Sommaire

Présidence de M. Roger Romani

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux, M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi

3. Dépôt de rapports du gouvernement

4. Questions orales

revalorisation de l'allocation logement temporaire

Question de M. Philippe Madrelle. – Mme Christine Boutin, ministre du logement ; M. Philippe Madrelle.

conditions de vente du patrimoine d'icade, filiale de la cdc

Question de Mme Odette Terrade. – Mmes Christine Boutin, ministre du logement ; Odette Terrade.

route rn 57

Question de M. Claude Jeannerot. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Claude Jeannerot.

mise à deux fois deux voies de la rn 88

Question de M. Jean-Marc Pastor. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Jean-Marc Pastor.

situation des recrutés locaux dans les services extérieurs de la france à caracas

Question de Mme Claudine Lepage. – Mmes Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme ; Claudine Lepage.

redéploiement du réseau rased

Question de M. Hervé Maurey. – Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme ; M. Hervé Maurey.

extension du service civil volontaire

Question de Mme Fabienne Keller. – M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse ; Mme Fabienne Keller.

impact du coût des travaux dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sur le prix de journée dû par les résidents

Question de M. Didier Guillaume. – Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; M. Didier Guillaume.

accueil des enfants de deux à trois ans dans les écoles maternelles

Question de Mme Samia Ghali. – Mmes Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; Samia Ghali.

conséquences pour les apiculteurs de l'introduction de la tenthrède cibdela janthina à la réunion

Question de Mme Anne-Marie Payet. – Mmes Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; Anne-Marie Payet.

vétusté de la maison d'arrêt de la santé

Question de M. Roger Madec. – Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Pierre Sueur, en remplacement de M. Roger Madec.

situation des services de réanimation chirurgicale et médicale de l'hôpital ambroise-paré

Question de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

régulation de l'offre de soins infirmiers dans le département du loiret

Question de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Jean-Pierre Sueur.

montant des retraites agricoles

Question de M. Jean Milhau. – MM. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports ; Jean Milhau.

suppression du bureau de douane de bâle-mulhouse-aéroport

Question de Mme Patricia Schillinger. – M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Patricia Schillinger.

versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à des agents publics licenciés pour faute

Question de Mme Colette Giudicelli. – M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Colette Giudicelli.

coût d'entretien des monuments historiques

Question de M. Yves Détraigne. – Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; M. Yves Détraigne.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

5. Rappel au règlement

MM. Raymond Vall, le président.

6. Débat sur les pôles d’excellence rurale

M. Jean Boyer, au nom de l’Union centriste, auteur de la demande d’inscription à l’ordre du jour.

MM. Gérard Le Cam, Rémy Pointereau, Raymond Vall, Paul Raoult, Claude Biwer.

Suspension et reprise de la séance

MM. Jacques Blanc, Martial Bourquin, Mme Nathalie Goulet, M. Antoine Lefèvre.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

7. Protection de l’enfance. – Discussion d’une question orale avec débat

Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.

M. Dominique de Legge, Mmes Anne-Marie Escoffier, Samia Ghali, Isabelle Pasquet, MM. André Lardeux, Yves Daudigny, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Alima Boumediene-Thiery.

Suspension et reprise de la séance

Mmes Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; Claire-Lise Campion, auteur de la question.

Clôture du débat.

8. Transmission d'un projet de loi

9. Transmission d'une proposition de loi

10. Dépôt d'une proposition de résolution

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Renvoi pour avis

13. Dépôt de rapports

14. Dépôt de textes de commissions

15. Dépôt d'un rapport d'information

16. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roger Romani

vice-président

Secrétaires :

Mme Sylvie Desmarescaux,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, déposée sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 19 mai 2009.

3

Dépôt de rapports du gouvernement

M. le président. Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat les rapports suivants :

- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur l’application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;

- le rapport relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité prévu par l’article 6 de la loi n° 2000 108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ;

- le rapport relatif au plan indicatif pluriannuel des investissements dans le secteur du gaz prévu par l’article 18 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie ;

- le rapport relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production de chaleur prévu par l’article 50 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

Acte est donné du dépôt de ces quatre rapports.

Le premier rapport sera transmis à la commission des affaires culturelles ; les trois derniers rapports seront transmis à la commission des affaires économiques.

Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

4

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

revalorisation de l'allocation logement temporaire

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 518, adressée à Mme la ministre du logement.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le désengagement de l’État a des conséquences dans tous les domaines de la vie publique. Ainsi, les associations subissent de plein fouet ces coupes financières.

Dans le département de la Gironde, nombre d’associations qui travaillent dans le domaine de l’insertion, plus précisément dans celui de l’insertion par le logement, doivent faire face à de graves difficultés financières.

Le dispositif d’accueil en logement temporaire financé par l’allocation logement temporaire, l’ALT, qui est versée à une association risque, à très court terme, de ne plus pouvoir jouer son rôle. Comme vous le savez madame la ministre, le barème de cette allocation, qui dépend de votre ministère, n’a pas progressé depuis 2004, et sa révision pour 2009 sera seulement de 1,6 % !

Face au développement préoccupant de la précarité et de la pauvreté, les associations s’interrogent aujourd’hui sur la pérennité de leurs missions, alors qu’elles croulent véritablement sous les demandes. En Gironde, l’ALT concerne 1 066 personnes pour un parc de 557 logements !

Ce dispositif en déficit fragilise les associations qui travaillent en faveur de l’accueil en urgence des personnes privées de logement. Les personnes qui peuvent bénéficier de l’ALT sont des familles monoparentales, des personnes seules et, souvent, des travailleurs précaires, des personnes isolées présentant des troubles du comportement et de la personnalité.

La mission principale de ces associations qui pratiquent l’accompagnement en ALT est de proposer un hébergement social temporaire, avec un objectif d’insertion durable pour les personnes accueillies.

L’association recherche des logements à loyer réduit pour assurer le logement temporaire ; elle est rémunérée par une allocation en fonction du type de logement. Une participation peut être demandée aux personnes hébergées en fonction de leurs ressources.

Ce système de financement conduit l’association à rechercher des logements à faible loyer, qui sont de plus en plus difficiles à trouver, notamment dans l’agglomération bordelaise. Entre 2004 et 2007, les loyers ont augmenté en moyenne de 15 % !

Du fait du principe de l’ALT, ces associations sont contraintes de devenir des gestionnaires de l’immobilier. Elles effectuent le paiement des charges de plus en plus lourdes et l’entretien des appartements. En outre, la forte dispersion géographique des hébergements, liée à la pénurie de logements, entraîne des conséquences sur l’efficacité du travail effectué par les travailleurs sociaux.

Compte tenu de l’insuffisance de la revalorisation de l’allocation, ajoutée à l’augmentation globale des charges inhérentes au logement, les associations enregistrent aujourd’hui des pertes d’exploitation d’au moins 1 000 euros par an et par ALT ; cette somme correspond à la différence entre les recettes totales et les dépenses totales d’hébergement et de suivi social, rapportée au nombre de mesures financées.

Seule la mise en œuvre d’une revalorisation significative, c’est-à-dire d’au moins 20 % du barème de l’ALT, permettrait aux associations de poursuivre leur mission d’insertion par le logement.

L’allocation logement temporaire doit être recalculée en fonction du prix des logements du parc social toutes charges comprises.

Vous comprendrez aisément, madame la ministre, que les associations ne peuvent et ne pourront se résoudre à abandonner un dispositif qui a le mérite de jouer pleinement son rôle, c’est-à-dire d’être adapté et de répondre à l’urgence des personnes en souffrance. Mais je suis certain que vous le savez très bien !

À ce jour, plus de 50 % des hébergements débouchent sur le logement autonome. Madame la ministre, tous nous sommes bien conscients que l’accès au logement est la première étape, l’étape fondamentale, de l’insertion. Pouvez-vous nous assurer aujourd’hui de votre volonté d’accorder enfin aux associations les moyens qui leur permettront de lutter contre la précarité, en favorisant l’accès au logement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez est double : elle porte à la fois sur la revalorisation des barèmes de l’allocation logement temporaire et sur les besoins en accompagnement social des publics accueillis dans ces logements temporaires.

Ces préoccupations ne m’ont pas échappé, je vous remercie de l’avoir dit, et ma volonté est absolue ! J’ai effectivement pu obtenir une revalorisation de 1,6 % en 2009, alors que cette allocation n’avait pas progressé depuis 2004. Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, que l’on oublie trop souvent à mon avis, 5 000 logements pourront être loués en « intermédiation locative ».

À ce jour, il n’y a pas de candidature d’association sur l’intermédiation en Gironde. Mais je suis prête à faire examiner des projets dans votre département, monsieur le sénateur.

S’agissant de l’accompagnement social nécessaire pour certains des ménages hébergés dans ces logements temporaires, il ressort de la compétence des conseils généraux au titre du FSL.

Pour compléter cette action et favoriser l’insertion dans le logement des personnes sortant d’hébergement, des postes d’accompagnement social ont été financés dans le cadre du plan de relance, dont treize pour la région Aquitaine.

Ces postes ont vocation à permettre la continuité de l’accompagnement des ménages, depuis l’hébergement jusqu’à l’entrée dans le logement, en attendant le relais par les dispositifs de droit commun : accompagnement social par le service social départemental et les opérateurs financés par le FSL. Ils peuvent notamment intervenir pour des ménages entrant dans des logements financés par le dispositif ALT.

Monsieur le sénateur, tels sont les éléments que je suis en mesure de vous apporter afin de répondre à la question que vous m’avez posée.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je puis vous assurer très objectivement que, sur le terrain, on ne se rend pas vraiment compte des mesures que vous venez d’énoncer.

Le logement d’urgence n’est pas de la compétence du conseil général ; mais les associations frappent naturellement à notre porte, car elles ne savent plus quoi faire devant les graves difficultés qu’elles traversent. C’est ainsi qu’en Gironde le fonds de solidarité pour le logement, FSL, les aide.

De plus, la direction des affaires sanitaires et sociales de ce département a supprimé les crédits qu’elle affectait à l’hébergement des déboutés du droit d’asile engagés dans une procédure de recours, ce qui aggrave les tensions et pose de très gros problèmes.

J’ajoute qu’à Bordeaux l’hébergement d’urgence est sinistré ; c’est un diagnostic que je partage complètement avec M. le maire de cette ville.

conditions de vente du patrimoine d'icade, filiale de la cdc

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 545, adressée à Mme la ministre du logement.

Mme Odette Terrade. Madame la ministre, ma question sur les conditions de vente des logements appartenant à la société Immobilière Caisse des dépôts, Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, envisagée pour l’été 2009, est un sujet qui, ces derniers mois, a maintes fois été abordé par mes collègues parlementaires de tous bords politiques.

En effet, l’annonce faite par Icade au travers d’un communiqué de presse le 12 décembre dernier, sans concertation aucune, a suscité un vif émoi !

Cependant, à ce jour, après que M. le ministre du budget et vous-même, madame la ministre du logement, avez été interpellés par les maires et les associations des communes concernées, aucune réponse satisfaisante n’a été apportée par le Gouvernement.

La vente de 34 000 logements de ce parc social de fait, construits avec des fonds publics et situés principalement dans des villes de la région parisienne où la question du logement est particulièrement sensible, ressemble de plus en plus à une partie de ping-pong où chacun ne cesse de renvoyer la balle à l’autre et à un jeu de dupes, dont les locataires et les salariés, vendus avec les murs, feront les frais.

Faut-il le rappeler, ces logements initialement construits par la SCIC, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, ont été financés avec de l’argent public. À l’époque, de nombreuses municipalités avaient d’ailleurs mis à disposition des terrains, au franc symbolique, ou offert des conditions particulières dans le but de réaliser du logement social ou du logement intermédiaire. Une grande partie de ces logements ont été conventionnés via des prêts d’État.

Alors que, lors de l’entrée en bourse de la société en 2006, ce parc de logements avait été évalué par l’Autorité des marchés financiers à 1,426 milliard d’euros, Icade affiche aujourd’hui son intention de vendre l’ensemble de son pôle logement au prix de 2,935 milliards d’euros. Comment une telle augmentation a-t-elle pu intervenir en si peu de temps, en pleine crise immobilière, et alors que le patrimoine de la société compte 10 000 logements de moins, vendus entre-temps ?

Alors que notre pays manque cruellement de logements pour faire face à la demande, que la récente loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, que vous avez fait voter, madame la ministre, prévoit le rachat de 30 000 logements à des promoteurs privés pour augmenter le nombre insuffisant de logements sociaux, comment accepter que les bailleurs sociaux, candidats au rachat de ces logements, payent une telle plus-value aux actionnaires privés d’Icade ?

À cette question s’ajoute celle d’un évident conflit d’intérêts pour la Caisse des dépôts et consignations, partie prenante de cette cession à tous les niveaux, à la fois comme vendeur, en tant que maison-mère d’Icade, et acquéreur, puisque la SNI, chef de file du consortium des bailleurs candidats au rachat, est également une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. J’ajoute que la même CDC sera sans doute le principal prêteur des bailleurs candidats à la reprise de ce patrimoine.

Ainsi la Caisse des dépôts et consignations va-t-elle non seulement récupérer le produit de la cession au prix qu’elle se sera elle-même fixé, mais bénéficiera en sus d’intérêts sur les prêts octroyés ! Une telle situation a fait dire à certains de mes collègues, pourtant plus proches de votre sensibilité politique, madame la ministre, que nous serions face à un véritable scandale d’État !

La vente elle-même soulève certaines questions. Évidemment, les maires des villes concernées souhaitent, en toute logique, que ces logements soient rachetés par des bailleurs sociaux, afin de conserver la vocation initiale de ces logements.

Céder aujourd’hui contre paiement dans de telles conditions le patrimoine d’Icade à des bailleurs sociaux revient à faire financer ces logements une deuxième fois par des fonds publics, puisqu’ils ont été construits à l’aide de financements adossés à des dispositifs publics garantissant un coût de construction modéré, sur des terrains parfois cédés par les communes, je l’ai dit, au franc symbolique.

Il paraît donc scandaleux que, après avoir largement amorti la construction de ses immeubles grâce à l’accumulation des loyers, dont certains ont subi des hausses inadmissibles alors qu’ils étaient versés par des locataires aux ressources modestes, Icade ait pu, au détour d’une introduction en bourse, privatiser son patrimoine, de manière à le revendre quelques années plus tard dans une opération purement spéculative et à un prix qui frise l’indécence.

J’ajoute qu’aucune démarche transparente de concertation n’a été engagée avec les élus.

Madame la ministre, quels éléments concrets et quelles réponses pouvez-vous apporter aux maires des communes d’Île-de-France possédant des logements Icade sur leurs territoires au sujet du droit de regard qu’ils demandent sur cette vente concernant directement la politique de l’habitat de leurs villes ?

Que compte faire votre ministère, ainsi que celui du budget, pour que les bailleurs sociaux puissent acquérir ces logements à un prix qui n’alimente pas le jeu d’une spéculation honteuse ? Quelle sera la destination de la plus-value réalisée ? Quelles garanties donnerez-vous aux salariés en matière d’emploi ?

Enfin, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce parc social de fait soit pérennisé et que les locataires actuels aient la garantie d’un maintien dans les lieux, assortie d’un loyer social, adapté à leur situation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Madame Terrade, dans le cadre du recentrage de ses activités, la société Icade souhaite céder l’ensemble de son parc de 31 500 logements, dont plus de 90 % se situent en Île-de-France.

Un groupement constitué d’une vingtaine de bailleurs sociaux, mené par le groupe SNI, s’est porté candidat à l’acquisition de ces logements.

L’intérêt de cette acquisition en bloc serait naturellement de pérenniser la vocation sociale de ce patrimoine et donc d’accroître l’offre de logements sociaux en Île-de-France. Il s’agit de trouver une réponse globale conforme aux intérêts et aux attentes des locataires et des salariés, ainsi qu’aux intérêts patrimoniaux d’Icade.

Cette opération entre dans le cadre juridique défini par le décret du 15 mai 2007, qui réglemente la cession à des bailleurs sociaux de logements appartenant à des filiales de la CDC, dont Icade, faisant ou ayant fait l’objet d’un conventionnement.

Cette réglementation permet d’éviter le déconventionnement de logements sociaux et de garantir une occupation sociale, tout en évitant une augmentation des loyers pour les locataires en place, ce qui rejoint vos préoccupations, madame le sénateur.

Les logements qui ont été conventionnés, au nombre de 18 500 pour le cas particulier d’Icade, peuvent être acquis à l’aide de prêts locatifs sociaux, les PLS. Le décret prévoit en outre qu’un tiers au moins des logements acquis devra être loué à des ménages dont les ressources sont inférieures aux plafonds de loyer des PLAI et qu’un tiers au plus des logements pourra être occupé par des ménages dont les ressources sont comprises entre les plafonds prévus pour les PLUS et les PLS.

Ces règles assurent indiscutablement le maintien de la vocation sociale de ces logements, tout en garantissant une mixité sociale.

Vous le savez, madame le sénateur, une procédure de concertation est prévue par le décret entre les bailleurs acquéreurs, les communes et l’État ou les collectivités territoriales, qui sont délégataires des aides à la pierre.

La concertation se traduit par une convention tripartite garantissant bien évidemment l’association de la commune au dispositif, afin d’assurer la cohérence de sa politique sociale en matière de logement.

Ainsi, chaque convention tripartite prévoit un loyer plafond, qui peut être inférieur au plafond maximum défini par les réglementations.

Le reste du parc d’Icade, soit 13 000 logements, se situe hors du champ d’application du décret. Il serait probablement acquis, si l’offre du groupement était retenue, essentiellement par des prêts réglementés à la Caisse des dépôts et consignations, PLAI, PLUS et PLS, ainsi que par le biais des autres financements publics liés au logement social, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer aux maires qui m’ont rendu visite.

Des conventions seraient alors établies, qui imposeraient le respect des conditions de ressources et de loyer liées à chaque type de prêts, en contrepartie du bénéfice de l’aide personnalisée au logement pour les locataires.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Madame la ministre, je vous remercie de ces explications concrètes et détaillées, dont j’ai pris bonne note. J’espère qu’elles seront suivies d’effet.

Vous le savez, les locataires et les salariés peuvent compter sur notre vigilance. À l’Assemblée nationale et au Sénat, notre groupe a demandé la création d’une commission d’enquête sur les conditions de cette cession. Selon nous, lorsqu’il s’agit d’argent public, toute la transparence doit être faite.

Mme Christine Boutin, ministre. Elle le sera !

Mme Odette Terrade. Nous continuerons d’être aux côtés de nos collègues élus locaux et des locataires de ce parc social, dont un grand nombre a déjà subi, de fait, des hausses de loyer importantes.

route rn 57

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, auteur de la question n° 538, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

M. Claude Jeannerot. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne la route nationale 57, qui relie le nord de l’Europe à la Suisse, en passant par la Franche-Comté.

Il s’agit d’un axe européen, retenu à ce titre par l’État dans son propre patrimoine, contrairement aux 140 kilomètres de routes nationales d’intérêt local comme la RN 83, transférés au conseil général du Doubs à compter du 1er janvier 2006.

La RN 57 constitue une infrastructure de tout premier plan pour l’ensemble du Doubs et du Haut-Doubs. Or il s’avère que cet équipement ne permet plus de soutenir le développement de ces départements, qui enregistrent, depuis très longtemps – votre Gouvernement n’en est bien évidemment pas seul responsable –, un retard important en matière d’infrastructures routières.

Je citerai deux axes majeurs dont les travaux et les études doivent être finalisés en urgence.

Il s’agit tout d’abord du contournement de Besançon, avec l’achèvement de la voie des Mercureaux et le lancement du projet Beure-Planoise, inscrit au contrat de plan État-région 2000-2006. Des crédits de l’État sont nécessaires pour permettre d’achever rapidement les chantiers en cours et de lancer les derniers marchés.

Le lancement immédiat des études opérationnelles et des marchés pour la section Beure-Planoise permettrait de terminer, dans des délais limités, l’ensemble du contournement de Besançon, qui est attendu de longue date. J’ajoute que cette section est nécessaire pour le bon fonctionnement de l’ensemble, qui, je le rappelle, monsieur le secrétaire d’État, a été, pour une large part, financé par les collectivités territoriales.

Il s’agit ensuite de la relance d’un plan opérationnel de travaux sur le parcours de la RN 57 dans le Haut-Doubs, relance qui constituerait une étape nouvelle pour cette liaison d’intérêt national et international.

À cet égard, les élus du département, toutes sensibilités confondues, se sont rassemblés le 22 novembre dernier dans les rues de Pontarlier pour demander un geste à l’État, les travaux qu’il doit réaliser étant connus.

Votre prédécesseur, M. Dominique Perben, alors ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer, s’y était engagé dans un courrier datant de juin 2006 : « Soyez assuré que je comprends l’intérêt d’améliorer dans les meilleurs délais le niveau de service de la RN 57 […]. Il m’apparaît nécessaire, au vu des éléments que vous avez fait valoir qu’y figurent le créneau entre La Main et La Vrine, afin qu’il soit réalisé en début de programme, mais également la déviation des Tavins pour laquelle les procédures préalables à l’engagement des travaux doivent être conduites [...]. J’ai donc demandé à mes services d’engager les études préliminaires de cette opération dans l’objectif de définir le tracé de la déviation à l’issue d’une concertation. »

Trois ans plus tard, force est de reconnaître, monsieur le secrétaire d’État, qu’aucun signe concret de cet engagement ne nous a été donné. Après de tels préliminaires, nous étions pourtant en droit d’attendre un passage à l’acte !

Hélas, il n’en est rien ! L’annonce par voie de presse du PDMI, le programme de développement et de modernisation des itinéraires, qui avait suscité un grand espoir collectif, a plongé les élus de ce territoire dans la stupéfaction et l’indignation.

Nos espoirs ont donc été une nouvelle fois déçus ; notre région ne bénéficiera pas des investissements nécessaires et attendus de la part de l’État.

Vous l’avez compris, monsieur le secrétaire d’État, le contournement de Besançon se trouve aujourd’hui dans une situation catastrophique. Nous avons besoin de l’achever dans les meilleurs délais.

Aussi je souhaiterais savoir ce que compte faire l’État en la matière, quand et comment sera financé l’achèvement du contournement routier de Besançon et quand les engagements pris en faveur du Doubs et du Haut-Doubs seront respectés, notamment en ce qui concerne la RN 57.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Jeannerot, vous le savez, la desserte de la Franche-Comté, notamment du département du Doubs, et plus particulièrement de l’agglomération de Besançon, constitue une priorité pour le Gouvernement. Nous sommes d’ailleurs en train de construire une ligne à grande vitesse qui desservira ce secteur ; c’est l’un des plus grands chantiers actuellement en cours en France et en Europe. Il se déroule selon le calendrier de travaux prévus pour une mise en service à l’horizon 2011.

Par ailleurs, vous le savez, au cours de la discussion du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui vient d’être adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale et qui est actuellement examiné par la commission des affaires économiques du Sénat, un projet de desserte Saône-Rhin, en liaison avec la desserte Saône-Moselle, a été évoqué. Il s’agit là de grands chantiers.

Sur le plan routier, vous avez évoqué le contournement de Besançon. Comme vous le savez, les travaux de la voie des Mercureaux sont en cours de réalisation. Les financements sont mis en place en fonction des possibilités techniques d’avancement du chantier, l’objectif étant de s’en tenir au coût final de l’opération tel qu’il a été arrêté avec l’ensemble des cofinanceurs, c’est-à-dire 160,9 millions d’euros en valeur de septembre 2007.

Quoique très importante, cette opération n’achève pas le contournement sud-ouest de Besançon ; il restera à réaliser la jonction de la voie des Mercureaux et de la route nationale 57 au niveau du « Trou au loup », ainsi que l’aménagement de la section Planoise-Beure.

À ce jour, le niveau d’avancement des études et des procédures de ces deux opérations n’a pas permis leur inscription sur la liste des opérations prioritaires que l’État pourra engager, entre 2009 et 2014, dans le cadre des programmes de modernisation des itinéraires, les PDMI. En ce qui concerne plus spécifiquement la section Planoise-Beure, le niveau de précision des études réalisées ne permet pas, aujourd’hui, de définir la solution à retenir. Avec Jean-Louis Borloo, nous avons donc demandé à nos services de poursuivre les études afin de conduire les procédures administratives nécessaires. Le parti d’aménagement retenu devra tenir compte des contraintes particulières liées au milieu naturel et à l’urbanisation du secteur. Le lancement des travaux nécessitera, le moment venu, un accord sur leur financement avec l’ensemble des partenaires concernés.

En revanche, l’aménagement de la RN 57 dans le Haut-Doubs a été intégré dans la liste complémentaire du PDMI de Franche-Comté. Le préfet de région a donc été récemment mandaté par mes soins pour engager les négociations appropriées avec les collectivités territoriales, afin de définir leurs participations financières aux différentes opérations de ce plan de développement. Si un financement significatif des collectivités locales était apporté, cette opération pourrait être définitivement inscrite au PDMI. Vous seriez ainsi assuré, monsieur le sénateur, d’une réalisation effective de cet axe du Haut-Doubs entre 2009 et 2014.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Vos propos sont loin de me rassurer, monsieur le secrétaire d’État.

Les collectivités territoriales ont financé à près de 75 % le contournement de Besançon, dont vous avez rappelé qu’il aura nécessité près de 170 millions d’euros de crédits publics. Lors du transfert de 130 kilomètres de routes nationales au département du Doubs, que je préside, nous avions compris qu’à compter de 2006 le principe du décroisement s’appliquerait entre l’État et les collectivités territoriales. Or vous venez d’affirmer que les collectivités seraient, une fois encore, sollicitées.

Le seul département du Doubs aura contribué pour 50 millions d’euros au financement du TGV et pour 50 millions d’euros au contournement des Mercureaux, soit au total 100 millions d’euros environ. Il n’est pas raisonnable d’imaginer que les collectivités, compte tenu de la situation financière tendue qu’elles connaissent actuellement, puissent encore contribuer à la réalisation d’équipements de dimension nationale et européenne.

mise à deux fois deux voies de la rn 88

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, auteur de la question n° 544, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur la mise à deux fois deux voies de la RN 88 entre Albi et l’autoroute A 75 à Sévérac-le-Château.

La RN 88 a été classée « grande liaison d’aménagement du territoire » dès 1993 à l’occasion du comité interministériel d’aménagement du territoire de Mende. Elle constitue, depuis lors, une priorité nationale. Pourtant, plus de quinze ans après, la mise à deux fois deux voies n’est même pas réalisée à 50 %, malgré d’autres comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire, CIADT, et l’adoption d’une charte entre l’État et le syndicat mixte d’études et de promotion de l’axe Toulouse-Lyon.

En dépit d’engagements réitérés, les collectivités attendent toujours un soutien concret de l’État.

Les voies de communication et le réseau de transports sont des facteurs de polarisation du développement économique.

Or, ce n’est une nouveauté pour personne, Midi-Pyrénées est sans doute l’une des régions qui accusent le plus grand retard en matière de désenclavement, Rodez, Figeac et Millau se situant à plus de deux heures de Toulouse.

Hier, le Président de la République nous a dit vouloir mettre l’accent sur l’aménagement du territoire et la réactivation des territoires ruraux. La mise à deux fois deux voies de la RN 88 constitue, en l’occurrence, un bon cas pratique. En effet, le maillage du territoire a été réalisé en contournant la région Midi-Pyrénées, au nord par Lyon, Clermont-Ferrand et Bordeaux avec l’A 89, à l’est par Montpellier avec l’A 75, à l’ouest avec le TGV Atlantique.

Liaison interrégionale entre Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, la RN 88 constitue également une liaison européenne assurant la jonction entre l’Espagne et l’Europe centrale.

Dès lors, il est essentiel que l’État avance et ne s’en tienne pas à des effets d’annonce fondés sur des autorisations d’engagement dont on connaît le caractère volatile. Les élus locaux redoutent que l’État, après avoir supprimé les contrats de plan État-régions et exclu les investissements routiers de l’État des nouveaux contrats de projet, après avoir organisé le transfert de routes nationales aux départements et plaidé, avec beaucoup de force, pour un décroisement des financements, n’assume pas ce qui lui incombe et sollicite une nouvelle fois les collectivités locales, à qui il reproche par ailleurs d’augmenter les impôts.

Les élus craignent ainsi que les collectivités territoriales ne soient contraintes de cofinancer et de faire avancer des chantiers que l’État considère devoir financer lui-même, avec les modalités de remboursement erratiques qu’on peut supposer.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, j’attacherai du prix aux précisions que vous nous donnerez sur les moyens que l’État envisage d’engager pour transformer au plus tôt cet itinéraire en deux fois deux voies.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, l’aménagement de la route nationale 88 entre Albi et l’autoroute A 75 à Sévérac-le-Château doit permettre de relier, dans de bonnes conditions, Toulouse à Rodez. Il vise à compléter le maillage du réseau routier français, à assurer le désenclavement des territoires traversés et à améliorer les relations entre les divers pôles économiques desservis par l’itinéraire.

Je vous confirme que l’État souhaite parvenir à une solution permettant d’accélérer cet aménagement. Dans ce cadre, un programme spécial d’investissement, qui complétera les programmes de modernisation des itinéraires dont j’ai parlé à l’instant, sera bâti afin de financer la mise à deux fois deux voies de l’itinéraire reliant les agglomérations d’Albi et de Rodez.

Nous venons de donner un mandat au préfet de région afin qu’il engage des négociations avec le conseil régional de Midi-Pyrénées – je remercie au passage cette collectivité pour les investissements qu’elle réalise dans le domaine ferroviaire – ainsi qu’avec les conseils généraux du Tarn et de l’Aveyron, qui seront appelés à participer au financement de ce programme en complément des crédits apportés par l’État. Après discussion, une convention entre les cofinanceurs fixera les modalités et les pourcentages de financement de chaque partenaire.

Par ailleurs, la rocade d’Albi et les aménagements de sécurité dans la traversée de Lescure figurent parmi les opérations prioritaires du mandat que j’ai adressé au préfet de la région Midi-Pyrénées pour la finalisation des PDMI. La discussion qu’il mène actuellement avec les collectivités, et qui se déroule dans de bonnes conditions, permettra de s’assurer que l’ensemble de ces opérations prioritaires seront réalisées.

D’un point de vue technique et administratif, les travaux pourront être lancés en 2010 sur la section Tauriac-La Mothe, ce qui permettra d’assurer une mise en service en 2013. En ce qui concerne la déviation de Baraqueville, l’avancement moindre des procédures, notamment celles d’aménagement foncier, ne permettra pas de lancer les travaux avant 2011, ces derniers devant durer au moins quatre années selon les entreprises.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez bien voulu me donner un aperçu des actions engagées par le Gouvernement et de l’état d’avancement du projet, et je vous en remercie.

Votre réponse laisse toutefois craindre que, malgré les bonnes intentions du Président de la République, l’État n’ait pas la capacité de ses ambitions en matière d’aménagement du territoire.

Par ailleurs, vos propos renvoient directement au débat sur la mise en œuvre du rapport Balladur. Quoi qu’il en soit, l’État ne peut pas, tout à la fois, faire continuellement appel au porte-monnaie des collectivités locales – c’est-à-dire, en définitive, à celui du contribuable local – et critiquer le système des financements croisés, en supprimant une ressource fondamentale des finances locales et en stigmatisant trop souvent la gestion de ces dernières.

Voilà moins d’un an, vous rétrocédiez aux départements des routes nationales à grand renfort de publicité, en précisant que les compétences étaient clairement délimitées, y compris en matière de financements.

Malheureusement, les premiers projets que l’État va devoir mettre en œuvre ne figurent apparemment pas dans le fameux emprunt que le Président de la République a annoncé hier. Ils ne seront donc pas financés par l’État, mais par les collectivités locales, ce que nous regrettons.

situation des recrutés locaux dans les services extérieurs de la france à caracas

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 563, adressée à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Claudine Lepage. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation de plusieurs recrutés locaux employés par les services de l’ambassade de France à Caracas – consulats, mission économique, service de l’attaché de sécurité intérieure, service de l’attaché de défense et même lycée français.

Alors que leurs collègues sont rémunérés en euros, ces personnes – certaines ont une nationalité extra-européenne mais d’autres la nationalité française – perçoivent leur rémunération en bolivars et sont, de ce fait, particulièrement défavorisées. En effet, au regard de l’inflation qui s’élève à 30 %, voire à 40 % par an, leur pouvoir d’achat se trouve très dégradé et a subi une baisse de près de 50 %. Cette diminution est d’autant plus sensible que la grille des salaires, mise en place en 1995, n’a jamais été réellement revalorisée depuis lors. À cela s’ajoute, pour ce qui concerne spécifiquement le Venezuela, le contrôle des changes, qui, en pratique, interdit à ces agents d’utiliser cet argent hors du pays. Enfin, cette différence de traitement, légitimement perçue comme injuste, est potentiellement porteuse de tensions entre agents recrutés localement.

La situation est d’autant plus déplorable que la loi locale vénézuélienne ne fait nullement obstacle à un versement des salaires en euros et que cette opération ne représenterait aucun surcoût pour l’État français.

Cet exemple spécifique illustre de nouveau la position précaire de nombre de personnels de l’État français recrutés localement à l’étranger. Alors qu’ils contribuent de manière active au bon fonctionnement de nos postes et au rayonnement international de la France, ils font figure de véritables laissés-pour-compte. Il va sans dire que cette situation génère, en outre, une image négative de notre pays, celui-là même qui a porté loin hors de ses frontières l’égalité comme valeur de la République.

Serait-il possible, madame la secrétaire d’État, que la rémunération de l’ensemble des personnels recrutés localement par le poste de Caracas soit versée en euros et que, plus généralement, les conditions de rémunération et de travail, en particulier les prestations sociales, les retraites et les assurances maladie et accident de cette catégorie de personnel soient améliorées partout à travers le monde ?

Nous devons garder à l’esprit que, même soumis au droit du travail local, ce personnel, souvent employé depuis de longues années, est indispensable au fonctionnement des services extérieurs de la France et au rayonnement de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Madame la sénatrice, le ministère des affaires étrangères et européennes est tout à fait conscient de la dégradation de la situation financière des ménages vénézuéliens, qui frappe également les agents de droit local de notre ambassade à Caracas.

Avec une moyenne de 2 000 euros par agent local, les salaires, exprimés en euros, de nos agents vénézuéliens sont relativement élevés par comparaison avec le reste de notre réseau diplomatique et consulaire.

Toutefois, il est vrai que, en raison d’une stricte politique de contrôle des changes, le revenu réel reçu en bolivars vénézuéliens par nos agents se dégrade progressivement.

Nos agents locaux ont été informés qu’une solution était recherchée pour améliorer leur situation financière. L’examen de cette situation nécessite une concertation préalable entre le ministère des affaires étrangères et européennes et celui de l’économie, de l’industrie et de l’emploi pour apprécier les effets du contrôle des changes sur notre politique salariale dans ce pays. Cette concertation est actuellement en cours, et nous sommes pleinement mobilisés pour qu’une réponse soit apportée dans les meilleurs délais à nos agents locaux.

En ce qui concerne plus généralement les conditions de la protection sociale des agents de droit local dans le réseau diplomatique et consulaire, notamment les prestations sociales, les retraites, les assurances maladie et accident, le ministère des affaires étrangères et européennes s’attache à dresser un état précis de la protection sociale, pays par pays, de sorte que soient identifiés les pays sur lesquels l’effort de mise à niveau devrait être porté en priorité.

Madame la sénatrice, je tenais à vous indiquer que nous sommes non seulement pleinement conscients des difficultés actuellement rencontrées par nos agents de droit local à Caracas, mais que nous sommes mobilisés pour qu’une solution puisse être rapidement trouvée afin de remédier aux difficultés qu’ils rencontrent.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse encourageante.

Lors de sa visite à Caracas, le 23 avril dernier, M. Éric Woerth s’était ému de l’inégalité de traitement des agents. J’espère donc que l’on trouvera rapidement une solution leur donnant toute satisfaction.

J’ai bien conscience de la complexité de la situation des agents de droit local de nos réseaux consulaires et diplomatiques. Leur situation est évidemment bien différente selon qu’ils sont recrutés aux États-Unis, en Allemagne, au Cameroun ou au Congo. Il est néanmoins choquant que des agents locaux, après une carrière au service de la France, n’aient pas de retraite. J’ai l’espoir que le ministère des affaires étrangères et européennes trouvera rapidement une solution à ce vieux problème.

redéploiement du réseau rased

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 510, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Hervé Maurey. Ma question, qui est en effet adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, concerne le redéploiement du réseau des aides spécialisés aux élèves en difficulté, le RASED.

Ce sujet, qui a déjà été évoqué au sein de notre assemblée, suscite une inquiétude croissante au fur et à mesure que l’on s’approche de la rentrée scolaire 2009-2010.

Depuis 1990, les enseignants des RASED, qui sont titulaires d’une formation spécifique, apportent une aide aux élèves qui sont en grande difficulté. Leur mission est appréciée sur le terrain et leur vocation se distingue de l’aide personnalisée qui a été mise en place en 2008 par le Gouvernement.

L’aide personnalisée est positive, mais elle s’applique aux enfants qui rencontrent des difficultés ponctuelles alors que les enseignants du RASED répondent à des situations de blocages lourds et à des difficultés chroniques. Dans l’Eure, les redéploiements sont nombreux, ce qui suscite de très vives inquiétudes, notamment dans les petites communes.

Ma question est simple. Est-il envisagé de revenir sur ce redéploiement et, dans la négative, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour faire face aux difficultés des enfants qui connaissent des situations de blocages lourds ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. M. Xavier Darcos, retenu par une réunion avec les recteurs d’académie, vous demande de bien vouloir l’excuser et m’a demandé de vous faire part des éléments de réponse suivants.

M. Darcos vous remercie de votre question qui lui permet de revenir sur la situation du réseau d’aide spécialisée aux élèves en difficulté, notamment dans l’Eure.

Depuis la rentrée 2008, la durée de l’enseignement scolaire dans le premier degré est désormais fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires dispensées à tous les élèves, auxquelles s’ajoutent deux heures d’aide personnalisée en très petits groupes pour les élèves en difficulté.

Ces deux heures viennent renforcer l’action des maîtres et ce sont donc soixante heures annuelles qui sont désormais consacrées par chacun d’entre eux à des actions directes auprès des élèves en difficulté. Cet effort représente l’équivalent de 16 000 postes d’enseignants entièrement dédiés à aider les élèves qui en ont le plus besoin.

La contribution des enseignants spécialisés du RASED s’ajoute à cet effort et doit évoluer. Ces enseignants ont acquis une expertise professionnelle indéniable auprès des élèves en difficulté. Il s’agit donc désormais de cibler leurs interventions sur la plus grande difficulté en évitant une dispersion coûteuse.

Dans l’Eure, il existait soixante-dix-neuf postes de maitres E, à dominante pédagogique, et trente-trois postes de maitres G, à dominante éducative. Sur ce total de cent douze postes, trente-trois sont concernés par la nouvelle organisation des missions des réseaux. Dix-sept seront installés dans des écoles en postes surnuméraires et seize seront redéployés.

Dans votre circonscription, le réseau initial de quatre maîtres E et trois maîtres G a été réorganisé sur une nouvelle base de quatre maîtres E – dont deux surnuméraires – et deux maîtres G.

Par ailleurs, les implantations des maîtres surnuméraires ont été définies par le niveau de difficulté scolaire de certaines écoles, soit un poste surnuméraire à l’école Bourg-Lecomte, dans la commune de Bernay, et un poste surnuméraire à l’école Louis-Pergaud, à Brionne.

À terme, cette réorganisation conduira à une concentration des actions des maîtres E surnuméraires dans les écoles qui en ont le plus besoin.

Dans votre département, une redéfinition des missions des personnels E et G et une réorganisation de la couverture géographique seront effectuées selon plusieurs critères : la prise en charge des élèves les plus fragiles connus dès la rentrée, les priorités définies en fonction des évaluations de CE1 et de CM2, l’organisation d’aides regroupées dans le temps, la mise en cohérence avec les dispositifs d’aide personnalisée.

À cette réorganisation s’ajouteront des mesures de carte scolaire tenant compte des situations de redéploiement et de la difficulté scolaire avérée de certaines écoles.

J’ajoute que les fermetures envisagées dans les écoles de Bourg-Lecomte et Jean-Moulin, à Bernay, ont été abandonnées à ce dernier titre et que le nombre moyen d’élèves par classe y sera à la rentrée inférieur à vingt.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse et je me réjouis des efforts consentis par le Gouvernement, qui a renoncé à certaines fermetures de classes dans la commune de Bernay.

Cela dit, l’aide aux élèves en grande difficulté suscite toujours de vives inquiétudes, et pas seulement dans l’Eure, tant chez les enseignants que chez les parents.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le système d’aide personnalisée qui a été mis en place lors de la dernière rentrée est bienvenu et positif, car il permet d’apporter une aide réelle à certains élèves. En revanche, je ne suis pas convaincu – et les doutes des parents d’élèves et des enseignants sont sérieux – que ce dispositif est à même de répondre à des difficultés structurelles lourdes.

En dépit des efforts du Gouvernement, du fait du redéploiement des RASED, l’aide aux élèves en grande difficulté suscite une forte inquiétude. Les dispositions que vous avez évoquées, si pertinentes soient-elles, risquent – j’espère me tromper – de ne pas répondre pleinement aux besoins spécifiques de ces élèves.

extension du service civil volontaire

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, auteur de la question n° 549, adressée à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

Mme Fabienne Keller. Monsieur le haut-commissaire, en avril dernier, j’avais inscrit au rôle des questions orales sans débat une interpellation sur le thème de la relance du service civil volontaire.

Le Président de la République venait alors de vous confier un deuxième commissariat, celui de la jeunesse, avec, dans votre lettre de mission, le soin relancer le chantier de l’extension du service civil volontaire.

C’était sans compter sur l’initiative du RDSE, qui, dans le cadre des nouvelles prérogatives dont jouissent les groupes politiques au sein de notre assemblée, a demandé l’inscription d’un débat sur ce sujet à l’ordre du jour du Sénat du 10 juin dernier, et je m’en réjouis.

Je ne reviens pas sur les différents éléments qui définissent un service civil et qui ont été longuement discutés lors de ce débat : son caractère obligatoire ou non, sa durée et sa structure dans le temps, la rémunération des jeunes, les objectifs d’insertion professionnelle.

Nous aurions pu évoquer aussi, au cours de ce débat, les dispositifs proches, comme le service militaire adapté en vigueur outre-mer, les places dans les établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE, ou centres « défense deuxième chance », les pompiers volontaires ou d’autres dispositifs plus dédiés, gendarmes ou policiers volontaires, analysés longuement dans le rapport de Luc Ferry.

Monsieur le haut-commissaire, lors du débat du 10 juin, vous avez évoqué la création, à l’échéance de plusieurs années, de 50 000 places pour le service civil, représentant environ 10 % d’une classe d’âge. Cet objectif, à la fois ambitieux et réaliste, est à mettre en rapport avec les 2 800 jeunes – seulement ! – concernés actuellement. Pourriez-vous préciser, selon quel calendrier et quelles modalités l’effectif de 50 000 volontaires pourrait être atteint ?

Le mercredi 10 juin, vous aviez également déclaré qu’il était inconcevable que « aujourd’hui, seuls 185 jeunes effectuent des missions de service civique en lien avec l’environnement ». Vous ajoutiez : « Il ne faut pas se borner au nettoyage des rivières ; il faut aussi voir ce qu’il est possible de faire en matière d’économie d’énergie. »

Pour ne parler que de l’efficacité énergétique, nous connaissons tous les enjeux absolument colossaux de la réduction des gaz à effet de serre, de 20 % d’ici à 2020 et d’une division par quatre d’ici à 2030.

Au-delà de la question du financement, qui est essentielle, l’information de tous les occupants, propriétaires ou locataires, sur la performance énergétique de leur logement joue un rôle primordial pour créer la prise de conscience et accélérer les prises de décision

Lors de sa venue à Strasbourg, le 10 mai dernier, pour la première étape du tour de France du Grenelle de l’environnement, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie, avait laissé entendre qu’elle réfléchissait elle aussi à la création d’un service civil environnemental.

Monsieur le haut-commissaire, comptez-vous dégager une véritable synergie entre le développement du service civil volontaire et la mise en œuvre des grands chantiers environnementaux ? Selon quelles modalités envisagez-vous de promouvoir cette mobilisation ?

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse. Madame Keller, je vous remercie de cette question, qui est en fait doublement d’actualité.

En effet, d’une part, la commission de concertation sur la jeunesse achève ses travaux cet après-midi et j’espère qu’elle se conclura par une approbation franche et déterminée d’un service civique ambitieux.

D’autre part, je vais avoir tout à l’heure une réunion de travail avec Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l’écologie, sur la dimension environnementale du service civique, à laquelle le Gouvernement est très attaché.

Le Gouvernement entend donc, tout d’abord, faire en sorte que le service civique connaisse un développement marqué. Si l’on veut que le service civique ait une influence réelle sur la société, il faut qu’il concerne une part significative d’une classe d’âge.

Il est clairement apparu lors du débat qui s’est tenu récemment au Sénat que la généralisation du service civique avait des partisans sur l’ensemble de ces travées. Toutefois, nous avons connu suffisamment de déceptions et enregistré suffisamment de ratés au cours des dernières années pour savoir qu’il nous faut maintenant avancer de manière à la fois déterminée et graduée.

J’espère être, dans quelque temps, en mesure de revenir devant vous non seulement avec les crédits que nous sollicitons pour la mise en œuvre de ce service civique, mais aussi les aménagements juridiques permettant de régler la délicate question du volontariat. Si tel est le cas, le coup d’envoi pourrait être donné d’ici à la fin de cette année, et ce nouveau service civil volontaire serait, dans un premier temps, susceptible d’attirer plus de 10 000 jeunes volontaires.

Je ne doute d’ailleurs pas qu’il connaîtra un franc succès s’il est voué à des causes dont le bien-fondé est très largement reconnu. Le service civique doit en effet à la fois valoriser les compétences des jeunes et être utile pour notre pays.

Son rôle, il faut le définir avec les jeunes eux-mêmes. Or ceux-ci mettent au premier rang de leurs préoccupations le sauvetage de la planète. Pour sauver la planète, il faut commencer par préserver l’environnement dans notre propre pays. C’est pourquoi le service civique aura une dimension environnementale forte, comme vous le suggérez, madame la sénatrice.

Notamment, il sera un moyen d’aider les ménages, les familles, les personnes âgées, à établir le diagnostic énergétique de leur logement, à leur donner accès aux aides et aux dispositifs existants.

Nous sommes là face à un enjeu formidable, et il est triple : l’enjeu du contact entre les générations, du contact entre les jeunes et le reste de la société ; l’enjeu technique au regard de nos performances énergétiques et environnementales ; l’enjeu de formation à des métiers d’avenir. Le service civique aura ainsi une utilité sociale, environnementale et économique immédiate.

La réussite du service civique dans sa dimension environnementale passe évidemment par l’association des collectivités territoriales, qui y trouveront leur compte, et de l’ADEME.

Je suis certain que cette initiative connaîtra un succès remarquable et que le service civique prendra une ampleur très forte. Je vous remercie d’avance, madame Keller, de votre soutien, dont votre question apporte d’ores et déjà la preuve.

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Je vous remercie, monsieur le haut-commissaire, de ces éléments de réponse. Je tiens également à saluer l’énergie que vous déployez en faveur de la mise en place d’un service civil amplifié et adapté aux défis d’aujourd’hui, pour lequel nous vous assurons de tout notre soutien.

Vous l’avez rappelé, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous souhaitons le développement de ce service civique, non sans mesurer toutefois le défi budgétaire qu’il représente puisque, dans la mesure où il est question de rémunérer les jeunes volontaires, son coût ne sera guère éloigné de celui de structures éducatives classiques.

En tout cas, je vous sais gré d’avoir souligné que, dans le domaine de l’environnement, le service civique est riche de promesses pour la nation, qu’il préparera à des métiers d’avenir et qu’il constituera un véritable sas vers une carrière future.

Monsieur le haut-commissaire, je vous souhaite plein succès pour cet après-midi et pour les négociations budgétaires à venir.

impact du coût des travaux dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sur le prix de journée dû par les résidents

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 565, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Didier Guillaume. Ma question a trait au prix de journée dû par nos anciens dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, ce qu’on appelle communément les maisons de retraite, et, plus largement, au vieillissement de la population.

Le 6 février dernier, lors de la conférence sur la protection sociale, le Président de la République a insisté sur le grand défi que constitue le vieillissement de la population et il a notamment évoqué le cinquième risque. Nous constatons malheureusement que les travaux sur la création de cette cinquième branche n’avancent pas assez vite, alors même que certains de nos anciens sont confrontés à des situations très graves, qui ne sont pas sans conséquences pour leurs familles.

Qui sont les personnes âgées qui résident en EHPAD ? Ce sont tout d’abord des femmes et des hommes qui, âgés en moyenne de 82 à 85 ans, ont connu la guerre et ses privations, qui ont donc vécu des temps difficiles. Généralement anciens agriculteurs, commerçants ou artisans, ces personnes ont travaillé à une époque où les cotisations sociales n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. C’est ainsi que certaines perçoivent le minimum vieillesse tandis que d’autres touchent une retraite très faible ou une pension de réversion.

Récemment, le journal Le Parisien-Aujourd’hui en France a publié un sondage sur l’image des maisons de retraite. Les Français s’interrogent sur les phénomènes de maltraitance, en particulier psychologique. Surtout, ils considèrent que les maisons de retraite sont réservées aux personnes disposant d’importants moyens financiers et que, bien souvent, les pensions de retraite que perçoivent les personnes âgées qui résident en EHPAD ne leur suffisent pas pour s’acquitter du prix de journée, déduction faite de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

J’ai regretté que le Président de la République, dans le catalogue qu’il a présenté hier au Congrès, bien que je sois d’accord sur certains des constats qu’il a établis, n’ait pas évoqué ce qui m’apparaît aujourd’hui comme l’enjeu essentiel de la cohésion sociale de notre société, à savoir l’accompagnement de nos anciens, notamment lorsqu’ils sont en fin de vie.

Aujourd’hui, pour m’en tenir à mon département, 25 % des Drômois ont plus de soixante ans. Qu’allons-nous faire des personnes âgées ? Les maintiendrons-nous à domicile aussi longtemps que possible ? Ce qui est certain, c’est qu’il manque des places en établissement et que la création d’une branche consacrée au cinquième risque impliquera qu’on en ouvre.

Le cadre juridique actuel fixe la prise en charge des financements de l’accueil en EHPAD en trois blocs : la partie hébergement est à la charge des résidents, la dépendance à la charge des départements et les soins à la charge de l’État.

Les charges liées à l’APA augmentent fortement pour les départements. Ceux-ci supportent désormais les trois quarts de son coût, alors que, initialement, ils le partageaient à égalité avec l’État.

En outre, les EHPAD sont soumis à de nouvelles normes qui obligent leurs gestionnaires à engager des travaux de rénovation ou de sécurité. L’ensemble des charges qui en découlent, notamment celles qui sont liées aux emprunts, sont répercutées uniquement sur les tarifs d’hébergement, ce qui conduit à un accroissement du prix de journée.

Madame la secrétaire d'État, serait-il possible que les frais occasionnés par les travaux de mise en sécurité ou visant à un meilleur confort soient répercutés non seulement sur les frais d’hébergement mais aussi sur les tarifs des soins ? Après tout, les travaux d’amélioration des conditions d’accueil d’une maison de retraite ou la réalisation d’un local pour les infirmières ont des effets aussi bien sur les conditions d’hébergement que sur l’administration des soins. En tout cas, une telle mesure permettrait de réduire le prix de journée dû par les occupants des EHPAD.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le sénateur, évidemment, le Gouvernement est conscient du vieillissement de la population. Dans l’allocution qu’il a prononcée hier, le Président de la République a abordé la question des retraites et évoqué les mesures que nous devrons adopter dans ce domaine.

L’espérance de vie à la naissance est passée de soixante-quinze ans à quatre-vingt-un ans. C’est une très bonne nouvelle, mais, en même temps, cela va nous amener à diversifier très largement les modes d’accueil et d’accompagnement des personnes âgées, dont certaines, vous l’avez rappelé, ont connu les privations de la guerre. Il est clair que nous avons à leur égard un devoir de solidarité et qu’il nous faut les aider dans leur vie quotidienne.

J’en viens à présent à votre question.

Vous interrogez le Gouvernement sur la question du financement de l’investissement dans les EHPAD et, de façon plus générale, sur la question du reste à charge supporté par les usagers dans ces établissements.

Il convient de rappeler que le tarif d’hébergement des maisons de retraite, à la différence de leur budget de soins et de dépendance, n’est pas, dans son principe, à la charge de la collectivité, puisqu’il correspond aux charges de logement des pensionnaires. Les pouvoirs publics, c’est-à-dire les collectivités territoriales et l’État, n’ont pas vocation à se substituer aux usagers pour les charges qui leur reviennent. En revanche, leur politique doit permettre aux personnes âgées dépendantes d’accéder à des établissements de qualité en apportant le soutien financier nécessaire aux plus modestes et en accompagnant, au travers des mécanismes fiscaux et de l’aide directe à l’investissement, le développement et la modernisation des établissements.

De ce point de vue, l’État s’est montré particulièrement actif ces dernières années pour favoriser l’investissement dans les EHPAD et maîtriser le reste à charge.

Ainsi, depuis 2006, les EHPAD ont accès au prêt locatif social et bénéficient à ce titre de la TVA à taux réduit à 5,5 % sur les travaux, bénéfice qui a été étendu par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit opposable au logement.

L’admission aux prêts locatifs sociaux permet également l’exonération de taxes foncières pendant vingt-cinq ans et ouvre le droit à l’allocation personnalisée au logement pour les résidants. Cela permet de réduire le coût d’investissement, de modérer le reste à charge des résidents et de garantir l’accès à ces établissements des personnes à revenus modestes.

Par ailleurs, en écho aux recommandations de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a, pour la première fois, autorisé l’utilisation des crédits d’assurance maladie pour couvrir les frais financiers induits par les opérations de modernisation.

Enfin, depuis 2006, date à laquelle a été mise en place la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, près d’un milliard d’euros ont été affectés aux aides à l’investissement destinés aux EHPAD.

L’effort de l’État a été multiplié par quatre par rapport aux montants antérieurement engagés au titre des contrats de plan État-région – 50 à 70 millions d’euros par an.

Au cours des trois dernières années, plus de 800 EHPAD ont été aidés, pour un montant moyen supérieur à un million d’euros. De ce fait, la modernisation de ces établissements a été fortement accélérée et ces subventions ont permis de réduire le tarif acquitté par l’usager puisqu’une subvention à hauteur de 20 % permet de réduire la facture de l’usager de plus de 100 euros par mois.

En tenant compte de l’effet de levier des subventions accordées et, en 2009, de l’effort additionnel consenti au titre du plan de relance, le l’aide financière globale apportée par l’État représente, en quatre ans, plus de 5 milliards d’euros de travaux dans ce secteur. Il constitue également un soutien important pour les entreprises du bâtiment.

Cependant, le Gouvernement a parfaitement conscience que les défis les plus importants du vieillissement sont encore à venir et que notre système de protection sociale n’est pas adapté pour y faire face.

C’est pourquoi une réflexion est engagée afin de mieux prendre en charge la perte d’autonomie. Augmenter le nombre de places en établissement médicalisé et réduire le reste à charge des usagers nécessite d’identifier de nouveaux financements pérennes et innovants dans un contexte difficile.

Plusieurs hypothèses techniques sont actuellement à l’étude, qui font appel simultanément à la solidarité nationale, à la solidarité familiale et à la responsabilité individuelle afin de répondre à ce défi majeur pour notre société et de manifester concrètement la solidarité que nous devons à nos aînés.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la secrétaire d'État, je peux faire miens tous les propos que vous venez de tenir dès lors qu’il s’agit d’établir des constats objectifs.

Cela dit, même si les EHPAD ont bénéficié d’aides, la facture mensuelle que doivent acquitter les pensionnaires ou leurs familles ne cesse d’augmenter. C’est la raison pour laquelle, au moment où nos concitoyens souffrent et voient leur pouvoir d’achat diminuer, nous devons engager un effort dans cette direction, pour éviter d’imposer aux enfants des personnes résidant en EHPAD de se substituer financièrement à celles-ci, ainsi que la loi les y oblige. En effet, s’ils ne sont pas en mesure de le faire, la situation devient réellement problématique.

Je crois donc qu’un effort de solidarité s’impose et qu’il revient à l’État de le financer.

Je citerai à nouveau le cas de la Drôme, dont je préside le conseil général. Lorsque nous signons des conventions tripartites avec les hébergeurs et la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, nous mettons en balance plusieurs paramètres au moment de fixer le prix de journée : faut-il l’augmenter pour offrir à nos concitoyens âgés de meilleures conditions d’accès à ces établissements d’hébergement dans ou convient-il au contraire de le réduire pour qu’ils puissent plus sûrement le payer, le risque étant alors que les maisons de retraite aient bien du mal à respecter les normes en vigueur.

J’espère que, dans les mois qui viennent, le Gouvernement s’engagera en faveur de la création d’une branche consacrée au cinquième risque. C’est essentiel pour ceux de nos concitoyens qui ont aujourd’hui quatre-vingt-cinq, quatre-vingt-dix, quatre-vingt-quinze ans, parfois plus. La solidarité nationale doit jouer en leur faveur !

accueil des enfants de deux à trois ans dans les écoles maternelles

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, auteur de la question n° 552, transmise à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.

Mme Samia Ghali. Madame la secrétaire d’État, le rôle de l’école maternelle est fondamental. Les rapports de l’éducation nationale aboutissent tous aux mêmes conclusions : les performances au cours préparatoire des élèves de zones d’éducation prioritaire qui sont scolarisés précocement sont meilleures dans presque tous les domaines. C’est ce que constatent au quotidien les personnels du service départemental de la protection maternelle et infantile.

Dans les familles pour lesquelles les actions de parentalité et les interventions sociales s’avèrent nécessaires, l’inscription précoce de l’enfant à l’école est un élément indispensable de l’éveil et de son développement.

Alors que l’école n’est obligatoire qu’à partir de six ans, la quasi-totalité des enfants de trois ans y sont inscrits.

Concernant l’inscription des enfants de moins de trois ans, les pouvoirs publics avaient privilégié une approche souple et pragmatique. En 2002, près de 37 % des enfants de moins de trois ans se trouvaient scolarisés. Aujourd’hui, en raison des obstacles posés et des refus affichés, ils ne seraient plus que 22 %.

Nous nous trouvons en ce moment en période de pré-inscription et, même dans les quartiers les plus défavorisées, les inspections académiques opposent des fins de non-recevoir. Il s’agit pourtant de populations fragiles, qui connaissent des difficultés culturelles, sociales et financières. L’inscription à l’école publique et gratuite les aiderait en favorisant l’éveil de leurs enfants et en permettant à ceux-ci d’acquérir les premiers apprentissages.

Il est évident que l’accueil des enfants de moins de trois ans au sein des écoles maternelles doit être amélioré. Dans cette optique, l’effort doit être porté sur le niveau de la formation des personnels et, bien sûr, le ratio d’encadrement. Ce n’est pas votre option puisque, aujourd’hui, pour ces enfants, les portes de l’école tendent à se fermer…

Votre politique va même en sens inverse : en septembre dernier, une expérimentation concernant la prise en charge payante des enfants de deux à trois ans dans des « jardins d’éveil » a été engagée dans le département du Rhône et, au début du mois d’avril, vous avez annoncé son extension par l’attribution payante de 8 000 places en jardin d’éveil.

Je vous demande donc de bien vouloir préciser à la représentation nationale dans quels locaux se feront ces expérimentations, dans quelles conditions – je pense notamment au ratio d’encadrement – et avec quels personnels ? Quelles seront leur formation et leurs compétences ? Enfin, pourriez-vous nous indiquer le coût qui sera supporté par les familles et les collectivités territoriales ?

Pour être maman d’un enfant de vingt mois, j’ai bien conscience des problèmes importants de garde que rencontrent de nombreux parents, qui se posent d’ailleurs plus à la naissance qu’à l’âge de deux ans. Il faut augmenter l’offre de places en crèche.

Madame la secrétaire d’État, vous vous désengagez par principe – et, je le crains, par économie – de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, quels que soient les quartiers. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de la mise en place, in situ, de structures payantes pour les parents, dont les missions seront en deçà de celles du service public de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Madame la sénatrice, je voudrais d’abord vous rappeler que je suis chargée du développement des modes de garde. Il y a, d’un côté, l’éducation nationale et, de l’autre, la mission que m’a confiée le Président de la République, consistant à développer sur l’ensemble du territoire, au service des familles, 200 000 places supplémentaires correspondant à de nouveaux modes de garde, pour accompagner et encourager la natalité, qui, vous le savez, est la plus forte d’Europe.

Vous avez sans doute eu connaissance de l’étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DRESS, qui démontre que, entre 2002 et 2007, le coût des gardes d’enfants, tous modes confondus, a baissé de plus de 4,5 % par an, soit 24,35 % en cinq ans – c’est une bonne nouvelle ! – grâce à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, au crédit d’impôt en faveur des familles modestes et aux aides fiscales.

Vous soulevez la question de la préscolarisation. Vous savez que l’école maternelle à la française est une exception mondiale ! Je vous rappelle que la quasi-totalité des études qui ont été réalisées – nous ne disposons sans doute pas des mêmes, mais Mme Royal en avait elle-même commandé une sur ce sujet – démontrent qu’une scolarisation trop précoce est généralement néfaste pour les jeunes enfants. Cela dit, il se peut que, dans certains quartiers difficiles, des enfants qui ne sont pas suffisamment pris en charge en retirent un bénéfice.

Sans généraliser à l’excès, il demeure qu’une préscolarisation n’est pas souhaitable parce que l’enfant n’est pas accompagné de la même manière que dans un mode de garde plus traditionnel. Entre deux et trois ans, un enfant est encore un bébé ! Dans ces conditions, s’il est pris en charge à l’école maternelle, avec une enseignante et un ATSEM – agent territorial spécialisé des écoles maternelles –, l’encadrement n’est pas suffisant, ne serait-ce que parce que, bien souvent, il n’est pas encore « propre ».

Les jardins d’éveil que nous allons expérimenter ont fait l’objet d’un rapport sénatorial de Mme Papon et de M. Martin, puis de consultations et de concertations avec l’ensemble des acteurs de la petite enfance, des collectivités locales et des représentants de l’Association des maires et de l’Assemblée des départements de France.

L’objectif est de diversifier les modes de garde sur l’ensemble du territoire. Ainsi, les 8000 places prévues dans le cadre de l’expérimentation ne viendront aucunement concurrencer la maternelle, ni même les zones où se trouvent déjà des structures de préscolarisation. En revanche, les jardins d’éveil représentent un outil utile pour compléter les modes de garde existants.

Cette structure, plus souple à mettre en œuvre, repose sur la mutualisation des moyens : une mairie, une association ou une entreprise pourra mettre en place un jardin d’éveil en utilisant des moyens déjà existants. Par exemple, un maire peut consacrer des locaux disponibles pour organiser un accueil périscolaire dans le cadre d’un groupe scolaire : cela lui permettra, à partir du bâti existant de mutualiser l’électricité, le chauffage, etc.

Le coût moyen d’une place de crèche, vous le savez, c’est 13 000 euros par an, contre moins de 8 000 euros pour une place en jardin d’éveil. Tout le monde y gagne puisque les financements seront croisés : les caisses d’allocations familiales, les collectivités locales – et je vous rappelle que la petite enfance relève bien de leurs attributions –, les parents, qui contribuent en fonction de leurs revenus. Même les entreprises pourront participer au financement des jardins d’éveil dans le cadre de leur politique familiale.

L’encadrement sera beaucoup plus resserré, avec des groupes de douze à vingt-quatre enfants. Il y aura trois encadrants, auxquels s’ajouteront deux employés qui pourront travailler à mi-temps dans d’autres structures.

Par ailleurs, un bilan du fonctionnement de ces structures innovantes sera effectué chaque année.

Du reste, nous croulons déjà sous les demandes de maires ! J’enverrai la méthodologie des jardins d’éveil à tous les parlementaires, et je vous rappelle que vous pouvez aussi la télécharger sur le site de la caisse nationale des allocations familiales ou sur celui du Gouvernement, <www.familles.gouv.fr>.

Ce dispositif est un atout pour les collectivités locales et pour les familles parce qu’il répond vraiment à l’exigence d’un encadrement privilégié des tout-petits.

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Madame la secrétaire d’État, s’agissant de la question de l’entrée à l’école maternelle à moins de trois ans, je mettrai en avant mon statut de mère de quatre enfants, dont l’aîné a dix-huit ans et passe son bac en ce moment même – j’espère que tout va bien se passer (Sourires.) – et le plus jeune, vingt mois.

Madame la secrétaire d’État, j’entends vos arguments et, sur le fond, je suis d’accord avec vous sur ce sujet important. Ce qui m’inquiète, ce sont les inégalités qui risquent d’apparaître entre les communes riches et les communes pauvres ou entre les quartiers d’une même ville. À Marseille, où je suis élue, je peux vous dire qu’on ne parle pas aujourd’hui de jardin d’éveil…

Madame la secrétaire d’État, vous avez raison, il est toujours mieux, pour un enfant, d’être gardé par une nounou ou d’être accueilli dans une crèche plutôt que d’aller à l’école à deux ans. Mais que se passe-t-il pour les enfants de moins de trois ans qui sont nés, par exemple, au mois de mars et qui rentreront finalement à l’école à trois ans et demi ? Est-il plus intéressant qu’ils soient à l’école maternelle ou qu’ils restent devant la télé à regarder des feuilletons américains ? Car c’est cela qui se passe !

Il s’agit là d’un problème bien réel, et même s’il ne relève pas entièrement de votre compétence, madame la secrétaire d’État, vous êtes chargée de la famille, et c’est la raison pour laquelle je vous interpelle.

Le Président de la République a affirmé hier qu’il fallait donner des moyens aux écoles de la deuxième chance pour qu’elles se développent. J’estime, pour ma part, que l’on devrait commencer par donner des moyens suffisants aux écoles de la première chance, qui en ont bien besoin, surtout dans certains quartiers. En scolarisant certains enfants à deux ans et demi et d’autres à quatre ans, on crée des disparités importantes et certains enfants prennent d’emblée du retard !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je veux souhaiter bonne chance à votre fils qui passe le bac ! (Nouveaux sourires.) Vous avez quatre enfants, j’en ai trois. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons toutes deux l’expérience des différents modes de garde…

Je voudrais vous rassurer sur un point.

Les secteurs déficitaires, notamment en milieu rural ou dans certains quartiers qui sont dépourvus de structures de garde et qui ont besoin de les développer, seront aidés par la caisse nationale d’allocations familiales à hauteur de près de 3 200 euros.

Dans la convention d’objectifs et de gestion que nous avons signée avec la CNAF, vous le savez, l’État a fait un effort de près de 1,3 milliard d’euros pour développer ces modes de garde. Nous avons prévu une ligne budgétaire de 30 millions d’euros, à laquelle Fadela Amara et moi-même tenions beaucoup, pour développer les modes de garde dans 215 quartiers prioritaires.

On le sait, certaines femmes à la recherche d’un emploi ne peuvent même pas répondre à un entretien parce qu’elles ne savent pas comment faire garder leurs enfants ! La ligne budgétaire que nous avons donc mise en place pour les tout-petits pourra sans doute intéresser les quartiers de Marseille, en permettant d’y développer l’offre de garde.

Les appels à projets ont été lancés, et je suis tout à fait prête à vous recevoir pour que nous examinions ensemble très concrètement les secteurs de votre choix afin de trouver des solutions pour les quartiers difficiles et les familles les plus défavorisées.

conséquences pour les apiculteurs de l'introduction de la tenthrède cibdela janthina à la réunion

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 559, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Anne-Marie Payet. J’ai en effet souhaité attirer l’attention du ministre de l’agriculture et de la pêche sur les conséquences néfastes résultant de l’introduction à la Réunion de la tenthrède Cibdela janthina, initialement destinée à lutter contre la vigne marronne.

Pour la petite histoire, je précise que cette sorte de ronce a été importée dans notre île, au début du peuplement, par un curé métropolitain mal inspiré qui pensait ainsi pouvoir produire lui-même son vin de messe.

Porté par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, et financé par la région, ce projet de lutte contre cette plante envahissante a été lancé en février 2008 après réalisation d’une étude concluant que la larve de tenthrède se nourrit exclusivement de feuilles de vigne marronne, sans aucun risque de propagation aux autres végétaux. Les techniciens du CIRAD pensaient que les zones concernées – à savoir Bois-Blanc et la Rivière de l’Est, sur la commune de Sainte-Rose –, ainsi débarrassées de cette peste végétale, seraient progressivement colonisées par les plantes endémiques.

Je rappelle aussi que CABI Bioscience, organisme de recherche spécialisé dans la lutte biologique contre les espèces envahissantes dont la compétence est reconnue sur le plan mondial, a procédé à une expertise scientifique du programme et a préconisé d’effectuer des tests complémentaires avant la phase de lâcher dans le milieu naturel, ce qui a conduit la région à émettre un avis réservé sur ce projet.

La nécessité de lutter contre les pestes végétales n’est pas contestable, mais il est regrettable que le syndicat des apiculteurs de la Réunion n’ait pas été consulté avant la mise en œuvre du projet. En effet, certains apiculteurs réalisent jusqu’à 40 % de leur production de miel à partir du nectar de la vigne marronne. Or, à aucun moment, leurs pertes économiques potentielles n’ont été chiffrées, et aucun programme de compensation n’a été prévu. Si, faute de nourriture, l’abeille venait à disparaître de ces régions, l’impact sur l’agriculture serait d’autant plus considérable que 60 % de la production légumière et fruitière dépend de la pollinisation par les abeilles. Les pertes seraient donc colossales pour cette filière.

En 2009, le constat est sans appel. Tout d’abord, la biodiversité n’a pas retrouvé sa place. En effet, la tenthrède s’est très bien adaptée à l’île et ses larves détruisent la vigne marronne beaucoup plus vite que le CIRAD ne l’avait prévu, laissant derrière elles de vastes pans de terre nue, très vite recolonisés par d’autres espèces envahissantes, pestes végétales encore plus difficiles à éradiquer tels le tabac bœuf ou le miremia, variété de rose des bois sauvage non mellifère.

De plus, la tenthrède adulte en vient à concurrencer l’abeille. Les études préalables à son introduction s’étaient focalisées uniquement sur les larves : or, devenues adultes, elles sont avides de nectar et concurrencent les abeilles sur leurs plantes de prédilection. Les apiculteurs ont finalement obtenu la suspension des lâchers en avril dernier. Mais, depuis le début de l’année, certains apiculteurs, sur les zones concernées, ont vu leur récolte de miel de baies roses chuter de plus de 80 %. Les fleurs de litchis vont bientôt faire leur apparition : j’espère qu’elles seront épargnées par ces insectes !

Les apiculteurs du département doivent être soutenus. Certains sont en grande difficulté. Je partage leurs préoccupations sur l’avenir de la filière, mais aussi sur l’avenir de la filière fruits et légumes. Dans ce contexte, je vous demande de bien vouloir me faire part, madame la ministre, des mesures que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation, notamment pour remplacer définitivement le programme d’introduction de la tenthrède Cibdela janthina à la Réunion par un programme d’éradication dont l’impact sur l’environnement et l’abeille serait minime.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, Michel Barnier, qui participe au Conseil des ministres européens de l’agriculture et de la pêche à Luxembourg, ne peut malheureusement pas être présent ce matin et vous prie de l’en excuser. Il m’a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

La vigne marronne, introduite sur l’île de la Réunion vers 1840, est devenue l’une des espèces exotiques les plus envahissantes. Cette plante s’est développée de manière anarchique, au détriment de la végétation indigène. C’est pourquoi la lutte contre la vigne marronne a été rendue obligatoire par arrêté ministériel du 31 juillet 2000.

En complément des pratiques de lutte mécanique, dont l’efficacité technique est limitée, et surtout afin de limiter le recours aux herbicides, une solution plus durable de lutte biologique a été recherchée. Il est en effet important de promouvoir les solutions de lutte biologique lorsqu’elles existent, dans un souci de préservation de l’environnement et de la santé, mais aussi de la biodiversité et des équilibres biologiques.

Un programme de recherche, financé par le conseil régional, a donc été lancé. Sur quarante espèces étudiées, la tenthrède Cibdela janthina a été retenue. L’étude scientifique menée a démontré qu’elle ne constituait pas de menace pour l’agriculture et l’environnement puisque les tests ont permis d’établir que les larves ne s’attaquent pas aux principales espèces botaniques d’intérêt agricole, horticole ou patrimonial. Aucune interaction négative avec d’autres espèces n’a été décrite.

La tenthrède a donc été introduite à la Réunion pour les dernières études en laboratoire, puis lâchée en milieu naturel sur la commune de Sainte-Rose en janvier 2008, sur autorisation préfectorale après avis favorable du conseil scientifique régional du patrimoine naturel.

Aujourd’hui, la tenthrède est présente sur une zone de 20 000 hectares dans le sud et l’est de l’île. Sur le site de lâcher, à Bois-Blanc, les deux tiers des pieds de vigne marronne sont détruits et peu d’adultes de tenthrèdes sont encore observables. Cela permet d’envisager une régression progressive des populations de tenthrède au fur et à mesure de la régression de la vigne marronne.

Concernant la pollinisation, une récente étude de terrain montre qu’elle s’est bien réalisée en présence de tenthrèdes, ce qui répond, madame, à l’une de vos préoccupations.

Concernant la compétition entre les abeilles et les tenthrèdes adultes pour la récolte de nectar, le CIRAD, à la demande du préfet, a proposé aux apiculteurs de mener avec leur appui une série d’expérimentations au champ et sous serre, qui démarreront dès que possible. Celles-ci viseront notamment à observer les interactions entre les tenthrèdes et les abeilles dans les activités de butinage sur fleurs et sur d’autres sources alimentaires

Concernant enfin la production de miel, la vigne marronne devrait naturellement, en forêt, être remplacée par des espèces indigènes, dont plusieurs ont un intérêt mellifère reconnu. La production d’un miel de forêt, composé d’espèces indigènes, donnerait ainsi une assurance de typicité pour un produit pays labellisé.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. J’ai bien entendu votre réponse, madame la ministre, mais, voilà quatre jours exactement, le CIRAD a déclaré dans la presse qu’il y avait eu incompréhension dès le départ, car il ne savait pas que la vigne marronne était utile à la production du miel local, et, surtout, que les observations effectuées à Sumatra sur le comportement de la tenthrède avant son implantation n’avaient pas mis en évidence ce que l’on constate actuellement à la Réunion. D’après les tests, en effet, cet insecte ne devait pas s’attaquer aux principales espèces botaniques d’intérêt agricole ou horticole ; or, aujourd’hui, on les voit un peu partout, sur les petits pois, les fleurs de citrouille et d’autres plantes.

J’espère que des mesures seront prises rapidement pour protéger la filière agricole en général, et plus particulièrement la filière apicole, dont le professionnalisme a été reconnu et qui a été récompensée par une médaille d’or au dernier Salon de l’agriculture.

Il est vraiment urgent que cette peste végétale soit remplacée par d’autres espèces. Or d’autres pestes végétales – j’ai mentionné tout à l’heure le tabac bœuf – qui sont encore plus difficiles à éradiquer ont pris déjà la place de la vigne marronne.

vétusté de la maison d'arrêt de la santé

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, en remplacement de M. Roger Madec, auteur de la question n° 578, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser notre collègue Roger Madec, qui a été retenu pour une raison totalement indépendante de sa volonté et ne peut être présent parmi nous. J’aurai donc l’honneur de poser la question en son nom.

Le XIVe arrondissement de Paris abrite l’une des prisons les plus médiatiques de notre système judiciaire : la maison d’arrêt de la Santé, centre pénitentiaire qui reste l’un des plus délabrés de France.

Construite en 1867, la maison d’arrêt de la Santé est la dernière prison intra-muros de Paris. Tout comme la majorité du parc pénitentiaire datant d’avant 1920, elle n’est plus conforme aux normes d’hygiène et de sécurité obligatoires pour l’hébergement de personnes écrouées.

Il s’agit aujourd’hui d’une petite structure qui accueille un centre de détention et un quartier de semi-liberté. Les conditions de vie y sont inacceptables.

La maison d’arrêt de la Santé tombe en ruine. Elle montre, du fait de la défection de l’État, un grand état de délabrement. Le bâtiment a subi une détérioration irréversible qui s’est accélérée au cours des dernières années. La corrosion qui attaque les fondations internes des murs a conduit, pour des raisons de sécurité, à la fermeture de deux blocs sur quatre en 2006. Depuis, aucune rénovation, aucune transformation, aucune reconstruction de ces blocs n’a été entreprise. Ils sont aujourd’hui à l’abandon.

La grande vétusté entraîne une insalubrité croissante, rendant difficiles les conditions de travail des agents de l’administration pénitentiaire ainsi que les conditions de détention. Les murs s’effritent, les plafonds s’écroulent. La maison de la d’arrêt de la Santé, usée par le temps, se mue en ruine.

La détérioration de l’établissement ne permet pas de proposer de programme de formation tel que la loi le préconise. En effet, les locaux adaptés à la formation sont en nombre manifestement insuffisant. Il en est de même pour le travail, qui n’est pas proposé, faute, là encore, de locaux conformes aux normes en vigueur. Les activités sportives sont, elles aussi, très limitées. L’agencement architectural de la maison d’arrêt ne permet pas le déroulement de séances de sport en extérieur. Seule une salle de musculation est proposée pour l’ensemble des détenus.

Depuis 2000, la restructuration de la Santé est à l’étude. Des travaux de rénovation ont été programmés pour 2008 et estimés à 150 millions d’euros. Or, à la suite d’un audit mené dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, ce projet a été suspendu, ce qui reculerait la rénovation à 2013-2016.

Cette suspension des travaux aggrave les conditions de travail des agents de l’administration pénitentiaire, qui font pourtant preuve d’une grande conscience professionnelle. Les grèves qui ont touché la maison d’arrêt de la Santé au mois de mai dernier ont démontré l’existence d’un malaise profond parmi eux.

Depuis trente ans, les rapports sur les prisons françaises se suivent et se ressemblent, sans grand effet sur les conditions de détention. Vous savez, madame la ministre, que la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme. Nos prisons font l’objet de critiques, tant au niveau national qu’au niveau international, avec les rapports de l’ONU et du CPT, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Je rappelle que ce comité dénonce depuis 1991 – et encore récemment, dans un rapport de 2007 qui faisait suite à des visites menées en 2006 – des « traitements inhumains et dégradants », précisément.

Hier, mes chers collègues, nous étions à Versailles, où nous avons pu entendre le Président de la République s’indigner de l’état de nos prisons, qualifiant ledit état de « honte pour notre République ». C’était d’ailleurs, je crois, le titre d’un rapport parlementaire qui avait été établi sur l’initiative de la commission des lois du Sénat…

Face à un projet de réfection estimé à 150 millions d’euros, madame la ministre, vous prévoyez un financement d’un montant de 771 000 euros. La différence entre les deux sommes est évidente ! On est loin des engagements pris en 2005 pour la réhabilitation de l’établissement de la Santé.

Notre collègue Roger Madec souhaiterait savoir quelles dispositions vont être prises afin d’honorer les engagements de l’État concernant la réhabilitation de la maison d’arrêt de la Santé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité, au nom de votre collègue M. Roger Madec, attirer mon attention sur la situation de la maison d’arrêt de la Santé.

Je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, la situation que vous décrivez est tout à fait réelle : outre la vétusté, il faut déplorer les difficultés du suivi médical et l’insuffisance d’outils de formation à l’égard des détenus.

Quelles actions avons-nous entreprises et mises en œuvre afin de pallier ces conditions d’incarcération ?

La maison d’arrêt de la Santé, vous le rappeliez, a été construite en 1867. Sa capacité originelle était de 1 204 places. Elle comprend un quartier haut et un quartier bas. Les cellules sont toutes équipées de WC et de lavabo, mais il est vrai que les douches sont collectives.

Ainsi que vous l’avez souligné, le bâti a subi une détérioration irréversible au cours de ces dernières années, du fait de la corrosion de la structure à l’intérieur même des murs. On sait bien que, pendant très longtemps, on a laissé cet établissement se dégrader sans faire de travaux ; mais je ne veux pas polémiquer sur ce point.

La fermeture de trois blocs est devenue inévitable pour des raisons de sécurité, aussi bien celle des détenus que celle des personnels pénitentiaires. La capacité de détention s’en est évidemment trouvée réduite, passant de 1 204 à 455 places. Au 1er mai 2009, l’établissement accueillait 573 détenus.

Un nouveau projet a donné lieu à une évaluation à la fin de 2008 et des orientations actualisées font aujourd’hui l’objet d’études de faisabilité, notamment pour ce qui concerne la réhabilitation.

Il convient dans l’immédiat, pour la partie du site qui demeure en activité, d’identifier les actions à mener afin de garantir le fonctionnement de la structure. Des actions sont donc entreprises, visant pour l’essentiel à préserver la capacité d’accueil.

Vous vous souvenez certainement du débat qu’a suscité la question de savoir s’il fallait fermer l’établissement de la Santé pour en ouvrir un plus grand, par exemple en augmentant la capacité de l’établissement de Fleury-Mérogis, qui est déjà le plus grand établissement pénitentiaire d’Europe. J’ai pris la décision de maintenir cet établissement en pensant notamment aux audiences qui se tiennent tardivement au palais de justice de Paris, mais aussi à des procès particulièrement complexes et importants, qui se déroulent sur plusieurs jours, voire sur plusieurs semaines. Il me semblait nécessaire que les détenus puissent être accueillis non loin du tribunal. Voilà pourquoi nous avons souhaité maintenir cet établissement, le rénover et le réhabiliter.

Contrairement à ce que vous avez dit, les travaux d’un montant de 771 000 euros ont d’ores et déjà été engagés en 2008 et 2009 pour l’extension et la rénovation du quartier de semi-liberté.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance 2009, ont été engagés d’autres travaux et études, à hauteur de 100 000 euros, ainsi que des travaux de rénovation électrique, pour 36 000 euros, de sécurisation, pour 31 500 euros, et de protection contre les risques incendie, pour 64 500 euros.

Concernant le suivi médical des détenus réalisé au sein de l’unité de consultation et de soins ambulatoires de l’établissement, je vous rappelle qu’il dépend de l’hôpital Cochin. Nous n’avons plus de médecine pénitentiaire depuis 1994 : ce n’est donc pas l’administration pénitentiaire qui organise les soins ou le suivi médical, c’est le ministère de la santé et l’hôpital dont dépend l’établissement.

Par ailleurs, la maison d’arrêt de la Santé est dotée d’équipements collectifs permettant d’offrir aux détenus un éventail élargi d’activités socio-éducatives, grâce à l’intervention de nombreuses associations et personnes extérieures.

Ainsi, au cours de l’année 2009, sont programmés des cours organisés par l’éducation nationale, de l’alphabétisation jusqu’à la préparation du baccalauréat et des diplômes d’études supérieures. Il y a également des ateliers d’art plastique et des conférences d’histoire de l’art mis en place par des intervenants du musée du Louvre. Des ateliers de théâtre sont animés par des professionnels – j’ai pu moi-même constater qu’ils étaient très présents dans l’établissement. Sont et seront organisés différents concerts de musique. On trouve également un atelier vidéo piloté par le musée Carnavalet, des ateliers d’initiation informatique et des activités sportives.

En outre, une offre de formation bureautique, complétée récemment par une permanence du Pôle emploi et d’une association d’insertion professionnelle, permet aux détenus de préparer leur future réinsertion.

Vous avez soulevé la question de l’activité. Dès lors que les détenus sont classés, ils peuvent travailler. Le taux d’activité est assez élevé à la Santé, mais vous avez raison : l’établissement ne peut pas accueillir beaucoup plus d’activités compte tenu des contraintes liées au bâtiment. Tant que nous n’aurons pas fait des travaux de rénovation, l’activité professionnelle sera limitée.

Par ailleurs, tous les nouveaux établissements pénitentiaires et ceux qui seront construits – le Président de la République souhaite relancer un programme de construction – intègrent la nécessité de l’activité professionnelle par la création de grands ateliers.

Mais, à la Santé, même si on réhabilite les locaux, on ne pourra pas avoir des ateliers comparables à ceux des nouveaux établissements pénitentiaires. Cela permettra néanmoins d’accueillir de nouvelles activités professionnelles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la garde des sceaux, mon collègue Rober Madec prendra connaissance avec attention de vos déclarations.

J’ai bien noté tout ce que vous avez dit sur la situation de la maison d’arrêt de la Santé et sur les nécessaires rénovations.

Vous avez annoncé le déblocage de quelques milliers d’euros en sus des 771 000 euros déjà mentionnés. J’ai fait une rapide addition : cela fait environ 884 000 euros, ce qui reste très loin des 150 millions d’euros nécessaires pour la réfection totale de cette maison d’arrêt, telle qu’elle avait été envisagée en 2005.

Nous serons bien sûr vigilants et je pense que Roger Madec sera attentif, puisque c’est peut-être la dernière fois que nous avons l’occasion de vous rencontrer dans la présente conjoncture, madame le garde des sceaux, à l’action de votre successeur. Quoi qu'il en soit, je tiens à vous dire que nous formons des vœux pour votre action européenne.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous remercie de ces mots aimables. Vous savez que j’ai eu, comme vous, à cœur d’améliorer les conditions de vie en prison, aussi bien celles des personnels que celles des personnes détenues. Nous y avons d’ailleurs travaillé ensemble dans une bonne entente.

Je garderai un bon souvenir de nos débats. Mais j’espère que ce combat se poursuivra dans le cadre européen et que nous pourrons nous retrouver sur ces enjeux.

M. le président. Madame la garde des sceaux, la présidence teint également à saluer la présence et l’écoute dont vous avez toujours su faire preuve devant la Haute Assemblée. Vous venez aujourd’hui encore d’en donner un nouvel exemple.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Merci, monsieur le président ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

situation des services de réanimation chirurgicale et médicale de l'hôpital ambroise-paré

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 556, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le projet de regroupement des services de réanimation chirurgicale et médicale de l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne a été programmé pour 2012. Ce projet, sur lequel les équipes concernées travaillent depuis 2003, prévoit la construction d’un nouveau bâtiment, pour un budget de 7,3 millions d’euros. Ce nouveau bâtiment doit permettre le regroupement de ces deux services dans de parfaites conditions de sécurité et d’hygiène pour les malades et les équipes médicales puisqu’il répondra aux recommandations du décret de 2002 sur les règles d’exercice de la réanimation, recommandations auxquelles les locaux actuels de la réanimation chirurgicale et de la réanimation médicale ne répondent pas, leurs travaux de mise aux normes n’étant toujours pas réalisés. Ces locaux ne permettent donc pas, en l’état, d’effectuer un tel regroupement.

Or, fin janvier, l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP, a décidé de fusionner les gardes de réanimation médicale et chirurgicale d’Ambroise-Paré, imposant de fait le regroupement anticipé des deux services. Où ? Dans les locaux actuels et non conformes de la réanimation médicale.

Cette décision a particulièrement choqué les personnels, qui ont décidé de se mobiliser. Ils refusent de se voir imposer des conditions de travail portant atteinte à l’offre de soins, à sa qualité et à la sécurité des patients.

Le président du comité de lutte contre les infections nosocomiales d’Ambroise-Paré a jugé « tout à fait incongru » ce regroupement dans un local non conforme. Il a émis des réserves devant le risque majoré d’infections nosocomiales.

Le 13 avril dernier, l’agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France, l’ARHIF, a émis également un avis défavorable. Selon elle, ce regroupement anticipé va « dans le sens d’une dégradation des conditions de prise en charge des patients, uniquement en chambres à deux lits et des conditions d’hygiène hospitalière par l’impossibilité d’isoler les patients susceptibles d’être porteurs de bactéries multirésistantes aux antibiotiques ».

Si le regroupement devait se faire dans les locaux exigus de l’actuelle réanimation médicale, s’ensuivrait immédiatement une dégradation des conditions de travail, le personnel soignant se trouvant, du fait de la promiscuité, dans l’impossibilité de respecter les règles minimales d’hygiène visant à éviter les infections nosocomiales, et plus particulièrement celles qui sont liées aux bactéries résistantes aux antibiotiques.

Un groupe de cinq experts chargé d’analyser ces risques doit rendre ses conclusions lors de la prochaine réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le 3 juillet.

La direction de l’hôpital maintient néanmoins le cap, sa directrice s’est même déclarée prête à « passer outre » cet avis.

À ce jour, les personnels n’ont reçu aucun engagement ferme sur la construction d’une nouvelle réanimation aux normes et ils s’interrogent.

Ce regroupement anticipé va-t-il être abandonné ? Mme la ministre de la santé peut-elle garantir aux personnels que le nouveau bâtiment de réanimation verra bien le jour ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice, vous appelez l’attention de Roselyne Bachelot-Narquin sur le regroupement anticipé des services de réanimation chirurgicale et médicale de l’hôpital Ambroise-Paré avant le regroupement définitif dans un nouveau bâtiment en 2011. Vous vous inquiétez notamment d’une éventuelle dégradation des conditions de prise en charge des patients qui seront accueillis pendant cette période transitoire dans une unité médico-chirurgicale reconstituée.

Actuellement, les deux unités de réanimation médicale et chirurgicale se trouvent dans deux ailes distinctes de l’hôpital Ambroise-Paré et à des étages différents. Le regroupement de ces deux unités en une seule unité à vocation médico-chirurgicale répond au souci d’utiliser au mieux les moyens disponibles, sans attendre l’achèvement des travaux de construction d’une plateforme commune, qui n’aura pas lieu avant 2011.

Mme la ministre de la santé et des sports a demandé au directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France de donner un avis sur ce regroupement anticipé ; il a été tout à fait positif.

Ce regroupement ne saurait altérer les conditions de prise en charge des patients puisqu’il aura lieu au sein de l’unité actuelle de réanimation médicale, qui est tout à fait adaptée aux traitements des infections lourdes.

Vous regrettez que l’unité médico-chirurgicale une fois reconstituée ne comporte que des chambres doubles. Or, dans le cas de survenue d’une infection grave, il sera tout à fait possible de fermer un lit et d’isoler ainsi les patients éventuellement concernés. Par ailleurs, je vous rappelle que la structure des locaux sera reconstituée en trois unités de deux chambres chacune et, pour l’offre de soins continus, en une unité.

Cette configuration permettra par conséquent, dans le cas d’une épidémie d’infections nosocomiales, d’isoler et de transférer les patients entre les différentes unités de réanimation médicale et de soins continus.

D’autre part, le regroupement anticipé ne manquera pas de favoriser le partage et le rapprochement des compétences médicales, notamment dans le domaine qui vous préoccupe, celui de la sécurité sanitaire. Les équipes médicales qui seront affectées dans cette unité sont expertes dans la gestion des protocoles d’isolement préventif et seront en mesure de contrôler au mieux les risques d’infections nosocomiales.

Il faut évidemment que les conditions techniques et d’organisation de ce regroupement soient clairement précisées. Mme la ministre de la santé a effectivement fixé des objectifs d’expertise et de sécurité sanitaire à l’ensemble des établissements hospitaliers du territoire. Sachez qu’elle est particulièrement attachée à la qualité de l’offre de soins qui devra être réalisée par ce regroupement et qu’elle a demandé à l’agence régionale de l’hospitalisation d’en suivre avec attention le bon déroulement.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d’État, je réitère ma demande de réalisation du nouveau bâtiment censé accueillir la nouvelle unité de réanimation médico-chirurgicale.

Le souhait de la direction, vous venez de le confirmer, est de mener ce regroupement anticipé dans des locaux non conformes et dangereux, et ce n’est pas votre réponse qui peut me rassurer, car il faut anticiper la propagation des bactéries : il ne suffit pas d’isoler un malade lorsqu’on a constaté la présence d’une infection nosocomiale !

Les personnels soignants sont très déterminés ; ils n’iront pas à l’encontre de l’avis de l’ARHIF, et des démissions sont même envisagées. Ils n’acceptent, en effet, ni la méthode ni l’objectif, qui font, selon eux, courir davantage de risques aux patients, et ce dans un objectif de rentabilité.

Cette méthode de regroupement est désormais érigée en règle par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », sur des bases purement comptables : il faut économiser des postes d’infirmiers, des postes médicaux, des structures. C’est une vision à court terme, qui met en danger l’existence de l’hôpital en général, et en particulier celle de cet hôpital de proximité. Car Ambroise-Paré est bien un hôpital de proximité répondant à un vrai besoin des populations locales, dans un quartier où il est implanté depuis quarante ans.

L’inquiétude est d’autant plus grande que cette politique de regroupement pourrait conduire au départ prochain du pôle de cancérologie vers l’hôpital Georges-Pompidou. La perte de ce service poserait à l’évidence un véritable problème pour l’équilibre et la survie de l’hôpital Ambroise-Paré. C’est pourtant un établissement qui a fait ses preuves. Malgré la fermeture de 25 % des lits pour cause de désenfumage, l’hôpital n’a perdu que 5 % de son activité : c’est dire combien les personnels ont à cœur de répondre aux besoins de santé locaux !

Voilà donc la réalité de cet hôpital, que j’invite Mme Bachelot à venir visiter avec moi.

régulation de l'offre de soins infirmiers dans le département du loiret

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 564, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, j’appelle votre attention sur le dispositif de régulation démographique de l’offre globale de soins infirmiers, dispositif entré en vigueur le 18 avril dernier.

Ce rééquilibrage instauré par l’arrêté du 17 octobre 2008 portant approbation de l’avenant n° 1 à la convention nationale des infirmières et infirmiers libéraux, conclu le 4 septembre 2008 entre, d’une part, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et, d’autre part, Convergence infirmière, la Fédération nationale des infirmiers, l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux et le Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux, vise à réguler le nombre d’infirmiers et d’infirmières exerçant en libéral sur le territoire national.

Il prévoit, d’une part, un conditionnement de l’accès au conventionnement dans les zones dites « surdotées », toute nouvelle installation n’étant possible « qu’à condition de compenser le départ d’un collègue », et, d’autre part, des mesures incitatives à l’installation et au maintien en exercice dans les zones « très sous-dotées », telles que, par exemple, le soutien matériel à l’installation pour l’équipement du cabinet ou la prise en charge des cotisations d’allocations familiales, mesures mises en œuvre par la signature d’un « contrat santé solidaire » entre le professionnel et l’assurance maladie.

Selon le récent classement réalisé par la mission régionale de santé du Centre, le département du Loiret, que j’ai ici l’honneur de représenter, comprend 37 zones, parmi lesquelles aucune ne s’avère « surdotée » ou « très sous-dotée », l’excluant ainsi du dispositif d’incitation à l’installation ou au maintien en exercice, alors même que ce département souffre, dans certaines zones, d’un manque flagrant d’infirmiers.

En effet, avec une densité de 52 infirmières pour 100 000 habitants, le Loiret constitue l’un des départements les moins bien dotés de France dans la mesure où la moyenne nationale s’élève à 85 infirmières pour 100 000 habitants. Ainsi, l’accès aux soins infirmiers est considéré comme normal dans ce département, malgré d’importants déséquilibres et la situation très critique à cet égard de cinq cantons classés « sous-dotés », où l’insuffisance du nombre d’infirmiers et d’infirmières est flagrante. Il s’agit des cantons de Patay, de Briare, de Châtillon-sur-Loire, de Châtillon-Coligny et de Château-Renard.

En conséquence, j’aimerais connaître, monsieur le secrétaire d'État, les modes de calcul qui ont conduit à exclure le Loiret de ce dispositif. Par ailleurs, quelles mesures est-il envisagé de prendre pour remédier à cet état de choses qui porte préjudice aux habitants des cinq cantons du Loiret qui viennent d’être cités et favoriser l’installation et le maintien des infirmiers et infirmières en leur sein.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, l’avenant à la convention nationale qui organise les rapports entre les infirmiers et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie est tout à fait fondamental.

Les quatre syndicats d’infirmiers libéraux s’y sont engagés à réguler l’installation des infirmiers libéraux dans les territoires où ils sont très nombreux. En parallèle, des incitations à l’installation dans les territoires qui manquent d’infirmiers sont prévues.

Ce dispositif doit permettre de rééquilibrer la présence des infirmiers libéraux dont la densité varie de 1 à 7 selon les départements, créant de fortes inégalités en matière d’accès aux soins, alors même que les soins infirmiers constituent, pour nos compatriotes, un élément fondamental de la qualité des soins.

Il faut de nouveau souligner l’engagement inédit et novateur des infirmiers libéraux, ainsi que le caractère responsable de cette démarche, dont Roselyne Bachelot-Narquin tient à rappeler qu’elle s’est accompagnée de revalorisations importantes des tarifs.

Concernant la mise en œuvre effective de cette régulation, l’arrêté du 29 décembre 2008 relatif aux critères de classification de zones des infirmiers libéraux a fait l’objet d’une concertation avec les quatre syndicats d’infirmiers libéraux.

Une classification en cinq types de zones a été arrêtée, afin de permettre de déterminer l’application des mesures de régulation. Cette classification a été établie sur la base de critères objectifs portant sur le nombre d’infirmiers exerçant en ambulatoire et au sein des services de soins infirmiers à domicile, le taux d’activité des infirmiers, la structure de la population par âge, ainsi que les caractéristiques géographiques de chaque canton.

Dans chaque région, les missions régionales de santé, en concertation avec les représentants des professionnels de chaque région, ont établi le zonage à partir de ces critères.

Concernant la région Centre, ont été identifiées, sur un total de 158 zones, 15 zones « très sous-dotées », 19 zones « sous-dotées », 115 zones intermédiaires, 8 zones « très dotées » et 1 zone « surdotée ». Seule la classification en zone « très sous-dotée » ouvre droit aux aides à l’installation ou au maintien des infirmiers libéraux. Les aides incitatives à l’installation s’appliquent donc aux 15 zones classées « très sous-dotées », qui sont situées dans les départements du Cher, de l’Eure-et-Loir, de l’Indre, de l’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher.

Les cinq cantons du Loiret que vous avez cités ont été considérés comme « sous-dotés ». De fait, parmi les 37 zones du département du Loiret, aucune ne s’est révélée « surdotée » ou « très sous-dotée ».

Cependant, ce zonage n’est pas figé, et il évoluera bien évidemment si de nouvelles données de recensement de la population conduisent à modifier les critères décrits.

Surtout, ce zonage et, plus globalement, le nouveau dispositif conventionnel vont faire l’objet d’un suivi attentif et d’une évaluation par les partenaires conventionnels et les pouvoirs publics. Cette évaluation prendra en compte les données locales et spécifiques qui ne figuraient pas nécessairement parmi les critères actuels de classification.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, le dispositif mis en place par le Gouvernement est très positif. Lors du débat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’évoquer la question de la présence médicale des infirmiers et infirmières, ainsi que des médecins. À cet égard, je rappelle qu’un certain nombre de sénateurs socialistes ont soutenu le « contrat santé solidarité » proposé par Mme Bachelot-Narquin en vue d’assurer une meilleure présence territoriale des médecins.

Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de la réponse que vous m’avez apportée au sujet des infirmiers et des infirmières, en ressentant malgré tout une certaine déception.

Il est assez difficile d’expliquer aux maires, aux élus et aux habitants de cantons qui connaissent une présence médicale clairement insuffisante qu’ils se trouvent malheureusement dans une zone qui n’est que « sous-dotée » et que seules les zones « très sous-dotées » peuvent bénéficier des dispositifs mis en place !

Je puis vous assurer, pour bien connaître ce département, que les insuffisances sont notoires dans les cinq cantons que j’ai cités, s’agissant tant des médecins que des infirmières et infirmiers.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que la situation n’était pas figée, que ce zonage allait faire l’objet d’un suivi et qu’il était susceptible d’évoluer. Pour ma part, je souhaite que l’on n’attende pas des années pour mettre en œuvre ce suivi, d’autant que vous avez indiqué que les décisions qui avaient été prises ne prenaient en compte des données locales spécifiques. Il faut avoir une vision plus large permettant d’apprécier la situation réelle des zones dites « sous-dotées », afin qu’elles puissent aussi bénéficier de ce dispositif de solidarité.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d'État, ce dispositif présente le grand avantage d’avoir été mis en œuvre en concertation avec les professionnels. En tout cas, il me semble prometteur au regard de la résolution des problèmes d’implantation territoriale de notre système de santé.

J’émets donc le vœu que cette situation soit réexaminée dans les tout prochains mois, afin que soient apportées les réponses nécessaires.

montant des retraites agricoles

M. le président. La parole est à M. Jean Milhau, auteur de la question n° 562, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Milhau. Le Président de la République s’était engagé, au début de l’année 2008, à réduire « les poches de pauvreté » dans lesquelles se trouvaient certains retraités de l’agriculture.

En effet, malgré des « coups de pouce » successifs donnés depuis 1994, un certain nombre de personnes, en particulier les conjoints, les veuves et les retraités ayant eu une carrière incomplète, vivaient encore avec des pensions particulièrement faibles, pour ne pas dire indécentes. Selon les estimations de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, 91 % des veuves d’agriculteurs sans droits propres percevaient, au 30 juin 2007, une pension de moins de 400 euros par mois, alors que le minimum vieillesse s’élevait à 621,27 euros !

À la suite des conclusions retenues par le groupe de travail qui a été mis en place, un nouveau dispositif de revalorisation a été adopté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009. Ce dispositif supprime notamment les coefficients de minoration des revalorisations, comme le souhaitaient de longue date les retraités, et abaisse le seuil de durée de carrière agricole pour ouvrir le droit à la revalorisation pour les personnes dont la retraite a pris effet avant le 1er janvier 2002.

L’objectif est de garantir un montant minimum de retraite égal, pour une carrière complète, à 633 euros par mois pour les chefs d’exploitation et les veuves et à 503 euros par mois pour les conjoints et les aides familiaux.

Depuis le 1er janvier 2009, cette mesure s’applique aux retraités ayant au moins 22,5 ans de carrière dans l’agriculture. Le 1er janvier 2011, elle sera étendue à ceux qui justifient d’une carrière agricole de 17,5 années au moins. Toutefois, la majoration cumulée au total des pensions versées, tous régimes confondus, ne peut dépasser un plafond de 750 euros par mois.

Cette mesure annoncée en « grande pompe » par le Gouvernement avait suscité beaucoup d’espoir dans nos départements ruraux, et particulièrement dans le Lot, que je représente ici. Malheureusement, elle s’avère très décevante dans son application.

En premier lieu, la prise en compte de la bonification pour enfant dans le calcul du plafond de 750 euros paraît des plus injustes. Cet élément constitue en effet plus une compensation qu’un revenu.

En second lieu, les majorations servies sont loin d’être à la mesure des attentes qu’avait suscitées cette annonce. Le bilan établi à la suite de l’instruction des demandes est particulièrement éloquent. Dans le Lot, sur 5 322 demandes traitées à ce jour, seules 52 % d’entre elles, soit 2 798, ont abouti à l’octroi de l’allocation d’une majoration, dont le montant moyen s’élève à 24,53 euros par mois, et 28,3 % des bénéficiaires ont obtenu une majoration inférieure ou égale à 1 euro par mois !

Je veux bien reconnaître les efforts entrepris depuis plusieurs années pour revaloriser les petites retraites agricoles, et je sais quelle a été l’implication du ministre de l’agriculture et de la pêche. Mais il faut comprendre la déception des agriculteurs qui reçoivent 1 euro, voire moins, alors qu’on leur avait promis qu’un geste serait fait en leur faveur !

Quoi qu’il en soit, le montant minimum de retraite garanti se situe à peine au-dessus du seuil de pauvreté. Un vrai geste consisterait à faire en sorte que le plafond de 85 % du SMIC, objectif qui a d’ailleurs été inscrit dans la réforme des retraites de 2003 pour tout salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée nécessaire pour bénéficier du taux plein, soit atteint le plus vite possible pour les retraités de l’agriculture.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre en ce sens ? Compte-t-il assouplir les règles d’attribution et de calcul de la majoration décidée en 2008, de façon à augmenter le nombre de bénéficiaires, en même temps que les sommes servies ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le sénateur, Michel Barnier, qui participe ce matin au Conseil des ministres européens de l’agriculture et de la pêche à Luxembourg, vous prie de l’excuser. Il m’a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.

Au mois de février 2008, le Président de la République s’est engagé à réduire les « poches de pauvreté » dans lesquelles se trouvent certains retraités. Le Gouvernement a tenu cet engagement. Deux mesures de revalorisation des retraites ont été proposées et reprises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 : d’une part, la création d’un montant minimum de retraite, en vigueur depuis le 1er janvier 2009 ; d’autre part, l’extension à toutes les veuves du bénéfice de la réversion de la retraite complémentaire obligatoire de leur conjoint, à compter du 1er janvier 2010.

Le montant minimum de retraite permet de garantir aux agriculteurs, aux veuves et aux conjoints un montant de retraite égal au minimum vieillesse pour les retraités à carrière complète et proportionnel à la durée de cotisation quand la carrière est incomplète. Il s’agit d’une mesure d’équité, qui répond à une forte demande des associations de retraités, qui donne à tous ceux qui ont pris leur retraite avant 2002 les mêmes droits que les autres et qui améliore en priorité le niveau de vie des veuves. Il faut rappeler que, jusque-là, leur pension n’était revalorisée qu’à partir de 32,5 années de cotisations ! En outre, beaucoup n’avaient jamais bénéficié des améliorations précédentes.

Depuis le 1er janvier 2009, cette mesure concerne ceux qui justifient de 22,5 années de carrière dans l’agriculture. Dans un an et demi, au mois de janvier 2011, la durée de cotisation sera abaissée à 17,5 années, pour permettre à un plus grand nombre l’accès à cette revalorisation.

D’ores et déjà, cette mesure de revalorisation a bénéficié à près de 176 000 personnes. À l’échelon national, le montant moyen mensuel de revalorisation est de 30 euros. Toutefois, 20 % des bénéficiaires ont touché plus de 50 euros de revalorisation mensuelle et 6 % plus de 100 euros.

Cette mesure étant accordée sous condition de ressources et de durée de carrière, certains agriculteurs ont bénéficié de revalorisations moins importantes, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, parce qu’ils ont eu des carrières agricoles de plus courte durée ou qu’ils perçoivent des pensions, tous régimes confondus, plus élevées que la moyenne nationale.

En tout état de cause, Michel Barnier a demandé à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole de dresser un bilan de cette mesure, bilan à partir duquel des améliorations du dispositif pourront être proposées. Dans ce cadre, le relèvement du plafond de ressources de pensions et l’exclusion de la bonification pour enfant de ce plafond de ressources seront mis à l’étude.

M. le président. La parole est à M. Jean Milhau.

M. Jean Milhau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, dont je prends acte.

Je souhaite que les améliorations envisagées soient mises en œuvre le plus rapidement possible et concernent ceux qui ont bénéficié de façon très minime des précédentes revalorisations. Il est facile d’imaginer les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour financer la part qui reste à leur charge lorsqu’ils sont amenés à intégrer des maisons d’accueil pour personnes âgées dépendantes, sauf à demander le bénéfice de l’aide sociale, ce qu’ils répugnent à faire le plus souvent.

suppression du bureau de douane de bâle-mulhouse-aéroport

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 551, transmise à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Mme Patricia Schillinger. J’ai souhaité attirer l’attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur les inquiétudes que suscite le projet de réorganisation de l’administration des douanes dans le Haut-Rhin, en particulier l’impact qu’aura la fermeture annoncée du bureau de douane de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.

Lors d’un comité mixte paritaire spécial, tenu le 6 janvier 2009 à la direction régionale des douanes de Mulhouse, une pseudo-fermeture du bureau de douane de l’aéroport de Bâle-Mulhouse a été décidée : sur les neuf agents travaillant à l’aéroport, deux seraient mutés à Mulhouse, le reste des effectifs étant absorbé par le bureau de douane de Saint-Louis Autoroute, tandis qu’une présence douanière serait maintenue à l’aéroport de Bâle-Mulhouse par deux à trois agents, détachés dudit bureau à tour de rôle. De plus, cette réorganisation s’accompagnerait d’une réduction des horaires d’ouverture du bureau de douane de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, avec une fermeture à dix-sept heures trente au lieu de dix-neuf heures.

Ce projet est à, plus d’un titre, de nature à mettre à mal l’effectivité d’un service douanier de proximité efficace.

Ainsi, il engendre des pertes de temps et alourdit la tâche des douaniers en les obligeant à assumer la même masse de travail sur une plage horaire réduite et avec des effectifs moindres. C’est un tort de penser que, grâce à la dématérialisation des opérations, on peut s’affranchir d’un service de proximité.

Cette mesure semble largement contreproductive, car elle risque de susciter une certaine lassitude chez les opérateurs : face à la lenteur accrue des procédures résultant de cette réorganisation, ils préféreront effectuer leurs opérations de dédouanement ailleurs que sur le sol français.

Il faut aussi souligner l’effet néfaste de ce projet sur les conditions de travail des agents. Cela fait maintenant plusieurs années que le bureau de Saint-Louis Autoroute absorbe régulièrement les conséquences des fermetures ou des réorganisations successives de postes. Or ce mouvement s’effectue sans qu’il soit véritablement procédé ni à une redéfinition des missions du bureau de douane de Saint-Louis Autoroute ni à une réorganisation approfondie des effectifs. Aussi cette situation est-elle à l’origine de tensions et de rivalités entre le personnel arrivant et le personnel déjà en poste à Saint-Louis.

Monsieur le secrétaire d'État, quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Quelles sont les véritables intentions de la direction générale des douanes concernant le bureau de l’aéroport de Bâle-Mulhouse ? Quelles sont les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de préserver un service douanier efficace, offrant des conditions de travail décentes à ses agents ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Éric Woerth, qui ne peut être présent ce matin.

Vous avez bien voulu appeler l’attention du Gouvernement sur les conséquences du processus de modernisation du dédouanement sur le devenir du bureau de douane de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.

La réforme du dédouanement est très importante pour l’activité économique de notre pays, car elle contribue à améliorer la compétitivité des entreprises. Les importations et exportations sont en effet au cœur des processus industriels et commerciaux, les entreprises étant confrontées à une recherche permanente de réduction des coûts et des délais. Les opérateurs du commerce international souhaitent donc légitimement dédouaner le plus rapidement possible, dans une relation de confiance avec l’administration des douanes.

Les déclarations en douane sont désormais dématérialisées, le support papier n’étant plus nécessaire et les éléments déclaratifs pouvant être transmis aux services douaniers à distance via Internet. Les procédures douanières ont dans le même temps été assouplies et modernisées.

Nous avons, en conséquence, demandé au directeur général des douanes et droits indirects de s’engager dans la définition d’un nouveau schéma de dédouanement, adapté aux besoins de sécurité des consommateurs et de compétitivité des entreprises, soucieux du respect des équilibres géographiques et des conditions d’accomplissement des missions de contrôle.

Le processus de modernisation du dédouanement doit accroître la qualité du service rendu aux entreprises grâce, premièrement, à une dématérialisation des formalités douanières avec l’outil DELT@ et les téléservices du portail Prodou@ne, deuxièmement, à une professionnalisation accrue des agents des douanes, avec la constitution au sein des bureaux principaux d’une cellule dédiée à la gestion des procédures de dédouanement et la désignation d’un référent douanier unique, interlocuteur privilégié des entreprises, troisièmement, à la promotion d’une nouvelle relation avec les entreprises les plus fiables.

S’agissant du bureau de douane de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, le nouveau schéma d’organisation vise à une meilleure répartition des tâches de gestion et de contrôle : est conservé un pôle de service public douanier adapté aux enjeux économiques et de nature à garantir une offre de service de qualité pour les entreprises et les professionnels de la logistique.

À ce titre, le transfert envisagé de la gestion des procédures au bureau de douane de Saint-Louis Autoroute ne remettra aucunement en cause les facilités existantes. Bien au contraire, il permettra aux opérateurs de bénéficier d’un accompagnement renforcé, conforme au nouveau cadre de dédouanement.

De plus, la direction régionale des douanes et droits indirects de Mulhouse a mis en place un processus d’accompagnement des professionnels du dédouanement de la plate-forme de Bâle-Mulhouse en maintenant une présence douanière permettant la réalisation des formalités qui n’auront pas encore pu être dématérialisées.

Enfin, une brigade de surveillance des douanes de vingt-huit agents est implantée sur le site pour assurer le contrôle des flux de voyageurs. Ce service pourra également participer, dans le cadre de la complémentarité des services, à l’accomplissement de certaines opérations de dédouanement pour les particuliers.

Quant à la politique de contrôle, elle sera pilotée par un pôle spécialisé à la direction régionale et relayée sur le terrain par la cellule de supervision des contrôles nouvellement créée et sise au bureau de Saint-Louis Autoroute. Cette cellule aura pour mission de programmer, de cibler et d’assurer le suivi des contrôles qui seront menés sur le site aéroportuaire, dans le but de fluidifier le trafic des opérateurs, en adaptant la pression de contrôle au niveau de confiance accordé aux entreprises.

Dans le cadre de modernisation du dédouanement et d’évolution des méthodes de travail, l’administration des douanes accorde une attention particulière à la situation individuelle des agents qui seront concernés par des redéfinitions de structures. En outre, un dispositif adapté d’accompagnement social a été finalisé en concertation avec les organisations syndicales des douanes.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas.

Le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure des implications qu’une telle décision aura en termes économiques pour l’Alsace ainsi qu’en termes humains pour les agents de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Ces derniers seront transférés à Saint-Louis Autoroute sans qu’une véritable réorganisation des services soit prévue. Il faut donc absolument corriger cette réforme en prenant en compte ces différents enjeux. Nous avons déjà perdu le poste de Huningue, et celui d’Hégenheim, commune dont je suis maire, devrait fermer à la fin de l’année. La rationalisation des bureaux de douane doit donc être revue.

versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à des agents publics licenciés pour faute

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, auteur de la question n° 561, transmise à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le secrétaire d'État, l’allocation d’aide au retour à l’emploi est un dispositif dont la philosophie est vertueuse et louable puisqu’elle assure aux salariés brusquement privés d’emploi un revenu de remplacement leur permettant d’attendre dignement d’en retrouver un.

Le montant journalier brut de l’allocation d’aide au retour à l’emploi se situe autour de 57,4 % du salaire journalier de référence de celui qui se retrouve sans emploi, selon le mode de calcul le plus bénéfique.

Or il se trouve que cette allocation est versée alors même que la perte d’emploi peut résulter d’un licenciement pour motif personnel, y compris pour faute grave ou pour faute lourde, ou encore d’une mise à la retraite d’office, ce qui est une sanction très lourde.

Ainsi, ce dispositif, qui s’applique tant aux salariés du secteur privé qu’aux agents des fonctions publiques peut fort bien entraîner le versement d’indemnités à des agents licenciés par une collectivité locale qu’ils ont lésée financièrement. Ces faits entrainent des sanctions disciplinaires retenues par les conseils de discipline, où siègent les représentants du personnel, et sont même dans certains cas confirmés par les tribunaux administratifs.

Il n’est donc pas question ici de rumeurs ou de visions partiales : il s’agit bien d’actes graves et répétés, reconnus comme tels par les organes disciplinaires et juridictionnels.

Cette mauvaise gestion de l’argent public, souvent très pénalisante lorsque la collectivité est de petite taille, est ainsi aggravée par le versement d’indemnités à ses auteurs. Elle apparaît ainsi particulièrement choquante pour de nombreuses collectivités garantes de la bonne gestion des deniers publics.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, connaître votre sentiment sur cette question et savoir s’il vous semble opportun de revoir le système de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, afin qu’il ne puisse pas bénéficier à des personnes ayant été reconnues coupables d’avoir lésé des collectivités publiques.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame Giudicelli, la réglementation relative au chômage prévoit que toutes les personnes involontairement privées d’emploi peuvent prétendre aux allocations chômage. En effet, aux termes de l’article L. 5422-1 du code du travail, « ont droit à l’allocation d’assurance chômage les travailleurs involontairement privés d’emploi […], aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d’âge et d’activité antérieure ».

Les cas de perte involontaire d’emploi concernent toutes les formes de perte d’emploi qui ne résultent pas de la volonté manifeste de l’agent.

Le caractère volontaire ou involontaire du chômage est donc, en premier lieu, déterminé en fonction de l’auteur de la rupture du contrat de travail. Si elle incombe à l’employeur, le chômage est toujours considéré comme involontaire, même en cas de licenciement pour faute du salarié. En effet, les allocations pour perte d’emploi constituent un revenu de remplacement et non des indemnités de licenciement ; c’est pourquoi le versement de l’allocation chômage demeure possible. Ce dernier est dû en raison de l’activité antérieure effectuée.

Le versement ou non de l’allocation chômage n’a pas en effet pour objet de sanctionner à nouveau la personne. L’attribution de cette allocation est destinée à lui permettre de percevoir un moyen de subsistance, dans l’hypothèse où elle perd son travail et se trouve dans l’attente d’un nouvel emploi.

S’agissant de la sanction de l’agent, des dispositifs sont prévus à cette fin, notamment le licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire ou, dans certains cas, la suppression de l’indemnité de licenciement.

En conséquence, tous les cas de licenciement, que ce soit pour insuffisance professionnelle ou pour faute disciplinaire, ouvrent droit au chômage.

S’agissant de la fonction publique, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du code du travail, notamment de son article L.5424-1, les agents publics ont droit à un revenu de remplacement, qui leur est attribué dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités qu’aux salariés du secteur privé.

Dans ce cadre, les modalités d’application du régime d’assurance chômage sont désormais définies par la convention chômage du 19 février 2009, applicable à compter du 1er avril 2009, qui se substitue à celle du 18 janvier 2001.

Cette nouvelle convention chômage ne modifie pas la réglementation antérieure. Ainsi, aux termes de l’article 2 du règlement général annexé à la convention chômage du 19 février 2009, « sont involontairement privés d’emploi ou assimilés les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte […] d’un licenciement ».

Ces dispositions ont toujours été corroborées par le juge administratif, au plus haut niveau. Le Conseil d’État, dans son arrêt n° 97015, Ville de Marseille, du 25 janvier 1991 a notamment confirmé : « Les motifs disciplinaires ayant entraîné la perte d’emploi ne sont pas de nature à eux seuls à exclure le caractère involontaire de cette perte d’emploi. La révocation présentant un caractère définitif doit être considérée comme incluse dans les hypothèses possibles de perte involontaire d’emploi ouvrant droit au bénéfice de l’allocation chômage. »

Je ne suis pas sûr, madame le sénateur, d’avoir ainsi répondu à votre interrogation. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Si, monsieur le secrétaire d’État, vous avez bien répondu à ma question, et je vous en remercie.

Ma question concernait en fait essentiellement la fonction publique, dont le statut paraît parfois un peu trop protecteur, pour ne pas dire irritant. Était en cause le cas d’un fonctionnaire de cadre A, percevant un traitement important : il ne s’agissait pas d’un petit fonctionnaire de catégorie C. Force est de constater que, quelquefois, ce statut fait obstacle à l’équité. C’est pourquoi je m’étais engagée auprès d’un syndicat à soulever cette question. Certes, la plupart des fonctionnaires sont de grande qualité, mais il arrive que la fonction publique soit déshonorée par le comportement de certains.

coût d'entretien des monuments historiques

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 557, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, malgré l’absence de Mme la ministre de la culture, je ne doute pas que vous vous soyez entretenu avec elle de la question que je voulais lui poser.

Je souhaitais attirer son attention et celle du Gouvernement sur les contraintes qui pèsent parfois sur une commune lorsqu'elle doit réaliser des travaux d'entretien ou de sauvegarde de ses bâtiments classés.

Récemment, un maire de mon département m'a fait part des soucis auxquels est confrontée sa municipalité qui doit d'urgence remettre en état, d'une part, la toiture de son église, qui est classée, et, d'autre, part, la couverture de la mairie.

Pour le premier monument, les Bâtiments de France ont indiqué à cet élu, cette année comme l’an dernier, que ce dossier, bien que prioritaire, ne pouvait être traité, les aides de l'État étant épuisées ; ce maire devra donc renouveler sa demande l'an prochain, c'est-à-dire pour la troisième année consécutive...

Quant à la mairie, elle n’est pas classée mais elle se trouve dans le périmètre protégé du fait de la présence de l'église, et l'architecte des Bâtiments de France refuse la solution la moins coûteuse, imposant à la municipalité le devis le plus onéreux au motif d'une « meilleure intégration dans le milieu proche ».

Inutile de dire que cette commune, qui compte exactement 173 habitants – j’ai vérifié ce chiffre ce matin ! –, n’est pas en mesure de faire face à ces dépenses.

Se trouve ainsi illustré une nouvelle fois le fait qu'il est plus aisé pour des élus locaux d'entretenir leur patrimoine municipal lorsque leur commune ne possède pas de monument classé et que la politique suivie par les Bâtiments de France conduit, hélas, bien souvent à repousser des travaux pourtant indispensables, au détriment de la conservation du patrimoine que l’on veut mettre en valeur.

Les municipalités ne peuvent pas comprendre pourquoi l'État impose, sans en assumer les conséquences financières, des décisions qui peuvent paraître arbitraires, se révèlent particulièrement coûteuses pour les collectivités et sont souvent négatives au regard même de la conservation du patrimoine.

De quelle manière le Gouvernement entend-il mettre fin à ce type de pratique qui, il faut en être conscient, n'est plus en phase avec la situation des finances publiques de l'État et des collectivités locales, qui handicape financièrement ces dernières et nuit à l'entretien de leur patrimoine ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur Détraigne, je souhaite, tout d’abord, vous présenter les excuses de Mme Albanel, qui ne pouvait être présente ce matin dans cet hémicycle.

Vous avez bien voulu appeler son attention, d’une part, sur un problème de financement de travaux sur un monument historique classé et, d’autre part, sur les prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France concernant les travaux sur un bâtiment situé dans le périmètre d’un monument classé.

Le financement des chantiers de restauration des monuments historiques fait l’objet depuis plusieurs années de fortes fluctuations, oscillant, d’un exercice à l’autre, de 305 millions d’euros à 380 millions d’euros. Le Gouvernement, conscient des difficultés que rencontre actuellement le secteur des monuments historiques, a mis en place, depuis la fin de l’année 2008, plusieurs mesures budgétaires, de grande envergure, en faveur du patrimoine.

Conformément aux annonces faites par le Président de la République le 4 décembre dernier, le patrimoine est au cœur du plan de relance de l’activité économique : une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros est ajoutée aux crédits alloués au ministère de la culture et de la communication dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2009.

Le Président de la République a également souhaité, dans son discours de Nîmes du 13 janvier 2009, que cette enveloppe exceptionnelle soit pérennisée à partir de 2010, permettant à la dotation budgétaire consacrée à la conservation des monuments historiques d’atteindre chaque année 400 millions d’euros

Pour 2009, dans le cadre du plan de relance, le ministère de la culture et de la communication a choisi d’aider des opérations répondant à des critères très stricts. Il a été décidé, en effet, de ne retenir que des opérations dont les études préalables et le projet de réalisation étaient prêts et qui peuvent, grâce aux crédits complémentaires, voir leur réalisation démarrer, s’accélérer ou s’achever en 2009.

Le dossier de la restauration des couvertures de l’église que vous évoquez ne répondait pas à l’ensemble de ces critères, notamment en ce qui concerne les délais de démarrage des travaux.

Il convient par conséquent que la commune propriétaire de cet édifice renouvelle sa demande à la direction régionale des affaires culturelles de la région Champagne-Ardennes pour sa programmation 2010.

Pour ce qui concerne les travaux aux abords d’un monument historique protégé, l’architecte des Bâtiments de France intervient dans le cadre de l’application des articles L. 621-31 et L. 621-32 du code du patrimoine. Il s’agit pour lui de vérifier qu’un projet de construction ou d’aménagement situé à moins de 500 mètres et dans le champ de visibilité d’un monument n’est pas de nature à porter atteinte à ce dernier en altérant le caractère ou la cohérence de son milieu environnant, que ce soit par son implantation, sa morphologie ou son aspect.

L’avis donné dans ce cadre par l’architecte des Bâtiments de France s’impose à la décision du maire. Une procédure de recours permet alors à l’autorité qui délivre l’autorisation ou au demandeur s’étant vu opposer un refus, de saisir le préfet de région.

La ministre de la culture et de la communication tient à affirmer son soutien au travail patient des architectes des Bâtiments de France sur le terrain pour préserver la qualité des espaces bâtis et paysagers et les abords de monuments. Elle est bien consciente, toutefois, que leurs décisions, qui se fondent sur des motivations architecturales et historiques, peuvent ne pas être toujours bien comprises.

Dans le cadre de la fusion des services départementaux et régionaux du ministère de la culture, elle a demandé aux directeurs régionaux des affaires culturelles de veiller à ce que les avis des architectes des Bâtiments de France soient discutés dans leurs principes de façon plus collégiale qu’actuellement et que le public puisse en être informé.

Enfin, d’une manière générale, investir dans la qualité architecturale et l’insertion harmonieuse des constructions récentes dans le tissu ancien constitue un effort profitable à tous et participe au maintien de l’attractivité de notre territoire.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, bien qu’elle ne soit pas très satisfaisante. En effet, la vraie question est de savoir s’il ne serait pas opportun de modifier l’actuelle réglementation.

Certes, vous avez indiqué que la conservation et la mise en valeur du patrimoine constituaient une priorité pour le ministère de la culture et que, dans cette optique, les crédits avaient été augmentés. Or, hier, j’ai reçu de Mme Albanel un courrier m’informant que, compte tenu de cette augmentation, les halles du Boulingrin, situées dans la ville de Reims, allaient bénéficier d’une contribution de l’État, plafonnée à hauteur de 2,8 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Ces halles ont été classées en 1990, alors que la municipalité de l’époque envisageait de les démolir. Année après année, les municipalités successives, contraintes de les conserver, ont demandé au ministère de leur attribuer des crédits. Et ce n’est qu’aujourd’hui, après dix-neuf ans, que les premiers crédits sont enfin disponibles !

Le maire de la commune de moins de 200 habitants que j’ai évoquée devra-t-il, lui aussi, attendre dix-neuf ans les crédits lui permettant de refaire la toiture de son église ? Et ce n’est qu’un exemple parmi des milliers d’autres ! Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes maire d’Issy-les-Moulineaux.

Quels que soient les plans de relance envisagés, les limites du système sont atteintes ! J’appelle de mes vœux une remise à plat de la réglementation et son adaptation aux moyens financiers réels dont disposent l’État et les collectivités locales.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour un rappel au règlement.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, mes chers collègues, après la réunion du Congrès qui s’est tenue hier à Versailles, la chaîne de télévision Public Sénat a organisé un débat auquel étaient conviés les représentants des divers groupes politiques composant notre assemblée. Un seul groupe n’a pas été invité à participer à ce débat, le groupe RDSE, alors qu’il a été pourtant le seul groupe d’opposition à s’être exprimé au cours de cette réunion du Congrès.

Je vous demanderai donc de bien vouloir m’indiquer, monsieur le président, les raisons qui ont pu motiver cette exclusion.

M. le président. Mon cher collègue, je pense que M. le président du Sénat en référera au président de la chaîne Public Sénat et que cet oubli sera très vite réparé, avant même le prochain Congrès ! (Sourires.)

M. Raymond Vall. Je vous remercie, monsieur le président.

6

Débat sur les pôles d’excellence rurale

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les pôles d’excellence rurale.

La parole est à M. Jean Boyer, au nom du groupe Union centriste, auteur de la demande d’inscription à l’ordre du jour.

M. Jean Boyer. Monsieur le président – j’oserai dire : cher président ! –, ma fierté est accrue par la considération que je vous porte !

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cher Jean-Paul Emorine, mes chers collègues, l’idée des pôles d’excellence rurale, les PER, a été lancée en 2005, à la suite du vote de la loi relative au développement des territoires ruraux. Ce dispositif, mis sur pied par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, est le pendant, pour les territoires ruraux, des pôles de compétitivité destinés aux villes.

Ce dispositif avait pour ambition d’apporter élan et soutien aux projets émanant des territoires ruraux, de renforcer le rôle des collectivités locales et de développer des réseaux, au sein d’un territoire comme entre les territoires.

J’ai eu la chance d’être associé à cette aventure dès son début, puisque j’ai eu le privilège d’être nommé membre de la commission nationale de présélection. J’ai donc pu constater par moi-même, monsieur le secrétaire d’État, le formidable engouement que ce dispositif a suscité. Au total, 791 dossiers ont été déposés, dépassant ainsi les prévisions initiales, et 379 dossiers ont été retenus alors qu’il était prévu de n’en sélectionner que 300 – il est important de le reconnaître, car on nous accuse parfois de ne savoir que nous plaindre. Deux vagues de labellisation ont été nécessaires et le montant prévisionnel d’investissements s’élève, au total, à 1,2 milliard d’euros. À la fin de l’année 2008, seuls six projets de pôle d’excellence rurale avaient été abandonnés.

Alors que l’échéance fixée initialement pour l’engagement des crédits des pôles d’excellence rurale est atteinte, puisqu’il devait être achevé à la fin du mois de juin 2009, il me semble important d’établir un bilan exhaustif des premiers pôles d’excellence rurale. C’est pourquoi j’ai proposé, en accord avec mon groupe, la tenue d’un débat sur ce thème devant notre Haute Assemblée.

Une évaluation approfondie a été menée il y a déjà quelques mois pour le compte de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT, notamment par le conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux. Le Sénat s’est également engagé dans cette réflexion, puisqu’un groupe de travail relatif aux pôles d’excellence rurale a été constitué au sein de la commission des affaires économiques, sous la présidence éminente de Rémy Pointereau. Il rendra ses conclusions d’ici à quelques mois et permettra, à la fois, d’établir un bilan exhaustif des deux premières vagues de labellisation et de proposer des voies d’amélioration pour les futures campagnes de labellisation. Nous avions également déjà débattu de cette question en 2007, à la demande du président Jean-Paul Emorine, et nous sommes aussi revenus sur cette problématique lors des discussions budgétaires : ce sujet est vaste et représente un enjeu d’importance primordiale pour nos territoires.

Avant tout, je souhaite insister sur mon attachement à l’appellation « excellence rurale ». Il est vraiment trop rare que l’adjectif rural soit associé à la notion d’excellence, or j’estime très important de reconnaître et de revendiquer l’excellence du monde rural, afin que ce terme ne soit pas seulement attaché aux réalisations du milieu urbain. Cela est d’autant plus important que les PER traduisent concrètement la priorité politique donnée aux zones de revitalisation rurale, les ZRR.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. Jean Boyer. Vous le savez sans doute tous, les ZRR sont caractérisées par une faible densité de population et connaissent un déclin de leur population totale ou active ou une forte proportion d’emplois agricoles. Monsieur le secrétaire d’État, je suis moi-même élu d’un canton totalement classé en ZRR et je partage la fierté des habitants de ces zones lorsqu’ils se voient décerner le label d’excellence rurale pour la réalisation d’un projet. Il est donc tout à fait essentiel de préserver cette appellation, même si des rapports d’experts ont allégué que certains projets manquaient justement d’excellence. Il suffit parfois d’un détail pour redynamiser une commune, motiver la population autour d’un projet, préserver des emplois : l’impact psychologique d’un tel label peut parfois faire la différence.

L’exemple de mon département – je ne veux pas faire preuve d’égoïsme en le citant, mais partir de mon expérience concrète – est à ce titre tout à fait représentatif, car il regroupe à lui seul sept pôles d’excellence rurale. Je prendrai comme exemple le PER de La Chaise-Dieu, nom connu au-delà des limites de notre département et qui représente bien ce que l’on a coutume d’appeler la « France profonde » : ce dispositif a permis la restauration et la valorisation d’un ensemble unique de bâtiments abbatiaux du XVIIe siècle, en en faisant un outil de développement local, culturel et touristique. Il a permis de développer l’attractivité du site en dehors de la période du festival de musique sacrée et de pérenniser ainsi des emplois.

Plus généralement, les PER constitués autour de la filière bois témoignent d’une remarquable réussite, qu’il s’agisse de l’utilisation du bois dans l’éco-construction ou du développement des énergies renouvelables.

Les apports de cette première vague de pôles d’excellence rurale ne sont donc plus à prouver – on a trop souvent tendance à oublier que les territoires ruraux sont des territoires attractifs, qui gagnent chaque année 50 000 habitants ! Cette première génération de PER a notamment permis de mettre en place une nouvelle dynamique, en accélérant certains projets et en faisant travailler ensemble des filières qui n’y étaient pas habituées. Ces pôles ont donné une ambition nouvelle et un projet structurant aux pays et leur ont apporté une image plus valorisante ; ils ont également favorisé le lancement effectif de projets en gestation, notamment sur les problématiques de patrimoine, car certains de ces projets n’auraient pas pu se réaliser sans les PER.

Au total, plus de 1 milliard d’euros d’investissements auront été réalisés à la fin de l’année 2009. On constate d’ores et déjà la création de 6 000 emplois directs et on estime à 30 000 le nombre total d’emplois créés ou maintenus à l’issue de l’opération. Enfin, si vingt-deux PER peuvent être considérés comme abandonnés, 357 sont engagés à ce jour.

En termes qualitatifs, les résultats sont également positifs. La création d’emplois a sans doute été assez limitée – restons francs et objectifs ! –, mais les PER ont véritablement contribué à la stabilisation des emplois qui existent en zone rurale. Des projets d’investissement se trouvaient manifestement en attente dans le monde rural sur les thématiques de l’appel à projets. De plus, les territoires ruraux connaissent aujourd’hui un réel regain d’attractivité : en cette période de crise, ils sont le siège d’une contribution essentielle à la croissance durable de notre pays. Le Président de la République a d’ailleurs rappelé hier, devant le parlement réuni en Congrès, la nécessité de poursuivre les actions en faveur du monde rural, qui joue un rôle de plus en plus important dans notre société.

Les PER ont également changé notre façon de travailler sur le terrain. Tout d’abord, les élus ont dû travailler ensemble, ce qui est toujours très positif. De même, la nécessité de réunir acteurs privés et publics autour d’un même projet a été enrichissante, même si les méthodes de travail sont très différentes.

Enfin, les pôles sont organisés autour de quatre grandes thématiques, définies par l’appel à projets : la valorisation des patrimoines naturels et culturels, la valorisation des bio-ressources, le développement des services et de l’accueil, ainsi que la diffusion des technologies au bénéfice des entreprises.

Ces thématiques sont tout à fait pertinentes et elles ont permis le développement d’un grand nombre de projets. Dans le seul département de la Haute-Loire, les PER couvrent l’intégralité des thématiques de l’appel à projets.

Dans son bilan, le conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux souligne que ces thématiques, qui ne sont pas encore obsolètes, doivent être maintenues. Je partage tout à fait cet avis, même s’il me semble important de les ajuster et de donner plus de place aux services à la personne, comme les maisons médicales.

Lors de l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », nous avons eu l’occasion de débattre de la désertification médicale en zone rurale. Pour maintenir ou restaurer l’attractivité du monde rural, il est indispensable de proposer une offre de soins de qualité sur l’ensemble du territoire.

Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’il y ait une nouvelle génération de PER et que ce dispositif soit pérennisé.

Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, qu’un nouvel appel à projets pour les pôles d’excellence rurale pourrait être lancé en 2009 avec l’objectif de soutenir des projets de mutualisation de services publics innovants.

Ce thème ne serait pas le seul. Le Premier ministre avait déjà évoqué le thème de l’agroalimentaire, lors de l’inauguration du 22e SPACE 2008 à Rennes au début du mois de septembre, et, dans le cadre de l’application du Grenelle de l’environnement, les aspects de développement durable et d’énergie renouvelable devraient eux aussi trouver leur place.

Ces objectifs répondent à des priorités de l’action publique en milieu rural, notamment en ce qui concerne l’accès aux services en zone rurale.

Vous avez annoncé à plusieurs reprises que, préalablement au lancement d’un nouvel appel à projets pour les pôles d’excellence, les crédits alloués à la première vague devraient être utilisés en totalité. Pourrez-vous tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer à quel niveau nous sommes aujourd’hui ?

Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons, vous avez apporté – et ce n’est pas un propos de circonstance - beaucoup d’investissements en faveur du monde rural.

M. Jacques Blanc. Effectivement ! C’est un bon ministre !

M. Jean Boyer. À votre nom est attachée l’attention que vous portez à nos territoires, je le dis en toute sincérité.

MM. Jean-Pierre Raffarin et Jacques Blanc. C’est vrai !

M. Jean Boyer. En outre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais être rassuré sur la possibilité d’accorder une certaine souplesse dans le versement des fonds aux PER qui n’auraient pas respecté les délais, pour des raisons justifiées.

En effet, en décembre dernier, 106 PER avaient un taux d’engagement inférieur à 60 %. Or la circulaire du 9 août 2007 précisait que les travaux devraient, dans tous les cas, être achevés en décembre 2009. Beaucoup craignent de perdre des crédits à la fin de l’année 2009 si toutes les actions ne sont pas encore engagées.

Dans certains cas, le retard accumulé n’est pas volontaire. Il peut être lié à des législations très précises et contraignantes comme la loi sur l’eau ou les règles d’urbanisme, pour lesquelles il existe des délais d’instruction compréhensibles. Au-delà de cette tolérance pour les PER retardataires, ne serait-il pas envisageable à l’avenir d’allonger le délai de réalisation au moins à trois ans ?

Dans la perspective d’une deuxième génération de PER, il me semble indispensable de tirer les leçons du dispositif actuel et d’améliorer le cadre général.

Ma première remarque concerne le financement.

J’ai déjà eu l’occasion de souligner, dans cet hémicycle, la complexité administrative des dossiers de PER, qui décourage parfois les meilleures volontés. De même, la multiplicité des fonds concourant au financement des PER rend celui-ci particulièrement obscur pour les porteurs de projets. La procédure d’attribution des offres est également trop contraignante. Il est nécessaire de faire évoluer les règles de gestion des contributions et de les rendre plus souples, si l’on veut garantir l’efficacité de la politique des PER. Plus que jamais, il est important que l’État s’efforce de respecter ses engagements afin de donner à l’excellence rurale les moyens de s’exprimer pleinement autour de projets finalisés et mûrement réfléchis.

L’idée d’une ligne budgétaire spécifique pour les PER est avancée. Elle aurait, monsieur le secrétaire d'État, le mérite de la clarté par rapport au fonds ministériel mutualisé, qui est peu visible pour les porteurs de projets.

En outre, si les PER ont permis de mobiliser des fonds d’État et des collectivités qui n’auraient pu être collectés autrement, les montants versés ont souvent été décevants par rapport aux enveloppes prévues au départ. Ainsi, il a parfois fallu négocier des plans de financement, certains aspects n’ayant pas été pris en compte lors du montage de l’opération. Dans certains cas, tous les financements n’ont pu être réunis.

Ma seconde remarque a trait au calendrier.

La durée de montage des dossiers a été trop rapide. En tant que membre de la commission nationale de présélection des pôles d’excellence rurale, j’ai pu noter la différence entre des projets qui visiblement avaient été prévus de longue date et pour lesquels seul le financement posait problème et des dossiers montés dans la précipitation, par des candidats voulant profiter de l’effet d’aubaine de ces nouveaux financements.

Il me semble indispensable de laisser au moins six mois aux porteurs de projet pour présenter leur dossier, afin que le partenariat puisse s’exercer entre tous les acteurs. Il est tout aussi indispensable que les porteurs de projets puissent bénéficier de conseils, et d’une ingénierie apte à les accompagner dans le montage de leur dossier.

Pour conclure, je souhaite tout d’abord remercier les deux ministres de l’époque qui ont pris la décision de labelliser plus de pôles qu’il n’avait été initialement prévu. Il fallait oser le faire dans le contexte budgétaire et social difficile de la France !

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez compris que nous attendons avec impatience la mise en œuvre d’une deuxième génération de PER, qui permette de faire écho au dynamisme des territoires ruraux.

Je vous remercie infiniment, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de m’avoir écouté.

J’adresse également mes remerciements au groupe de travail, dont le capitaine, Rémy Pointereau, vient d’un département et d’une ville, Vierzon, où l’on fabriquait autrefois des locomotives.

M. Rémy Pointereau. Bientôt des TGV ? (Sourires.)

M. Jean Boyer. On y « fabrique » aujourd'hui des sénateurs qui ont envie de se battre pour leurs territoires ruraux et pour la France ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à débattre sur les pôles d’excellence rurale.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé, à la fin de l’année 2008, vouloir lancer un nouvel appel à projets des pôles d’excellence rurale. Cet appel à projets aurait pour objectif de soutenir les projets de mutualisation de services publics dits innovants, tels que des relais de services publics ou encore des maisons de santé, ainsi que le développement durable des territoires.

Au préalable, il paraît judicieux de dresser un bilan des premiers projets labellisés depuis les trois dernières années.

Les pôles d’excellence rurale, qui avaient pour objectif de favoriser le développement des territoires ruraux, au même titre que les pôles de compétitivité envers les zones urbaines, ont connu, lors de leur lancement, un vif intérêt. En témoignent les 800 dossiers déposés en 2005, lors du premier appel à projets.

Ces pôles ont été créés afin de soutenir des initiatives locales, porteuses de projets créateurs d’emplois et innovants, autour de partenariats public-privé.

Sur le territoire, ce sont 379 projets qui ont reçu le label « pôle d’excellence rurale » en juin et décembre 2006. Ainsi, à titre d’exemple, dans le département des Côtes-d’Armor, quatre projets ont été labellisés. Le premier s’intitule « De l’amélioration de l’offre de soins à la production de biocarburants », le deuxième « Agricultures durables et nouveaux marchés », le troisième « Valorisation touristique du patrimoine rural en Trégor-Goëlo » et le quatrième « Cheval en Penthièvre ».

Les premiers éléments récoltés au plan local par les acteurs de PER concernent le manque de temps pour préparer et concrétiser les différentes actions.

En effet, les difficultés s’accumulent parfois, comme l’a souligné Jean Boyer – temps de coordination, permis de construire, normes, comité de défense contre les projets –, et cela pénalise financièrement la bonne volonté des acteurs locaux.

Dans les motivations des PER transparaissent des faiblesses réelles du territoire. Les PER traduisent une volonté de compensation de politiques qui ont fait défaut.

Je prendrai deux exemples.

Le premier concerne l’amélioration de l’offre de soins et la construction de trois maisons de santé. Il traduit le souci majeur des élus locaux de créer toutes les conditions pour accueillir ou maintenir des professionnels de santé en milieu rural.

Maire d’une commune proche de ce PER, je vais devoir accueillir la semaine prochaine un médecin roumain, car il est devenu impossible de faire venir des médecins français dans nos secteurs, et ce n’est pas la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » qui va régler le problème, tant s’en faut ! Alors, construire des maisons de santé, c’est bien, à condition que des professionnels veuillent bien s’y installer demain.

L’autre exemple concerne le PER « Cheval en Penthièvre », un projet d’animation équestre autour du haras national de Lamballe. Ce PER tente de compenser l’affaiblissement progressif des effectifs des haras nationaux et la politique d’abandon du Gouvernement. À intervalles réguliers, des menaces de fermeture définitive pèsent sur les deux seuls haras bretons subsistant : Lamballe et Hennebont.

Les pôles auraient à peine besoin d’exister s’il n’y avait eu auparavant toutes ces politiques d’abandon de la ruralité. Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux voté en 2005 avait permis de mettre en évidence toutes les faiblesses de la ruralité sans apporter de solutions réellement efficaces.

L’ensemble des projets labellisés, représentant un investissement global de 1,2 milliard d’euros, devait permettre la création de 35 000 emplois dont 13 000 emplois directs. La participation financière de l’État était de 235 millions d’euros.

Dans votre bilan, monsieur le secrétaire d’État, vous vous félicitez d’avoir mis en place « un outil concret au service de la relance grâce aux investissements et aux créations d’emplois ». Cependant, lors du conseil des ministres du 13 mai dernier, vous annonciez la création de 6 000 emplois directs sur les 13 000 prévus, soit moins de la moitié !

Aujourd’hui, qui peut assurer que ces territoires ruraux connaissent véritablement la relance et le nouveau dynamisme tant espéré à travers la mise en place de ces pôles ? En témoignent les nombreux PER encore au stade de la mise en place. Comment le Gouvernement peut-il donc présenter un bilan si positif ?

Vous souhaitez lancer d’ici peu une troisième vague d’appel à projets. Aussi, il me semble important de faire remonter certaines des réserves et limites exprimées au sujet de la mise en œuvre de cette politique.

Concernant le mode de sélection, l’Union nationale des acteurs et des structures du développement local, l’UNADEL a émis quelques réserves. En effet, l’appel à projets consiste à mettre en concurrence les porteurs de projets. Au lieu d’encourager la coopération en faveur du développement de ces territoires, ce système favorise la concurrence des territoires. Ne serait-il donc pas judicieux de définir de nouvelles modalités de sélection des projets candidats ? Le but n’est-il pas d’aménager harmonieusement et de manière solidaire le territoire ?

Pour ce qui est du financement, les pôles d’excellence rurale ne prennent en charge que l’investissement. Ils n’apportent pas les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements réalisés. Leur rôle ne risque-t-il pas d’être trop ponctuel et de laisser à terme aux collectivités locales la charge totale des projets ?

Cette labellisation s’ajoute à de nombreuses procédures existantes, comme les pays, les projets européens « Leader + » animés par les groupes d’action locaux, et le volet territorial des contrats de plan État-région. N’y a-t-il pas un risque de perte de lisibilité et de compréhension ?

La sélection des pôles par l’État est faite au détriment des collectivités territoriales, alors que ces dernières sont sollicitées afin de compléter le plan de financement, notamment les régions, qui sont les collectivités « chefs de file » en matière d’aménagement du territoire et de développement économique.

Les délais de mise en œuvre des projets paraissent inadaptés aux contraintes locales. À ce jour, 357 PER ont effectivement engagé leur projet d’investissement mais seul 100 l’ont fait en totalité, selon un article du 15 mai 2009, que l’on peut consulter sur le site internet « Portail du Gouvernement ».

En conclusion, il me semble prématuré d’engager une nouvelle vague d’appel à projets tant que les projets labellisés n’auront pas été complètement finalisés.

Je m’interroge aussi sur le mode de gouvernance des différents pôles, aussi bien PER que pôles de compétitivité. En effet, le principe des partenariats imposés public-privé accorde aux entreprises privées une place prépondérante dans l’aménagement du territoire.

Ce mode de gouvernance accentue également la disparité entre les territoires. Effectivement, les territoires bien dotés d’entreprises dynamiques et pouvant investir dans les partenariats public-privé vont profiter de cette aubaine au détriment des autres territoires.

La ruralité a besoin d’une égalité de traitement dans de multiples domaines. Complémentaire et interactive avec les zones urbaines, elle mérite mieux que des pôles d’excellence rurale. L’excellence est un « éminent degré de qualité, en un genre ». Sans vouloir atteindre ce niveau ponctuel ni créer quelques arbres pour cacher la forêt, nous demandons le maintien des services de proximité et des services publics dans leur globalité – soins, sécurité, écoles, poste, communications, déplacements –, ainsi que le soutien aux activités économiques, touristiques et agricoles.

Nous sommes loin du compte et ce ne sont pas la réforme territoriale et la volonté de l’État de contraindre les dépenses des collectivités locales qui vont contribuer, demain, au renouveau si attendu des espaces ruraux. Mais il n’est pas interdit de faire beaucoup plus et beaucoup mieux.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, a souhaité, et je m’en réjouis, que la commission dresse cette année un bilan des pôles d’excellence rurale et formule des propositions. A été constitué un groupe de travail, qui m’a fait l’honneur de me choisir comme président. C’est à ce titre que je voudrais vous remercier, chers Jean-Paul Emorine et Jean Boyer, de cette occasion qui m’est donnée de présenter quelques réflexions que je peux tirer des auditions que nous avons menées depuis la mise en place de ce groupe de travail, au début du mois d’avril dernier. Autant dire qu’il s’agit aujourd’hui d’un bilan d’étape, avant la présentation de notre rapport, à l’automne prochain.

Le développement se fonde de plus en plus sur la mise en valeur des atouts propres à chaque territoire, et non sur des décisions centralisées déclinées uniformément d’un bout à l’autre de la France. De ce point de vue, la France a su – si on la compare avec les autres pays européens – conserver un espace rural riche. C’est ainsi que les communes rurales montrent leur attractivité en attirant de nouveaux résidents, depuis les années 1990.

Pourtant, la situation est très variable d’une région à l’autre : de nombreux territoires se sont retrouvés au fil des années livrés à eux-mêmes, à l’écart des grandes infrastructures de transports – s’il n’y a plus de locomotives à Vierzon,…

Mme Nathalie Goulet. À Granville non plus !

M. Rémy Pointereau. … j’espère bien que nous aurons, un jour, le TGV ! – et des réseaux numériques, loin des centres urbains des métropoles. L’agriculture et l’artisanat restent les moteurs traditionnels de l’économie rurale. Plus récemment, une nouvelle économie résidentielle, fondée sur les services aux habitants et aux touristes, modifie les termes du débat du développement rural.

Du fait même de cette diversité, et compte tenu de la multiplicité des niveaux de décision – à la réduction desquels nous travaillons par ailleurs – et de l’incertitude économique croissante, le territoire apparaît de plus en plus comme une échelle pertinente pour l’élaboration de l’action publique. Le territoire dont je parle, c’est d’abord le bassin de vie (M. Raymond Vall opine), qui correspond à l’espace vécu quotidiennement par nos concitoyens et par les entrepreneurs, qui travaillent ensemble.

La grande qualité de la politique des pôles d’excellence rurale, c’est d’avoir favorisé les projets qui prennent en compte l’échelle du territoire : d’abord, l’initiative et la conception du projet sont locales ; ensuite, le contenu du projet est fondé sur la mise en valeur des ressources naturelles et patrimoniales ; enfin, la gouvernance associe les acteurs locaux, aussi bien publics que privés.

Voilà une vraie nouveauté par rapport aux anciennes politiques d’aménagement du territoire fondées sur des schémas et des plans de développement décidés « d’en haut » !

Les PER ont fait confiance à « l’intelligence territoriale », c’est-à-dire à la capacité des territoires ruraux à être les acteurs de leur développement, en menant des actions fondées sur leurs atouts propres. En effet, qui peut mieux que les entrepreneurs ou les élus locaux se rendre compte que, dans telle vallée, une petite industrie agroalimentaire ne demande qu’à se lancer ? Que, dans tel département, la géothermie et la biomasse permettent de développer de nouvelles activités ? Et qu’ailleurs, les ressources touristiques locales peuvent faire naître des projets de formation innovants ?

Parmi les enseignements que notre groupe de travail a tirés des auditions menées, je retiens surtout l’investissement particulier des acteurs locaux autour de projets qu’ils ont imaginé et qu’ils animent tout au long de leur déroulement. Il faudra d’ailleurs certainement mettre en place des fonds d’animation pour permettre le lancement des projets. Tous nous ont signalé le dynamisme qui s’est manifesté lors des deux appels à projets de 2006 et 2007, lorsque plus de 700 dossiers ont été déposés en un temps record, parmi lesquels 379 ont été retenus – le même enthousiasme avait été constaté lors de la création des pôles de compétitivité. Les pays, les communautés de communes, les groupes d’action locale, les parcs naturels régionaux ont répondu présents à l’appel à projets et ont montré leur capacité à monter des projets, malgré toutes les difficultés qui s’y attachent, notamment pour boucler les plans de financement dans le délai de quelques mois imparti par les deux appels à projets.

L’intelligence territoriale, cela ne doit pas signifier que l’État abandonne son rôle dans l’aménagement du territoire, dans la solidarité nationale et dans les grandes impulsions. En effet, l’État a conservé, et doit conserver, un rôle essentiel.

Désormais, au lieu de faire, il fait faire. Pour cela, il fixe des orientations, mais fait confiance aux initiatives locales pour la définition précise des projets et pour leur mise en œuvre. La première génération des PER a ainsi privilégié la promotion des richesses patrimoniales, la valorisation des bio-ressources, l’offre de services et l’excellence technologique. L’État a orienté l’activité des PER vers des priorités qui apparaissent pertinentes à l’époque actuelle.

L’État a également apporté une reconnaissance, par un label « PER », lequel constitue un signe fédérateur qui fait connaître l’ambition du pôle.

L’État a, enfin, mobilisé des financements et ses services, comme nous avons pu le constater au cours de nos auditions. La DIACT, anciennement DATAR, a montré son rôle toujours moteur dans la modernisation des politiques d’aménagement du territoire. Les préfectures, chargées de la mise en œuvre au niveau local, ont été au contact des responsables de pôles et des maîtres d’ouvrage, en collaboration avec le CNASEA, Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, devenu l’Agence de services et de paiement, pour le versement des aides.

Nous avons reçu des représentants de ces organismes, notamment le délégué interministériel Pierre Dartout, qui nous ont confirmé que les PER demeuraient un axe majeur de la politique de développement des territoires ruraux. Nous allons également rencontrer sur le terrain les 10 et 17 juillet prochain des acteurs locaux qui ont bénéficié du label « PER ».

L’État s’est mobilisé, car les PER sont soutenus au plus haut niveau. Je me réjouis que le Président de la République lui-même, qui fut à l’origine de la politique des PER alors qu’il était ministre de l’intérieur en 2005, ait, depuis l’an dernier, réaffirmé à plusieurs reprises son soutien au dispositif.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes vous-même un excellent avocat des PER, dont vous avez dressé un bilan positif au cours du conseil des ministres du 13 mai dernier.

Initiatives locales et soutien de l’État, ces facteurs de succès des PER ne doivent toutefois pas masquer certaines limites du dispositif, qui pourrait être encore plus efficace.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez fait l’honneur, dès le début du mois d’avril, de répondre à notre invitation. À cette occasion, j’ai été particulièrement sensible à vos propos sur la nécessaire souplesse qu’il convient d’observer dans la gestion de ces pôles. Nous l’avons constaté, certains pôles auront sûrement besoin, à la fin de l’année, d’un délai supplémentaire de quelques mois. N’abandonnons pas en route des initiatives prometteuses. Pourriez-vous confirmer cette volonté de souplesse ? En effet, il s’agit d’un vrai sujet d’inquiétude pour un certain nombre de pôles.

La question des modes de financement fait également l’objet de réflexions au sein de notre groupe de travail. À plusieurs reprises, on nous a signalé que les porteurs de projets manquaient de visibilité sur l’origine et la disponibilité des fonds, ce qui semble aussi être lié aux conditions dans lesquelles le mécanisme a été, à l’origine, mis en place. Ne faudrait-il pas prévoir des fonds spécifiques ciblés PER ?

Il convient, enfin, de réfléchir aux thématiques qui pourraient fédérer, dans les années à venir, les acteurs à l’échelle d’un territoire pour un nouvel appel à projets. Pour prendre un exemple, monsieur le secrétaire d’État, vous savez à quel point les services publics et au public, dont vous êtes d’ailleurs venu débattre ici même le 26 mars dernier, constituent un enjeu majeur en zone rurale. Ainsi, le vieillissement de la population française crée des besoins particuliers en zone rurale, où la population est souvent plus âgée et où les problèmes de déplacement sont plus aigus : voilà un vrai gisement d’emplois pour les territoires ruraux, les aides aux personnes fragiles devant représenter un quart des créations d’emplois d’ici à 2015, selon un rapport du Centre d’analyse stratégique !

Pour conclure, les pôles d’excellence rurale sont l’un des moyens qui permettent à des territoires ruraux de se prendre en charge pour organiser leur développement par le biais d’une contractualisation, ce qui est une bonne chose. Toutefois, ils ne peuvent pas tout faire : souvent, les projets qui naissent localement ne peuvent être couronnés de succès que si les infrastructures sont de qualité, si le marché de l’emploi local est adapté et si la réglementation en vigueur facilite la vie des projets. Notre soutien aux PER doit donc être compris comme une volonté de contribuer à un développement plus équilibré des territoires grâce à la conjugaison de toutes les dimensions de l’action publique, afin de donner à chacun d’entre eux les chances d’exploiter les atouts dont il dispose.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre implication en faveur de la ruralité et de votre volonté de lancer une deuxième génération de pôles d’excellence rurale. Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de ce sujet dès l’automne prochain, lors de la remise de notre rapport. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le président Jean-Paul Emorine, Jean Boyer et Rémy Pointereau d’avoir accepté la création de ce groupe de travail sur les pôles d’excellence rurale ; nous en avions discuté dès nos premières rencontres. Je tiens également à féliciter Rémy Pointereau du travail qu’il a réalisé tout au long des auditions.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, de votre écoute. En effet, lors de chacune de nos entrevues, la rencontre a été fructueuse et le dialogue positif. (Très bien ! sur plusieurs travées du RDSE.)

Je le dis d’emblée, je suis un fervent partisan des pôles d’excellence rurale.

Mme Nathalie Goulet. Moi aussi !

M. Raymond Vall. Je suis élu d’un territoire où nous avons vu émerger ces pôles de compétitivité, et je parle en présence de l’un de mes collègues de la région Midi-Pyrénées, président d’un pôle de compétitivité.

Lorsque Toulouse est passée d’un seul coup à trois pôles de compétitivité, nous avons bien sûr eu peur. En effet, concentrer sur une métropole la recherche, l’université, les entreprises et les moyens financiers privés comme publics pouvait aboutir à la création de trous noirs – si vous me permettez cette expression, s’agissant d’un territoire qui traite de l’astronomie ! – et à la désertification de toutes les zones périphériques.

La création de ces pôles a suscité beaucoup d’espoir. Nous nous sommes jetés à corps perdu dans cette démarche. Je ne reviendrai pas sur le fait qu’un délai de quatre mois est trop court. La première génération de PER étant axée sur la création d’emplois, il était très difficile de faire émerger un projet dans un tel délai.

À cette occasion, nous avons bien sûr constaté le déficit d’ingénierie de ces territoires, qu’il s’agisse de pays, d’intercommunalités, de communes ou de syndicats. Nous avons également relevé la faiblesse de la coopération avec les chambres consulaires et tous ceux qui pouvaient fournir des informations pour le lancement des pôles.

Toutefois, le résultat est excellent. En effet, ont été sauvés 372 pôles, qui ont donné de l’espoir et permis à des territoires d’engager une dynamique, de faire coopérer des élus, des entreprises, des partenaires tels que les préfectures, mais aussi les collectivités territoriales lorsqu’elles ont bien voulu participer et quand les compétences le permettaient.

Il faut bien sûr tirer les enseignements de ce qui s’est passé. D’un côté, l’État accepte de labelliser un projet qu’il reconnaît comme efficace, notamment dans le domaine économique ou dans celui des services à la personne, et octroie des moyens financiers permettant d’investir et incitant d’autres partenaires à faire de même ; de l’autre, sur le même territoire, il continue à fermer des services publics. Une telle situation est incohérente ; ce n’est pas acceptable. Il s’agit d’un sujet qui me tient à cœur et dont nous avons discuté lorsque nous nous sommes rencontrés, monsieur le secrétaire d’État.

Dans le nouveau cahier des charges qui doit être élaboré, il faudra donner plus de temps et encourager, comme l’a rappelé mon collègue Rémy Pointereau, le choix d’une échelle correspondant à un bassin de vie, c'est-à-dire un territoire réunissant de 15 000 à 30 000 habitants, qui n’est pas encore totalement intégré dans une intercommunalité, mais qui devra l’être dans trois ans.

M. Raymond Vall. Ce territoire doit être un partenaire à qui l’on dit : nous reconnaissons votre projet, nous reconnaissons qu’il va contribuer à fixer des populations actives et donc à endiguer la désertification. En contrepartie, l’État doit, par une convention, s’engager à maintenir les services publics sur ce territoire ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées du RDSE.) Cette rencontre historique, il faut l’organiser. C’est la dernière chance pour la survie de la ruralité.

M. Raymond Vall. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre écoute. J’espère que vos réponses nous laisserons un peu d’espoir. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons d’entendre des propos très lyriques. Je suis d’accord avec la plupart d’entre eux, car des projets de développement rural de ce type sont positifs. Leur création a d’ailleurs reçu un accueil extrêmement favorable. Les pôles d’excellence rurale ont en effet apporté élan et espoir à l’immense majorité des zones rurales.

Beaucoup de territoires s’y sont donc investis. Pour ma part, en tant que président de pays et du parc naturel régional de l’Avesnois, je veux indiquer que deux projets ont été lancés : l’un concernant la pierre bleue et le bois, l’autre touchant au Maroilles.

Je le répète, l’idée des PER est excellente. Cela étant, même si je ne veux pas jouer les rabat-joie, il faut regarder les choses avec lucidité.

Après la sortie du film Bienvenue chez les Ch’tis, nous espérions pouvoir développer la production de Maroilles. Il faut dire qu’elle est nettement plus faible dans le Nord qu’en Picardie. Un bâtiment a été construit, une équipe de production a été mise en place, mais, il y a un mois environ, on a dû déposer le bilan. Nous sommes aujourd’hui dans l’expectative quant à la poursuite de ce projet, qui est pourtant excellent. Par parenthèse, je sais que la promotion de la pierre bleue et le développement de la filière bois présentent des perspectives plus favorables.

Comment tirer les leçons de cet échec, qui me désespère ?

Premièrement, il me paraît évident, comme cela a déjà été dit, que les zones rurales manquent d’ingénierie.

M. Paul Raoult. Plusieurs d’entre nous le constatent au quotidien : nous avons un déficit de matière grise, de personnels qualifiés, capables de porter ces projets du début à la fin. De plus, nous faisons souvent face à une réticence, sinon à un refus, dès lors que l’on parle des frais de fonctionnement à des communes ou des communautés de communes.

Pourtant, rien ne peut se faire sans le soutien de personnes d’expérience, surtout lorsque des dossiers impliquent des entreprises privées et de l’activité économique. Cela entre forcément dans le champ de la concurrence et de l’économie marchande et exige une technicité de niveau supérieur.

Deuxièmement, ces dossiers sont souvent portés par des intercommunalités dont la surface financière est beaucoup trop faible par rapport aux montants engagés dans le projet, ce qui pose des problèmes de trésorerie en attendant le versement des subventions. Dans le cas que j’ai évoqué, deux communautés de communes rurales, Maroilles et les Deux-Helpes, avaient monté le projet.

Comment faire pour que plusieurs communautés de communes puissent se réunir sur un même projet économique et le soutenir ?

En la matière, on sait les difficultés institutionnelles, et ne parlons pas des délibérations en attente de l’une ou de l’autre intercommunalité avant d’arriver au même objectif. Ce sont donc des éléments sur lesquels je vous invite à réfléchir, mes chers collègues. C’est pourquoi on ne peut engager ces actions que s’il y a un franc soutien des départements et des régions.

Il faut impliquer beaucoup plus en amont les conseils généraux et les conseils régionaux afin d’obtenir leur appui en matière de financement et peut-être même d’ingénierie. Les collectivités territoriales ne peuvent pas être considérées comme de simples distributeurs de subventions. En effet, même si des réticences existaient au départ, car on considérait que l’État lançait les projets, il s’agit en réalité de projets d’intérêt général sur l’initiative de l’État et des communes.

Troisièmement, nous n’avons pas, en France, une longue tradition de culture partenariale entre le privé et le public. Il existe même un climat de méfiance réciproque entre ces secteurs. Il faut évacuer ce problème qui est sans doute d’ordre culturel.

Il faut également s’assurer de la validité de la pertinence du projet économique dans un monde de concurrence exacerbée, trouver de bons techniciens de fabrication, de bons commerciaux et consolider la niche de production. Dans le cas présent, je pense à l’agroalimentaire bio.

Il ne s’agit pas d’une tâche facile. Elle demande du temps. La période de décollage économique exige à la fois du savoir-faire, de la précision, des fonds de trésorerie en attendant que les résultats commerciaux s’affirment au fil des semaines. Sans doute faut-il un peu plus de rigueur et des études de marché un peu plus approfondies.

Voilà les quelques réflexions, qui ne se veulent pas défaitistes, que je voulais faire. Avant tout, je pense qu’il faut pouvoir tirer les leçons des expériences qui ont échoué. Peut-être faut-il promouvoir des projets plus simples, plus basiques, sans risques inconsidérés comme les relais de services publics en zone rurale. La mutualisation des services publics est en effet une chose souhaitable de même que la création de maisons médicales pour répondre à la désertification de certains secteurs.

L’idée de pôles d’excellence rurale doit être approfondie afin de créer une véritable dynamique rassemblant tous les partenaires d’un même territoire. À cet égard, il y a des pistes de réflexion intéressante dans le cadre du Grenelle. Ainsi, je suis persuadé que l’on peut faire émerger des projets territoriaux autour des économies d’énergie, des projets d’énergie renouvelable comme la biomasse ou le bois déchiqueté, que nous avons mis en place dans le parc naturel régional de l’Avesnois. Ces projets peuvent avoir des effets positifs en termes environnementaux – je pense au maintien des haies – et de créations d’emplois.

Pour cela, il faut une expression politique forte. Peut-être est-il également nécessaire de se demander comment mieux définir les conditions du développement local en milieu rural. Nous sommes en effet passés d’une politique qui visait à l’égalité des territoires et à la cohésion territoriale – c’est la période de la DATAR – à une politique de mobilisation des territoires comme facteur de croissance, au risque d’augmenter les déséquilibres.

Peut-on dans une même politique viser à la fois l’efficacité avec une concentration spatiale de la production et l’égalité avec la répartition des revenus ? C’est bien la question de fond qui nous est posée. Prenons donc garde que le développement ait bien lieu dans l’ensemble des régions, surtout les plus déshéritées !

Pour terminer, je voudrais aborder une question qui m’interpelle de plus en plus, celle des régions rurales périurbaines. Celles-ci connaissent aujourd’hui une forte augmentation de leur population et évoluent vers une économie purement résidentielle, peu productive, sans mixité sociale. Cela peut apparaître comme une espèce de ségrégation où la production se ferait dans des secteurs donnés, souvent urbains d’ailleurs.

Certains de ces territoires ont des problèmes sociaux difficiles à gérer ; d’autres, plus résidentiels, ont la chance d’avoir des revenus importants et donc la possibilité de pouvoir faire vivre ces régions à travers des échanges commerciaux. Cela conduit parfois, surtout lorsque la taxe professionnelle devient une taxe professionnelle unique ou lorsqu’on parle de la supprimer, à vouloir rester entre soi et à refuser qu’une entreprise ou une usine s’installe.

Cette évolution me paraît dangereuse pour la cohésion territoriale et sociale de notre pays. Hélas ! tel est le constat que je fais dans mon secteur. Prenons-y garde, car la dissociation entre la production et le revenu par habitant, qui peut être élevé, tend à accroître les différences territoriales de façon extrêmement importante. Je pense qu’il s’agit là d’un sujet de fond auquel il faudra réfléchir dans les années à venir.

Quoi qu’il en soit, je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques pour l’organisation de ce débat. Il nous permet de faire un point d’étape sur des projets qui méritent une attention particulière. Ces projets sont tellement porteurs d’espoir qu’il faudra les affiner, les approfondir et assurer leur succès pour demain. C’est l’avenir des zones rurales qui en dépend. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à partir du moment où les pouvoirs publics avaient créé des pôles de compétitivité en zone urbaine, une initiative similaire était souhaitée et très attendue pour les zones rurales. Ce fut mis en œuvre en 2005, puisque M. Christian Estrosi, alors ministre délégué à l’aménagement du territoire, avait annoncé la création officielle des pôles d’excellence rurale, les PER, au cours du comité interministériel du 14 octobre 2005.

Comme l’ont précisé les orateurs précédents, et particulièrement notre collègue Jean Boyer, auteur de la demande d’inscription de ce débat à notre ordre du jour, force est de reconnaître que ces PER ont connu un très grand succès. Depuis lors, plus de 800 projets ont été présentés et 379 d’entre eux ont été labellisés, générant plus de 1 milliard d’euros d’investissements, ce qui a permis, suivant les indications que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d’État, de créer ou de maintenir au moins 30 000 emplois dans les zones rurales concernées.

Ces PER ont permis de soutenir des initiatives innovantes de développement portées par des territoires ruraux dans des domaines aussi divers que les bio-ressources, le développement des services au public, la promotion des patrimoines naturels, culturels ou touristiques, le développement d’entreprises existantes.

Dans mon département, la Meuse, quatre projets de PER ont été labellisés. Je remercie encore le Gouvernement d’avoir pris en compte celui que j’ai porté, concernant un syndicat d’initiative transfrontalier à vocation touristique rassemblant des collectivités et des associations de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, de la Belgique et du Luxembourg. (Mme Nathalie Goulet évoque la Haute-Normandie et la Basse-Normandie.) Je ne sais si l’on peut comparer avec la Basse-Normandie et la Haute-Normandie, même s’il n’y a pas davantage de douaniers dans l’une ou l’autre région, néanmoins nous avons quelquefois des politiques différentes et, en l’occurrence, nous sommes parvenus à les rapprocher. Il me paraissait important de citer cette initiative, qui est une première en la matière.

Je ne peux que me féliciter de la création de ces pôles, qui ont donné aux élus un moyen très intéressant pour avancer dans le sens du développement économique de leurs territoires ruraux, même si leur mise en œuvre n’a pas toujours été aisée.

En effet, le formalisme administratif tellement répandu dans notre pays et des délais sans doute un peu trop serrés ne nous ont pas toujours permis de démarrer en temps et en heure tous les projets qui étaient envisagés. Je dois cependant reconnaître que votre administration est très conciliante lorsque nous la sollicitons, monsieur le secrétaire d’État, et qu’elle nous a accordé des délais supplémentaires, ce dont je ne peux que vous remercier.

Il est un autre écueil quelque peu inattendu auquel nous avons eu à faire face, il est vrai avant la crise financière et économique qui frappe aujourd’hui notre pays, contribuant à l’allongement des délais de réalisation des projets d’investissement : je veux parler de la propension des entreprises à ne pas répondre très vite à nos appels d’offres, sans doute parce que leurs carnets de commandes étaient, à l’époque, bien remplis – ceci a bien changé depuis, nous le savons.

C’est peut-être l’une des causes du retard que l’on a pu observer dans le démarrage des dossiers, à laquelle s’est ajoutée la question du financement au début de la crise financière.

Nous avions bien compris que les financements d’État accompagnant les pôles d’excellence rurale ne comportaient pas de crédits nouveaux ou de crédits supplémentaires et qu’ils consistaient, en réalité, à concentrer et à flécher les crédits existants à destination des projets portés par les PER. Ces crédits sont d’ailleurs versés dès le dépôt de nos demandes, dans des conditions tout à fait opérationnelles.

J’observe, par ailleurs, que les PER ne financent que des dépenses d’investissement et n’apportent pas, en tant que de besoin, les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements construits, ce qui constitue peut-être une lacune qu’il conviendrait de combler.

En outre, puisque nous sommes au cœur de l’application du plan de relance économique mis en œuvre par le Gouvernement, je pense qu’il serait tout à fait opportun de poursuivre l’expérience des PER en labellisant de nouveaux projets ou, mieux encore, en autorisant des tranches supplémentaires pour les pôles qui sont en cours d’exécution.

Croyez bien que si vous preniez une telle initiative, monsieur le secrétaire d’État, vous seriez certainement soutenu par l’ensemble de notre assemblée. J’en profite pour vous remercier d’avoir autorisé certaines modifications des projets initiaux, quelquefois hâtivement bâtis, afin d’en assurer la réussite. Permettez-moi de vous dire également que je suis d’ores et déjà volontaire pour l’éventuelle prolongation du PER transfrontalier du Nord-Meusien par de nouveaux projets !

Enfin, au-delà des pôles d’excellence rurale, vous ne serez pas étonné que je tente de vous persuader, une fois de plus, de la pertinence de la création des zones franches rurales.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Claude Biwer. Le cahier des charges des pôles d’excellence rurale prévoyait que ceux-ci devaient concerner, notamment, les zones de revitalisation rurale, les ZRR. En réponse à une question de l’un de nos collègues, vous avez déclaré ici même voilà quelques semaines que les ZRR bénéficiaient des mêmes atouts que les zones franches urbaines.

Si tel était le cas, monsieur le secrétaire d’État, je ne me serais pas donné la peine de déposer une proposition de loi visant à autoriser les élus qui le souhaitent à transformer leur ZRR en « zone franche rurale ».

En effet, si les ZRR bénéficient des mêmes facilités fiscales que les zones franches urbaines, il leur manque l’essentiel, à savoir l’exonération des cotisations sociales patronales, dont chacun connaît le poids pour les entreprises.

J’avais pris l’initiative de déposer cette proposition de loi afin que les entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales implantés aujourd’hui en ZRR – et demain, pourquoi pas, en zone franche rurale – puissent bénéficier des allégements de cotisations sociales patronales qui ne s’appliquent actuellement que dans les zones franches urbaines.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour m’aider à faire aboutir cette proposition de loi, qui compléterait à merveille le dispositif des pôles d’excellence rurale dans la mesure où les collectivités locales s’engageraient et œuvreraient véritablement à l’aboutissement des projets.

Ces projets s’intégrant dans les PER et complétant les outils de développement de notre territoire sont représentatifs d’une véritable politique industrielle à l’échelle de nos zones rurales.

Nous vous encourageons à poursuivre et à développer cette ouverture intéressante, monsieur le secrétaire d’État, et nous sommes pour cela à vos côtés ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier et féliciter notre collègue Jean Boyer d’avoir pris l’initiative de ce débat, afin que nous fassions le point sur les pôles d’excellence rurale.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, je suis très heureux, car je pense que vous pourrez poursuivre votre action forte au service de l’espace rural.

Comme cela a été rappelé tout à l’heure, la création des pôles d’excellence rurale a été annoncée par le gouvernement Villepin, M. Christian Estrosi étant alors ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’est agi d’un véritable choix politique.

En complément des pôles de compétitivité, dispositif bien connu de notre collègue Alain Chatillon, qui fait figure de « grand maître » de ces pôles dans le secteur agroalimentaire, un geste fort en faveur de l’espace rural était attendu. Ce geste est venu : ce fut la décision de prendre en compte et de soutenir les projets innovants dans les territoires ruraux, afin de renforcer la coopération entre les partenaires et de favoriser la création d’emplois.

Un certain nombre de thèmes prioritaires ont été retenus. Je pense notamment à la promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques, à la valorisation et à la gestion des bio-ressources – je précise que cette décision est antérieure au Grenelle de l’environnement –, aux actions en faveur de l’offre de service et de l’accueil des nouvelles populations et au développement des productions industrielles et artisanales.

De telles initiatives ont créé un contexte nouveau et suscité plusieurs évolutions de fond. Un nombre important de territoires, prenant bien la mesure des changements, ont décidé non pas de les subir, mais au contraire d’innover, en utilisant les ressources humaines et naturelles de la vie rurale – l’agriculture en demeure l’un des piliers –, qu’il s’agisse des activités de production ou de service.

D’abord, ces zones connaissent un regain d’attractivité – elles accueillent ainsi de nouveaux résidents –, notamment par rapport aux territoires périurbains. Comme cela a été indiqué, ceux-ci avaient également besoin de continuer à exister tout en maîtrisant des mutations susceptibles de leur faire perdre leur âme.

Ensuite, de nouveaux comportements ou modes de vie apparaissent. Le découplage entre le lieu de travail et le lieu de vie ouvre des perspectives d’installation dans l’espace rural.

Enfin, l’arrivée de nouveaux résidents dans l’espace rural crée une dimension économique nouvelle.

À l’heure où le Gouvernement décidait d’agir fortement en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, il était souhaitable qu’il adresse également un signe en direction des territoires ruraux.

Vous permettrez au sénateur de la Lozère, territoire rural s’il en est – ce ne sont pas nos voisins de l’Aveyron ou d’ailleurs qui me contrediront –, de souligner l’intérêt d’une telle démarche pour un département comme le nôtre.

Nous nous sommes mobilisés pour obtenir sept pôles d’excellence. D’ailleurs, leur variété montre bien les atouts divers de nos zones de montagne. Je rappelle que l’ensemble du département est classé en zone de revitalisation rurale.

Les projets ayant obtenu le label de pôle d’excellence rurale sont les suivants : « Patrimoine naturel, tourisme de découverte et de pleine nature des Gorges du Tarn et de la Jonte », « Hébergement tourisme-sport-loisir-handicap » – premier grand pôle en France et peut-être en Europe pour offrir un accès au sport et aux loisirs aux personnes handicapées –, « Valorisation des bio-ressources par la cogénération à partir de biomasse » et « Valorisation du lait des montagnes de Margeride ». À ces projets de la première génération se sont ajoutés des projets de la deuxième génération : « Télémédecine en zone rurale de montagne », « Structurer et développer le tourisme équestre en Margeride-Aubrac », « Accueil chasse et pêche en Lozère : une dynamique de territoire » – vous voyez que nous savons faire preuve d’ouverture – et « Création d’un éco-site et développement de la filière », projet porté par le syndicat départemental d’électrification et d’équipement de la Lozère, structure chargée de la collecte de l’ensemble des déchets du département et que j’ai l’honneur de présider.

La variété de ces thèmes montre bien la diversité des atouts de cet espace rural, que ces pôles d’excellence rurale ont l’ambition de développer. Appuyons-nous sur une richesse naturelle et sur les hommes pour aller plus loin et créer les chances ! Et cela n’est pas servir seulement l’espace rural !

Comme l’a souligné le Président de la République hier à Versailles, notre société a besoin d’inventer de nouvelles réponses pour le développement durable. Cela passe par un nouvel équilibre et par le maintien en activité d’espaces qui étaient menacés de désertification hier et qui apparaissent à présent comme présentant de nombreux atouts, par exemple leur production agricole ciblée de qualité bio.

Le problème d’ingénierie, qui a été soulevé par l’un de nos collègues, est un problème important dans ces zones. Il faut prendre en main son propre destin. Si nous ne l’avions pas fait dans le département de la Lozère, j’ignore où nous en serions aujourd'hui.

Par chance, en 1993, sous le gouvernement Balladur, un comité interministériel a consacré la vocation d’action sanitaire et sociale de la Lozère, vocation qui s’est concrétisée dans un autre pôle d’excellence rurale. Ensuite, nous avons eu le plan Delevoye, qui a permis de financer des opérations d’aménagement. M. de Villepin est également venu pour consacrer de telles perspectives.

Nous avons bien pris conscience que notre sort dépendait de notre capacité. Il s’agit non pas de demander aux autres d’inventer les atouts de notre développement, mais de nous projeter nous-mêmes dans l’avenir, en imaginant de nouveaux modèles de développement rural.

Pour cela, nous avons besoin de soutien. Comment voulez-vous qu’un département comme la Lozère puisse apporter les financements nécessaires sur la seule base de sa fiscalité locale ? En l’occurrence, il s’agit d’investissements porteurs d’avenir, et non de quelconques dispositifs d’assistanat.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes venu nous voir, et nous avons apprécié votre visite. J’ignore si l’espace Causses-Cévennes sera classé cette semaine au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais je l’espère. Nous nous sommes mobilisés pour cela et nous avons contribué à promouvoir l’idée de l’agro-pastoralisme à valeur universelle de référence. Je ne sais pas si nous obtiendrons gain de cause, mais je sais combien vous nous avez soutenus.

Peut-être est-il important d’envisager des projets de troisième génération. Ainsi, nous pourrions consacrer certaines réussites de pôles d’excellence existants ou développer des perspectives nouvelles sur des thèmes nouveaux. Je pense notamment au développement durable avec sa triple dimension, sociale, économique et environnementale. Je pense également au thermalisme de santé, du bien-être, et à la mise en valeur d’espaces à protéger pour une cohérence territoriale avec des démarches d’écotourisme. Je pense enfin aux installations d’entreprise en milieu rural qui déploient des activités de service à haute valeur ajoutée ou aux projets d’accueil de nouvelles populations, par exemple les populations handicapées.

C’est donc un vaste chantier qui est encore devant nous. Nous avons franchi des étapes. Notre collègue Jean Boyer proposait des mesures pour éviter que des retards ne soient pénalisés. Je précise d’ailleurs que ces retards sont le plus souvent indépendants de la volonté des porteurs de projets. Il arrive que l’État nous incite à utiliser les crédits alloués avant la fin d’une année civile tout en bloquant la mise en œuvre des actions programmées ! Veillons donc à ne pas pénaliser les porteurs de ces projets.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’aube d’une ère nouvelle dont vous serez, j’en suis certain, un acteur important, il est, me semble-t-il, important que notre pays consacre un aménagement du territoire équilibré. Je vous rappelle que le traité de Lisbonne érige la cohésion territoriale au rang d’objectif de l’Union européenne.

Il est nécessaire de maintenir les mesures prises dans les zones de revitalisation rurale, en particulier l’exonération des charges sociales pour des activités au service des hommes. C’est un dossier capital pour l’avenir de ces zones rurales.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que vous pourrez continuer à agir demain au service de cette ambition : l’équilibre entre les grandes métropoles et l’espace rural dans notre pays. C’est une réponse indispensable aux besoins qu’ont les hommes de se réconcilier avec eux-mêmes et de se retrouver dans un environnement protégé. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour remercier M. Jean Boyer de nous permettre, par ce débat, de dresser un premier bilan des pôles d’excellence rurale.

Mon intervention portera d’abord sur la mise en œuvre des projets, au nombre de trois cent quatre-vingt-dix environ, dont quatre dans le Doubs. On sait très bien que la difficulté majeure est d’assurer la pérennité de leur financement sur le long terme. La récession qui frappe notre pays amène en effet les porteurs de projet à s’interroger sur la durabilité de l’engagement de l’État et des acteurs privés. Ces derniers pourront-ils toujours apporter leur pierre à l’édifice dans quelques mois ? Surtout, s’il devait être décidé, en 2013, de supprimer les fonds européens, une large partie des projets se trouveraient vraisemblablement ruinés. En outre, en période de crise, les collectivités territoriales porteuses de projet pourraient être conduites à se recentrer sur des investissements présentant pour elles une importance vitale.

Je souhaiterais donc que lorsqu’un pôle d’excellence rurale est en difficulté, l’État puisse garantir des emprunts ou attribuer des subventions relais afin d’éviter des licenciements ou une restructuration de l’activité, évoqués par mon collègue Paul Raoult.

Le Gouvernement devrait également nous fournir des indications sur les emplois créés ou maintenus grâce aux pôles d’excellence rurale. Monsieur le secrétaire d'État, existe-t-il des études d’impact des pôles sur l’emploi, y compris à l’extérieur de leurs frontières ? En effet, cette politique de valorisation et de labellisation de pôles correspondant à des investissements lourds, qui ne concerne que certains secteurs du monde rural, ne doit pas laisser de côté les projets élaborés par des collectivités de plus petite taille. Comment répondrons-nous aux attentes de ces dernières ?

Je déplore moi aussi que les dépenses de fonctionnement, en particulier en vue du recrutement et de la formation de salariés se consacrant au développement rural, ne soient pas subventionnées. Ces agents représentent pourtant une ressource humaine indispensable, une matière grise essentielle pour les territoires. Ils ont vocation à dynamiser et à animer les pôles d’excellence rurale, dont plusieurs de ma connaissance, qui n’ont pas été labellisés, ont vu leur activité régresser considérablement faute de pouvoir continuer à rémunérer leurs agents de développement.

De telles subventions de fonctionnement, outre qu’elles seraient très utiles, constitueraient un juste retour des choses, si l’on considère les économies réalisées par l’État et les entreprises publiques aux dépens du monde rural, avec par exemple la disparition des services postaux ou la fusion des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture.

Par ailleurs, l’excellence n’étant pas une fin en soi, je souhaite que les pôles soient des projets pilotes, exemplaires, permettant la diffusion de bonnes pratiques et de modes de développement. Je suis très attaché à ce que ces labels puissent être démultipliés, reproduits sur l’ensemble du territoire, voire franchisés. Dans cette perspective, je suggère que d’autres subventions puissent être accordées, en faveur de collectivités de taille plus modeste ou de projets de plus petite échelle. Monsieur le secrétaire d'État, nous devons avoir l’obsession d’aider les plus faibles,…

M. Martial Bourquin. … de soutenir les territoires les plus délaissés, ceux qui subissent le plus la disparition des services publics et se trouvent aujourd’hui en grande difficulté. Le progrès et l’excellence sont un bienfait s’ils sont partagés par le plus grand nombre. Or le monde rural n’est pas uniforme. Il ne faudrait pas que les pôles d’excellence rurale soient fondés sur le seul souci de la compétitivité et de l’innovation ; le développement rural repose aussi sur la mutualisation des expériences et des moyens, selon un objectif de cohésion sociale.

En effet, pour la plupart des communes, la priorité aujourd'hui est non pas d’atteindre l’excellence, mais d’assurer à leurs habitants des prestations quotidiennes d’une importance vitale. Or, lorsqu’ils sont confrontés à une baisse des dotations de l’État, les élus se demandent comment ils pourront faire vivre demain leur collectivité. L’enjeu est de continuer à bénéficier de services publics qui ne soient pas uniquement dématérialisés. C’est important pour nous !

Telles sont les quelques questions que je souhaitais soulever, monsieur le secrétaire d'État. Le traitement de la fracture territoriale doit constituer une véritable priorité pour le Gouvernement. Les pôles d’excellence rurale sont une bonne initiative, mais l’ensemble du monde rural attend des signes forts et des réponses urgentes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais témoigner de l’excellent travail réalisé par le Pays d’Argentan Pays d’Auge Ornais autour du pôle d’excellence rurale pour la filière équine, un des trois PER de l’Orne.

Dans ce département, la filière équine représente plus de 2 200 emplois, dont 13,8 % pour les haras – sans oublier la filière du percheron –, 40 % des salariés agricoles et 13 % de la surface, avec 3 100 élevages.

Le pôle d’excellence rurale que je viens d’évoquer bénéficie d’une dotation de plus de 890 000 euros, 98 % de ce montant ayant été alloué aux opérateurs privés par les sept comités de pilotage qui se sont déjà tenus et ont labellisé 93 dossiers, pour un montant prévisionnel de travaux de plus de 6 millions d’euros, soit 7,60 euros de travaux pour chaque euro de subvention. C’est donc un plan de relance avant l’heure, sans qu’aucun emploi ait pour autant été créé à ce stade. Les bénéficiaires des subventions sont des éleveurs, des entraîneurs, des centres équestres, des hippodromes et d’autres professionnels. Certaines actions ont été également menées en matière de communication.

Toutefois, il y a un « mais » !

À la veille des jeux équestres mondiaux de 2014, qui auront lieu en Basse-Normandie, d’une restructuration des Haras nationaux, avec en particulier la mise en œuvre d’un projet concernant le haras du Pin et conduit par le département et la région, d’une réforme – ou d’une « réformette » ? – de la carte territoriale, quel est l’avenir des pays porteurs de ces projets ? À la veille du Grenelle II, qui pourrait transformer, si l’on n’y prend garde, les territoires ruraux en réserves d’Indiens qui n’auront peut-être plus besoin de chevaux (Sourires), comment simplifier les financements croisés de l’État et de l’Europe ?

Permettez-moi de suggérer quelques pistes pour améliorer les PER de la deuxième génération, car il s’agit d’un excellent programme que nous espérons voir perdurer !

Il convient tout d’abord d’assurer une meilleure coordination entre les acteurs potentiels.

Il faut ensuite consacrer des fonds à l’ingénierie, car les pays n’ont pas les moyens de recruter et de former le personnel nécessaire, cette tâche étant souvent chronophage. Les dotations des PER – qui ont été entièrement consommées dans notre département – doivent pouvoir être utilisées à cette fin.

Il importe en outre de relever le plafond de l’aide et d’ouvrir plus largement celle-ci à d’autres bénéficiaires, tels les vétérinaires et autres professionnels liés à la filière.

En conclusion, sur ce dossier important, il faut absolument revoir la copie, de façon à rendre les PER plus performants, à mieux coordonner les acteurs et les financements afin de pouvoir aider les territoires fragiles.

Enfin, à l’instar des intervenants précédents, je tiens à remercier notre collègue Jean Boyer d’avoir proposé ce débat. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur les 700 projets de pôle d’excellence rurale élaborés depuis 2006, 379 ont été labellisés au mois de juin. Dans l’Aisne, le premier à bénéficier de cette reconnaissance a été l’europôle de compétitivité et d’excellence professionnelle du trot, situé à La Capelle, en Thiérache, l’autre pays du maroilles… (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Le petit camembert !

M. Antoine Lefèvre. Même s’il n’a pas l’ampleur de celui de l’Orne, que vient d’évoquer Mme Goulet, il a toute sa place dans le dispositif, dont l’audit sur l’efficacité des pôles d’excellence rurale préconise la relance.

Monsieur le secrétaire d'État, trois ans après le lancement de cette initiative par M. Christian Estrosi, alors ministre délégué à l’aménagement du territoire, permettez-moi de déplorer le caractère excessivement procédurier du système, notamment pour l’attribution des fonds.

Ainsi, s’agissant du pôle de La Capelle, deux des quatre opérations qui le composent, à savoir la reconstruction des tribunes et des box de course et la réhabilitation du manège équestre, ont été lancées. Cela assure la validation de l’ensemble. Ces opérations représentent plus de 60 % des engagements, pour un montant global d’aide de 165 000 euros accordé au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, seul cofinancement public du pôle.

Les crédits restants, qui correspondent donc aux deux autres opérations, doivent cependant être engagés avant le 30 juin 2009. La création d’un centre de médecine sportive équine est maintenant acquise, mais celle du centre d’entraînement connaît des retards et ne pourra être conclue dans le délai fixé. Or c’est bien la plus importante des quatre opérations, avec la création de cinq nouveaux emplois. Plusieurs candidats à l’installation se sont déjà manifestés et plusieurs parcelles du lotissement créé pour le futur centre d’entraînement ont même été vendues. Cependant, la perspective de l’ouverture du marché des jeux en ligne et le contexte économique difficile du moment tendent à retarder la décision d’investissement.

La prorogation d’au minimum six mois du délai d’engagement des crédits restants – considérant, en outre, qu’à l’échelle nationale la première échéance n’a pu être respectée pour un peu plus de 10 % des projets de PER – serait assurément opportune. Elle permettrait le parfait achèvement du programme global du pôle d’excellence rurale de La Capelle, particulièrement innovant et structurant pour notre territoire. Il conviendrait donc d’introduire un peu de souplesse dans le dispositif pour les délais d’engagement et, par conséquent, d’achèvement, la date limite du 31 décembre 2009 étant objectivement trop proche.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que vous souhaitez lancer un nouvel appel à projets dans le courant de 2009, confirmant ainsi l’intérêt porté aux PER, et proposer, pour la période 2008-2011, un engagement de l’État aussi important que pour la première contractualisation, c’est-à-dire à la hauteur de 235 millions d’euros, nous vous remercions par avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux que le Sénat ait inscrit à son ordre du jour ce débat important sur les pôles d’excellence rurale, dont je remercie le président de la commission des affaires économiques, M. Émorine. La Haute Assemblée marque ainsi, encore une fois, son attachement aux questions de la ruralité.

Chacun d’entre nous aura pu constater combien les territoires ruraux étaient au cœur de la réflexion et des priorités du Président de la République pour la période qui s’ouvre. (M. René-Pierre Signé manifeste son scepticisme.)

La présente crise économique est celle d’un modèle de capitalisme financier qui avait perdu son enracinement dans la production, l’entreprise et le territoire. La conviction du Président de la République est non seulement que, dans cette crise qui dure, nous ne devons laisser aucun territoire sur le bord du chemin, mais également que la France peut en sortir plus forte si elle investit utilement, notamment dans ses territoires.

À ce titre, mesdames, messieurs les sénateurs, l’aménagement du territoire et la ruralité figurent parmi les six domaines prioritaires d’investissement d’avenir identifiés par le Président de la République et pouvant bénéficier des moyens financiers tirés d’un grand emprunt. (M. Bernard Frimat s’esclaffe.)

Les territoires ruraux connaissent aujourd’hui de profondes transformations, que M. Jacques Blanc a brillamment rappelées. Terres d’exode pendant plus d’un siècle, ils bénéficient de nos jours, de manière affirmée et presque généralisée, d’une attractivité indiscutable, comme l’attestent les derniers résultats du recensement de la population.

M. René-Pierre Signé. Pas le rural profond !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Nos concitoyens viennent y chercher un environnement de qualité, mais ils souhaitent également y trouver des systèmes de transport efficaces, du travail, des services publics accessibles et de qualité, ainsi que le même accès que les urbains à l’internet et à la société de l’information. Surtout, 60 % de nos concitoyens estiment que les zones rurales se développeront de nouveau dans les dix ou vingt prochaines années, grâce à l’arrivée de nouveaux habitants.

M. René-Pierre Signé. Ce sont les villes qui se développent !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Cela pose la question de l’équilibre entre préservation et développement.

Les pôles d’excellence rurale n’épuisent pas l’action des pouvoirs publics en faveur des territoires ruraux. J’ai eu l’occasion de parler ici, le 26 mars dernier, des services publics en milieu rural. M. Biwer voudra bien me permettre de renvoyer l’examen du sujet essentiel des zones de revitalisation rurale à un prochain débat. Je vous indique néanmoins que j’ai mis en place, comme l’exige la loi de 2005, une mission d’évaluation approfondie du dispositif. Elle a été confiée conjointement à l’Inspection générale des finances, à l’Inspection générale des affaires sociales, ainsi qu’aux corps d’inspection des ministères de l’agriculture et de l’écologie. Les conclusions m’en seront remises d’ici au 30 septembre prochain.

Les PER sont le dispositif emblématique de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et sur les richesses de nos territoires.

Au-delà des modalités de l’appel à projets, des thématiques et des projets individuels, la rupture fondamentale introduite par l’expérimentation des PER est celle de la mise en place d’un label d’excellence, marque de qualité et gage d’avenir pour des territoires ruraux longtemps associés à une image de déclin et d’immobilisme qui ne correspond absolument plus à la réalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quel est, à ce jour, le bilan de cette politique ?

Je salue l’initiative prise par M. Jean-Paul Émorine de faire réaliser par la commission des affaires économiques un bilan des pôles d’excellence rurale, assorti de propositions d’amélioration. J’ai eu l’occasion de m’exprimer, le 8 avril dernier, devant le groupe de travail constitué à cet effet sous la conduite de M. Rémy Pointereau. Cette initiative rejoint le processus d’évaluation lancé par le Gouvernement et évoqué précédemment. Je suis certain que le rapport qui en résultera sera un élément important, sur lequel il faudra s’appuyer pour la mise en place d’une nouvelle génération de pôles d’excellence rurale.

Monsieur Jean Boyer, nous vous devons le débat d’aujourd’hui, et vous avez posé les questions essentielles sur le bilan et l’avenir des PER.

En ce qui concerne tant le bilan des pôles que les orientations pour l’avenir, je retiens une très grande convergence entre les vues exposées par les sénateurs qui se sont exprimés au nom des différents groupes et les conclusions auxquelles je suis parvenu.

Le succès des PER n’est contesté par personne, et l’on s’accorde également sur la nécessité de prolonger cet élan dès 2010, ainsi que sur l’existence de marges de progrès en matière de procédure pour pleinement tirer parti de la dynamique de l’appel à projets.

Le constat positif tient aux points suivants.

Les PER, vous l’avez tous dit, permettent une très forte mobilisation des forces vives des territoires autour des initiatives portées par les élus locaux. En quelques mois, ce sont près de 800 projets qui ont émergé dans toute la France, en métropole ou outre-mer, dont 379 ont été sélectionnés. Certains départements comme la Lozère, le Cantal, la Corrèze ou la Meurthe-et-Moselle comptent huit PER.

Par ailleurs, les PER marquent un engagement fort de l’État, que M. Pointereau a bien voulu souligner, notamment d’un point de vue financier, avec une enveloppe de 235 millions d’euros, mais également par l’intervention des préfectures et des services aux côtés des collectivités.

Monsieur Biwer, les crédits de l’État pour les PER, en particulier les 117 millions d’euros provenant du FNADT, sont bien des crédits spécifiques, qui ont été votés en lois de finances comme tels et qui ont permis la mise en œuvre de projets ne trouvant pas de financement.

Messieurs Pointereau et Boyer, je suis d’accord avec vous : il faut une source unique pour les fonds d’État alloués aux PER, même si le fonds mutualisé interministériel a déjà rassemblé 176 millions d’euros. Simplifions la gestion pour les porteurs de projet !

Les PER sont des projets qui fonctionnent. Deux ans après leur démarrage effectif, 357 PER ont engagé leur projet d’investissement, dont 137 à hauteur de 100 %, ce qui est un chiffre remarquable. Seuls 22 PER, soit 6 % d’entre eux, ont été abandonnés.

Les PER sont aussi un outil concret au service de la relance. M. Le Cam l’a souligné, plus de 1 milliard d’euros d’investissements auront été réalisés au titre des PER à la fin de l’année 2009, grâce au versement de 160 millions d’euros de crédits de paiement par l’État cette année, après 45 millions d’euros l’an dernier. On constate d’ores et déjà la création de 6 000 emplois directs pour 2008-2009, et l’on estime à 30 000 le nombre total d’emplois qui auront été créés ou maintenus à l’issue de l’opération, dont 11 600 emplois directs.

M. René-Pierre Signé. Et combien d’emplois supprimés ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Le partenariat public-privé, condition de l’éligibilité d’un projet au dispositif des PER, a également profondément modifié et dynamisé les méthodes de travail au plan local. L’évaluation montre, monsieur Biwer, que cette association des entreprises est souvent difficile, mais lorsque le partenariat est noué, il perdure et apporte au PER une dimension économique indispensable.

Monsieur Boyer, les travaux d’évaluation qualitative confirment l’existence d’un effet positif des PER en termes d’accélération et d’amplification des projets locaux, de revalorisation de l’image des territoires ou d’aide à la reconversion de territoires fragilisés. Il y a un véritable effet de label pour le territoire, qu’il faut faire vivre dans la durée.

S’agissant des PER « tourisme », monsieur Boyer, l’analyse menée par ODIT France sur dix-sept PER montre qu’ils ont un effet positif en matière d’attractivité lorsqu’ils sont articulés avec des projets de territoire, ce qui est le cas de celui de La Chaise-Dieu, mais n’est malheureusement pas systématique, et qu’ils disposent de l’ensemble des compétences pour inscrire leurs projets dans la durée, ce qui, reconnaissons-le, manque aussi parfois.

Cette observation rejoint celle de Mme Goulet et de M. Raoult sur l’ingénierie : les évaluations montrent que la solidité des porteurs de projet et leur capacité d’ingénierie sont des éléments déterminants dans la réussite d’un PER. L’État, à l’avenir, devra être très attentif à s’assurer de cette capacité d’ingénierie dans les territoires de projet et l’appuyer.

Les évaluations font également apparaître nombre de résultats remarquables, par exemple pour les PER développés autour de la filière bois, monsieur Boyer, qu’ils concernent l’utilisation du bois dans l’écoconstruction ou le développement de filières d’énergie renouvelable ancrées dans les territoires. Nous comptons ainsi soixante-dix-neuf PER consacrés au développement des bioressources. Je rejoins M. Jacques Blanc quand il affirme que le développement durable est, à l’évidence, une thématique incontournable des futurs PER.

Les PER « services à la personne » ont connu un franc succès, puisque l’on en dénombre cinquante-deux dont l’objet est la réalisation de projets innovants relatifs à l’accueil de la petite enfance, à celui des personnes dépendantes et aux maisons médicales. Moins nombreux, hélas ! à concerner les services publics, ils constituent des expériences à généraliser, en matière d’accueil polyvalent valorisant les possibilités des technologies de l’information et de la communication. Messieurs Pointereau, Blanc et Boyer, je suis d’accord avec vous pour considérer que, au même titre que le développement durable, l’économie résidentielle et des services – services de proximité, services publics, services au public, services aux personnes – est une thématique qu’il est indispensable de retenir en vue d’un nouvel appel à projets.

On compte également quelques très belles réalisations à l’actif des PER à dimension technologique.

Nous devons inciter les territoires ruraux à faire émerger et à renforcer des activités économiques structurées, et rendre éligibles au dispositif des PER des groupements d’entreprises. En effet, il ne faut pas opposer les pôles de compétitivité, structures essentiellement urbaines, indispensables aux grandes villes, aux pôles d’excellence rurale : c’est au contraire la conjonction de ces deux politiques qui permettra aux territoires de se développer. Le monde rural et le milieu urbain sont complémentaires, et il est plus que jamais nécessaire d’assurer leur unité et leur coordination. Dans cet esprit, je suis d’accord avec M. Vall sur le rôle de l’innovation technique pour valoriser les ressources des territoires. Son développement est indispensable.

Maintenant que nous disposons de cette vision, grâce notamment à vos réflexions, que décidons-nous pour l’avenir ?

À mon sens, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devrons tracer les grandes lignes des futurs PER à l’occasion du grand débat d’été annoncé hier par le Président de la République et nous préparer ensemble à définir les contours d’un nouvel appel à projets pour l’automne. Vous l’avez compris, il y aura une suite aux PER. Le Président de la République et le Premier ministre soutiennent cette idée.

Pour ma part, je pense qu’il ne doit pas y avoir de période de latence entre les deux générations de PER. Toutefois, les PER existants doivent être conduits à leur terme. Je confirme notamment à MM. Boyer, Biwer et Pointereau que seront examinées avec bienveillance les demandes de prolongation de délais pour la réalisation de projets en cas de force majeure, voire de réaffectation des crédits d’une opération qui ne se réaliserait pas à une autre : voilà qui apporte la souplesse que vous avez demandée.

Chaque situation particulière doit être étudiée avec pragmatisme, en vue d’apporter le meilleur soutien aux territoires. Aujourd’hui, cinq préfectures, celles de Maine-et-Loire, de l’Ardèche, de Meurthe-et-Moselle, de la Dordogne et de la Lozère, rencontrent des difficultés pour engager avant le 30 juin les dernières opérations de leurs PER, lesquels sont quasiment tous engagés à des taux supérieurs à 80 %. Monsieur Lefèvre, le pôle de La Capelle le sera, au 30 juin, à hauteur de 97 %. Par conséquent, il n’y a pas d’inquiétude à avoir : seuls restent à engager 24 715 euros pour le centre d’entraînement, mais la préfecture ne peut fournir les pièces nécessaires à la place du maître d’ouvrage…

En ce qui concerne la future génération de PER, la réflexion sur ses modalités doit commencer. Je tiens à ce qu’elle soit menée en concertation avec les parlementaires et en tenant compte des retours d’expérience des territoires. Dans cette perspective, je demande à la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT, d’organiser au mois d’octobre un grand congrès des acteurs des PER.

S’agissant des thèmes, trois axes généraux m’apparaissent incontournables : le développement durable, les services publics et les clusters d’entreprises.

Je partage l’analyse de MM. Pointereau et Boyer sur le délai laissé aux porteurs de projet : il a été trop court pour le premier appel à projets, même si c’est aussi un puissant aiguillon que de devoir bâtir un projet sous une telle contrainte de temps, à condition, bien sûr, que le délai reste raisonnable. Par conséquent, je soumets à votre réflexion l’idée de procéder en deux temps pour le prochain appel à projets : une première phase, courte – disons de trois mois –, pour répondre sur une idée de PER, débouchant sur une première sélection des projets ; une seconde phase, pouvant aller jusqu’à six mois, au cours de laquelle les porteurs du projet de PER seraient accompagnés par l’État pour affiner leur projet, monter leur dossier, établir le tour de table financier et nouer les partenariats indispensables avec le privé. La labellisation interviendrait à l’issue de cette seconde étape.

En ce qui concerne les financements, nous devrons mettre en place, et je m’y engage, des circuits financiers plus simples et plus souples.

Enfin, je suis également ouvert à l’idée de M. Biwer que des PER de la première génération puissent présenter de nouvelles opérations ou tranches d’opération s’inscrivant dans le nouvel appel à projets. Cependant, je ne pense pas qu’il faille réserver des crédits pour les PER existants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les territoires ruraux sont plus que jamais des réservoirs de croissance et d’emplois,…

M. René-Pierre Signé. Ils ne sont pas aidés !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. … pour peu que l’on favorise la définition de stratégies locales et que l’on soutienne les initiatives visant à un développement harmonieux : croissance verte, économie résidentielle et de services, réseaux d’entreprises. C’est tout l’enjeu de pôles d’excellence rurale renouvelés, monsieur Boyer, que ce retour du rural à la pointe de l’excellence dans notre pays. Qu’il serve l’ensemble de nos territoires et de leurs populations ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les pôles d’excellence rurale.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants, avant d’aborder le dernier point de l’ordre du jour.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Protection de l’enfance

Discussion d’une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 44 de Mme Claire-Lise Campion à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi réformant la protection de l’enfance a été adoptée dans un consensus rare, voilà deux ans déjà.

Les enjeux de la loi du 5 mars 2007 sont cruciaux. Ce texte vise à permettre une meilleure détection des situations de maltraitance, mais aussi et surtout à les prévenir. Le projet de loi présenté par M. Philippe Bas, alors ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, avait fait l’objet d’une concertation préalable organisée par le gouvernement. Les assises départementales avaient notamment permis de rassembler les professionnels de la protection de l’enfance autour d’une même table. Tous s’étaient mobilisés, animés par une volonté commune née sur le terrain, par un esprit de collaboration et une dynamique remarquables.

L' « Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance », que j’ai moi-même signé, comme nombre de collègues siégeant sur toutes les travées de notre hémicycle, attestait de l’urgence de la situation et d’une volonté d’agir partagée par l’ensemble des acteurs : les professionnels sociaux et médicosociaux, les associations et les élus. N’oublions pas que la protection de l’enfance concerne plus de 270 000 mineurs par an dans notre pays.

Vingt-cinq ans après la création de l’aide sociale à l’enfance décentralisée, il était nécessaire de prendre acte des pratiques innovantes en matière de protection de l’enfance et d’abandonner les vieux réflexes hérités de l’après-guerre, parfois encore bien présents.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance n’était pas le texte fondamental que nous appelions de nos vœux. Cependant, elle présente des avancées organisationnelles et méthodologiques importantes.

Désormais, la définition de l’enfant en danger permet de couvrir une population plus large, englobant non seulement le mineur maltraité, victime de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou de négligences lourdes, mais aussi celui qui se trouve en situation de « risque » pour sa santé, sa sécurité, sa moralité. Ces mineurs représentent aujourd’hui la majorité des enfants aidés.

Il s’agit non pas de les « placer », mais de les accompagner au sein de leur famille. La loi accorde une part importante à la prévention, qui doit être la plus précoce et s’adresse en premier lieu aux parents. On n’agit plus « à leur place », mais « avec eux ». Il est indispensable de leur donner, très en amont d’une situation de crise ouverte, des repères, des appuis et des outils pour qu’ils puissent accomplir leur mission librement et en toute responsabilité. Cela peut se faire par le biais, par exemple, des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ou par des aides proposées au domicile. Lorsque la séparation est nécessaire, pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, la perspective du retour dans la famille doit être maintenue et favorisée. Nous nous félicitons de cette évolution, car c’est bien là qu’est la place de l’enfant.

Dans cette optique, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a entériné des dispositifs, alors expérimentaux, tels que l’accueil de jour. En permettant la réception des familles dans un service aux locaux adaptés, ce mode de prise en charge constitue une alternative au placement. L’association des parents à toute mesure de protection de l’enfance empêche qu’une trop grande distance ne se crée et n’hypothèque la possibilité d’une réintégration familiale. L’accueil séquentiel représente également une solution intéressante, puisque les retours temporaires en famille peuvent être organisés sur le modèle des gardes alternées.

Tout le mérite de la loi est d’avoir pris en compte ces nouveaux besoins et cette réalité sociale, du moins sur le papier ! Elle a également permis de revisiter les pratiques des professionnels, de faire preuve de créativité et de réactivité. S’inscrivant dans le développement de la politique de protection de l’enfance, le législateur a aussi rappelé les dispositions essentielles et l’esprit de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a votée dans le cadre de l’Organisation des Nations unies en 1989 et ratifiée en 1990.

La loi du 5 mars 2007 était nécessaire ; cette réforme doit être menée à son terme. Or, deux ans après la promulgation de ce texte, le bilan n’est pas satisfaisant. Le constat est sans appel : le nombre d’enfants bénéficiant d’une protection ne diminue pas et la judiciarisation des situations est constante.

Certes, de nouvelles mesures ont été mises en place, et la loi a entériné et généralisé des pratiques déjà instaurées dans certains départements et fondées essentiellement sur la prévention. Quatre décrets sur onze ont été publiés, créant notamment les cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes et les observatoires départementaux de la protection de l’enfance. Toutefois, contrairement à ce que vos services annoncent, madame la secrétaire d’État, ce ne sont pas soixante-dix cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui ont été mises en place, mais quarante-deux, d’après l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, vingt-huit restant à l’état de projet. De plus, un protocole entre le président du conseil général, le préfet, le procureur de la République et l’éducation nationale a été signé dans seulement cinquante départements. Le projet pour l’enfant en partenariat avec l’aide sociale à l’enfance a été très peu mis en place.

Le constat est malheureusement identique pour le bilan de santé à l’école à trois ans. Ce dernier permettrait pourtant un signalement précoce des enfants en difficulté. Quant au bilan au quatrième mois de grossesse, qui a été créé afin d’identifier d’éventuelles difficultés d’ordre psychosocial pouvant compromettre l’accueil de l’enfant et de proposer une aide en conséquence, il n’est pour ainsi dire pas effectif. Dans le même temps, la majorité des professionnels ne bénéficient pas de formations adaptées à la nouvelle législation, ce qui ralentit l’évolution des pratiques professionnelles et maintient le recours à l’autorité judiciaire, au détriment du développement des actions contractualisées avec les familles.

L’État a réuni une seule fois le comité de suivi de l’application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Depuis, plus rien ! Nous ne partageons donc pas, madame la secrétaire d’État, votre satisfaction et regrettons, à l’instar du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’absence d’autocritique du Gouvernement sur cette question. Le manque de financement est la raison principale de ce bilan insatisfaisant. À l’époque, nous avions attiré l’attention du Gouvernement sur l’absence de clarté à cet égard.

Pour mémoire, l’article 27 de la loi du 5 mars 2007 a créé un Fonds national de financement de la protection de l’enfance, qui devait être doté de 150 millions d’euros sur trois ans aux termes d’un amendement gouvernemental présenté in extremis, sous la pression des parlementaires, alors qu’aucun financement n’avait été prévu à l’origine. Ce fonds devait être alimenté par deux versements, l’un de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, arrêté en loi de financement de la sécurité sociale, l’autre de l’État, arrêté en loi de finances.

Dans cette enceinte, mes collègues et moi-même avions, à l’occasion de l’examen de cet amendement, dénoncé le choix ainsi opéré. En effet, la branche famille n’a pas vocation à financer la protection de l’enfance, d’autant qu’elle est largement déficitaire depuis plusieurs années ! De surcroît, au-delà même du principe, l’intervention de la CNAF impose de prélever des fonds aux dépens de domaines qui, cette fois, relèvent bien de sa compétence.

Pour autant, il était prévu que la CNAF verse seulement 30 millions d’euros pour la première année d’exercice. Le fonds n’ayant pas été créé, cette somme n’a jamais été affectée et est, aujourd’hui, redistribuée sur d’autres lignes budgétaires.

Alors que les collectivités territoriales et le secteur associatif attendaient que l’État démontre sa volonté politique de faire de la protection de l’enfance une priorité en dégageant des crédits, ceux-ci n’ont jamais été prévus dans les projets de loi de finances qui se sont succédés. Ainsi se résume, malheureusement, l’expression de la volonté politique du Gouvernement dans ce domaine !

Pourtant, un projet de décret avait été soumis au Comité des finances locales le 5 février 2008. Récemment questionnée à ce sujet, vous avez annoncé le 23 février 2009, madame la secrétaire d’État, l’avoir signé, tout comme votre ministre de tutelle, monsieur Hortefeux. Toutefois, interrogé sur la date de publication de ce décret, votre cabinet n’a pu préciser aucun délai. Ainsi, le Gouvernement se montre complètement velléitaire dans ce domaine…

Outre l’absence de financement des mesures de la loi du 5 mars 2007, un désengagement général de l’État fait peser une charge supplémentaire sur les finances des départements, d’abord par la non-compensation du transfert de compétences issu de la décentralisation.

En effet, les départements ont pleinement assumé ce transfert, notamment dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la maltraitance, qui relèvent principalement de leur responsabilité. Prenant en charge l’essentiel de la dépense correspondante, ils sont allés bien au-delà de l’engagement initial de l’État : alors que celui-ci s’élevait à 2,8 milliards d’euros par an, la dépense cumulée des départements atteint aujourd’hui 5,6 milliards d’euros. Ces collectivités ne sont plus en mesure de suppléer la défaillance de l’État, qui, par ailleurs, procède également à des réductions de crédits importantes dans ses propres domaines de compétence. Ainsi, pour l’année 2009, le soutien apporté par l’État aux enfants en danger est marginal. Il est en effet ramené à 6 millions d’euros. En ce qui concerne la protection des enfants et des familles, le budget est doté, toujours pour 2009, de 220,8 millions d’euros, soit une diminution de 12 % des crédits par rapport à 2008. La médecine scolaire, la pédiatrie, la psychiatrie sont sinistrées dans la plupart de nos territoires.

En agissant de la sorte, le Gouvernement remet en cause l’ensemble de la politique de protection de l’enfance et fait peser des charges supplémentaires sur les départements.

Ainsi, par simple circulaire, il a été décidé que les mineurs bénéficiant de mesures d’assistance éducative et les jeunes majeurs ne seraient plus accueillis dans les structures de la protection judiciaire de la jeunesse, qui dépendent financièrement de l’État. La direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse d’Île-de-France va donc réduire de 240 à 76 le nombre des places d’accueil pour l’ensemble de la région. Des établissements fermeront dès le mois de septembre prochain. En conséquence, les professionnels de ces équipements sont affectés à d’autres missions, par exemple l’audit des établissements de protection de l’enfance. En conclusion, l’État se désengage, puis explique aux départements comment mettre en œuvre leur compétence en matière de protection de l’enfance !

Cette réduction drastique des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2009, ainsi que le recentrage sur les mesures judiciaires pénales pour les mineurs délinquants, m’inquiètent au plus haut point. La révision générale des politiques publiques, organisant ce désengagement de l’État, transfère de fait de nouvelles charges aux conseils généraux, sans respecter le principe de péréquation. C’est intolérable !

En effet, ces collectivités territoriales financent désormais les mesures civiles, sans aucune modification législative ou réglementaire, alors que l’augmentation du nombre d’enfants bénéficiant d’une action éducative en milieu ouvert, atteignant 2,1 %, est plus importante que la progression du nombre d’enfants placés sous l’autorité de l’aide sociale à l’enfance, qui est de 0,6 %. Pour la Seine-et-Marne, par exemple, le coût est estimé à 500 000 euros. Dans l’Essonne, l’addition de la prise en charge des jeunes majeurs et de celle des mesures au civil représentera un coût de 1,475 million d’euros.

Je pourrais également citer l’exemple de l’article 68 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi Boutin, sur lequel s’appuient les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, pour orienter les mères avec leurs enfants des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, qui relèvent de la compétence de l’État, vers les centres maternels, qui dépendent des conseils généraux.

Je pourrais enfin citer la carence absolue, en matière de pédopsychiatrie, que l’on constate quotidiennement au sein de l’aide sociale à l’enfance pour l’étude des situations, le parcours du combattant pour trouver une solution ou le coût supporté in fine par le département.

En accumulant ainsi les charges supplémentaires pour les départements, c’est l’ensemble de la politique de protection de l’enfance que vous remettez en cause !

Dans ces conditions, comment les conseils généraux pourraient-ils de surcroît financer à la place de l’État les nouvelles mesures phares de la loi du 5 mars 2007 ? Pour un département comme l’Essonne, la mise en œuvre de cette loi a déjà coûté plus de 1,3 million d’euros pour la période 2008-2009. Nous avons estimé, en nous fondant sur un projet de décret qui a circulé au sein de l’Assemblée des départements de France en février 2008, que la compensation à percevoir par ce département devrait atteindre 3,1 millions d’euros sur trois ans. Tous les départements n’ont pas les moyens d’avancer de tels montants !

Au cours de l’année 2008, toujours en Essonne, 2 968 informations signalant un enfant en danger ou en risque de l’être ont été recensées par la cellule départementale, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2007.

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007 renforce la prévention sanitaire dans le cadre de la médecine scolaire, avec l’organisation de visites médicales étendues aux classes d’âge de neuf et quinze ans. L’application de cette mesure nécessite le recrutement d’un personnel médical important, ce qui engendre encore des charges supplémentaires.

La loi étant promulguée, les présidents des conseils généraux, chefs de file de la protection de l’enfance, ont la responsabilité de la mettre en œuvre dans leur département. L’obstination de l’État à ne pas honorer ses engagements financiers peut indirectement aboutir à la mise en cause de leur responsabilité, pour défaut d’application de la loi. C’est pourquoi je comprends le recours devant le Conseil d’État de M. Claude Bartolone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Par son action, il entend implicitement que soit reconnue la responsabilité de l’État pour non-application de l’article 27 de la loi du 5 mars 2007.

Dans ce contexte, je déplore que l’inaction de l’État crée de nouvelles disparités sur le territoire national dans la prise en charge des enfants en danger. La décentralisation ne comporte pas en elle-même d’effet correcteur des inégalités. En l’absence de redistribution, celles-ci continueront de s’accroître. L’État ne peut donc pas se défausser de sa fonction de régulateur. Nous souhaitons, madame la secrétaire d’État, que, au-delà des déclarations et des initiatives législatives, les financements suivent et que la péréquation soit effective ! Le décret créant le Fonds national de financement de la protection de l’enfance doit être adopté et publié dans les meilleurs délais ! Tous les enfants ont droit à un soutien et à une prise en charge de qualité sur la totalité du territoire national, au nom du principe d’égalité.

Ce constat est partagé tant par le Conseil national des villes que par l’ONED, dans leurs rapports respectifs, rendus publics au premier trimestre de 2009.

Eu égard à ces rapports et à ces réflexions, on ne peut que déplorer aujourd’hui l’absence de politique de l’enfance à l’échelon national. Ce n’est pas moi qui le dis, je me contente de citer les propos du Comité des droits de l’enfant des Nations unies qui vous a auditionnée, madame la secrétaire d’État, le 27 mai dernier à Genève. Il relève en effet que notre pays n’a pas de politique spécifique en faveur de l’enfance, sauf en matière pénale, et s’inquiète tout particulièrement de la situation des adolescents et de la perception négative qui se développe à leur encontre, notamment au travers de la gestion de la délinquance et du durcissement de la justice des mineurs.

D’autres sujets d’inquiétude ont été relevés par cette instance : la pauvreté dont souffrent de trop nombreux enfants et la situation préoccupante des mineurs étrangers isolés, notamment en zone d’attente. Les exigences en matière d’accueil prévues par la Convention internationale des droits de l’enfant ne sont pas respectées. Les quelques conseils généraux concernés ne peuvent assurer à eux seuls l’accueil de ces 4 000 à 5 000 jeunes arrivant en France chaque année.

Nous retrouvons là les deux conceptions qui s’affrontaient déjà lors de la discussion, en mars 2007, du projet de loi réformant la protection de l’enfance. L’examen de ce texte se télescopait en effet avec celui du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui s’inscrivait dans la continuité de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, à l’origine du contrat de responsabilité parentale.

Si le premier texte considère l’enfant comme un être en devenir, auquel il s’agit de donner les moyens de son épanouissement, le second a pour principal objet, en revanche, de mettre en œuvre une protection de la société fondée sur le déterminisme, la répression et la traque du délinquant en devenir. Au vu de l’attention portée à l’application de la loi relative à la prévention de la délinquance, il semble que cette dernière conception ait prévalu. Permettez-moi de le regretter.

En effet, les décrets ont été rapidement publiés et les crédits débloqués sans difficulté. Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, mis en place le 28 juin 2007, c'est-à-dire trois mois après la promulgation de la loi, a été abondé de 35 millions d’euros en 2008 et en 2009. À n’en pas douter, la délinquance juvénile est une priorité – oserai-je dire une obsession ? – gouvernementale.

M. le Premier ministre a ainsi annoncé tout récemment la mise en œuvre, à compter de septembre 2009, d’un énième plan national de prévention de la délinquance, en tenant les propos suivants : « Il faut que nous mettions pleinement en œuvre la loi sur la prévention de la délinquance de mars 2007 […] qui a été beaucoup trop négligée ces dernières années. » Je déplore qu’il ne se préoccupe pas autant de la protection de l’enfance, uniquement évoquée, sous le coup de l’émotion, à l’occasion d’affaires médiatisées. Je pense par exemple aux affaires d’Outreau ou d’Angers.

Cette méthode me paraît significative de votre conception du rôle de l’État s’agissant de la mise en œuvre de la politique de prévention, de protection et d’insertion des jeunes publics.

Soyons clairs : il s’agit non pas de nier la réalité de la délinquance juvénile ou de laisser impuni un délinquant, mais d’amener les pouvoirs publics à apporter des réponses bien plus larges que la seule répression et l’accablement des familles. La protection de l’enfance ne peut s’effacer derrière la prévention de la délinquance. Il n’y a pas de lien intrinsèque entre un jeune en difficulté sociale, éducative ou matérielle et un délinquant, mais un mineur délinquant est un enfant à protéger.

Le débat qui va maintenant s’engager doit être constructif ; je ne l’imagine pas autrement, car la défense des enfants ne peut porter à polémique. J’attends donc de vous, madame la secrétaire d’État, des éclaircissements sur la non-publication de nombreux décrets d’application de la loi réformant la protection de l’enfance, alors que le ministre en poste à l’époque de son élaboration, M. Philippe Bas, avait pris l’engagement de les publier dans les six mois.

Concernant le décret relatif au Fonds national de financement de la protection de l’enfance, j’ai bien compris que seule la signature de M. le Premier ministre manquait. Je n’ose interpréter ce contretemps comme la marque d’un désintérêt du Gouvernement envers la protection de l’enfance.

Reprécisons les ordres de grandeur : nous parlons ici de 150 millions d’euros ! Dans le pays des droits de l’homme, le manque d’enthousiasme des pouvoirs publics pour mobiliser une somme sans commune mesure avec les volumes engagés pour résoudre la crise bancaire n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut que se féliciter du large consensus qui a présidé à l’adoption de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, tant au sein de notre hémicycle qu’à l’Assemblée nationale, laquelle a adopté sans aucune modification le texte transmis par le Sénat.

En effet, la nécessité de préserver l’avenir de nos enfants, c’est-à-dire de notre société, fait l’unanimité sur nos travées. Cela explique la préoccupation exprimée par notre collègue Claire-Lise Campion quant à l’application de la réforme prévue par ce texte, particulièrement pour ce qui concerne la question de son financement par le Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Je fais confiance au Gouvernement pour trouver les voies et moyens d’accélérer le financement de ce fonds, sans pour autant perdre de vue les objectifs et le contexte qui prévalaient lors de sa création.

Comme chaque fois qu’une réforme affecte les collectivités territoriales, se pose la question de la compensation des charges transférées ou supposées l’être. La création de ce fonds est très largement justifiée par l’obligation formelle imposée par la loi à chaque département de mettre en place une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. La mise en œuvre d’un tel dispositif suppose des moyens supplémentaires. Toutefois, de nombreux départements n’ont pas attendu le vote de la loi pour prendre l’initiative de centraliser en un même lieu l’historique des dossiers, en vue d’éviter les doublons et d’assurer la pérennité des prises en charge. Certains n’ont pas attendu la création du fonds pour mettre en place une telle cellule. Au final, plus des deux tiers des départements en sont aujourd’hui dotés. Dès lors, peut-on parler d’une innovation, voire d’un transfert de charges, comme l’a donné à penser notre collègue Claire-Lise Campion ?

Il ne s’agit sans doute pas d’une innovation, dans la mesure où les objectifs assignés à la cellule s’inscrivent logiquement dans la mission de protection de l’enfance conférée aux départements en vertu des premières lois de décentralisation, mission doublée d’une protection médico-sociale dite PMI, protection maternelle et infantile, pour les enfants âgés de zéro à six ans.

Ce qui est nouveau, cependant, c’est que l’on formalise et rend désormais obligatoire un outil qui impose aux partenaires des départements, à savoir l’éducation nationale, les associations de protection de l’enfance, les communes, la protection judiciaire de la jeunesse, le parquet, les services de santé, de collaborer avec eux. Le rôle pivot du département en matière de protection de l’enfance est ainsi consacré. La création de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes correspond à cette mission naturelle de coordination. Elle permet de disposer d’un recueil d’informations partagées. Trop souvent, en effet, chaque intervenant, au nom de sa spécificité, de son organisation propre ou d’une pratique extensive du secret professionnel, ne collaborait pas à l’obtention d’une vue d’ensemble de la situation, ce qui ne permettait pas d’aboutir à des analyses concertées et à des suggestions partagées.

La loi du 5 mars 2007 est donc venue conforter le rôle central des départements en matière de protection de l’enfance, l’action judiciaire ne devant être que subsidiaire. C’est pourquoi j’estime que la question du financement, si elle reste bien entendu centrale, ne peut constituer la seule réponse en vue d’une meilleure prévention. Elle doit s’accompagner d’une meilleure synergie des actions, qui rendra celles-ci plus efficaces.

L’exemple des visites médicales est à cet égard éclairant : d’un côté, vingt visites médicales obligatoires sont prévues au titre de la PMI entre zéro et six ans, aucun contrôle n’étant exercé dans la pratique, les CAF ne demandant plus la présentation des justificatifs qui conditionnaient le versement des prestations, ce qui conduit d’ailleurs à s’interroger sur leur absolue nécessité ; de l’autre, la loi du 5 mars 2007 a introduit l’obligation d’une visite médicale au cours des sixième, neuvième et quinzième années, en sus des vingt examens médicaux obligatoires que je viens d’évoquer. On le comprend aisément, l’ensemble du dispositif peine à se mettre en place.

En ne confiant pas aux départements, lors de l’élaboration des dernières lois de décentralisation, une mission générale de protection de l’enfance, allant – osons le mot ! – vers un service unifié de la protection de l’enfance, nous avons perdu, j’en suis convaincu, l’occasion de procéder à une mise en cohérence. Si des travailleurs sociaux et des personnels de santé doivent être présents en milieu scolaire, ne gagnerait-on pas en efficacité à confier au même service le dépistage et l’accompagnement, de la naissance à l’adolescence? Il s’agit bien des mêmes enfants et des mêmes familles : pourquoi émietter leur accompagnement ?

Il est difficilement contestable qu’une telle évolution permettrait à la fois de mieux dépenser l’argent public, grâce à une mutualisation des moyens, et de mieux répondre aux préoccupations de santé publique et de prévention médico-sociale, en instaurant un interlocuteur unique. En effet, la dilution des compétences et la multiplicité des intervenants ne favorisent pas l’exercice des responsabilités, pas plus qu’elles ne répondent à l’intérêt de l’enfant. Du reste, en introduisant la notion de secret partagé, la loi du 5 mars 2007 a posé des jalons intéressants sur la route d’une mutualisation de plus en plus pertinente au regard de la diversité des instances et des situations concernées.

En conclusion, je souhaite insister sur l’intérêt de l’enfant, qui doit rester au cœur du débat et être notre seul objectif. Face à la montée de la violence observée à l’école, aux excès de l’utilisation d’internet qui menacent l’enfance, au développement de la pédophilie et des mauvais traitements dont peuvent souffrir les enfants au sein même de leur famille, il est plus que jamais nécessaire de mobiliser tous les acteurs de la protection de l’enfance en vue d’actions cohérentes.

C’est pourquoi, si je reconnais bien volontiers l’importance des moyens financiers, je demeure convaincu que la mise en place d’une synergie pragmatique des services concernés constitue la meilleure solution pour améliorer la situation.

À mes yeux, on ne peut aborder la question financière en la déconnectant totalement de l’état de nos finances publiques. De ce point de vue, et pour ne prendre qu’un seul exemple, je me réjouis que des moyens aient été dégagés, lors de la dernière convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales, pour financer un plus grand nombre de dispositifs en faveur de la petite enfance, car ils participent également à la protection de l’enfance.

Je ne crois pas que l’on puisse opposer l’action des CAF à celle de l’État, ni l’État aux départements, ou pis encore, comme je l’ai entendu à l’instant, la protection de l’enfance à la prévention de la délinquance. La protection de l’enfance et nos enfants méritent mieux !

Aussi, madame la secrétaire d’État, en écoutant les réponses que vous nous apporterez tout à l’heure, serons-nous tout autant attentifs aux aspects financiers qu’aux perspectives que vous tracerez pour assurer une meilleure protection de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question que nous abordons aujourd’hui, sur l’heureuse initiative de Mme Claire-Lise Campion, n’a rien d’anodin, puisqu’il s’agit de la protection de l’enfance. Est-il thème plus consensuel ? Il nous rassemble tous, quelles que soient nos sensibilités, nous qui sommes souvent tout à la fois sénateurs de la République et parents, voire grands-parents.

Nous voudrions tous, et vous tout particulièrement, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, nous écrier avec Victor Hugo, notre éminent prédécesseur dans cet hémicycle : « Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris. » Nous voudrions qu’il n’y ait que de bonnes fées pour se pencher sur le berceau d’enfants destinés à être heureux. Mais, malheureusement, il en va parfois autrement et il y a dans le monde, en Europe, en France, tout à côté de nous, des enfants en danger.

Dans notre pays, à haut niveau de vie et à la démocratie accomplie, il y a des enfants maltraités, victimes de violences physiques, sexuelles, mentales, des enfants confrontés à des négligences plus ou moins lourdes. Ils sont nombreux, plus qu’on ne le croit, qu’on ne le sait, qu’on ne l’imagine, si l’on se réfère aux statistiques, en particulier celles qui résultent de la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par les Nations unies le 20 novembre 1989.

En France, selon un rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, 266 000 enfants et adolescents étaient pris en charge, suivis ou placés par les services de protection de l’enfance au 31 décembre 2006, parce qu’ils étaient considérés comme étant en danger. Or 266 000 enfants, c’est l’équivalent de la population d’une ville de la taille de Strasbourg ! Ce chiffre est d’autant plus inquiétant que, loin d’être accidentel, il progresse. En 2006, il était supérieur de 4 % à celui de l’année précédente.

Devant ce problème récurrent, ce drame chroniquement exponentiel que n’expliquent pas les seuls phénomènes de paupérisation, d’immaturité, d’inculture, de développement culturel et social de la violence, le législateur est fort opportunément intervenu.

S’est ensuivie l’élaboration de la loi promulguée le 5 mars 2007, résultant d’une concertation assez large avec les associations et les professionnels de la protection de l’enfance, mais aussi avec les conseils généraux chargés de sa mise en œuvre, car ce sont bien les départements qui assurent le financement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance des enfants.

Je crois qu’il ne viendrait à personne ici l’idée de contester cette loi adoptée par le Sénat et l'Assemblée nationale. Mais comment ne pas dénoncer l’absence des décrets prévus pour son application ? Comment ne pas s’élever contre cette funeste habitude de faire voter par le Parlement des lois rendues inapplicables ou inabouties faute des décrets y afférents.

La commission des lois du Sénat, dans son rapport annuel, a relevé combien le bilan de l’application des lois est contrasté, avec un allongement des délais d’applicabilité qui, même s’ils s’améliorent, restent beaucoup trop longs.

Il n’est ni convenable ni admissible que soit ainsi trahi l’esprit des lois, essence même de la démocratie.

S’agissant de la loi qui nous occupe, seuls quatre textes ont été pris pour son application et publiés à ce jour : deux ans de retard pour l’une des lois les plus consensuelles et les plus attendues par le monde associatif, par le monde socio-professionnel et, bien sûr, par les élus locaux.

De surcroît, c’est le décret relatif au financement de la protection de l’enfance, essentiel s’il en est, qui se fait le plus attendre. En effet, la loi de 2007 a créé dans son article 27 un Fonds national de financement de la protection de l’enfance ayant pour objet de financer les seules mesures nouvelles de la loi, estimées à 150 millions d’euros. Mais, à ce jour, point de décret, et ce alors même qu’un projet a été soumis au Comité des finances locales au mois de février 2008 !

Sans compter les 30 millions d’euros prélevés sur la Caisse nationale des allocations familiales, qui devaient être attribués cette même année à ce Fonds national de financement de la protection de l’enfance, et qui ont été réaffectés à d’autres lignes budgétaires.

Comment, madame la secrétaire d’État, expliquer ces retards, cette impéritie de l’État ? Comment les comprendre ? Peut-on admettre que l’État n’honore pas sa parole et se joue de celle du Parlement ? Vous ne pouvez pas ignorer les graves difficultés financières auxquelles sont confrontés les conseils généraux, dont les budgets sont très lourdement impactés par l’action sociale. Une fois de plus, on charge la barque des collectivités territoriales. Comment accepter plus avant la distorsion croissante entre les moyens financiers affectés et les responsabilités nouvelles ? Les départements n’ont-ils pas vu, aux termes de la loi, leurs compétences étendues à la prévention, au renforcement du suivi de la mère et des enfants, à la diversification des modes d’accompagnement et à la création d’une cellule départementale de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger ?

Fort de sa tradition humaniste, le groupe du RDSE s’émeut, madame la secrétaire d’État, de cette situation qui, dans certains cas, est dramatique. Il s’inquiète de la désinvolture du Gouvernement face à la bonne application des lois ; celle-ci nous en offre un parfait exemple.

C’est pourquoi nous attendons une réaction rapide et efficace pour qu’enfin, deux ans après sa promulgation, la loi réformant la protection de l’enfance soit totalement applicable, qu’elle soit mise en pratique, et que soit ainsi respectée la volonté du législateur.

Je ne doute pas, madame la secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de porter ce message et, au travers de votre action, de mettre un terme aux incertitudes qui pèsent sur les collectivités locales. Car au-delà des textes législatifs et réglementaires, il y a des enfants qui souffrent dans leur être et dans leur chair, et qui ne peuvent plus attendre.

J’ai commencé mon intervention en citant Victor Hugo. Je ne voudrais pas la conclure en lui empruntant ces mots : « Cosette peut attendre ; Cosette attendra. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali.

Mme Samia Ghali. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire l’importance particulière que revêt à mes yeux l’exercice du contrôle parlementaire. Si ce pouvoir est moins médiatisé et moins connu de nos concitoyens, il est pourtant essentiel à la bonne vie de notre démocratie, tant il est vrai que le crédit accordé à notre action dépend d’abord de l’efficacité réelle des lois que nous votons.

La culture de l’évaluation se répand et se normalise. Il était grand temps !

La loi réformant la protection de l’enfance a été promulguée depuis plus de deux ans. Il est donc parfaitement naturel d’en contrôler aujourd’hui les effets.

Dans son intervention, ma collègue Claire-Lise Campion a dit l’essentiel : les espoirs sont déçus ; les engagements n’ont pas été tenus ; les financements manquent.

Cette loi, comme d’autres d’ailleurs, est pleine de bonnes intentions et comporte d’excellentes dispositions. Ma collègue l’a rappelé : elle est considérée comme un bon texte et, pour en avoir discuté avec les parlementaires présents à l’époque, il semble que son élaboration ait été un exemple de l’excellence du travail administratif et parlementaire.

À chaque étape de son élaboration, le projet de loi a fait l’objet d’une large concertation avec les services de l’État, les élus, les associations et les professionnels. Le fameux Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l’enfance avait été entendu par le ministre de l’époque, Philippe Bas.

Précédée d’un vrai débat national, qui avait regroupé les plus éminentes personnalités, des élus nationaux et locaux de tous bords politiques, ainsi que les associations nationales intervenant pour la protection de l’enfance, la réflexion gouvernementale et parlementaire avait été largement nourrie.

Le texte accorde une large place à la prévention la plus précoce, d’abord en direction des parents. Il institue, par exemple, un entretien au cours du quatrième mois de grossesse, pour identifier d’éventuelles difficultés d’ordre psychosocial pouvant compromettre l’accueil de l’enfant, et offre une aide en conséquence. Il prévoit également d’accompagner les parents confrontés à des difficultés dans l’éducation de leurs enfants, que ce soit par le biais des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, ou par des aides proposées au domicile même, comme l’assistance de techniciennes de l’intervention sociale et familiale.

Ensuite, pour ce qui est de l’enfant, la loi introduit des temps de visite médicale obligatoire dans le cadre de la médecine scolaire, afin d’assurer un suivi systématique de l’enfant tous les trois ans, de sa quatrième à sa seizième année.

Tout cela est excellent, madame la secrétaire d’État. Le discours a bien été tenu, la loi votée, le texte promulgué, mais l’application est restée très partielle et lacunaire.

Comme d’aucuns l’ont rappelé, bon nombre de décrets demeurent toujours en attente : c’est le cas de celui qui est prévu à l’article 1er de la loi, qui doit préciser le contenu de l’examen médical de prévention et de dépistage accompagnant les visites médicales programmées au cours des sixième, neuvième, douzième et quinzième années de l’enfant ; de celui qui est mentionné à l’article 24, qui doit fixer les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés des lieux de vie et d’accueil ; de celui qui figure à l’article 25, qui doit préciser les conditions de la formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l’enfance en danger ; de ceux qui sont prévus à l’article 27, qui doivent, d’une part, définir les modalités de compensation des charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la présente loi par le Fonds national de financement de la protection de l’enfance et, d’autre part, déterminer les modalités de financement de la protection de l’enfance par un comité de gestion ; enfin, de celui qui est prévu à l’article 3l concernant le code du travail.

Vous comprendrez bien, madame la secrétaire d’État, que, pour les parlementaires, c’est à la fois une terrible frustration, car leur travail est resté sans effet, et un très grand regret, car ils espéraient de ce texte qu’il contrebalancerait le volet exclusivement répressif de la politique sécuritaire menée depuis 2002 par le Gouvernement de Jacques Chirac et son ministre de l’intérieur de l’époque, M. Nicolas Sarkozy.

La délinquance des mineurs est en effet devenue une récurrence politique, médiatique et électorale. Le temps passe vite : cela fait plus de huit ans que le Président de la République porte la responsabilité des résultats en matière de prévention de la délinquance des mineurs.

On trouve, d’un côté, une loi sur la prévention, dont les décrets d’application tardent à paraître et, de l’autre, une accumulation de textes : 9 septembre 2002, vote de la loi Perben I ; 18 mars 2003, vote de la loi pour la sécurité intérieure ; 5 décembre 2006, vote de la loi sur la prévention de la délinquance ; 26 juillet 2007, vote de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et réformant l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. On notera également que, le 15 avril 2008, Rachida Dati, garde des sceaux, a installé la commission chargée de refondre l’ordonnance de 1945 sur les mineurs.

Au milieu de cette avalanche de textes et d’annonces figure donc la loi réformant la protection de l’enfance. Croyez bien que ce texte a été vécu par tous les professionnels, qui désespèrent du tout répressif, comme une bouée de sauvetage, notamment au regard des préconisations du rapport Benisti, qui a si largement inspiré la loi relative à la prévention de la délinquance.

Devant ces faits et ce déséquilibre patent entre les moyens donnés à la répression et ceux qui sont réservés à la prévention, comment voulez-vous ne pas en conclure que le Gouvernement mène une politique exclusivement répressive ?

Que les choses soient bien claires : je suis favorable à la sanction ; je sais comment la délinquance pourrit littéralement la vie de nos concitoyens ; je sais que la délinquance juvénile change de forme et progresse, comme la délinquance en général.

Mais je sais aussi que la délinquance se nourrit d’un terreau fertile, celui de la misère sociale et de la désespérance. Loin de moi l’idée d’excuser les coupables, qui doivent être sanctionnés. Mais quel est cet état d’esprit borné qui ne veut considérer que la réponse répressive ?

La jeunesse française n’est pas plus délinquante qu’auparavant ; elle est juste sans espoir, sans avenir et sans rêve.

Madame la secrétaire d’État, la question sociale est déterminante. Mais, en tant qu’adultes, nous sommes si mal à l’aise avec cette question et tellement incapables de prendre la situation à bras-le-corps que nous en venons à nier celle-ci.

C’est ce que vous avez fait avec le rapport Benisti et l’étude de l’INSERM, qui préconisaient, comme solution à la délinquance des mineurs, de rechercher chez l’enfant, dès l’âge de trois ou quatre ans, les signes d’une délinquance future… On a confondu facteur de risque et causalité ; on a privilégié l’inné au détriment de l’acquis : environnement social, culturel, éducatif, etc.

La loi réformant la protection de l’enfance, qui se situe aux antipodes des a priori idéologiques et du rapport Benisti, doit enfin trouver sa place et commencer à s’appliquer

Nos populations en ont besoin. Les professionnels, loin des caméras et des campagnes électorales, luttent contre la délinquance des mineurs. C’est à eux que nous devons penser aujourd’hui. Le plus bel hommage que nous pouvons leur rendre, c’est de leur donner les moyens de travailler.

Le Gouvernement doit donc publier les décrets attendus et tenir ses engagements financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2007, lorsque le Sénat examinait en seconde lecture ce qui n’était alors que le projet de loi réformant la protection de l’enfance, le groupe communiste, républicain et citoyen s’abstenait. Je ne reviendrai pas ici sur les raisons qui nous ont conduits à faire ce choix, et je ne rouvrirai pas non plus le débat que nous avons eu alors.

Toutefois, la question posée par notre collègue Claire-Lise Campion devrait nous inviter, devrait vous inviter, madame la secrétaire d'État, à faire œuvre d’autocritique sur une loi qui, en raison des faiblesses que nous avions, comme toute l’opposition, dénoncées, est partiellement inapplicable.

Ce texte, qui visait à réformer la protection de l’enfance et qui s’inscrivait dans la suite de plusieurs affaires judiciaires douloureuses – celles d’Angers, de Drancy ou d’Outreau –, avait fait l’objet d’un assez large consensus, auquel nous avions participé en faisant le choix de l’abstention.

De nombreux espoirs étaient nés, au point que même les signataires de l’Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l’enfance, bien que parfois critiques, soutenaient ce projet de loi.

Plus de deux ans après, l’espoir a fait place à la déception. En effet, le comité de suivi de la protection de l’enfance ne s’est réuni, à ce jour, qu’à une seule occasion alors que, de toute évidence, la situation de blocage que nous connaissons aujourd’hui aurait nécessité que ce collectif se réunît de manière plus régulière.

Quant au financement des mesures induites par cette loi, ce sont les départements qui devront, une nouvelle fois, apporter leur contribution. Ils ont vu le champ de leurs compétences s’étendre, alors qu’ils sont déjà très sollicités par ailleurs et très actifs en matière de solidarité ou de lutte contre la pauvreté.

Le désengagement de l’État devait initialement peser pour 115 millions d’euros, 30 millions d’euros devant provenir de la CNAF.

Aujourd’hui, la situation est d’autant plus grave que le Fonds national de financement de la protection de la petite enfance, prévu par l’article 27 de la loi du 5 mars 2007, n’est toujours pas créé.

Paradoxalement, la CNAF, qui s’est vu imposer, à hauteur de 30 millions d’euros, une partie du financement des mesures nouvelles issues de cette loi, en lieu et place de l’État, a bien respecté ses obligations, en tout cas partiellement puisque, en l’absence d’affectation possible, ces crédits ont été répartis sur d’autres lignes budgétaires. Reste à savoir lesquelles et, sur ce point, nous sommes dans la plus complète opacité.

Le désengagement de l’État est double : lorsqu’il ne se décharge pas de ses obligations sur les départements, il le fait sur la protection sociale. Toutefois, en l’absence de ce fonds, les départements devront assumer une dépense non plus de 115 millions d’euros, mais de 150 millions d’euros.

Cette situation, madame la secrétaire d'État, alarme de nombreux présidents de conseil général, y compris au sein de la majorité, puisque notre collègue Bernard Fournier, du groupe UMP, par ailleurs vice-président du conseil général de la Loire, vous a adressé, le 4 juin, une question écrite sur la création de ce fonds. Je reprends à mon compte ses propres mots : « Or deux ans après son entrée en vigueur, le décret instituant ce dispositif n’a toujours pas été publié. Aujourd’hui, cette situation crée de graves difficultés financières pour de nombreux conseils généraux dont les budgets sont déjà très lourdement impactés par l’action sociale ».

Les conséquences, madame la secrétaire d'État, étaient malheureusement prévisibles. En 2007, déjà, nous mettions en garde le Gouvernement contre l’un des écueils de ce projet de loi, à savoir un transfert aux départements dans un seul souci économique. Aujourd’hui, force est de constater qu’il manque à cette loi, notamment dans son volet financement, la réaffirmation du rôle central de l’État, seul à même de garantir l’égalité de traitement des familles et des enfants sur tout le territoire et d’assurer la cohérence du système.

En lieu et place de cette exigence, vous avez laissé les départements seuls face à cette nouvelle compétence.

Cette conception de la décentralisation, nous ne le répéterons jamais assez, joue contre les intérêts des populations les plus faibles, puisqu’elle repose sur une réalité bien connue : le traitement différencié en fonction de la richesse des départements.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le récent rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, rendu public le 10 janvier dernier, et qui montre que, deux ans après l’adoption de la loi, seuls quarante départements sur les cent deux que compte notre pays ont mis en place un dispositif de « centralisation des informations préoccupantes ».

Une telle situation, tout le monde en conviendra ici, n’est pas sans relation avec le manque de ressources financières, aspect que j’ai déjà largement abordé.

Pour conclure, concernant la création du fonds de financement, je voudrais une nouvelle fois faire miens les propos d’un membre de votre majorité, madame la secrétaire d'État, très au fait de ce projet de loi pour avoir été le ministre qui l’a porté ici même au Sénat, M. Philippe Bas : « Il faut absolument qu’il soit mis en place si l’on ne veut pas que des enfants continuent à souffrir en silence sans que l’on s’en aperçoive. Je suis certain que la protection de l’enfance est une priorité de Mme Nadine Morano, mais je suis inquiet, car je constate que l’effort de redressement de la médecine scolaire n’est pas suffisant, que les réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité ont vu leur budget diminuer de moitié ». Et il ajoute, ce à quoi je ne peux que souscrire : « On ne peut pas mettre les départements devant le fait accompli en leur disant : “occupez-vous en maintenant !” ».

Alors, madame la secrétaire d'État, au regard des importantes critiques, y compris de celles qu’ont récemment formulées Claude Roméo, ancien directeur de l’enfance et de la famille, et Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny – je n’entrerai pas dans le détail, faute de temps –, vous comprendrez que je vous invite à agir, et vite !

Il serait utile que vous nous précisiez quand sera créé ce fonds national et comment vous entendez l’abonder : en période de crise économique, la nation doit nécessairement accomplir des efforts en direction des populations les plus faibles.

Cette question est d’autant plus importante que la crise, qui prend notamment la forme d’une explosion du chômage, a pour conséquence une importante diminution des cotisations sociales alimentant la branche famille, laquelle renouera prochainement avec les déficits.

Madame la secrétaire d'État, je le répète, il est urgent d’agir. L’année 2009 n’est pas seulement celle de la célébration du vingtième anniversaire de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant ; elle est également une année de crise majeure.

Il ne suffit plus de dire que la protection de l’enfance est la priorité du Gouvernement. Si vous ne voulez pas qu’explose le nombre des enfants actuellement pris en charge, qui est déjà de 270 000, si vous ne voulez pas que d’autres ne reçoivent aucune aide parce qu’ils résident dans un département qui, faute de ressources, n’a pas créé de cellule, il vous faut agir en créant ce fonds, en l’abondant directement par des dotations gouvernementales, sans attendre un éventuel financement dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la lutte pour la protection de l’enfance est un combat perpétuellement recommencé. À cet égard, la loi du 5 mars 2007, dû à l’engagement de Philippe Bas, engagement que vous avez repris avec détermination, madame la secrétaire d'État, constitue une avancée pour un certain nombre de dispositions.

Parmi ces mesures, qui sont bienvenues, on peut citer l’évaluation obligatoire de la situation du mineur et de sa famille, l’examen médical de prévention et de dépistage pour les enfants, l’aménagement du congé de maternité entre période prénatale et période postnatale, le renforcement de la protection des enfants contre les dérives sectaires, la pénalisation du refus de vaccination, l’élargissement des possibilités de saisine du défenseur des enfants ainsi que du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, la création d’un délégué aux prestations familiales si le juge l’estime nécessaire, la mise en place d’observatoires départementaux, un meilleur partage des informations entre professionnels concernés, ou encore l’amélioration du processus de signalement.

Cependant, rien n’est jamais parfait. Tout d’abord, notre système demeure extrêmement complexe, ce qui nuit à sa lisibilité. En effet, c’est l’État qui décide, qui fixe les normes, mais ce sont les départements qui mettent en œuvre les dispositifs et en financent une grande partie, à l’exception notable de la protection judiciaire de la jeunesse.

Le financement avait été l’un des principaux points de discussion en 2006 et en 2007, la réforme risquant d’entraîner des surcoûts, évalués à l’époque à 150 millions d’euros pour les départements. La question était de savoir s’il fallait les compenser. Certains répondirent « oui » – ce que la loi enregistra – au nom des charges nouvelles, d’autres « non », arguant non sans raison qu’il n’y avait pas de transfert de nouvelles compétences.

Il a été décidé de créer un fonds national de financement de la protection de l’enfance afin de compenser les charges supportées par les départements. C’est un compromis un peu bancal, car le fonds est cofinancé par l’État et par la CNAF, dont les versements sont fixés en loi de finances initiale et en loi de financement de la sécurité sociale. Cela constitue d’ailleurs pour la CNAF une charge indue, puisqu’il s’agit de financer une politique sociale, et non pas une politique familiale.

Pour le moment, ce fonds n’a pas de réalité financière. D’ailleurs, faut-il vraiment le mettre en place ? Pour ma part, je suis très réservé non pas sur les objectifs politiques qu’il permettrait de mettre en œuvre, mais sur sa faisabilité. Par rapport à 2007, le contexte a totalement changé. La situation financière de l’État n’était pas fameuse à l’époque ; elle est maintenant catastrophique, tant son impécuniosité présente repousse à fort loin son retour à meilleure fortune. Quant à celle de la CNAF, dont les perspectives étaient plutôt optimistes en 2007, son déficit prévisionnel en 2009 interdit, me semble-t-il, qu’on en rajoute.

Ensuite, tous les départements n’ont pas mis en place la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger. Il serait intéressant de connaître la liste de ces trente-deux départements concernés, et peut-être encore plus les motivations qui expliquent leurs positions.

En outre, il serait utile de connaître les surcoûts pour les départements qui ont procédé à cette évaluation. Des informations peuvent-elles nous être fournies à ce sujet ? D’après quelques sondages généraux, je n’en suis pas tout à fait certain.

Enfin, si je puis me permettre un clin d’œil, les départements ne pourraient-ils pas renoncer à la compensation, vu la détresse des finances publiques ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Fauconnier. On emprunte !

M. André Lardeux. Cela serait inscrit en avance sur leur contribution au redressement improbable de celles-ci.

Il serait aussi prudent d’attendre les évolutions qu’induira la réforme des collectivités locales, particulièrement la suppression de la compétence générale pour les départements, ce qui pourrait leur redonner quelques marges de manœuvre.

En dehors des soucis financiers, le combat pour la protection de l’enfance doit continuer, car des évolutions inquiétantes persistent et des enfants se trouvent dans des situations de plus en plus difficiles, comme le montrent notamment les suicides d’adolescents.

Certains de ceux qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, sont si brisés que leur situation ne relève pas de celle-ci : ils doivent faire l’objet d’une prise en charge médicale. Or on constate la tentation de les confier malgré tout à l’ASE, ce qui est très risqué pour eux et peut remettre en cause l’efficacité de l’aide apportée aux autres. En effet, on voit se développer des troubles du comportement ou des problèmes de déficience intellectuelle. De ce fait, les internats ont des difficultés à faire vivre ensemble des jeunes très différents les uns des autres, car les jeunes, de plus en plus malmenés, perdent leurs repères. Les personnels rencontrent des problèmes. Mais comment dégager les moyens nécessaires ?

Aussi, la prévention s’impose plus que jamais pour faire face à cette situation. Il y a lieu de réfléchir à l’impact des mesures sociétales sur les familles et les enfants, par exemple le travail le dimanche. Il nous faut éviter ce qui dévalorise la famille, car cela met en cause le rôle protecteur des parents. La perte du père, notamment, est pour un enfant la perte d’un repère d’autorité. La paternité est à la base de la prévention de nombreux risques sociaux, ne serait-ce que le respect de l’obligation scolaire, souvent bousculée. On doit tendre à « reparentaliser » la société ; cela limiterait les comportements à risques, souvent plus corrélés à la situation familiale qu’au contexte socioéconomique.

Le représentant du défenseur des enfants dans la région Pays de la Loire souligne que deux tiers des dossiers qu’il reçoit concernent des adolescents vivant une séparation familiale. En effet, on ne soulignera jamais assez le rôle bienfaiteur pour la société des familles, qui, malgré les aléas de la vie, continuent de s’occuper attentivement de leurs enfants. Bienfaitrices, elles le sont tant sur un plan financier, puisque la prise en charge de tous les moins de 16 ans au tarif moyen de l’ASE représenterait, selon un calcul très indicatif, 360 milliards d’euros, que sur des plans certes non quantifiables, mais essentiels.

Les familles sont le plus grand pourvoyeur de bonheur ajouté. Elles-mêmes, les enfants, comme l’ensemble de la société en bénéficient. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, connaissons-nous une mission plus noble que celle de protéger un enfant ? Est-il un dessein de société plus louable ?

Il faut prendre soin de cet enfant, l’entourer de paroles attentionnées, l’écouter mais aussi l’entendre, le guider sans le contraindre, l’accompagner pas à pas vers l’âge adulte, le respecter, réussir à lui donner suffisamment confiance en lui-même pour lui permettre de trouver sa propre voie, être présent sans être étouffant, guider ses choix sans se projeter soi-même dans les réalisations qui lui appartiennent.

Puissions-nous un instant nous extraire de nos représentations habituelles, mettre à distance nos fonctions, nos mandats, nos obédiences respectives pour nous concentrer sur l’essentiel : que représente, pour chacun d’entre nous, femmes ou hommes, la protection d’un enfant ?

L’enfant est le bien le plus précieux de nos sociétés. Il doit donc impérieusement concentrer toutes nos attentions à propos de sa santé, de sa moralité, mais aussi de son épanouissement physique, psychique, intellectuel et affectif. Nous voilà donc soumis, nous autres adultes, à des devoirs renouvelés : être toujours attentifs et prévenants ; prévenir pour mieux protéger, le cas échéant.

Or qu’en est-il de la protection de l’enfance dans notre pays ? Placée régulièrement au cœur du débat public, elle fait l’objet de critiques incessantes. Elle est régulièrement mise en cause à propos de négligences graves non révélées, de mauvais traitements trop tardivement décelés, de prises en charge estimées inadaptées.

Sujet aiguisant les passions, elle fait l’objet de jugements péremptoires. L’amalgame est parfois tentant. Progressivement, le thème de la défaillance parentale se fait jour. Certes, le principe n’est pas contestable en soi, mais les raccourcis sémantiques, eux, le sont. On dénonce alors l’absentéisme scolaire, les violences urbaines, les incivilités, les comportements déviants, les actes délictueux. On assimile jeunesse à dérive. L’enfant devient dangereux, menaçant !

À l’enfant-victime, on substitue le mineur délinquant, qui serait coupable, selon une vision manichéenne, de la désagrégation d’une société qui, au fond, l’a véritablement « enfanté ».

La communauté éducative est alors visée. Elle protégerait l’enfant trop peu, ou trop tard ! Le risque zéro n’existant pas en la matière, les drames réapparaissent, hélas ! Ils défraient la chronique et prennent l’opinion publique à témoin. On cherche et on trouve, c’est inévitable, des responsabilités, des failles dans le dispositif.

Notre époque est celle des paradoxes. On s’entend facilement sur une exigence collective : protéger l’enfant. Puis, au final, quand il s’agit de mesurer les conditions de la réalisation de cette exigence, on se révèle beaucoup moins strict. La société entière est passée au crible de l’évaluation : il faut tout mesurer ! Et on le fait avec des critères finalement largement revus à la baisse.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a été relativement consensuelle. Elle a fait l’objet d’un débat important ; elle a été conduite avec détermination et discernement. C’est un bon texte, soucieux de l’intérêt de l’enfant.

Deux ans après son adoption, on s’interroge, sur fond de crise économique, sur les conditions de son application, sur la responsabilité de l’État, sur les engagements qu’il a pris et sa capacité à les tenir.

Le département, conforté dans son rôle central de prévention et de protection de l’enfant, n’est pas en reste. Avec des compétences élargies en matière de politique familiale – c’est dire la confiance qu’on lui porte sur ces sujets humains – il déploie des moyens colossaux : 2,3 milliards d’euros en 1984 et presque 6 milliards d’euros en 2008 avec, on ne le dit pas assez, une réduction significative des inégalités entre les départements. C’est le premier poste budgétaire de la solidarité départementale.

Les engagements pris doivent être tenus. L’État ne peut plus être juge et partie dans ce domaine, pas plus que dans d’autres.

Aux yeux de certains, la vision strictement budgétaire de cette mission hautement sensible des conseils généraux peut paraître réductrice. Non pas que l’argent demeure tabou en pareille matière, mais parce que les sommes considérables qui sont consacrées à ces actions, et que je rappelais voilà un instant, ont une vocation noble que l’on ne saurait dénaturer.

J’ai ouï dire que l’État craindrait de mettre le doigt dans un engrenage financier. Mais, madame la secrétaire d’État, cette dépense est non seulement nécessaire, mais aussi, et surtout, tellement utile ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Le monde de la protection de l’enfance n’est pas dans la surenchère. La protection de l’enfance est une action responsable, mesurée. Elle est empreinte d’une infatigable et formidable énergie, que les professionnels du secteur, les responsables institutionnels, les experts, les élus, ont d’ailleurs largement démontrée en amont de la réforme de 2007.

L’Appel des 100 participait de la volonté de s’interroger et d’adapter le dispositif au regard des nouvelles réalités familiales, sociales et psychologiques de notre société. L’on connaît aujourd’hui une propension à placer l’enfant au centre du désir des parents, au point parfois de l’ériger en enfant-roi et en faire-valoir des adultes.

N’oublions cependant jamais qu’en tant que sujet l’enfant mérite bien d’autres attentions. Un gouvernement qui mesurerait le coût de la protection de l’enfance en termes de charges et qui choisirait de ne pas y consacrer les fonds nécessaires porterait une lourde responsabilité.

L’enfant n’est pas une charge ; il est une personne, un être social dès sa naissance. L’enfant est un espoir, un trésor d’une richesse insondable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques constituent une partie essentielle de notre mandat de parlementaire.

Je me réjouis que nous examinions aujourd’hui l’application de la loi de 2007 portant réforme de la protection de l’enfance, quelques jours après la publication du rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, qui traite précisément de l’application par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant, en vertu de son article 44.

Ces dernières années – et cela a été salué par le Comité –, la France a déployé beaucoup d’efforts afin d’améliorer son arsenal législatif en matière de protection des droits des enfants. De nombreuses lois ont été votées, des organismes ont été créés.

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l’enfance a marqué un progrès considérable dans l’amélioration de notre cadre juridique par la prévention des cas de maltraitance et la décentralisation des mécanismes de protection de l’enfance ; leur prise en charge par les départements a amélioré l’efficacité du dispositif.

Toutefois, mesurer l’ampleur du chemin parcouru ne dispense pas de s’alarmer des lacunes persistantes dans l’application du droit par nos administrations

Nous devons entendre les inquiétudes exprimées par les organisations spécialisées dans la protection de l’enfance dans notre pays, notamment la Défenseure des enfants, par l’UNICEF, ou encore par les nombreuses ONG travaillant sur ces questions. Je regrette, par exemple, que tous les décrets d’application de la loi de 2007 n’aient pas été publiés et que le bilan de la mise en œuvre du nouveau dispositif prévu par cette loi, son évaluation qualitative et quantitative, les coûts de sa mise en application et les compensations par l’État n’aient pas encore été soumis au Parlement. Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous nous confirmerez que cela sera fait rapidement et que les financements adéquats seront trouvés.

En qualité de sénateur représentant les Français établis à l’étranger et de membre de la commission des affaires étrangères du Sénat, je souhaite, madame la secrétaire d’État, attirer votre attention sur la dimension internationale de la protection de l’enfance et solliciter quelques éléments de réponse sur des sujets qui me semblent importants.

En ce qui concerne la protection des enfants étrangers résidant sur le sol français, ayant été nommé rapporteur de la commission des affaires étrangères sur le projet d’accord franco-roumain concernant les mineurs roumains isolés, j’ai pu constater que, même si le nombre des mineurs roumains est en forte baisse, le phénomène tend à se propager à de nombreuses autres nationalités, dans un contexte croissant de traite et d’exploitation.

Il faut impérativement assurer une protection maximum à ces mineurs, ne pas les refouler systématiquement à la frontière ou les renvoyer dans leur pays d’origine, d’où ils reviendront quasi inéluctablement. Certains de ces mineurs ont fait de beaux parcours en France et nous devrions tenir compte de leur degré d’intégration avant de prendre une décision d’expulsion à leur majorité.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner quelques indications sur le travail de la commission sur les mineurs isolés, commission mise en place par M. Éric Besson ?

Il est indispensable de renforcer la formation des professionnels appelés à traiter des cas de mineurs isolés, comme de tous les cas d’enfants en état de vulnérabilité, car, là plus qu’ailleurs, l’absence de repérage, les erreurs d’appréciation ou de comportement peuvent avoir des conséquences dramatiques.

À cet égard, je constate que l’application de la loi de 2007 sur la protection de l’enfance par les conseils généraux se heurte à des pratiques de niveau inégal. Une harmonisation de ces pratiques par le haut est indispensable. L’obtention de données fiables et coordonnées sur l’enfance maltraitée ou fragilisée doit nous y aider. Je salue dans ce domaine les efforts de l’ONED.

Face à la multiplication des acteurs concernés, une meilleure coordination devient indispensable entre les niveaux national et régional, notamment avec les départements et collectivités d’outre-mer, les présidents de conseils généraux, la Défenseure des droits des enfants – dont je salue le travail remarquable – le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, ou encore la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Toutefois, et nous avons souvent tendance à l’oublier, la dimension internationale de la protection de l’enfance ne concerne pas uniquement les mineurs étrangers ou d’origine étrangère vivant en France. Aujourd’hui, près de 373 000 enfants français ou binationaux sont inscrits sur les registres de la population française à l’étranger, mais ils sont sans doute deux fois plus nombreux. Eux aussi peuvent être victimes de la pauvreté, de la violence ou de l’exploitation et leur vulnérabilité ne devrait pas être accrue par le fait qu’ils résident hors des frontières nationales.

La loi de 2007 qui, on le reconnaît de manière quasi unanime, est parfaitement adaptée à l’évolution des situations, reste muette sur les enfants français résidant à l’étranger. Je continue de regretter que n’ait pas été retenu l’amendement que j’avais déposé afin que cette loi puisse également s’appliquer aux enfants résidant hors de nos frontières, grâce à un suivi effectué par les comités consulaires de protection sociale, sur le modèle qui a été retenu dans les départements. Une fois de plus, nous, Français de l’étranger, avons été victimes d’un processus de régionalisation qui, en confiant davantage de responsabilités aux institutions départementales, nous exclut du périmètre défini par la loi.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer les très nombreux cas de déplacements illicites d’enfants à l’étranger, qui bafouent l’intérêt supérieur de l’enfant en le privant de l’un de ses parents. Lundi prochain, des parents se rendront à l’ambassade du Japon pour réclamer la création d’une commission bilatérale afin de régler les cas en souffrance.

Je regrette que la commission parlementaire franco-allemande, qui avait été créée pour résoudre ce type de cas avec l’Allemagne, ait été supprimée, alors que nous aurions dû au contraire en étendre le principe à d’autres pays.

Madame la secrétaire d’État, je sais que les questions relatives aux enfants français de l’étranger dépendent essentiellement du ministère des affaires étrangères et non du vôtre, mais je souhaitais attirer votre attention sur la nécessité de renforcer l’efficacité de la coopération internationale et transnationale en matière de droit de la famille et de mieux défendre les droits de nos petits compatriotes de l’étranger.

Quelles orientations pourraient être dégagées de cette réflexion sur la dimension internationale et transnationale de la protection de l’enfance ?

D’abord, je considère que nous ne pouvons nous dispenser d’une réflexion sur la coopération internationale en matière de protection des enfants. Cette coopération est nécessaire afin d’empêcher les trafics insupportables qui se développent partout, mais aussi, plus largement, pour protéger les enfants de la pauvreté, de l’analphabétisme et de l’insalubrité, et contribuer ainsi au développement mondial.

Dois-je rappeler que 86 % des 2,2 milliards des enfants du monde vivent dans des pays en voie de développement et que 95 % des enfants qui meurent avant l’âge de cinq ans, qui n’ont pas accès à l’enseignement ou souffrent du travail forcé ou d’abus sexuels vivent également dans ces pays ?

En France même, il faudrait instituer une forme de mainstreaming, si vous me permettez cet horrible anglicisme. Il s’agit, comme cela a été voulu à l’échelon européen pour les questions de genre, de systématiser l’évaluation de tous les projets politiques du gouvernement à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la conception de l’enfant en tant que sujet de droit.

À cet égard, il me semble dommageable que la discussion de cet aspect fondamental reste confinée à quelques séances de travail ponctuelles. Un tel contrôle devrait être permanent et entièrement intégré à l’action gouvernementale et législative.

Dans cette optique, comme nous l’a demandé avec insistance le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, une commission ou délégation parlementaire doit être créée, avec pour mission de travailler avec différentes institutions sur les projets ou propositions de loi concernant l’enfance.

À titre transitoire, le périmètre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes devrait, me semble-t-il, être élargi pour couvrir également ce domaine de la protection de l’enfance.

Enfin et surtout, nous devons remettre l’enfant au cœur de notre société, au cœur de nos politiques, au cœur de notre coopération internationale, car il porte en lui, tout le monde le sait, l’avenir du monde. Nous avons besoin d’une stratégie nationale pour les enfants sur la base de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990.

Je voudrais aujourd’hui plaider, en conclusion, pour une vraie politique transversale de l’enfance, qui englobe tous les aspects de la vie des enfants. Une telle politique doit non pas être négative et répressive, mais constructive. Il ne faut pas qu’elle soit concentrée uniquement sur les enfants à problème ou les jeunes délinquants ; il convient de veiller avant tout à l’intérêt supérieur de l’enfant, de chaque enfant, en particulier ceux qui sont les plus vulnérables.

S’attaquer à la crise économique restera vain tant que l’on ne rétablira pas un ordre de priorités sain : l’enfant est l’élément fondamental de l’avenir de nos sociétés, même –  et je dirai presque surtout – lorsqu’il est pauvre, isolé, étranger ou handicapé. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité profiter de ce débat sur la protection de l’enfance pour évoquer la situation dramatique dans laquelle se trouvent les mineurs isolés étrangers.

Ces mineurs arrivent en France, parfois au péril de leur vie, pour demander une protection en raison de persécutions subies dans leur pays ou pour d’autres raisons tout aussi légitimes, comme un regroupement familial tant espéré, mais qui leur est refusé pour différents motifs…

Déracinés, seuls, livrés à eux-mêmes, proies faciles à toutes les formes d’abus, de violence et d’exploitation, les mécanismes de la protection de l’enfance devraient impérativement s’étendre aux mineurs isolés. Il s’agit là d’un impératif moral catégorique. Toutefois, c’est loin d’être le cas ! En effet, la plupart de ces mineurs n’ont pas accès au dispositif de droit commun de protection et de représentation juridique. On retrouve une grande partie d’entre eux dans les zones d’attente de l’aéroport de Roissy–Charles-de-Gaulle ou dans les Bouches-du-Rhône, où ils sont retenus dans l’attente, par exemple, de leur admission sur le territoire français au titre de l’asile ou, malheureusement, de leur refoulement éventuel.

Nous sommes en France, dans une zone aéroportuaire, et pourtant ces enfants ne bénéficient pas d’un traitement conforme aux engagements internationaux de la France ; un enfant n’est pas un adulte, il ne peut être traité de la même manière. Or, dans les zones d’attente, les mineurs de treize à dix-huit ans se retrouvent perdus au milieu d’adultes.

J’estime que le maintien en zone d’attente d’un mineur constitue, en soi, une mise en danger de celui-ci ; rien ne peut le justifier ! C’est une situation inadmissible, et contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France, je vous le rappelle, madame la secrétaire d’État, est signataire.

La création prévue de quartiers pour mineurs isolés ne suffit pas : il faut, avant même l’admission au séjour de l’enfant, mettre tout en œuvre pour organiser une protection effective, associant à ce stade les services d’aide à l’enfance et le juge pour enfant.

J’en viens à une deuxième grande injustice que subissent ces mineurs et qui concerne les conditions d’accompagnement et la présence d’un administrateur ad hoc. Est-il concevable que ces mineurs isolés ne bénéficient pas systématiquement d’un représentant légal désigné ?

Selon une étude de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, l’ANAFÉ, l’administrateur ad hoc n’est nommé que dans 70 % des cas. On nous dit que ce taux atteint actuellement près de 90 %. Mais qu’en est-il pour les autres ? En effet, l’enfant qui n’est pas représenté ne peut pas faire valoir ses droits : il n’a pas la capacité juridique ; il ne peut pas faire appel des décisions de refus devant la Cour nationale du droit d’asile. Il s’agit là d’un déni de justice intolérable, d’autant qu’il s’agit d’un enfant isolé, qui, parfois, ne parle pas notre langue ou ne la comprend pas.

Tout mineur isolé se présentant à la frontière devrait bénéficier d’une protection juridique complète. Nous ne pouvons pas attendre la fin de l’année 2010, comme l’a promis le ministre de l’immigration, M. Besson. C’est aujourd’hui qu’il convient de remédier à cette pénurie ! Une telle situation constitue, je le répète, une violation flagrante et continue de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. D’ailleurs, le comité des experts sur les droits de l’enfant vient de le rappeler dans un rapport rendu public le 11 juin.

La politique d’immigration mise en œuvre depuis deux ans, plus soucieuse de chiffres que d’humanité, est la première cause de privation des droits fondamentaux des mineurs étrangers. Ces derniers doivent d’abord être considérés comme des enfants, avant d’être traités comme des étrangers. À ce titre, ils doivent bénéficier d’une protection spécifique, commandée par leur particulière vulnérabilité et leur situation d’isolement.

J’en viens enfin à une troisième injustice : le recours aux tests osseux pour dénier à ces enfants le droit à une protection au titre de l’enfance. On compare une radiographie des os du mineur aux données d’un manuel datant des années trente, établi sur une population blanche et européenne, et on décide qu’il est majeur. C’est inacceptable !

Voilà comment s’organise le refus de protection des mineurs en danger, sans autre forme de procès. Finalement, les mineurs sont souvent refoulés avant même d’avoir vu le juge des libertés ; ils sont livrés à eux-mêmes, sans contrôle juridictionnel et sans garanties sur leur devenir. La politique de contrôle des flux migratoires l’emporte sur la mise en œuvre d’une véritable politique de protection de l’enfance et de lutte contre les réseaux clandestins organisant l’arrivée de ces mineurs.

Je me félicite, bien entendu, de la mise en place par le ministre de l’immigration d’un groupe de travail sur les mineurs isolés. Je souhaite d’ailleurs que ce groupe de travail puisse arriver à des conclusions permettant une meilleure protection de l’enfant.

Permettez-moi de vous proposer trois avancées fondamentales, qui sont demandées par des associations comme l’ANAFÉ.

D’abord, nous devons inscrire dans notre droit le principe de non-refoulement du mineur non accompagné.

Ensuite, il convient de revenir sur la pratique des tests osseux, dont la fiabilité est douteuse, et qui constitue aujourd’hui un outil privilégié pour refuser au mineur toute protection.

Enfin, il est impératif de construire un régime juridique spécifique pour les mineurs isolés, dans lequel les principes du code de l’action sociale et des familles devront prévaloir sur celui du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En effet, je vous l’ai dit, un mineur est un enfant avant d’être un étranger.

Il est absolument nécessaire que les mineurs bénéficient, dans la zone d’attente, d’une protection effective issue de la loi du 5 mars 2007 et d’une véritable assistance juridique, médicale et humanitaire, car il existe aujourd’hui un écart important entre le texte et son application. Madame la secrétaire d’État, comment expliquez-vous un tel écart ? De quelle façon y remédier ?

Il est urgent de considérer les mineurs étrangers avant tout comme des enfants en danger, qui méritent une prise en charge automatique et en urgence, suivie d’un accompagnement juridique et social jusqu’à leur majorité.

Ce n’est qu’à ce prix que l’on verra naître une protection internationale de l’enfance, où le respect de l’intégrité et de la dignité l’emportera sur les logiques de gestion de flux migratoires et de rationalisation de l’aide juridique aux étrangers. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Claire-Lise Campion m’interroge sur la loi du 5 mars 2007 ainsi que sur la question plus générale de la protection de l’enfance.

Tout d’abord, permettez-moi d’évoquer le vingtième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. J’ai souhaité conduire personnellement la délégation française qui, à Genève, a présenté devant le comité des droits de l’enfant des Nations unies les troisième et quatrième rapports de la France relatifs au suivi de la convention. J’ai ainsi eu l’occasion et l’honneur de rappeler l’ensemble des actions réalisées par la France en matière de protection de l’enfance, notamment la loi du 5 mars 2007. La présidente coréenne, Mme Lee, a indiqué qu’elle mettrait la barre très haut compte tenu de la place que la France occupe dans le monde. À cet égard, les deux rapporteurs qui sont intervenus pour exposer l’analyse de ces rapports nous ont félicités de la qualité du travail effectué.

Contrairement à la pratique habituelle de nombre de ministres, je suis restée après mon discours de présentation et, pendant près de trois heures et demie, j’ai répondu, thème par thème, à l’ensemble des questions sur la protection de l’enfance. J’ai pu constater la réelle satisfaction qu’ont témoignée tant le comité que sa présidente sur l’ensemble des précisions que nous avons apportées en réponse aux questions qu’ont suscitées nos rapports et le suivi de la convention par la France.

S’agissant de la loi du 5 mars 2007, trois décrets d’application ont déjà été pris.

J’ai ainsi signé le décret du 30 juillet 2008, qui organise la formation que doivent obligatoirement suivre les cadres et responsables des services qui, par délégation du président du conseil général, prennent des décisions relatives à la protection de l’enfance.

A également été publié le décret du 19 décembre 2008, qui définit la nature et les modalités de transmission des informations préoccupantes recueillies par les cellules départementales aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de l’enfance en danger. Grâce à ce dernier, nous avons désormais une connaissance chiffrée du nombre d’enfants maltraités, ce dont nous ne disposions pas auparavant. Je me suis rendue à l’ONED pour la remise du rapport officiel. Ainsi, au 31 décembre 2008, on recensait 265 913 jeunes de moins de dix-huit ans dont la situation justifiait la prise en charge par le dispositif de protection de l’enfance. Cela représente 1,88 % des jeunes de moins de dix-huit ans : autant dire, bien sûr, que c’est trop, beaucoup trop. Cependant, la connaissance de ces chiffres est indispensable si l’on veut pouvoir lutter de manière adaptée et ciblée contre l’odieux fléau de la maltraitance.

Ce décret était très attendu dans les départements, dont soixante-huit, selon l’ONED, ont déjà constitué une cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes.

À Mme Garriaud-Maylam et à M. Lardeux, qui souhaitent disposer d’une évaluation de ce nouveau dispositif des cellules départementales, je veux indiquer que, conformément à l’article 13 de la loi, qui prévoit que le Gouvernement doit présenter un rapport sur la mise en œuvre des cellules, j’ai demandé à mes services de préparer un bilan quantitatif et qualitatif de cette mise en place. Il sera disponible d’ici à la fin de l’année.

Enfin, le décret du 30 décembre 2008 organise la nouvelle procédure instituée par la loi du 5 mars 2007 et dénommée « mesure judicaire d’aide à la gestion du budget familial ».

Lorsque les prestations familiales ne sont pas employées à la satisfaction des besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants, et que l’accompagnement en économie sociale et familiale n’apparaît pas suffisant, le juge peut ordonner qu’elles soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée, dite « déléguée aux prestations familiales ».

La loi prévoit une formation, initiale et continue, en partie commune à tous les professionnels qui travaillent en contact avec des enfants : magistrats, travailleurs sociaux, enseignants, personnels des polices et de la gendarmerie, médecins, personnels médicaux et paramédicaux, personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs. Ce décret sera publié au Journal officiel dans la semaine.

Reste donc à prendre le décret relatif à la médecine scolaire – je sais qu’il retient l’attention de M. de Legge –, qui a pour objet de prévoir les modalités d’organisation des quatre visites médicales gratuites pour les enfants.

Jusqu’en 2007, le suivi médical de l’enfant était limité à la petite enfance. Pas moins de vingt-deux examens sont ainsi réalisés entre zéro et six ans. La loi réformant la protection de l’enfance prévoit désormais trois nouveaux examens, au cours des neuvième, douzième et quinzième années.

Oui, monsieur de Legge, je partage votre opinion : nous devons rendre plus cohérent l’ensemble de ces consultations, et la première question à nous poser est de savoir comment celles-ci sont utilisées. Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même avons demandé à l’inspection générale des affaires sanitaires, l’IGAS, de réaliser un bilan de ce dispositif. Je souhaite que le ministère de la santé et le ministère de l’éducation nationale soient ainsi en mesure, d’ici à la fin de l’année, de prévoir une montée en charge progressive et adaptée.

S’agissant du financement de la protection de l’enfance, ce sont près de 5,8 milliards d’euros qui lui sont consacrés par les départements. Ce sont plus de 376 millions d’euros au titre du budget de l’éducation nationale pour la santé scolaire. Ce sont plus de 5,7 milliards d’euros affectés par l’assurance maladie aux consultations de prévention des femmes enceintes et des enfants de zéro à six ans. Ce sont 160 millions d’euros dépensés par la justice pour le placement des mineurs en danger. Vous le voyez, madame Escoffier, madame Pasquet, l’État est au côté des départements pour cette action essentielle !

Par ailleurs, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales, j’ai obtenu que les crédits dédiés à la parentalité soient fortement augmentés ; car la protection de l’enfance, c’est la prévention, mais c’est aussi l’accompagnement des parents. Ainsi, les crédits dédiés au financement des réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité, à la médiation familiale et à la mise en place de lieux d’accueil et d’écoute des parents augmenteront, entre 2009 et 2012, de près de 15,5 % par an. En 2008, nous y consacrions 30 millions d’euros ; en 2009, ce seront 42 millions d’euros, soit une augmentation de 12 millions d’euros.

Madame Campion, votre question porte également sur le fonds national de financement de la protection de l’enfance. Le Gouvernement partage l’analyse de M. Lardeux, qui estime que la création d’un fonds supplémentaire viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants. Au regard des 5,8 milliards d’euros évoqués, la somme en jeu, qui est de 30 millions d’euros, montre que nous sommes en décalage. Les finances ne sont pas seules à entrer en compte : c’est l’ensemble des actions et des mesures que nous engageons en faveur de la protection de l’enfance qui doit être pris en considération. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’un arbitrage gouvernemental.

Mme Garriaud-Maylam s’interroge sur la protection des enfants de Français résidant à l’étranger. Plusieurs mesures ont été arrêtées pour les prendre en charge. Ainsi, depuis le vote de la loi de 2007, une sous-direction dite « de la protection des droits des personnes » ainsi qu’un bureau de la protection des mineurs et de la famille ont été créés. La sous-direction est en contact avec tous les consulats et ambassades de France. L’objectif est de mobiliser tous les moyens pour mettre les enfants hors de danger, si nécessaire en organisant leur rapatriement en France, puis leur placement dans un établissement français sur décision d’une autorité judiciaire française.

Je suis également en mesure de confirmer que la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire a conclu un protocole d’accord avec la Défenseure des enfants.

La loi a donc permis une clarification du cadre institutionnel de la protection de l’enfance. D’importants progrès ont été accomplis en matière de coordination de l’action entre l’État, les départements et les associations.

La Défenseure des enfants tient aussi un rôle central. Vous le savez, cette autorité indépendante a été créée par la loi du 6 mars 2000. Elle est chargée de défendre et de promouvoir les droits de l’enfant tels qu’ils ont été définis par la loi et par la convention internationale des droits de l’enfant. Le Gouvernement est très attaché à cette autorité, dont l’indépendance, l’utilité et le sérieux sont unanimement appréciés.

Enfin, je ne veux pas oublier l’activité fondamentale des associations et des organisations non gouvernementales. Les associations travaillent quotidiennement au service de l’enfance en danger et ne manquent jamais, le cas échéant, d’interpeller le Gouvernement. Je les reçois régulièrement ; très récemment encore, le 5 mai, j’ai réuni le Comité national de suivi de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007, et j’y ai invité les associations de protection de l’enfance afin de recueillir leurs observations sur le sujet.

J’évoquerai en quelques mots ces chantiers qui vous démontreront l’ampleur et l’engagement du Gouvernement.

Le premier chantier est celui de l’adoption. Celle-ci fait l’objet d’un projet de loi qui a déjà été déposé sur le bureau de votre assemblée, et le 28 avril dernier s’est tenu ici, au Sénat, un débat sur ce sujet ; je n’y reviendrai donc pas.

Le deuxième chantier est celui de la parentalité. Je tiens à rappeler et à saluer l’action permanente et quotidienne des nombreuses associations qui luttent contre toutes les formes de violence à l’intérieur du cercle familial et qui exercent, notamment, une action indispensable en faveur de la protection des enfants.

Le Gouvernement les soutient au travers des réseaux d’aide et d’appui à la parentalité et les points Info Famille. Ces réseaux jouent un rôle essentiel lorsqu’ils redonnent confiance aux parents et les aident dans leur rôle. Ce sont près de 6 000 actions de soutien qui ont été réalisées chaque année, et 600 000 parents en ont bénéficié. Le Gouvernement alloue des moyens à ces structures : près de 7 millions d’euros leur sont réservés cette année sur le programme 106 et, comme je l’ai déjà indiqué, la Caisse nationale d’allocations familiales est à nos côtés pour accroître cet effort.

J’ai également obtenu qu’une ligne téléphonique nationale et gratuite soit ouverte pour les parents qui sont dépassés par leur rôle : il s’agit de l’extension du numéro d’appel 119. Vous savez que cette ligne est consacrée aux enfants en danger. J’ai souhaité qu’elle soit élargie aux familles en détresse pour raccrocher à un fil ces personnes qui, quelquefois, en arrivent à des extrémités telles qu’elles éliminent l’ensemble de leur famille. Nous voudrions, avec l’ONED et son président, Christophe Béchu, que ce numéro d’appel fasse l’objet d’une grande campagne de communication et soit connu au même titre que le numéro de la police ou celui du SAMU.

Le troisième chantier, celui de la lutte contre la pédopornographie, me tient tout particulièrement à cœur. Il s’agit aussi d’une mesure de protection de l’enfance, et nul ne peut contester que le Gouvernement soit crédité d’une action constante et vigoureuse dans ce domaine.

Aujourd’hui, l’arsenal législatif français est performant. La pédopornographie sous toutes ses formes est illégale, réprimée et poursuivie. La répression pénale est complétée par des règles de procédure adéquates.

De plus, les sanctions encourues pour les infractions à caractère sexuel commises sur des mineurs sont très sévères. Les délits de proxénétisme ou la traite des êtres humains commis à l’égard d’un mineur sont particulièrement punis. Certaines sanctions ont été récemment durcies, par exemple lorsque les faits en cause concernent la pornographie mettant en scène des mineurs. En tout état de cause, le jeune âge de la victime constitue toujours une circonstance aggravante.

À côté du volet répressif, madame Campion, le Gouvernement utilise le volet préventif. Je mène une action résolue sur quatre terrains : l’amélioration de la performance des logiciels de contrôle parental ; la sensibilisation du grand public à la protection de l’enfant sur le numérique ; le blocage de l’accès aux sites pédopornographiques ; la création des conditions d’une coordination européenne.

Enfin, quatrième chantier, nous devons agir de manière déterminée en faveur de la prévention de la délinquance et cela ne peut se faire sans les familles.

C’est pourquoi nous avons créé, en 2007, les conseils pour les droits et devoirs des familles : la protection de l’enfance passe aussi par la prévention, l’écoute, la réalité du terrain, et par l’action du maire qui connaît bien les familles pouvant se retrouver en difficulté. J’ai installé au Raincy le vingt-troisième conseil pour les droits et devoirs des familles.

Il faut continuer à développer ces dispositifs, qui donnent leurs premiers résultats et constituent un outil concret au service de la protection de l’enfance.

La famille doit jouer tout son rôle. Le conseil pour les droits et devoirs des familles est le lieu où l’on reconnaît la responsabilité éminente des parents et des familles. C’est une instance de dialogue, une enceinte où le fil de la discussion peut reprendre, où chacun doit assumer ses devoirs, où chacun réapprend ses droits : le maire peut réaffirmer la valeur de la loi républicaine, les familles peuvent réapprendre le « vivre-ensemble » civique et certaines situations de violence peuvent être détectées.

Je souhaite que ces initiatives puissent être généralisées, car c’est aussi là que se jouent l’avenir de nos enfants et leur protection.

Enfin, madame Garriaud-Maylam, j’ai également travaillé à un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers afin de mieux prendre en compte la situation de ces 250 enfants qui, chaque année, sont enlevés. Ce texte comprend un volet important consistant à renforcer l’autorité parentale. Un enfant ne pourra obtenir un passeport ou une carte d’identité sans la signature des deux parents.

Nul ne peut contester que, grâce à la loi du 5 mars 2007, la protection de l’enfance constitue une priorité du Gouvernement ; elle est mise en œuvre sur l’ensemble du territoire. Nombre de départements ont déjà mis en place leur cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, ce qui révèle une réelle volonté en la matière. Il faut aller beaucoup plus loin !

La protection de l’enfance doit toujours être améliorée ; elle doit s’adapter à l’évolution de la société, parce que les phénomènes de maltraitance des enfants évoluent. Il nous faut être vigilants. C’est pourquoi Michèle Alliot-Marie a annoncé la création de brigades de protection des familles, qui constitueront, à l’instar de la brigade de protection des mineurs, un outil indispensable pour répondre aux violences intrafamiliales et aux maltraitances dont sont victimes les enfants.

La prévention de la délinquance ne doit pas être opposée à la protection de l’enfance : l’une ne va pas sans l’autre ; elles sont complémentaires.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse que le Gouvernement souhaitait vous apporter sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis des échanges que nous avons eus cet après-midi sur la protection de l’enfance, question essentielle qui ne mérite aucune polémique.

Mme la secrétaire d’État a évoqué les décrets qui ont été pris récemment sur la formation, les modalités de transmission des informations préoccupantes, ou encore la nouvelle procédure dénommée « mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ». Au total, trois décrets ont été publiés – un quatrième le sera dans la semaine – sur les onze que nous attendions dans le cadre de la loi du 5 mars 2007.

Pour autant, je ne suis pas rassurée. En effet, notre collègue André Lardeux, se référant à l’article 27 de la loi, a qualifié le fonds national de financement de la protection de l’enfance de « compromis bancal », allant même jusqu’à le juger inutile du fait de la future réforme des collectivités territoriales. Par ailleurs, Mme la secrétaire d’État a dit que ce fonds allait complexifier la situation et que nous étions déjà en décalage.

Le débat de cet après-midi n’a pas levé nos doutes s’agissant du financement des mesures de protection de l’enfance prévues dans la loi de 2007. Je veux croire qu’il ne s’agit là que d’une étape, que nous aurons la capacité de convaincre et de faire évoluer les choses. Il semble – tout à l’heure, notre collègue Yves Daudigny y a fait allusion – que le Gouvernement ne veuille pas aller plus loin sur ces questions de protection de l’enfance.

Ce débat a aussi permis d’avoir des échanges sur des sujets connexes à la protection de l’enfance, et je m’en félicite.

J’ai entendu avec intérêt un certain nombre d’annonces de Mme la secrétaire d’État, en particulier sur les questions de parentalité, de prévention et d’accompagnement des familles ; les réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité ont notamment été évoqués.

Mme la secrétaire d’État nous a également annoncé des évolutions budgétaires. C’est plutôt positif pour les années à venir et, si tel est le cas, nous nous en réjouirons. Permettez-moi cependant d’être quelque peu sceptique. Nous avons pu en effet constater dans les précédentes lois de finances ou lois de financement de la sécurité sociale des réductions drastiques de crédits montrant que la mobilisation des associations, dont Mme la secrétaire d’État a salué l’action, était parfaitement fondée.

Je prends acte de ces annonces, mais j’attends le moment où nous pourrons constater leur concrétisation dans le projet de loi de finances ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Je voudrais évoquer de nouveau le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies à Genève et les échanges qui ont eu lieu lors de l’audition du mois de mai dernier. L’exigence des membres du Comité des droits de l’enfant vis-à-vis de notre pays était grande et annoncée comme telle.

Le Comité a déploré l’absence d’un organisme national chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l’enfant, l’absence d’une loi d’orientation sur les droits de l’enfant, ainsi que l’absence de délégations parlementaires aux droits de l’enfant. Je rejoins sur ce point notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, car j’avais moi-même proposé de créer cette délégation aux droits de l’enfant au Sénat. Peut-être pourrions-nous nous en donner les moyens.

Le Comité a également regretté que l’intérêt supérieur de l’enfant n’apparaisse pas dans un certain nombre de dispositifs procéduraux et il s’est interrogé sur l’avancement du droit à la parole de l’enfant, auquel nous tenons tous beaucoup et que nous avons défendu lors de l’examen de la loi du 5 mars 2007.

Il reste beaucoup à faire s’agissant de la mise en œuvre de la loi de mars 2007 et du financement du dispositif. L’année 2009 est celle du vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant : nous ne pouvons ignorer les attentes des professionnels, du milieu associatif, des départements et, surtout, des familles et des enfants. Je renouvelle donc mon appel au Gouvernement, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

8

Transmission d'un projet de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de développement et de modernisation des services touristiques.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 484, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

Transmission d'une proposition de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 476, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

10

Dépôt d'une proposition de résolution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Odette Terrade, Éliane Assassi, M. Michel Billout, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Jean-Luc Mélenchon, Jack Ralite, Jean-François Voguet, François Autain, Mme Marie-France Beaufils, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Gérard Le Cam, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Isabelle Pasquet, M. Ivan Renar, Mme Mireille Schurch et M. Bernard Vera une proposition de résolution tendant à la constitution d’une commission d’enquête sur la société Icade et sur les conditions de la cession de son parc locatif.

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 478, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et pour avis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en application de l’article 11, alinéa 1 du règlement.

11

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à négocier au nom de la Communauté un protocole de coopération entre la Communauté européenne et l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), prévoyant un cadre général de coopération renforcée ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4528 ;

- Proposition de règlement du Conseil instituant un droit compensateur définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4529 ;

- Proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4530 ;

- Proposition de règlement du Conseil relatif à l’ouverture d’un contingent tarifaire autonome pour les importations de viande bovine de haute qualité ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4531.

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché et l’utilisation des produits biocides ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4532.

12

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 462, 2008-2009), dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

13

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les perspectives offertes par les recherches sur la prévention et le traitement de l’obésité (compte rendu de l’audition publique du mercredi 4 mars 2009), établi par M. Jean-Claude Etienne et Mme Brigitte Bout, sénateurs, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 477 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (n° 476, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 479 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Richert un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto, Michel Houel, Jean-Paul Amoudry, Richard Yung, Marcel-Pierre Cléach, Mme Colette Mélot, MM. Daniel Dubois, Pierre Fauchon, François Pillet, Michel Bécot, Christian Gaudin, Christian Cointat, Alain Houpert, Hugues Portelli, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Chauveau, Roland Du Luart, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Michel Thiollière, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories (n° 215, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 482 et distribué.

14

Dépôt de textes de commissions

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (n° 476, 2008-2009).

Le texte sera imprimé sous le n° 480 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu le texte de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto, Michel Houel, Jean-Paul Amoudry, Richard Yung, Marcel-Pierre Cléach, Mme Colette Mélot, MM. Daniel Dubois, Pierre Fauchon, François Pillet, Michel Bécot, Christian Gaudin, Christian Cointat, Alain Houpert, Hugues Portelli, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Chauveau, Roland Du Luart, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Michel Thiollière, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories (n° 215, 2007-2008).

Le texte sera imprimé sous le n° 483 et distribué.

15

Dépôt d'un rapport d'information

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean Bizet un rapport d’information fait au nom de la commission des affaires européennes sur le prix du lait dans les États membres de l’Union européenne.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 481 et distribué.

16

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 24 juin 2009 :

À quatorze heures trente :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Rapport de M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat (n° 463, 2008-2009).

À quinze heures trente et, éventuellement, le soir :

2. Débat sur l’éducation :

- Les moyens de l’éducation nationale ;

- La réforme des lycées ;

- La décentralisation des enseignements artistiques.

3. Question orale avec débat n° 36 de M. Ivan Renar à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’évaluation du crédit impôt recherche.

M. Ivan Renar attire l’attention de Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessaire évaluation du crédit impôt recherche (CIR).

Si le crédit impôt recherche a connu en 2009 une augmentation de 620 millions d’euros, pour un coût global estimé entre 2,7 et 3,1 milliards d’euros, les effets réels de ce dispositif fiscal sur l’effort de recherche et développement des entreprises demeurent inconnus. Depuis l’étude d’impact menée par Technopolis France en 2006, le crédit impôt recherche n’a fait l’objet d’aucune évaluation officielle alors même qu’il a connu de profondes modifications en 2008. Lors des débats portant sur le budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) 2009, de nombreux parlementaires, de toutes sensibilités, se sont émus de cette situation, d’autant que toutes les politiques publiques sont soumises à évaluation. Une étude d’impact du crédit impôt recherche est d’autant plus indispensable que la progression des aides publiques est sans commune mesure avec la progression des dépenses de recherche et développement des entreprises. En outre, selon une enquête, ce dispositif, à l’origine destiné aux PME innovantes, bénéficierait essentiellement aux très grandes entreprises. Alors que le coût du crédit impôt recherche pourrait atteindre 4 milliards d’euros en 2012, il est urgent d’en mesurer les effets incitatifs et, le cas échéant, d’envisager un redéploiement des crédits affectés à ce dispositif. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu’elle entend mettre en œuvre en ce sens et l’interroge sur l’avenir du financement des universités et des organismes de recherche publics.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD