M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Retailleau, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.

En ce qui concerne l’amendement n° 36 rectifié, nous n’avons pas voulu privilégier un niveau de collectivité territoriale par rapport à l’autre : département ou région, les débats sont complexes.

Nous avons préféré, sans préjuger du contenu d’un certain nombre de textes qui pourraient venir dès la rentrée sur la réforme des collectivités territoriales, proposer une solution très ouverte, pour que chaque territoire puisse s’organiser comme il l’entend. Le schéma doit pouvoir être élaboré, selon ce qui paraît le plus opportun, au niveau régional, au niveau départemental, voire par un syndicat mixte.

Nous sommes encore plus hostiles à l’amendement n° 37 rectifié, qui tend à faire participer les établissements publics de coopération intercommunale compétents à l’élaboration du schéma.

En effet, autant nous avons prévu d’associer les EPCI compétents au titre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales car cela ne pose aucun problème, autant nous souhaitons que les schémas soient élaborés au plus petit échelon possible – en général, le département – qui permette une péréquation entre des zones denses et d’autres qui le sont moins.

Je pense que cela correspond à l’esprit même de la proposition de loi de Xavier Pintat.

Nous souhaitons surtout que ces schémas soient élaborés par les collectivités ayant la responsabilité de l’ensemble du périmètre, département ou syndicat mixte. Or l’amendement, s’il était adopté, reviendrait au contraire à fragmenter ces schémas.

Le fait que les établissements publics de coopération intercommunale soient associés ne pose donc aucun problème, mais ce n’est pas eux qui doivent élaborer le schéma car il faut pour cela une taille et un périmètre minimums.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Défavorable aux deux amendements, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. Les arguments avancés par M. le rapporteur sur l’amendement n° 37 rectifié peuvent effectivement être pris en compte ; nous le retirons donc. En revanche, nous maintenons l’amendement n°  36 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 36 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. J’étais moi aussi hostile à l’amendement n° 37 rectifié, pour les mêmes motifs que ceux que M. le rapporteur a invoqués car il se serait agi de « saucissonner » les compétences, alors que l’on a besoin d’un périmètre pertinent. En effet, pour la technologie comme pour la couverture, il faut un espace adapté, ce qui, à l’évidence, ne semble pas être le cas de l’EPCI.

En ce qui concerne, en revanche, l’amendement n° 36 rectifié, la région a montré, en matière de technologie mobile, qu’elle pouvait être un chef de file pertinent, même si elle est ensuite associée aux départements.

Il convient également, à l’échelle de plusieurs départements, de raisonner en termes de bassin de vie. Pour ces raisons, je suis plutôt favorable à l’amendement n° 36 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je suis tout à fait en accord avec ce qui a été dit par M. le rapporteur, mais je signalerai tout de même une difficulté.

Il faut en effet se rappeler que chaque région et chaque département sont particuliers. Nous avons donc, sur le territoire national, plus de cent vingt particularismes ! (Sourires.)

Tout le monde n’avance pas forcément à la même vitesse et, à l’intérieur d’une même région, là non plus tout ne progresse pas de façon homogène. Vous pouvez parfaitement élaborer un schéma départemental, et voir la région se décider, un an plus tard, à faire, elle aussi, un schéma.

Dès lors, que se passera-t-il ? Ce nouveau schéma couvrira-t-il la totalité des départements moins un, ou bien inclura-t-il aussi celui qui a déjà établi un schéma, dont la réalisation peut être déjà bien avancée ?

Bref, tout cela n’est pas simple, mais, pour le moment, il faut vivre avec ! Je pense, et j’espère, que nous arriverons un jour, dans le cadre de la réorganisation territoriale, à clarifier ces différentes formules. En effet, en l’état actuel des choses, nous risquons d’aller au-devant de quelques difficultés et le résultat ne sera pas forcément à l’avantage du citoyen !

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. J’espère que notre collègue Doligé tiendra le même raisonnement lorsque, à l’automne, nous discuterons de la répartition des compétences entre les régions et les départements…

Les difficultés qu’il signale sont réelles. De fait, on a vu certaines régions se désintéresser du haut débit. Aujourd'hui, aucune ne s’exposerait au ridicule de ne pas prendre très à cœur cette technologie.

Je comprends que l’on souhaite, en s’en tenant à la situation actuelle, ne pas privilégier une solution par rapport à une autre, pour autant, je ne crois pas que ce serait obérer par trop les débats que nous aurons à l’automne que de prévoir dès maintenant que ce soit la région qui s’empare de ce problème, tout en maintenant la nécessité de schémas de secteur départementaux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :

syndicat mixte

insérer les mots :

ou syndicat de communes, existant ou créé à cet effet,

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à combler ce qui m’apparaît comme un simple oubli rédactionnel. En effet, le présent article stipule que les schémas directeurs peuvent être élaborés par la région, le département et les syndicats mixtes, mais il ne prévoit pas le cas des syndicats de communes.

Je propose donc que ces derniers, dès lors qu’ils ont une compétence qui couvre au moins un département, puissent le faire. Je connais, dans mon département, un syndicat d’électricité et du gaz qui couvre toutes les communes du département. Je ne vois pas pourquoi un tel syndicat ne pourrait pas, lui aussi, et d’autant plus s’il a une grande compétence en la matière, élaborer un schéma !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission de l’économie. La commission avait à l’origine émis un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois une incertitude juridique demeurait.

Vérification faite, la précision est absolument nécessaire si l’on veut éviter la confusion dans les intercommunalités. Tout le monde comprendra donc, et en particulier les membres de la commission, qu’en réalité, sur le plan juridique, il est tout à fait fondé d’émettre un avis favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Selon notre propre analyse, la notion de syndicat mixte doit permettre d’englober l’ensemble des structures de coopération entre collectivités ; mais il semble que, au terme de son analyse juridique, la commission n’ait pas abouti à la même conclusion…

Dans ces conditions, je m’en remets, sur l’amendement n° 18, à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Pintat, Etienne et J. Blanc, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :

dans les départements ou la région concernés

insérer les mots :

, les autorités organisatrices mentionnées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales,

La parole est à M. Xavier Pintat.

M. Xavier Pintat. Cet amendement vise à associer explicitement les autorités organisatrices de la distribution électrique à l’élaboration du schéma directeur territorial d’aménagement numérique. Elles disposent en effet d’une expertise incontournable pour optimiser le déploiement de la fibre optique sur notre territoire.

D’une bonne collaboration avec ces autorités dépend la meilleure maîtrise des coûts en infrastructures de génie civil pour accueillir les câbles de fibre optique. Prévoir leur participation à l’élaboration de ce document stratégique peut donc constituer une source d’économies et de cohérence.

En un autre temps, et en qualité de rapporteur, notre collègue Gérard Larcher, aujourd'hui président du Sénat, avait lui-même défendu un amendement visant à mutualiser les tranchées d’électricité. (M. le président du Sénat sourit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Juridiquement, et stricto sensu, le texte actuel couvre le cas envisagé lorsque les autorités concédantes sont des syndicats mixtes.

Il nous paraît toutefois intéressant de donner une suite favorable à cet amendement de Xavier Pintat pour bien indiquer qu’il faut profiter du déploiement de tous les réseaux : les travaux d’électricité, d’eau ou encore de gaz constituent autant d’occasions de développer, notamment à travers le génie civil, la fibre optique.

C’est dans cet esprit, et en se fondant davantage sur des raisons pragmatiques que sur des arguments rigoureusement juridiques, que la commission se déclare par conséquent favorable à l’amendement de notre collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. La position du Gouvernement était initialement défavorable, parce que cette proposition lui paraissait redondante.

Cependant, compte tenu de la personnalité du sénateur Pintat, de son engagement fort, puisqu’il fut à l’initiative de cette proposition de loi, et de son parcours personnel, nous estimons pouvoir nous en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Il est vrai que la personnalité de M. Pintat ne saurait être mise en cause, au contraire ! (Sourires.)

M. Robert del Picchia. Vous avez cosigné l’amendement !

M. Jacques Blanc. On peut tout de même ajouter, puisqu’il s’agit d’un problème très concret, que ce sont les syndicats départementaux – pour la plupart, ils couvrent l’ensemble du territoire du département – qui décident de l’enfouissement des lignes basse tension, car elles leur appartiennent. Dès lors, il vaut mieux qu’ils soient en mesure de donner leur accord pour que des fibres optiques soient posées en même temps !

En outre, beaucoup de ces syndicats ont des compétences élargies, par exemple à l’eau. Ils sont donc vraiment au cœur de toute la problématique des réseaux et, de ce fait, représentent un lieu de décision tout à fait pertinent !

De plus, mes chers collègues, il faudra bien faire demain pour le haut et le très haut débit ce que l’on a fait hier pour l’électricité. Aussi, j’espère que le fonds qui va être créé deviendra un jour, comme d’ailleurs le président du conseil général de la Lozère l’avait demandé, un véritable FACÉ, fonds d'amortissement des charges d'électrification.

M. le président. C’est de la publicité personnelle, mon cher collègue ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. C’est de l’apologie !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis.

(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article 1er.

M. Michel Teston. Mes chers collègues, les technologies de l’information et de la communication, ou TIC, peuvent être considérées comme des biens particuliers, car elles remplissent un véritable rôle social, économique et culturel et sont un facteur de cohésion territoriale.

Leur développement peut donc être une source de cohésion sociale, d’attractivité et de compétitivité territoriale mais aussi d’injustice, si les seules forces du marché sont à l’œuvre. C’est tout particulièrement vrai de l’internet à haut et très haut débit, au point que l’expression « fracture numérique » soit désormais consacrée.

Dans un tel contexte, comment prétendre légiférer sur le sujet sans prendre les moyens d’une réflexion sur les contours même du service universel ? Ne serait-il pas hypocrite de mettre en place un « fonds d’aménagement numérique des territoires » permettant « l’accès de l’ensemble de la population aux communications électroniques en très haut débit à un coût raisonnable » – ce sont les termes de l’article 4 de la proposition de loi – sans donner de traduction juridique à cet objectif ? Enfin, ne faudrait-il pas se mettre en conformité avec l’un des principes essentiels des services publics, à savoir l’adaptabilité ?

Même la Commission européenne, que l’on ne pourra soupçonner de zèle en matière de promotion des services publics, a reconnu dans un rapport du 25 septembre dernier la nécessité de réviser la notion de service universel pour l’adapter aux réalités technologiques d’aujourd’hui !

Le haut débit pourrait, selon la Commission, devenir un facteur d’exclusion sociale, puisque, à court terme, le bas débit ne satisfera plus à l’exigence posée dans la directive et ne sera pas « suffisant pour permettre un accès fonctionnel à internet ».

Aussi, un certain nombre d’États s’engagent dès à présent. J’ai cité l’exemple du plan Digital Britain, par lequel le gouvernement britannique s’est engagé à mettre en place en 2012 un service universel à 2 mégabits par seconde.

Or la commission des finances a déclaré irrecevable un amendement que j’avais déposé tendant à élargir le champ du service universel à l’internet à haut et très haut débit. Nous le regrettons fortement, car, sans définition claire légitimant l’action politique dans ce domaine, la proposition de loi risque de n’avoir qu’une valeur déclarative et incantatoire.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire cela.

D’abord, en Grande-Bretagne, les accès sont bien inférieurs aux nôtres : 10 % de la population n’a même pas accès au 512 kilobits par seconde !

Par ailleurs, nous n’attendons pas 2012 pour mettre en place le service universel haut débit. L’appel à labellisations a été lancé, quatre candidatures ont déjà été déposées, et la labellisation commencera au mois de septembre, si bien qu’en réalité les offres seront disponibles dès octobre même si, techniquement, le lancement doit avoir lieu le 1er janvier 2010.

À partir du 1er janvier 2010 sera donc disponible partout en France une offre haut débit à moins de 35 euros par mois tout compris, c’est-à-dire, éventuellement, location du matériel incluse quand ce sera une offre satellitaire.

L’appel à projets a été lancé sur la base de 512 kilobits par seconde, mais d’ores et déjà deux des quatre opérateurs qui se sont portés candidats ont annoncé leur intention de proposer 2 mégabits par seconde.

Ce que nous préparons est donc, pardonnez-moi, mieux que ce que prévoient les Anglais ! (M. Robert del Picchia applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique
Article 3

Article 2

M. le président. L’article 2 a été supprimé par la commission.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique
Article 4

Article 3

M. le président. L’article 3 a été supprimé par la commission.

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique
Article additionnel après l'article 4

Article 4

I. - Le fonds d'aménagement numérique des territoires a pour objet de contribuer au financement de certains travaux de réalisation des ouvrages prévus par les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique.

Le comité national de gestion du fonds est constitué à parts égales de représentants de l'État, de représentants des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et télécommunications électroniques et de représentants des collectivités ou syndicats mixtes ayant participé à l'élaboration de schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique. Ses membres sont nommés par décret.

Dans les zones déterminées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les aides accordées par le fonds d'aménagement numérique des territoires aux maîtres d'ouvrages des travaux prévus par les schémas directeurs d'aménagement numérique sont destinées à permettre l'accès de l'ensemble de la population aux communications électroniques en très haut débit à un coût raisonnable. Elles sont déterminées par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre chargé des communications électroniques pris après avis du comité national de gestion du fonds de façon à assurer l'équilibre financier des programmes de travaux des maîtres d'ouvrages bénéficiaires, en encourageant la péréquation des coûts et des recettes sur le périmètre de chacun des schémas directeurs concernés.

La gestion comptable et financière du fonds d'aménagement numérique des territoires est assurée par la Caisse des dépôts et consignations dans un compte spécifique distinct du compte mentionné au III de l'article L. 35-3 du code des postes et communications électroniques. Les contributions des opérateurs sont recouvrées par la caisse selon les modalités prévues pour le recouvrement des créances de cet établissement.

II. - Le fonds d'aménagement numérique des territoires est constitué et les membres de son comité national de gestion sont nommés dans un délai de douze mois après la publication de la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, sur l'article.

M. Pierre Hérisson. Lors de l’examen de l’article 4, la commission de l'économie s’est prononcée en faveur de la création du fonds d’aménagement numérique des territoires.

Il me paraît normal que la Haute Assemblée jette les bases d’un tel fonds d’aménagement, numérique ou autre, et en pose les principes. Toutefois, sur proposition de notre excellent rapporteur, un amendement tend à supprimer une taxe sur les opérateurs. Là aussi, il faut bien comprendre nos raisons, et je ne voudrais pas qu’à l’issue du débat on en reste à l’idée que nous avons refusé de créer la recette affectée qui permettra le fonctionnement de ce fonds.

Je rappelle que se posera dans quelques semaines la question de l’utilisation des moyens mobilisés par le grand emprunt d’État. De plus, comme l’a précisé tout à l’heure M. Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, il sera également possible de faire appel aux fonds structurels européens et aux fonds du plan de relance européen. J’imagine que, tout à l’heure, Mme la secrétaire d’État évoquera les fonds du plan de relance qui ont déjà été affectés à ce type d’activité.

Les possibilités sont donc diverses, et nous devons peut-être mieux cerner les moyens existants que nous n’avons eu l’habitude de le faire dans le passé.

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, je vous invite à œuvrer pour que la Haute Assemblée pose véritablement les bases du fonds d’aménagement numérique des territoires.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. J’ai souhaité remettre en cause la création du fonds d’aménagement numérique, qui m’apparaît prématurée et suscite de ma part une triple inquiétude.

Première inquiétude, la perspective d’une taxation ou d’un prélèvement particulier : voilà qui risque d’annihiler les efforts consentis par les investisseurs privés. La commission m’a répondu en retenant une solution autre.

Deuxième inquiétude, la participation de l’État, toujours possible : en repassant le mistigri à l’État, on interdirait toute initiative aux opérateurs privés.

Troisième inquiétude, le caractère d’anticipation que revêt la création du fonds.

Le Président de la République et le Premier ministre ont fixé l’orientation - un grand emprunt national - et chargé une commission de hiérarchiser les projets d’avenir susceptibles d’être financés par cet emprunt. Et notre assemblée voudrait trancher la question dès aujourd’hui ?

J’avoue que j’ai bien du mal à comprendre que l’on puisse se livrer à cet exercice aussi prématurément !

En cette journée anniversaire où il est beaucoup question d’Apollo XI, je ne résiste pas à l’envie de rapprocher deux chiffres : ce programme spatial, voilà quarante ans, a coûté au total l’équivalent de 115 milliards d’euros ; notre déficit budgétaire atteindra, cette année, 120 milliards d’euros…

Aussi, mes chers collègues, ne chargeons pas trop la barque ! L’intention est louable, la volonté d’agir est réelle, alors, trouvons les moyens correspondants ! Pour ma part, je trouve un peu trop flous ceux que l’on nous propose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Retailleau, rapporteur. L’avis de la commission sera bien sûr défavorable sur cet amendement de suppression.

Je comprends parfaitement, et nous avons suivi cette voie, que l’on refuse de taxer les opérateurs au moment précis où nous avons besoin de leur effort d’investissement pour lancer la phase de déploiement, lequel en est encore, en France, à ses balbutiements : notre taux de connexion à la fibre s’écrit avec moins de deux chiffres, alors qu’il est de 48 % au Japon et de 43 % en Corée. Cette « Nouvelle frontière », pour filer la métaphore d’Apollo XI, le grand chantier du xxie siècle, c’est le grand réseau.

Pour autant, nous avons souhaité maintenir le fonds d’aménagement numérique et, effectivement, pouvoir anticiper. Nous envoyons ainsi un message clair à l’État à propos des zones qui ne sont pas rentables.

La discussion va s’engager, mais je peux d’ores et déjà affirmer qu’il ne s’agit pas de mettre un euro d’argent public dans des zones qui seront rentables. Soyez rassuré, monsieur Dominati, notre philosophie nous prémunit contre ce genre de dérive !

Mais peut-on penser un seul instant, mes chers collègues, que, pour cette Nouvelle frontière, pour ce grand réseau de nouvelle génération, l’implication de l’État ne sera pas nécessaire dans les zones peu denses, alors que ce sera un investissement capital en termes d’attractivité et de compétitivité ? Le Sénat n’est-il pas dans son rôle en anticipant et en prévoyant dès aujourd'hui ce que devra être demain l’équipement des territoires ?

J’aurais aimé pouvoir relire à Philippe Dominati la page 37 du rapport, où l’on rappelle comment les grands réseaux se sont réalisés depuis le xixe siècle en France, aussi bien pour les chemins de fer que pour l’électrification et pour le réseau de cuivre. D’ailleurs, c’est de ce dernier qu’il est question en ce moment même : l’ADSL ou le VDSL, c’est toujours le réseau de cuivre dont le déploiement a commencé au xixe siècle !

Or systématiquement, y compris au xixe siècle, ce sont des opérateurs privés qui ont commencé avant que, très vite, l’État ne prenne le relais et, non moins systématiquement, n’assume une péréquation. La raison en est simple : c’est un investissement rentable. C’est, si j’ose dire, de la bonne dépense publique. D’autres seraient mieux placés que moi pour développer une pédagogie de la bonne et la mauvaise dépense publique ; je reste convaincu que, en l’espèce, il s’agit d’une bonne dépense et que cet investissement procurera en retour un flux de revenus pour les territoires concernés, mais aussi pour la communauté nationale tout entière.

Telle est la raison pour laquelle la commission tient très fermement à l’institution de ce fonds.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. J’entends bien les arguments de M. Dominati.

Effectivement, le déploiement de la fibre optique ne fait que commencer et il faut laisser le champ libre aux investissements. C’est d’autant plus nécessaire que, parce que le modèle économique peine à se trouver, les investisseurs peinent eux-mêmes à se lancer. Au demeurant, notre action est orientée pour l’essentiel vers la définition du cadre qui permettra à tous les acteurs, quels qu’ils soient, mais notamment privés, d’investir le plus et le plus vite possible.

Pour autant, il est bien évident que, dans certaines parties du territoire, en particulier en zone III, rien ou pas grand-chose ne pourra se faire sans intervention publique, sans investissement public.

M. Jacques Blanc. Très bien !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Aussi, je comprends le souhait exprimé par plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de créer d’ores et déjà le moyen juridique, le réceptacle pour accueillir ces fonds. Je le comprends d’autant mieux qu’il est question de crédits européens liés au plan de relance européen et de moyens nationaux mobilisables dans le cadre de l’emprunt national.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, eu égard à l’équilibre proposé par la commission.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 50 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.

L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau, Raoul, Patriat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du premier alinéa et dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I et au début du II de cet article, remplacer les mots :

fonds d'aménagement

par les mots :

fonds de péréquation pour l'aménagement

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Comme nous le répétons depuis le début de cette discussion, l’enjeu en matière de haut débit est la péréquation entre les territoires denses, et souvent riches, et les territoires peu denses, et souvent sans grands moyens financiers.

Nous vous avons déjà fait part de notre ambition de mettre en place un service universel pour le haut débit et le très haut débit. Nous souhaitons que soit étudiée la possibilité d’aider financièrement les ménages qui, tout en maintenant la vie et l’activité dans nos territoires ruraux, risquent d’en payer le prix par une impossibilité d’accéder à internet et à tous les usages, notamment professionnels, qui peuvent en découler.

Il est indiqué à la page 78 du rapport que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, a « approuvé le caractère péréquateur du fonds, ainsi que la constitution du comité national de gestion du fonds. »

Mais comment y croire alors que ne se dégage de la proposition de loi aucune règle nette pour la répartition des crédits du fonds, du moins s’il est alimenté ? Le caractère péréquateur de ce fonds doit donc apparaître clairement dans la loi.

Cet amendement n’a pas une simple portée rédactionnelle, mes chers collègues. Si vous consentez à l’approuver, vous nous montrerez que vous êtes sincèrement décidés à aider nos territoires.