M. Bernard Kouchner, ministre. ...précisément, comme je le disais tout à l'heure, en réorganisant différemment notre présence dans le monde. Il ne faut pas se leurrer : le ministère des affaires étrangères et européennes, comme l'ensemble des administrations de l'État, sera soumis au cours des prochaines années à la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire titulaire sur deux partant à la retraite. Il faut donc anticiper sur cette évolution, organiser les redéploiements indispensables, et concevoir cette nouvelle cartographie souple et modulaire de notre réseau, que j'appelle de mes voeux.

Plusieurs d'entre vous ont mentionné le contrat de modernisation qui a été signé en 2006 entre le Quai d'Orsay et Bercy et évoqué le bilan qui peut en être dressé. Ce contrat, qui garantit sur trois ans les moyens de fonctionnement du ministère et qui organise l'évolution des effectifs, s'achèvera à la fin de l'année 2008. II a certainement contribué à donner plus de souplesse de gestion à nos services tout en organisant un retour des gains de productivité grâce aux restructurations qui ont été mises en oeuvre. Je pense notamment à l'amélioration des primes pour nos personnels servant à l'administration centrale.

La lettre de mission que j'ai reçue du Président de la République et du Premier ministre me fixe comme objectif de préparer pour l'année 2009 et pour les années suivantes un nouveau contrat de modernisation. Je souhaite lui conférer une dimension plus ambitieuse, notamment en y incorporant les évolutions indispensables de notre réseau. Je suis évidemment à la disposition de votre assemblée pour lui fournir, le moment venu, un bilan complet d'exécution du contrat de modernisation qui s'achèvera cette année.

Un mot sur les questions immobilières évoquées par MM Adrien Gouteyron et Yves Pozzo di Borgo. Vous avez raison, des progrès importants dans la gestion du très considérable parc immobilier de l'État à l'étranger doivent être accomplis, même si beaucoup a déjà été fait ces dernières années pour remettre de l'ordre. Le problème n'est pas simple, car chaque cas est différent, selon le pays, les lois qui y sont applicables.

Le regroupement de nos implantations sur des sites uniques doit être organisé partout où cela est possible, ne serait-ce que pour d'évidentes questions de sécurité, et je rejoins sur ce point totalement les observations de M. Yves Pozzo di Borgo.

J'ai déjà informé vos commissions des finances et des affaires étrangères de ma volonté de réformer en profondeur ce secteur : j'envisage en effet de confier la gestion de nos propriétés et de nos biens à l'étranger à un opérateur extérieur qui assurerait ainsi les travaux de construction, de maintenance et d'entretien de notre parc, évidemment sous le contrôle de l'État, comme cela a été fait pour la Poste et pour le ministère de la justice. En seraient chargées des personnes bien évidemment qualifiées dans le contrôle des propriétés de l'État. Les Anglais ont procédé ainsi ; un tel schéma est particulièrement adapté à la spécificité des implantations immobilières de l'État à l'étranger.

Je souhaite que l'externalisation de notre parc immobilier à laquelle je viens de faire référence puisse être mise en oeuvre dès que possible. Cependant, je voudrais vous rassurer : il ne s'agit pas de déposséder l'État de ses propriétés. Au contraire, il s'agit de rationaliser et de rendre plus productifs ces regroupements.

Je suis avec une grande attention le dossier, évoqué par M. Yves Pozzo di Borgo, du regroupement de nos services d'administration centrale, qui nous permettra de passer enfin à une organisation sur deux sites, au lieu de neuf, à Paris. Ce chantier, qui est très important pour le ministère et, surtout, pour ses agents, améliorera considérablement les conditions de travail de nos personnels, tout en permettant de réaliser d'importants gains de productivité. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'organiserai volontiers pour vous une visite du chantier de la rue de la Convention, qui n'est pas loin d'ici.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous seriez, comme je l'ai été, impressionnés. À cette occasion, nous pourrions également visiter le chantier de La Courneuve, où est en construction un vaste bâtiment destiné à abriter nos archives.

L'amélioration des conditions de travail de nos agents sera manifeste. Le regroupement sur deux sites à Paris - le quai d'Orsay et la Convention - de l'ensemble de nos bureaux devrait théoriquement intervenir à la fin de l'année 2008 ou au début de 2009.

Je réponds maintenant à M. Adrien Gouteyron au sujet de la Maison de la francophonie. Je le remercie de m'avoir alerté sur ce dossier lors de notre première rencontre ici même, en juillet dernier. Je pense que, depuis lors, nous avons fait des progrès.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Bernard Kouchner, ministre. Dans quelques jours, la mission conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires étrangères, appuyée par le Conseil général des Ponts et Chaussées, rendra ses conclusions au Gouvernement. Toutes les formules de localisation possibles seront passées en revue et analysées, y compris celle de l'avenue de Ségur, chacune avec ses avantages et ses inconvénients.

Au vu de ce rapport, le Premier Ministre arrêtera ses décisions, je l'espère, d'ici à la fin de l'année. Bien sûr, l'engagement pris par la France de rendre possible ce projet de Maison de la francophonie sera tenu ; je l'ai redit au Président Adbou Diouf, que j'ai reçu mercredi dernier.

J'en viens au troisième point : nos contributions aux organisations internationales. MM. Adrien Gouteyron, Yves Pozzo di Borgo, André Rouvière et d'autres se sont exprimés sur ce dossier.

Au cours de ces dernières années, un écart préoccupant a été constaté entre, d'une part, les crédits inscrits au budget pour que la France soit en mesure de payer ses quotes-parts aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et, d'autre part, les besoins réels de financement. Cette situation n'est pas tenable. La Haute Assemblée s'en est à juste titre inquiétée.

Je me suis personnellement mobilisé cet été lors de la préparation du budget pour 2008 afin que cette situation soit corrigée. Une première décision a été prise : 40 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à ces contributions.

Mais - plusieurs d'entre vous l'ont souligné - se pose dès maintenant la question du financement en 2008 de l'opération de maintien de la paix au Darfour. Je tiens à le redire avec force devant votre assemblée : le déploiement de la force hybride au Darfour - je vous indiquerai tout à l'heure où en est cette opération, mais il n'y a pas de quoi se vanter - et celui de la force européenne dans l'est du Tchad et en République centrafricaine constituent tous deux un impératif pour tenter de stabiliser enfin cette région, prévenir de nouveaux afflux de réfugiés et créer les conditions d'un accès des organisations humanitaires aux populations.

Il nous faut donc connaître avec plus de précisions le coût de cette opération, qui fait encore l'objet de discussions à New York. Une première estimation de la quote-part française à l'opération au Darfour - elle s'établirait à 110 millions d'euros environ - a été avancée. Elle doit encore faire l'objet d'une validation avec les instances de décision de l'ONU.

Le Parlement a souhaité, à juste titre, que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de la couverture financière de cette quote-part dès la loi de finances initiale. J'ai donc le plaisir de vous annoncer, ainsi que le Premier ministre m'y a autorisé, - mon collègue Éric Woerth en a déjà informé M. Jean Arthuis - que le Gouvernement amendera dans les tout prochains jours le projet de loi de finances pour 2008 en vue d'inscrire des crédits complémentaires, en sus des 40 millions d'euros d'ores et déjà prévus, pour l'opération de maintien de la paix au Darfour.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre. Je vous précise par ailleurs que le collectif budgétaire 2007, dont votre assemblée est saisie, ouvre 117 millions d'euros de crédits supplémentaires au titre de nos contributions internationales, de sorte que la France puisse être totalement à jour de ses paiements aux Nations unies et aux autres organisations internationales d'ici à la fin de cette année. Vous conviendrez que, en ce domaine, nous aurons fait ce que nous pouvions !

J'en viens maintenant - c'est mon quatrième point - aux questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France.

La Haute Assemblée porte une attention très particulière à ces questions. À cet égard, je salue le travail inlassable que fournissent les sénateurs qui représentent les Français établis hors de France.

Je ferai d'abord le point sur la question de la scolarité à l'étranger et sur l'AEFE, sujet que je sais être au coeur de vos préoccupations. M. Adrien Gouteyron a évoqué une sorte de « quadrature du cercle » ; M. David Assouline a lui parlé d'un « modèle en péril » ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur la capacité de l'AEFE à faire face à ses obligations.

Mon sentiment est que nous nous trouvons à la croisée des chemins. Nous nous le sommes dit entre nous à plusieurs reprises. Nous avons un double devoir : celui, d'une part, de garantir les conditions d'accès à l'enseignement français pour l'ensemble des familles françaises qui résident temporairement ou durablement à l'étranger ; celui, d'autre part, et je le place sur le même plan, de maintenir la formidable vocation de notre réseau de lycées à l'étranger à scolariser des enfants étrangers.

J'arrive d'Éthiopie - je ne vais pas vous raconter ma vie, car je n'en ai pas le temps, mais c'est dommage !  (Sourires) -, où l'on demande un nombre considérable de Français. Nous négligeons ce pays, qui est pourtant l'un des cinq pays majeurs que compte l'Afrique. L'Éthiopie nous demande en permanence des enseignants. Elle souhaite une école normale pour former des Éthiopiens à l'enseignement du Français. Nous sommes incapables de le faire ! Nous essayons, peut-être y arriverons-nous ?

M. Dominique Braye. Il faut aller en Éthiopie !

M. Bernard Kouchner, ministre. L'Éthiopie n'est qu'un exemple. Il faut absolument que nous prenions en compte les enfants étrangers qui souhaitent être scolarisés en Français.

Mon sentiment, je vous l'ai dit, est que nous sommes à la croisée des chemins. Le risque existe effectivement, face à la saturation de notre dispositif, que nous soyons de moins en moins capables d'honorer cette double mission.

C'est pourquoi j'ai souhaité qu'un débat de fond soit engagé sur l'avenir de notre enseignement français à l'étranger, les modalités de son organisation et les conditions de son financement. J'ai décidé de mettre en place, si possible d'ici à la fin de l'année, un comité de réflexion qui pilotera cet exercice - les états généraux mentionnés par Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Robert Hue - duquel devra sortir un plan stratégique pour l'enseignement du français à l'étranger. Je le soumettrai ensuite au Premier Ministre et au Président de la République, comme cela m'a d'ailleurs été demandé dans la lettre de mission que j'ai reçue de leur part. Votre assemblée sera évidemment conviée à participer à la réflexion de ce comité.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la mise en oeuvre en 2008 de l'engagement pris par le Président de la République d'assurer la prise en charge de la scolarité des élèves français dans nos lycées à l'étranger. Nous commençons dès cette année scolaire, comme vous l'avez rappelé, monsieur Robert del Picchia, par la prise en charge du coût de la scolarité des élèves de terminale. Vos arguments étaient justes : on ne peut pas tout faire d'un coup, il fallait commencer par là. L'objectif est bien entendu d'assurer, l'année prochaine, la gratuité de la scolarité pour la classe de première, puis, l'année d'après, pour la seconde.

Ce n'est un secret pour personne - ma franchise m'oblige à vous le rappeler - que ce n'était pas la manière que j'avais préconisée. Je peux me tromper d'ailleurs. Il me semblait en effet que des bourses auraient été mieux adaptées. Nous verrons bien. On peut y réfléchir. En tout cas, un geste significatif a été fait et il a évidemment été très bien accueilli par les parents d'élèves.

Par ailleurs, il est légitime, vous en conviendrez, de se poser la question d'une limite, sinon, vous l'avez dit, le dispositif financier ne pourra plus être contrôlé. Il risquerait d'entraîner une explosion des frais de scolarité.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Bernard Kouchner, ministre. Je remercie MM. Robert del Picchia et Adrien Gouteyron de leur réflexion sur ce sujet. Il nous faudra nous adapter.

M. Dominique Braye. Bien sûr !

M. Bernard Kouchner, ministre. Ensuite, nous engageons en 2008 un réel effort de remise à niveau de nos lycées sur le plan immobilier. Les besoins sont grands : 8,5 millions d'euros supplémentaires seront prévus à ce titre. Ils constituent là encore la première tranche d'un effort indispensable, qui n'a été que trop longtemps différé. Je tiens à rassurer M. David Assouline sur ce point : l'effort que nous amorçons en 2008 devra évidemment être poursuivi dans la durée, compte tenu de l'ampleur des besoins de nos établissements, y compris en termes de sécurité.

M. Robert del Picchia. Effectivement !

M. Bernard Kouchner, ministre. J'en viens à un autre point évoqué par plusieurs des intervenants, celui de notre politique des visas.

Le budget 2008 traduit, comme vous l'avez noté, les conséquences de la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, c'est-à-dire le transfert vers ce ministère des moyens jusque-là inscrits au budget des affaires étrangères au titre de l'asile et du service des visas à Paris et à Nantes.

Je pense qu'il est essentiel que le ministère des affaires étrangères et européennes conserve une responsabilité importante en matière de politique des visas. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit). Je le souhaite. J'ai fait passer cette idée, car les considérations ne sont pas seulement d'ordre migratoire.

Je vous rappelle qu'une réunion s'est tenue avec l'Italie hier et que la régulation des flux migratoires a été arrêtée en commun entre le Gouvernement de gauche de M. Prodi et le gouvernement de droite de M. Fillon.

M. Yves Pozzo di Borgo. De centre droit !

M. Bernard Kouchner, ministre. On peut débattre pour savoir s'ils sont bien respectivement de gauche et droite, mais je ne vous entraînerai pas, hélas, dans ce débat ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Il devient compliqué !

M. Dominique Braye. Il y a ceux qui sont aux affaires et ceux qui ne le sont pas !

M. Bernard Kouchner, ministre. Il est compliqué, mais la politique d'immigration aussi semblait être compliquée. Finalement, elle nous est maintenant commune !

Nous avons atteint, lors des discussions sur les attributions confiées à M. Brice Hortefeux, un bon équilibre sur ce point en posant le principe d'une responsabilité conjointe sur la politique des visas. Nous nous sommes également mis d'accord entre nous sur le fait que l'organisation, le fonctionnement et les moyens de nos consulats devaient continuer de relever du Quai d'Orsay.

J'ai bien entendu les observations de M. David Assouline sur l'accueil des étudiants étrangers en France et sur les conditions de délivrance des visas à leur profit. C'est vrai qu'il nous faut dans ce domaine une politique plus ambitieuse et des conditions d'accueil meilleures.

Les campus vont être améliorés - vous avez entendu le discours du Président de la République -, mais cela prendra du temps. Il n'empêche qu'une décision majeure a été prise. Si on compare les campus des autres pays aux nôtres, il est vrai que l'accueil des étudiants étrangers se fait souvent dans des conditions épouvantables.

Il ne saurait être question de ramener cette dimension essentielle de notre attractivité à une simple approche migratoire. CampusFrance est une première réponse au défi que nous devons tous relever de faire de nouveau de notre pays une destination privilégiée pour les étudiants étrangers. De ce point de vue, vous avez raison d'insister sur la nécessité d'étendre au sein de nos ambassades les centres pour les études en France, car ils ont, je pense, significativement contribué à améliorer l'accueil des étudiants étrangers.

Je ferai maintenant quelques commentaires, avant de répondre plus précisément à certains d'entre vous, sur notre diplomatie culturelle.

Les deux rapporteurs, M. David Assouline et Mme Monique Cerisier-ben Guiga, ainsi que Mme Catherine Tasca, ont très justement souligné l'originalité de nos actions dans ce domaine, mais aussi la nécessité de clarifier nos priorités et notre organisation, tout en regrettant, une fois de plus, la modicité des moyens que nous y consacrons.

En réponse à leurs observations, je tiens tout d'abord à souligner l'importance que j'attache à notre politique culturelle, car elle constitue l'originalité de notre diplomatie autant que son indispensable accompagnement. Je suis convaincu que nous avons un intérêt fondamental, je dirais même stratégique, à maintenir une présence culturelle forte, à promouvoir dans la mondialisation notre conception de la diversité culturelle, à valoriser nos idées, nos concepts, nos savoirs. Bref, il s'agit d'accompagner nos intérêts politiques par ce que j'appelle une « diplomatie publique d'influence ».

M. David Assouline a parlé d'une « réforme inachevée » de notre réseau culturel ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga a déploré, à juste titre, l'érosion des budgets que l'État consacre à sa diplomatie culturelle. Les moyens que la France consacre à son ambition sont effectivement trop limités : de l'ordre d'une centaine de millions d'euros sont inscrits sur le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique ». Ce montant est du même ordre de grandeur que la subvention de l'État à l'Opéra de Paris ! Nous avons réussi à maintenir en 2008 les crédits au même niveau qu'en 2007 - cela n'a pas été facile -, mais c'est insuffisant.

Cela étant, je partage entièrement vos analyses : des évolutions dans notre dispositif sont indispensables. Nous y travaillons d'ailleurs selon quatre axes. Le premier est le recentrage de la direction générale de la coopération internationale et du développement vers son métier de pilotage stratégique et de tutelle des opérateurs. Le deuxième axe est la concentration accrue de nos moyens en fonction de véritables priorités géographiques - j'y reviendrai tout à l'heure. Le troisième axe est la réorganisation de notre réseau culturel afin de lui conférer plus de souplesse, en mettant fin à tous les doublons entre les centres culturels et les alliances françaises. Ce n'est pas facile, car l'Alliance française subvient pour partie elle-même à ses besoins, alors que cette pratique de l'autofinancement en est à ses balbutiements pour les centres culturels, même si les progrès sont notables. Une harmonisation est nécessaire, mais elle n'est pas simple, d'autant qu'il faut non pas réduire notre influence culturelle, mais l'augmenter. Le quatrième axe, enfin, est l'évolution vers des partenariats de tous ordres avec des institutions étrangères. Telles sont les orientations de la politique que je compte mettre en oeuvre dans ce domaine.

M. David Assouline et Mme Monique Cerisier-ben Guiga se sont exprimés sur CulturesFrance. Je pense que sa création était une nécessité, même s'il faut aujourd'hui amener cet opérateur à concentrer ses activités sur un nombre de priorités mieux définies. C'est l'objet d'un contrat d'objectifs et de moyens que nos services ont passé cette année avec CultureFrance. Il faut aussi s'interroger sur le statut de cet opérateur. À cet égard, je rejoins votre analyse sur le fait que son statut actuel de simple association loi de 1901 limite probablement ses capacités d'action.

Faut-il dès maintenant opter pour un régime d'établissement public ? À mon sens, au moment où nous réfléchissons intensément à la réorganisation de nos dispositifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il est prudent d'attendre les décisions qui seront prises d'ici à la fin du mois de mars prochain.

Cela dit, je reste a priori convaincu de l'intérêt de la proposition de loi de M. Louis Duvernois relative à la création de l'établissement public CulturesFrance, que le Sénat a déjà adoptée.

Je souhaiterais également aborder la réforme de notre politique audiovisuelle extérieure, qui a été évoquée par Mme Catherine Tasca. Certes, et cela a été souligné, les crédits correspondants relèvent non pas de la mission « Action extérieure de l'État », mais de la mission « Médias », dont vous avez débattu jeudi soir.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a présenté un rapport sur ce dossier majeur. Une telle question ne peut pas être détachée de notre action diplomatique et de ses moyens d'action, qui pâtiraient d'une absence de politique audiovisuelle extérieure de qualité.

Chaque jour, la nécessité de disposer d'outils puissants me semble plus évidente tant la bataille des idées se gagne aujourd'hui non seulement par les images de télévision, mais également par Internet et par la radio.

Année après année, la Haute Assemblée déplore à juste titre l'éparpillement de nos moyens, le manque de lisibilité de nos opérateurs et l'absence de direction stratégique.

C'est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre nous ont confié la mission, à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, et à moi-même, de présenter les éléments d'une réorganisation en profondeur. Nous avons remis nos conclusions jeudi dernier au Président de la République.

Un très intense travail de fond a été entrepris pour identifier les schémas possibles et les orientations sont aujourd'hui tracées.

Il est nécessaire de mettre en place une instance de pilotage stratégique commune à l'ensemble de nos opérateurs, télévision et radio, de trouver une complémentarité entre RFI et France 24 pour doter nos opérateurs chargés de l'information d'une masse critique suffisante, d'ouvrir notre audiovisuel extérieur aux nouveaux médias par Internet et d'en préserver le caractère francophone. (Murmures.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous le voulez bien, je vais vous expliquer de quoi il s'agit et vous verrez que de telles propositions sont opérationnelles.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. À condition que l'on nous écoute ! Le Parlement n'a pas été consulté sur le sujet et nous avons appris l'existence du document que vous mentionnez par voie de presse !

M. Bernard Kouchner, ministre. Certes, monsieur le rapporteur pour avis, mais nous avons dû effectuer un travail nécessaire avant de remettre nos conclusions au Président de la République.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Et alors ? Le Parlement, cela existe également !

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais vous aurez l'occasion d'en discuter et de rencontrer les organisations syndicales et les différents acteurs concernés par ce dossier.

Vous savez très bien que nous ne déciderons pas subitement demain la création d'une nouvelle chaîne et de sa direction générale stratégique ! Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit.

D'ailleurs, permettez-moi de vous présenter le dispositif.

Je vous rassure d'emblée, aucune décision n'a été prise pour le moment.

Actuellement, il existe trois entités, en l'occurrence TV5, qui est une chaîne internationale généraliste de télévision francophone, France 24, qui est chaîne de télévision d'informations francophones en continu, et la chaîne de radio RFI, qui est un merveilleux instrument et qui a une diffusion majeure.

Nous demanderons simplement aux journalistes de RFI si l'idée de travailler également dans le secteur télévisuel les intéresserait. Et, en cas d'accord de leur part, il faudra encore les former. Vous le voyez, tout cela exigera du temps et fera l'objet de consultations et de discussions.

Quoi qu'il en soit, le projet ne contient aucun piège. Au contraire, je le crois même très positif.

M. Dominique Braye. C'est fini !

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur, laissez-moi finir avant de dire que j'ai fini ! (Sourires.)

À présent, je voudrais répondre aux observations et aux interrogations des différents orateurs qui se sont succédé.

Monsieur Yves Pozzo di Borgo, vous avez évoqué, comme d'autres intervenants, la question de l'alliance avec les États-Unis et de la position d'équilibre de la France. Je peux vous répondre avec d'autant plus de sérénité que je suis moi-même peu suspect en la matière. Vous vous trompez, monsieur le sénateur. Il n'y a pas d'alignement sur les États-Unis !

M. Yves Pozzo di Borgo. Je n'ai jamais dit ça !

M. Bernard Kouchner, ministre. Simplement, une nouvelle relation s'est établie avec les États-Unis. L'antiaméricanisme n'est pas le socle de notre diplomatie.

Et avoir rétabli une relation de confiance avec nos partenaires, nos amis et nos alliés américains nous permet justement d'exprimer nos désaccords lorsque nous en avons.

Cela se manifeste d'ailleurs de manière flagrante dans un certain nombre de domaines.

Je pense notamment à la question du réchauffement climatique, sur laquelle nous sommes aujourd'hui les seuls à pouvoir faire évoluer, même si cela reste insuffisant, la position des États-Unis.

De même, certains ont fait référence à notre action à l'égard du Liban. En l'occurrence, c'est sans l'accord de nos amis américains que nous avons développé une nouvelle politique, dont nous espérons des résultats tangibles cette semaine ou la semaine prochaine. Nous avons insisté auprès de Washington et, compte tenu des nouvelles relations de confiance que nous entretenons désormais avec eux, les États-Unis nous ont laissé oeuvrer en compagnie de l'Espagne et de l'Italie.

Nous avons constitué un groupe d'action à la disposition des Libanais, en ne choisissant pas entre les communautés libanaises. Au contraire, toutes, y compris le Hezbollah, ont été invitées à La Celles Saint-Cloud. Dans cet état d'esprit, la situation a, me semble-t-il, évolué dans le bon sens.

J'ai choisi l'exemple du Liban, mais je pourrais en mentionner nombre d'autres. Ce n'est pas parce que nous avons établi des relations de confiance avec les Américains que nous partageons toutes leurs positions.

À cet égard, j'évoquerai brièvement la récente conférence d'Annapolis, qui est presque passée inaperçue en France ou, du moins, qui n'a pas été présentée comme un succès.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyez pas plus palestiniens que les Palestiniens ou plus israéliens que les Israéliens ! Eux sont pleins d'espoir !

Nous avons pris part à cette réunion dans le cadre du Quartet, qui, comme vous le savez, se compose notamment des États-Unis, mais également de l'Union européenne. Ainsi, M. Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, et tous les ministres européens des affaires étrangères ont assisté à la réunion et ont approuvé les engagements qui y ont été pris.

De quoi s'agit-il ? Nous espérons qu'un État palestinien viable sera créé.

Certes, rien n'est garanti et je peux me tromper. Tout le monde peut être désespéré. En effet, qu'il s'agisse de la conférence de Madrid, des accords d'Oslo ou de l'initiative de Genève, nous avons déjà été à plusieurs reprises déçus par l'échec de processus auxquels nous avions initialement cru. Cela pourrait également être le cas pour Annapolis. Mais je pense que le cas de figure est différent, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, la création d'un État palestinien a été décidée lors de cette conférence.

Ensuite, et surtout, Abou Mazen et Ehud Olmert, qui se sont peut-être regroupés parce que chacun était faible face à son propre pouvoir et à son propre gouvernement, ont besoin l'un de l'autre, se sont découverts et se font désormais confiance. Et les Américains sont responsables, parce qu'ils ont organisé cette conférence et qu'ils en ont fait un succès.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le 17 décembre prochain, c'est-à-dire dans très peu de temps, c'est à Paris qu'une conférence internationale des donateurs se réunira afin d'appuyer la mise en place du processus d'Annapolis et que les projets de développement seront mis en oeuvre. Je l'espère, un État palestinien viable, que nous attendons depuis près de quarante ans, sera peut-être enfin créé à côté de l'État d'Israël.

Même si nous devons nous montrer prudents, nous ne pouvons que saluer cela.

C'est donc à Paris que se tiendra la conférence des donateurs sur le plan réalisé par Salem Fayad, le ministre palestinien des finances. Pour ma part, ayant déjà vu la première version de ce plan, je le crois positif. Puis, avec l'imprimatur de la Banque mondiale, on proposera aux donateurs que nous sommes - j'espère que, outre les nations, des fondations pourront également être donatrices - des projets parmi lesquels nous choisirons.

J'espère que cette démarche sera un succès. Mais ne soyons pas négatifs dès le début ! À cet égard, je ne comprends pas certaines réactions - ce n'est pas à vous que le reproche s'adresse, mesdames, messieurs les sénateurs - que j'ai pu entendre lors de mon retour en France. Nous serons pourtant bien contents si le processus lancé à Annapolis aboutit !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour cela, il faudrait d'abord que la colonisation cesse !

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais, madame la sénatrice, avez-vous lu la déclaration finale de la conférence ?

Effectivement, c'est cela que les Palestiniens voulaient ! Permettez-moi de vous dire que notre diplomatie, aidée par nos homologues britanniques, n'a pas été pour rien dans le résultat obtenu. Le Premier ministre israélien a annoncé que la colonisation était gelée et que le démantèlement des implantations illégales était entrepris.

M. Robert del Picchia. C'est vrai ! Il l'a dit !

M. Bernard Kouchner, ministre. C'est précisément ce que demandaient les Palestiniens. Lorsque le Premier ministre israélien a fait une telle annonce, ils l'ont applaudi et ils se sont embrassés.

M. Charles Josselin. Cela aura le même résultat que les résolutions des Nations unies !

M. Bernard Kouchner, ministre. Non, monsieur Charles Josselin ! Parfois, après la guerre, il y a la paix. C'est ce qui est en train de se passer. En tout cas, je le crois, je l'espère et je tiens à le dire. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Certes, je peux me tromper. Si c'est le cas, vous aurez eu raison...

M. Robert Hue. Mais nous ne souhaitons pas avoir raison !

M. Bernard Kouchner, ministre. ...et nous nous en lamenterons ensemble.

Quoi qu'il en soit, encore une fois, ne croyez pas que rétablir des relations normales avec les États-Unis d'Amérique signifie être d'accord sur tout. (M. Robert del Picchia applaudit.)

Cela dit, lorsque nous partageons leurs positions, nous en sommes très heureux et nous le disons.

M. Roger Romani. Et quand nous ne sommes pas d'accord avec eux, par exemple sur l'Irak, il faut également le dire !

M. Robert Hue. Absolument !

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais nous l'avons dit !

Seulement, nous souhaitons tous que les Irakiens puissent s'en sortir. Dans ces conditions, il est plus facile d'essayer d'appliquer la résolution des Nations unies du mois d'août dernier, qui donnera, je l'espère, plus d'autonomie à ces populations.

Je pense en avoir terminé, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Et la protection sociale des Français de l'étranger ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Soit ! Monsieur Jean-Pierre Cantegrit, je suis particulièrement sensible à vos propos sur l'aide sociale en faveur de nos compatriotes.

À mon sens, il est à l'honneur de notre pays de se préoccuper - nombre d'autres pays ne le font pas - de la situation de ses compatriotes expatriés et frappés par les accidents de la vie.

Sans doute pourrions-nous faire encore plus dans ce domaine, même si, je le répète, la France est probablement le pays qui fait le plus pour ses compatriotes à l'étranger. C'est une exemplarité qu'il est, me semble-t-il, de notre devoir de maintenir.

Monsieur le sénateur, je partage votre opinion : nous devons réserver la priorité à l'appui en faveur des enfants handicapés français vivant à l'étranger et dont les familles ne disposent souvent pas des ressources suffisantes pour leur éducation ou leur vie quotidienne.

Vous le savez, il s'agit pour moi d'un engagement personnel très fort. L'accès à l'école est fondamental et notre première responsabilité est de veiller à ce que ces enfants puissent être normalement scolarisés grâce au réseau de l'AEFE.

J'imagine que nombre de nos établissements scolaires à l'étranger ne sont pas encore aux normes en termes d'accès des enfants handicapés.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Comme en France !

M. Bernard Kouchner, ministre. Effectivement, monsieur le rapporteur pour avis.

C'est pourquoi je propose d'inclure un volet sur l'accueil des enfants handicapés dans le plan de développement de nos lycées à l'étranger que M. le Président de la République et M. le Premier ministre m'ont chargé de leur soumettre.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, j'ai bien pris note de votre demande concernant la Caisse des Français de l'étranger, institution à laquelle nos compatriotes expatriés sont attachés.

Vous l'avez déclaré, la subvention que vous recevrez de la part de mon ministère au titre de l'année 2008 ne permettra pas de financer l'accroissement de la part de l'État pour la troisième catégorie.

Dans ces conditions, je vous propose de nous fixer rendez-vous pour l'année 2009. Nous défendrons alors une telle mesure et j'espère que je pourrai vous satisfaire à ce moment-là.