 quinquies.

(L'article 13 quinquies est adopté.)

Article 13 quinquies
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(Non modifié)

Article 13 sexies

Article 13 sexies
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Article 13 septies

(Non modifié)

À titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2011, tout apprenti dont la formation n'a pas été sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle conformément à l'article L. 6211-1 du code du travail peut bénéficier, à sa demande, de la prise en compte de ses acquis en vue de l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle.

Les modalités de mise en œuvre du présent article sont fixées par des conventions ou accords de branche déposés avant le 31 décembre 2010. Un décret détermine les modalités applicables à défaut d'accord ou de convention de branche.

Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2011, un rapport évaluant la présente expérimentation. – (Adopté.)

(Non modifié)
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(Non modifié)

Article 13 septies

Article 13 septies
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Article 13 octies

(Non modifié)

Après le premier alinéa de l'article L. 5221-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. » – (Adopté.)

(Non modifié)
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Article 13 nonies A

Article 13 octies

M. le président. L’article 13 octies a été supprimé par la commission.

Article 13 octies
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Article 13 nonies

Article 13 nonies A

Après l'article L. 313-6 du code de l'éducation, il est inséré un article L. 313-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-7. - Afin d'apporter, sans délai et dans un cadre coordonné entre acteurs de la formation et de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes, des solutions de formation, d'accompagnement ou d'accès à l'emploi aux jeunes sortant sans diplôme du système de formation initiale, chaque établissement d'enseignement du second degré, y compris les établissements privés ayant passé avec l'État l'un des contrats prévus par le présent code et ceux de l'enseignement agricole, et chaque centre de formation d'apprentis ou section d'apprentissage transmet, dans le respect de la législation relative à l'informatique et aux libertés, à des personnes et organismes désignés par le représentant de l'État dans le département, ainsi qu'à la mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes visée à l'article L. 5314-1 du code du travail compétente ou, à défaut, à l'institution visée à l'article L. 5312-1 du même code, les coordonnées de ses anciens élèves ou apprentis  qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation et qui n'ont pas atteint un niveau de qualification fixé par voie réglementaire.

« Dans chaque département, le dispositif défini au présent article est mis en œuvre et coordonné sous l'autorité du représentant de l'État. » 

M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’article 13 nonies A, qui résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, prévoit d’obliger les établissements de l’enseignement secondaire, ainsi que les centres de formation des apprentis, à communiquer à des organismes désignés par le préfet les coordonnées des élèves qui ne sont plus inscrits dans aucune formation.

Par ailleurs, l’adoption par notre commission spéciale d’un amendement du rapporteur a encore aggravé la situation, puisque nous sommes passés d’une initiative expérimentale à un principe d’intervention sans délai.

Toutefois, une interrogation demeure, que ni le projet de loi ni notre rapport n’ont permis de lever : celle de la nature des organismes qui sont mentionnés dans cet article.

Pour notre part, parce que cet article ouvre la voie de la transmission des coordonnées des « élèves décrocheurs » à Pôle emploi, nous redoutons que la notion d’organismes ne dissimule en fait des opérateurs privés de placement et les sociétés d’intérim. Nos amendements à l’article 13 quater défendus par M. Fischer vous ont fait comprendre nos inquiétudes.

Or vous en conviendrez avec moi, confier les coordonnées des quelque 120 000 élèves qui sortent du système scolaire sans qualification aux premiers pourvoyeurs de salariés précaires, lesquels sont parmi les moins bien formés, ne constitue pas la meilleure manière de leur donner une seconde chance.

Nous ne demandons qu’à être démentis sur la nature de ces organismes, mais en l’absence de précision dans la loi, nous entendons maintenir notre amendement, qui présente l’avantage de protéger les coordonnées des jeunes décrocheurs et donc les jeunes décrocheurs eux-mêmes d’un marché fortement concurrentiel et lucratif.

Tel est le sens de cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Contrairement à vous, ma chère collègue, je crois que c’est un devoir de supprimer le délai de carence ; nous n’avons pas le droit de laisser un jeune sans prise en charge pendant quelquefois une année, car cette année de carence devient très souvent une année d’errance.

M. Alain Gournac. Tout à fait !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Aussi, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. J’émets également un avis défavorable, qui est fondé sur l’expérience de terrain que nous avons tous ici.

Le drame, ce sont ces jeunes qui décrochent silencieusement, et cette année de carence nous empêche de les prendre tout de suite en charge et de leur faire des propositions alternatives. Or, vous le savez très bien, une fois qu’ils ont décroché, au bout d’un an, il est déjà difficile de les récupérer. (M. Alain Gournac le confirme.) Lorsque, trois ou quatre ans plus tard, ils viennent frapper à la porte de la mission locale, c’est trop tard pour redresser la situation, car les ravages ont été trop profonds.

C’est pourquoi – et il ne s’agit pas d’un débat idéologique, je connais votre expérience de terrain et votre attachement à ces questions – il est essentiel, dès que l’on voit un jeune décrocher, de pouvoir tout de suite travailler ensemble afin de lui proposer une solution alternative.

M. Alain Gournac. C’est urgent !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cela peut être une autre formation qui lui convient, un accompagnement vers un univers professionnel qui l’intéresse, mais l’important est de lui proposer très rapidement une alternative à la rue.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Nous soutenons cet amendement de suppression.

Le problème majeur ne sera pas résolu par un échange d’informations sur les élèves en difficulté entre les différentes structures. Une fois que cet échange a eu lieu, que leur propose-t-on de nouveau ? Là est le problème !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je suis d’accord avec vous sur ce point.

Mme Christiane Demontès. Aujourd’hui, je rassure M. le rapporteur à cet égard, le délai de carence n’existe déjà plus dans bon nombre de territoires. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

M. Alain Gournac. Oh là là !

Mme Christiane Demontès. Ce n’est peut-être pas le cas chez vous, monsieur Gournac, mais je parle de ce que je connais. Acceptez que tous les territoires ne fonctionnent pas comme le vôtre !

Aujourd’hui, dans certains territoires, il y a un lien très étroit entre les organismes de formation, l’éducation nationale, les collèges, les lycées, les lycées professionnels, les centres de formation d’apprentis et les structures qui s’occupent de l’accompagnement des jeunes, je pense en particulier aux missions locales.

Mais que propose-t-on à ces jeunes ? Quel est le travail d’accompagnement qui est fait ? Quels moyens complémentaires donne-t-on aux missions locales pour effectuer ce travail, avec d’autres structures, j’en conviens ?

M. André Trillard. Oh là là !

Mme Christiane Demontès. Nous savons que des possibilités existent et qu’un certain nombre de réponses peuvent être apportées. Mais ce qui m’intéresse, c’est de savoir quels sont les moyens globalement mis en place pour accompagner ces jeunes et éviter qu’ils ne se retrouvent piégés dans leurs difficultés.

Pour cette raison, nous voterons en faveur de l’amendement que vient de présenter notre collègue Annie David. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. Alain Gournac. Vous avez tort !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État ne m’ont finalement répondu que sur le délai de carence, qui effectivement se transforme parfois en délai d’errance. Sur ce point, nous sommes bien d’accord, monsieur le rapporteur, nous n’avons jamais dit le contraire.

Notre préoccupation – pour rebondir sur les propos de notre collègue Christiane Demontès – porte sur la finalité du fichier en question. Ce fichier permettra-t-il, au bout du compte, que des propositions, des offres concrètes soient apportées à ces jeunes ? Nous ne le pensons pas. C'est pourquoi nous ne voyons pas l’utilité de mettre en place un fichier supplémentaire, d’autant que, comme cela a été dit, des liens existent déjà. De toute façon, les acteurs de terrain n’attendent pas de disposer d’un fichier soigneusement établi pour se préoccuper des jeunes qui sont en difficulté.

Donc, vous ne m’avez répondu que sur le délai. Or j’ai également appelé votre attention sur le fait que, dans le texte initial, il s’agissait d’une expérimentation. Même si nous avons parfois quelques doutes sur les expérimentations, celle-ci nous aurait aidés à savoir si ce fichier permettait d’apporter une vraie réponse à ces jeunes.

Vous n’avez pas évoqué non plus les organismes auxquels seront adressées ces listes. Mais c’est l’objet du second amendement que j’ai déposé sur cet article et j’y reviendrai dans un instant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Je soutiens l’article 13 nonies A tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale. En effet, beaucoup de municipalités ont créé des maisons de l’emploi, qui sont, en général, des maisons des entreprises et de l’emploi. Le fait de pouvoir s’occuper des jeunes dès qu’ils commencent à déraper est essentiel.

Mme Annie David. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Pierre Fourcade. Comme l’a dit très justement M. le secrétaire d’État, si on laisse ces jeunes à l’abandon pendant plusieurs années, il est très difficile ensuite de les rattraper.

Or, à partir du moment où existent des maisons de l’emploi, il faut faciliter les liaisons entre celles-ci et Pôle emploi, et je souhaite que M. le secrétaire d'État fasse d’importants efforts en ce sens. J’ai constaté, notamment dans ma ville, quelques réticences et certaines difficultés à cet égard, chacun, service public ou non, voulant surtout non pas s’occuper des jeunes en difficulté, mais défendre ses prérogatives, estimant qu’il est seul compétent pour s’occuper de l’emploi des jeunes.

Le texte qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale me paraît bon. Plus on pourra écourter la période de dérapage des jeunes, faire travailler ensemble les maisons de l’emploi, Pôle emploi et les entreprises privées, auxquels seront confiées des missions de collecte et d’études sur un certain nombre d’emplois difficiles, mieux on pourra apporter des solutions concrètes sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle, comme nombre de mes collègues, je voterai contre l’amendement qui nous est présenté. (M. Alain Gournac applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mmes David, Gonthier-Maurin, Pasquet et Hoarau, MM. Autain, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'éducation, après les mots :

à des personnes et organismes

insérer les mots :

de droit public ou de droit privé ne poursuivant pas d'intérêt lucratif

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement me permet de revenir sur les propos tenus par M. Fourcade et que, bien sûr, nous partageons. Il faut en effet se préoccuper des jeunes dès qu’ils décrochent, et ne pas attendre qu’ils soient complètement noyés. Sur ce point, nous sommes d’accord. Mais deux questions demeurent.

La première est celle des moyens qui sont donnés à l’éducation nationale pour que ces jeunes-là puissent réussir leur scolarité.

M. Dominique Braye. Elle a suffisamment d’argent !

Mme Annie David. La seconde question, qui fait l’objet de cet amendement, a trait aux organismes et aux personnes qui seront destinataires des listes.

S’il s’agit d’organismes de droit public ou de droit privé ne poursuivant pas d’intérêt lucratif, nous n’y sommes pas opposés. Mais nous craignons que ces listes n’aillent à certains organismes privés qui font de l’argent à bon compte sur le dos des jeunes en difficulté, plutôt qu’aux maisons de l’emploi, à Pôle emploi ou dans les missions locales.

Pour pourquoi nous demandons l’insertion dans l’article 13 nonies A de la notion d’organismes de droit public ou de droit privé ne poursuivant pas d’intérêt lucratif. Puisque nous sommes, me semble-t-il, tous d’accord sur ce point, notre amendement devrait pouvoir être adopté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà dit pour faire en sorte que la passivité ne soit plus de mise.

Concernant la transmission des informations, je fais confiance à la sagacité et au jugement du représentant de l’État dans le département, le préfet, qui aura la responsabilité du dispositif, pour ne pas transmettre ces informations à des organismes qui n’auraient pas pour mission essentielle l’insertion des jeunes.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.