avenir des actions éducatives complémentaires de l'enseignement public

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, auteur de la question n° 422, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Paul Amoudry. Je souhaitais interroger M. le ministre de l’éducation nationale sur l’avenir des activités éducatives complémentaires de l’enseignement public menées par des associations œuvrant sur le territoire national au côté des enseignants, des parents, des élus, dans le champ scolaire et périscolaire.

On nous a annoncé, d’une part, la suppression de 25 % du financement des actions conventionnées au titre de l’exercice civil 2008 et, d’autre part, la non-reconduction, dès le 1er septembre prochain, de l’aide apportée aux emplois d’enseignant détaché. La pérennité de ces politiques est, dès lors, gravement menacée.

En Haute-Savoie, département dont je suis l’élu, ces actions concernent, permettez-moi de le souligner, 30 000 enfants engagés dans une démarche coopérative, 6 700 élèves éduqués à l’image grâce au dispositif « École et cinéma », 12 700 jeunes bénéficiant de séjours de classe de découverte, 20 000 élèves participant à des activités sportives de l’Union sportive de l’enseignement du premier degré, 10 200 enfants et jeunes qui prennent part à des ateliers d’écriture dans le cadre de parcours civiques, 2 600 élèves participant à des actions liées à la solidarité, 90 jeunes pris en charge en centres médico-éducatifs, 37 déficients visuels qui bénéficient de services d’aide à l’acquisition d’autonomie, 15 enfants déficients recevant une aide à l’intégration scolaire, seize collégiens accueillis dans le cadre du pilotage d’un internat de réussite éducative afin de lutter contre le processus de déscolarisation, et, enfin, seize jeunes confiés par la justice à un centre éducatif.

Pardonnez-moi la longueur de cette énumération, mais elle a le mérite d’illustrer aussi bien la diversité que la richesse de ces actions.

La remise en cause des conventions pluriannuelles d’objectifs mettrait évidemment en péril ces activités, qui contribuent pourtant de manière substantielle à l’accomplissement de la mission si importante d’éducation de la jeunesse.

Ne doutant pas, madame la secrétaire d’État, de votre attachement, ainsi que de celui de M. le ministre de l’éducation nationale, à l’accomplissement de cette mission, je souhaiterais connaître les moyens qui sont prévus pour assurer la pérennité de ces interventions en faveur des jeunes et éviter les très graves conséquences qu’entraînerait leur suppression.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler l’attachement de Xavier Darcos et de moi-même aux actions que vous venez de citer.

Ces associations sont des prestataires liés à l’État, en particulier au ministère de l’éducation nationale, par un partenariat très ancien. Xavier Darcos l’a d’ailleurs récemment confirmé en invitant les prestataires du monde associatif à s’engager de manière pleine et entière pour mettre en œuvre et obtenir le succès de la politique éducative initiée par le Gouvernement.

En effet, l’objectif du Gouvernement est de conduire une politique ambitieuse favorisant la réussite de tous les élèves. Il y parviendra aussi avec l’aide des associations. Voilà pourquoi, entre 2008 et 2009, Xavier Darcos s’est engagé sur une augmentation de 50 % des crédits d’intervention en direction des acteurs du monde associatif. Ce financement s’élèvera en 2009 à 114 millions d’euros, contre 75 millions d’euros en 2008.

Les représentants des principales associations éducatives ont été reçus à de nombreuses reprises au ministère de l’éducation nationale. Ils ont été invités à inscrire résolument les activités de leurs structures dans le domaine de la lutte contre l’échec scolaire et de l’aide aux élèves les plus en difficulté.

S’agissant du partenariat poursuivi avec les huit associations éducatives complémentaires de l’enseignement public, un avenant aux conventions pluriannuelles sur objectifs sera signé prochainement pour les années 2009 et 2010. Il s’agit de répondre à une exigence de transparence des crédits de l’État en se conformant à une logique nouvelle de financement du ministère.

Ainsi, afin de garantir une mise en œuvre opérationnelle du programme de travail présenté par les associations, et pour permettre une meilleure collaboration des services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale, des conventions seront conclues dans chaque académie entre les rectorats et les associations.

Au cours du premier trimestre de 2009, le ministère de l’éducation nationale versera aux associations une subvention correspondant à 50 % des montants prévisionnels de financement des projets. Le second versement sera effectué au cours du second semestre sur la base des bilans des actions certifiés par les recteurs.

Enfin, s’agissant des mises à disposition accordées aux structures associatives, un nouveau cadre législatif et réglementaire interdit désormais aux associations de bénéficier de l’exonération du remboursement des salaires afférents. C’est notamment pour cette raison que, en parfaite liaison avec les associations, les personnels concernés verront leur statut évoluer vers celui du détachement à compter de la prochaine rentrée scolaire.

La priorité du Gouvernement, partagée avec les associations, est de réduire l’échec scolaire et de soutenir les élèves en difficulté, en particulier grâce à l’accompagnement éducatif, l’aide à la scolarité ou le développement des activités culturelles et artistiques.

Les associations désireuses de s’investir dans ce domaine prioritaire trouveront toujours le soutien de l’État pour le développement de leurs projets.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse précise et complète tant sur les orientations du Gouvernement que sur les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions.

Ma question était inspirée par une activité extrêmement intense qui est menée dans un département où les actions sportives et culturelles ont, depuis des décennies, produit les meilleurs résultats au niveau scolaire.

En tant qu’élu local, je suis extrêmement attaché à la pérennité de ces actions, qui sont d’ailleurs soutenues par les collectivités locales. Celles-ci ne pourraient pas, pour des raisons aussi bien de principe que de moyens, prendre en charge ces activités extrêmement variées et très importantes pour la jeunesse.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Organisation du travail parlementaire

Loi pénitentiaire

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pénitentiaire, déclaré d’urgence (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports nos 143, 201 et 222).

Organisation du travail parlementaire

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Discussion générale

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le projet de loi que nous allons examiner donne lieu à la première application de la nouvelle rédaction de l’article 42 de la Constitution, entrée en vigueur le 1er mars 2009.

La discussion du projet de loi portera donc sur le texte de la commission des lois, qui a été mis en ligne, imprimé et distribué sous le numéro 202. Comme vous pouvez le voir, afin de distinguer le texte adopté par la commission du texte du projet, nous avons provisoirement choisi de faire figurer un bandeau distinctif sur le document imprimé.

Comme nous en avons discuté en conférence des présidents avec M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, la commission des lois, avec mon accord, a tout fait pour être en capacité d’appliquer les nouvelles règles de la Constitution à compter du 1er mars 2009.

Nous nous sommes ainsi conformés à la décision du constituant, qui a prévu la date du 1er mars pour l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions et, pour être prête à temps, la commission des lois a fait œuvre d’anticipation dans le respect des droits du Gouvernement, qui a pu exprimer son point de vue dans le cadre de l’élaboration du rapport.

Ce matin même, Mme le garde des sceaux, que je salue, a souhaité être entendue par la commission pour défendre les amendements du Gouvernement et être en mesure ainsi de donner la position de celui-ci.

À l’issue de cette réunion, la commission des lois a confirmé par un nouveau vote le texte.

Vous le savez tous, la délibération sur la base des conclusions de la commission n’est pas la seule innovation qui soit entrée en vigueur depuis dimanche dernier.

Il faut y ajouter le partage de l’ordre du jour, le remplacement de l’urgence par la procédure accélérée, avec la possibilité de s’y opposer, le respect d’un délai d’examen de six semaines devant la première assemblée saisie et de quatre semaines devant la seconde assemblée saisie, les déclarations thématiques du Gouvernement suivies, le cas échéant, d’un vote, ainsi que la reconnaissance de droits spécifiques aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires.

Pour tous ces sujets, comme vous pouvez le constater, nous essayons d’innover et de régler les difficultés au fur et à mesure qu’elles se présentent et se présenteront, et je suis sûr que cette expérimentation de règles nouvelles enrichira notre réflexion lors de la modification de notre règlement, pour laquelle un groupe de travail pluraliste travaille et continuera à travailler et où chacun peut faire entendre ses préoccupations.

Ce groupe de travail, je le rappelle, mes chers collègues, a déjà adopté une série d’orientations qui devraient contribuer à l’amélioration de nos méthodes de travail, mais, avant même l’adoption définitive du projet de loi organique par les deux assemblées, et au vu de l’application expérimentale à laquelle nous procédons, nous serons amenés à réfléchir sur les conséquences réglementaires du nouveau dispositif constitutionnel.

Comme vous pouvez le constater, le Parlement traverse une phase importante de l’évolution de ses méthodes de travail et, par-delà les textes, nous devons, ensemble et avant tout, trouver les meilleures pratiques possibles pour permettre l’expression de tous et rénover nos procédures.

Ainsi, nous serons pleinement présents au rendez-vous de la modernisation des institutions telle qu’elle a été voulue par le constituant.

Tels sont les points que je souhaitais rappeler alors que nous entrons dans la phase de mise en œuvre de la réforme de nos méthodes, sachant que notre nouveau règlement ne verra – au mieux, si j’en juge par notre agenda et les projections qu’il permet de faire – sa pleine application qu’à la mi-mai.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, alors que nous nous apprêtons, en effet, à expérimenter la nouvelle procédure avec le projet de loi pénitentiaire, nous avons appris jeudi que le Gouvernement avait déclaré l’urgence sur ce texte, ce qui nous paraît, nous l’avons dit, injustifié. Mon groupe a donc demandé, et le groupe socialiste a, me semble-t-il, fait de même, que vous preniez position sur cette déclaration d’urgence, comme la nouvelle procédure vous y autorise.

Cette démarche est d’autant plus fondée que nous venons d’apprendre par la presse que le président Accoyer aurait apparemment refusé après la conférence des présidents qui s’est tenue ce matin à l’Assemblée nationale l’urgence déclarée par le Gouvernement.

Il me semble donc que nous ne pouvons pas commencer à débattre de ce projet de loi sans savoir quelle sera la position qu’adoptera le Sénat puisque, si les deux assemblées refusent l’urgence, celle-ci ne pourra être maintenue. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, en écho à votre intervention relative à l’organisation du travail parlementaire, je souhaite d’abord rappeler que, en effet, la commission des lois, qui est la commission concernée par le texte que nous examinons aujourd'hui, a auditionné Mme la ministre ce matin même, alors que la matinée du mardi est désormais, nous en sommes convenus ensemble, dévolue aux réunions des groupes, qu’avait lieu une séance de questions orales et que se tenait à quatorze heures une réunion de ladite commission, avant la reprise à quinze heures de la séance…

J’entends bien, monsieur le président, que le chemin sera long pour parvenir à une bonne application de nos nouvelles règles de fonctionnement, mais j’estime qu’une telle organisation ne peut pas permettre un travail de qualité, travail de qualité pourtant réellement nécessaire, notamment sur ce texte.

Je souhaite par ailleurs revenir sur la déclaration d’urgence.

Cela fait plus de dix ans que les acteurs du monde carcéral sont dans l’attente d’une loi pénitentiaire ambitieuse, à même de répondre à la situation dramatique des prisons françaises.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est bien pourquoi il y a urgence !

M. Jean-Pierre Bel. Le projet de loi pénitentiaire a été déposé sur le bureau du Sénat le 28 juillet 2008 et, nous en sommes tous d’accord, il a fait l’objet d’un important travail de préparation parlementaire.

Pourtant, le Gouvernement a, très tardivement puisque cela ne date que de quelques jours à peine, déclaré l’urgence sur ce texte.

Cette déclaration d’urgence regrettable est regrettée par tous les acteurs qui suivent le sujet, comme en témoignent les états généraux de la condition pénitentiaire, qui rassemblent un grand nombre d’associations et de syndicats.

Elle nuira sans aucun doute au caractère serein et constructif de nos discussions et privera le Parlement d’une deuxième lecture pourtant certainement nécessaire et aussi de ce qui aurait dû être, pour citer Mme la ministre, le « grand rendez-vous de la France avec ses prisons ».

C’est d’autant plus regrettable que les raisons de cette déclaration d’urgence ne sont pas claires, ce qui semble être également l’opinion du président Accoyer, qui, comme on vient de le dire, s’est lui aussi ému de la situation. Pourquoi tout d’un coup vouloir légiférer à la va vite ? J’espère que nous aurons une explication !

Cette déclaration d’urgence constitue en tout cas un bien mauvais démarrage pour la mise en œuvre des nouvelles procédures censées revaloriser le travail du Parlement, conformément à une volonté que je crois partagée, bien au-delà des rangs de mon groupe et des groupes dits d’opposition.

Ce projet de loi est le premier que le Sénat examine dans le cadre de la révision constitutionnelle. En déclarant l’urgence avant que ne s’applique la nouvelle « procédure accélérée », le Gouvernement montre le sens dans lequel il compte appliquer ces nouvelles dispositions : il décide et le Parlement enregistre ! C’est en tout cas ce que j’en ai conclu.

En conséquence, monsieur le président, et en vertu des nouvelles dispositions de l’article 45 de la Constitution, applicables, vous l’avez dit, depuis le 1er mars, je vous ai demandé hier la réunion immédiate de la conférence des présidents afin d’obtenir le retrait de la procédure d’urgence sur ce texte.

Si le président de l’Assemblée nationale le demande, le président du Sénat, qui s’est bien souvent signalé dans le sens de la défense du respect des libertés, ne peut pas faire moins ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, le Sénat est un lieu où il y a de la mémoire.

En 2000, la commission d’enquête parlementaire présidée par notre collègue Jean-Jacques Hyest et celle de l’Assemblée nationale, que je présidais, avaient, voilà donc bientôt dix ans, attiré l’attention du Gouvernement de l’époque et des pouvoirs publics sur la situation dans les prisons.

Les lois répressives de ces dernières années ont encore accru la surpopulation carcérale – 136 % d’occupation dans les maisons d’arrêt ! –, aggravé les conditions de travail, rendues de plus en plus dures pour les surveillants, et provoqué la désespérance des personnes détenues, en n’épargnant en rien, hélas ! les victimes.

Au moment où s’engage la discussion sur un projet de loi pénitentiaire qui peut être amélioré par les amendements de la commission des lois et par ceux des groupes parlementaires, il serait nécessaire que le Gouvernement prenne toutes les mesures pour mettre fin sans plus attendre à ce qui fait, après les mises en demeure de notre pays par les instances européennes, une véritable « humiliation » – pour reprendre le titre d’une commission d’enquête sénatoriale – pour le Gouvernement, pour le Parlement et pour la magistrature.

Nous ne pouvons accepter plus longtemps que, selon la formule employée en 1987 par le procureur général près la Cour de cassation, Pierre Arpaillange, les magistrats en soient réduits, face à l’arsenal législatif et réglementaire qui les encadre, à jouer le rôle de « bouffons de la République ». Il est grand temps de leur donner la faculté et les moyens de rendre une justice sereine et respectueuse de la dignité des hommes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Il s’agit d’une procédure d’urgence demandée le 20 février dernier, sous l’empire de l’ancienne procédure.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Je signale tout d’abord que l’urgence a été déclarée avant le 1er mars 2009, soit avant la mise en application de la nouvelle procédure.

Par ailleurs, ce projet de loi est attendu depuis très longtemps. Vous l’avez rappelé, monsieur Mermaz, en faisant référence aux travaux relatifs à la nécessaire modernisation du système pénitentiaire, qui ont été conduits sous la direction du président Hyest.

Je rappelle aussi tous les travaux qui ont été réalisés par Marylise Lebranchu ou par Élisabeth Guigou et qui devaient aboutir à un projet de loi pénitentiaire. Malheureusement pour l’actuelle opposition, les élections sont passées par là… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) L’échéance électorale a en effet empêché l’adoption de ce projet de loi pénitentiaire. J’en ai discuté avec Mme Lebranchu et avec Mme Guigou.

Il y a donc effectivement urgence, au regard des conditions de détention, mais également de l’administration pénitentiaire.

Le projet de loi a été examiné en commission au mois de décembre et un travail approfondi a été effectué à ce sujet. Même si nous n’escamoterons pas le débat, je considère qu’il est urgent que ce texte soit débattu et adopté assez rapidement pour que les acteurs évoqués, notamment les magistrats, mais également l’administration pénitentiaire, disposent d’outils adaptés et modernes afin que nos prisons soient à l’honneur de la France.

Il faut notamment lutter contre la surpopulation carcérale par les aménagements de peine et accorder beaucoup plus de droits aux détenus. C’est ce que consacre ce projet de loi, qui a été profondément enrichi par la commission des lois. Je rends d’ailleurs hommage au travail très important qui a été effectué dans ce cadre.

Voilà pourquoi l’urgence a été déclarée sur ce texte.

M. le président. Nous passons à la discussion générale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel. C’est incroyable ! Le président du Sénat n’a rien à dire ?

Discussion générale

Organisation du travail parlementaire
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Organisation du travail parlementaire

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. le président. Continuez, madame le garde des sceaux, M. Michel va se calmer. (M. Jean-Pierre Michel quitte l’hémicycle.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. …pose les fondations d’une nouvelle vision de la prison, une vision apaisée du monde pénitentiaire.

La prison n’est pas un sujet populaire. Pour l’opinion publique, elle inquiète, elle indigne, elle véhicule de nombreuses images souvent caricaturées. Les discours sont, en règle générale, très tranchés entre les partisans de la liberté et ceux qui revendiquent davantage de fermeté.

Le projet de loi vous invite à dépasser les dogmes et les clivages. II vous est proposé de bâtir une prison dans laquelle l’enfermement ne s’oppose plus au respect de la dignité humaine. Il vous est proposé de construire une prison conforme à notre idéal républicain. Parce que nous voulons une démocratie irréprochable, nos prisons doivent être irréprochables.

Le projet de loi porte en lui une vision humanisée de la prison. En effet, la philosophie pénale qui a inspiré notre système pénitentiaire date du XVIIIe siècle. Elle est centrée sur la théorie avancée par Cesare Beccaria dans « Des délits et des peines », et non sur la personne du condamné : la prison est conçue essentiellement comme le lieu où s’exécute une peine privative de liberté et n’a d’autre finalité que d’exclure le condamné du reste de la société.

Le projet de loi met un terme à cette conception dépassée de la prison. II vous est proposé de concevoir l’incarcération à partir de la personnalité du détenu, et non uniquement à partir de la peine. Ainsi, il prévoit de différencier les régimes de détention et de mettre en œuvre des droits individuels, issus notamment des règles pénitentiaires européennes. II vise à favoriser les activités de formation et de réinsertion. C’est une nouvelle conception de la prison et de sa finalité : la prison devient humaine et tournée vers l’avenir.

Cette humanité n’exclut pas la fermeté à l’encontre de ceux qui ne respectent pas les lois de notre République.

Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j’ai souhaité que la lutte contre l’insécurité et la récidive soit au cœur de mon action pour la justice.

Les Français réclamaient davantage de sécurité. Avec le soutien du Sénat, le Gouvernement a mis en œuvre une politique de fermeté à l’égard des délinquants. La sécurité est effectivement le premier des droits de nos concitoyens.

Pour lutter contre la récidive, le Parlement a adopté la loi du 10 août 2007, qui a déjà été appliquée à plus de 20 000 reprises. Pour lutter contre les criminels les plus dangereux, il a adopté la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté, qui concerne aujourd’hui 114 condamnés.

Dans les prochains mois, le Parlement sera saisi du projet de code pénal des mineurs. Il était urgent de réformer l’ordonnance de 1945 et d’adapter notre droit aux évolutions de la délinquance des plus jeunes.

Cette politique pénale de fermeté était attendue par nos compatriotes. Elle a déjà montré son efficacité par le recul de 2 % de la délinquance générale.

Le Gouvernement a souhaité que cette politique pénale s’accompagne d’une politique pénitentiaire juste et exemplaire.

Comme vous le savez, les prisons françaises n’ont pas toujours été à l’honneur de la France. Je le dis en toute clarté : tout n’est pas parfait en prison. Et ce n’est pas manquer de respect aux personnels de l’administration pénitentiaire que de l’affirmer. Je mesure aussi leur engagement pour améliorer au quotidien les conditions de détention. Chacun sait que leur mission est difficile. La double évasion survenue à Moulins le 15 février dernier a d’ailleurs, une nouvelle fois, montré les risques liés au métier de surveillant. Je veux, devant votre assemblée, rendre hommage à l’ensemble des personnes qui interviennent en détention.

Leur engagement est exemplaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il ne doit pas masquer la réalité de notre situation pénitentiaire : une forte surpopulation carcérale, des établissements vétustes, des actes de violence commis en détention.

Devant l’urgence de cette situation, le Gouvernement a mis en œuvre, dès le mois de mai 2007, une politique dynamique en faveur des prisons. Elle s’appuie sur cinq axes majeurs.

Pour renforcer l’état de droit en prison, nous avons instauré un contrôle indépendant de la détention. Tout le monde le réclamait depuis dix ans et le président Hyest avait d’ailleurs fait d’excellentes propositions à ce sujet. Le Gouvernement a souhaité agir rapidement en faisant adopter la loi du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté. J’ai souhaité créer un contrôleur aux compétences plus larges que celles qui avaient été initialement prévues, pour tous les lieux de privation de liberté. Enfin, nous avons voulu une mise en place rapide de cette autorité indépendante.

Pour lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, nous avons construit de nouvelles places de prison. Tous nos engagements ont été tenus en la matière : nous avons ouvert 2 800 places en 2008 et nous en ouvrirons 5 130 en 2009. Il s’agit d’aboutir à 63 000 places en 2012.

Pour lutter contre la récidive, nous avons développé les aménagements de peine. Depuis le mois de mai 2007, les résultats obtenus sont très encourageants, puisque ces aménagements ont progressé de 34 %.

Nous veillons aussi à ce que les détenus soient mieux suivis : aujourd’hui, 3 800 personnels d’insertion et de probation travaillent à améliorer leur réinsertion.

Dans le même temps, nous avons développé le recours au bracelet électronique. Actuellement, 3 730 condamnés sont placés sous surveillance électronique, soit une progression de 40 % en un an. À la fin de l’année 2009, 5 000 bracelets électroniques seront disponibles.

Pour améliorer la prévention du suicide en détention, j’ai demandé à un groupe d’experts, au mois de novembre dernier, de dresser un bilan des actions déjà engagées et de proposer des mesures concrètes. Ces mesures sont en cours d’examen et donneront lieu à un nouveau plan d’action contre le suicide, en collaboration avec le ministère de la santé.

Enfin, pour que l’administration pénitentiaire exerce pleinement ses missions, le Gouvernement lui a accordé de nouveaux moyens. En 2009, le budget de cette direction progresse de 4,1 % et 1 264 postes sont créés.

Cet effort budgétaire s’accompagne d’une revalorisation du statut des personnels. C’est la juste reconnaissance de leur travail.

Comme vous pouvez le voir, le Gouvernement n’est pas resté inactif pour améliorer les conditions de détention.

II faut maintenant engager une action sur le long terme et c’est l’objet du texte qui vous est soumis aujourd’hui.

La dernière loi pénitentiaire remonte à 1987. Durant la campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a souhaité que notre pays se dote d’une loi fondatrice pour les prisons. C’est la mission qui m’a été confiée.

Le projet de loi pénitentiaire a été élaboré dans un esprit de concertation. Un comité d’orientation restreint a été mis en place dès le 11 juillet 2007. Les organisations syndicales pénitentiaires et les associations professionnelles ont été associées à ses travaux. Le projet de loi a également été examiné par la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Le texte dont vous débattez aujourd’hui a largement évolué depuis son adoption en conseil des ministres.

Pour la première fois, nous discutons sur la base du projet de loi gouvernemental amendé par votre commission des lois.

Je salue, à cette occasion, le travail de fond qui a été accompli par le rapporteur Jean-René Lecerf. Cette procédure a contribué à enrichir le débat parlementaire. Je me réjouis également de la richesse des échanges entre le Gouvernement et la commission des lois, qui a permis d’aboutir à un accord sur l’essentiel du texte. En effet, la commission des lois a adopté plus d’une centaine d’amendements, dont l’immense majorité a été acceptée par le Gouvernement.

Dans le cadre de cette nouvelle pratique parlementaire, il m’appartient de vous présenter les grandes ambitions du projet gouvernemental et de vous rappeler les points auxquels le Gouvernement est particulièrement attaché.

La loi pénitentiaire n’a pas pour finalité de désengorger les prisons. Elle est conçue pour mieux prendre en charge les détenus, pour mieux préparer la réinsertion et pour prévenir la récidive. Elle répond à l’intérêt tout entier de la société et repose sur cinq objectifs complémentaires et essentiels pour une véritable modernisation de l’institution pénitentiaire.

Le premier objectif consiste à clarifier les missions du service public pénitentiaire.

La réinsertion des détenus et la lutte contre la récidive deviennent deux missions prioritaires pour l’administration pénitentiaire.

Le projet de loi précise que la mission de réinsertion s’effectue en liaison avec les autres services de l’État. Nous savons tous que l’intervention des services de la santé, de l’éducation nationale et des collectivités territoriales est fondamentale. Votre rapporteur a également souligné l’action positive des délégués du Médiateur auprès des détenus.

Le deuxième objectif est une meilleure reconnaissance des personnels.

Les conditions d’exercice des personnels ont profondément évolué au cours des dernières années. Leur métier est difficile et leur dévouement exemplaire. Pour renforcer leur autorité et définir leur champ d’action, le texte de loi prévoit l’élaboration d’un code de déontologie, une prestation de serment et la création d’une réserve pénitentiaire. Cette dernière s’adresse à des personnels volontaires retraités de l’administration pénitentiaire et dispose désormais d’une assise juridique.

Par leur expérience et leur savoir-faire, ces agents contribuent au renforcement de la sécurité des palais de justice.

Le troisième objectif consiste à garantir les droits des détenus.

Le projet de loi pose un principe simple : l’état de droit ne s’arrête pas aux portes des prisons.

L’exercice des droits ne peut être restreint que dans la seule limite imposée par la sécurité ou le maintien de l’ordre au sein des établissements pénitentiaires.

Les droits dont l’exercice en détention exige de déroger aux règles législatives de droit commun sont énumérés dans notre texte : la domiciliation à l’établissement pénitentiaire, le maintien des liens familiaux, le droit au travail ou le droit à l’insertion, par l’enseignement et la formation. Ce sont des droits fondamentaux qui seront mis en œuvre et qui ont toute leur place dans un texte de niveau législatif.

Ce principe de portée générale sera décliné, s’agissant des autres droits, dans un décret.

Le quatrième objectif est une clarification des régimes de détention.

Le principe constitutionnel de l’individualisation de la peine existe. Le projet de loi pose le principe législatif de l’individualisation de l’exécution de la peine.

Il s’agit d’individualiser les régimes de détention et de mieux encadrer les pouvoirs de l’administration pénitentiaire en matière de discipline et de fouille.

L’individualisation des régimes de détention se fera en fonction de la personnalité du détenu, de sa dangerosité et de ses efforts de réinsertion. Un bilan de personnalité sera réalisé lors du passage de la personne nouvellement écrouée dans le quartier arrivant. L’inscription dans la loi de cette pratique permet de garantir l’individualisation de la prise en charge de la personne détenue.

Le cinquième objectif consiste à prévenir la récidive avec les aménagements de peines.

C’est l’enjeu essentiel de ce texte. La prison est une sanction nécessaire, mais elle doit être utilisée comme ultime recours. Une peine d’emprisonnement doit pouvoir être exécutée en dehors de la prison.

Le projet de loi pénitentiaire offre de nouvelles perspectives. Le nombre de condamnés qui pourront prétendre à un aménagement de peines sera élargi ; le placement sous bracelet électronique pour les détenus en fin de peine sera prévu ; la procédure sera simplifiée pour la rendre plus efficace.

Le projet de loi pénitentiaire comporte également un dispositif destiné à limiter le recours à la détention provisoire grâce à l’assignation à résidence avec placement sous surveillance électronique pour les prévenus.

De nombreux amendements ont été adoptés en commission ou déposés par les groupes. Certains améliorent considérablement le texte d’origine. Je pense en particulier à l’instauration d’une obligation d’activité pour les détenus ou la prise en compte de la confidentialité de leurs documents personnels pour leur propre sécurité.