M. Paul Raoult. Plusieurs d’entre nous le constatent au quotidien : nous avons un déficit de matière grise, de personnels qualifiés, capables de porter ces projets du début à la fin. De plus, nous faisons souvent face à une réticence, sinon à un refus, dès lors que l’on parle des frais de fonctionnement à des communes ou des communautés de communes.

Pourtant, rien ne peut se faire sans le soutien de personnes d’expérience, surtout lorsque des dossiers impliquent des entreprises privées et de l’activité économique. Cela entre forcément dans le champ de la concurrence et de l’économie marchande et exige une technicité de niveau supérieur.

Deuxièmement, ces dossiers sont souvent portés par des intercommunalités dont la surface financière est beaucoup trop faible par rapport aux montants engagés dans le projet, ce qui pose des problèmes de trésorerie en attendant le versement des subventions. Dans le cas que j’ai évoqué, deux communautés de communes rurales, Maroilles et les Deux-Helpes, avaient monté le projet.

Comment faire pour que plusieurs communautés de communes puissent se réunir sur un même projet économique et le soutenir ?

En la matière, on sait les difficultés institutionnelles, et ne parlons pas des délibérations en attente de l’une ou de l’autre intercommunalité avant d’arriver au même objectif. Ce sont donc des éléments sur lesquels je vous invite à réfléchir, mes chers collègues. C’est pourquoi on ne peut engager ces actions que s’il y a un franc soutien des départements et des régions.

Il faut impliquer beaucoup plus en amont les conseils généraux et les conseils régionaux afin d’obtenir leur appui en matière de financement et peut-être même d’ingénierie. Les collectivités territoriales ne peuvent pas être considérées comme de simples distributeurs de subventions. En effet, même si des réticences existaient au départ, car on considérait que l’État lançait les projets, il s’agit en réalité de projets d’intérêt général sur l’initiative de l’État et des communes.

Troisièmement, nous n’avons pas, en France, une longue tradition de culture partenariale entre le privé et le public. Il existe même un climat de méfiance réciproque entre ces secteurs. Il faut évacuer ce problème qui est sans doute d’ordre culturel.

Il faut également s’assurer de la validité de la pertinence du projet économique dans un monde de concurrence exacerbée, trouver de bons techniciens de fabrication, de bons commerciaux et consolider la niche de production. Dans le cas présent, je pense à l’agroalimentaire bio.

Il ne s’agit pas d’une tâche facile. Elle demande du temps. La période de décollage économique exige à la fois du savoir-faire, de la précision, des fonds de trésorerie en attendant que les résultats commerciaux s’affirment au fil des semaines. Sans doute faut-il un peu plus de rigueur et des études de marché un peu plus approfondies.

Voilà les quelques réflexions, qui ne se veulent pas défaitistes, que je voulais faire. Avant tout, je pense qu’il faut pouvoir tirer les leçons des expériences qui ont échoué. Peut-être faut-il promouvoir des projets plus simples, plus basiques, sans risques inconsidérés comme les relais de services publics en zone rurale. La mutualisation des services publics est en effet une chose souhaitable de même que la création de maisons médicales pour répondre à la désertification de certains secteurs.

L’idée de pôles d’excellence rurale doit être approfondie afin de créer une véritable dynamique rassemblant tous les partenaires d’un même territoire. À cet égard, il y a des pistes de réflexion intéressante dans le cadre du Grenelle. Ainsi, je suis persuadé que l’on peut faire émerger des projets territoriaux autour des économies d’énergie, des projets d’énergie renouvelable comme la biomasse ou le bois déchiqueté, que nous avons mis en place dans le parc naturel régional de l’Avesnois. Ces projets peuvent avoir des effets positifs en termes environnementaux – je pense au maintien des haies – et de créations d’emplois.

Pour cela, il faut une expression politique forte. Peut-être est-il également nécessaire de se demander comment mieux définir les conditions du développement local en milieu rural. Nous sommes en effet passés d’une politique qui visait à l’égalité des territoires et à la cohésion territoriale – c’est la période de la DATAR – à une politique de mobilisation des territoires comme facteur de croissance, au risque d’augmenter les déséquilibres.

Peut-on dans une même politique viser à la fois l’efficacité avec une concentration spatiale de la production et l’égalité avec la répartition des revenus ? C’est bien la question de fond qui nous est posée. Prenons donc garde que le développement ait bien lieu dans l’ensemble des régions, surtout les plus déshéritées !

Pour terminer, je voudrais aborder une question qui m’interpelle de plus en plus, celle des régions rurales périurbaines. Celles-ci connaissent aujourd’hui une forte augmentation de leur population et évoluent vers une économie purement résidentielle, peu productive, sans mixité sociale. Cela peut apparaître comme une espèce de ségrégation où la production se ferait dans des secteurs donnés, souvent urbains d’ailleurs.

Certains de ces territoires ont des problèmes sociaux difficiles à gérer ; d’autres, plus résidentiels, ont la chance d’avoir des revenus importants et donc la possibilité de pouvoir faire vivre ces régions à travers des échanges commerciaux. Cela conduit parfois, surtout lorsque la taxe professionnelle devient une taxe professionnelle unique ou lorsqu’on parle de la supprimer, à vouloir rester entre soi et à refuser qu’une entreprise ou une usine s’installe.

Cette évolution me paraît dangereuse pour la cohésion territoriale et sociale de notre pays. Hélas ! tel est le constat que je fais dans mon secteur. Prenons-y garde, car la dissociation entre la production et le revenu par habitant, qui peut être élevé, tend à accroître les différences territoriales de façon extrêmement importante. Je pense qu’il s’agit là d’un sujet de fond auquel il faudra réfléchir dans les années à venir.

Quoi qu’il en soit, je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques pour l’organisation de ce débat. Il nous permet de faire un point d’étape sur des projets qui méritent une attention particulière. Ces projets sont tellement porteurs d’espoir qu’il faudra les affiner, les approfondir et assurer leur succès pour demain. C’est l’avenir des zones rurales qui en dépend. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à partir du moment où les pouvoirs publics avaient créé des pôles de compétitivité en zone urbaine, une initiative similaire était souhaitée et très attendue pour les zones rurales. Ce fut mis en œuvre en 2005, puisque M. Christian Estrosi, alors ministre délégué à l’aménagement du territoire, avait annoncé la création officielle des pôles d’excellence rurale, les PER, au cours du comité interministériel du 14 octobre 2005.

Comme l’ont précisé les orateurs précédents, et particulièrement notre collègue Jean Boyer, auteur de la demande d’inscription de ce débat à notre ordre du jour, force est de reconnaître que ces PER ont connu un très grand succès. Depuis lors, plus de 800 projets ont été présentés et 379 d’entre eux ont été labellisés, générant plus de 1 milliard d’euros d’investissements, ce qui a permis, suivant les indications que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d’État, de créer ou de maintenir au moins 30 000 emplois dans les zones rurales concernées.

Ces PER ont permis de soutenir des initiatives innovantes de développement portées par des territoires ruraux dans des domaines aussi divers que les bio-ressources, le développement des services au public, la promotion des patrimoines naturels, culturels ou touristiques, le développement d’entreprises existantes.

Dans mon département, la Meuse, quatre projets de PER ont été labellisés. Je remercie encore le Gouvernement d’avoir pris en compte celui que j’ai porté, concernant un syndicat d’initiative transfrontalier à vocation touristique rassemblant des collectivités et des associations de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, de la Belgique et du Luxembourg. (Mme Nathalie Goulet évoque la Haute-Normandie et la Basse-Normandie.) Je ne sais si l’on peut comparer avec la Basse-Normandie et la Haute-Normandie, même s’il n’y a pas davantage de douaniers dans l’une ou l’autre région, néanmoins nous avons quelquefois des politiques différentes et, en l’occurrence, nous sommes parvenus à les rapprocher. Il me paraissait important de citer cette initiative, qui est une première en la matière.

Je ne peux que me féliciter de la création de ces pôles, qui ont donné aux élus un moyen très intéressant pour avancer dans le sens du développement économique de leurs territoires ruraux, même si leur mise en œuvre n’a pas toujours été aisée.

En effet, le formalisme administratif tellement répandu dans notre pays et des délais sans doute un peu trop serrés ne nous ont pas toujours permis de démarrer en temps et en heure tous les projets qui étaient envisagés. Je dois cependant reconnaître que votre administration est très conciliante lorsque nous la sollicitons, monsieur le secrétaire d’État, et qu’elle nous a accordé des délais supplémentaires, ce dont je ne peux que vous remercier.

Il est un autre écueil quelque peu inattendu auquel nous avons eu à faire face, il est vrai avant la crise financière et économique qui frappe aujourd’hui notre pays, contribuant à l’allongement des délais de réalisation des projets d’investissement : je veux parler de la propension des entreprises à ne pas répondre très vite à nos appels d’offres, sans doute parce que leurs carnets de commandes étaient, à l’époque, bien remplis – ceci a bien changé depuis, nous le savons.

C’est peut-être l’une des causes du retard que l’on a pu observer dans le démarrage des dossiers, à laquelle s’est ajoutée la question du financement au début de la crise financière.

Nous avions bien compris que les financements d’État accompagnant les pôles d’excellence rurale ne comportaient pas de crédits nouveaux ou de crédits supplémentaires et qu’ils consistaient, en réalité, à concentrer et à flécher les crédits existants à destination des projets portés par les PER. Ces crédits sont d’ailleurs versés dès le dépôt de nos demandes, dans des conditions tout à fait opérationnelles.

J’observe, par ailleurs, que les PER ne financent que des dépenses d’investissement et n’apportent pas, en tant que de besoin, les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements construits, ce qui constitue peut-être une lacune qu’il conviendrait de combler.

En outre, puisque nous sommes au cœur de l’application du plan de relance économique mis en œuvre par le Gouvernement, je pense qu’il serait tout à fait opportun de poursuivre l’expérience des PER en labellisant de nouveaux projets ou, mieux encore, en autorisant des tranches supplémentaires pour les pôles qui sont en cours d’exécution.

Croyez bien que si vous preniez une telle initiative, monsieur le secrétaire d’État, vous seriez certainement soutenu par l’ensemble de notre assemblée. J’en profite pour vous remercier d’avoir autorisé certaines modifications des projets initiaux, quelquefois hâtivement bâtis, afin d’en assurer la réussite. Permettez-moi de vous dire également que je suis d’ores et déjà volontaire pour l’éventuelle prolongation du PER transfrontalier du Nord-Meusien par de nouveaux projets !

Enfin, au-delà des pôles d’excellence rurale, vous ne serez pas étonné que je tente de vous persuader, une fois de plus, de la pertinence de la création des zones franches rurales.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Claude Biwer. Le cahier des charges des pôles d’excellence rurale prévoyait que ceux-ci devaient concerner, notamment, les zones de revitalisation rurale, les ZRR. En réponse à une question de l’un de nos collègues, vous avez déclaré ici même voilà quelques semaines que les ZRR bénéficiaient des mêmes atouts que les zones franches urbaines.

Si tel était le cas, monsieur le secrétaire d’État, je ne me serais pas donné la peine de déposer une proposition de loi visant à autoriser les élus qui le souhaitent à transformer leur ZRR en « zone franche rurale ».

En effet, si les ZRR bénéficient des mêmes facilités fiscales que les zones franches urbaines, il leur manque l’essentiel, à savoir l’exonération des cotisations sociales patronales, dont chacun connaît le poids pour les entreprises.

J’avais pris l’initiative de déposer cette proposition de loi afin que les entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales implantés aujourd’hui en ZRR – et demain, pourquoi pas, en zone franche rurale – puissent bénéficier des allégements de cotisations sociales patronales qui ne s’appliquent actuellement que dans les zones franches urbaines.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour m’aider à faire aboutir cette proposition de loi, qui compléterait à merveille le dispositif des pôles d’excellence rurale dans la mesure où les collectivités locales s’engageraient et œuvreraient véritablement à l’aboutissement des projets.

Ces projets s’intégrant dans les PER et complétant les outils de développement de notre territoire sont représentatifs d’une véritable politique industrielle à l’échelle de nos zones rurales.

Nous vous encourageons à poursuivre et à développer cette ouverture intéressante, monsieur le secrétaire d’État, et nous sommes pour cela à vos côtés ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier et féliciter notre collègue Jean Boyer d’avoir pris l’initiative de ce débat, afin que nous fassions le point sur les pôles d’excellence rurale.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, je suis très heureux, car je pense que vous pourrez poursuivre votre action forte au service de l’espace rural.

Comme cela a été rappelé tout à l’heure, la création des pôles d’excellence rurale a été annoncée par le gouvernement Villepin, M. Christian Estrosi étant alors ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’est agi d’un véritable choix politique.

En complément des pôles de compétitivité, dispositif bien connu de notre collègue Alain Chatillon, qui fait figure de « grand maître » de ces pôles dans le secteur agroalimentaire, un geste fort en faveur de l’espace rural était attendu. Ce geste est venu : ce fut la décision de prendre en compte et de soutenir les projets innovants dans les territoires ruraux, afin de renforcer la coopération entre les partenaires et de favoriser la création d’emplois.

Un certain nombre de thèmes prioritaires ont été retenus. Je pense notamment à la promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques, à la valorisation et à la gestion des bio-ressources – je précise que cette décision est antérieure au Grenelle de l’environnement –, aux actions en faveur de l’offre de service et de l’accueil des nouvelles populations et au développement des productions industrielles et artisanales.

De telles initiatives ont créé un contexte nouveau et suscité plusieurs évolutions de fond. Un nombre important de territoires, prenant bien la mesure des changements, ont décidé non pas de les subir, mais au contraire d’innover, en utilisant les ressources humaines et naturelles de la vie rurale – l’agriculture en demeure l’un des piliers –, qu’il s’agisse des activités de production ou de service.

D’abord, ces zones connaissent un regain d’attractivité – elles accueillent ainsi de nouveaux résidents –, notamment par rapport aux territoires périurbains. Comme cela a été indiqué, ceux-ci avaient également besoin de continuer à exister tout en maîtrisant des mutations susceptibles de leur faire perdre leur âme.

Ensuite, de nouveaux comportements ou modes de vie apparaissent. Le découplage entre le lieu de travail et le lieu de vie ouvre des perspectives d’installation dans l’espace rural.

Enfin, l’arrivée de nouveaux résidents dans l’espace rural crée une dimension économique nouvelle.

À l’heure où le Gouvernement décidait d’agir fortement en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, il était souhaitable qu’il adresse également un signe en direction des territoires ruraux.

Vous permettrez au sénateur de la Lozère, territoire rural s’il en est – ce ne sont pas nos voisins de l’Aveyron ou d’ailleurs qui me contrediront –, de souligner l’intérêt d’une telle démarche pour un département comme le nôtre.

Nous nous sommes mobilisés pour obtenir sept pôles d’excellence. D’ailleurs, leur variété montre bien les atouts divers de nos zones de montagne. Je rappelle que l’ensemble du département est classé en zone de revitalisation rurale.

Les projets ayant obtenu le label de pôle d’excellence rurale sont les suivants : « Patrimoine naturel, tourisme de découverte et de pleine nature des Gorges du Tarn et de la Jonte », « Hébergement tourisme-sport-loisir-handicap » – premier grand pôle en France et peut-être en Europe pour offrir un accès au sport et aux loisirs aux personnes handicapées –, « Valorisation des bio-ressources par la cogénération à partir de biomasse » et « Valorisation du lait des montagnes de Margeride ». À ces projets de la première génération se sont ajoutés des projets de la deuxième génération : « Télémédecine en zone rurale de montagne », « Structurer et développer le tourisme équestre en Margeride-Aubrac », « Accueil chasse et pêche en Lozère : une dynamique de territoire » – vous voyez que nous savons faire preuve d’ouverture – et « Création d’un éco-site et développement de la filière », projet porté par le syndicat départemental d’électrification et d’équipement de la Lozère, structure chargée de la collecte de l’ensemble des déchets du département et que j’ai l’honneur de présider.

La variété de ces thèmes montre bien la diversité des atouts de cet espace rural, que ces pôles d’excellence rurale ont l’ambition de développer. Appuyons-nous sur une richesse naturelle et sur les hommes pour aller plus loin et créer les chances ! Et cela n’est pas servir seulement l’espace rural !

Comme l’a souligné le Président de la République hier à Versailles, notre société a besoin d’inventer de nouvelles réponses pour le développement durable. Cela passe par un nouvel équilibre et par le maintien en activité d’espaces qui étaient menacés de désertification hier et qui apparaissent à présent comme présentant de nombreux atouts, par exemple leur production agricole ciblée de qualité bio.

Le problème d’ingénierie, qui a été soulevé par l’un de nos collègues, est un problème important dans ces zones. Il faut prendre en main son propre destin. Si nous ne l’avions pas fait dans le département de la Lozère, j’ignore où nous en serions aujourd'hui.

Par chance, en 1993, sous le gouvernement Balladur, un comité interministériel a consacré la vocation d’action sanitaire et sociale de la Lozère, vocation qui s’est concrétisée dans un autre pôle d’excellence rurale. Ensuite, nous avons eu le plan Delevoye, qui a permis de financer des opérations d’aménagement. M. de Villepin est également venu pour consacrer de telles perspectives.

Nous avons bien pris conscience que notre sort dépendait de notre capacité. Il s’agit non pas de demander aux autres d’inventer les atouts de notre développement, mais de nous projeter nous-mêmes dans l’avenir, en imaginant de nouveaux modèles de développement rural.

Pour cela, nous avons besoin de soutien. Comment voulez-vous qu’un département comme la Lozère puisse apporter les financements nécessaires sur la seule base de sa fiscalité locale ? En l’occurrence, il s’agit d’investissements porteurs d’avenir, et non de quelconques dispositifs d’assistanat.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes venu nous voir, et nous avons apprécié votre visite. J’ignore si l’espace Causses-Cévennes sera classé cette semaine au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais je l’espère. Nous nous sommes mobilisés pour cela et nous avons contribué à promouvoir l’idée de l’agro-pastoralisme à valeur universelle de référence. Je ne sais pas si nous obtiendrons gain de cause, mais je sais combien vous nous avez soutenus.

Peut-être est-il important d’envisager des projets de troisième génération. Ainsi, nous pourrions consacrer certaines réussites de pôles d’excellence existants ou développer des perspectives nouvelles sur des thèmes nouveaux. Je pense notamment au développement durable avec sa triple dimension, sociale, économique et environnementale. Je pense également au thermalisme de santé, du bien-être, et à la mise en valeur d’espaces à protéger pour une cohérence territoriale avec des démarches d’écotourisme. Je pense enfin aux installations d’entreprise en milieu rural qui déploient des activités de service à haute valeur ajoutée ou aux projets d’accueil de nouvelles populations, par exemple les populations handicapées.

C’est donc un vaste chantier qui est encore devant nous. Nous avons franchi des étapes. Notre collègue Jean Boyer proposait des mesures pour éviter que des retards ne soient pénalisés. Je précise d’ailleurs que ces retards sont le plus souvent indépendants de la volonté des porteurs de projets. Il arrive que l’État nous incite à utiliser les crédits alloués avant la fin d’une année civile tout en bloquant la mise en œuvre des actions programmées ! Veillons donc à ne pas pénaliser les porteurs de ces projets.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’aube d’une ère nouvelle dont vous serez, j’en suis certain, un acteur important, il est, me semble-t-il, important que notre pays consacre un aménagement du territoire équilibré. Je vous rappelle que le traité de Lisbonne érige la cohésion territoriale au rang d’objectif de l’Union européenne.

Il est nécessaire de maintenir les mesures prises dans les zones de revitalisation rurale, en particulier l’exonération des charges sociales pour des activités au service des hommes. C’est un dossier capital pour l’avenir de ces zones rurales.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que vous pourrez continuer à agir demain au service de cette ambition : l’équilibre entre les grandes métropoles et l’espace rural dans notre pays. C’est une réponse indispensable aux besoins qu’ont les hommes de se réconcilier avec eux-mêmes et de se retrouver dans un environnement protégé. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour remercier M. Jean Boyer de nous permettre, par ce débat, de dresser un premier bilan des pôles d’excellence rurale.

Mon intervention portera d’abord sur la mise en œuvre des projets, au nombre de trois cent quatre-vingt-dix environ, dont quatre dans le Doubs. On sait très bien que la difficulté majeure est d’assurer la pérennité de leur financement sur le long terme. La récession qui frappe notre pays amène en effet les porteurs de projet à s’interroger sur la durabilité de l’engagement de l’État et des acteurs privés. Ces derniers pourront-ils toujours apporter leur pierre à l’édifice dans quelques mois ? Surtout, s’il devait être décidé, en 2013, de supprimer les fonds européens, une large partie des projets se trouveraient vraisemblablement ruinés. En outre, en période de crise, les collectivités territoriales porteuses de projet pourraient être conduites à se recentrer sur des investissements présentant pour elles une importance vitale.

Je souhaiterais donc que lorsqu’un pôle d’excellence rurale est en difficulté, l’État puisse garantir des emprunts ou attribuer des subventions relais afin d’éviter des licenciements ou une restructuration de l’activité, évoqués par mon collègue Paul Raoult.

Le Gouvernement devrait également nous fournir des indications sur les emplois créés ou maintenus grâce aux pôles d’excellence rurale. Monsieur le secrétaire d'État, existe-t-il des études d’impact des pôles sur l’emploi, y compris à l’extérieur de leurs frontières ? En effet, cette politique de valorisation et de labellisation de pôles correspondant à des investissements lourds, qui ne concerne que certains secteurs du monde rural, ne doit pas laisser de côté les projets élaborés par des collectivités de plus petite taille. Comment répondrons-nous aux attentes de ces dernières ?

Je déplore moi aussi que les dépenses de fonctionnement, en particulier en vue du recrutement et de la formation de salariés se consacrant au développement rural, ne soient pas subventionnées. Ces agents représentent pourtant une ressource humaine indispensable, une matière grise essentielle pour les territoires. Ils ont vocation à dynamiser et à animer les pôles d’excellence rurale, dont plusieurs de ma connaissance, qui n’ont pas été labellisés, ont vu leur activité régresser considérablement faute de pouvoir continuer à rémunérer leurs agents de développement.

De telles subventions de fonctionnement, outre qu’elles seraient très utiles, constitueraient un juste retour des choses, si l’on considère les économies réalisées par l’État et les entreprises publiques aux dépens du monde rural, avec par exemple la disparition des services postaux ou la fusion des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture.

Par ailleurs, l’excellence n’étant pas une fin en soi, je souhaite que les pôles soient des projets pilotes, exemplaires, permettant la diffusion de bonnes pratiques et de modes de développement. Je suis très attaché à ce que ces labels puissent être démultipliés, reproduits sur l’ensemble du territoire, voire franchisés. Dans cette perspective, je suggère que d’autres subventions puissent être accordées, en faveur de collectivités de taille plus modeste ou de projets de plus petite échelle. Monsieur le secrétaire d'État, nous devons avoir l’obsession d’aider les plus faibles,…

M. Martial Bourquin. … de soutenir les territoires les plus délaissés, ceux qui subissent le plus la disparition des services publics et se trouvent aujourd’hui en grande difficulté. Le progrès et l’excellence sont un bienfait s’ils sont partagés par le plus grand nombre. Or le monde rural n’est pas uniforme. Il ne faudrait pas que les pôles d’excellence rurale soient fondés sur le seul souci de la compétitivité et de l’innovation ; le développement rural repose aussi sur la mutualisation des expériences et des moyens, selon un objectif de cohésion sociale.

En effet, pour la plupart des communes, la priorité aujourd'hui est non pas d’atteindre l’excellence, mais d’assurer à leurs habitants des prestations quotidiennes d’une importance vitale. Or, lorsqu’ils sont confrontés à une baisse des dotations de l’État, les élus se demandent comment ils pourront faire vivre demain leur collectivité. L’enjeu est de continuer à bénéficier de services publics qui ne soient pas uniquement dématérialisés. C’est important pour nous !

Telles sont les quelques questions que je souhaitais soulever, monsieur le secrétaire d'État. Le traitement de la fracture territoriale doit constituer une véritable priorité pour le Gouvernement. Les pôles d’excellence rurale sont une bonne initiative, mais l’ensemble du monde rural attend des signes forts et des réponses urgentes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)