Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2008. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Action extérieure de l'État

MM. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances ; Yves Pozzo di Borgo, en remplacement de M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères ; MM. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Georges Othily, Yves Pozzo di Borgo, Mme Catherine Tasca, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Robert Hue.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Mmes Nathalie Goulet, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert del Picchia, André Rouvière, Jean-Louis Carrère, Jean Besson.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

MM. le président, Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères ; Jean Arthuis, le président de la commission des finances.

État B

Amendement n° II-40 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission, le vice-président de la commission des affaires étrangères, Charles Josselin. - Retrait.

Amendements nos II-95 et II-96 de Mme Nathalie Goulet. - Mme Nathalie Goulet, MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait des deux amendements.

Amendement n° II-39 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Adoption par scrutin public.

Amendement n° II-38 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés.

Article additionnel avant l'article 41

Amendement n° II-41 de la commission des finances. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

Sécurité sanitaire

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Claude Biwer, en remplacement de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Marie-Thérèse Hermange, M. François Autain.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.

État B

Adoption des crédits.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Guy Fischer, Jean Boyer, Robert Tropeano, Claude Biwer.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à la Défense, chargé des anciens combattants.

État B

Amendements nos II-101 et II-102 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Rejet des deux amendements.

Amendement no II-70 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendements identiques nos II-97 de Mme Gisèle Printz et II-106 de M. Claude Biwer. - Mme Gisèle Printz, MM. Claude Biwer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Mme Bernadette Dupont. - Retrait de l'amendement no II-106 ; rejet de l'amendement no II-97.

Amendement no II-68 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no II-71 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no II-99 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no II-69 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no II-105 de M. Claude Biwer. - MM. Claude Biwer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Amendements identiques nos II-56 rectifié de Mme Esther Sittler et II-100 de M. Guy Fischer. - Mme Esther Sittler, MM. Guy Fischer, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Mme Gisèle Printz. - Retrait de l'amendement no II-56 rectifié ; rejet de l'amendement no II-100.

Adoption des crédits.

Article 41 quater. - Adoption

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Compte spécial : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois ; M. Jacques Mahéas, Mme Marie-France Beaufils.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à la Défense, chargé des anciens combattants.

État B

Amendement no II-19 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés.

État D

Adoption des crédits.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

Remboursements et dégrèvements

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances ; M. Guy Fischer.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

État B

Amendements nos II-7 à II-9 de la commission. - Mme le rapporteur spécial, MM. le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait des trois amendements.

Adoption des crédits.

Provisions

MM. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial de la commission des finances ; Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

État B

Adoption des crédits.

Régimes sociaux et de retraite

Compte spécial : Pensions

MM. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances ; Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Pierre Demerliat, Guy Fischer.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

État B

Amendement no II-104 du Gouvernement. - MM. le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Guy Fischer. - Adoption.

Amendement no II-10 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission. - Retrait.

Adoption des crédits modifiés.

Article additionnel après l'article 47 bis

Amendement no II-11 de la commission. - MM. le président de la commission, le ministre, Bernard Piras, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Pierre Demerliat, Denis Detcheverry, Guy Fischer, Mme Anne-Marie Payet, M. Dominique Leclerc. - Retrait.

État D

Adoption des crédits.

Engagements financiers de l'État

Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Compte spécial : Participations financières de l'État

MM. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Dominati, en remplacement de M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Marie-France Beaufils.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; MM. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

État B

Adoption des crédits.

État D

Amendement no II-32 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

Adoption des crédits.

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Article 51 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Action extérieure de l'Etat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Action extérieure de l'État

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat de modernisation du Quai d'Orsay, signé au moment de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances s'achèvera en 2008. En trois ans, des progrès considérables ont été accomplis en matière de gestion. À cet égard, je salue le travail des responsables et des agents du ministère des affaires étrangères.

Pour ceux qui, comme moi, sont partisans de donner une priorité forte à notre appareil diplomatique, plutôt que de mener une politique de « réduction de la voilure », c'est la voie de l'avenir : la réforme, encore la réforme, toujours la réforme !

J'ai sur cette réforme une double position.

Je souhaite, d'abord, une intégration accrue des services de l'État à l'étranger, notamment en termes de gestion, sous la responsabilité d'un ambassadeur-préfet qui serait un véritable chef administratif : sur les 780 implantations de l'État à l'étranger, seules 250 sont de la responsabilité du Quai d'Orsay.

Je veux ensuite que soit préservé un réseau diplomatique universel, conforme au rang de notre pays et à son histoire. Cela implique que, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, la France dispose de postes diplomatiques partout dans le monde, sans doute plus que l'Allemagne, moins présente historiquement que notre pays en Afrique.

L'incidence d'une « réduction de la voilure » serait minime sur le plan budgétaire, mais pourrait être lourde sur le plan diplomatique. Cela n'empêche pas de tenir compte des réalités et de revoir d'autres composantes de la présence française ou de redéployer les effectifs vers l'Asie et les pays émergents. C'est sans doute difficile, mais je rappelle que les quinze plus petites ambassades françaises dans le monde représentent près du tiers du coût de la présence diplomatique française en Allemagne et près de la moitié de notre présence en Italie. Ces chiffres sont assez significatifs.

En matière de réforme, il nous faut éviter les faux-semblants. Ainsi, je ne veux pas surestimer l'intérêt budgétaire d'implantations communes franco-allemandes. Certes, leur intérêt diplomatique peut être avéré, mais je crains qu'elles n'introduisent une complexité génératrice de difficultés compte tenu des différences culturelles qui existent entre nos deux pays.

Pour préserver un outil unique de rayonnement et d'influence, il vous faut, monsieur le ministre, maîtriser des tensions fortes sur la dépense : je veux parler des contributions internationales.

À ce titre, 580 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances, mais 800 millions d'euros sont attendus, en prenant notamment en compte l'opération de maintien de la paix au Darfour. C'est près de deux fois le coût de notre réseau diplomatique.

J'ai signalé cette sous-budgétisation et le ministre du budget nous a annoncé que le Gouvernement était prêt à augmenter la dotation. J'attendais un amendement à cette fin. Monsieur le ministre, vous nous direz ce qu'il en est.

Les dépenses liées aux contributions internationales ont vocation à être maîtrisées

Entre 2000 et 2008, le montant des contributions obligatoires de la France a crû de 56 %, Les opérations de maintien de la paix, les OMP, expliquent une large part de la hausse. Mais, hors OMP, les cotisations de la France en tant que membre des institutions internationales sont passées de 364 millions d'euros en 2000 à 441 millions d'euros en 2008, soit une augmentation de 77 millions d'euros. Ce n'est pas négligeable.

De ce point de vue, je m'inquiète de ne trouver dans les projets de loi de ratification des conventions internationales, contrairement aux engagements du ministère, aucune étude d'impact budgétaire crédible présentée au Parlement. Je rappellerai l'exemple récent de la loi du 23 novembre 2007 relative à l'accord de Cotonou sur le cadre financier pluriannuel 2008-2013 des aides de la Communauté européenne aux pays ACP - Afrique, Caraïbes et Pacifique -qui ne contenait aucune étude d'impact fiable.

Je veux évoquer maintenant les tensions fortes qui pèsent sur l'enseignement français à l'étranger, les écoles, pour lesquelles la subvention est de 291 millions d'euros, et les bourses, pour lesquelles la subvention est de 67 millions d'euros.

Le fonds de roulement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, baisse fortement et devrait atteindre 23 jours en 2008, alors que d'importants projets de rénovation immobilière sont à mener.

L'AEFE doit faire face à la « quadrature du cercle » : être à la fois un service public de l'enseignement pour les Français de l'étranger et un vecteur de rayonnement culturel, sans que ces deux missions se « cannibalisent », mais aussi investir et rénover le patrimoine immobilier, sachant que le relèvement des frais de scolarité nécessaire à l'équilibre des projets sera dorénavant partiellement à la charge de l'État.

Cette « quadrature du cercle » est illustrée par la récente décision de prendre en charge les frais de scolarité des enfants français scolarisés à l'étranger dans des lycées en gestion directe, conventionnés ou même homologués.

La prise en charge des classes de seconde, de première et de terminale par le budget de l'État représente en année pleine 47,9 millions d'euros.

Je partage l'esprit d'une mesure devant permettre aux familles résidant à l'étranger de bénéficier de droits semblables à ceux des familles résidant en France. En revanche, je souhaite éviter que cette mesure n'ait des effets inflationnistes, en écartant un double effet d'aubaine : d'une part, le désengagement des entreprises françaises du financement des études des enfants de leurs employés expatriés ; d'autre part, l'augmentation, sans aucun contrôle possible, des tarifs des établissements privés hors réseau.

La prise en charge des frais de scolarité des dix établissements français les plus coûteux, tous hors réseau, représente 5,8 millions d'euros pour 480 élèves. En conséquence, nous n'éviterons pas qu'ils soient plafonnés, tout en faisant en sorte que ce plafond tienne compte de réalités et varie selon les régions du monde. Je fais toute confiance à mes collègues représentant les Français établis hors de France pour qu'ils suivent de près cette situation et comprennent le sens de mes interrogations et de mes suggestions.

Dans un contexte de rigueur accrue pour l'administration du Quai d'Orsay, dont certains postes de dépense évoluent de façon dynamique, il n'y a pas deux solutions, il n'y en a qu'une seule, la réforme.

Elle est en cours. Ainsi, l'externalisation de la valise diplomatique permet de réaliser des économies non négligeables. Le Parlement suit les travaux de la Cour des comptes, comme le récent référé sur l'informatisation du ministère, qui pourrait donner lieu - pourquoi pas ? - à une audition devant notre commission des finances, puisque nous avons regretté en début d'année les dysfonctionnements informatiques des centres pour les études en France, les CEF.

Nous attendons également un référé sur l'opération de partenariat public-privé relative au bâtiment des archives diplomatiques de La Courneuve.

Le Parlement doit aussi être l'un des acteurs de cette réforme et la susciter en organisant le suivi des rapports de contrôle qu'il réalise, au moment du vote des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Il y a là un enjeu de crédibilité.

De ce point de vue, je tiens à évoquer de nouveau la situation de la Maison de la francophonie. Je vous donne un grand coup de chapeau, monsieur le ministre, ainsi qu'à votre collègue chargé de la coopération et de la francophonie, car vous avez été réactif sur un dossier qui méritait un examen très attentif et que M. Bockel a rouvert. Je pense que nous avons progressé. Nous attendons bien entendu les conclusions des personnes que vous avez missionnées.

Je suis persuadé que nous aboutirons à une solution nettement moins coûteuse pour les finances publiques et tout aussi flatteuse pour l'Organisation internationale de la francophonie, l'OIF,...

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. ...une solution qui préserve son prestige par la mise à sa disposition aussi vite que possible d'un immeuble bien situé. L'opération initialement engagée risquait d'être extrêmement coûteuse et de durer très longtemps.

Il faut aller plus loin dans les réformes. Dans mon récent rapport de contrôle sur les visas, j'appelle à éviter les cloisonnements administratifs et informatiques, qui ont longtemps été dommageables au fonctionnement d'un service public de l'accueil des étrangers digne de notre pays.

À cette fin, je proposerai un amendement visant à faciliter le chantier des nouveaux systèmes d'information en matière de visas, de cartes de séjour, de demandes d'asile, de naturalisations, essentiels à la modernisation voulue en ce domaine par le Président de la République, en confiant le pilotage de cette dépense informatique à un gestionnaire unique.

Nous devons, monsieur le ministre, simplifier la vie des ressortissants qui vivent à l'étranger.

Pour cela, il faut doter dignement en effectifs nos consulats. Mon rapport sur les services des visas souligne que, malgré l'externalisation nécessaire et engagée de certaines tâches, les besoins sont criants. Je me permets de vous signaler, monsieur le ministre, que j'attends avec impatience copie de l'audit de modernisation de la biométrie, qui, bien qu'il m'ait été promis, ne m'a toujours pas été transmis.

Nous pouvons gager une part limitée de ces effectifs sur la réforme inéluctable de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, réforme qui a trop longtemps tardé et en faveur de laquelle le Parlement doit adresser un signal fort. Je rappelle que 61 % des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » sont affectés à des opérateurs extérieurs. Il n'est pas possible de ne pas tenir compte de cette réalité.

L'avenir du réseau culturel à l'étranger doit aussi être éclairci, car il est peu lisible. Je me permets de faire une suggestion : pourquoi ne pas utiliser la dénomination « Alliance française », pour l'ensemble de notre réseau ? Je ne prétends pas qu'il faille aligner tout notre réseau culturel sur ce modèle, mais pourquoi ne pas utiliser cette appellation connue de tous et recourir à cette formule souple et réaliste pour associer nos partenaires étrangers ?

Monsieur le ministre, tels sont les éclairages que je souhaitais donner sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », dont je vous recommande l'adoption, sous le bénéfice des amendements que je vous soumettrai. C'est du débat que jaillit la lumière !

En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à saluer votre ouverture d'esprit et celle de vos services, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis.

M. Yves Pozzo di Borgo, en remplacement de M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'analyse précise et argumentée des crédits alloués à la mission « Action extérieure de l'État » nous ayant été exposée par notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, je m'en tiendrai au rappel de quelques éléments-clés : l'augmentation des crédits attribués à cette mission de 2007 à 2008 s'élève, en crédits de paiement, à 1,1 %, soit à peine le niveau prévu de l'inflation.

Mais notre commission n'appartient pas au courant de pensée qui professe que l'augmentation des moyens financiers et humains est la condition nécessaire et suffisante du renforcement de l'efficacité.

Je dirai d'ailleurs, à titre personnel, que, dans le contexte d'endettement extérieur, un bon ministre est celui qui exerce sa mission avec un budget en diminution. Sous la IVe République, lorsque la situation financière du pays était grave, le Président du Conseil disait à ses ministres : « Débrouillez-vous avec 5 % de crédits en moins ! »

Mme Catherine Tasca. Voilà qui est encourageant !

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, il faudrait peut-être retrouver cet état d'esprit dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Cette remarque personnelle n'engage en rien la commission.

De nombreux exemples, tant dans le domaine administratif que dans le secteur privé, démontrent que l'augmentation des moyens financiers et humains n'est pas la condition nécessaire et suffisante du renforcement de l'efficacité et que, parfois même, cette croissance conduit à l'inverse de l'effet recherché.

C'est pourquoi, et alors que le précédent secrétaire général du ministère évoque, devant la commission du Livre blanc diplomatique, un doute des services « sur leur capacité à remplir toutes leurs missions », doute qui porte également sur « l'objet même de ces missions, à l'heure des nouveaux enjeux que constituent les questions migratoires, environnementales et énergétiques », il faut s'interroger sur les voies à suivre pour adapter à la nouvelle donne mondiale notre ministère des affaires étrangères, dont nous sommes légitimement fiers, notamment du fait de sa grande qualité d'expertise et de la compétences de ses collaborateurs. Il faut donc, à l'évidence, en faire évoluer les structures, et particulièrement ses réseaux d'implantations à l'étranger, pour en renforcer les capacités et faciliter leur adaptation aux nouveaux pôles de puissance qui émergent en Amérique latine, en Afrique ou en Asie.

Je ferai juste une parenthèse pour dire que Robert Hue, André Dulait et moi-même avons établi voilà deux ans un rapport d'information sur la situation en Afrique. Nous avons constaté - cette remarque figure dans notre rapport - que les grands pays étaient maintenant le Nigeria, l'Angola et l'Afrique du Sud et qu'il serait peut-être nécessaire que notre réseau diplomatique s'adapte aux évolutions de ces pays.

Notre réseau diplomatique ne doit pas être réduit, ne serait-ce que parce qu'il a été explicitement démontré dès 2005, dans le rapport confié au préfet Raymond Le Bris sur les réseaux français à l'étranger, que la fermeture des dix ou vingt plus petites ambassades françaises produiraient des économies insignifiantes au regard du coût politique qui en découlerait pour l'image de notre pays. Il conviendrait cependant de renforcer les capacités, limitées, de ces petits postes par la création de pôles diplomatiques régionaux, qui seraient chargés de définir les priorités et de constituer des centres d'analyse et d'expertise susceptibles d'appuyer les petites ambassades.

S'agissant de notre réseau consulaire, je livre à votre réflexion l'annonce récente, faite par le Portugal, de la restructuration de son réseau consulaire en France. Le secrétaire d'État aux communautés portugaises à l'étranger, M. Antonio Braga, a déclaré à cette occasion à Paris, le 27 octobre dernier, « qu'il fallait moderniser un réseau conçu il y a plus de trente ans, en France comme ailleurs dans le monde ». Il a également indiqué qu'il s'agissait, « par une profonde réforme de notre administration publique, de fournir un meilleur service aux personnes, par le regroupement des centres consulaires et le développement de consulats virtuels sur Internet, pour permettre à nos ressortissants d'avoir accès, en ligne, à des documents de base sans avoir à se déplacer ».

En prenant conscience que l'Europe à quinze n'est plus une terre totalement étrangère, à la différence de certaines zones du Pérou, du Nigeria ou de l'Inde du Nord, nous pourrions utilement appuyer nos compatriotes dont l'expatriation requiert un soutien fort de la France.

Mais notre sujet majeur de préoccupation tient, vous le savez, au financement de nos contributions internationales obligatoires.

Si notre apport à certaines organisations majeures, appartenant à la galaxie de l'ONU, doit être compté en proportion de la qualité de leur gestion interne, parfois plus axée sur l'autofonctionnement que sur les interventions sur le terrain, nos contributions aux opérations de maintien de la paix sont, elles, soumises à une logique de crédibilité. Comment réclamer la création de nouvelles opérations si nous n'apportons pas la part qui nous incombe à celles qui sont en cours ?

Vos propres services évaluent la différence entre les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2008 pour nos contributions obligatoires et les financements effectivement requis à 70 millions d'euros : 215 millions d'euros seront disponibles alors qu'il en faudrait 285 millions, sans compter les futures opérations devant être déployées au Tchad, puis au Darfour.

Je souhaiterais, pour le Tchad, qui vient d'être à nouveau touché par des combats à sa frontière avec le Soudan, que vous nous précisiez l'état actuel des engagements humains et financiers pris par nos différents partenaires et le calendrier envisagé pour cette action « Eufor Tchad ».

À titre personnel, j'ai participé, avec M. François-Poncet, à une délégation de la commission des affaires étrangères à l'ONU, et nous avons ressenti dans l'ensemble de nos contacts, vous le savez certainement, une certaine inquiétude sur cette opération.

Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande d'adopter les crédits affectés à la mission « Action extérieure de l'État » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre, la lettre de mission que vous a adressée le Président de la République en août dernier souligne l'importance du réseau culturel français à l'étranger.

Le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » reflète-t-il cette orientation ? Certainement pas. L'annonce d'une nouvelle réorganisation inquiète donc dans un tel contexte budgétaire. Je rappelle que soixante emplois seront supprimés dans le réseau en 2008 et que les crédits d'intervention sont tous amputés dans le cadre de ce programme.

Les enjeux de la défense de la langue et de la culture française sont cruciaux dans le cadre de la mondialisation, comme le rappelle M. Hubert Védrine dans son rapport au Président de la République. Or les moyens humains et financiers de notre action culturelle extérieure sont une peau de chagrin que la réorganisation permanente et l'incertitude sur des crédits en baisse tuent à petit feu.

Vos services et les opérateurs, monsieur le ministre, trouveront-ils toujours plus de mécènes étrangers si le levier du financement public français disparaît ? S'il y a ici des ambassadeurs qui ont été en poste, ils pourront tous en témoigner : sans un minimum de leviers de financement public français, il n'y a pas de mécènes étrangers.

L'année 2008 confirme la tendance ancienne à la réduction de l'action culturelle extérieure et à l'affaiblissement de notre diplomatie d'influence. Le discours, depuis quinze ans, est perpétuellement en contradiction avec les moyens et les actes.

Je citerai quelques exemples.

Les crédits destinés à la promotion de la langue française ne représentent plus que 15 millions d'euros pour 2008, et cela pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne et des grands pays développés. On s'étonne que les Allemands, les Italiens et les Espagnols n'apprennent plus le français et qu'on ne parle plus le français à Bruxelles. Voilà la réponse.

Alors que la France attire deux fois moins d'étudiants européens que l'Allemagne et trois fois moins que le Royaume-Uni, l'enveloppe destinée au financement des bourses pour les étudiants étrangers les plus brillants ne représente que 18 millions d'euros.

Le nombre total de bourses délivrées à des étudiants étrangers est d'ailleurs en forte diminution ces dernières années : Ils étaient 18 500 en 2006, contre 20 000 en 2005 et 22 500 en 2002. Cela fait tout de même deux mille à deux mille cinq cents bourses que nous refusons à des étudiants brillants, sélectionnés par nos meilleures universités et grandes écoles.

À titre de comparaison, le budget du British Council alloué à la coopération universitaire est de 220 millions d'euros, et celui de l'Allemagne est trois fois supérieur au nôtre.

La mesure la plus spectaculaire du projet de loi de finances pour 2008 est la prise en charge, pour un montant de 20 millions d'euros, des frais de scolarité des élèves des classes de terminale des lycées français à l'étranger, à la suite de l'engagement de campagne du Président de la République.

Certes, je partage la satisfaction des familles qui bénéficient dès cette année de cette mesure. Quand on s'appelle M. Jean-Marie Messier, il est plutôt agréable de ne payer aucun frais pour ses enfants scolarisés à New York !

Nous passons d'une logique fondée sur des critères sociaux pour attribuer des bourses à tous les élèves dont les familles connaissent des difficultés financières à une logique de prise en charge intégrale des droits de scolarité pour les élèves français des seules classes de lycée, quel que soit le revenu de leurs parents.

Ce fait est accentué par la régression des crédits de bourses sur critères sociaux et aussi par la suppression brutale des bourses destinées aux élèves francophones. Lors de la dernière rentrée scolaire, plusieurs centaines de ces élèves ont dû quitter nos lycées français un peu partout dans le monde.

Mme Catherine Tasca. Il y a un double langage !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Ne sous-estimons pas les prévisibles effets pervers de cette mesure, et, tout d'abord, l'« effet d'aubaine » pour les entreprises qui prennent actuellement en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés expatriés. À leur place, je supprimerai cet avantage et je réaliserai un meilleur retour sur investissement l'année prochaine.

Ensuite, l'augmentation prévisible du nombre d'inscription d'élèves de nationalité française soulève des interrogations sur la capacité d'accueil de nos établissements, d'ores et déjà saturés, et sur le risque d'éviction des élèves étrangers.

L'avantage consenti touchera de 15 000 à 20 000 élèves sur plus de 300 000 enfants français en âge d'être scolarisés et immatriculés dans les consulats, dont 75 000 seulement sont élèves dans le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. Pour ces 300 000 enfants, le crédit pour le programme « français langue maternelle », ou FLAM, est d'environ 300 000 euros, soit un euro par enfant en moyenne, alors que 5,8 millions d'euros sont prévus pour les seuls élèves de terminale scolarisés en Amérique du Nord.

Ce qui est inquiétant, c'est qu'aucune distinction n'a été faite entre les établissements dont l'AEFE peut contrôler les tarifs et les autres. N'est-ce pas une terrible incitation à l'inflation des droits de scolarité ? La plupart de nos établissements sont des écoles privées conventionnées qui déterminent leurs tarifs comme elles l'entendent. À cet égard, l'AEFE n'a aucun moyen de pression.

Le plus grave est que ce choix réduit gravement les capacités de tous les établissements, y compris les établissements de l'État - une soixantaine -, à faire face à leurs charges salariales et immobilières, que l'AEFE transfère d'année en année sur eux.

Je rappelle que le besoin de financement, pour 2006-2012, de la politique immobilière de l'agence a été évalué, par une mission d'audit, à 240 millions d'euros, soit 48 millions d'euros par an.

La dotation de 8,5 millions d'euros pour 2008 est donc très insuffisante au regard des besoins.

Or, comme l'a rappelé M. le rapporteur spécial, l'AEFE ne pourra plus, comme par le passé, puiser dans son fonds de roulement.

Au total, pour assurer la gratuité scolaire à une toute petite minorité de familles, il faudra alourdir la participation financière de toutes les autres. En effet, l'évolution de la masse salariale et, surtout, les investissements immobiliers ne pourront être financés que par une augmentation massive, générale et très rapide, des droits de scolarité de tous.

N'aurait-il pas été préférable d'affecter la totalité des fonds additionnels aux bourses gérées par l'AEFE, qui sont attribuées sur des critères sociaux, et aux investissements immobiliers, qui, par définition, profitent à tous les élèves, de toutes les classes et de toutes les nationalités ?

Enfin, monsieur le ministre, compte tenu de la situation politique tragique du Liban et de ses conséquences sur la vie des Libanais et des Français du Liban, ne pourrait-on faire en sorte que la mission laïque ne soit pas contrainte par l'AEFE d'augmenter fortement ses droits de scolarité dans son réseau libanais ? La charge est déjà très lourde pour les familles, qui sont parfois endettées. Il ne faudrait pas qu'elle devienne insupportable.

En conclusion, en dépit de l'insuffisance des crédits consacrés à l'action culturelle extérieure, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » sont en hausse de 2,3 %.

Au vu, d'une part, de l'importance de ce programme pour l'image de la France dans le monde et, d'autre part, des critiques récurrentes émises les années précédentes sur le manque d'ambition pour ce programme, je suis prêt à m'en féliciter.

Je considère néanmoins qu'il ne faut pas céder à un optimisme béat. Disposer de crédits est, pour les ministères, une heureuse nouvelle. Mais, dans la situation budgétaire actuelle, il existe un impératif de gestion efficace de ces sommes. Or, plusieurs raisons me laissent à penser que le ministère des affaires étrangères et européennes ne fait pas aujourd'hui la meilleure utilisation de ces crédits.

D'abord, le périmètre actuel du programme de la mission n'est toujours pas satisfaisant. Les crédits de l'action culturelle en direction des pays en développement restent inscrits dans la mission « Aide publique au développement », comme si les échanges avec ces pays ne pouvaient qu'être économiques, comme si la politique culturelle en direction des pays en développement n'avait pour objectif que le gain de points de croissance.

Par ailleurs, outre le fait que ce prisme est encore trop marqué par le passé colonial de la France, il n'est pas efficace sur le plan de la visibilité des crédits culturels. Pourquoi ferait-on de la culture lorsqu'il s'agit du Koweït ou du Japon et du développement avec le Mali ou le Maroc ?

Après cette critique de forme, je développerai trois points de fond.

Premier point, le constat doit être fait que la France n'accueille que 9 % des étudiants faisant leurs études supérieures en dehors de leur pays, contre par exemple 30 % pour les États-Unis, ou 12 % pour l'Allemagne.

À cet égard, si je ne crois pas que l'indice de Shanghai doive être la référence ultime en termes de classement universitaire tant les critères retenus sont contestables et n'ont plus grand-chose à voir avec les humanités de l'université à sa fondation, je constate qu'il a néanmoins une influence sur les décisions des étudiants, notamment des meilleurs.

Je considère en conséquence que la France devrait au moins être à l'initiative de la création d'un indicateur européen, susceptible de prendre en compte les spécificités et traditions des universités européennes. Pourriez-vous me donner votre avis sur cette question, monsieur le ministre ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. C'est une bonne idée !

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Par ailleurs, il faut engager une politique ambitieuse d'attractivité selon trois axes majeurs.

Il s'agit, tout d'abord, de l'augmentation des bourses en direction des étudiants étrangers, qui sont en baisse depuis 2005, alors que, dans le même temps, le nombre d'étudiants en France a augmenté.

Il s'agit, ensuite, de la mise en place rapide de CampusFrance, agence de la mobilité universitaire réunissant Edufrance, Égide et la partie des services du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, consacrée aux étudiants étrangers. J'appelle cette mise en place de mes voeux dans chaque avis budgétaire depuis trois ans, mais elle tarde à se concrétiser.

Enfin, j'insiste sur le fait que l'attractivité des universités, qui, j'en conviens, n'est pas de votre responsabilité, passe par une politique très large qui doit inclure l'amélioration des conditions de vie des étudiants, la construction massive de logements pour les étudiants afin de pallier l'absence de campus, et pas seulement de logements dits classiques. Les chercheurs étrangers viennent souvent pour de courts séjours, dont la durée ne correspond pas aux baux locatifs français. À l'étranger, des résidences hôtelières, notamment, proposent des accueils plus adaptés aux séjours des chercheurs. Si nous ne le faisons pas, l'intérêt des étrangers pour les universités françaises, qui est pour l'instant réel, risque de se reporter sur d'autres pays.

Deuxième point, je souhaite évoquer la situation des lycées français à l'étranger. Je considère que les décisions du Président de la République y ont semé la zizanie.

À partir de 2008, les frais de scolarité des élèves français des classes de première et de terminale seront pris en charge par la collectivité nationale, donc par les impôts des personnes qui résident sur le territoire français et dont les enfants ne seront pas scolarisés dans ces lycées. C'est l'exemple même de la fausse bonne idée qui soulève plusieurs difficultés.

Tout d'abord, dans l'hypothèse où seuls les élèves des lycées sont concernés, cela veut dire que les personnes qui ont eu jusqu'ici les moyens d'intégrer leurs enfants dans le réseau français bénéficieront tout d'un coup de la gratuité. On appelle cela un effet d'aubaine, qui profitera, je le rappelle, à des personnes qui ne sont pas contribuables en France.

Par ailleurs, si davantage de familles souhaitent de ce fait inscrire leurs enfants dans les lycées français, les établissements risquent d'être rapidement confrontés à un problème de place. Vont-ils dès lors exclure des élèves étrangers qui y auraient jusqu'ici suivi leur scolarité ? Je ne suis pas persuadé que ce serait très positif pour le rayonnement de la France, qui fait aussi partie de la mission de ces lycées.

L'effet d'aubaine profitera, en outre, aux entreprises qui payaient jusqu'à présent la scolarité des enfants de leurs salariés expatriés.

Si l'on fait la gratuité, il faut bien la faire, donc dès le collège...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis. Dès le primaire !

M. David Assouline, rapporteur pour avis. ... et seulement pour les familles qui ont en réellement besoin, c'est-à-dire en se fondant sur des critères sociaux.

Troisième point, j'évoquerai le renforcement du réseau culturel français à l'étranger.

Le ministère souhaite établir la créativité culturelle et intellectuelle française comme une référence mondiale. Cet objectif, fort louable, passe notamment par la création d'une agence culturelle unique, que la commission des affaires culturelles préconise depuis plusieurs années. Or, et j'attire votre attention sur ce point, monsieur le ministre, pour l'instant, rien n'est engagé.

En attendant, le Gouvernement pourrait à tout le moins inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi de notre collègue Louis Duvernois sur la transformation de CulturesFrance, proposition adoptée par le Sénat à l'unanimité, ce qui est rare. Je réitère cette demande, car ces dispositions rendraient notre action culturelle extérieure plus cohérente.

En conclusion, en dépit des réserves émises sur le manque de cohérence du programme « Rayonnement culturel et scientifique », et malgré ma propre opposition, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Enfin, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'examen chiffré de la mission « Action extérieure de l'État », des esprits chagrins pourraient relever que la francophonie est le parent pauvre de la loi de finances, que les ressources allouées sont quasi constantes par rapport au budget précédent et qu'une relative réduction des effectifs se poursuit.

Le redéploiement du personnel ne doit se justifier que s'il s'inscrit dans un processus de rationalisation, qui, pour ma part, me semble engagé : le regroupement des services centraux de neuf à deux sites me paraît, de ce point de vue, une très bonne initiative.

Néanmoins, l'essentiel est ailleurs. L'heure est bien à une profonde transformation des interactions entre les États sur la scène internationale et à la prévalence de nouveaux enjeux, deux processus dont la France doit tenir compte afin d'accompagner ces mutations au lieu de les subir. L'examen de la mission « Action extérieure de l'État » est l'occasion de le rappeler.

L'absence d'une autorité centrale, reconnue comme telle par les États, définit notre système international comme une anarchie plus ou moins régulée, fondée depuis l'ère westphalienne sur une coexistence concurrente pacifique. L'opération « Liberté en Irak » de mars 2003 a, semble-t-il, infléchi cette conduite dans le sens d'une radicalisation de la vision de l'autre : le « rival » est désormais reconsidéré comme un « ennemi ». De même, l'existence depuis le 11 septembre 2001 d'une figure nouvelle de l'ennemi invisible et transnational qui vise à la déstabilisation d'un ordre régional nous fait entrer dans cette nouvelle ère « post-westphalienne », évoquée par certains experts.

De surcroît, la crise socio-économique de pays émergents - je pense aux émeutes de la faim en Argentine à l'automne 2001 -, les crises politiques africaines et moyennes orientales, les désastres climatiques n'invitent guère à l'optimisme.

Comment la France doit-elle se situer dans un tel système ?

L'indépendance nationale ne signifie aucunement l'isolement. Et l'on ne peut que soutenir les démarches du Président de la République qui vont en ce sens, notamment dans le cadre d'une action européenne. L'Europe doit parler d'une seule voix.

Je salue l'impulsion donnée par la France dans la rédaction d'un nouveau traité modificatif, recentré sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui sera signé ce mois-ci lors de la prochaine rencontre de Lisbonne. La création d'un Haut responsable pour la politique étrangère de l'Union, acté dans le projet du traité simplifié, permettra que les différences de vues préalables, inéluctables, ne soient plus transformées en manifestations extérieures de dissensions.

Le 17 novembre dernier, à l'issue du séminaire gouvernemental de préparation de la prochaine présidence française de l'Union, le Premier ministre a évoqué la nécessité d'associer les collectivités locales à cette présidence. Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen sera soucieux de rappeler au Gouvernement que seul l'enracinement local est apte à légitimer l'Union auprès des citoyens.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Georges Othily. Ce renoncement à l'aventure de l'utopie autonomiste pourrait prendre la voie d'un renforcement accru des liens transatlantiques. Notre groupe parlementaire se souvient que l'une de ses figures historiques, Gaston Doumergue, eut pour ministre André Tardieu, qui fut en son temps un chaud partisan d'un tel rapprochement. Encore faut-il se garder des appréciations hâtives. La ligne d'action franco-américaine peut fort bien se concevoir non comme une politique d'alignement bilatérale, mais comme un projet de multilatéralisme.

Que recouvre une telle conception ? On oppose schématiquement une ligne atlantiste portée par les pays anglo-saxons, incarnée ces dernières années par l'axe « Bush-Blair », à une ligne multilatérale marquée par le geste gaulliste.

Gare aux simplifications, car le multilatéralisme n'est plus seulement aujourd'hui une technique diplomatique. Il prend aussi les traits d'un projet politique qui vise à encourager les liens d'interdépendance entre les États.

Sous cet angle, la politique américaine est éminemment multilatérale. On rappellera que la Société des nations fut impulsée par le président Wilson ; et les États-Unis, loin de renier le multilatéralisme, savent tantôt l'utiliser comme ressource d'ajustement, là où leur intérêt les porte à associer des partenaires à leurs projets, quand ce n'est pas à assurer le leadership au sein d'instances internationales telles l'OTAN ou l'OMC, tantôt le rejeter, dès lors que les contraintes des conventions internationales entraveraient leur marge d'action.

Face à ce « multilatéralisme à la carte », pour l'Europe - pour ne pas dire pour la France -, le multilatéralisme se vit généralement, a contrario, comme une contrainte, comme un pis-aller destiné à contrer le leadership. Dès lors, ne nous trompons ni d'objectif ni de combat : si elle ne veut pas s'engouffrer dans un bilatéralisme par défaut, la France doit promouvoir des initiatives.

La question de la représentativité des instances de régulation internationale, que celle-ci soit économique, avec le G8, ou politique, avec le Conseil de sécurité des Nations unies, mérite d'être posée. Je me souviens que le candidat à l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy, dans un discours de politique internationale prononcé le 28 février 2007, avait clairement engagé le débat. Quelles que soient les solutions envisagées et les instances concernées, il faudra immanquablement en passer par l'association aux pays développés d'une représentation équilibrée des continents, des puissances émergentes et des pays les plus pauvres. Les critères et les modalités de la pondération, tels que le produit intérieur brut, le nombre d'habitants, etc., restent bien sûr à définir.

Ce « multilatéralisme bien entendu » se conçoit également au travers d'une redéfinition du champ de compétence des institutions et organisations internationales, qui doivent incarner la prise en compte par les leaders nationaux des défis apportés par le nouveau siècle, notamment les défis environnementaux. Le cadre d'ententes régionales - telle l'union euro-méditerranéenne - apparaît comme le niveau adéquat, dès lors que la politique de rapprochement est souhaitée par nous et par nos partenaires, et dans le même temps tient compte de nos fondamentaux.

Un tel redéploiement passe par la fixation d'un cadre à notre diplomatie, défini par le Président de la République et porté par vous-même, monsieur le ministre. Dans ce cadre, la représentation parlementaire doit rappeler l'importance des nouveaux enjeux et oeuvrer à réaffirmer ces fondamentaux : défendre les valeurs des droits de l'homme ; assurer un libéralisme politique et économique progressiste, orienté, si ce n'est dirigé, en faveur de l'homme ; conduire l'aggiornamento intellectuel et la pratique de la promotion de l'économie durable.

Notre groupe sera ainsi attentif à ce que la promotion de l'Europe sociale soit effectivement l'un des principaux axes de l'Union européenne. D'ores et déjà, le maintien dans le prochain cadre institutionnel des objectifs fixés en matière de relations sociales et d'amélioration des conditions des salariés nous paraît un acquis indéniable. La France devrait défendre l'idée d'un relatif élargissement des partenaires sociaux afin que le sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi soit bien représentatif de l'ensemble des secteurs et des dimensions d'activités.

La logique de défense des intérêts sociaux et économiques européens, français, n'est par ailleurs pas illégitime dès lors que le protectionnisme se fonde sur la lutte contre les méfaits liés aux conditions de travail des pays tiers et aux dégradations de l'environnement face au dumping social et qu'il promeut les valeurs de ce que l'on pourrait appeler un « corridor socio-environnemental ».

L'idée française d'introduire une taxe - telle la taxe carbone - sur les importations de marchandises industrielles en provenance de pays où les normes environnementales sont moins strictes qu'en Europe a d'ores et déjà fait l'objet de discussions formelles des ministres européens lors du Conseil « Compétitivité » des 22 et 23 novembre derniers. Est clairement mise en exergue la nécessité de redéfinir les règles dans le cadre de l'OMC. Autant d'impératifs qui, je me permets de le rappeler, figurent au nombre des propositions formulées dans le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques rendu en juin dernier, relatif aux exigences et aux enjeux du développement durable.

Ce cadre fixé à notre diplomatie met en acte la conception du « multilatéralisme bien entendu » que j'évoquais à l'instant. Ainsi, point de suivisme dans le choix éventuel d'un accroissement des forces françaises présentes en Afghanistan, à partir du moment où la contribution militaire française s'effectue dans le cadre des actions internationales de l'OTAN, mandatée par l'ONU, et que, parallèlement, la mission d'assistance politique se réalise en vue de la promotion et de la protection des droits de l'homme, comme l'énonce clairement la résolution 1746 du Conseil de sécurité.

Les discours de politique extérieure du candidat à l'élection présidentielle ne doivent pas demeurer de vains mots : il appartient à la représentation nationale de l'énoncer haut et fort, alors même que doit être fêté très prochainement l'anniversaire de la signature de la Convention européenne des droits de l'homme de 1948, parmi les rédacteurs de laquelle figure, cela mérite d'être rappelé, un Français : le grand juriste René Cassin.

Enfin, on peut sans doute déplorer que la ligne budgétaire relative à l'intervention française dans le cadre de l'opération conjointe EUFOR, qui permettra de garantir la sécurité dans l'est du Tchad, n'intervienne que dans la loi de finances rectificative. Pour autant, nous pouvons louer une initiative française qui s'inscrit pleinement dans le cadre d'action ainsi défini.

Mes chers collègues, sur la base des lignes directrices que je viens de développer devant vous, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, dans sa majorité, votera la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'action extérieure de la France est aujourd'hui à un carrefour. Au moment où nous examinons le budget de la mission correspondante - qui ne retrace qu'une partie de l'action à l'étranger, celle qui relève du ministère des affaires étrangères -, il n'est pas inutile de souligner ce qui, aux yeux de mon groupe et à mes yeux, doit constituer quelques idées fortes de notre diplomatie.

Monsieur le ministre, je serai peut-être un peu long, mais les débats sur les affaires étrangères sont peu fréquents dans notre assemblée, hormis ceux qui sont organisés avant les sommets des chefs d'État européens.

M. Bernard Kouchner, ministre. Je le regrette !

M. Yves Pozzo di Borgo. Je tiens à le faire observer également aux deux vice-présidents du Sénat qui, l'un au fauteuil de la présidence, l'autre au banc de la commission, sont aujourd'hui présents dans l'hémicycle.

La construction européenne demeure bien sûr, aux yeux de notre groupe - c'est à la base même de l'existence de ce qui fut l'UDF -, l'impératif majeur de notre politique étrangère. Le compromis obtenu par le Président de la République à Lisbonne, qui est vraiment un grand succès de la diplomatie française et même, je le crois, un succès personnel du Président Sarkozy, permettra l'adoption rapide, en quelques jours à peine, d'un traité européen simplifié.

M. Giscard d'Estaing lui-même a souligné que l'essentiel des travaux de la Convention européenne, qu'il a présidée, avait été préservé. Aussi, le projet de loi de ratification du traité devra être examiné avec bienveillance par la Haute Assemblée et mon groupe demeurera vigilant et attentif dans ce débat, qui fera avancer la cause de l'Europe.

Devant le développement des grands ensembles continentaux, nous devons veiller, mes chers collègues, à préserver ce bien précieux qu'est l'Europe. À juste titre, le Président de la République a proposé d'approfondir l'Union des vingt-sept avant qu'elle ne procède à quelque autre élargissement, même si les efforts de la Croatie doivent être regardés avec sympathie. Pour ma part, je plaide en faveur de l'intégration dans l'Union européenne des pays de l'Espace économique européen : la Norvège, la petite Islande - qui me tient particulièrement à coeur, puisque je préside le groupe interparlementaire d'amitié -, la Suisse et le Liechtenstein.

Comme mon groupe, je souhaite une Europe de la défense, dans l'esprit de la conférence de Saint-Malo qui, en 1998, avait réuni le Royaume-Uni et la France : les propositions formulées à l'époque par Tony Blair gardent toute leur valeur.

Mais je me souviens également des enseignements de mon maître en politique, Jean Lecanuet, qui fut dans notre Haute Assemblée un exemple et une exigence. L'Europe a une monnaie commune et unique. Elle n'est pas chère, elle est forte, et elle nous met à l'abri de tout retour de l'inflation : un moyen commode pour se soustraire à la dette - et nous sommes bien tentés par ce genre de chose !

Avec l'élection du Parlement européen au suffrage universel, l'euro est le garant de l'Union européenne et un passeport pour une véritable union politique.

Cette union politique se fera un jour, nous l'espérons, mais elle ne se fera qu'à la condition que nous gardions les yeux grands ouverts vers l'est, vers notre partenaire naturel, la Russie.

Dans un rapport récent sur les relations entre la Russie et l'Europe, j'avais mis l'accent sur l'indispensable partenariat stratégique qui doit se nouer entre les deux entités. J'y rappelais que jamais au cours de son histoire la Russie n'a été un État-nation : elle fut toujours un empire, et elle n'a pas encore fait le deuil de la perte de son « étranger proche ». Elle pourra donc être tentée par la constitution d'un ensemble eurasiatique, ou par un rapprochement avec l'Europe.

Il faudra naturellement l'encourager à aller dans le sens de l'Europe et oeuvrer pour cette politique dans l'Union européenne. Le nouveau Premier ministre polonais, M. Donald Tusk, peut à cet égard jouer un rôle essentiel dans le rapprochement des points de vue sur la question russe, notamment entre la nouvelle Europe et la Russie.

Face à la Russie, il est indispensable que l'Union européenne parle d'une seule voix. Pour autant, nous ne devons pas réduire ce dialogue à une simple sécurisation de notre approvisionnement énergétique : bien au contraire, il nous faut appeler la Russie, grand pays européen, à une communauté de destins avec notre continent. Ce grand pays vit mal sa rivalité avec la Chine et s'interroge sur l'immigration chinoise : ses responsables nourrissent une réelle inquiétude à l'égard de Pékin et de sa démographie. Par ailleurs, le gouvernement russe ressent comme une agression la politique des États-Unis en Ukraine, en Géorgie et en Azerbaïdjan, et s'irrite de leur présence en Asie centrale.

Il y a également l'affaire des droits de l'homme. La Russie, qui fut toujours un empire - l'empire des tsars, puis l'empire soviétique - découvre à peine cette démocratie que nous avons, nous, mis deux siècles à construire. Il est tout à fait nécessaire que les Européens rappellent et défendent les principes des droits de l'homme ; cependant, je voudrais y insister, si l'on a assurément raison de rappeler fermement que la démocratie doit exister aussi en Russie, on doit également tenir compte du fait que c'est un pays jeune, en pleine évolution, où la démocratie est encore balbutiante et fragile.

La politique atlantique doit être, du point de vue de mon groupe, le deuxième pilier de notre politique étrangère. Trop longtemps, la Ve République a mené une politique de méfiance à l'égard de nos amis américains. C'est une ingratitude incompréhensible pour eux, qui ont tant fait pour l'Europe durant les deux guerres mondiales et ont tant dépensé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour ramener la prospérité.

Le Président de la République a eu raison de réchauffer les liens qui nous unissent avec l'Amérique, notre amie et notre alliée de toujours, et il l'a fait dans des conditions équilibrées en n'oubliant pas de venir saluer le Congrès et sa majorité politique nouvelle. Cependant, ce réchauffement ne nous interdit pas de dire publiquement que nous ne pouvons plus accepter des décisions unilatérales comme celle de déployer en République tchèque et en Pologne le système de missiles antimissile sans concertation préalable avec l'Europe, sous prétexte que cette décision relève des relations bilatérales entre les intéressés. Où en est-on, monsieur le ministre ? Le fait que les Russes aient récemment suspendu leur participation au traité sur les forces conventionnelles en Europe n'était pas de bon augure, et je souhaiterais entendre votre avis là-dessus.

Mais l'Amérique est un continent qui ne se limite pas aux États-Unis : l'Amérique latine a été trop longtemps oubliée dans notre politique étrangère, et les efforts déployés par la France depuis quelques années vont dans le bon sens. Notre pays avait esquissé en 1964 une grande politique avec les pays du continent lors de deux tournées présidentielles, au printemps et à l'automne. Nos amis latino-américains attendent beaucoup de notre part. Sachons leur répondre.

Car un défi nous est lancé : le défi de la francophonie, celui de la vitalité de cette belle langue qu'est la langue française. Monsieur le ministre, je citerai un seul exemple pour illustrer mon propos. En 1989, c'était au moment de l'élection du président Aylwin, je me suis rendu au Chili avec votre ami Bernard Stasi ; la langue française était à l'époque très présente. Quand j'y suis retourné quelques années plus tard - et l'on m'a indiqué récemment que la tendance s'était confirmée -, l'anglais avait remplacé le français comme langue de culture chez les élites chiliennes. C'est bien le signe que nous devons faire des efforts, car le problème est important.

À cet égard, ne soyons pas arrogants et sachons rester pénétrés d'humilité. La langue française se parle sur le continent américain : au Canada bien sûr, en Haïti - je caricaturerais à peine en disant qu'à New York tous les chauffeurs de taxi parlent français -, en Louisiane et partout où les étudiants se nourrissent de notre culture. Elle se pratique aussi, bien sûr, sur le continent africain, où elle est préservée et souvent mieux parlée que dans notre pays. Mais la politique française en Afrique doit être réformée.

J'ai fait allusion tout à l'heure, en tant que rapporteur pour avis, au rapport qu'André Dulait, Robert Hue et moi-même avons cosigné. Il nous est apparu clairement que, si elle veut être plus efficace, la politique menée en Afrique doit rassembler, singulièrement, tous les pays qui ont eu des responsabilités sur le continent : la France, le Royaume-Uni, la République fédérale d'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Belgique.

Nous devons parvenir à une mutualisation de nos efforts, source d'économies dans nos représentations diplomatiques et consulaires. C'est peut-être d'ailleurs là, monsieur le ministre, la meilleure façon de résister à l'emprise de la Chine sur ces pays-là.

Ces efforts permettront à nos amis africains de progresser dans la démocratie et d'atteindre les portes d'un codéveloppement indispensable à leur avenir. Et je voulais dire à ce propos que la France devrait envier les taux de croissance de certains pays africains, qui sont quelquefois de 6 % ou 7 %. Donc, n'ayons pas d'arrogance à ce sujet.

Parce que « l'Afrique de grand-papa » a vécu, nos relations avec nos partenaires doivent être empreintes de sérénité et de transparence au service des peuples qui souffrent de peu recueillir le fruit de leurs efforts.

Plus près de nous, il y a le bassin méditerranéen. Au début des années soixante-dix, Georges Pompidou avait initié une politique méditerranéenne de la France. Elle avait soulevé à tort du scepticisme. La Méditerranée est une mer intérieure entre l'Afrique et l'Europe. Elle nous a marqués, elle a marqué notre civilisation. Sur son pourtour se sont forgées de grandes civilisations, la nôtre mais d'autres aussi. Le Président de la République reprend l'ouvrage, et il a raison de le faire. Les plus grands malheurs peuvent venir de cette mer intérieure si l'on n'y prend garde.

Nous souhaitons, bien sûr, que le Sénat soit associé au développement de cette politique et je souhaite aussi, à titre personnel et au nom du groupe Union centriste-UDF, que nous ayons un débat sur ce sujet.

Il y a deux jours était célébré le soixantième anniversaire du plan de partage de la Palestine. Si les hommes de paix avaient été écoutés à l'époque, le Proche-Orient et le Moyen- Orient n'auraient pas vécu soixante ans de conflit. Aussi, je n'évoquerai pas ce sujet délicat, qui doit être résolu dans le secret et dans la discrétion des chancelleries. Mais nous souhaitons tous, mes chers collègues, qu'une paix juste et durable s'instaure entre Israël, qui a un droit sacré à son existence, et la Palestine, laquelle doit prendre une juste place dans le concert international.

Mais la paix ne se gagne pas seulement dans ces contrées. Quand la Chine s'éveillera, avait écrit Alain Peyrefitte en 1973 et notre génération avait été marquée par ce livre. Elle s'est éveillée - le voyage du Président de la République nous l'a confirmé -, mais je voudrais attirer votre attention sur le fait suivant : la Chine, comme la Russie, n'est pas un État-nation. Il y a les Han majoritaires dans l'Empire du Milieu, mais ils ne sont pas les seuls : le Tibet demeure depuis 1959 une épine douloureuse dans le pied chinois, les Ouïghours et les minorités musulmanes constituent eux aussi un mélange explosif.

Et le xixe congrès du parti communiste chinois a démontré que la croissance économique trop rapide forgeait des déséquilibres sociaux préoccupants à terme. Les voisins immédiats de la Chine - la Corée du Nord, le Pakistan et l'Afghanistan - sont des détonateurs puissants pouvant à tout moment provoquer un conflit, nous le savons bien.

La tâche du Gouvernement au côté du Président de la République est immense. Je voudrais y apporter nos encouragements, et tout particulièrement à votre égard, monsieur le ministre, vous qui portez si haut, si clair, si fort la voix de la France et la voix de l'Europe, même si l'on n'est pas toujours d'accord avec vous. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Bernard Kouchner, ministre. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, la politique extérieure de la France est aujourd'hui en question. Preuve en est la mise en place récente d'une commission, au sein de laquelle j'ai l'honneur, au côté de notre collègue Jean François-Poncet, de représenter le Sénat, chargée de rédiger d'ici à juin 2008 un livre blanc sur ce sujet.

L'examen du projet de loi de finances pour 2008 permet de traiter des crédits dédiés à la mission « Action extérieure de l'État », mais au-delà des chiffres, ce qui importe, c'est de décrypter les choix stratégiques qu'ils recouvrent. Or ces choix n'apparaissent pas clairement. Je voudrais donc vous interroger sur notre effort budgétaire global - au service de quelle stratégie ?-, sur l'évolution du réseau culturel à l'étranger et les risques de dislocation de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, et, enfin, sur l'avenir de notre audiovisuel extérieur.

Comme l'ont rappelé nos rapporteurs, la part du budget consacré aux affaires étrangères dans le budget de l'État pour 2008 est légèrement supérieure à 4,5 milliards d'euros, soit environ 1,5 % du budget général, correspondant à 13 200 emplois équivalents temps plein. La relative stabilité constatée et les débats légitimes sur les moyens ne doivent pas occulter les questions stratégiques qui restent posées à la France en cette fin d'année 2007.

La première concerne les priorités de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera le 1er juillet prochain. Ce sujet a déjà été évoqué mercredi et jeudi avec le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mais il est nécessaire de le resituer dans votre vision globale de la politique étrangère.

Le budget de la présidence française fait l'objet d'un programme spécifique - le programme 306 - dans la mission « Action extérieure de l'État », et vous l'avez fixé, monsieur le ministre, à 190 millions d'euros, dont 120 millions d'euros en crédits de paiement. À titre de comparaison, c'est à peu près équivalent à la dernière présidence allemande, 180 millions d'euros. Nous n'en doutons pas, ces crédits sont justifiés, encore faudrait-il les flécher plus précisément.

Mais la véritable question concerne les orientations européennes que la France défendra : le Gouvernement impulsera-t-il auprès de nos partenaires européens un renforcement des ressources propres de l'Union pour jeter les bases d'un véritable gouvernement économique européen ? Les négociations avec la Turquie suivront-elles leur cours normal ? De nouvelles et nécessaires initiatives seront-elles prises en faveur de l'Europe de la recherche ? Comment traduirez-vous en actes l'urgence d'une réelle politique énergétique européenne, qui ne soit pas uniquement centrée sur le droit de la concurrence, mais qui prenne en compte également la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement et de protéger l'environnement ?

J'espère en tout cas, monsieur le ministre, qu'à l'occasion de sa présidence la France fera entendre au reste du monde une autre voix que celle d'une Europe forteresse ouverte seulement aux plus riches ou aux plus qualifiés. Si l'on s'en tient aux dernières déclarations de votre collègue M. Hortefeux appelant à un pacte européen de l'immigration, il est permis d'en douter.

D'autres questions stratégiques se posent.

À la veille des élections législatives en Russie, dans un climat très lourd, quelques jours après la visite du Président de la République en Chine qui a vu la signature de très importants contrats commerciaux et industriels, ce débat budgétaire est également l'occasion d'éclaircissements, monsieur le ministre, sur la manière dont la France défend la démocratie et les droits de l'homme dans le monde. Où en est-on de notre dialogue sur ce sujet avec ces deux grandes puissances ? Comment articule-t-on nos principes avec les enjeux stratégiques, commerciaux et industriels ?

Dans quelques jours, le Président Sarkozy se rendra en visite officielle en Algérie. Malgré les propos scandaleux tenus par un membre du gouvernement algérien, qui n'ont été que mollement désapprouvés par le Président Bouteflika, personnellement j'approuve le maintien de cette rencontre. Car la France est là non pas pour récompenser ou punir, mais pour mener avec ce pays un dialogue exigeant et constructif. Comment la France compte-t-elle exprimer ses préoccupations sur les libertés démocratiques en Algérie ? La question se pose d'ailleurs de la même manière en Tunisie et en Libye.

Nous attendons aussi du Gouvernement qu'il apporte tous les éclaircissements nécessaires à la commission d'enquête parlementaire, présidée à l'Assemblée nationale par notre collègue Pierre Moscovici, sur la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien. Celle-ci vous a déjà entendu jeudi, elle doit poursuivre ses auditions car quelques coups d'éclat fortement médiatisés ne peuvent tenir lieu de stratégie durable. (M. le ministre est dubitatif.)

Enfin, le projet d'Union méditerranéenne suscite beaucoup d'attentes. Monsieur le ministre, comment ferez-vous en sorte qu'il ne creuse pas un nouvel écart entre la France et ses partenaires européens ?

J'en viens au deuxième sujet d'interrogation forte : le sort de notre réseau culturel à l'étranger et les risques de disparition de la DGCID, la Direction générale de la coopération internationale et du développement.

Monsieur le ministre, j'ai la conviction que, parmi les axes stratégiques du ministère des affaires étrangères, la défense de notre langue, l'action de coopération culturelle et scientifique ainsi que la promotion de diversité culturelle sont une composante essentielle, et certainement pas accessoire. C'est à partir de là qu'il faut évaluer les réformes d'organisation administrative que vous envisagez.

Vous avez déjà indiqué que des décisions seraient prises à ce sujet d'ici au mois de mars prochain. S'il est sans doute nécessaire d'envisager une nouvelle évolution de la DGCID, vers quelle réforme se dirige-t-on exactement, du moins quelle réforme souhaitez-vous ? La dernière date de 1998 avec la réunion du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères, et la création de la Direction générale de la coopération internationale et du développement.

Le monde change vite. Il est légitime de songer à un nouveau départ dix ans plus tard, pour gérer des actions réclamant avant tout de l'imagination, de la souplesse et de la réactivité. Mais va-t-on pour cela poursuivre la « vente à la découpe » de la DGCID, déjà bien amorcée, au bénéfice d'opérateurs spécialisés ? Il se dit, en effet, que se prépare la mise en place de deux grands opérateurs autonomes, l'un pour la culture, l'autre pour la coopération scientifique universitaire, la DGCID devenant une direction beaucoup plus ramassée, chargée seulement de piloter l'ensemble. Certains évoquent même l'hypothèse de son absorption complète dans une grande direction transversale. Je crois, monsieur le ministre, que ce dispositif éclaté nous conduirait à de graves déboires. Le dispositif doit être réformé, mais sans jeter le bébé avec l'eau du bain.

Si la DGCID doit ne plus être paralysée par les contraintes de gestion d'une administration centrale, elle mérite aussi d'être fortifiée, par exemple en devenant une grande agence de coopération culturelle, scientifique et universitaire, dotée de son propre réseau, car c'est le réseau qui fait notre force à l'étranger. Elle aurait tout naturellement sa place auprès des deux agences déjà existantes, l'Agence française de développement, l'AFD, et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, ainsi que des opérateurs chargés de l'audiovisuel extérieur. Le ministère des affaires étrangères pourrait assurer le pilotage stratégique de l'ensemble grâce à une direction transversale, pour peu que celle-ci soit dotée des moyens financiers et humains nécessaires.

Je reviens un instant au réseau culturel, monsieur le ministre. Le montant de la subvention versée aux centres et aux instituts culturels est en diminution constante ces dernières années. Cette dotation est ainsi passée de 68 millions d'euros en 2002 à 61 millions d'euros en 2007. Plus du tiers des centres et des instituts culturels situés en Europe ont été fermés entre 2000 et 2007, avec parfois un coût très élevé, par exemple à Bilbao : 1 million d'euros. On leur demande d'augmenter toujours plus leur taux d'autofinancement. Dès lors, une question s'impose : l'État souhaite-t-il toujours conduire une action culturelle extérieure volontariste ? Nous attendons vraiment du Gouvernement qu'il prouve par ses décisions dans les mois à venir qu'il prend bien la mesure de l'enjeu que constitue l'action culturelle extérieure en tant qu'instrument irremplaçable de notre influence dans le monde. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)

Nous avons sur ce plan une autre préoccupation majeure : elle concerne l'avenir de notre audiovisuel extérieur En effet, monsieur le ministre, lors de la conférence des ambassadeurs le 27 août dernier, vous avez annoncé une réforme de ce secteur. Le comité de pilotage constitué à cet effet a remis hier son rapport au Président de la République.

Certes, je sais que, pour la deuxième année consécutive, le programme audiovisuel extérieur figure dans la mission « Médias », dont les crédits ont été discutés jeudi soir en séance avec la ministre de la culture et de la communication. Je souscris totalement aux réserves exprimées à cette occasion par notre collègue Monique Cerisier ben-Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, sur les projets annoncés, notamment les risques d'une fusion autoritaire entre France 24, TV5 et RFI, et le déséquilibre flagrant de traitement budgétaire constaté entre ces trois chaînes au détriment des deux dernières.

Mais cette question engage bien évidemment la politique étrangère de la France et je trouve donc normal de vous interroger à votre tour, monsieur le ministre. Quelle place la France entend-elle accorder à son audiovisuel extérieur dans l'ensemble de sa politique étrangère ? Quel est à vos yeux l'intérêt de la future holding « France Monde » ? Quel rôle lui prévoyez-vous ainsi qu'aux opérateurs qui la composeront ? Comment comptez-vous adapter la tutelle de votre administration à cette nouvelle organisation ?

Sur tous ces sujets, si la réforme de la LOLF encore balbutiante permet parfois une meilleure lisibilité budgétaire, elle ne suffit absolument pas à masquer le manque des crédits ni le flou des grandes orientations stratégiques qui devraient inspirer la politique étrangère de la France. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes collègues du groupe socialiste du Sénat et moi-même voterons contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, c'est sur le volet social de l'action que vous menez en faveur de nos compatriotes expatriés que mon attention se porte depuis de nombreuses années. Dans ce budget, j'aborderai donc plus particulièrement les crédits d'assistance.

Permettez-moi, tout d'abord, de rappeler que, sur l'initiative de Raymond Barre, ces crédits existent depuis 1977 et qu'ils permettent d'aider nos compatriotes expatriés démunis, handicapés ou âgés, ainsi que - ce qui est plus récent - les enfants en détresse. Ils permettent également, depuis maintenant plusieurs années, la prise en charge, pour nos compatriotes les plus modestes, d'un tiers de leur cotisation maladie à la Caisse des Français de l'étranger, la CFE.

Ces crédits, inscrits dans le projet de loi de finances au sein de la mission « Action extérieure de l'État », sont rattachés au programme 151 « Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes », renommé ainsi sur l'initiative de notre excellente collègue députée Geneviève Colot, rapporteur pour avis sur ce budget, et à la sous-action 02. Pour 2008, ils s'élèvent à 19,185 millions d'euros se répartissant entre l'aide aux personnes, avec 15,570 millions, l'aide à la troisième catégorie de la CFE, avec 2,8 millions, et les subventions aux sociétés de bienfaisance, avec 815 000 euros.

Si l'on considère uniquement les aides aux personnes, aides directes de nos consulats versées à nos compatriotes et aides versées aux sociétés de bienfaisance, les crédits pour 2008 sont de 16,385 millions d'euros, en régression par rapport à 2007.

Certes, un effort important et justifié a été réalisé dans le domaine de l'enseignement, et il va se poursuivre. À cet égard, je suis d'ailleurs tout à fait favorable aux mesures qui ont été prises en faveur des enfants français en matière d'aide à l'enseignement. Sur ce sujet, je m'étonne des propos de Mme Monique Cerisier-ben Guiga et de M. David Assouline, respectivement rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles : parlaient-ils au nom de leur commission ou exprimaient-ils un avis personnel ?

M. Robert del Picchia. Bonne question !

M. David Assouline, rapporteur pour avis. J'ai été très clair !

M. Jean-Pierre Cantegrit. D'ailleurs, Mme Cerisier-ben Guiga aurait parfaitement pu exprimer tout à l'heure son point de vue personnel, puisqu'elle est inscrite dans la discussion !

Si les rapporteurs expriment maintenant leur avis personnel, au nom de la commission qu'ils représentent, j'avoue que je ne comprends plus ; il n'est pas dans les habitudes de la Haute Assemblée de procéder ainsi !

M. Dominique Braye. Il s'agit d'un vrai problème ! C'est la confusion des genres !

M. Robert Hue. Quel esprit hégémonique ! C'est incroyable !

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Poutine, c'est demain !

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, nous avons un devoir de solidarité envers nos compatriotes, et je m'inquiète.

Certes, en 2007, le cours de l'euro a permis d'aider un nombre plus important de bénéficiaires d'allocations de solidarité et d'allocations pour les handicapés, ainsi qu'un nombre croissant, mais qui reste limité, d'enfants en détresse. Toutefois, la minutie et la rigueur sont permanentes, et ce depuis plusieurs années, dans la gestion qu'assure à cet égard la Direction des Français de l'étranger.

Ainsi, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger du ministère des affaires étrangères, au sein de laquelle je représente le Sénat, et à qui il revient, en principe, de fixer le montant de ces diverses allocations, ne fait plus désormais qu'entériner les propositions que lui soumet votre administration, monsieur le ministre, car le fait de majorer l'un des montants entraînerait aussitôt la diminution d'un autre. Dans de telles conditions, vous en conviendrez, l'arbitrage est extrêmement difficile.

Je ne vous ferai pas un catalogue des diverses améliorations qui pourraient être apportées, si les crédits le permettaient, telles que la création de maisons de retraite, des campagnes d'information et de prévention des maladies spécifiques à l'expatriation, la création de dispensaires, ou encore l'amélioration de l'aide aux enfants en détresse ; j'ai de nombreuses propositions à vous faire en la matière.

Cependant, je m'arrêterai un instant plus précisément sur la situation des handicapés français à l'étranger.

Alors que, sur le territoire national, les handicapés adultes ou enfants bénéficient, et je m'en réjouis, de tout un ensemble d'aides, financières et matérielles, à l'étranger, ils bénéficient uniquement, et sous condition de ressources, d'une allocation et, éventuellement, selon leur taux de handicap, d'une aide pour tierce personne.

Récemment, au cours d'une mission à l'étranger, on m'a alerté sur le cas de certains enfants handicapés et sur les difficultés que pose leur scolarité à l'étranger. À ce propos, je vous rappelle que le handicap et la réussite scolaire sont deux thèmes chers au Président de la République.

La législation française prévoit, par exemple, des dispositions spécifiques d'accompagnement pédagogique pour les enfants atteints de troubles spécifiques. Si l'application de ces mesures n'est pas encore intégrale en France, elle est inexistante dans les établissements scolaires français à l'étranger, en raison du manque de moyens financiers.

Or, même si le nombre d'enfants français porteurs de ces troubles spécifiques est limité à l'étranger, la proportion est malheureusement, il faut le savoir, la même que celle qui existe sur le territoire national, à savoir 6,4 % dans le primaire, 7,14 % au collège et 6,3 % au lycée.

Il s'agit d'un exemple concret d'une des actions « sociales » qui pourrait être menée par votre ministère, conjointement entre l'AEFE, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui gère les établissements français à l'étranger, et la Direction des Français à l'étranger, qui gère les crédits du pôle social. Mais comment faire si les crédits du pôle social ne connaissent pas une hausse significative ? Telle est la question.

J'aborderai le second volet de mon intervention, non seulement en tant que parlementaire, mais également en tant que président de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, au sein de laquelle nous nous efforçons de mettre en place des mesures pour faciliter son accès aux Français expatriés ne disposant que de faibles ressources.

C'est ainsi que, dès 2001, un consensus s'est dégagé au sein du conseil d'administration de la CFE, des élus des Français de l'étranger et du Gouvernement pour créer une troisième catégorie « aidée » et mettre en place un dispositif d'aide à l'accès à l'assurance maladie.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'était en 2002, sous le gouvernement Jospin !

M. Jean-Louis Carrère. L'orateur est sourd de l'oreille gauche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Certains sont sourds des deux oreilles !

M. Jean-Pierre Cantegrit. Ce dispositif consiste à prendre en charge un tiers de la cotisation due en troisième catégorie - la plus faible - par les personnes dont les revenus sont inférieurs à la moitié du plafond de la sécurité sociale, à l'exception des pensionnés et des Français résidant dans l'Union européenne.

Dans un premier temps, cette aide a été financée par la CFE, sur ses fonds propres, puis, ainsi que cela était prévu par la loi de modernisation sociale de 2002, le ministère des affaires étrangères a pris le relais, et une ligne budgétaire spécifique apparaît désormais dans le programme 151.

Toutefois, ayant constaté que le nombre des adhésions dans cette catégorie « aidée » avait tendance à régresser, et que la solution mise en place en 2002 n'était plus appropriée à la situation de nos compatriotes les plus démunis,...

M. Jean-Pierre Cantegrit. ...j'ai proposé au conseil d'administration de la Caisse, en accord avec les deux vice-présidents, d'élargir l'accès à cette troisième catégorie aidée, en relevant de façon significative la part de l'aide de l'État, qui est passée de 33 % à 50 %.

Cette mesure, adoptée à l'unanimité en juin dernier par le conseil d'administration, intéresse donc directement votre ministère et la Direction des Français à l'étranger, qui en a d'ailleurs été aussitôt informée. Sa mise en oeuvre dépend désormais de vous, monsieur le ministre. Elle devrait engendrer un coût supplémentaire de quelque 3,7 millions d'euros. Si je comprends qu'elle n'ait pu être prise en compte dans le projet de budget que vous nous proposez aujourd'hui, il convient toutefois que vos services en tiennent compte dans la préparation du budget pour 2009, afin que nos compatriotes expatriés les plus démunis puissent en bénéficier dès janvier 2009.

Vous l'avez compris, mes propos vont tous dans le même sens : assurer aux Français expatriés les plus modestes l'équivalent de ce qu'ils pourraient avoir en métropole et agir enfin pour que la solidarité nationale ne les oublie pas et s'exprime aussi à leur égard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2008 est importante dans la mesure où elle jette les bases de la politique étrangère de la France pour la nouvelle législature.

Le 27 août dernier, lors de la conférence des ambassadeurs, le chef de l'État a exposé les grandes lignes de sa politique diplomatique pour les cinq prochaines années. Nous sommes réunis aujourd'hui pour voter le budget qui devrait concrétiser cette politique.

La représentation de la France dans le monde est forte de 158 ambassades, 17 représentations permanentes, 97 consulats et 15 000 Français fonctionnaires dans les institutions françaises. Ces chiffres accumulés sont impressionnants et montrent que notre pays est encore, et c'est heureux, extrêmement présent à l'étranger.

Or il ne me semble pas que le budget qui nous est aujourd'hui présenté nous aide à conserver la place importante que nous occupons actuellement au sein du réseau diplomatique mondial.

La politique étrangère de la France voulue par le Président de la République et par le Gouvernement s'accompagne de mots et de signes qui inquiètent tant en France qu'à l'étranger. Leurs conséquences peuvent être lourdes.

Notre diplomatie doit être forte, par son influence, mais aussi, et surtout, par sa capacité d'initiative. Pourtant, monsieur le ministre, quelle proposition formulez-vous ?

Les premières déclarations du Président de la République et du Gouvernement marquent une inclination à un alignement sur la politique « otanienne » des États-Unis.

Pour ma part, si je me sens proche du peuple américain, je n'accepte toutefois pas que mon pays se range aux côtés d'un président en fin de mandat, en quête de coups médiatiques et pratiquant la politique de la terre brûlée ; nous voyons le résultat désastreux en Irak.

Cette situation me semble extrêmement préoccupante et ne me paraît pas de bon augure pour les années à venir. J'en veux pour preuve le penchant du Président de la République pour le retour de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN. Si cette volonté se confirmait, ce serait, je crois, un coup porté à notre indépendance, à notre rayonnement et à notre capacité de dialoguer en toute indépendance avec les peuples, dont notre diplomatie a su témoigner magistralement, en refusant de s'associer au projet de guerre en Irak de l'administration Bush.

Durant les six premiers mois de ce nouveau quinquennat, des déclarations souvent excessives et gravissimes se sont enchaînées. Le discours de Dakar, prononcé au mois de juillet dernier, ne risque pas d'apaiser nos craintes. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas les seuls à être inquiets. Le rapporteur spécial de l'ONU, Doudou Diène, n'a-t-il pas accusé la France de « légitimer le racisme » dans le monde ?

Après une première polémique sur la manière dont la France traite les questions d'immigration, c'est-à-dire systématiquement de façon ultra-sécuritaire, les propos de Dakar ont creusé une blessure encore plus profonde. Ce que beaucoup considèrent comme un mépris affiché envers nos amis africains continue de ternir l'image de la France.

Oui, notre pays gagnerait à rompre avec cette arrogance et avec ces certitudes dominatrices d'un autre âge. D'ailleurs, c'est le conseil que donne M.  Védrine, dans le rapport qu'il a remis au Président : il exhorte la France à faire preuve d'une plus grande modestie dans sa politique étrangère.

Certaines déclarations « guerrières » de notre diplomatie concernant l'Iran ont été particulièrement choquantes pour beaucoup d'entre nous et n'ont pas grandi la France aux yeux de ceux qui la regardent toujours comme la nation à la recherche de solutions négociées jusqu'au bout et comme le pays des droits de l'homme.

Dans ce domaine, qu'il me soit permis de faire une mise en garde à propos du rapprochement vers la Grande-Bretagne en vue de sanctions contre le président iranien, qui n'auraient pour effet qu'un affaiblissement de l'ONU. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

Que s'est-il passé au Liban ? L'intervention du président de la République fut très maladroite et il en a résulté un effet pour le moins contre-productif. Les Libanais sont irrités. Pratiquer la politique du « diviser pour mieux régner » en sachant que les Syriens et les Iraniens sont liés entre eux de longue date ne peut avoir de résultat efficace.

Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous pouvons rendre hommage à votre détermination, bien sûr. Mais la précipitation fébrile du président Sarkozy a certainement gâché tous vos efforts, au point que certains observateurs ont qualifié ces manoeuvres de faux pas.

Concernant le conflit israélo-palestinien, et plus précisément la conférence d'Annapolis qui vient de s'achever, ce ne fut pas, et je le regrette, le « moment historique » que d'aucuns ont décrit. Certes, il ne faut pas minimiser cette amorce de reprise de dialogue, ni surtout le calendrier qui a été élaboré. Toutefois, je reste pessimiste sur l'issue des négociations.

En effet, l'annonce récente d'un gel partiel des colonies par le Premier ministre israélien est en décalage avec l'objectif annoncé, à savoir la création d'un État palestinien. L'échec des négociations pourrait entraîner les Palestiniens vers une radicalisation du pouvoir. Mais comment envisager la création d'un État palestinien viable sur un territoire toujours aussi morcelé ? Nous savons que la situation est complexe. Les inflexions données par le président de la République française peuvent, là encore, inquiéter certains de nos amis. La France doit pleinement jouer son rôle au Proche-Orient. Afin qu'une solution de paix s'impose entre Israël et la Palestine, notre pays doit se montrer plus efficace encore, plus entreprenant. Quant à l'Union européenne, elle doit agir pour que soient rétablis tous les financements de l'Autorité palestinienne.

Je terminerai ce trop rapide tour d'horizon par le drame du Darfour.

Depuis 2003, que de morts et de millions de personnes déplacées à cause de ce conflit ! Selon un rapport de la Fédération internationale des Droits de l'homme, la FIDH, les violations se sont amplifiées et la situation s'est gravement détériorée en 2007. La Conférence de Paris, qui s'est tenue au mois de juin dernier, a rendu des conclusions pleines d'espoir. Selon les termes d'un accord conclu entre l'ONU et l'Union Africaine, 20 000 hommes doivent, sous peu, se déployer dans la région du Darfour.

Concernant la France, quid des corridors humanitaires qui devaient être mis en place dans l'urgence ? Je souhaite que l'action éminemment condamnable de la prétendue ONG l'Arche de Zoé ne remette pas en question ce déploiement. Cette affaire a-t-elle eu des conséquences sur les relations entre la France, le Tchad et le Soudan ? Si oui, lesquelles ?

À ce sujet, la situation dans cette région d'Afrique est suffisamment dramatique pour ne pas en rajouter dans la qualification génocidaire de cette crise. D'ailleurs, je me félicite qu'en réponse à une question que je lui posais en commission des affaires étrangères Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme, m'ait confirmé que, pour la France, les événements du Darfour, certes terriblement dramatiques, ne pouvaient être qualifiés de « génocide ».

Venons-en aux chiffres du budget.

Compte tenu des propos que je viens d'énoncer, nous avons besoin d'un budget substantiel. Or celui du ministère des affaires étrangères stagne, avec 4,534 milliards d'euros, soit plus 1 % par rapport à 2006.

Un seul secteur de cette mission « Action extérieure de l'État » augmente, de 5 millions d'euros, c'est celui qui concerne l'action diplomatique. L'accroissement est d'autant plus faible que ces crédits n'ont cessé de baisser depuis des années. Et que nous propose-t-on ? De rassembler des ambassades de pays différents pour n'en faire qu'une, à l'instar d'un pseudo-consulat franco-allemand. Or un consulat n'est pas en place uniquement pour s'occuper des délivrances de visa. Un consulat, une ambassade, est chargé, en plus des actes administratifs, de jouer un rôle particulièrement actif dans la mise en oeuvre de la diplomatie en France. Les propos d'un ambassadeur ne sont pas sans conséquence ; il suffit de se souvenir des propos contre-productifs tenus au Tchad ! Qu'aurions-nous en commun, si ce n'est l'amitié, avec les Allemands pour réunir nos consulats ? Pour nous qui attachons tant d'importance - et à juste titre ! - au rayonnement de la langue française, ce projet, s'il était réalisé, serait une faute.

Venons-en aux personnels dépendant du ministère des affaires étrangères. Ils ont fait d'énormes sacrifices en subissant les conséquences de réformes successives, lesquelles ont débouché sur des réductions d'emploi. Ainsi, en trois ans, 740 emplois équivalents temps plein ont été supprimés. À cela s'ajoute la perte des recrutés locaux. De plus, ces personnels sont inquiets des restructurations immobilières engagées. Leur transfert entraînera-t-il à nouveau des suppressions de postes ?

On peut comprendre leur désarroi. La politique immobilière du ministère des affaires étrangères frise le scandale. Les bureaux de la rue de la Convention achetés 325 millions et ayant appartenu à l'Imprimerie nationale avaient été vendus par l'État en 2003 pour 85 millions d'euros ! Il est normal d'aborder cette question au moment où nous parlons de notre patrimoine ! Même si, incontestablement, cela ne vous concerne pas directement, monsieur le ministre, ces sommes auraient sans doute été plus utiles pour soutenir, par exemple, l'activité industrielle de l'Imprimerie nationale et ses emplois, ainsi que pour sauvegarder notre patrimoine culturel. J'appuie donc la demande de mon groupe, qui souhaite ouvrir une commission d'enquête parlementaire à ce sujet.

L'action culturelle de la France est fortement altérée. Une vingtaine de centres culturels ont fermé ces dernières années. Il y a là un formidable décalage entre les ambitions affichées pour le rayonnement de notre langue, de notre pays, dans le monde, et les moyens alloués !

S'agissant de la langue française, son utilisation dans le monde est en recul. Les crédits destinés à la promouvoir représentent environ 15 millions d'euros. Les 376 millions d'euros consacrés à l'avenir de l'enseignement du français à l'étranger sont insuffisants pour faire face à l'augmentation du nombre d'élèves.

Concernant, enfin, l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, AEFE, je soutiens la proposition faite par notre collègue Mme Monique Cerisier-ben Guiga de permettre l'organisation d'états généraux en 2008, afin de définir de nouvelles orientations en matière de financement, de personnel et de politique immobilière. Ce serait une très bonne chose.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris, compte tenu de la situation internationale, des tensions qui hélas ! perdurent ou s'amplifient parfois, des discours et des méthodes du chef de l'État, souvent marqués, comme je l'ai dit précédemment, d'excès et d'incohérence, voire de choix politiques en rupture, certes, mais en rupture avec la politique étrangère d'une France indépendante des États-unis, le groupe communiste républicain et citoyen n'a d'autre choix - cela ne vous étonnera pas ! - que de voter contre ce budget. Monsieur le président, cela m'évitera de reprendre la parole tout à l'heure pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

(M. Guy Fischer remplace M. Philippe Richert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à Mme  Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq minutes de temps de parole, c'est juste assez pour un modeste témoignage et quelques questions !

En compagnie de mon mari, le sénateur Daniel Goulet, j'ai parcouru plusieurs régions du monde ces dernières années. Monsieur le ministre, nous vous avions rencontré à Pristina, à l'occasion d'une mission de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, avant votre intervention à Strasbourg en janvier 2000. (M. le ministre opine.)

Vous nous aviez résumé la situation ainsi : « Ils ne s'aiment pas ; faisons en sorte qu'ils se supportent. »

M. Bernard Kouchner, ministre. Ce n'était pas mal ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Pas immortel, mais efficace. La preuve, cela a marqué !

L'élection du président Sarkozy ouvre une nouvelle ère de rénovation, de dépoussiérage - carte judiciaire, méthodes, moyens, etc. Pourquoi le Quai échapperait-il à un légitime et diplomatique dépoussiérage ?

Je n'évoquerai que trois points : la formation, l'affectation des personnels et la chasse au gaspi.

Tout d'abord, s'agissant de la formation, je viens d'effectuer, dans le cadre de la commission des affaires étrangères, un stage d'immersion à la Direction du renseignement militaire, DRM. Il s'avère, monsieur le ministre, que la notion de renseignement est superbement ignorée dans la formation de diplomate. Cela ne figure d'ailleurs pas dans le tronc commun des formations. Le renseignement n'est pas dans notre culture ; c'est pourquoi je proposerai l'adjonction d'un module « renseignement » dans le cursus de formation de nos diplomates, sur le modèle du Centre de formation interarmées au renseignement d'intérêt militaire, CFIAR. Cela contribuerait à une meilleure cohérence de l'équipe France, tant il est vrai aujourd'hui que le renseignement constitue la base incontournable, inévitable et fondamentale de l'action, qu'elle soit diplomatique, économique ou militaire.

Il faudrait aussi vous rapprocher de Mme Lagarde, afin que vous puissiez, ensemble, constituer des missions économiques dignes de ce nom, instaurant - pourquoi pas ? - des obligations de résultat, à l'instar des missions économiques italiennes. On peut toujours rêver !

J'en viens à l'affectation et à la rationalisation des moyens humains.

Monsieur le ministre, nous rencontrons parfois des ambassadeurs qui ne parlent pas la langue du pays où ils sont en poste ; il en est de même des attachés culturels ou des chefs de mission économique. Nous avons aussi quelquefois l'occasion de déplorer des erreurs de casting. Ainsi, tel ambassadeur arabisant émérite est nommé en terre d'Afrique anglophone ; tel anglophone non arabisant l'est dans un pays du Golfe d'importance stratégique majeure ; tel ambassadeur parlant des langues rares - farsi, turc, arabe, russe - est en poste dans un placard dans tel ou tel ministère. Enfin, et je ne peux qu'exprimer des regrets en le mentionnant, tel ambassadeur, sans doute l'un des meilleurs spécialistes du monde arabe, ayant cessé d'être bien en cour, cultive ses rosiers, sans que notre pays puisse bénéficier de ses compétences, de ses acquis et de ses connaissances !

À l'heure de la recherche d'une optimisation de nos moyens, y compris humains, pouvons-nous encore nous permettre des choix sur d'autres critères que la compétence ?

Enfin, dernier point, la chasse au gaspi.

Nous pourrions aider utilement le président de la commission des finances et le rapporteur général face au déficit de 41 milliards d'euros.

Je sais bien qu'il faut une assemblée européenne de défense. Toutefois, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention - c'est pourquoi j'ai déposé un amendement à ce sujet - sur l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, UEO.

Cette dernière, chargée des questions de défense, a vu l'exercice de la totalité de ses missions dites « missions Petersberg » transféré au Parlement européen

Cette entité, cette autoproclamée assemblée parlementaire, siège depuis lors deux jours et demi par semestre. Elle compte quelques dizaines de fonctionnaires internationaux pour qui la France contribue largement, à hauteur de 2,5 millions d'euros, et qui siègent dans les locaux du Conseil économique et social pour un budget annuel de 7,367 millions d'euros, dont 4,209 millions de charges de personnel.

Certes, la création de l'UEO résulte d'une convention internationale, mais ne convient-il pas de s'interroger sur son existence et son fonctionnement ? Si nous devons réfléchir à une défense européenne, un budget de 7 millions d'euros permettrait de nourrir un brain-trust de prix Nobel !

Monsieur le ministre, nous disposons également d'une ambassade de France à Strasbourg pour assurer les relations avec le Conseil de l'Europe. Puisque nous cherchons à faire des économies, plutôt que d'entretenir une ambassade entière, ne serait-il pas plus judicieux de déléguer un fonctionnaire du Quai d'Orsay qui pourrait prendre le TGV pour assister aux réunions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dont le travail est très souvent sous-estimé par ailleurs ?

On se demande parfois aussi où sont certains ambassadeurs. Sans viser personne, bien entendu, permettez-moi de citer le cas d'un ambassadeur chargé de la prévention des conflits, dont on ignore d'ailleurs où il était au moment des problèmes au Darfour : au Liban ou en Birmanie ? Si le sujet n'était pas aussi sérieux, nous pourrions mettre son effigie à côté de celle d'Ingrid Betancourt, tant il est vrai qu'il a totalement disparu de la circulation !

Je défendrai deux amendements sans grand espoir de les voir adoptés, monsieur le ministre. Le rayonnement culturel de notre pays nécessite que l'on accroisse notre efficacité. Quoi qu'il en soit, je voterai votre budget.

Pardon, monsieur le président, pour ces trente-trois secondes de plus que le temps de parole qui m'était imparti ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aborderai tout d'abord les questions relatives aux Français établis hors de France, en présentant par avance mes excuses à mes collègues qui ne sont pas concernés par cette question.

M. Jean-Louis Carrère. Il n'y a pas de problème ! Cela nous fait plaisir !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'évoquerai ensuite les moyens alloués aux services du ministère des affaires étrangères et européennes. Je m'intéresserai enfin à quelques-unes des questions internationales les plus inquiétantes du moment.

Je voudrais tout d'abord vous rappeler, monsieur le ministre, que vous avez la responsabilité d'une administration qui concerne près de 1,4 million de Français inscrits dans les consulats, soit l'équivalent de la population d'un gros département. À ceux-ci s'ajoutent - et leur poids est très lourd pour certains postes - tous les Français de l'Hexagone qui se figurent que le monde ressemble aux catalogues de voyage, partent à l'aventure et attendent ensuite tout des services consulaires. (M. le ministre opine.) Ces touristes leur donnent souvent beaucoup plus de travail que les Français établis à l'étranger. Vous êtes donc concernés par les remarques que je m'apprête à formuler, mes chers collègues.

Je m'inquiète de lire, dans les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat, que les consulats coûtent trop cher, de 3 millions à 6 millions d'euros par an dans les pays d'Europe où vivent la moitié des nôtres, à savoir 700 000 Français, « que la plupart des fonctions consulaires ne se justifient plus », « qu'elles pourraient être accomplies à Nantes par une plate-forme de télé-administration ».

Combien coûte l'administration des Français des Bouches-du-Rhône ? Quel est le coût de la préfecture, des sous-préfectures, des mairies, du conseil général et de ses services sociaux ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Vous proposez leur suppression ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pourquoi pas ! Puisqu'on supprime nos services, pourquoi ne pas supprimer ceux des autres !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Ben voyons !

M. Dominique Braye. Il n'y a qu'à supprimer le pays ! (Sourires.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Un tel budget est calculé en milliards plutôt qu'en millions ! Apparemment, nous ne sommes pas, en pratique, des citoyens à part entière, nous ne le sommes que dans les discours !

Bien entendu, monsieur le rapporteur spécial, je ne propose pas de supprimer tous ces services. Simplement, la disproportion est énorme entre les fonds mis à la disposition de toutes les structures de gestion des populations en France et ceux qui sont affectés au ministère des affaires étrangères et européennes pour gérer 1,4 million de Français, sans compter tous les touristes qui viennent nous « embêter » à longueur d'année.

M. Dominique Braye. C'est du clientélisme de bas niveau !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. On peut, et on doit, j'en suis tout à fait d'accord, moderniser les procédures d'administration, comme en témoignent le service central d'État civil à Nantes, véritable modèle pour toutes les mairies de France, et le réseau d'administration consulaire informatisé, dit Racine.

Je souhaite cependant mettre en garde contre une erreur et trois illusions.

L'erreur serait de supprimer les procédures traditionnelles bien avant que la transposition télématique ne soit réalisée. La crise des passeports de 2005-2006 est présente dans nos esprits. Ne pas avoir de passeport quand on est un Français à l'étranger, c'est, croyez-moi, une sale affaire ! Nous avons traversé cette épreuve, parce que le passeport traditionnel a été supprimé avant que nous soyons capables de mettre en place le passeport Delphine.

La première illusion serait de croire que des usines administratives sont plus productives que des administrations de proximité. La démotivation des agents face à une tâche déshumanisée entraîne souffrance au travail et implication moindre.

La deuxième illusion serait d'imaginer que l'Union européenne est réalisée, et que les citoyens européens français n'ont plus besoin de l'administration française. C'est faux, non seulement dans les pays d'Europe du Sud, mais également dans des pays très structurés comme l'Allemagne ! Il existe, dans tous les services, des discriminations à l'égard des citoyens, fussent-ils européens. Au total, nous perdons des personnes qui se résignent à ne plus avoir que la nationalité de leur pays de résidence. Elles renoncent en pratique à leur nationalité française quand elles ne peuvent plus obtenir une carte d'identité, un acte de naissance pour leurs enfants ou un passeport.

À l'époque de la mondialisation, c'est au contraire d'un très grand nombre de Français plurinationaux - et pas seulement binationaux, que cela plaise ou non à certains ! - et polyglottes dont la France a besoin. Il nous faut des Franco-germano-Vénézuéliens ou des Franco-américano-italiens !

M. Roger Romani. On a une seule nationalité, une identité nationale, pas vingt-cinq !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La dernière illusion, c'est de croire que le ministère des affaires étrangères et européennes gardera sa substance en dégarnissant les postes de leurs agents d'exécution, qui appartiennent à la catégorie C, et de leur encadrement intermédiaire, à savoir des agents de la catégorie B. Il y perdra, croyez-moi, ce qui fait sa richesse et sa capacité de réaction, c'est-à-dire un personnel adaptable à des tâches variées et connaissant une très grande diversité de pays.

Pour conclure sur ce point, je m'élèverai contre la baisse des crédits consacrés à l'aide aux personnes en détresse, qui passent de 17,6 millions d'euros en 2002 à 15,6 millions d'euros pour 2008. Ce sont les plus abîmés par la vie et par l'expatriation - qui est dangereuse - que l'on prive du minimum vital ou que l'on envoie, comme c'était le cas anciennement, vers les sociétés de bienfaisance. Adieu à la solidarité nationale et place à la charité publique ! Nous sommes entrés dans le xixesiècle !

Je m'élèverai plus encore contre la baisse de moitié, entre 2002 et ce projet de loi de finances initial 2008, des crédits dévolus à l'emploi et à la formation professionnelle, qui ne représentent plus que 800 000 euros. Or les résultats obtenus par nos quarante-cinq structures consulaires ou associatives sont remarquables : elles ont placé, en 2006, plus de 4 000 Français, surtout en Europe, pour un coût unitaire de 292 euros. Par ailleurs, on sait que le coût d'un placement par l'ANPE internationale est de l'ordre de plusieurs milliers d'euros, mais cet organisme est incapable de nous donner une fourchette précise. Comparez, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rentabilité des uns et des autres !

L'appui à l'emploi des Français de l'étranger est l'action sociale la plus productive que mènent nos postes, d'un point de vue aussi bien humain qu'économique. Pourquoi la ruiner progressivement ?

Je voudrais, pour conclure sur ce point, rendre hommage à tous les agents de la Direction des Français à l'étranger,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ...à ceux qui « tiennent » face à une masse de travail ingérable dans les consulats d'Algérie et d'Afrique, à ceux qui ont subi le choc, à Rome, à Berlin, à Milan et ailleurs, du surcroît de travail lié à la suppression des autres consulats, aux agents de Paris et de Nantes, qui trouvent des solutions aux difficultés les plus épineuses de nos compatriotes expatriés.

Monsieur le ministre, la baisse des moyens de votre ministère a aussi des conséquences sur l'activité diplomatique proprement dite. Trop d'ambassades, dans des pays sensibles ou en crise, fonctionnent avec seulement deux ou trois diplomates. Est-il normal qu'à Kaboul, par exemple, il n'y ait pas plus de personnels qu'à Trinidad-et-Tobago ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est grotesque !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En dépit de leur talent et de leur dévouement, la qualité du travail diplomatique s'en ressent. Par ailleurs, et là il s'agit de l'avenir, comment attirer de nouveaux talents, des analystes, des négociateurs, des polyglottes, dans un ministère où les perspectives de promotion sont à ce point bloquées ?

La baisse des crédits d'intervention a de lourdes conséquences diplomatiques. Par exemple, le rôle que la France peut jouer dans le rétablissement d'une paix durable dans les Balkans, qui vous intéresse particulièrement, monsieur le ministre, est réduit par des obstacles financiers dérisoires. Ainsi, la formation en langue française des officiers des armées de cette région - je pense à la très francophone Albanie - est supprimée pour l'année à venir, 20 000 euros disparaissant du budget coopération défense du poste de Tirana. Il en est de même, me semble-t-il, pour un certain nombre de postes de cette région. Pourriez-vous veiller, monsieur le ministre, à ce que ces actions soient maintenues ?

Je passerai maintenant à quelques interrogations sur les sujets du moment.

Concernant les Balkans, dont je reviens, comment voyez-vous, à quelques jours d'une date fatidique, l'évolution de la situation au Kosovo ?

Pouvez-nous dire, huit jours après l'échec de l'élection présidentielle au Liban, comment on peut envisager l'avenir ? Au demeurant, je sais bien que cette question aurait pu être posée à madame Soleil !

Enfin, monsieur le ministre, vous étiez à la conférence d'Annapolis. J'avoue avoir été étonnée de vous voir aussi satisfait du résultat.

M. Bernard Kouchner, ministre. La paix me satisfait toujours !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, la déclaration finale écarte l'Europe, donc la France, et les pays arabes des négociations futures, qui sont placées sous un strict contrôle américain.

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais non !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette décision finale écarte tout retour à la légalité internationale définie par l'ONU pour la résolution du conflit israélo-palestinien.

M. Robert Hue. Effectivement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Alors que la base territoriale d'un État palestinien a disparu du fait de la colonisation et de la construction de routes réservées aux colons et du mur, on continue à alimenter le mythe d'un processus de paix.

Je m'élève enfin contre le fait que la France se soit faite complice de l'occupation et de la colonisation en laissant Alstom construire le tramway de Jérusalem destiné aux seuls colons de French Hill et en faisant signer le contrat en présence de son ambassadeur à Tel-Aviv.

La politique française à l'égard du Moyen-Orient n'est-elle pas en train de perdre son autonomie, son originalité et sa crédibilité ?

Enfin, quelle est la légitimité de la conférence des donateurs qui va bientôt se réunir à Paris ? L'État d'Israël asphyxie l'économie palestinienne et fait financer son occupation militaire et sa conquête territoriale de la Cisjordanie par la communauté internationale depuis 1993. La France et la communauté internationale doivent-elles persister à se prêter à ce jeu ? Nous avons assez payé pour que l'État d'Israël conquière la Cisjordanie !

Pour conclure, le groupe socialiste est inquiet, réticent, parfois en désaccord, avec la nouvelle politique étrangère de la France. Le budget qui nous est présenté réduisant excessivement les moyens de vos services, monsieur le ministre, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il va falloir, me semble-t-il, rétablir quelques vérités et donner des précisions sur un sujet dont nous avons déjà beaucoup parlé - je suis désolé d'y revenir, mes chers collègues ! -, à savoir la prise en charge par l'État - il ne s'agit pas de gratuité, il faut bien le préciser -, dans les établissements français à l'étranger, des élèves des classes de terminale, de première et de seconde qui ne sont pas pris en charge par ailleurs, c'est-à-dire dont la scolarité ne serait pas remboursée aux parents. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.) Je vous ai laissé parler, ma chère collègue, alors laissez-moi vous expliquer la situation que vous n'avez apparemment pas très bien comprise !

M. Dominique Braye. Très juste !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !

M. Robert del Picchia. Vous le savez tous, Nicolas Sarkozy, candidat à l'élection présidentielle, a annoncé cette mesure et élu Président de la République, il tient sa promesse.

M. Jean-Louis Carrère. C'est merveilleux !

M. Robert del Picchia. On peut faire toutes les critiques que l'on veut, mais cette mesure sera effective cette année pour les élèves de terminale. Elle concernera également, à la rentrée scolaire de 2008, les classes de première et, au dernier trimestre, les classes de seconde.

Le Président de la République a rappelé à plusieurs reprises cette décision devant les communautés françaises à l'étranger, par lesquelles il a été non seulement applaudi, mais aussi approuvé.

M. Dominique Braye. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il n'a pas été applaudi par les associations de parents d'élèves !

M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, on pouvait se poser la question de savoir s'il s'agissait d'une bonne mesure. Mais il est aujourd'hui trop tard, car la décision est prise. En revanche, on peut se demander si sa mise en oeuvre s'effectue correctement.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est la bonne question !

M. Robert del Picchia. M. le rapporteur spécial Adrien Gouteyron a d'ailleurs soulevé le problème des montants excessifs de certaines écoles, qui viennent grever le budget prévu.

Pour ma part, je souhaite formuler une proposition.

Au départ, nous avions prévu un plafond de remboursement des frais liés à cette scolarité. Puis, on nous a dit, dans nos réunions, que le dispositif serait ouvert, qu'aucun plafond ne serait fixé et que tout serait remboursé.

Cependant, compte tenu de l'expérience qui est la nôtre et des inquiétudes exprimées par M. le rapporteur spécial quant au coût excessif de la mesure - qui, au demeurant, ne toucherait que quelques lycées -, il me paraît tout de même nécessaire de fixer un plafond.

Pour en déterminer la hauteur, nous pouvons en débattre au sein du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, par exemple, et soumettre nos propositions tant à l'Élysée qu'au Quai d'Orsay. Je suis certains que nous parviendrons à un compromis.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Bonne attitude !

M. Robert del Picchia. Les parents d'élèves dans les lycées aux États-Unis seraient très satisfaits de se voir remboursés en grande partie les frais de scolarité qu'ils ont déboursés, car à l'heure actuelle ils paient, et beaucoup.

On a parlé d'écoles privées à l'étranger. Mais, madame le rapporteur pour avis, les écoles publiques françaises sont gratuites en France, tandis que les écoles françaises à l'étranger sont toutes de droit privé et sont payantes, et vraisemblablement chères pour beaucoup d'entre nous. C'est un fait et l'on ne peut pas le changer ! Donc, essayons d'en tenir compte, et d'y voir un peu plus clair !

S'agissant de la fixation d'un plafond, je suis persuadé que mes collègues sénateurs représentants les Français établis hors de France seront d'accord avec moi pour la proposer au prochain conseil d'administration de l'Agence.

Mes chers collègues, pourquoi débattre encore de cette mesure ? Je suis quelque peu étonné d'entendre dire qu'elle entraînera une augmentation des frais de scolarité, et que tous les parents d'élèves vont payer ! En effet, la prise en charge ne concerne que le haut de la pyramide, c'est-à-dire les classes de terminale, de première et de seconde. Pourquoi ? Pour parler honnêtement et en toute transparence - nous ne sommes plus à l'époque où l'on cachait les choses ! -, c'est tout simplement parce que c'est là que la mesure coûtera le moins cher, car les élèves sont moins nombreux. Le budget de l'État ne permettrait pas de prendre en charge toutes les classes. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'esclaffe.) Mais, oui, ma chère collègue, moi, je suis transparent et honnête !

M. Dominique Braye. Il faut toujours être transparent et honnête !

M. Robert del Picchia. Telle est donc la raison pour laquelle l'application du dispositif commence par les classes de terminale, de première et de seconde.

Ensuite, l'autre raison - car il y en a une deuxième, mes chers collègues ! - tient au fait que les parents d'élèves qui se voient « exonérés » de frais de scolarité en classe de terminale ont assumé de tels frais depuis la onzième. Autrement dit, ils ont payé pendant onze ans, contribuant ainsi à faire fonctionner les lycées français à l'étranger. Il me paraît donc normal de commencer par eux. Si la mesure concernait les classes de douzième, onzième et dixième, le nombre de bénéficiaires serait trop important pour permettre une prise en charge. À supposer qu'elle soit possible, ira-t-on alors dire aux parents dont les enfants sont en classe de huitième qu'ils devront désormais payer ? Non ! En revanche, il faut exonérer ceux qui les ont payés pendant onze ans.

Tels sont les précisions que je tenais à apporter, mes chers collègues, de façon à dissiper tout malentendu sur la prise en charge par l'État des frais de scolarité et dont ne peuvent bénéficier que ceux pour lesquels de tels frais ne sont pas pris en charge par ailleurs.

M. Dominique Braye. C'est très clair !

M. Robert del Picchia. Autre argument avancé par certains, les entreprises ne vont pas payer. Certes, elles cesseront de financer la prise en charge de la scolarité pour les quelques élèves de terminale, mais elles continueront de le faire pour les autres. Cessons donc de tirer la sonnette d'alarme pour des choses qui n'existent pas !

S'agissant des bourses, un problème se pose. Il est vrai qu'elles augmentent et qu'il faut les relever autant que faire se peut. Nous allons nous y employer. Je rassure d'ailleurs ceux qui s'inquiètent de la capacité du budget à faire face à cette augmentation : les sénateurs représentant les Français établis hors de France feront une demande au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour combler le manque, s'il y a lieu, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Nous reviendrons sur ce point en septembre prochain.

M. Jean-Louis Carrère. Après les élections municipales !

M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, à présent, je veux attirer votre attention sur les consulats à gestion simplifiée.

Plusieurs conseillers élus à l'Assemblée des Français de l'étranger ont fait part de leur désapprobation en ce qui concerne la transformation de consulats généraux en consulats à gestion simplifiée.

D'abord, ils ne savent pas très bien comment ceux-ci fonctionnent et à quoi cela correspond. En tout cas, les coûts de représentation restent élevés alors que ces consulats n'effectuent plus les actes de la vie civile et ne sont pas utiles aux Français de l'étranger. Ces crédits ne seraient-ils pas mieux employés dans les consulats honoraires, qui accomplissent un travail administratif, ou dans les consulats qui ne reçoivent pas les moyens correspondant à leur charge ?

Sans porter de critique sur les consulats à gestion simplifiée, nous souhaiterions cependant avoir une explication claire, notamment en ce qui concerne l'utilisation du financement.

Nous nous interrogeons également tous sur l'évolution du réseau consulaire. En effet, à chaque fois on nous dit qu'une réflexion est en cours ou que des travaux sont menés. On ne sait donc pas très bien où nous allons.

Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur la sous-action 02 « Offre aux Français de l'étranger de services publics administratifs ». Elle prévoit une dotation de 3 348 000 euros pour l'Assemblée des Français de l'étranger, instance très importante à nos yeux.

Le projet annuel de performance précise que « la dépense 2008 prend en compte la réévaluation depuis juillet 2006 des indemnités versées aux membres élus de l'AFE ». La mise en paiement de l'indemnité mensuelle, instaurée par décret, a été l'occasion, chaque année, de retards de versement et de difficultés pour nos élus dans l'exercice de leur mandat. C'est pourquoi, le 14 juin dernier, j'avais déposé une proposition de loi visant à inscrire dans le marbre législatif le principe de l'indemnité mensuelle complémentaire, pour éviter les retards. Le problème est réglé dans le budget cette année. Mais quid pour l'année prochaine et les suivantes ? Je vous remercie de bien vouloir me rassurer sur ce point.

Enfin, j'aborderai le vote par Internet. On en parle toujours quelques mois avant les élections pour constater qu'il est trop tard pour mettre en place les moyens nécessaires. On l'a constaté en juin 2006. Les prochaines élections à l'AFE auront lieu en juin 2009, mais c'est maintenant que nous devons réfléchir au dispositif à instaurer.

Je vous soumets deux propositions.

Tout d'abord, je suggère la création, par décret, d'un comité de suivi, composé d'élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, qui participeraient à la définition du cahier des charges du vote par Internet, c'est-à-dire des objectifs et des moyens pour les atteindre. La priorité en 2006 a été mise sur la sécurité du vote. La priorité en 2009 doit être la participation.

Je vous rappelle qu'en 2003, pour 14 000 votants, le scrutin avait coûté 70 000 euros. En 2006, on a voulu faire les choses beaucoup mieux, mais le scrutin a coûté 2 millions d'euros, pour un nombre de votants quasiment identique.

Par conséquent, monsieur le ministre, si vous acceptez ma proposition, le comité de suivi pourra peut-être vous rendre service !

Ensuite, je propose l'inscription dans un décret pérenne du cadre du vote par Internet, ce qui permettrait d'éviter la publication d'un décret compliqué pour chaque scrutin. Il n'y aurait qu'un seul décret, quitte à y apporter, le cas échéant, des ajustements par arrêté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Dominique Braye. Merci de nous avoir fait comprendre ça !

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le ministre, je veux vous soumettre quelques réflexions et interrogations portant sur les opérations extérieures, les OPEX, en particulier sur leur évolution, sur le rôle du Parlement à cet égard et, enfin, sur leur coût.

Le premier point concerne donc leur évolution. Voilà quelques années les OPEX duraient quelques mois, au plus quelques années. À l'heure actuelle, nous sommes informés - souvent par la presse, hélas ! - du moment où elles débutent, mais ne savons ni quand ni comment elles se termineront. Autrement dit, elles s'inscrivent de plus en plus dans la durée.

Le premier constat est qu'une armée, aussi puissante soit-elle, ne peut plus gagner toute seule la paix. C'est le cas en Afghanistan, au Kosovo, au Liban, en ce qui nous concerne. Mais il en est de même notamment en Palestine, en Irak et au Darfour.

Ce constat suscite des interrogations : ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, être beaucoup plus prudents à l'avenir avant de nous engager dans d'autres interventions extérieures ? Ne serait-il pas indispensable de mieux cerner les conditions autres que purement militaires et de consulter le Parlement afin qu'il en débatte et aborde la diversité d'une opération. Aujourd'hui, je le redis, l'aspect militaire n'est qu'une partie d'une situation complexe. Il ne suffit plus à lui seul à régler, par la paix, un conflit.

J'illustrerai mon propos par deux exemples, qui paraîtront peut-être insignifiants, mais qui m'interpellent parce qu'ils se distinguent par leur manque de réalisme et par le fait qu'ils constituent des obstacles à la paix.

Le premier exemple est le Kosovo, que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Je souhaiterais connaître votre opinion sur le fait que je vais citer.

Nos militaires sont nombreux au Kosovo. Depuis septembre 1999, ils y sont efficaces et appréciés. Mais l'ONU, qui n'a vu que l'aspect militaire de la situation, n'a pas exigé - et je ne me trompe pas de verbe - que, dans les mêmes écoles, les jeunes Albanais apprennent le Serbe et que les jeunes serbes apprennent l'Albanais. Autrement dit, à l'heure actuelle, dans des écoles différentes, chacun ignore l'histoire et la langue de l'autre. Et l'ONU imagine que ces futurs adultes pourront cohabiter en paix, en s'ignorant, en ne pouvant pas communiquer, sur un même territoire, souvent dans une même commune, voire dans un même immeuble.

Avant de répondre positivement, nous aurions dû examiner cet aspect, qui n'a rien de militaire, mais qui, avec d'autres aspects du même type, est essentiel à la paix dans un Kosovo que l'on souhaite multiethnique.

Certes, des écoles communes n'auraient certainement pas suffit à rapprocher Albanais et Serbes, mais il est certain que des écoles différentes les éloignent encore davantage.

Mon second exemple touche à l'Afghanistan. La situation y est surprenante, et je dirai dangereuse - appréciation que chacun rejoindra certainement. L'OTAN, nos alliés et nous-mêmes avons autorisé, peut-être tacitement, le président Karzaï à réarmer les chefs de guerre. Monsieur le ministre, dans quels lieux et à quels moments dans l'histoire de l'humanité a-t-on constaté que la paix pouvait procéder de l'armement de groupes concurrents et souvent antagonistes ? Je crains que l'OTAN, nos alliés et nous-mêmes ne nous enlisions dans une situation inextricable, mal engagée, qui, hélas ! ne pourra pas déboucher sur la paix.

Compte tenu de ces considérations, - et c'est le deuxième point que je souhaite aborder - ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que le Parlement doit être consulté ? La durée indéterminée des OPEX, les risques en vies humaines, les fanatismes qui se développent, le coût de plus en plus lourd exigent la consultation a priori du Parlement.

Il est scandaleux que les parlementaires apprennent, je le répète, par la presse l'engagement de nos soldats sur tel ou tel théâtre d'opérations. Le Parlement devrait faciliter le rétablissement du lien armée-nation, lien que vous avez rompu en supprimant brutalement le service militaire obligatoire. Vous avez commis là une très lourde faute.

Les OPEX nécessiteront de plus en plus l'adhésion d'une majorité de la population. Le Parlement ne pourra pas continuer à être tenu à l'écart des décisions qui ne sont prises, à l'heure actuelle, que par le seul Président de la République.

Enfin, le troisième point que je voulais évoquer concerne le coût des OPEX. Celui-ci sera de plus en plus élevé. Le projet de budget pour 2008 prévoit 375 millions d'euros, somme identique à celle qui a été inscrite dans le budget pour 2007. Ce montant ne correspond pas du tout à la réalité du coût des OPEX, chacun le sait et le déplore. Mais ce qui est grave, c'est que cette somme déroge à la LOLF, que vous avez mise en place.

Qui, sur ces travées connaît le montant réel des crédits nécessaires au maintien de nos actions au Kosovo, au Liban, en Afghanistan, ou ailleurs ? Même les membres de la commission des affaires étrangères l'ignorent. Ce n'est pas normal et c'est contraire aux règles de transparence budgétaire que vous avez voulu instaurer et que vous ne respectez pas.

Monsieur le ministre, quand le Parlement pourra-t-il jouer son rôle dans la décision et dans le suivi des OPEX ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget s'inscrit dans un contexte spécifique : il s'agit du premier du quinquennat Sarkozy.

Ce contexte présente des caractéristiques particulières.

Tout d'abord, le vent de l'alignement transatlantique souffle très fort (M. le ministre s'exclame),...

M. Robert Hue. Absolument !

M. Jean-Louis Carrère. ...ne vous en déplaise, monsieur le ministre ! Les troupes françaises sont en Afghanistan, sous commandement de l'OTAN, engagées dans une opération assez mal définie, c'est du moins la perception que j'en ai. Supportez que nous percevions les choses de cette manière, monsieur le ministre !

M. Bernard Kouchner, ministre. Je le supporte, monsieur !

M. Jean-Louis Carrère. Les annonces de la campagne électorale sur la révision de cette participation française semblent lointaines...

En outre, la politique étrangère qui est conduite est brouillée par des émissaires très spéciaux et par la proclamation urbi et orbi d'une « rupture » qui tarde à se manifester, notamment à l'égard de l'Afrique.

Il s'agit d'une politique étrangère active, certes, qui semble retrouver une fierté nationale dans le nombre des commandes passées par les pays étrangers à notre « supervendeur »... Cet aspect « mercantile » de la politique étrangère est important pour notre économie, mais est-ce le seul message porté par notre diplomatie, le seul aspect sur lequel communiquer ?

A contrario, c'est une politique étrangère avare en propositions nouvelles : sur le désarmement, sur la lutte contre la prolifération nucléaire - d'ailleurs, faut-il vendre des centrales nucléaires à n'importe quel État ? -, sur le combat contre la pauvreté... nous ne voyons rien venir, ou si peu !

Le moins que l'on puisse dire de ce premier budget du quinquennat, c'est que, loin de la rupture annoncée, il s'inscrit dans la continuité, il décline les travers déjà constatés par ailleurs dans ce projet de loi de finances pour 2008, à savoir l'insuffisance, l'injustice, et donc l'insincérité.

Mes amis socialistes ont eu l'occasion, à propos de chaque mission, de mettre en évidence les nombreux défauts d'un projet de budget qui sera certainement revu et corrigé... après les élections municipales. Courageux, peut-être, mais certainement pas téméraires !

Je m'attarderai simplement sur quelques points.

Le paradoxe de la mission « Action extérieure de l'État » réside dans le fait qu'un si petit budget soit consacré à une très grande mission qui relève, au plus haut point, des fonctions régaliennes de l'État, à savoir représenter la France, faire vivre la politique extérieure de notre pays, participer à la construction de l'Europe, développer notre puissance culturelle vers l'extérieur, en bref projeter et faire rayonner la France sur la scène mondiale.

Hélas ! vu la minceur des crédits alloués cette année, le ministère des affaires étrangères ne disposera pas des moyens nécessaires pour accomplir cette haute mission, au moment où les projets de « réforme » s'accumulent : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, réforme des services de renseignement, etc.

En fait, je crains que ce vent de réformes venu de l'Est - c'est-à-dire de Bercy ! - ne tourne qu'autour d'une stricte logique comptable qui, loin de permettre de résoudre les problèmes posés, ne fera, à terme, qu'accentuer les tensions budgétaires.

Les propos des responsables de ce ministère sont, hélas ! éloquents quant au formidable décalage existant entre les ambitions affichées et les moyens accordés.

Il est question d'une rigueur accrue pour l'administration du Quai d'Orsay ; va-t-on ainsi continuer la politique de « coupes claires » dans le réseau diplomatique et de réduction d'une administration qui a déjà réalisé des efforts substantiels en termes de diminution des effectifs ?

Peut-on sérieusement envisager de mettre en oeuvre une grande « politique étrangère et européenne », généreuse, créative et influente tout en rognant ses moyens, en réduisant le personnel mis à son service et en faisant des économies de bouts de chandelle ?

Sous des dehors de réforme et de modernisation, c'est toujours la même farouche volonté de déconstruire l'État qui anime ce gouvernement, avec cette idéologie obsessionnelle du « moins d'État », dont l'expérience prouve qu'elle est une thérapeutique qui souvent contribue à tuer le malade.

Même si parfois la solidarité majoritaire oblige à quelques euphémismes diplomatiques et à des contorsions sémantiques, les rapporteurs en ont signalé les insuffisances : déclin irrémédiable de notre politique culturelle, scientifique et d'éducation extérieure, sous-estimation de nos contributions obligatoires, financement chaotique de notre audiovisuel extérieur, diminution de l'ordre de 6 % des crédits de coopération militaire, affaissement des crédits consacrés à l'aide au développement...

Cette situation a été aggravée avec la création du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui disposera des crédits alloués au codéveloppement - environ 25 millions d'euros -, alors que la politique d'aide au développement continue de relever de la responsabilité du ministre des affaires étrangères... On nuit ainsi à la cohérence, à la visibilité de l'action du ministère des affaires étrangères en matière d'aide publique au développement. Quelle mauvaise raison politique pousse à « déshabiller » ainsi une mission budgétaire déjà mal en point ?

Je profite de cette occasion pour vous poser une autre question, monsieur le ministre : comment allez-vous faire pour mener avec votre collègue une politique commune et efficace en matière de visas ? Pouvez-vous nous expliquer, concrètement, comment seront pratiqués les tests ADN ? Quels malheurs sortiront de cette nuisible boîte de Pandore ? Ces interrogations méritent une réponse claire ; l'image de la France, sa force d'influence dans le monde sont en jeu, vous le savez bien.

J'en viens à ma conclusion.

Avec une aussi faible augmentation des crédits, le constat est sans appel : le projet de budget que vous nous présentez ne permettra pas de mener une politique extérieure adaptée aux nécessités du moment.

Vous faites preuve, monsieur le ministre, cela est vrai, d'une grande volonté politique, très médiatisée certes, mais louable, face à tant de malheurs et de crises non résolues. Hélas ! les moyens de votre ministère, victimes du « moins d'État », auront du mal à suivre. Vous êtes un homme d'expérience, monsieur le ministre, et vous savez que la volonté sans les moyens peut vite devenir une stérile gesticulation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Besson.

M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera exclusivement sur la francophonie, mais il serait illusoire de penser pouvoir établir, dans les cinq minutes qui me sont imparties, un « état des lieux » exhaustif de la francophonie et de son financement pour 2008.

Cela est d'autant plus vrai que, dans la nouvelle nomenclature budgétaire, pas moins de quatre missions contribuent à l'action en faveur de la francophonie et de la langue française : je veux parler des missions « Aide au développement », « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Médias ». Cette dispersion des crédits rend, par conséquent, difficilement lisibles les politiques prévues et empêche d'en dégager une vision claire et synthétique.

Cependant, au-delà de son architecture complexe, le projet de budget pour 2008 de la francophonie présente des aspects contrastés.

Si l'on s'en tient à la francophonie institutionnelle, je me réjouis du maintien des crédits qui lui sont alloués pour 2008 : comme en 2007, 58,4 millions d'euros seront attribués à l'Organisation internationale de la francophonie, OIF, et à ses différents opérateurs, tels que l'Agence universitaire de la francophonie, ou bien encore l'Association internationale des maires francophones.

Je tiens d'ailleurs, monsieur le ministre, à attirer votre attention sur le rôle grandissant des collectivités territoriales et de leurs réseaux dans la promotion de la francophonie.

Si l'on veut bien faire un peu de prospective, il me semble en effet évident que l'avenir de la francophonie se jouera à des niveaux d'intervention de plus grande proximité, comme les communes ou les régions. Par leurs compétences et les moyens qu'elles consacrent maintenant à la coopération internationale, notamment à la coopération décentralisée, elles apporteront, j'en suis convaincu, un nouvel élan. L'Association internationale des régions francophones, qui est présidée par mon collègue député rhônalpin Thierry Cornillet, s'y emploie d'ailleurs avec succès, sous l'impulsion des régions de France et d'Afrique.

Je l'ai dit : la francophonie institutionnelle se porte plutôt bien. Les initiatives sont nombreuses, et la volonté ne manque pas.

La création de la Maison de la francophonie, dont la vocation est de réunir l'Organisation internationale de la francophonie et différentes institutions francophones sur un site unique, en est une illustration. Toutefois, la récente remise en cause de son lieu d'implantation n'est pas sans susciter de nombreuses inquiétudes. En effet, après avoir envisagé plusieurs sites, le gouvernement de l'époque, sous la présidence de Jacques Chirac, avait porté son choix sur un bâtiment situé avenue de Ségur. Or, le coût des travaux à réaliser ayant été sous-estimé en raison d'une mauvaise évaluation des contraintes de désamiantage, le choix du site reste en suspens. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des éléments d'information à ce sujet.

Ce manque de visibilité à long terme, dont le problème de l'implantation de la Maison de la francophonie n'est qu'un exemple, ainsi que l'insuffisance de la mutualisation des moyens, notamment financiers, incitent mes collègues socialistes et moi-même à voter contre le projet de budget de la francophonie pour 2008.

Pour autant, et afin de conclure sur une note plus positive, je citerai M. Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l'OIF, qui, dès 1995, prédisait que la francophonie du troisième millénaire serait imaginative et subversive ou ne serait pas. Gageons, monsieur le ministre, que cette déclaration pleine de réalisme inspirera votre action future, afin de donner à la francophonie ce supplément de popularité et de proximité qui lui manque jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les différents intervenants et pris connaissance des rapports du rapporteur spécial, M. Adrien Gouteyron, et des rapporteurs pour avis, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. David Assouline et M. Yves Pozzo di Borgo, qui remplace M. Jean-Guy Branger. Je tiens à les remercier de la qualité de leur contribution.

Je fais miennes la plupart des questions, des remarques, des préoccupations qui ont été exprimées ce matin.

Nous sommes, en réalité, mus par le même objectif : garantir les moyens adéquats à notre diplomatie et vérifier que nos objectifs et nos modes d'action sont en phase.

Je vais, bien entendu, m'efforcer de répondre aussi précisément que possible à vos différentes interventions, en les regroupant, si vous me le permettez, selon les principaux thèmes autour desquels notre débat s'organise.

À cet égard, j'ai relevé cinq « têtes de chapitre » : la question de notre réseau diplomatique et de son évolution ; celle de l'évolution de nos moyens et de nos effectifs ; le dossier de nos contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ; la problématique des affaires consulaires et la question, toujours sensible, de la politique des visas ; enfin, j'évoquerai l'important thème, qui me tient particulièrement à coeur, de notre diplomatie culturelle et de ses orientations.

Je voudrais faire brièvement état, sur chacun de ces points, de mes propres réflexions, et répondre à vos questions plus précises.

S'agissant tout d'abord de notre réseau et de notre présence dans le monde, plusieurs d'entre vous - notamment MM. Gouteyron et Pozzo di Borgo - l'ont rappelé, le réseau diplomatique français est le deuxième, par la taille, après celui des États-Unis.

Doit-on considérer cette situation comme un atout ? Oui. Faut-il conserver notre réseau en l'état ? Non. En avons-nous d'ailleurs encore les moyens ?... Quelles sont les évolutions nécessaires ? Nous verrons !

Au cours de chacun de mes déplacements - vous m'accorderez qu'ils sont assez nombreux ! -, je mesure combien notre diplomatie, notre voix dans le monde sont tributaires d'une présence forte partout où nous devons faire prévaloir nos intérêts, politiques, certes, mais aussi culturels et économiques.

Cela étant, des réorientations sont indispensables, tout simplement parce que le monde bouge. Je voudrais partager avec vous les quelques réflexions que m'inspire cette question, centrale pour le Quai d'Orsay, de l'évolution de notre réseau diplomatique à l'étranger.

Je suis en premier lieu convaincu qu'il nous faut préserver une présence aussi mondiale que possible. Je retiens à cet égard bien volontiers la formulation de M. Adrien Gouteyron d'un « réseau diplomatique universel ». La France ne peut pas en effet vouloir s'adapter à la mondialisation et, en même temps, se rétracter ; ce serait courir le risque d'un très net affaiblissement.

Cela dit, et c'est une évidence, nous ne pouvons être présents partout de la même manière, et je rejoins sur ce point bien volontiers l'analyse développée par M. Yves Pozzo di Borgo. Notre dispositif actuel est encore marqué par une trop grande rigidité. Il est indispensable de faire évoluer nos dispositifs, notamment vers les grands pays émergents, même si j'ai pu constater lors de mon déplacement en Chine, il y a un mois, combien nous avons su accroître significativement notre présence dans cet immense pays. C'est là le défi qui nous est posé : définir et mettre en oeuvre un réseau souple, adaptable, modulable, organisé pays par pays en fonction de la nature réelle de nos intérêts, qui ne sont pas les mêmes partout.

Je ne peux qu'approuver MM. Adrien Gouteyron et Yves Pozzo di Borgo quant à l'impératif de rationaliser nos réseaux sur le plan interministériel. Cet objectif est aisé à fixer, mais, bien qu'il ait été réaffirmé par de nombreux gouvernements, il n'a jamais été atteint en raison, vous le savez, de la résistance farouche de certains départements ministériels mieux dotés que nous. Nos remarques, qui ne sont pas nouvelles, se heurtent à ce double mur de la tradition et de la facilité.

Notre présence à l'étranger ne saurait être la simple juxtaposition de réseaux ou de structures propres à chaque administration, mais, au contraire, une véritable « équipe de France » totalement interministérielle. Il est clair que ce n'est pas le cas.

J'ai évoqué l'idée de faire de nos ambassades des « bureaux conseil de la France » et aussi des « maisons des droits de l'homme » - ce n'est pas incompatible -, en appui à nos entreprises, à nos ONG, à nos collectivités locales, à nos universités, etc.

Se pose aussi la question de notre réseau en Europe, qui a été soulevée par MM. Yves Pozzo di Borgo et Robert del Picchia. Nous avons, et probablement pour longtemps, encore besoin d'ambassades fortes, car l'Europe est le premier horizon de notre diplomatie, d'autant qu'elle a été, vous me l'accorderez, récemment « réanimée ».

La visite de nos grands postes en Europe confirme que certains d'entre eux sont relativement lourds. C'est d'ailleurs l'avis de nos ambassadeurs sur place, qui - vous avez raison de le dire - devraient être les décideurs. Dans les grands pays voisins de la France, nos ambassades comprennent entre 300 et 400 personnes. Est-ce nécessaire ? Je ne le crois pas. C'est le tropisme de tous les ministères, et pas seulement du Quai d'Orsay, d'ajouter au fur et à mesure des personnes qui, après tout, sont certainement utiles. Cette tendance ne me semble pas raisonnable. Aux dires mêmes des ambassadeurs, nous pourrions revoir notre réseau en Europe.

D'importants redéploiements ont été mis en oeuvre ces dernières années, qui devront certainement être poursuivis si nous voulons nous renforcer dans les grands pays émergents. En effet, nous ne pouvons pas tout faire : si nous avons beaucoup de personnels dans ce réseau particulier que constituent les postes européens, nous ne pourrons pas développer notre présence dans les pays émergents. J'ai parlé de la Chine. Mais sommes-nous assez présents en Inde ? Pas du tout. (M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.) Sommes-nous tout simplement assez attentifs à ce pays ? Absolument pas. Je connais la situation, mais il est plus facile de le savoir que d'imaginer d'autres géométries.

Sur le plan consulaire, et vous avez sur ce point entièrement raison, monsieur Pozzo di Borgo, le moment est effectivement venu de tirer les conséquences de la construction européenne en matière consulaire. J'ai bien entendu aussi Mme Cerisier-ben Guiga. Il nous faut agir d'une manière pragmatique, comme nous venons de le décider hier lors du sommet franco-italien qui s'est tenu à Nice et qui s'est conclu par des mesures concrètes de coopération consulaire entre la France et l'Italie.

Avouez qu'entre ces deux pays, cela ne devrait pas être trop dur ! Les Italiens sont du même avis. Nous avons moins de consulats français en Italie que les Italiens n'ont de consulats en France. Il faut que je fasse très attention, car si je cite une ville en particulier (Sourires), on va penser que son consulat va être supprimé ! Mais il faut reconnaître que certains de ces postes ne sont pas très utiles. Honnêtement, avec les moyens de communication modernes, les réponses aux demandes, notamment de documents administratifs et de renseignements, pourraient être apportées de manière relativement simplifiée, par Internet. Nous pourrions les uns et les autres, c'est-à-dire les Italiens comme les Français, répondre aux demandes réciproques.

Je conviens avec vous, monsieur Robert del Picchia, que l'expression « consulats à gestion simplifiée » n'est pas des plus heureuses. Nous avons besoin d'une présence consulaire, mais aussi politique et culturelle dans les grandes régions européennes, car c'est bien dans ces nouveaux territoires régionaux de l'Europe que se jouent les solidarités et les coopérations qui organiseront l'Europe de demain. Si l'on prend l'exemple de l'Espagne, en particulier de la Catalogne, c'est bien là que nous devons être présents. Les régions espagnoles et françaises se correspondront.

Toutes ces réflexions engagent l'avenir de notre outil diplomatique. Elles sont au coeur de la démarche du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne, qui m'a été confiée par le Président de la République et par le Premier ministre.

Comme vous le savez, j'ai constitué, pour conduire cet exercice, une Commission du Livre blanc dont la présidence a été confiée à MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer. J'ai assisté à quelques-unes des rencontres de cette commission. Celle-ci rendra d'ici à l'été ses conclusions et ses recommandations. J'ai souhaité que votre Haute Assemblée soit représentée dans cette commission. Je me félicite que M. Jean François-Poncet et Mme Catherine Tasca contribuent activement à ces travaux du Livre blanc. Il faudra d'ailleurs l'articuler avec le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

J'en viens au deuxième thème de vos interventions, celui de l'évolution de nos moyens.

Je ne peux évidemment qu'approuver les observations que j'ai entendues à cette tribune : l'ampleur des missions sans cesse croissantes confiées à notre diplomatie à la lueur des crises multiples qui saisissent notre monde, la modestie de nos moyens ainsi que le souhait d'un effort accru, notamment, comme le réclament Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. David Assouline, en faveur de notre coopération culturelle à l'étranger.

Vous l'avez noté : la France consacre de l'ordre de 1,5 % du budget de l'État à sa diplomatie. À structure constante, le budget que je vous présente pour 2008 augmentera d'environ 1,5 % par rapport à 2007. Est-ce assez ? Je ne vais pas répondre oui, car je sais que ce n'est pas assez. Est-il possible d'avoir plus ? Je ne le crois pas. Demandez aux autres ministères s'ils veulent se sacrifier un peu pour le mien, et vous verrez leur réponse ! Je déplore autant que vous cette situation. Je me suis débattu comme un beau diable, lors de la création d'un nouveau ministère, pour garder l'essentiel ; honnêtement, j'ai réussi. S'agissant du codéveloppement, je vous répondrai dans quelques instants.

Vous avez approuvé jeudi soir les crédits de la mission « Aide publique au développement », qui vous ont été présentés par le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, Jean-Marie Bockel. Je ne reviens donc pas globalement sur ce dossier, je vous apporterai simplement quelques précisions tout à l'heure.

Concernant l'autre mission dont le Quai d'Orsay est chef de file, à savoir la mission « Action extérieure de l'État » dont je vous demanderai d'approuver les crédits, les moyens qui lui sont consacrés croissent de plus de 3,5 %, ce qui représente une augmentation significative dans le contexte général de nos finances publiques. Ce budget, et je rassure sur ce point M. Gouteyron, ne réduit donc pas la voilure, même si bien entendu chacun, et moi le premier, aurait souhaité beaucoup plus.

Plusieurs intervenants ont regretté que ce budget prévoie de nouvelles diminutions d'effectifs. En effet, en 2008, 234 postes équivalents temps plein travaillé seront supprimés par rapport à 2007 (M. Jean-Louis Carrère s'exclame), ce qui entraîne une baisse de 1,5 % des effectifs du ministère des affaires étrangères et européennes. Vous avez relevé, à juste titre, que les emplois du ministère ont déjà connu tout au long de ces dernières années une baisse continue, de l'ordre de 12 % sur les dix dernières années.

J'en ai évidemment bien conscience, à réseau constant, une limite sera rapidement atteinte, si elle ne l'est déjà. J'estime cependant qu'une autre approche est possible,...

M. Bernard Kouchner, ministre. ...précisément, comme je le disais tout à l'heure, en réorganisant différemment notre présence dans le monde. Il ne faut pas se leurrer : le ministère des affaires étrangères et européennes, comme l'ensemble des administrations de l'État, sera soumis au cours des prochaines années à la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire titulaire sur deux partant à la retraite. Il faut donc anticiper sur cette évolution, organiser les redéploiements indispensables, et concevoir cette nouvelle cartographie souple et modulaire de notre réseau, que j'appelle de mes voeux.

Plusieurs d'entre vous ont mentionné le contrat de modernisation qui a été signé en 2006 entre le Quai d'Orsay et Bercy et évoqué le bilan qui peut en être dressé. Ce contrat, qui garantit sur trois ans les moyens de fonctionnement du ministère et qui organise l'évolution des effectifs, s'achèvera à la fin de l'année 2008. II a certainement contribué à donner plus de souplesse de gestion à nos services tout en organisant un retour des gains de productivité grâce aux restructurations qui ont été mises en oeuvre. Je pense notamment à l'amélioration des primes pour nos personnels servant à l'administration centrale.

La lettre de mission que j'ai reçue du Président de la République et du Premier ministre me fixe comme objectif de préparer pour l'année 2009 et pour les années suivantes un nouveau contrat de modernisation. Je souhaite lui conférer une dimension plus ambitieuse, notamment en y incorporant les évolutions indispensables de notre réseau. Je suis évidemment à la disposition de votre assemblée pour lui fournir, le moment venu, un bilan complet d'exécution du contrat de modernisation qui s'achèvera cette année.

Un mot sur les questions immobilières évoquées par MM Adrien Gouteyron et Yves Pozzo di Borgo. Vous avez raison, des progrès importants dans la gestion du très considérable parc immobilier de l'État à l'étranger doivent être accomplis, même si beaucoup a déjà été fait ces dernières années pour remettre de l'ordre. Le problème n'est pas simple, car chaque cas est différent, selon le pays, les lois qui y sont applicables.

Le regroupement de nos implantations sur des sites uniques doit être organisé partout où cela est possible, ne serait-ce que pour d'évidentes questions de sécurité, et je rejoins sur ce point totalement les observations de M. Yves Pozzo di Borgo.

J'ai déjà informé vos commissions des finances et des affaires étrangères de ma volonté de réformer en profondeur ce secteur : j'envisage en effet de confier la gestion de nos propriétés et de nos biens à l'étranger à un opérateur extérieur qui assurerait ainsi les travaux de construction, de maintenance et d'entretien de notre parc, évidemment sous le contrôle de l'État, comme cela a été fait pour la Poste et pour le ministère de la justice. En seraient chargées des personnes bien évidemment qualifiées dans le contrôle des propriétés de l'État. Les Anglais ont procédé ainsi ; un tel schéma est particulièrement adapté à la spécificité des implantations immobilières de l'État à l'étranger.

Je souhaite que l'externalisation de notre parc immobilier à laquelle je viens de faire référence puisse être mise en oeuvre dès que possible. Cependant, je voudrais vous rassurer : il ne s'agit pas de déposséder l'État de ses propriétés. Au contraire, il s'agit de rationaliser et de rendre plus productifs ces regroupements.

Je suis avec une grande attention le dossier, évoqué par M. Yves Pozzo di Borgo, du regroupement de nos services d'administration centrale, qui nous permettra de passer enfin à une organisation sur deux sites, au lieu de neuf, à Paris. Ce chantier, qui est très important pour le ministère et, surtout, pour ses agents, améliorera considérablement les conditions de travail de nos personnels, tout en permettant de réaliser d'importants gains de productivité. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'organiserai volontiers pour vous une visite du chantier de la rue de la Convention, qui n'est pas loin d'ici.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous seriez, comme je l'ai été, impressionnés. À cette occasion, nous pourrions également visiter le chantier de La Courneuve, où est en construction un vaste bâtiment destiné à abriter nos archives.

L'amélioration des conditions de travail de nos agents sera manifeste. Le regroupement sur deux sites à Paris - le quai d'Orsay et la Convention - de l'ensemble de nos bureaux devrait théoriquement intervenir à la fin de l'année 2008 ou au début de 2009.

Je réponds maintenant à M. Adrien Gouteyron au sujet de la Maison de la francophonie. Je le remercie de m'avoir alerté sur ce dossier lors de notre première rencontre ici même, en juillet dernier. Je pense que, depuis lors, nous avons fait des progrès.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. Bernard Kouchner, ministre. Dans quelques jours, la mission conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires étrangères, appuyée par le Conseil général des Ponts et Chaussées, rendra ses conclusions au Gouvernement. Toutes les formules de localisation possibles seront passées en revue et analysées, y compris celle de l'avenue de Ségur, chacune avec ses avantages et ses inconvénients.

Au vu de ce rapport, le Premier Ministre arrêtera ses décisions, je l'espère, d'ici à la fin de l'année. Bien sûr, l'engagement pris par la France de rendre possible ce projet de Maison de la francophonie sera tenu ; je l'ai redit au Président Adbou Diouf, que j'ai reçu mercredi dernier.

J'en viens au troisième point : nos contributions aux organisations internationales. MM. Adrien Gouteyron, Yves Pozzo di Borgo, André Rouvière et d'autres se sont exprimés sur ce dossier.

Au cours de ces dernières années, un écart préoccupant a été constaté entre, d'une part, les crédits inscrits au budget pour que la France soit en mesure de payer ses quotes-parts aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et, d'autre part, les besoins réels de financement. Cette situation n'est pas tenable. La Haute Assemblée s'en est à juste titre inquiétée.

Je me suis personnellement mobilisé cet été lors de la préparation du budget pour 2008 afin que cette situation soit corrigée. Une première décision a été prise : 40 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à ces contributions.

Mais - plusieurs d'entre vous l'ont souligné - se pose dès maintenant la question du financement en 2008 de l'opération de maintien de la paix au Darfour. Je tiens à le redire avec force devant votre assemblée : le déploiement de la force hybride au Darfour - je vous indiquerai tout à l'heure où en est cette opération, mais il n'y a pas de quoi se vanter - et celui de la force européenne dans l'est du Tchad et en République centrafricaine constituent tous deux un impératif pour tenter de stabiliser enfin cette région, prévenir de nouveaux afflux de réfugiés et créer les conditions d'un accès des organisations humanitaires aux populations.

Il nous faut donc connaître avec plus de précisions le coût de cette opération, qui fait encore l'objet de discussions à New York. Une première estimation de la quote-part française à l'opération au Darfour - elle s'établirait à 110 millions d'euros environ - a été avancée. Elle doit encore faire l'objet d'une validation avec les instances de décision de l'ONU.

Le Parlement a souhaité, à juste titre, que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires en vue de la couverture financière de cette quote-part dès la loi de finances initiale. J'ai donc le plaisir de vous annoncer, ainsi que le Premier ministre m'y a autorisé, - mon collègue Éric Woerth en a déjà informé M. Jean Arthuis - que le Gouvernement amendera dans les tout prochains jours le projet de loi de finances pour 2008 en vue d'inscrire des crédits complémentaires, en sus des 40 millions d'euros d'ores et déjà prévus, pour l'opération de maintien de la paix au Darfour.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, et Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre. Je vous précise par ailleurs que le collectif budgétaire 2007, dont votre assemblée est saisie, ouvre 117 millions d'euros de crédits supplémentaires au titre de nos contributions internationales, de sorte que la France puisse être totalement à jour de ses paiements aux Nations unies et aux autres organisations internationales d'ici à la fin de cette année. Vous conviendrez que, en ce domaine, nous aurons fait ce que nous pouvions !

J'en viens maintenant - c'est mon quatrième point - aux questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France.

La Haute Assemblée porte une attention très particulière à ces questions. À cet égard, je salue le travail inlassable que fournissent les sénateurs qui représentent les Français établis hors de France.

Je ferai d'abord le point sur la question de la scolarité à l'étranger et sur l'AEFE, sujet que je sais être au coeur de vos préoccupations. M. Adrien Gouteyron a évoqué une sorte de « quadrature du cercle » ; M. David Assouline a lui parlé d'un « modèle en péril » ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'est interrogée sur la capacité de l'AEFE à faire face à ses obligations.

Mon sentiment est que nous nous trouvons à la croisée des chemins. Nous nous le sommes dit entre nous à plusieurs reprises. Nous avons un double devoir : celui, d'une part, de garantir les conditions d'accès à l'enseignement français pour l'ensemble des familles françaises qui résident temporairement ou durablement à l'étranger ; celui, d'autre part, et je le place sur le même plan, de maintenir la formidable vocation de notre réseau de lycées à l'étranger à scolariser des enfants étrangers.

J'arrive d'Éthiopie - je ne vais pas vous raconter ma vie, car je n'en ai pas le temps, mais c'est dommage !  (Sourires) -, où l'on demande un nombre considérable de Français. Nous négligeons ce pays, qui est pourtant l'un des cinq pays majeurs que compte l'Afrique. L'Éthiopie nous demande en permanence des enseignants. Elle souhaite une école normale pour former des Éthiopiens à l'enseignement du Français. Nous sommes incapables de le faire ! Nous essayons, peut-être y arriverons-nous ?

M. Dominique Braye. Il faut aller en Éthiopie !

M. Bernard Kouchner, ministre. L'Éthiopie n'est qu'un exemple. Il faut absolument que nous prenions en compte les enfants étrangers qui souhaitent être scolarisés en Français.

Mon sentiment, je vous l'ai dit, est que nous sommes à la croisée des chemins. Le risque existe effectivement, face à la saturation de notre dispositif, que nous soyons de moins en moins capables d'honorer cette double mission.

C'est pourquoi j'ai souhaité qu'un débat de fond soit engagé sur l'avenir de notre enseignement français à l'étranger, les modalités de son organisation et les conditions de son financement. J'ai décidé de mettre en place, si possible d'ici à la fin de l'année, un comité de réflexion qui pilotera cet exercice - les états généraux mentionnés par Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Robert Hue - duquel devra sortir un plan stratégique pour l'enseignement du français à l'étranger. Je le soumettrai ensuite au Premier Ministre et au Président de la République, comme cela m'a d'ailleurs été demandé dans la lettre de mission que j'ai reçue de leur part. Votre assemblée sera évidemment conviée à participer à la réflexion de ce comité.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué la mise en oeuvre en 2008 de l'engagement pris par le Président de la République d'assurer la prise en charge de la scolarité des élèves français dans nos lycées à l'étranger. Nous commençons dès cette année scolaire, comme vous l'avez rappelé, monsieur Robert del Picchia, par la prise en charge du coût de la scolarité des élèves de terminale. Vos arguments étaient justes : on ne peut pas tout faire d'un coup, il fallait commencer par là. L'objectif est bien entendu d'assurer, l'année prochaine, la gratuité de la scolarité pour la classe de première, puis, l'année d'après, pour la seconde.

Ce n'est un secret pour personne - ma franchise m'oblige à vous le rappeler - que ce n'était pas la manière que j'avais préconisée. Je peux me tromper d'ailleurs. Il me semblait en effet que des bourses auraient été mieux adaptées. Nous verrons bien. On peut y réfléchir. En tout cas, un geste significatif a été fait et il a évidemment été très bien accueilli par les parents d'élèves.

Par ailleurs, il est légitime, vous en conviendrez, de se poser la question d'une limite, sinon, vous l'avez dit, le dispositif financier ne pourra plus être contrôlé. Il risquerait d'entraîner une explosion des frais de scolarité.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Bernard Kouchner, ministre. Je remercie MM. Robert del Picchia et Adrien Gouteyron de leur réflexion sur ce sujet. Il nous faudra nous adapter.

M. Dominique Braye. Bien sûr !

M. Bernard Kouchner, ministre. Ensuite, nous engageons en 2008 un réel effort de remise à niveau de nos lycées sur le plan immobilier. Les besoins sont grands : 8,5 millions d'euros supplémentaires seront prévus à ce titre. Ils constituent là encore la première tranche d'un effort indispensable, qui n'a été que trop longtemps différé. Je tiens à rassurer M. David Assouline sur ce point : l'effort que nous amorçons en 2008 devra évidemment être poursuivi dans la durée, compte tenu de l'ampleur des besoins de nos établissements, y compris en termes de sécurité.

M. Robert del Picchia. Effectivement !

M. Bernard Kouchner, ministre. J'en viens à un autre point évoqué par plusieurs des intervenants, celui de notre politique des visas.

Le budget 2008 traduit, comme vous l'avez noté, les conséquences de la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, c'est-à-dire le transfert vers ce ministère des moyens jusque-là inscrits au budget des affaires étrangères au titre de l'asile et du service des visas à Paris et à Nantes.

Je pense qu'il est essentiel que le ministère des affaires étrangères et européennes conserve une responsabilité importante en matière de politique des visas. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit). Je le souhaite. J'ai fait passer cette idée, car les considérations ne sont pas seulement d'ordre migratoire.

Je vous rappelle qu'une réunion s'est tenue avec l'Italie hier et que la régulation des flux migratoires a été arrêtée en commun entre le Gouvernement de gauche de M. Prodi et le gouvernement de droite de M. Fillon.

M. Yves Pozzo di Borgo. De centre droit !

M. Bernard Kouchner, ministre. On peut débattre pour savoir s'ils sont bien respectivement de gauche et droite, mais je ne vous entraînerai pas, hélas, dans ce débat ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Il devient compliqué !

M. Dominique Braye. Il y a ceux qui sont aux affaires et ceux qui ne le sont pas !

M. Bernard Kouchner, ministre. Il est compliqué, mais la politique d'immigration aussi semblait être compliquée. Finalement, elle nous est maintenant commune !

Nous avons atteint, lors des discussions sur les attributions confiées à M. Brice Hortefeux, un bon équilibre sur ce point en posant le principe d'une responsabilité conjointe sur la politique des visas. Nous nous sommes également mis d'accord entre nous sur le fait que l'organisation, le fonctionnement et les moyens de nos consulats devaient continuer de relever du Quai d'Orsay.

J'ai bien entendu les observations de M. David Assouline sur l'accueil des étudiants étrangers en France et sur les conditions de délivrance des visas à leur profit. C'est vrai qu'il nous faut dans ce domaine une politique plus ambitieuse et des conditions d'accueil meilleures.

Les campus vont être améliorés - vous avez entendu le discours du Président de la République -, mais cela prendra du temps. Il n'empêche qu'une décision majeure a été prise. Si on compare les campus des autres pays aux nôtres, il est vrai que l'accueil des étudiants étrangers se fait souvent dans des conditions épouvantables.

Il ne saurait être question de ramener cette dimension essentielle de notre attractivité à une simple approche migratoire. CampusFrance est une première réponse au défi que nous devons tous relever de faire de nouveau de notre pays une destination privilégiée pour les étudiants étrangers. De ce point de vue, vous avez raison d'insister sur la nécessité d'étendre au sein de nos ambassades les centres pour les études en France, car ils ont, je pense, significativement contribué à améliorer l'accueil des étudiants étrangers.

Je ferai maintenant quelques commentaires, avant de répondre plus précisément à certains d'entre vous, sur notre diplomatie culturelle.

Les deux rapporteurs, M. David Assouline et Mme Monique Cerisier-ben Guiga, ainsi que Mme Catherine Tasca, ont très justement souligné l'originalité de nos actions dans ce domaine, mais aussi la nécessité de clarifier nos priorités et notre organisation, tout en regrettant, une fois de plus, la modicité des moyens que nous y consacrons.

En réponse à leurs observations, je tiens tout d'abord à souligner l'importance que j'attache à notre politique culturelle, car elle constitue l'originalité de notre diplomatie autant que son indispensable accompagnement. Je suis convaincu que nous avons un intérêt fondamental, je dirais même stratégique, à maintenir une présence culturelle forte, à promouvoir dans la mondialisation notre conception de la diversité culturelle, à valoriser nos idées, nos concepts, nos savoirs. Bref, il s'agit d'accompagner nos intérêts politiques par ce que j'appelle une « diplomatie publique d'influence ».

M. David Assouline a parlé d'une « réforme inachevée » de notre réseau culturel ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga a déploré, à juste titre, l'érosion des budgets que l'État consacre à sa diplomatie culturelle. Les moyens que la France consacre à son ambition sont effectivement trop limités : de l'ordre d'une centaine de millions d'euros sont inscrits sur le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique ». Ce montant est du même ordre de grandeur que la subvention de l'État à l'Opéra de Paris ! Nous avons réussi à maintenir en 2008 les crédits au même niveau qu'en 2007 - cela n'a pas été facile -, mais c'est insuffisant.

Cela étant, je partage entièrement vos analyses : des évolutions dans notre dispositif sont indispensables. Nous y travaillons d'ailleurs selon quatre axes. Le premier est le recentrage de la direction générale de la coopération internationale et du développement vers son métier de pilotage stratégique et de tutelle des opérateurs. Le deuxième axe est la concentration accrue de nos moyens en fonction de véritables priorités géographiques - j'y reviendrai tout à l'heure. Le troisième axe est la réorganisation de notre réseau culturel afin de lui conférer plus de souplesse, en mettant fin à tous les doublons entre les centres culturels et les alliances françaises. Ce n'est pas facile, car l'Alliance française subvient pour partie elle-même à ses besoins, alors que cette pratique de l'autofinancement en est à ses balbutiements pour les centres culturels, même si les progrès sont notables. Une harmonisation est nécessaire, mais elle n'est pas simple, d'autant qu'il faut non pas réduire notre influence culturelle, mais l'augmenter. Le quatrième axe, enfin, est l'évolution vers des partenariats de tous ordres avec des institutions étrangères. Telles sont les orientations de la politique que je compte mettre en oeuvre dans ce domaine.

M. David Assouline et Mme Monique Cerisier-ben Guiga se sont exprimés sur CulturesFrance. Je pense que sa création était une nécessité, même s'il faut aujourd'hui amener cet opérateur à concentrer ses activités sur un nombre de priorités mieux définies. C'est l'objet d'un contrat d'objectifs et de moyens que nos services ont passé cette année avec CultureFrance. Il faut aussi s'interroger sur le statut de cet opérateur. À cet égard, je rejoins votre analyse sur le fait que son statut actuel de simple association loi de 1901 limite probablement ses capacités d'action.

Faut-il dès maintenant opter pour un régime d'établissement public ? À mon sens, au moment où nous réfléchissons intensément à la réorganisation de nos dispositifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il est prudent d'attendre les décisions qui seront prises d'ici à la fin du mois de mars prochain.

Cela dit, je reste a priori convaincu de l'intérêt de la proposition de loi de M. Louis Duvernois relative à la création de l'établissement public CulturesFrance, que le Sénat a déjà adoptée.

Je souhaiterais également aborder la réforme de notre politique audiovisuelle extérieure, qui a été évoquée par Mme Catherine Tasca. Certes, et cela a été souligné, les crédits correspondants relèvent non pas de la mission « Action extérieure de l'État », mais de la mission « Médias », dont vous avez débattu jeudi soir.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a présenté un rapport sur ce dossier majeur. Une telle question ne peut pas être détachée de notre action diplomatique et de ses moyens d'action, qui pâtiraient d'une absence de politique audiovisuelle extérieure de qualité.

Chaque jour, la nécessité de disposer d'outils puissants me semble plus évidente tant la bataille des idées se gagne aujourd'hui non seulement par les images de télévision, mais également par Internet et par la radio.

Année après année, la Haute Assemblée déplore à juste titre l'éparpillement de nos moyens, le manque de lisibilité de nos opérateurs et l'absence de direction stratégique.

C'est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre nous ont confié la mission, à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, et à moi-même, de présenter les éléments d'une réorganisation en profondeur. Nous avons remis nos conclusions jeudi dernier au Président de la République.

Un très intense travail de fond a été entrepris pour identifier les schémas possibles et les orientations sont aujourd'hui tracées.

Il est nécessaire de mettre en place une instance de pilotage stratégique commune à l'ensemble de nos opérateurs, télévision et radio, de trouver une complémentarité entre RFI et France 24 pour doter nos opérateurs chargés de l'information d'une masse critique suffisante, d'ouvrir notre audiovisuel extérieur aux nouveaux médias par Internet et d'en préserver le caractère francophone. (Murmures.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous le voulez bien, je vais vous expliquer de quoi il s'agit et vous verrez que de telles propositions sont opérationnelles.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. À condition que l'on nous écoute ! Le Parlement n'a pas été consulté sur le sujet et nous avons appris l'existence du document que vous mentionnez par voie de presse !

M. Bernard Kouchner, ministre. Certes, monsieur le rapporteur pour avis, mais nous avons dû effectuer un travail nécessaire avant de remettre nos conclusions au Président de la République.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Et alors ? Le Parlement, cela existe également !

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais vous aurez l'occasion d'en discuter et de rencontrer les organisations syndicales et les différents acteurs concernés par ce dossier.

Vous savez très bien que nous ne déciderons pas subitement demain la création d'une nouvelle chaîne et de sa direction générale stratégique ! Ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit.

D'ailleurs, permettez-moi de vous présenter le dispositif.

Je vous rassure d'emblée, aucune décision n'a été prise pour le moment.

Actuellement, il existe trois entités, en l'occurrence TV5, qui est une chaîne internationale généraliste de télévision francophone, France 24, qui est chaîne de télévision d'informations francophones en continu, et la chaîne de radio RFI, qui est un merveilleux instrument et qui a une diffusion majeure.

Nous demanderons simplement aux journalistes de RFI si l'idée de travailler également dans le secteur télévisuel les intéresserait. Et, en cas d'accord de leur part, il faudra encore les former. Vous le voyez, tout cela exigera du temps et fera l'objet de consultations et de discussions.

Quoi qu'il en soit, le projet ne contient aucun piège. Au contraire, je le crois même très positif.

M. Dominique Braye. C'est fini !

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur, laissez-moi finir avant de dire que j'ai fini ! (Sourires.)

À présent, je voudrais répondre aux observations et aux interrogations des différents orateurs qui se sont succédé.

Monsieur Yves Pozzo di Borgo, vous avez évoqué, comme d'autres intervenants, la question de l'alliance avec les États-Unis et de la position d'équilibre de la France. Je peux vous répondre avec d'autant plus de sérénité que je suis moi-même peu suspect en la matière. Vous vous trompez, monsieur le sénateur. Il n'y a pas d'alignement sur les États-Unis !

M. Yves Pozzo di Borgo. Je n'ai jamais dit ça !

M. Bernard Kouchner, ministre. Simplement, une nouvelle relation s'est établie avec les États-Unis. L'antiaméricanisme n'est pas le socle de notre diplomatie.

Et avoir rétabli une relation de confiance avec nos partenaires, nos amis et nos alliés américains nous permet justement d'exprimer nos désaccords lorsque nous en avons.

Cela se manifeste d'ailleurs de manière flagrante dans un certain nombre de domaines.

Je pense notamment à la question du réchauffement climatique, sur laquelle nous sommes aujourd'hui les seuls à pouvoir faire évoluer, même si cela reste insuffisant, la position des États-Unis.

De même, certains ont fait référence à notre action à l'égard du Liban. En l'occurrence, c'est sans l'accord de nos amis américains que nous avons développé une nouvelle politique, dont nous espérons des résultats tangibles cette semaine ou la semaine prochaine. Nous avons insisté auprès de Washington et, compte tenu des nouvelles relations de confiance que nous entretenons désormais avec eux, les États-Unis nous ont laissé oeuvrer en compagnie de l'Espagne et de l'Italie.

Nous avons constitué un groupe d'action à la disposition des Libanais, en ne choisissant pas entre les communautés libanaises. Au contraire, toutes, y compris le Hezbollah, ont été invitées à La Celles Saint-Cloud. Dans cet état d'esprit, la situation a, me semble-t-il, évolué dans le bon sens.

J'ai choisi l'exemple du Liban, mais je pourrais en mentionner nombre d'autres. Ce n'est pas parce que nous avons établi des relations de confiance avec les Américains que nous partageons toutes leurs positions.

À cet égard, j'évoquerai brièvement la récente conférence d'Annapolis, qui est presque passée inaperçue en France ou, du moins, qui n'a pas été présentée comme un succès.

Mais, mesdames, messieurs les sénateurs, ne soyez pas plus palestiniens que les Palestiniens ou plus israéliens que les Israéliens ! Eux sont pleins d'espoir !

Nous avons pris part à cette réunion dans le cadre du Quartet, qui, comme vous le savez, se compose notamment des États-Unis, mais également de l'Union européenne. Ainsi, M. Javier Solana, Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, et tous les ministres européens des affaires étrangères ont assisté à la réunion et ont approuvé les engagements qui y ont été pris.

De quoi s'agit-il ? Nous espérons qu'un État palestinien viable sera créé.

Certes, rien n'est garanti et je peux me tromper. Tout le monde peut être désespéré. En effet, qu'il s'agisse de la conférence de Madrid, des accords d'Oslo ou de l'initiative de Genève, nous avons déjà été à plusieurs reprises déçus par l'échec de processus auxquels nous avions initialement cru. Cela pourrait également être le cas pour Annapolis. Mais je pense que le cas de figure est différent, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, la création d'un État palestinien a été décidée lors de cette conférence.

Ensuite, et surtout, Abou Mazen et Ehud Olmert, qui se sont peut-être regroupés parce que chacun était faible face à son propre pouvoir et à son propre gouvernement, ont besoin l'un de l'autre, se sont découverts et se font désormais confiance. Et les Américains sont responsables, parce qu'ils ont organisé cette conférence et qu'ils en ont fait un succès.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le 17 décembre prochain, c'est-à-dire dans très peu de temps, c'est à Paris qu'une conférence internationale des donateurs se réunira afin d'appuyer la mise en place du processus d'Annapolis et que les projets de développement seront mis en oeuvre. Je l'espère, un État palestinien viable, que nous attendons depuis près de quarante ans, sera peut-être enfin créé à côté de l'État d'Israël.

Même si nous devons nous montrer prudents, nous ne pouvons que saluer cela.

C'est donc à Paris que se tiendra la conférence des donateurs sur le plan réalisé par Salem Fayad, le ministre palestinien des finances. Pour ma part, ayant déjà vu la première version de ce plan, je le crois positif. Puis, avec l'imprimatur de la Banque mondiale, on proposera aux donateurs que nous sommes - j'espère que, outre les nations, des fondations pourront également être donatrices - des projets parmi lesquels nous choisirons.

J'espère que cette démarche sera un succès. Mais ne soyons pas négatifs dès le début ! À cet égard, je ne comprends pas certaines réactions - ce n'est pas à vous que le reproche s'adresse, mesdames, messieurs les sénateurs - que j'ai pu entendre lors de mon retour en France. Nous serons pourtant bien contents si le processus lancé à Annapolis aboutit !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour cela, il faudrait d'abord que la colonisation cesse !

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais, madame la sénatrice, avez-vous lu la déclaration finale de la conférence ?

Effectivement, c'est cela que les Palestiniens voulaient ! Permettez-moi de vous dire que notre diplomatie, aidée par nos homologues britanniques, n'a pas été pour rien dans le résultat obtenu. Le Premier ministre israélien a annoncé que la colonisation était gelée et que le démantèlement des implantations illégales était entrepris.

M. Robert del Picchia. C'est vrai ! Il l'a dit !

M. Bernard Kouchner, ministre. C'est précisément ce que demandaient les Palestiniens. Lorsque le Premier ministre israélien a fait une telle annonce, ils l'ont applaudi et ils se sont embrassés.

M. Charles Josselin. Cela aura le même résultat que les résolutions des Nations unies !

M. Bernard Kouchner, ministre. Non, monsieur Charles Josselin ! Parfois, après la guerre, il y a la paix. C'est ce qui est en train de se passer. En tout cas, je le crois, je l'espère et je tiens à le dire. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Certes, je peux me tromper. Si c'est le cas, vous aurez eu raison...

M. Robert Hue. Mais nous ne souhaitons pas avoir raison !

M. Bernard Kouchner, ministre. ...et nous nous en lamenterons ensemble.

Quoi qu'il en soit, encore une fois, ne croyez pas que rétablir des relations normales avec les États-Unis d'Amérique signifie être d'accord sur tout. (M. Robert del Picchia applaudit.)

Cela dit, lorsque nous partageons leurs positions, nous en sommes très heureux et nous le disons.

M. Roger Romani. Et quand nous ne sommes pas d'accord avec eux, par exemple sur l'Irak, il faut également le dire !

M. Robert Hue. Absolument !

M. Bernard Kouchner, ministre. Mais nous l'avons dit !

Seulement, nous souhaitons tous que les Irakiens puissent s'en sortir. Dans ces conditions, il est plus facile d'essayer d'appliquer la résolution des Nations unies du mois d'août dernier, qui donnera, je l'espère, plus d'autonomie à ces populations.

Je pense en avoir terminé, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Et la protection sociale des Français de l'étranger ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Soit ! Monsieur Jean-Pierre Cantegrit, je suis particulièrement sensible à vos propos sur l'aide sociale en faveur de nos compatriotes.

À mon sens, il est à l'honneur de notre pays de se préoccuper - nombre d'autres pays ne le font pas - de la situation de ses compatriotes expatriés et frappés par les accidents de la vie.

Sans doute pourrions-nous faire encore plus dans ce domaine, même si, je le répète, la France est probablement le pays qui fait le plus pour ses compatriotes à l'étranger. C'est une exemplarité qu'il est, me semble-t-il, de notre devoir de maintenir.

Monsieur le sénateur, je partage votre opinion : nous devons réserver la priorité à l'appui en faveur des enfants handicapés français vivant à l'étranger et dont les familles ne disposent souvent pas des ressources suffisantes pour leur éducation ou leur vie quotidienne.

Vous le savez, il s'agit pour moi d'un engagement personnel très fort. L'accès à l'école est fondamental et notre première responsabilité est de veiller à ce que ces enfants puissent être normalement scolarisés grâce au réseau de l'AEFE.

J'imagine que nombre de nos établissements scolaires à l'étranger ne sont pas encore aux normes en termes d'accès des enfants handicapés.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Comme en France !

M. Bernard Kouchner, ministre. Effectivement, monsieur le rapporteur pour avis.

C'est pourquoi je propose d'inclure un volet sur l'accueil des enfants handicapés dans le plan de développement de nos lycées à l'étranger que M. le Président de la République et M. le Premier ministre m'ont chargé de leur soumettre.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, j'ai bien pris note de votre demande concernant la Caisse des Français de l'étranger, institution à laquelle nos compatriotes expatriés sont attachés.

Vous l'avez déclaré, la subvention que vous recevrez de la part de mon ministère au titre de l'année 2008 ne permettra pas de financer l'accroissement de la part de l'État pour la troisième catégorie.

Dans ces conditions, je vous propose de nous fixer rendez-vous pour l'année 2009. Nous défendrons alors une telle mesure et j'espère que je pourrai vous satisfaire à ce moment-là.

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur Robert del Picchia, les indemnités dues aux élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, qu'il s'agisse de l'indemnité forfaitaire semestrielle ou de l'indemnité mensuelle de fonction, sont évidemment intégralement financées pour l'année 2008. Elles seront donc acquittées en temps et en heure.

Je partage votre opinion s'agissant du vote par Internet. Vous suggérez de mettre en place un comité de suivi. Je propose d'organiser une réunion spécifique sur ce point au Quai d'Orsay, afin de ne pas manquer cette année le terme que vous avez souligné.

J'en viens à présent aux opérations extérieures.

D'abord, il est difficile d'anticiper de telles opérations. Certaines sont prévisibles ; d'autres non.

S'agissant du Darfour, nous n'obtenons effectivement pas les résultats souhaités. Nous avons été confrontés à des difficultés un peu prévisibles et il y a un grand retard à l'arrivée. Vous avez mentionné les 20 000 soldats attendus sur place. À l'origine, le chiffre théoriquement prévu était de 26 000. Mais, pour le moment, presque personne n'est arrivé.

Les difficultés se multiplient. Il est clair qu'elles viennent toutes du gouvernement de Khartoum. D'ailleurs, elles ont été dénoncées hier par notre compatriote Jean-Marie Guéhenno, le responsable du Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU.

Quel sera le coût d'une telle opération ?

Au Tchad, - nous nous honorons d'une telle action, surtout après ce qui s'est passé récemment - il s'agit d'une opération européenne. Les soldats sont déjà prêts et en nombre suffisant. Ils viennent de sept pays et d'autres nations devraient bientôt nous rejoindre.

Cette opération militaire est financée par le ministère de la défense. En revanche, le Quai d'Orsay participe au financement des actions des Nations unies. Ne faisons donc pas de confusion entre les deux.

Si notre opération au Tchad est, pour le moment, un peu retardée, c'est uniquement parce que nous ne trouvons pas suffisamment d'hélicoptères pour établir la liaison entre les trois hôpitaux de campagne qui seront déployés.

En fait, il s'agit d'une opération de développement. Nous voulons que les Tchadiens puissent eux-mêmes reconstruire, en compagnie des ONG, les villages détruits par les invasions de milices venues du Darfour.

Cette opération, qui, je le crois, honore notre pays - la résolution, que nous avons proposée, a en effet été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité - se concrétisera, et dans un avenir proche. L'opération Tchad et République Centrafricaine, qui ne sera pas en charge des frontières avec le Soudan, se fera peut-être même avant celle des Nations unies. Il s'agit, je le rappelle, d'une opération mixte Union européenne-États-Unis.

Je voudrais répondre à M Jean-Louis Carrère car ses propos m'ont choqué. Vous ne pouvez pas dire, monsieur le sénateur, qu'il n'y aurait pas assez de crédits et pas de propositions en matière de lutte contre la pauvreté. Non seulement nous avons persisté, mais nous signons ! D'abord, un gros effort est fait sur l'environnement, et vous le savez, environnement et pauvreté s'analysent désormais conjointement.

Par ailleurs, en contribution par habitant, notre pays est toujours le premier donateur en matière de lutte contre le sida. Évidemment, le problème est multinational et les pays les plus pauvres sont évidemment ceux que la maladie frappe le plus.

M. Bernard Kouchner, ministre. Nous sommes aujourd'hui le 1er décembre, Journée mondiale de lutte contre le sida, et le Président de la République reçoit en ce moment même les associations ; j'aurais d'ailleurs participé à cette rencontre si je n'avais pas été devant vous ce matin. Nous avons donné et garanti 300 millions d'euros pour trois ans pour le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ce qui est considérable !

Quant au Fonds européen de développement - budget énorme -, c'est 25 % d'argent français, ce qui est tout de même beaucoup. En outre, nous sommes les seuls à essayer de maintenir les objectifs du Millénaire. L'Agence française de développement, que vous ne comptez pas, reçoit 390 millions d'euros du Quai d'Orsay.

De nouvelles initiatives seront inscrites l'année prochaine pour la gestion économique dans les pays en développement.

Nous faisons vraiment ce que nous pouvons.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Et l'indicateur de Shanghai ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur David Assouline, la création d'un indicateur européen de classement des universités, selon des critères plus conformes à notre tradition humaniste, à notre façon d'enseigner, légèrement différente de celle des pays anglo-saxons, est une excellente idée, dont je vous remercie. Je propose que nous la travaillions, notamment avec nos amis slovènes, afin que, au moment de la présidence française de l'Union, elle soit présentée comme une initiative européenne. Nous disposerions ainsi d'une liste des universités européennes mieux adaptée à nos cultures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous avons une décision à prendre, mes chers collègues, quant à la poursuite de nos travaux. Je crois savoir qu'une brève suspension de séance est prévue concernant les amendements de M. Gouteyron et la discussion des amendements risque de prendre du temps ; des demandes de scrutin public ont également été déposées : ne serait-il pas préférable de suspendre la séance ?

La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. À titre personnel, il me paraît préférable de poursuivre sur notre lancée.

Mme Catherine Tasca et M. Robert del Picchia. Tout à fait !

M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères. Je fonde les plus grands espoirs sur la concision de nos collègues, et nous connaissons l'esprit de synthèse du rapporteur spécial M. Gouteyron.

M. le président. Je suis à l'entière disposition du Sénat. Je ne voudrais pas remettre en cause les desiderata de mes collègues, mais nous devons pouvoir siéger dans les meilleures conditions. La logique voudrait que nous suspendions.

Quel est l'avis de la commission des finances ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nos discussions peuvent aller très vite, tout dépend de chacun des intervenants. Le rapporteur spécial, Adrien Gouteyron, saura certainement faire preuve de concision. Pour autant, nous avons tous fait l'expérience de débats qui devaient être brefs et qui s'éternisaient.

La commission des finances présente quelques amendements fondés sur une vraie conviction. Or je ne suis pas sûr que celle-ci soit partagée par le Gouvernement, ni même encore complètement par le Sénat.

Par conséquent, nous ne voudrions pas escamoter ce débat. Je rappelle que nous sommes d'abord dans une discussion budgétaire et que ce point de vue doit prévaloir. Je ne m'oppose pas à la poursuite de la séance, mais je ne serais pas étonné que nous terminions au-delà de treize heures trente.

M. Jean-Louis Carrère. Nous verrons bien !

M. Roger Romani. Le groupe UMP sera concis.

Action extérieure de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article additionnel avant l'article 41

M. le président. Je consulte le Sénat sur la poursuite de nos travaux.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Nous allons donc procéder à l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » figurant à l'état B.

État b

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action extérieure de l'État

2 282 058 924

2 265 836 378

Action de la France en Europe et dans le monde

1 486 685 443

1 470 462 897

Dont titre 2

499 306 631

499 306 631

Rayonnement culturel et scientifique

486 171 567

486 171 567

Dont titre 2

93 255 447

93 255 447

Français à l'étranger et étrangers en France (ligne supprimée)

Dont titre 2 (ligne supprimée)

Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnes (ligne nouvelle)

309 201 914

309 201 914

Dont titre 2 (ligne nouvelle)

189 931 150

189 931 150

M. le président. L'amendement n° II-40 rectifié, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

 

 

 

 

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

 

 

 

 

Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnesDont Titre 2

 

6.500.000

 

6.500.000

TOTAL

 

6.500.000

6.500.000

SOLDE

- 6.500.000

- 6.500.000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Je vais essayer de répondre à l'invite pressante de concision du vice-président de la commission des affaires étrangères, du président de la commission des finances et de mes collègues.

Le sujet est important et mérite un débat. Par cet amendement, nous proposons de réduire les crédits dévolus à l'action 03 « Instructions des demandes de visa » du programme 151, afin d'inviter le Gouvernement à les inscrire sur la mission adéquate, la mission « Immigration, asile et intégration ». Il s'agit de corriger une erreur d'imputation.

Cet amendement est issu de missions de contrôle que j'ai réalisées auprès des services des visas. J'ai en effet constaté, au cours de ces missions, le trop grand cloisonnement des administrations en matière d'accueil des ressortissants étrangers, cloisonnement qui se traduit sur le plan informatique. J'ai également noté l'effort de cohérence du Gouvernement, conformément aux priorités énoncées par le Président de la République en matière de politique de l'immigration.

Ainsi, les nouveaux développements consacrés aux projets informatiques concernant les ressortissants étrangers sont regroupés sur l'action 04 du programme « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Il en est ainsi du projet « Grégoire », qui était précédemment géré par le ministère de l'intérieur, des fichiers PRENAT et TRINAT, qui gèrent les données relatives aux naturalisations, ainsi que du projet Eurodac, la déclinaison du règlement européen prévoyant la mise en place d'un système européen de comparaison des empreintes digitales visant à vérifier si un demandeur d'asile ou un ressortissant étranger se trouvant illégalement sur le territoire a déjà formulé une demande dans un autre État.

Le pilotage de la dépense informatique relative aux ressortissants étrangers par un gestionnaire unique correspond à un double objectif : d'une part, l'intégration du traitement des dossiers des étrangers pour limiter le temps de gestion et faciliter la vie des personnes concernées ; d'autre part, l'intégration des différentes applications dans le système informatique commun aux pays de l'espace Schengen.

J'indique simplement, monsieur le ministre, que je me suis fié au « bleu budgétaire » pour rédiger cet amendement et établir le montant de la réduction de crédits à 6,5 millions d'euros. Pour affiner la discussion, il conviendrait vraisemblablement de distinguer les crédits concernant l'administration centrale, qui mériteraient indéniablement d'être transférés, des crédits du réseau.

Tel est l'objet de cet amendement de cohérence. Je ne l'aurais pas proposé si je ne l'estimais pas justifié, monsieur le ministre, mais je crois savoir qu'il vous pose quelques problèmes, ainsi qu'à votre administration. Je souhaite, bien entendu, connaître la position du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, il est vrai que votre amendement pose quelques problèmes. Je partage vos objectifs : vous voulez mettre en place des systèmes informatiques cohérents, compatibles et unifiés entre les administrations chargées des étrangers, c'est-à-dire le ministère de l'immigration, les consulats et les préfectures. Autrement dit, il s'agit d'intégrer les dispositifs informatiques au sein d'une seule chaîne.

J'ai d'ailleurs fait deux propositions en ce sens à M. Brice Hortefeux, qui feront l'objet d'un échange de lettres entre nous. Il s'agit, d'une part, d'instaurer une maîtrise d'ouvrage commune sur les projets informatiques portant sur l'accueil des étrangers et, d'autre part, de mettre en place, au début de l'année prochaine, un comité de pilotage entre nos directions informatiques, afin de développer le futur système intégré commun à nos administrations qui deviendra un jour, je l'espère, européen. Cela pourrait aller plus vite qu'on ne le croit, si j'en juge par ce qui s'est passé entre l'Italie et nous hier.

Cela étant, vous l'avez vous-même fait remarquer, nous avons trouvé un point d'équilibre dans la répartition des compétences et des attributions entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'immigration, et cela n'a pas été simple. Ce point d'équilibre, qui a fait l'objet d'un arbitrage au plus haut niveau de l'État, me conduit à affirmer notre responsabilité pleine et entière sur l'organisation, le fonctionnement et l'allocation des moyens à nos consulats.

Le Gouvernement ne souhaite pas que ce point d'équilibre soit modifié par le biais de ce transfert de crédits informatiques. Je vous précise, en effet, que les crédits informatiques dont vous souhaitez le transfert sont intégralement destinés au développement des logiciels et à l'équipement en ordinateurs de nos consulats.

Je pense que les indications précises que je vous ai données sur la conduite coordonnée de nos projets informatiques devraient vous influencer, et je vous livre l'avis défavorable du Gouvernement sur votre amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais me permettre d'insister, monsieur le ministre, sur les systèmes informatiques. Je prendrai comme référence un référé de la Cour des comptes, adressé à votre prédécesseur, le 30 novembre 2006, relatif aux systèmes d'information du ministère des affaires étrangères.

Je cite un paragraphe concernant les marchés : « Lors de son contrôle, la Cour avait relevé une nouvelle fois, s'agissant du ministère des affaires étrangères, plusieurs graves insuffisances : une absence de transparence sur les conditions de mise en concurrence, un manque de rigueur dans la gestion budgétaire et financière (nomenclature non respectée, imputations erronées ou multiples, négligence dans la vérification des facturations), un laxisme comptable se traduisant par la non-réclamation des remises contractuelles - qui sont pourtant souvent un élément important du choix du titulaire du marché. La DSI a pris des mesures correctrices, et en particulier créé un service facturier : il est d'autant plus nécessaire de maintenir cette orientation que les manquements aux règles fixées par le code des marchés publics sont trop souvent notoires au ministère des affaires étrangères. »

C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister sur ce point, monsieur le ministre. Dès que nous aurons terminé nos exercices budgétaires, si le rapporteur spécial, Adrien Gouteyron, en est d'accord, la commission des finances pourrait organiser une audition sur ce thème particulier des systèmes d'information.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires étrangères.

M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères est sensible aux préoccupations exprimées par M. le rapporteur spécial. Au reste, elle a le sentiment qu'il existe une identité de vue entre le Gouvernement et la commission des finances en ce qui concerne les objectifs poursuivis.

Cela étant, s'agissant de la mise en oeuvre de cet objectif commun, je partage plutôt l'avis de M. le ministre. L'équilibre actuel est le résultat d'une négociation qui n'a pas dû être facile et qui s'est terminée, nous a-t-il dit, au plus haut niveau. En l'occurrence, je pense que le Sénat serait malvenu d'interférer dans cette discussion. J'espère que M. le rapporteur spécial ne nous en voudra pas d'adopter cette position.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-40 rectifié est-il maintenu ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. J'apprécie les propos mesurés de M. le président de la commission des affaires étrangères.

J'ai parfaitement compris les raisons, disons d'opportunité, d'équilibre politique, qui président à la répartition des compétences entre les deux ministères.

La commission des finances, j'en suis persuadé, reviendra sur ce sujet. Et ma conviction, monsieur le ministre, est que vous serez conduit, par la force des choses, à emprunter la voie qui est tracée par cet amendement. Mon objectif était simplement d'accélérer un peu la marche.

Je le répète, je reconnais les raisons politiques, fortes, qui déterminent votre position. Par conséquent, je m'y range et, avec l'accord de M. le président de la commission des finances, je retire cet amendement.

M. le président. Je prends acte de votre décision, monsieur le rapporteur spécial, mais je vais donner exceptionnellement la parole à M. Charles Josselin, pour explication de vote. (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Robert del Picchia. L'amendement a été retiré !

M. le président. Monsieur del Picchia, je veux bien que vous soyez très exigeant vis-à-vis de la présidence, mais si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais suspendu la séance à treize heures pour la reprendre à quinze heures ! (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)

Si votre volonté est de bâcler les débats, dites-le ! Pour ma part, je pense qu'il faut prendre le temps de discuter de sujets aussi importants.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Monsieur Josselin, vous avez la parole.

M. Charles Josselin. En raison d'une incertitude en matière d'emploi du temps, je n'ai pas pu m'inscrire dans la discussion générale, et je le regrette. Je m'intéresse à cette question depuis longtemps : il y a vingt-cinq ans, j'étais le rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale pour le budget des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, c'est sur la question plus particulière des visas que je voudrais appeler votre attention.

Le document annexe au rapport rappelle que la politique des visas vise à favoriser la venue en France des personnes qui contribuent à la vitalité de la relation bilatérale.

À la fin du mois d'octobre s'est tenu en Corée le Congrès mondial de cités et gouvernements locaux unis, organisation désormais mondiale de l'ensemble des élus du monde. Les Camerounais ont souhaité passer par Paris pour se rendre en Corée. Malgré l'intervention de leur ministre, le visa de transit leur a été refusé ; ils sont dû passer par la Suisse. Dommage !

Voilà quelques années, Hubert Védrine et moi-même avions donné des instructions afin que des facilités soient accordées à ceux qui jouent un rôle positif dans les relations bilatérales. C'est à l'évidence le cas des élus locaux. La coopération décentralisée est aujourd'hui reconnue comme une présence française authentique : elle est d'ailleurs plus visible en Chine que celle de l'État !

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous donniez des instructions afin que l'on n'empêche pas une relation qui repose d'abord sur l'échange et la rencontre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. L'amendement n° II-40 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-95, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

 

5.000.000

 

5.000.000

 

5.000.000

 

5.000.000

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

 

 

 

 

Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnesDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

  5.000.000

 

5.000.000 

SOLDE

- 5.000.000

-5.000.000

L'amendement n° II-96, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

 

2.300.000

 

2.300.000

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

 

 

 

 

Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnesDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

2.300.000

2.300.000

SOLDE

- 2.300.000

- 2.300.000

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter ces deux amendements.

Mme Nathalie Goulet. Je déplore moi aussi que M. le ministre n'ait pas eu le temps de s'exprimer sur l'Afghanistan. L'examen de la mission « Action extérieure de l'État » n'aura pas eu l'ampleur espérée, d'autant que les débats concernant la politique étrangère sont rares.

Les deux amendements que je défends ont été présentés l'année dernière, celle d'avant, et encore l'année précédente, par le sénateur Daniel Goulet. Nous avons de la suite dans les idées dans la famille ! Néanmoins, ils n'ont jamais donné lieu à un débat sérieux.

L'amendement n° II-95 est un amendement d'appel. Il vise à repenser l'organisation des ambassadeurs auprès de la FAO, de la commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes, notamment.

L'amendement n° II-96 est un peu plus sérieux, mais je ne m'obstinerai pas non plus : je le retirerai une fois que le Gouvernement aura pu s'exprimer et me donner la garantie que la question pourra être examinée ultérieurement.

L'Union de l'Europe occidentale, l'UEO, pose problème. Cette assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense n'a plus d'objet social, la totalité de ses missions ayant été transférées au Parlement européen au titre des « missions de Petersberg ».

Elle s'est constituée contra legem en assemblée parlementaire. Je sais que certains de nos collègues ici y siègent, et je connais la position de M. Pozzo di Borgo sur le sujet. Cela étant, qu'il se rassure, je retirerai cet amendement !

En fait, j'aimerais que la France étudie sérieusement la possibilité d'être à l'origine d'une nouvelle assemblée européenne de défense sur des bases légales cohérentes. Il y a en effet un intérêt à avoir une véritable assemblée parlementaire statuant sur les problèmes de défense en dehors de l'assemblée parlementaire de l'OTAN. Pour ma part, je crois que le cadre juridique de l'UEO est périmé.

C'est la raison pour laquelle nous déposons le même amendement depuis quatre ans, sans succès il est vrai, mais avec obstination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Je me souviens effectivement avoir entendu Daniel Goulet défendre un amendement identique concernant l'UEO.

Pour ma part, je ne suis pas insensible à cette argumentation. Je pense que les problèmes posés sont réels.

J'indique cependant que la commission n'a pas débattu de ces amendements. Je m'en remets donc à l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Madame la sénatrice, je partage votre sentiment sur la nécessité de réfléchir à ces problèmes.

S'agissant de l'amendement n° II-95, le Livre blanc nous permettra de conduire une réflexion sur l'ensemble de notre organisation. En attendant, ne stigmatisons pas Monaco, l'UNESCO ou d'autres missions diplomatiques.

Quant à l'amendement n° II-96, ne me demandez pas de supprimer la contribution française à l'UEO au moment où la France doit en prendre la présidence annuelle à partir de janvier.

Je vous prie de m'en excuser, madame, mais le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Madame Goulet, vous avez laissé entendre que vous retireriez les amendements no II-95 et II-96 ?

Mme Nathalie Goulet. Je vous le confirme, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos II-95 et II-96 sont retirés.

L'amendement n° II-39, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

 

 

 

 

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

 

595.930595.930

 

595.930595.930

Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnesDont Titre 2

595.930

595.930

 

595.930

 

595.930

 

TOTAL

595.930

595.930

595.930

595.930

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Cet amendement, j'en suis sûr, peut faire débat. J'ai en effet gardé en tête une discussion extrêmement nourrie qui a eu lieu sur un amendement symétrique présenté par mon collègue et ami Michel Charasse. Néanmoins, je vais me démarquer un peu de son argumentation, même si les effets recherchés sont similaires.

Partons de la situation de la DGCID, la Direction générale de la coopération internationale et du développement. Tout le monde reconnaît qu'elle doit évoluer et, à mon avis, rapidement.

Rappelons un élément d'ordre budgétaire : les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » sont affectés à 61 % à des opérateurs. Or il est totalement anormal de confier à des opérateurs des tâches budgétairement aussi lourdes et d'avoir une direction aux effectifs aussi pléthoriques.

L'objectif est de lancer le mouvement afin que la réforme de la DGCID soit engagée. Mais là où mon argumentation diffère de celle de Michel Charasse, c'est que je ne préconise qu'un transfert d'emplois.

Lors de mes déplacements à l'étranger, j'ai constaté des carences dans nos services de visas. Pour ma part, j'estime qu'il manque une cinquantaine d'emplois. D'autres estimations sont un peu inférieures. Quoi qu'il en soit, il en manque !

Je propose que les dix emplois retirés des effectifs de la DGCID soient non pas supprimés du ministère des affaires étrangères, mais transférés aux services consulaires. Je pense que cet amendement est de bon sens. Il ne porte absolument pas atteinte au fonctionnement de votre administration, monsieur le ministre, bien au contraire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je connais votre vision, qui est également la mienne, d'une organisation centrale, la DGCID, resserrée autour d'une direction d'état major chargée du pilotage stratégique - on ne peut pas le lui enlever, pas plus qu'on ne peut lui retirer la tutelle sur les opérateurs - et dépourvue de responsabilité directe dans la gestion des projets. C'est un sujet dont nous discuterons lors de la révision générale des politiques publiques. Néanmoins, il faut que les opérateurs chargés de la mise en oeuvre soient soumis à une tutelle effective.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga et Mme Catherine Tasca. Bien sûr !

M. Bernard Kouchner, ministre. Ne réduisons pas notre voilure au moment où le vent se lève !

Nous avons absolument besoin de privilégier le bilatéral, car notre action sur le terrain n'est pas suffisamment visible. Nous avons donné tellement d'argent au multilatéral qu'il faut, je crois, mettre des moyens supplémentaires à la disposition des ambassades. Nous y réfléchissons !

Hier, le Sénat a déjà supprimé vingt emplois de la DGCID pour transférer les crédits y afférents au profit du ministère de l'immigration. Je ne peux pas accepter cet amendement. Cependant, je pense que nous pourrions en rediscuter au moment de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous avons en effet vraiment besoin de notre personnel si nous voulons que nos missions sur le terrain soient à la fois plus efficaces et plus visibles.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Jeudi, nous avons examiné la mission « Aide publique au développement ». Au terme d'un âpre débat, le Sénat a décidé de supprimer vingt emplois à la DGCID. Je ne reviens pas sur l'argumentation concernant les 484 emplois, car il était nécessaire, monsieur le ministre, de vous aider à mettre sous tension votre administration.

Ne l'oublions pas, mes chers collègues, nous sommes dans le cadre d'une discussion budgétaire. Nous avons voté l'article d'équilibre mercredi soir, mettant ainsi en évidence un déficit de 42 milliards d'euros. Il ne s'agit pas de tourner la page. C'est pourquoi il y a une recherche systématique de cohérence de la part de la commission des finances.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai entendu vos arguments, monsieur le ministre. Cependant, vous aurez noté que le rapporteur spécial, M. Adrien Gouteyron, propose non pas la suppression pure et simple de dix emplois, mais leur redéploiement. Qui peut contester la nécessité de déplacer quelques cadres de votre administration vers les pays qui sont l'amorce de flux migratoires importants vers la France afin de faciliter le travail de l'OFPRA ?

Nous serions bien dépourvus lors de la réunion de la commission mixte paritaire si cet amendement n'était pas adopté.

Je m'engage donc devant le Sénat, sous le contrôle de M. le rapporteur spécial, à trouver un arbitrage entre les vingt emplois supprimés jeudi et ceux que nous proposons de transférer aujourd'hui. En relation avec M. le ministre, nous trouverons, je le pense, le bon équilibre.

C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement et nous souhaitons que le Sénat l'adopte.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mon groupe votera contre un tel amendement, car il s'agit, une fois de plus, de vider la DGCID de ses moyens avant même que toute réforme ait été organisée.

Nous mettons en avant l'action culturelle de la France, la diplomatie d'influence, et, dans le même temps, nous enlevons tous les moyens y afférents : cela décrédibilise complètement notre discours !

Par ailleurs, je rappelle que le coût des visas a été doublé en janvier dernier. Les demandeurs de visa paient 60 euros pour que leur dossier soit étudié ; à ces frais s'ajoute la somme qu'ils versent aux opérateurs auxquels on externalise la réalisation des dossiers.

L'État français dégage des bénéfices considérables sur les visas, y compris sur les visas qu'il ne délivre pas. En effet, il s'agit non pas d'une taxe sur les visas, mais des frais d'examen des dossiers.

Si l'on faisait remonter, dans le cadre du plan de modernisation, une partie des bénéfices réalisés par les services des visas, on aurait les moyens, sans « déshabiller » la DGCID, de faire fonctionner la biométrie dans les services des visas.

Il s'agit, cette année, de transférer des crédits au programme 151 pour les visas. L'année prochaine, on fera passer ces mêmes crédits aux services de l'immigration.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-39.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47 :

Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue des suffrages exprimés 151
Pour l'adoption 195
Contre 105

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° II-38, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Action de la France en Europe et dans le mondeDont Titre 2

100.000

 

100.000

 

Rayonnement culturel et scientifiqueDont Titre 2

 

100.000

 

100.000

Français à l'étranger, affaires consulaires et sécurité des personnesDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

100.000

100.000

100.000

100.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Il s'agit non pas d'un amendement d'appel, mais d'un amendement « signal » ! (Sourires.)

Il vise à diminuer la subvention attribuée à Unifrance. Loin de moi l'idée de nier l'intérêt d'Unifrance. Simplement, j'ai reçu la présidente de cette association, très nécessaire - on peut contester certaines de ses actions, mais personne ne doute de son utilité - et j'ai constaté, à la lecture des documents qu'elle m'a transmis, que nombre de ses adhérents ne cotisaient pas.

J'estime que l'on ne peut pas faire appel aux crédits de l'État, c'est-à-dire des contribuables, si l'on ne met pas soi-même un peu la main à la poche, surtout quand il s'agit de ses propres intérêts ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Compte tenu de ces arguments, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée !

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Grâce à l'action d'Unifrance (Exclamations sur les travées de l'UMP.) ... Peu importe si je défends des causes perdues !

Grâce à l'action d'Unifrance, dis-je, le cinéma français a pu passer en un an de 350 000 à 3 millions de spectateurs dans certains pays ; c'est le cas de la Chine entre 2003 et 2004. En Russie, on compte entre 3 millions et 5 millions de spectateurs actuellement, contre 45 000 spectateurs en 1999.

Unifrance n'est peut-être pas très bien financée par tous les producteurs. Il n'empêche que, sans Unifrance et sans une aide de l'État pour des pays où l'action de l'association n'est pas rentable immédiatement, nous cesserions de nous développer dans les pays émergents ou difficiles !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On veut simplement responsabiliser les acteurs !

M. Jean-Louis Carrère. Quand on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-39.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » figurant à l'état B, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Sécurité sanitaire

Article additionnel avant l'article 41

M. le président. L'amendement n° II-41, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I.- Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Quel que soit leur auteur, tous les télégrammes diplomatiques à caractère financier, budgétaire et fiscal sont transmis pour information aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical.

II.- En conséquence, faire précéder cet article de la rubrique :

Action extérieure de l'État

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Depuis longtemps, je demande que me soient transmis les télégrammes diplomatiques. Il y va de l'information du Parlement. Il est vrai que j'en ai reçu un paquet hier !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous voyez, ça fonctionne !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Tout à fait !

Je retire cet amendement, mais je souhaite, monsieur le ministre, que vous fassiez le nécessaire pour que vos services assurent l'information du rapporteur spécial.

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous recevrez les télégrammes, monsieur Gouteyron !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Je vous remercie, monsieur le ministre !

M. le président. L'amendement n° II-41 est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq,

est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Sécurité sanitaire

Article additionnel avant l'article 41
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission : « Sécurité sanitaire ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je souhaite formuler quelques observations générales sur la mission « Sécurité sanitaire » et sur les deux programmes qui la composent.

D'abord, pour la troisième année consécutive, je ne peux que réitérer les griefs habituels concernant le caractère artificiel de cette mission : l'interministérialité, qui est pourtant l'une des caractéristiques de cette mission, ne fonctionne pas, du moins sur le plan budgétaire ; les responsables de programme n'ont pas de marge de manoeuvre ; enfin, les principes de la LOLF ne s'appliquent pas aux nombreux opérateurs qui agissent au sein de la mission.

Cela signifie que l'avenir de la mission elle-même est en débat. La révision générale des politiques publiques engagée depuis le mois de juillet 2007 par l'administration vous a-t-elle permis d'apporter des éléments de réponse concernant la réorganisation de la mission et des programmes qui la composent ?

S'agissant du programme « Veille et sécurité sanitaire », j'insisterai sur la principale innovation pour 2008 : la création de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l'EPRUS. Cet établissement, qui est piloté par le ministère de la santé, devrait permettre une meilleure politique d'acquisition et de gestion des stocks des produits de santé nécessaires en cas de crise.

Il appelle de ma part trois remarques, que partage, du reste, la commission des finances.

L'EPRUS est une agence de plus au sein du dispositif déjà très complexe de gestion des crises sanitaires. Je rappelle que l'EPRUS, créé par la loi du 5 mars 2007, fait lui-même suite au fonds de prévention des risques sanitaires, le FOPRIS, créé six mois avant par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Reconnaissez qu'il s'agit quand même d'une gestion particulière ! Qui plus est, ce transfert de compétences donne lieu à la création de dix-sept postes en 2008. Il aurait été préférable d'accompagner ce transfert de compétences relevant auparavant de la direction générale de la santé par un transfert de personnel.

Par ailleurs, je m'interroge sur la gestion des crédits qui sont destinés à l'EPRUS. L'exécution 2007 laisse en effet apparaître un risque de report de crédits, ainsi que la constitution d'un important fonds de roulement. Comme vous le savez, la commission des finances de notre assemblée, notamment son rapporteur général, n'aime pas beaucoup les fonds dormants.

Si certaines difficultés sont effectivement liées à la mise en place très récente de cet établissement, reconnaissez toutefois que de telles techniques de gestion entravent la sincérité des inscriptions en loi de finances.

S'agissant du second programme, « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », je ferai deux remarques.

La première, qui est d'ailleurs récurrente, a trait à la sous-budgétisation des mesures concernant la fièvre catarrhale ovine, FCO, dite maladie de la langue bleue. Les 2 millions d'euros inscrits pour 2008 à ce titre seront insuffisants compte tenu, vous le savez, monsieur le ministre, de l'évolution rapide de la maladie. L'année dernière, j'avais déjà attiré l'attention sur ce risque de sous-budgétisation et nous avons dû avaliser, en octobre dernier, le décret d'avance. J'ai donc eu raison et, avec moi, la commission des finances.

Monsieur le ministre, j'ai entendu dire ce matin que vous étiez très attaché à la filière ovine. Dans un contexte financier contraint, comment comptez-vous financer les mesures de lutte contre la fièvre catarrhale ovine, notamment l'achat de vaccins qui devraient être disponibles à la mi-2008 et qui entraînera évidemment des coûts supplémentaires ?

Je dois également rappeler qu'est toujours pendant le problème de l'équilibre financier du service public de l'équarrissage. Compte tenu des aléas financiers que sa gestion a connus ces dernières années, qui ont été soulignés lors de l'audition que nous avons organisée le 26 septembre 2007, je doute du caractère réaliste des prévisions proposées, notamment de la faculté de l'État à faire participer tous les éleveurs.

À la suite de l'audition organisée par la commission des finances, nous avons proposé trois sujets d'investigation au ministère de l'agriculture : étudier les différents modèles européens et internationaux ; réfléchir aux gains pouvant résulter d'une valorisation accrue des sous-produits issus de l'équarrissage ; explorer la voie qui consisterait à séparer le transport des cadavres, du marché public de l'équarrissage.

Quelles suites entendez-vous donner à ces propositions ? Que comptez-vous faire pour apurer la dette du service public de l'équarrissage qui s'élève à 50 millions d'euros et faire face aux contentieux, qui sont toujours pendants, qui portent potentiellement sur 1,7 milliard d'euros ?

En conclusion, monsieur le ministre, j'ai proposé à la commission des finances d'adopter les crédits de la mission « Sécurité sanitaire ». Je précise toutefois que, si aucune amélioration n'est apportée sur les trois points que j'ai évoqués en préambule de mon intervention, ce sera la dernière fois que je proposerai l'adoption des crédits de cette mission, qui, je le répète, est artificielle au regard des grands principes de l'architecture budgétaire nouvellement mise en oeuvre.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la présentation très complète de la mission « Sécurité sanitaire » par notre collègue Nicole Bricq, je limiterai mon propos au programme « Veille et sécurité sanitaires », qui entre dans le champ de compétences de notre commission des affaires sociales puisqu'il regroupe les moyens destinés à la prévention des crises sanitaires touchant la santé humaine.

Ce programme sera doté, en 2008, de plus de 166 millions d'euros. Apparemment, c'est une hausse sans précédent - de près de 60 % - des crédits. Mais, en réalité, celle-ci résulte d'un nouveau mode de financement des urgences et de la création de l'établissement de préparation et de réponses aux urgences sanitaires, l'EPRUS.

C'est sur ce nouvel établissement que portera la première partie de mon intervention.

Sa création constitue le dernier avatar d'une sorte de feuilleton du financement de la gestion des crises, dont je vais détailler les épisodes.

D'abord, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a créé un fonds de concours commun à 1'État et à l'assurance maladie, initialement destiné à l'achat, au stockage et à la livraison de traitements pour les pathologies résultant d'actes terroristes.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a ensuite étendu la mission à l'ensemble des menaces sanitaires graves. Progressivement, l'assurance maladie est devenue l'unique contributeur régulier de ce fonds, alors que sa participation devait, à l'origine, rester exceptionnelle.

Puis le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 décembre 2005, a contesté ce dispositif car, selon la LOLF, les versements aux fonds de concours doivent avoir un caractère volontaire et non pas obligatoire.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a alors créé le fonds de prévention des risques sanitaires, le FOPRIS, sous la forme d'un établissement public, dont les recettes étaient constituées d'une contribution annuelle à la charge de l'assurance maladie et d'une subvention de l'État. La commission a alors pris l'initiative de rendre obligatoire un minimum de 50 % d'intervention de l'État dès lors qu'il s'agit bien d'une mission régalienne lui incombant.

Toutefois, il ne s'agissait là que d'une solution transitoire. Une solution définitive a été trouvée par la loi du 5 mars 2007, qui a créé l'EPRUS et lui a confié une triple mission : tout d'abord, la gestion administrative et financière de la réserve sanitaire ; ensuite, l'organisation d'exercices pour valider ou améliorer les plans de réponse aux risques sanitaires ; enfin, l'acquisition, la fabrication, l'importation, le stockage, la distribution et l'exportation de produits et services nécessaires à la protection de la population face à des menaces sanitaires graves, mais permettant aussi de répondre â des besoins de santé publique non couverts en raison d'une rupture de commercialisation de certains produits.

Nous approuvons cette clarification des modalités de financement de la politique de gestion des crises. Pourriez-vous toutefois nous préciser, monsieur le ministre, l'état actuel des stocks de précaution de l'État en médicaments, vaccins, masques, etc. ? Quels sont les besoins de renouvellement identifiés pour 2008 ? Est-il possible de recycler les produits périmés ? Je pense en particulier au Tamiflu, dont les stocks vont arriver à échéance de péremption très prochainement. Allez-vous autoriser le reconditionnement du Tamiflu ?

La deuxième partie de mon propos portera sur la subvention de l'État aux agences. Ce poste de dépenses représente environ 140 millions d'euros en 2008. L'EPRUS mis à part, c'est une dotation équivalente à celle de l'an dernier.

Or, après plusieurs années de ponction sur les fonds de roulement des agences pour financer leurs investissements, ce qui a permis à l'État de les subventionner a minima, les réserves seront réduites, à la fin de l'année 2008, à leur niveau prudentiel, soit environ un mois de fonctionnement pour chaque agence. Cette mesure d'économie ne pourra donc plus être réitérée.

Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que l'État prendra ses responsabilités dès la prochaine loi de finances et augmentera alors sa subvention aux agences pour répondre à leurs besoins de financement courant ?

J'aborderai pour finir un sujet qui préoccupe la commission : la complexité des structures chargées de la gestion des produits sanguins. Ce dossier, monsieur le ministre, nous tient véritablement à coeur.

Trois établissements y sont impliqués aujourd'hui : l'établissement français du sang, l'EFS, qui est l'opérateur unique des activités de transfusion et de distribution des produits sanguins sur le territoire national ; l'Institut national de la transfusion sanguine, l'INTS, chargé d'une mission de formation universitaire et de recherche ; le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, seul habilité à produire les médicaments dérivés du plasma.

Ce dernier opérateur a vocation à fonctionner comme un laboratoire pharmaceutique indépendant, bien qu'il assure la mission de santé publique consistant à fournir les établissements de santé en médicaments de ce type. Or tel n'est pas exactement le cas de l'EFS ni de l'INTS. De fait, l'INTS est financé aux deux tiers par l'assurance maladie et par l'EFS. On comprend donc mal ce qui empêche celui-ci d'intégrer en son sein les activités de l'INTS. Une réforme de ce type éviterait une déperdition d'énergie et de moyens dans le domaine de la gestion des produits sanguins. Quel est votre sentiment sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Sous réserve de ces quelques observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire ».

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, rapporteur pour avis.

M. Claude Biwer, en remplacement de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, étant indisponible, il m'a demandé de le remplacer et je vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Mission interministérielle, la mission « Sécurité sanitaire » avait pour ambition de permettre de « visualiser » la politique de sécurité sanitaire de notre pays, politique publique essentielle pour nos compatriotes, pour la santé publique et pour l'équilibre économique de notre pays ; je pense, par exemple, à la lutte contre la grippe aviaire.

Mais l'efficacité et la coordination de la politique de sécurité sanitaire imposaient-elles le regroupement, sur le plan budgétaire, de deux programmes gérés par deux ministères différents au sein d'une mission particulière ? La question préoccupe d'éminents experts... Par ailleurs, nous avons vu, l'an passé, que la situation était loin d'être satisfaisante au regard des avantages que devait apporter la LOLF pour l'examen du budget par le Parlement.

Daniel Soulage a présenté, dans son rapport écrit, les raisons pour lesquelles le Comité interministériel d'audit des programmes, le CIAP, qualifie la mission « d'artificielle ». Sans appeler expressément à sa suppression, ce CIAP évoque la création d'un document de politique transversale et la fusion du programme « Veille et sécurité sanitaires » avec un autre programme du ministère de la santé.

De son côté, notre collègue Daniel Soulage observe que la configuration actuelle de la mission entrave les pouvoirs conférés au Parlement par la LOLF. Il est impossible d'évaluer le nombre d'agents nécessaires à l'efficacité de la mission, ni les crédits réellement mis en oeuvre par l'État au titre de la sécurité sanitaire.

Il est aussi impossible en pratique, pour nous parlementaires, de transférer par amendement des crédits d'un programme vers l'autre, du simple fait qu'ils relèvent des budgets de deux ministères différents. Nos deux rapporteurs en ont fait l'amère expérience, l'an dernier.

Enfin, il est avéré que la collaboration entre les services concernés par la sécurité sanitaire, à Paris comme sur le terrain, n'a pas besoin d'un regroupement budgétaire pour être efficace, puisque, par exemple, les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ne relèvent pas de cette mission budgétaire.

Il semble donc indispensable, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques actuellement menée par le Gouvernement, de conduire une réflexion de fond sur le format de la mission « Sécurité sanitaire ». Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous le confirmer, tout en prenant note que, pour sa part, Daniel Soulage croit à l'efficacité de l'affichage budgétaire d'une politique, même au sein d'une mission composite et peu orthodoxe au regard de la LOLF.

S'agissant des crédits demandés pour l'exercice 2008, je ne reviendrai pas sur les explications très claires données par vous-même, monsieur le ministre, et par Mme le rapporteur spécial. Je soulignerai simplement l'importance de l'EPRUS, ce nouvel établissement chargé d'anticiper toutes les grandes épidémies - et, en particulier, la grippe aviaire, objet de toutes nos inquiétudes -, d'organiser la gestion des crises et d'activer la réserve sanitaire en cours de constitution.

Le rapporteur pour avis m'a également demandé d'insister sur la nécessité de disposer, dès l'an prochain, dans les documents remis aux parlementaires, d'informations sur l'origine et l'affectation des importants fonds de concours qui alimentent le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Quoi qu'il en soit, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ».

J'en viens à la lutte contre la fièvre catarrhale ovine, la FCO, qu'on appelle aussi la maladie de la langue bleue. La reprise de cette épizootie, l'été dernier, après une première alerte connue en 2006, a conduit Daniel Soulage à lui consacrer la troisième partie de son rapport pour avis. Cette maladie préoccupe du reste nombre d'entre nous : les départements que nous représentons font en effet face aux graves difficultés qui affectent depuis six mois les éleveurs d'ovins et de bovins.

Dans son rapport écrit, notre collègue a rappelé les caractéristiques de la FCO, ses effets sanitaires et économiques sur le cheptel, l'historique de son apparition en Europe et l'état actuel de sa diffusion : en France, nous en sommes aujourd'hui à plus de 10 000 foyers dénombrés, à 80 % de bovins, et la zone dite « réglementée » couvre désormais les deux tiers du territoire ; mon propre département est évidemment concerné.

Le rapport détaille également les mesures de lutte adoptées en 2006 et reconduites en 2007, les dérogations aux interdictions de mouvements entre zone réglementée et zone indemne, mises en oeuvre pour éviter l'écroulement de l'activité commerciale, et les difficultés de l'application du récent accord communautaire qui devait notamment permettre de régler le problème de l'envoi des « broutards » français à l'engraissement dans la plaine du Pô, en Italie.

Faisant état des perspectives de mise sur le marché l'an prochain d'un vaccin adapté, le rapporteur pour avis a évoqué les interrogations qui demeurent quant à sa date de disponibilité, à la capacité de l'offre à satisfaire la demande, aux règles de son administration, ou encore au rôle éventuel de l'Union européenne.

Enfin, il a expliqué comment s'était organisée l'aide aux filières ovine et bovine, depuis la contribution de 6,6 millions d'euros apportée par la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail dans le cadre de la solidarité professionnelle, jusqu'au plan de soutien de 13,5 millions d'euros annoncé par vous-même, monsieur le ministre, le 19 septembre dernier.

Daniel Soulage a cependant relevé que les crédits demandés pour 2008 au titre de la lutte contre la FCO dans le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » sont totalement déconnectés des besoins probables : achat de 33,5 millions de doses de vaccin, frais de la campagne de vaccination, mesures de soutien économique et de lutte sanitaire en cas de reprise de l'épidémie, etc. Aussi m'a-t-il chargé de vous demander, monsieur le ministre, quand et comment ces crédits indispensables seront abondés. (M. le président de la commission des finances applaudit.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la veille sanitaire et la gestion des crises, d'une part, la sécurité alimentaire, d'autre part, constituent les deux volets majeurs de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire ».

Les moyens affectés en 2008 à la politique de sécurité alimentaire s'inscrivent globalement dans la continuité des priorités fixées les années précédentes, tandis que ceux qui sont affectés à la politique de veille sanitaire et de réaction aux urgences font un véritable bond, avec une augmentation de crédits de 60 % ; cette forte augmentation est due en grande partie, comme l'a dit le rapporteur spécial, à des reports de crédits non consommés : les fonds de concours rattachés au programme jusqu'en 2006.

Au cours de la dernière décennie, les productions animales ont été touchées par des crises sanitaires majeures, accentuées par l'augmentation des échanges à l'échelle de la planète, qui deviennent des facteurs prédominants de déstabilisation. Les épizooties d'influenza aviaire et de fièvre catarrhale ovine en sont des exemples plus que jamais d'actualité, malheureusement.

Il faut donc se réjouir, mes chers collègues, des efforts notables déjà accomplis et de l'importance des crédits réservés dans ce projet de loi de finances pour 2008, compte tenu du contexte de forte incertitude sur l'éventualité d'une crise.

Je voudrais, à cet égard, faire trois observations.

La première concerne la nécessaire adaptabilité de la mission « Sécurité sanitaire ». En effet, celle-ci est sujette à d'importantes fluctuations budgétaires en cours d'année, avec notamment des ouvertures de crédits en urgence pour faire face à l'apparition de nouvelles épidémies ou de risques de pandémies. L'exercice de prévision budgétaire pour cette mission s'avère donc périlleux. Il convient de distinguer la part du financement de la politique de sécurité sanitaire qui doit relever de la prévision de celle qui relève de l'ajustement en gestion.

Ma deuxième observation portera sur les missions et les périmètres d'intervention respectifs de l'État et des acteurs économiques. En effet, si la prise en charge sanitaire doit naturellement relever de l'État, en revanche, les coûts économiques induits pour les professionnels devront peut-être être assumés par des caisses de solidarité professionnelle.

Ma troisième observation concerne la nouvelle mission assignée à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, en liaison avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, et les industriels du médicament : la réalisation d'un inventaire des niveaux de contamination, par un panel de molécules, des eaux destinées à la consommation humaine.

Nous le savons tous, la qualité des cours d'eau se détériore d'une manière extrêmement préoccupante. La lutte contre la pollution par les nitrates est donc un enjeu majeur pour la qualité des eaux de surface utilisées pour la production d'eau potable. Par ailleurs, une incertitude pèse sur les risques liés à la présence de résidus médicamenteux dans l'eau destinée à la consommation humaine. En outre, les pesticides sont potentiellement mutagènes et donc potentiellement cancérigènes.

Des études récentes dénoncent l'utilisation massive de pesticides fortement toxiques comme le chlordécone, polluant organique, extrêmement rémanent dans l'environnement. Ce pesticide a été classé comme cancérogène possible chez l'homme dès 1979, son autorisation de vente a été officiellement retirée en 1990, mais son utilisation s'est poursuivie jusqu'en 1993, alors qu'il a été interdit aux États-Unis dès 1976.

Cet exemple montre clairement qu'il faut intégrer la sécurité sanitaire dans une dimension environnementale beaucoup plus vaste. La prise de conscience par les pouvoirs publics de l'importance du risque lié aux pesticides est récente et les outils d'analyse utilisés jusqu'à une date proche présentaient un caractère rudimentaire.

C'est la raison pour laquelle les travaux de recherche et l'acquisition des connaissances sur les sources de contamination de l'eau doivent être encouragés. En ce sens, la mission d'animation d'une politique de recherche publique intégrée, confiée à l'AFSSA, en appui à l'évaluation des risques liés à l'eau destinée à la consommation humaine, est essentielle et doit être confortée.

Les réformes engagées demandent plus que jamais à être poursuivies et menées à terme pour, d'une part, assurer une meilleure réactivité face aux crises sanitaires et, d'autre part, renforcer la veille et le suivi, tout en maintenant une expertise de qualité dans un domaine qui suscite une attention croissante de la part des citoyens.

Le projet de loi de finances pour 2008, en préservant l'essentiel des crédits affectés à la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation et en dégageant d'importants moyens supplémentaires en faveur des objectifs prioritaires de veille sanitaire, répond mieux aujourd'hui aux attentes de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes collègues du groupe de l'UMP et moi-même nous lui apporterons notre total soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je circonscrirai mon propos à la sécurité sanitaire du médicament, en évoquant certains aspects du fonctionnement de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Je remercie M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales d'avoir souligné que le mode de financement actuel de l'Agence n'était pas satisfaisant, car il ne lui permettait pas d'être totalement indépendante de l'industrie pharmaceutique. Il reste en cela fidèle aux conclusions de la mission d'information qu'il présidait, ce dont je ne peux que me réjouir.

En effet, la subvention de l'État n'a cessé de décroître au fil des années et ne représente plus, en 2008, que 8 % du budget de l'Agence. Ce n'est même pas à la hauteur du coût des missions qu'elle doit mener à bien pour le compte de l'État.

Ce désengagement a pour conséquence un autofinancement de l'Agence, ce qui ne va pas sans risque. On peut en effet redouter que la recherche d'une augmentation des ressources par la multiplication des dossiers d'autorisations de mise sur le marché, les AMM, ne conduise l'AFSSAPS à en négliger les effets sur la santé des patients et ne nuise à la mise en oeuvre d'activités qui, quoique moins rentables, sont néanmoins nécessaires à la préservation de la sécurité sanitaire.

En ce qui concerne la transparence, je suis d'accord avec vous, monsieur Barbier, pour considérer que des progrès ont été accomplis. Il est vrai que l'AFSSAPS y était tenue par la loi puisque, enfin, la directive adoptée en 2003 par le Parlement européen a été transposée, en février dernier, dans le droit français.

Pourtant, si les publications des comptes rendus de la commission d'AMM sont à jour, ceux de la commission nationale de pharmacovigilance ne le sont pas. On n'en compte que trois pour 2007, dont le dernier remonte au 29 mai. Cette observation vaut aussi pour la commission chargée du contrôle de la publicité et de la diffusion de recommandations sur le bon usage des médicaments, qui se réunit en principe une fois par mois et pour laquelle seuls trois comptes rendus sont disponibles en ligne.

Ne vous en déplaise, monsieur Barbier, je ne suis pas du tout d'accord avec vous en ce qui concerne l'expertise. En effet, le contrôle des conflits d'intérêts des experts auxquels l'AFSSAPS fait appel n'est pas mieux assuré que par le passé. Certes, nous disposons cette année, annexé au rapport d'activité, d'un magnifique fascicule vert de 235 pages, presque luxueux, très bien présenté, dédié aux déclarations d'intérêts des membres des conseils, des commissions et des groupes de travail ayant siégé en 2006. Cependant, les données qu'il contient n'apportent pas de changement notable par rapport à la situation qu'a eu à connaître, en son temps, la mission sénatoriale que vous présidiez.

Pour un nombre d'experts référencés inchangés, à savoir 1 170, la part de ceux qui ont un lien d'intérêts est passée de 68 % à 73 %, tandis que la part de ceux qui sont en retard dans la mise à jour de leur déclaration est passée de 40 % à 35 % ; près de 10 % d'entre eux n'ont fait aucune déclaration. Et l'on peut regretter que les experts n'ayant aucun lien d'intérêts soient toujours aussi peu nombreux, soit 20 %.

Dès lors, il est permis de s'interroger sur l'attitude qu'a adoptée l'Agence face aux experts en infraction avec la loi sur les conflits d'intérêts, question à laquelle ne répond pas le directeur général de l'AFSSAPS dans son propos introductif au rapport.

Faut-il rappeler que, en cours de mandat, les déclarations doivent être actualisées, sur l'initiative des experts nommés, au moins une fois par an, et que l'Agence doit, en cas d'absence de dépôt de déclaration d'intérêts, suspendre provisoirement la participation aux travaux des commissions de l'expert défaillant ?

Il y a quelques raisons de craindre que l'AFSSAPS ne fasse pas respecter la loi et continue de s'adjoindre la collaboration d'experts qui n'ont pas actualisé leur déclaration d'intérêts ou, tout simplement, ne l'ont pas faite.

Ce laxisme ne peut pas ne pas avoir de conséquence sur le travail et les avis des commissions. Il ne peut que nourrir les suspicions qui pèsent sur l'indépendance de l'expertise à l'égard de l'industrie pharmaceutique et sur la rigueur scientifique des décisions prises par l'AFSSAPS.

La sécurité sanitaire en matière de médicaments n'est pas optimale, loin s'en faut. On estime en effet que 134 000 personnes sont hospitalisées chaque année à la suite d'un accident lié à la prise de médicaments. En 2003, le professeur Lucien Abenhaïm, ancien directeur général de la santé, écrivait ceci dans son livre Canicule : « Chaque année, en France, 18 000 personnes environ meurent de l'effet secondaire d'un médicament. » C'est considérable ! Un tel fléau mériterait, au même titre que d'autres, la mise en oeuvre d'un plan d'action, d'autant que 40 % à 60 % de ces accidents pourraient être évités.

Il est instructif, à cet égard, de consulter le bilan d'activité national de l'AFSSAPS depuis 1999, présenté dans son rapport d'activité pour 2006. On y constate que le nombre de médicaments retirés chaque année du marché non seulement est très faible, mais encore qu'il a tendance à décroître depuis 1999, alors que le nombre de notifications d'effets indésirables lors de la prise de médicaments ne fait qu'augmenter.

Ainsi, depuis 2002, le nombre de retraits est resté stable, en dépit d'une augmentation importante des notifications. Cela tend à démontrer que les mesures prises par l'AFSSAPS, qui découlent de ces notifications, sont inadaptées. Elles sont souvent timides et tardives. Il en va ainsi du retrait de spécialités à base de fluor, quatorze ans après les premiers signaux d'alerte. Il en va ainsi du retrait du Desuric, un médicament contre la goutte, huit ans après le signalement d'hépatites parfois mortelles.

Je pourrais multiplier les exemples ! Est-il compatible avec le principe de précaution que le Celebrex, médicament de la famille du Vioxx, dont on se souvient dans quelles conditions il fut retiré de la vente, soit encore commercialisé ? Est-il normal que de nombreux médicaments interdits pour des raisons sanitaires dans de nombreux pays européens ne le soient pas en France ?

La commission d'AMM de l'AFSSAPS prend très rarement l'initiative d'un retrait. Elle défend systématiquement le principe d'un meilleur encadrement de la prescription du médicament incriminé au lieu d'un retrait, alors que l'on sait que cette prescription est fortement influencée par les visiteurs médicaux et les revues financées par l'industrie pharmaceutique, dont la fonction est non pas de dispenser une information neutre et objective sur le médicament, mais d'en assurer la promotion. Et vous savez que, pour ce faire, l'industrie mobilise des crédits considérables : 3 milliards d'euros par an !

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Il existe une charte du visiteur médical !

M. François Autain. Cela change tout ...

La Haute autorité de santé, qui devrait normalement assurer cette mission, ne semble en avoir ni les moyens ni la volonté. Il faudrait que, à tout le moins, elle se sente soutenue par le Gouvernement dans cette mission, ce qui, manifestement, n'est pas le cas. J'en veux pour preuve le refus du Gouvernement de prendre en compte, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, l'amendement présenté par notre collègue Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, visant à créer une base de données indépendante sur le médicament, données nécessaires à l'information objective des médecins pour éviter les erreurs de prescription et le mésusage des médicaments.

Les plans de gestion des risques et les études pharmacoépidémiologiques, qui leur sont souvent associées, sont un autre élément clé de la sécurité sanitaire du médicament. Bien qu'ils soient considérés comme les pivots de toute politique de sécurité sanitaire du médicament, on en réalise de moins en moins, bien que, paradoxalement, on en prescrive de plus en plus.

Si cette situation devait perdurer, les plans de gestion des risques perdraient toute crédibilité et apparaîtraient vite comme une procédure de pure forme permettant de mettre sur le marché une molécule nouvelle qui, à défaut, n'aurait pu être autorisée du seul fait de la prise en considération des essais cliniques.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, dans un domaine aussi sensible, le Gouvernement ne semble avoir ni la volonté ni les moyens de relever les défis auxquels se trouve confronté notre pays. C'est pourquoi le groupe CRC se prononcera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, madame le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, Roselyne Bachelot-Narquin devant quitter tout à l'heure Paris pour La Réunion, elle m'a demandé de la remplacer à cette tribune ; elle vous prie de bien vouloir l'excuser de son absence.

Je remercie Nicole Bricq, Claude Biwer, en remplacement de Daniel Soulage, et Gilbert Barbier, ainsi que Marie-Thérèse Hermange et François Autain de leurs interventions. Je m'efforcerai de leur répondre le plus précisément possible.

Dans un premier temps, je m'attacherai à traiter les questions qui m'ont été posées sur le programme majeur « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

L'alimentation est au coeur des préoccupations des Français.

Ces préoccupations sont d'abord d'ordre économique, avec le retournement du cours des matières premières agricoles et la demande alimentaire mondiale en forte croissance.

En 2050, notre planète comptera 9 milliards d'habitants. L'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, a calculé qu'il faudrait, pour satisfaire leurs besoins, doubler l'offre alimentaire. De fait, l'acte de produire pour nourrir deviendra une véritable nécessité.

Ces préoccupations sont aussi nutritionnelles, avec le développement de l'obésité et des maladies cardiovasculaires.

Enfin, ces préoccupations portent sur la qualité des aliments, dans un contexte de diversification de l'offre alimentaire et d'évolution des modes de consommation.

Les défis sont immenses ! Garantir un haut niveau de sécurité sanitaire des aliments constitue donc une priorité pour le ministère. Il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique, qui justifie, à mes yeux, l'existence d'une mission interministérielle.

J'ai bien noté, madame Bricq, monsieur Biwer, que vous vous interrogiez sur le caractère quelque peu artificiel de cette mission. Je vous confirme que cette question sera évoquée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, à la lumière de vos propres réflexions.

Cependant, je suis convaincu que les objectifs qui sous-tendent les deux programmes sont convergents. Les liens et la coordination sur le terrain sont étroits et encadrés par un protocole signé récemment entre les ministères. Les services départementaux ont constitué des missions interservices de sécurité sanitaire des aliments.

Durant mes dix-sept années de présidence d'un conseil général, j'ai pu mesurer les cohérences et, parfois, les parallélismes qui existent entre ces missions. Je trouve important qu'elles fassent l'objet, grâce à ce protocole, d'une meilleure coordination. Pour intervenir efficacement, nous devons aujourd'hui agir ensemble et de manière complémentaire sur le terrain.

Dans un contexte d'échanges mondiaux accrus, de réchauffement climatique - c'est le principal défi, à mes yeux - ou de modification des écosystèmes, les crises sanitaires se multiplient. Nous devons de nouveau nous préparer à une explosion du nombre des « pathogènes émergents », n'importe où et de n'importe quelle manière, qu'ils touchent les végétaux, les animaux ou les humains. L'influenza aviaire et la fièvre catarrhale ovine n'en sont que quelques exemples. L'opinion publique est d'ailleurs bien consciente de cette réalité.

La gestion de ces crises est une action essentielle du ministère de l'agriculture et de la pêche. Elle repose sur des services préparés, compétents et mobilisés.

Je voudrais saisir l'occasion de ce budget, mesdames, messieurs les sénateurs, pour rendre hommage aux directions départementales des services vétérinaires, qui ont fait preuve de réactivité et de disponibilité dans la gestion des crises que nous traversons, en particulier s'agissant de la fièvre catarrhale ovine, qui est la crise la plus grave que notre pays ait eu à affronter depuis de très longues années.

Je veux également souligner la remarquable mobilisation des 5 000 vétérinaires libéraux agissant pour le compte de l'État sous mandat sanitaire.

Cette gestion des crises repose aussi sur des bases de données et des systèmes d'information pertinents.

Elle suppose enfin d'être capable de surveiller, au travers de la mise en place de réseaux, d'anticiper, de contrôler et d'analyser les risques.

Dans le budget de 2008, nous consacrerons 490 millions d'euros en autorisations d'engagement et 546 millions d'euros en crédits de paiement à cette politique de sécurité de l'alimentation.

Ces crédits, vous l'avez constaté, monsieur le rapporteur pour avis, affichent une légère baisse en 2008. Cette baisse n'est qu'apparente. En effet, elle est due à la diminution des crédits affectés à l'élimination des stocks de farines animales, qui sont heureusement en réduction du fait de la baisse du nombre d'entrepôts concernés et de la meilleure valorisation des stocks de farines éliminés.

En isolant ce facteur, notre budget est en hausse, en 2008, de 1,1%, ce qui traduit, d'une certaine manière, la priorité accordée dans les politiques de mon ministère à ce programme.

Ce budget s'appuie sur une organisation des services qui représente 261 millions d'euros, soit une légère hausse, avec des effectifs supérieurs à 5000 personnes, dont j'ai salué le travail. Je n'oublie pas également les services de la protection des végétaux inscrits sur la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », qui concourent à ce programme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget dont nous discutons repose sur quatre priorités : la lutte contre les maladies, la sécurité des aliments, l'expertise sanitaire et le contrôle à l'importation.

La première priorité, c'est la lutte contre les maladies animales, qu'il s'agisse de maladies transmissibles à l'homme - je pense à l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB - ou de maladies dont les conséquences économiques sont importantes, comme la fièvre catarrhale ovine ou la fièvre aphteuse.

C'est pourquoi le budget consacré à la lutte contre les maladies animales est consolidé, à hauteur de 106 millions d'euros.

Il est d'abord essentiel de maintenir une veille de haut niveau, afin de pouvoir prévenir et lutter au plus vite contre ces maladies. Nous y consacrons de l'ordre de 40 millions d'euros, dont 5 millions d'euros sont destinés aux plans d'urgence contre les épizooties.

Pour l'influenza aviaire, nous maintiendrons les crédits nécessaires pour assurer une surveillance adaptée dans les élevages et la faune sauvage.

Par ailleurs, un accent particulier sera mis sur la fièvre catarrhale ovine. Apparu en 2006 dans les pays du nord de l'Europe, aux Pays-Bas, le sérotype 8, qui n'était pas connu, s'est développé de manière rapide en 2007. À ce jour, plus de 10 000 cas de FCO ont été identifiés en France, contre quelques cas seulement en 2006.

Dès le mois de septembre, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai saisi la Commission européenne pour demander la mise en place d'une stratégie communautaire de vaccination et de financement de ces mesures sanitaires, puisque le sérotype 8 de la FCO touche non seulement la France, mais également une dizaine de pays européens.

Désormais, ces crises sont européennes, et les bonnes réponses seront des réponses européennes. Je viens de renouveler de manière pressante cette demande auprès du commissaire européen en charge de la santé, M. Kyprianou.

L'État a mis en place, dès le mois de septembre, un soutien immédiat de 13,5 millions d'euros. Ces sommes ont permis d'apporter une aide économique d'urgence, à hauteur de 2 millions d'euros, de financer la surveillance sérologique du bétail, à hauteur de 1,5 million d'euros, et de compenser les pertes dues à la mortalité des animaux, pour 10 millions d'euros.

Par ailleurs, La France vient de procéder à la publication d'un appel d'offres visant à l'achat de plus de 33 millions de doses de vaccin. Nous sommes ainsi le premier pays de l'Union européenne à avoir réalisé cette mise en concurrence des laboratoires internationaux, afin de disposer en priorité des premières doses disponibles, nous l'espérons avant le printemps prochain. Nous avancerons les sommes nécessaires à une vaccination aussi rapide et large que possible.

S'agissant du financement de cette mesure, je veux être franc avec vous. Nous aurons le résultat de l'appel d'offres le 20 décembre prochain. Cela nous permettra de définir le montant exact de la campagne de vaccination et d'entamer les démarches pour obtenir un cofinancement de l'Union européenne. Enfin, j'ai reçu l'assurance du Gouvernement de dégager les crédits nécessaires en complément de ce budget.

En ce qui concerne l'impact économique de cette crise, j'ai obtenu de la Commission la mise en place d'un nouveau règlement. Il a été publié le 27 octobre et mis en oeuvre le 1er novembre. Je voudrais saluer la Commission et ses collaborateurs pour les conditions très rapides dans lesquelles nous sommes parvenus à ce règlement sanitaire, afin de permettre à nouveau les mouvements d'animaux. Monsieur Biwer, le département dont vous êtes élu est très touché, et il n'est malheureusement pas le seul. Grâce à ce texte et après d'ultimes accords bilatéraux, je vous confirme que les flux d'exportation de bovins ont repris, notamment vers l'Italie.

Enfin, si le soutien national devait être amplifié, il le serait sur le budget de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont nous débattrons mardi prochain devant la Haute Assemblée, et qui permet chaque année la mise en place de soutiens aux filières en difficulté. Nous avons dégagé dès 2007 quelques crédits, à hauteur de 2 millions d'euros pour pallier les urgences et alléger les charges financières qui pèsent sur les éleveurs.

En 2008, nous envisageons de mobiliser le fonds d'allègement des charges, le dispositif « Agriculteurs en difficulté » de la Mutualité sociale agricole et les fonds de prévention des aléas sanitaires que j'évoquerai en conclusion.

La deuxième priorité, mesdames, messieurs les sénateurs, est la sécurité sanitaire des aliments d'origine aussi bien animale que végétale. Nous devons assurer la meilleure sécurité possible aux consommateurs. C'est tout l'enjeu des missions de surveillance, d'inspection et de gestion des alertes.

Pour le domaine animal, les crédits sont stables. Des optimisations sont réalisées par un meilleur ciblage de programmation des inspections.

En matière de service public de l'équarrissage, qui vous préoccupe les uns et les autres, nous avons négocié l'extension et le relèvement du niveau de la taxe dans une négociation serrée avec les professionnels. Le système est maintenant équilibré, et les inquiétudes relatives à un éventuel déficit ne me paraissent pas, à ce stade, tout à fait fondées. En effet, le produit exact de la taxe n'est pas connu précisément, pas plus que les volumes traités par les équarisseurs, qui sont en baisse constante depuis plusieurs années.

S'agissant de la dette antérieure, nous avons pu redéployer en fin de gestion 2007, madame Bricq, 6 millions d'euros, diminuant d'autant le report de charge, qui s'établit ainsi à 44 millions d'euros. Je suis prêt à faire procéder à une évaluation extrêmement objective de ce nouveau système.

Pour le domaine végétal, les crédits sont en forte progression : avec une augmentation de 20 %, ils atteignent 19 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront d'élever le niveau de surveillance, notamment en matière d'analyses des résidus de pesticides, et de poursuivre les travaux de construction du laboratoire national de protection des végétaux d'Angers.

Tout cela s'inscrit dans le plan que j'ai proposé d'intituler « éco-phyto 2018 », dont le Président de la République m'a confié l'élaboration à la suite des conclusions du Grenelle de l'environnement. Ce plan, qui permet d'inscrire la sécurité sanitaire dans une dimension environnementale plus vaste - je fais écho à la remarque de Marie-Thérèse Hermange -, qui est difficile, ambitieux, mais possible, doit conduire à la réduction de 50% de l'utilisation des produits phytosanitaires dans notre agriculture dans un délai de dix ans.

En ce qui concerne spécifiquement les pesticides aux Antilles et le chlordécone, vous savez qu'un plan interministériel est en cours de finalisation. Les actions propres à l'agriculture permettront l'augmentation importante des analyses sur les produits et sur les sols, la réalisation de diagnostics auprès des exploitations agricoles, ainsi que des soutiens adaptés aux filières.

Dans le domaine végétal, la lutte contre les maladies est aussi une priorité. Nous y consacrerons, comme en 2007, 1,5 million d'euros à la lutte contre la sharka et 1,5 million d'euros pour la prévention des autres maladies, comme la chrysomèle du maïs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour mieux prévenir et évaluer les risques, nous avons besoin d'une expertise de très haut niveau. C'est ma troisième priorité.

Il faut avoir une stratégie d'évaluation des risques mieux coordonnée au niveau européen. Cela passe par une coopération renforcée entre les instances d'évaluation nationales et l'Agence européenne de sécurité des aliments, l'AESA. Cela passe aussi par une meilleure articulation entre les instances d'évaluation du risque - l'AFSSA ou l'AESA - et les gestionnaires de ce risque : l'État ou la Commission européenne.

À cet égard, le renforcement du dispositif communautaire de sécurité alimentaire sera une priorité de la Présidence française de l'Union au deuxième semestre de 2008.

Dans notre pays, il est donc essentiel de maintenir le haut niveau d'expertise de l'AFSSA, qui est largement reconnu chez nous et hors de nos frontières.

À cette fin, la subvention apportée par mon ministère, qui représente 88 % de la subvention de l'État à l'agence - je le dis à Marie Thérèse Hermange - s'établira, pour 2008, à 52,34 millions d'euros, en hausse de 6,6 % par rapport à l'année dernière.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, et c'est ma quatrième priorité, une partie de notre alimentation est importée. Donc, nous allons faire porter l'effort de manière accrue sur le contrôle sanitaire à l'importation. C'est le souhait du Président de la République. L'objectif, c'est la réciprocité. Les efforts que nous mettons en oeuvre, que nous demandons à nos producteurs, nous devons les imposer à nos partenaires. Il n'est pas question d'accepter durablement que des produits agricoles ou agroalimentaires entrent en Europe sans respecter aucune des règles sanitaires, sociales ou écologiques que nous imposons nous-mêmes à nos propres producteurs.

Il ne s'agit pas, naturellement, de fermer l'Europe ; il s'agit simplement d'empêcher toutes les formes de dumping sanitaire.

Le renforcement du dispositif communautaire de sécurité alimentaire sera donc une priorité de la présidence française de l'Union.

Dans ce domaine, je vous confirme que la France a pris l'initiative de rédiger un mémorandum sur le renforcement des contrôles sanitaires à l'importation et la préférence communautaire. Mes propositions visent notamment à faire évoluer les règles du commerce international afin de mieux prendre en compte la protection de l'environnement et le bien-être animal, de privilégier l'assistance technique aux pays en voie de développement, pour les aider à avoir un corpus normatif au moins équivalent aux nôtres, de recourir de manière plus fréquente à l'évaluation des risques à l'importation, et de renforcer et d'harmoniser les contrôles aux frontières.

En conclusion sur ce premier chapitre, je dirai que la répétition de ces crises appelle des mécanismes nouveaux. Je souhaite, dans le cadre de la réflexion dont m'a chargé le Président de la République sur la gestion des aléas, en collaboration avec Christine Lagarde, faire évoluer profondément le système actuel de couverture des risques sanitaires, car nous n'avons pas les bons outils aujourd'hui. Il repose sur des dispositifs distincts dans le domaine animal et végétal et sur des modalités de financement différentes.

Mon ambition est de mettre en place un fonds sanitaire au moyen duquel l'État et les professionnels pourraient indemniser les conséquences des aléas sanitaires.

Enfin, j'utiliserai le débat sur le bilan de santé de la politique agricole commune, qui vient d'être ouvert, pour demander à la Commission de cofinancer ce dispositif. En effet, l'une de mes priorités est d'introduire dans la politique agricole commune des mécanismes de gestion des risques et des crises dans les domaines sanitaire, climatique et économique.

Ce volet sanitaire entre dans un cadre plus large, que j'ai évoqué au début de mon propos, celui de l'excellence alimentaire française, qui est inscrite dans mon projet de mener une grande politique de l'alimentation, de l'agriculture, de la pêche et des territoires ruraux pour l'Europe et pour notre pays.

Ce budget, ceux de l'agriculture et de l'enseignement agricole sont des outils au service de cette ambition d'une politique de l'alimentation qui réponde aux attentes des consommateurs en termes d'offre alimentaire : une offre sûre, variée et de bonne qualité organoleptique, une offre obtenue par des pratiques respectueuses de l'environnement et une offre de bonne qualité nutritionnelle

Sur ce dernier point, et pour répondre aux recommandations de ma collègue et amie Roselyne Bachelot-Narquin, dans le cadre de la lutte contre l'obésité et les maladies cardiovasculaires, j'ai pris l'initiative d'améliorer l'offre et de favoriser l'accessibilité des fruits et légumes par la mise en place d'expérimentations pilotes de distribution de fruits et légumes dans les écoles - j'ai constaté que c'était possible en me rendant en Allemagne voilà quelques jours, et nous allons donc procéder à ces expérimentations dès la prochaine rentrée scolaire avec un certain nombre de départements et de régions volontaires -, par la poursuite de l'expérimentation de distributeurs de fruits dans les collèges et lycées, enfin par la mise en place d'un partenariat avec la grande distribution pour la mise en avant d'une offre de saison de proximité à un meilleur marché.

Je vais d'ailleurs réunir, dès après-demain lundi, l'ensemble de la filière des fruits et légumes sur ce sujet.

Monsieur le président, sans vouloir abuser de l'attention du Sénat, je souhaite en venir au second chapitre de cette discussion budgétaire. Je vous confirme les regrets de Roselyne Bachelot-Narquin, qui ne peut être présente aujourd'hui ; elle m'a chargé d'intervenir en son nom.

Son premier souhait était de vous remercier madame, messieurs les rapporteurs, de la qualité de vos travaux. Vous avez approfondi de nombreuses questions techniques dont nous tiendrons compte et qui nous permettront de progresser.

Dans un monde plus que jamais incertain, la négligence, l'impréparation, seraient impardonnables.

Assurer la sécurité sanitaire de la population constitue bien l'une de nos grandes missions régaliennes. C'est dans les situations de péril que la puissance publique, pour inspirer confiance, doit savoir démontrer son efficacité. L'État puise en effet sa crédibilité dans sa capacité propre à garantir la protection des personnes et la cohésion sociale. C'est bien ici l'éthique de la responsabilité qui soutiendra nos efforts.

Marie-Thérèse Hermange a insisté sur la question de la surveillance environnementale, de l'eau et des sols en particulier, qui peuvent être contaminés par des résidus médicamenteux ou par des pesticides. Les substances chimiques exogènes pourraient en effets avoir un impact sur l'équilibre hormonal et induire des conséquences indésirables sur la santé, tels que la diminution de la fertilité masculine et l'augmentation de la fréquence de certains cancers.

C'est pourquoi nous avons lancé un travail d'inventaire des contaminations réalisé conjointement par l'AFSSA et par l'AFSSAPS. Il s'agit plus généralement de mettre en oeuvre les recommandations du comité d'évaluation du plan national santé-environnement et les propositions qui ont été retenues dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment en ce qui concerne la qualité des eaux distribuées et la protection des captages d'eau.

L'expertise de l'AFSSAPS est aussi sollicitée, vous l'avez souligné, monsieur Autain, pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments. Vous vous inquiétez de la part importante que représente la redevance due par les laboratoires pharmaceutiques pour les dossiers d'autorisations de mise sur le marché dans le budget de l'AFSSAPS. Je tiens à vous rassurer sur le fait qu'il n'y a pas là un risque de dépendance de l'AFSSAPS envers les laboratoires dans le cadre des autorisations, car la redevance est due non pas pour la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché, mais bien pour l'examen de la demande, qu'elle que soit son issue.

Par ailleurs, la dotation de l'AFSSAPS pour 2008 est en hausse de 2,7 millions d'euros, soit près de 50%. D'une manière plus générale, en réponse aux interrogations de Nicole Brick et de Gilbert Barbier sur ce point, les subventions pour charges de service public aux agences, hors EPRUS, sont en progression par rapport à 2007 de plus de 6 % sur le programme « Veille et sécurité sanitaire ».

Les prélèvements sur fonds de roulement permettent en outre d'apporter un complément de ressources aux agences, sans compromettre pour autant leur sécurité financière. Compte tenu des contraintes actuelles qui pèsent sur le budget de l'État, il nous apparaît de bonne gestion de mobiliser ces fonds disponibles dans les agences. La situation sera bien entendue réévaluée pour 2009 au regard de l'état du fonds de roulement des agences.

Au-delà de la question financière, nos actions ne sont efficaces que si elles sont correctement coordonnées. Comme le soulignent à juste titre Nicole Brick et Gilbert Barbier, une bonne coordination, voire une simplification du paysage institutionnel, est donc essentielle pour garantir la performance.

C'est ainsi que, depuis 2003, le directeur général de la santé réunit chaque semaine les directeurs d'agences. Ces réunions permettent un échange dense d'informations sur les sujets de sécurité sanitaire qui émergent, l'esquisse de stratégies de réponse à certaines situations, ainsi que la définition des bases de l'articulation et de la coopération entre les agences sur des thèmes différents. Le cabinet de Mme Bachelot-Narquin y participe, de même que la direction de la défense et de la sécurité civile du ministère de l'intérieur et, depuis peu, l'INSERM et le directeur général de l'alimentation.

Ces échanges esquissent les réflexions sur l'évolution du pilotage des agences afin de porter à maturité ce dispositif et de garantir au mieux l'efficacité et l'efficience des politiques de santé publique et de sécurité sanitaire.

Ces réflexions ont été partagées avec les équipes actuellement en charge du chantier de révision générale des politiques publiques au sein de nos ministères. Parmi les propositions envisagées pourrait notamment figurer le rapprochement, voire la fusion, de l'Établissement français du sang et de l'Institut national de la transfusion sanguine. Cela répondrait aux interrogations de Gilbert Barbier.

Je tiens à préciser, notamment à Nicole Brick, Daniel Soulage et Claude Biwer, que ces analyses porteront aussi sur le périmètre de la mission « Sécurité sanitaire ». La réflexion sur la pertinence de cette mission est déjà ancienne, comme vous l'avez souligné. La Cour des comptes et le comité interministériel d'audit des programmes ont conclu à la nécessité d'améliorer l'appréhension des politiques interministérielles de sécurité sanitaire, car pas moins de seize programmes contribuent à cette politique. La mise en place d'un document de politique transversale « Sécurité sanitaire » pourrait répondre à vos demandes.

Sur la question plus spécifique du maintien en l'état de la mission, les travaux actuellement conduits dans le cadre de la révision générale des politiques publiques sont de nature à éclairer les choix futurs. Je vous l'ai indiqué tout à l'heure, je vous le confirme maintenant au nom de Mme Bachelot-Narquin.

Il sera alors légitime d'évaluer sans complaisance la pertinence des indicateurs du programme « Veille et Sécurité Sanitaire » sur laquelle les rapporteurs nous ont interpellés.

D'une manière plus générale, dans un contexte mondialisé, la possibilité d'une pandémie grippale dérivée de la grippe aviaire n'est pas une pure hypothèse d'école. De même, nous savons tous que des maladies connues initialement sous d'autres latitudes apparaissent en Europe.

Des plans de prévention et de gestion de crises sont d'ores et déjà établis ; je pense au plan canicule et au plan de lutte contre la pandémie grippale. Cependant, ces plans doivent être actualisés en permanence et de nouvelles menaces doivent être prises en compte.

Des expériences passées, bien des leçons ont pu être tirées.

Premier enseignement : l'urgence exclut l'improvisation. En ce sens, la diffusion bien ciblée, sur tout le territoire, des produits nécessaires en cas de crise majeure implique une gestion globale, équitable et rationnelle des stocks disponibles.

Deuxième enseignement : dans les situations d'extrême urgence, il faut, pour bien faire, savoir très à l'avance sur qui compter.

Les deux grandes missions confiées à l'EPRUS, qui sera doté d'un budget de 75 millions d'euros d'autorisations d'engagement sur le budget de l'État et autant sur le budget de l'assurance maladie, répondent clairement à ces besoins. Placé sous la tutelle du ministère en charge de la santé, cet établissement public aura, en effet, d'abord la responsabilité de provisionner les stocks nécessaires en cas de crise pour procéder à leur diffusion optimale le moment venu.

La valeur totale du stock s'élève actuellement à plus de 700 millions d'euros. En prévision, pour 2008, le renouvellement des stocks devrait concerner partiellement le Tamiflu et les masques FFP2, les antibiotiques dans le cadre des plans « peste », « charbon », « tularémie » et le stock de vaccins méningocciques C, soit un montant d'environ 100 millions d'euros.

Afin de répondre au souci légitime d'optimisation de ce stock, relevé par Gilbert Barbier, un plan qualité et renouvellement du stock santé national a aussi été lancé, en mars 2007. Il s'agit d'établir un programme d'extension de validité des produits et de rationaliser leur gestion. Il est ainsi envisagé, si c'est matériellement possible et économiquement plus avantageux, de recycler dans le domaine public des produits non périmés plutôt que d'atteindre leur date ultime de péremption.

L'EPRUS sera aussi chargé de cette oeuvre essentielle pour notre pays qui consistera à organiser, de manière inédite, la constitution d'un corps de réserve composé de professionnels. Seules l'efficacité exemplaire et l'inventivité logistique dont l'EPRUS fera preuve justifient les moyens dont il pourra disposer. L'opérationnalité, en effet, constitue, le maître mot de cette double mission.

À ce stade de la discussion, permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Cette opérationnalité pourrait être mise en synergie, mutualisée avec d'autres pays européens. J'ai beaucoup travaillé l'année dernière, à la demande de M. Barroso, sur une idée qui fait son chemin : une force européenne de protection civile permettant de mutualiser une réponse européenne à sept grandes catégories de crises, naturelles ou pas, parmi lesquelles se trouvent les grandes pandémies que je viens d'évoquer. Je ferme la parenthèse.

Ainsi, l'efficacité des mécanismes de déploiement des stocks et de la réserve sur le terrain devrait être rapidement éprouvée. À cette fin, l'exercice national sur la pandémie grippale, qui aura lieu à la fin du mois de janvier, sera l'occasion de tester l'effectivité du dispositif.

Mme le ministre de la santé a participé, au début du mois de novembre, au sommet du « G7 + Mexique », à Washington, où elle a exprimé l'engagement de la France de faire avancer les connaissances afin de mieux lutter contre cette pandémie. Ce sujet et, au-delà, la question de la sécurité sanitaire, devrait être un axe prioritaire de la présidence française de l'Union européenne en 2008.

Il est évident que, pour faire face à la propagation de risques qui ignorent nos frontières nationales, une coordination plus étroite entre les États membres s'impose, comme l'a souligné à juste titre Marie-Thérèse Hermange.

Il apparaît en définitive que La France dispose de l'un des plans de préparation les plus avancés. Nous pourrons être fiers, même s'il faut rester vigilant, si, le moment venu, au-delà de la qualité du projet et du caractère louable des intentions, nos efforts se trouvent couronnés de succès.

C'est pourquoi nous veillerons avec la plus grande vigilance à ce que l'engagement de l'État soit toujours à la hauteur des espérances qu'il suscite.

Ainsi Roselyne Bachelot-Narquin a-t-elle décidé de se rendre, dès ce soir, à la Réunion pour apprécier l'état d'avancement de la recherche et la bonne application des mesures engagées depuis la dernière épidémie de chikungunya.

Elle tient à vous assurer de sa détermination sans faille, dès lors qu'il s'agira d'assurer le pilotage efficace de cette grande mission de la puissance publique qu'est la protection des populations contre le risque sanitaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » figurant à l'état B.

État b

(en euros)

Sécurité sanitaire

670 758 097

707 038 097

Veille et sécurité sanitaires

184 311 427

164 311 427

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation

486 446 670

542 726 670

Dont titre 2

243 398 195

243 398 195

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

Sécurité sanitaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » (et article 41 quater).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation  » disposera en 2008 de 3,77 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 3,84 milliards d'euros en 2007. Cette baisse de 1,9 % des crédits de paiement ne traduit cependant que partiellement la diminution du nombre des bénéficiaires de la dette viagère, dans la mesure où la moyenne d'attribution à chaque ressortissant continuera de progresser de 3,27 % en 2008.

Cette mission constitue donc l'exemple type, de par sa configuration, son objet, mais aussi son évolution démographique, d'un budget susceptible de s'intégrer parfaitement dans la révision générale des politiques publiques, la RGPP, décidée par le Président de la République.

Pour être menée à bonne fin, une telle initiative appelle une réflexion prospective portant sur les deux axes fondamentaux de cette mission : la nécessité de parvenir à une juste indemnisation de nos combattants et de leurs familles ; le besoin impérieux de refonder une véritable politique de la mémoire.

En ce qui concerne le premier point, je voudrais rappeler que les derniers gouvernements ont apporté beaucoup plus d'avancées que les précédents. La plus importante, la « décristallisation », demandée par le Président de la République en 2006, a été largement engagée en 2007. La retraite du combattant a bénéficié de plusieurs augmentations successives. Le plafond majorable de la retraite mutualiste du combattant a été relevé. Les crédits pour les aides attribuées par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, en particulier au profit des veuves d'anciens combattants, ont été augmentés. Enfin, les crédits d'appareillage, notamment en faveur des grands mutilés, ont été abondés.

Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit le financement des mesures décidées en 2006 et en 2007. Ainsi, la « décristallisation » sera prolongée grâce à l'attribution de 118 millions d'euros de crédits, dont 24 millions d'euros pour les nouveaux bénéficiaires, notamment 3 800 conjoints. La consolidation des relèvements indiciaires de la retraite du combattant bénéficiera, pour tenir compte de l'augmentation de la population concernée, de 5 millions d'euros supplémentaires. Enfin, les crédits pour les aides attribuées par l'ONAC connaissent une nouvelle augmentation, d'un montant de 4,5 millions d'euros, en faveur notamment des veuves d'anciens combattants.

Quelques demandes restent cependant en attente. Il en est ainsi du relèvement du plafond de l'allocation différentielle pour les conjoints survivants. Quant à la revalorisation de la référence indiciaire de la retraite du combattant jusqu'à l'indice 48, annoncée par le Président de la République, il me semble qu'un calendrier de mise en oeuvre serait le bienvenu.

Il convient de se féliciter de la bonne application des dispositifs prévus pour l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que vous nous fassiez part des possibilités d'accorder aux autres orphelins de guerre des droits à réparation.

Par esprit de justice, je m'interroge également sur la possibilité d'étendre ces droits aux pupilles de la Nation, et le dispositif d'indemnisation au cas des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, RAD et KHD.

Conscients des problèmes de financement que poseraient ces mesures, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes bien entendu à votre écoute quant à l'évaluation de leur coût.

J'appellerai enfin à une réflexion sur les militaires participant aux opérations extérieures, les OPEX, qui souhaiteraient se voir attribuer la carte du combattant, par alignement sur ce qui a été accordé voilà quelques années aux anciens combattants d'Afrique du Nord, dès quatre mois en intervention. Bien entendu, les conditions d'obtention devraient faire l'objet d'un examen approfondi, notamment au regard de la réglementation actuelle concernant l'attribution du titre de combattant.

Vous avez déjà ébauché des réponses significatives sur ces sujets : le nouveau relèvement de 2 points de la retraite du combattant ; l'évolution à 681 euros du plafond de l'allocation différentielle ; et les réflexions engagées à propos de l'extension, d'une part, de la campagne double et, d'autre part, des décrets de 2000 et 2004.

Il reste que ces démarches doivent être guidées par le souci permanent d'atteindre la juste indemnisation de ceux qui ont combattu pour notre pays, afin de faire cesser une revendication permanente qui sied mal au sujet et qui utiliserait la variable d'ajustement démographique pour améliorer indéfiniment la réparation.

En effet, si le prix du sacrifice doit être légitimement compensé, le devoir accompli ne crée pas pour autant de droits supplémentaires. Ce doit être là notre fil conducteur.

Ce constat établi, il convient maintenant de s'attacher à la redéfinition de la mémoire, qui, à mon sens, deviendra l'un des fondements de notre mission lorsque les vivants ne seront plus là en aussi grand nombre pour rappeler les valeurs essentielles que nous souhaitons transmettre.

À cet égard, certes, je reconnais que la mémoire n'a pas été abandonnée, monsieur le secrétaire d'État, et je voudrais rappeler le bilan des actions qui ont été réalisées ces dernières années : la construction à Douaumont du mémorial des soldats musulmans « morts pour la France » ; le nouveau Centre européen du résistant déporté, le CERD, au camp du Struthof ; le mémorial de la guerre d'Algérie au quai Branly ; enfin, l'achèvement de la reconstruction complète du cimetière de Mers el-Kébir.

Je voudrais dire aussi ma satisfaction de constater que ce budget pour 2008 « n'oublie pas la mémoire ». Je relève ainsi que 700 000 euros sont alloués aux célébrations du 90e anniversaire de l'armistice de 1918.

J'apprécie également que les crédits consacrés aux lieux de mémoire soient augmentés, en 2008, de près de 1 million d'euros pour les opérations au Mont-Valérien et à Zeitenlick, en Grèce. La dotation habituelle permettra de poursuivre la restauration des nécropoles nationales.

Par ailleurs, 3 millions d'euros sont prévus pour doter en capital la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, dont la création est prévue en 2008. Je m'interroge cependant sur le rôle que remplira cette fondation, notamment au regard des lieux de mémoire.

Il serait également intéressant de se pencher sur l'éventualité de la reconnaître d'utilité publique, afin d'étendre son champ d'action.

Vous me permettrez encore de souligner la contribution apportée par le Sénat dans le rapport de contrôle sur les lieux de mémoire, grâce à mon humble collaboration, mais surtout grâce au travail de notre regretté collègue Jacques Baudot, à qui je voudrais rendre ici un hommage particulier.

M. le président. Très bien !

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Je rappellerai principalement que nos préconisations invitent à rationaliser et à parfaire la gestion de nos interventions dans ce domaine, notamment afin de préserver l'image de notre pays à l'étranger. Nous avons évoqué pour ce faire plusieurs pistes, parmi lesquelles je citerai la création, à l'instar d'autres pays, d'une fondation ou d'un établissement public chargé des lieux de mémoire liés aux combats de la nation.

Je tiens à vous témoigner, monsieur le secrétaire d'État, la satisfaction que m'inspirent, parmi les éléments nous montrant la voie à suivre, vos initiatives pour réhabiliter la mémoire et la reconstruire. Je pense ainsi aux réflexions sur les commémorations que vous avez confiées au professeur Jean-Jacques Becker et à André Kaspi, sur le sens à leur donner, pour le premier, et sur leur devenir, pour le second. Je suis tout aussi sensible à l'affectation de correspondants de mémoire dans chaque département, en souhaitant qu'une solution soit trouvée aux problèmes de rééquilibrage des catégories de personnels de votre administration afin que leur installation puisse s'achever.

Les initiatives du Président de la République, au regard de l'histoire, de la Résistance et, tout dernièrement, du 11 Novembre, sont pour le monde combattant des signes plus qu'encourageants.

Il faut cependant continuer à se projeter vers l'avenir. La conclusion de mon propos portera donc sur la prospective et la refondation.

La prospective est nécessaire pour reformater ce budget dans le temps, pour mieux doser les efforts et définir les objectifs d'indemnisation. À cet égard, il est impératif que la mission soit reconsidérée au regard de la LOLF.

À l'heure où les membres du contingent de 39-45 s'amenuisent et où la génération des anciens combattants d'Afrique du Nord s'impose, il importe de redonner à la mémoire un sens plus contemporain.

Enfin, il convient de porter déjà un regard vers les OPEX pour faire le lien intergénérationnel, qui s'imposera demain.

Il me reste à présenter l'article 41 quater rattaché à la mission, adopté à l'Assemblée nationale sur votre initiative, monsieur le secrétaire d'État, qui vise à fixer à 39 points au lieu de 37 l'indice de référence de la retraite du combattant, et ce à compter du 1er juillet 2008. Cette décision, dont le coût pour 2008 est estimé à 12 millions d'euros, n'implique aucune augmentation de crédits dans le présent projet de loi de finances dans la mesure où son financement sera assuré par redistribution de crédits. Je ne peux qu'approuver cette initiative, qui vient renforcer l'orientation prise en 2006 et 2007.

En conclusion de ces observations, je vous propose donc, mes chers collègues, conformément à l'avis de la commission des finances, d'adopter sans modification les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », et l'article rattaché 41 quater. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », j'ai l'honneur de vous présenter la synthèse des réflexions et des remarques de la commission des affaires sociales.

Parmi les trente-deux missions de la LOLF, celle qui concerne les anciens combattants arrive en treizième position, avec un budget de 3,370 milliards d'euros. Du fait de la disparition progressive mais inéluctable de nos combattants, ce budget, qui pourrait paraître en régression de 1,69 %, est en réalité en augmentation de 3,27 %.

L'ensemble du monde combattant, représenté par quelque 7 000 associations - dont 400 d'envergure nationale -, a d'ailleurs très bien compris l'écoute, l'intérêt et le respect que, tous, nous avons pour eux, pour les privations, les souffrances et les blessures qu'ils ont subies, mais aussi pour les libertés qu'ils ont gagnées pour nous.

Malgré les contraintes qui pèsent sur le budget de la France - nous les connaissons tous -, les actions menées en faveur du monde combattant, qui s'étaient endormies pendant près de trente ans, ont été ravivées dès 2002.

Vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d'État, amplifier ce rattrapage amorcé en 2002 et conforter des avancées telles que la décristallisation, l'augmentation de 2 points supplémentaires de la retraite du combattant, le dédommagement des orphelins des victimes des actes de barbarie, l'augmentation uniforme des pensions de veuves, la hausse du plafond majorable de la rente viagère, l'attribution plus large de la carte du combattant, les soins aux grands mutilés, etc.

Nous avons remarqué que la dotation moyenne par ressortissant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est passée de 7 830 euros en 2002 à 9 154 euros en 2008.

Toutefois, la commission des affaires sociales a surtout été sensible au rôle social grandissant de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, qui s'est vu lui aussi conforté dans ses missions ces dernières années. Nous avons mesuré le travail important qui lui est dévolu, notamment pour les dotations de l'allocation différentielle et les secours ponctuels à apporter aux conjoints en difficulté.

À ce sujet, nous avions souhaité que le plafond de l'allocation différentielle fût relevé de 550 à 681 euros : nos collègues députés ont obtenu l'assurance que cette mesure sera appliquée de façon rétroactive à compter du 1er août 2007.

Nous souhaiterions également que les fonds afférents aux crédits sociaux et ceux qui sont prévus pour l'allocation différentielle ne fussent pas confondus. Il y aurait une plus grande transparence s'ils apparaissaient sur deux lignes différentes dans la dotation de 18,6 millions d'euros qui est allouée.

L'ONAC a dans ses missions la charge et la gestion de neuf maisons de retraite et de neuf écoles de reconversion professionnelle. Ces dernières accueillent des jeunes en difficulté d'insertion et leur proposent un tutorat d'accompagnement, qui est un véritable parrainage, accompli par des anciens combattants bénévoles qui font profiter les jeunes de leur savoir et de leur expérience professionnelle.

L'ONAC est l'un des rares établissements publics qui associe les usagers à sa gestion et qui ait une réelle demande de modernisation, avec un contrat d'objectif et de moyens, pour optimiser ses missions et assurer la plénitude du rôle social qui lui est dévolu.

J'ai surtout parlé de « social », et c'est mon rôle, mais les anciens combattants ont bien sûr d'autres demandes et d'autres dossiers en attente ou en cours d'instruction, notamment le problème de la campagne double, le relèvement des rentes mutualistes, les soucis des RAD et des KHD, etc.

Pour lire un grand nombre de leurs publications, pour les rencontrer souvent, je sais qu'ils ont surtout soif de reconnaissance et qu'ils veulent continuer à compter dans la vie des Français.

Comme vient de le faire mon collègue Charles Guené, je me permets d'insister sur la politique de mémoire que nous avons à ériger comme un devoir vis-à-vis d'eux et de ce que nous leur devons.

Si, pour la plupart d'entre nous, les guerres du xxe siècle sont encore très présentes à l'esprit, nous avons l'impérieux devoir de faire connaître à la jeunesse de notre pays les sacrifices de ceux qui se sont battus pour préserver nos libertés.

Nous apprécions que le Gouvernement veuille donner un lustre particulier à la célébration, le 11 novembre prochain, du 90e anniversaire de l'armistice de 1918. Là encore, nous aimerions qu'un crédit bien ciblé apparaisse dans la dotation de 8,9 millions d'euros prévue pour la politique de mémoire. Ce serait un symbole fort. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous donner des assurances à ce sujet ?

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission des affaires sociales s'est prononcée en faveur de l'adoption des crédits pour 2008 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Je conclurai mon propos avec une phrase relevée dans une publication d'anciens combattants : « Entre le passé où sont nos souvenirs et l'avenir limité où sont nos espérances, nous devons accorder une place au présent où sont nos devoirs. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, avant d'ouvrir le débat, de saluer les nombreux représentants des associations d'anciens combattants présents dans la tribune.

Le budget des anciens combattants appelle de ma part et de celle du groupe socialiste des observations générales et des remarques sur des points particuliers qui sont à mes yeux au coeur de ce que la nation doit au monde combattant.

Les observations générales concernent d'abord le volume des crédits consacrés à ce budget. Je condamne le choix du Gouvernement qui, cette année encore, baisse ce budget de 60 millions d'euros.

Les arguments avancés par le secrétaire d'État et les rapporteurs de la majorité nous sont connus. Ils ne sont pas pertinents. La baisse du budget est simplement la conséquence de choix idéologiques : 15 milliards d'euros de baisse d'impôts ont été accordés aux contribuables les plus favorisés. Pour quel résultat, sinon celui de creuser un peu plus les inégalités ? Une toute petite part de ces 15 milliards d'euros aurait permis de donner une réponse positive aux principales revendications du monde combattant.

Ces combattants qui ont servi la France, répondant à l'appel de la nation, ne sont pas des quémandeurs. Nous connaissons leur courage, leur esprit de sacrifice et leur abnégation. C'est pourquoi le Gouvernement et le Parlement ont pour devoir de prendre en charge le droit à réparation que le pays tout entier leur reconnaît depuis 1918.

Je salue ici, au nom du groupe socialiste, le formidable travail accompli au quotidien par celles et ceux qui, au travers des associations, défendent les intérêts moraux et matériels de leurs adhérents et mènent auprès des jeunes un travail pédagogique autour du devoir de mémoire. Nous leur devons respect et reconnaissance.

Dans la deuxième partie de mon intervention, j'évoquerai un certain nombre de dossiers qui me tiennent particulièrement à coeur.

S'agissant tout d'abord de la retraite du combattant, le Gouvernement a finalement accepté un amendement déposé à l'Assemblée nationale augmentant cette pension de deux points, la faisant passer de 37 points à 39 points d'indice. Nous constatons que cette mesure prendra effet au 1er juillet 2008, ce que nous contestons vivement. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement prévoyant le 1er janvier 2008 comme date d'application.

Dans le même esprit, nous revendiquons une juste indexation des pensions militaires d'invalidité, qui ne devrait pas être inférieure à l'indice du coût de la vie. Or, depuis 2002, la perte de pouvoir d'achat de la pension est de 6 %.

Nous souhaitons que la question de la campagne double trouve enfin une solution positive.

La reconnaissance de la guerre d'Algérie, à l'unanimité de la représentation nationale, conduit logiquement à reconnaître à ces anciens combattants les mêmes droits qu'aux autres générations du feu.

En ce qui concerne la rente mutualiste, nous considérons que c'est un dossier qui appelle un suivi régulier et que le plafond de la rente doit être relevé à l'indice 130. Le Gouvernement ne l'a pas décidé, mais nous pensons que cette mesure permettrait d'achever le rattrapage auquel le Président de la République s'est engagé pendant la campagne présidentielle. Un amendement a été déposé en ce sens.

S'agissant des orphelins de guerre, victimes de la barbarie et de l'agression nazie, les dispositifs existants doivent être complétés. Le pays doit aller au bout de la logique qui a été engagée par le décret du 1er juillet 2000. Certes, il y a encore du chemin à parcourir, mais il faut s'y engager, c'est une question d'équité. Les sentiments d'injustice et de frustration qui hantent l'esprit des orphelins sont trop forts pour être ignorés plus longtemps.

Je souhaite évoquer maintenant un dossier qu'il est impossible de laisser en l'état, celui des veuves d'anciens combattants les plus démunies, notamment des veuves d'agriculteurs, d'artisans, de commerçants, et les veuves de salariés longtemps payés au SMIC. Certaines vont même devoir payer maintenant la redevance audiovisuelle dont elles étaient exonérées jusqu'à présent.

Ces veuves vont grossir le flot des personnes en très grande difficulté et beaucoup vivent dans une très grande précarité.

L'an dernier, le Parlement a voté la création d'une allocation différentielle de solidarité pour les veuves disposant de ressources inférieures à 550 euros par mois. Votre prédécesseur ne l'ayant pas fait, vous avez publié tardivement les textes d'application, mais avec des critères trop stricts. Dès lors, peu de dossiers ont été retenus. Dans mon département, la Moselle, sur une dizaine de dossiers déposés, aucun n'a été retenu.

Cette année, devant l'Assemblée nationale, vous avez annoncé que le plafond de 550 euros serait porté à 681 euros. Mais, monsieur le secrétaire d'État, 681 euros, c'est le seuil de pauvreté ! Ainsi, vous maintenez ces veuves dans une situation inadmissible. Nous vous demandons donc de relever le plafond de ressources au niveau du minimum vieillesse, soit 800 euros. Un amendement a été déposé en ce sens.

Par ailleurs, il est indispensable que les critères d'attribution de l'allocation soient revus pour permettre au plus grand nombre de veuves d'en bénéficier.

Bien que nous fassions totalement confiance aux représentants des anciens combattants au sein des structures de l'ONAC pour gérer au mieux cette allocation différentielle, il serait plus conforme à la LOLF que les crédits fassent l'objet d'un article distinct de la loi de finances.

Je conclurai, monsieur le secrétaire d'État, en évoquant le destin tragique des anciens membres des unités RAD-KHD, des hommes et des femmes d'Alsace-Moselle incorporés de force dans des organisations paramilitaires allemandes et qui ne sont toujours pas indemnisés.

Une partie de ping-pong s'est engagée depuis trop longtemps entre l'État et la fondation « Entente franco-allemande », qui dispose des ressources nécessaires pour financer une juste indemnité. De deux choses l'une : ou bien l'État paie ou bien l'État fait payer la fondation. Une troisième voie est encore possible, celle d'un partage entre l'État et la fondation. Il ne faut pas laisser le temps faire son oeuvre à la place de la responsabilité politique.

Je vous serais très reconnaissante, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir me faire connaître votre position et si vous avez engagé des pourparlers avec la fondation.

Je terminerai par une question concernant les « malgré- nous », ces Alsaciens-Mosellans anciens prisonniers des camps soviétiques et pour qui existe une discrimination selon le lieu d'implantation des camps dans lesquels ils se trouvaient. En effet, seuls ceux qui étaient situés à l'est de la frontière germano-russe de 1941, matérialisée par le fleuve Bug et nommée « ligne Curzon », ont été pris en compte, contrairement à ceux qui étaient dans les camps situés à l'ouest de cette ligne. Que comptez-vous faire pour eux, monsieur le secrétaire d'État, afin de pallier cette différence de traitement ?

Par ailleurs, sur ce même sujet, dans le cadre de votre politique de mémoire, nous souhaitons que le vécu et les souffrances endurées par les Alsaciens-Mosellans durant la période de l'annexion fassent partie intégrante de l'histoire de notre pays et soient enseignés comme tels dans les écoles.

Il reste encore un point non réglé à ce jour et sur lequel M. Sarkozy s'est engagé lors de la campagne présidentielle, c'est l'attribution du titre de reconnaissance de la nation aux réfractaires du Service du travail obligatoire, le STO : « il est temps que notre pays reconnaisse enfin aux réfractaires leur droit imprescriptible à réparation en leur attribuant le titre de reconnaissance de la nation », a-t-il dit. Que pensez-vous faire à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État ?

En conclusion, le Gouvernement ayant fait le choix de favoriser par sa politique fiscale les plus privilégiés de nos concitoyens, au détriment de ce qui aurait pu et dû être fait pour les anciens combattants par justice, respect et reconnaissance, il est impossible au groupe socialiste de voter votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2008 s'inscrit, cette année encore, dans le contexte de maîtrise de la dépense publique, fixée par le Président de la République et mise en oeuvre par le Gouvernement. Cela explique la raison de la légère diminution des crédits réservés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » de 1,9 %.

Ce budget reste néanmoins tout à fait satisfaisant puisqu'il marque la poursuite des efforts engagés, en 2006 et 2007, dans le domaine de la réparation, de la solidarité et de la mémoire.

Il s'agit, notamment, de l'achèvement du processus de décristallisation des pensions. Les crédits dégagés en 2007 sont reconduits et augmentés de 24 millions d'euros, afin de prendre en charge la réouverture du dispositif à près de 3800 veuves, la consolidation du relèvement du plafond des rentes mutualistes à 125 points d'indice de pension militaire d'invalidité - avec une augmentation de la dotation correspondante de 4,17 % -, l'accroissement des crédits de l'ONAC ou l'augmentation des points d'indice de la retraite du combattant.

Au total, et à périmètre constant, la dotation moyenne par pensionné augmente de 3,27 % par rapport à 2007, témoignant de l'attention que le Gouvernement porte au monde combattant et au devoir de réparation.

Après une première augmentation de deux points d'indice PMI - pension militaire d'invalidité - au 1er juillet 2006, la retraite du combattant a été de nouveau revalorisée au 1er janvier 2007 de deux points. Néanmoins, le Gouvernement a tenu à faire un effort supplémentaire, cette année encore, en proposant, par voie d'amendement lors de l'examen de ce budget à l'Assemblée nationale, le 8 novembre dernier, une troisième augmentation consécutive de deux points d'indice à compter du 1er juillet 2008 ; je sais combien nos deux rapporteurs y étaient particulièrement attachés.

Après une longue phase de stagnation de 1978 à 2005, la retraite du combattant vient donc de connaître une revalorisation importante de six points en trois ans, pour atteindre 39 points, avec un objectif de 48 points dans les perspectives budgétaires, objectif sur lequel le Président de la République s'est engagé en réponse aux attentes des associations.

Ce budget pour 2008 permet également de renforcer les droits liés aux pensions militaires d'invalidité, avec notamment la consolidation des crédits destinés à la prise en charge d'appareillages de qualité pour les anciens combattants mutilés et invalides ou blessés. Il prévoit également l'inscription d'une dotation spéciale pour les rentes mutualistes.

Par ailleurs, la place de l'ONAC est renforcée. Ses crédits sociaux poursuivent leur hausse, afin de répondre aux besoins des anciens combattants en difficulté et de leurs veuves âgées ; une hausse des crédits d'action sociale de 32 % est prévue, liée notamment au financement de l'allocation différentielle en faveur des conjoints survivants.

Le seuil des ressources de référence est porté pour 2008 de 550 euros à 680 euros, ce qui permet de couvrir un nombre plus important de situations. Une dotation de 5 millions d'euros est prévue à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2008.

Autre gage de pérennité, l'année 2008 sera celle de l'adoption d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens pour l'Office qui fixera, jusqu'en 2013, le cap des principales orientations. Dans cet objectif, les crédits destinés à I'ONAC augmentent en 2008 de manière significative, puisqu'il s'agit de 7,7 %.

L'Institution nationale des invalides voit, elle aussi, sa subvention en augmentation de 0,8 million d'euros. Elle pourra ainsi poursuivre non seulement la politique d'amélioration des soins entreprise depuis plusieurs années, mais aussi le programme de modernisation de son organisation administrative et développer davantage encore son expertise dans l'évaluation et la prise en charge du grand handicap.

Par ailleurs, l'année 2008 verra également - et nous nous en réjouissons - la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, pour laquelle est inscrite une dotation en capital de 3 millions d'euros.

Enfin, je voudrais appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des orphelins de guerre.

S'il faut se féliciter de la bonne application des dispositifs prévus pour l'indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, il est regrettable que ces droits ne soient pas étendus aux autres orphelins de victimes de la barbarie nazie. En 2004, nous avons obtenu, avec nos collègues, que l'indemnisation soit ouverte aux orphelins dont les parents sont morts en déportation, fusillés ou massacrés pour des actes de résistance ou des faits politiques.

Cela étant, au motif que leurs parents sont morts les armes à la main pour rétablir la liberté et la République, sans avoir été pour autant arrêtés ou fusillés, certaines personnes restent encore exclues du dispositif d'indemnisation. Il est temps aujourd'hui de réparer cette injustice.

C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'État, d'étendre l'indemnisation à tous ceux dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, quelles que soient les conditions de leur mort. Nous sommes bien conscients qu'il faut attendre les conclusions de la mission confiée au préfet Audouin sur l'évaluation des décrets de 2000 et 2004.

Vous avez précisé à l'Assemblée nationale qu'à la suite des conclusions de cette mission la commission de suivi se réunira au début de l'été 2008 et que la traduction budgétaire des mesures envisagées ne posera aucun problème. (M. le secrétaire d'État acquiesce.) C'est très rare d'entendre un membre du Gouvernement faire de telles affirmations, et nous vous en remercions. Cette réponse nous permet d'espérer la traduction budgétaire de ces mesures d'indemnisation pour 2009.

En attendant, puisque vous attachez, comme nous tous et peut-être même plus que certains d'entre nous, une très grande importance au devoir de mémoire, nous vous demandons de bien vouloir accepter de retenir la mention « mort pour la France » sur les actes de décès des résistants et victimes de la barbarie nazie.

Les enfants de résistants massacrés entre 1940 et 1945 ont pris conscience qu'on avait oublié le sacrifice de leurs parents, morts sous la torture dans les prisons ou dans les camps de concentration, morts lors des combats ou lors des opérations de déminage pour libérer les routes empruntées par les armées alliées. Il ne doit pas y avoir d'iniquités dans le devoir de mémoire, surtout s'agissant des résistants auxquels nous devons une reconnaissance éternelle. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'accueillir cette requête avec, je l'espère, la plus grande bienveillance.

Respectueux des attentes du monde combattant comme des engagements du Président de la République, ce budget nous paraît tout à fait satisfaisant. C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues du groupe UMP, nous voterons les crédits réservés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Nous tenons particulièrement à remercier le Président de la République et le Premier ministre, qui ont souhaité pérenniser le secrétariat d'État aux anciens combattants. Une nation ne saurait mieux exprimer l'importance qu'elle attache à ceux qui ont combattu pour elle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous présentez un budget qui ne comportait à l'origine aucune mesure nouvelle. Ce n'est que sous la pression des associations d'anciens combattants, nombreuses, et que je salue ici, que deux mesures ont été adoptées.

Ce budget enregistre une diminution systématique et récurrente, de 1,69 % cette année, le fameux argument de la baisse démographique nous étant servi comme à l'accoutumée.

Le dépôt d'amendements devient la règle, ainsi que - j'ose employer le terme, mais n'y voyez aucun mal, monsieur le secrétaire d'État ! - la « supercherie » consistant à faire « glisser » en partie les crédits d'une année sur l'autre.

Dans le projet de loi de finances pour 2006, M. Mekachera « lâchait » deux points pour la retraite du combattant, tout en proposant que cette mesure ne soit applicable qu'à partir du mois de juillet. Or, lorsque nous votons un budget, la plupart de nos concitoyens pensent que les mesures prévues sont applicables dès le 1er janvier suivant.

L'année 2007, année électorale, fut l'exception : la hausse prévue s'appliqua au 1er janvier.

L'an dernier, c'est par amendement que le Gouvernement nous avait proposé la création, au 1er juillet, de l'allocation différentielle de solidarité servie aux conjoints survivants, mais le plafond de ressources est si bas que quelques dizaines de bénéficiaires seulement la perçoivent.

Cette année, la bonne surprise ne sera malheureusement pas au rendez-vous ! On change de président, mais pas de politique. Alors, quoi de neuf, me direz-vous ? Quid des promesses du candidat, puis du président Nicolas Sarkozy en faveur du monde combattant ?

Les anciens combattants attendent la réalisation de ces promesses. Or force est de constater qu'aucune mesure concrète ne figure dans ce budget, hormis quelques velléités. Mais ce ne sont là que quelques pincées de sel ! En revanche, 15 milliards de cadeaux fiscaux ont été distribués dès le mois de juillet aux plus riches !

Au demeurant, vous reprenez d'une main ce que vous donnez parcimonieusement de l'autre. N'oublions pas, en effet, que les anciens combattants et leurs veuves subiront, comme tous les Français, même si ce n'est que partiellement, les franchises médicales ! Mme Bachelot-Narquin me l'a dit ici même récemment : ils n'en seront exonérés que pour les affections portées sur leur carnet de soins. Avouez que c'est indigne !

De plus, comme toutes les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, ils subiront, en 2008, la suppression de l'exonération de la redevance audiovisuelle, alors que, compte tenu des réactions qu'elle suscite, cette mesure pourrait être mise en oeuvre progressivement sur trois ans.

Je me permets également de rappeler que l'octroi d'un point supplémentaire pour la retraite du combattant, soit 13,38 euros par bénéficiaire et par an, équivaut, en année pleine, à un coût total de 20 millions d'euros. Si l'on met ce chiffre en parallèle avec les 15 milliards de cadeaux fiscaux votés dans la loi TEPA de juillet dernier, accordés aux ménages les plus aisés, nous sommes en pleine indécence !

Entre un budget initial sans proposition nouvelle et les maigres avancées issues du débat à l'Assemblée nationale, suivant le processus que je viens de décrire, vous ne nous présentez finalement, comme mesure nouvelle, monsieur le secrétaire d'État, qu'une hausse de deux points de la retraite du combattant au 1er juillet 2008, et ce sous la pression du monde combattant et de ses associations ! Mais comme vous avez consenti un effort à l'Assemblée nationale, peut-être allez-vous aujourd'hui créer la surprise en nous faisant une proposition que tout le monde pourrait accueillir favorablement ! (Sourires.)

Certes, vous mettez en oeuvre la disposition prévue dans la loi de finances de 2007 créant l'allocation différentielle pour les conjoints survivants, dont le coût, en année pleine, s'élève à 4,5 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 500 000 euros non consommés de l'année dernière. Mais vous savez pertinemment que cette mesure s'est révélée quasiment inopérante avec un plafond de ressources de 550 euros, que vous avez dû porter, y compris sous la pression de vos amis politiques, à 681 euros, le seuil de pauvreté INSEE le plus bas des deux qui coexistent, avec un effet rétroactif au 1er août 2007 qui ne vous coûtera pas cher.

Par ailleurs, cette disposition reste agglomérée aux crédits sociaux de l'ONAC, contre l'avis de la quasi-totalité de vos interlocuteurs. Je vous demande donc de « sortir » les conjoints survivants d'un système que l'on pourrait qualifier d'« assistanat » : une véritable ligne budgétaire doit être créée pour différencier la mesure et garantir sa pérennité. Il convient également d'extraire au moins l'allocation personnalisée d'autonomie, qui est une prestation en nature, des revenus retenus pour fixer le plafond, ainsi que les loyers et aides au logement, qui ne sont pas pris en compte par l'ONAC pour l'aide sociale.

Monsieur le secrétaire d'État, si vous fixiez ce plafond à 817 euros, le seuil de pauvreté calculé au niveau européen, cela serait plus juste !

Par ailleurs, vous ne prévoyez pas de relever le plafond majorable de la retraite mutualiste des anciens combattants. Vus ne prévoyez rien pour la campagne double. Vous refusez d'abaisser de soixante-quinze ans à soixante-dix ans le bénéfice de la demi-part supplémentaire d'impôt sur le revenu, qui est pourtant réclamée depuis des années par les titulaires de la carte du combattant volontaire de la Résistance et leurs veuves. Vous ne réglez pas non plus le douloureux problème de l'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires nazies. Je reviendrai tout à l'heure sur certains de ces points.

Je voudrais également me faire l'interprète des grands invalides de guerre, qui désespèrent d'obtenir la prise en charge intégrale de l'appareillage et des aides techniques, notamment pour les prothèses auditives. Il s'agit des plus âgés et des plus fragiles des anciens combattants !

Je vous rappelle enfin que les victimes des essais nucléaires se heurtent toujours au refus du ministère de la défense de lever le secret défense sur les rapports de relevés de radioactivité des essais nucléaires au Sahara et en Polynésie française, et que les anciens des missions extérieures attendent toujours l'attribution de la carte du combattant sur la base de 120 jours de présence sur les lieux d'opération.

Vous n'évoquez pas le rapport constant : il est pourtant urgent qu'une instance de concertation tripartite se réunisse pour chiffrer le retard accumulé et clarifier le fonctionnement du dispositif.

Permettez-moi également de donner mon sentiment sur la pérennisation des services de l'ONAC. Nous devrions les intégrer dans la loi, monsieur le secrétaire d'État. Vous nous avez apporté des assurances en la matière, mais les anciens combattants attendent que ces services soient véritablement consacrés.

En outre, on le sait - écoutez-moi bien, monsieur le secrétaire d'État, et j'espère que vous ne me démentirez pas ! - il n'y a plus que vingt-sept assistants sociaux pour la France entière, dont un seul à Paris pour toute l'Île-de-France (M. le secrétaire d'État fait un signe de dénégation.) et un seul à Lyon pour la région Rhône-Alpes. Et vous nous annoncez avec satisfaction le redéploiement du personnel pour une meilleure efficience, tandis que le rapporteur spécial évoque l'évolution de la performance et le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux. Il me semble que le nouveau contrat de plan pour la période 2008-2012 s'annonce sous d'inquiétants auspices ! Pourriez-vous me rassurer sur ce point ?

Je constate cependant que vous n'êtes pas avare de commissions et d'instances de réflexion. Sans vouloir vous prêter des intentions coupables, je connais les craintes de chacun : ces instances ont parfois pour objet de faire durer les choses ou de préparer des coups bas.

Vous annoncez la création de la commission Kaspi sur les commémorations, le renouveau et la lutte contre le désintérêt. La commission Becker va réfléchir, nous dites-vous, sur le « sens à donner aux commémorations du 11 novembre  2008 », et ce dans un périmètre européen. Vous nous parlez d'une réflexion ministérielle sur la campagne double, alors que celle-ci a largement eu le temps de se faire, de se défaire et de se refaire depuis le tortueux cheminement du rapport Gal. S'agissant de l'indemnisation des orphelins, enfin, vous nommez le préfet Jean-Yves Audoin pour « étudier le statut des orphelins de guerre », avant de désigner par la suite une commission.

Je préférerais vous entendre cadrer plus précisément les promesses que vous avez faites devant nos collègues députés.

S'agissant des engagements du Président de la République, pourquoi ne pas vous engager solennellement sur un plan quinquennal, assorti de dates et de moyens, pour l'ensemble des revendications dont il a promis la satisfaction ? Cela aurait le mérite de la clarté !

Je souhaiterais également des engagements plus précis sur l'achèvement de l'indemnisation des orphelins de victimes du nazisme. Vous savez, comme nous tous, qu'un certain nombre de personnes s'estiment lésées. Selon les termes de votre prédécesseur, l'élément fondateur de l'éligibilité au bénéfice du décret de 2004 est l'acte de barbarie. Mais il n'est plus tenable d'ergoter sur ce qui fut barbare ou le fut moins. Décidons donc, pour en finir dignement, d'étendre le bénéfice de ce décret à tous les orphelins de guerre, particulièrement des résistants morts les armes à la main.

Quant aux conflits contemporains et aux psychotraumatismes de guerre, il faudra bien que le droit à réparation s'applique enfin à tous, y compris aux victimes de la guerre du Golfe et à celles des irradiations nucléaires consécutives aux essais effectués dans le Sahara et en Polynésie française.

Pour conclure rapidement un propos difficile à résumer en si peu de temps, je vous le dis, avec le monde combattant je serai très vigilant - nous travaillerons avec vous, monsieur le secrétaire d'État - sur le droit à réparation, sur la mémoire et sur les dates de commémoration.

Vous déclariez dernièrement, dans le journal Le Figaro, votre attachement à l'enjeu « de savoir transmettre ». Oui, transmettre, mais comment ? Aujourd'hui, en effet, des voix s'élèvent pour prôner l'instauration d'une date unique, une sorte de « Memorial Day » à l'américaine. Notre rapporteur, Mme Janine Rozier, dont je ne crois pas déformer les propos, y semble favorable, monsieur le secrétaire d'État.

Ne l'êtes-vous pas également à mots couverts ? Votre création d'une commission chargée de réfléchir aux commémorations est-elle innocente ? Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous avez dit que les parlementaires, auteurs de la proposition de loi tendant à instituer le 27 mai une journée nationale de la Résistance, seront invités à exposer leur point de vue à la commission présidée par l'historien André Kaspi. Soyez assuré que j'ai retenu l'invitation et que j'y serai !

Pour honorer la mémoire des militaires tombés pendant la guerre d'Algérie et les combats de Tunisie et du Maroc, ainsi que celle des victimes civiles d'avant et d'après le 19 mars 1962, je veux souligner le stratagème peu glorieux du Gouvernement pour donner force de loi à la date du 5 décembre au lieu et place de la date légitime du 19 mars. Il l'a fait par le biais d'un décret qui a acquis valeur législative par l'article 2 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ! Je l'ai appris en lisant, dans le Journal officiel, votre réponse à la question de l'une de nos collègues, Mme  Sylvie Desmarescaux !

Non, la mémoire n'est pas une abstraction que l'on pourrait, une fois l'an, servir à des écoliers ennuyés, sous prétexte qu'ils ne s'ennuieraient qu'une fois ! Elle est faite de dates-phares qui ont du sens, qui rappellent des sacrifices, des combats, des engagements concrets à toutes les époques de notre histoire où il fallut que les hommes et les femmes de notre pays se lèvent contre ce qui menaçait notre indépendance, notre liberté, la paix du monde. Et les collégiens de mon département, que j'accompagne une fois l'an à Auschwitz-Birkenau, le savent désormais.

Malgré la reconnaissance de certaines avancées, mais en toute connaissance de leur très large insuffisance, c'est en vertu du respect qu'il porte au monde combattant que notre groupe votera contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les ans, le budget des anciens combattants revêt un caractère particulier. En effet, il ne répond ni aux besoins de l'année à venir, ni aux investissements pour les années futures. En aucune manière, il ne peut être comparé au budget de la mission « Santé » ou à celui de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », qui se singularisent par des actions d'investissements essentiels pour l'avenir de la France.

Toutefois, ne l'oublions pas : la mémoire et le souvenir sont non seulement la richesse du présent, mais aussi le tremplin de l'avenir, puisque l'on peut en tirer des enseignements.

Chaque jour, des acteurs de ce passé nous quittent. Avant qu'il ne soit trop tard, apportons le témoignage de notre reconnaissance à ceux qui ont servi la France !

Oui, nous pouvons nous réjouir, et avec nous le monde des anciens combattants, du maintien de ce ministère. La présence et l'investissement de M. le secrétaire d'État, Alain Marleix, sont des signes forts de cette volonté d'avoir un interlocuteur privilégié et un budget spécifique.

Toutefois, la reconnaissance de la nation doit aller plus loin et se traduire par des mesures significatives répondant à des aspirations légitimes. Je connais nos difficultés budgétaires. L'effort consenti en 2007 a, reconnaissons-le, représenté une avancée importante, mais insuffisante.

En votant ce budget, nous devons penser à ceux qui ont donné leur vie pour que la France reste la France. Bien sûr, nous le savons, mes chers collègues, ceux de la Grande Guerre qui ont connu l'offensive en Artois, mais aussi le Chemin des Dames ou Verdun, ne sont plus là.

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse, monsieur le secrétaire d'État.

Seulement deux survivants portent encore la mémoire de la terrible Guerre de 1914-1918. Le temps a fait son chemin ! En l'instant, chers collègues, permettez-moi, que vous soyez d'un côté ou de l'autre de cet hémicycle, de penser à l'un deux, originaire de mon département, la Haute-Loire : M. Louis Decasenave, né le 16 octobre 1897, est le doyen des Français.

M. le président. Très bien !

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d'État, connaissant votre objectivité et votre indulgence, permettez-moi d'ajouter que si notre département ne possède pas certaines richesses, il compte également parmi ses habitants, dans le canton de Vorey que connaît bien le président Gouteyron, la doyenne des Français, Clémentine Solignac, née le 7 septembre 1894. (Applaudissements.)

Monsieur le secrétaire d'État, en contrepartie de la topographie du département, qui présente des handicaps géographiques, nous trouvons des motifs d'autosatisfaction : il y fait bon vivre, puisque les deux doyens des Français y vivent. Je referme la parenthèse !

Pensons aussi à tous ceux qui ont glorieusement porté les couleurs de la France là où elle combattait. Extrayons des noms, par exemple celui de Ðiên Biên Phú.

Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, il reste que le contingent le plus important est constitué aujourd'hui de ceux « qui ont fait l'Algérie », comme l'on a coutume de dire. Je suis l'un de ceux là, comme d'autres qui siègent dans cette assemblée - je vois Claude Biwer, par exemple. Après que le sang eut coulé pour la première fois dans les Aurès, le 1er novembre 1954, j'ai servi la France et porté ses couleurs, sans discussion aucune, entre 1956 et 1962.

Certes, il n'y avait ni tranchées, ni Chemin des Dames ; mais il y avait l'épreuve de la séparation avec la France, avec nos familles, avec nos amis. Il y avait aussi, ne l'oublions pas, le danger, la mort qui rôdait partout. Oui, nous avons été des serviteurs à la fois soumis, généreux - vous l'avez très bien dit, madame le rapporteur -, disciplinés et, je crois pouvoir le dire, courageux. Certains ont payé du sacrifice de leur vie.

Comme dans tous les conflits, les armes ont parlé. Outre les morts, des blessures graves, souvent définitives, il y a eu aussi des blessures moins visibles, mais plus profondes. Ceux qui connaissent des anciens combattants savent de quoi je veux parler.

Monsieur le secrétaire d'État, je dois reconnaître que ces crédits pour 2008, bien que le contexte budgétaire soit difficile, prennent en compte une partie, mais une partie seulement, des légitimes aspirations des soldats d'Afrique du Nord. Toutefois, soyons objectifs et honnêtes : nous apprécions les avancées obtenues par l'Assemblée nationale, même si elles sont insuffisantes.

Parmi nos revendications, au moins partiellement satisfaites, figure la revalorisation de l'indice de référence de la retraite du combattant. C'est une juste et légitime compensation, lorsque l'on connaît le nombre d'années pendant lesquelles celle-ci est restée fixée à l'indice 33.

La voie de sa revalorisation fut ouverte en juillet 2006, puis en janvier 2007, avec deux points supplémentaires au passage. Ces mesures, qui étaient attendues depuis 1978, portent actuellement l'indice à 37 points. Aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, l'augmentation décidée permet d'obtenir une référence à 39 points.

Monsieur le secrétaire d'État, comme l'a dit M. Fischer, toutes les années nous passons en second. Sans aller jusqu'à dire que l'Assemblée nationale a une priorité, l'effort a été fait, tant cette année que l'an dernier, à l'Assemblée nationale. Sans démagogie, je m'associe au président Fischer au moins dans ce domaine pour dire que le Sénat devrait aussi faire entendre sa voix pour obtenir l'augmentation d'un point supplémentaire de la retraite du combattant.

De la même manière, je me permets d'insister auprès de vous, monsieur le secrétaire d'État, pour obtenir que ces dispositions prennent effet non pas le 1er juillet 2008, comme cela est prévu, mais le 1er janvier. Vous le savez, cette retraite du combattant concerne 1,6 million de personnes susceptibles de faire valoir leurs droits. Ce doit être notre priorité à tous, que nous soyons parlementaires ou anciens combattants. C'est un témoignage de reconnaissance. Ne laissons pas passer car, demain, il sera trop tard pour beaucoup d'entre nous !

De plus, en 2003, le plafond majorable de la rente mutualiste a été exceptionnellement relevé, permettant une évolution de 115 points à 122,5 points. Cette augmentation substantielle du plafond majorable de 7,5 points a représenté un effort important sur le plan budgétaire, il faut le reconnaître. De la même manière, en 2006, son augmentation de 2,5 points, la portant ainsi à 125 points, a permis d'accomplir un pas supplémentaire, qui a été apprécié.

Pour 2008, conscient de la nécessité de tenir compte du coût budgétaire d'une telle revalorisation, je pense qu'il serait important de revaloriser le plafond majorable de la rente mutualiste des anciens combattants pour la porter à 130 points.

Oui, n'attendons pas que les bancs des anciens combattants soient complètement clairsemés pour agir en faveur d'une reconnaissance légitime et essentielle pour la nation. Il est vrai, à ce titre-là, qu'une augmentation plus importante permettrait de répondre aux attentes exprimées par tous ceux qui ont servi avec courage notre pays. Ce serait un nouvel acte positif pour le monde combattant.

Monsieur le secrétaire d'État, très franchement, il faudra aussi penser, dans un prochain budget, à abaisser de soixante-quinze à soixante-treize, voire soixante-dix ans, l'âge d'accès à la demi-part fiscale accordée aux anciens combattants. Cette génération a été usée par le travail, certains ayant été affectés encore plus que d'autres par leur métier.

Concernant la situation des conjoints survivants les plus démunis, le versement d'une allocation différentielle spécifique pour les veuves d'anciens combattants par le biais d'une augmentation des dépenses sociales opérées par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC, est à saluer.

Une inscription de 500 000 euros a permis de mettre en oeuvre une allocation pour compléter les ressources des veuves jusqu'à un montant qui appellerait peut-être des commentaires, mais qui est apprécié. Cela étant, cette mesure ayant déjà été évoquée, je ne m'étendrai pas pour éviter les redites.

Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes d'un département que vous connaissez bien, où vous êtes apprécié, qui compte des agriculteurs et des commerçants. Les retraites de ces derniers sont parmi les plus basses, même si ce ne sont pas les seules. Certes, il faut penser aux veuves, mais n'oublions pas pour autant les anciens combattants eux-mêmes, notamment ceux qui sont issus du monde rural et qui touchent à peine le minimum vieillesse. Ils pourraient aussi bénéficier d'un droit de tirage à ce plafond !

Souhaitons ardemment que ce budget soit relayé demain par un budget de la fraternité entre les peuples. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous nous féliciterons tous de l'effort consenti en faveur de ceux qui ont servi la France. Pour que cette unité soit encore plus forte, j'espère très sincèrement que les quelques aspirations qui n'ont pas obtenu la réponse attendue lors de l'examen de ces crédits à l'Assemblée nationale la recevront dans un prochain budget.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir écouté un ancien des Aurès, où le sang a coulé comme ailleurs, malheureusement, en Algérie, terre alors déchirée et ensanglantée.

En conclusion, mon groupe votera votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd'hui est très décevant car, encore une fois, il est en diminution.

Alors que le candidat Nicolas Sarkozy, aujourd'hui Président de la République, s'était engagé à prendre des mesures en faveur des anciens combattants et des victimes de guerre, et avait promis d'améliorer leur situation, nous déplorons aujourd'hui qu'une fois le temps de la campagne passé les promesses ne soient visiblement pas tenues.

Les anciens combattants et leurs familles étaient en droit d'espérer mieux, mais les largesses fiscales de l'été ont sérieusement limité la marge de manoeuvre budgétaire du Gouvernement. Le monde combattant nous rappelle en permanence les valeurs de notre pays, les droits et les devoirs inhérents aux actions qu'ils ont accomplies, et qui impliquent une reconnaissance légitime au travers du devoir de mémoire et du droit à réparation. Les anciens combattants connaissent le prix de la guerre et oeuvrent pour promouvoir la paix et la citoyenneté. Leurs attentes sont importantes symboliquement, mais modestes financièrement.

Nous vous le demandons, monsieur le secrétaire d'État, il faut aujourd'hui solder le passif du gouvernement précédent et accéder à leurs requêtes concernant la retraite, la rente mutualiste et l'allocation de solidarité.

Nous constatons avec regret que, avec 3,370 milliards d'euros pour 2008 contre 3,428 milliards d'euros en 2007, les crédits affectés aux missions de ce secrétariat d'État sont une fois de plus en diminution de 1,69 %, et même davantage si l'on tient compte de l'inflation.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'État, est malheureusement placé sous le signe de la continuité, puisqu'il est encore en baisse. Pourtant, les anciens combattants ont droit au respect de la nation tout entière.

Notons que le maintien des budgets à leur niveau depuis 2002 aurait permis de satisfaire en grande partie les revendications des anciens combattants. Sans même remonter jusqu'à 2002, le montant du budget de 2007 répondait sans enthousiasme aux besoins légitimes de nos aînés. Depuis vingt-huit ans, les titulaires de la carte du combattant réclament la juste revalorisation de leur retraite. Or la promesse faite par le précédent gouvernement, consistant à porter cet indice à 48 points, soit une croissance de trois points par an pendant cinq ans, n'a pas été tenue. Une première revalorisation de la retraite du combattant est intervenue le 1er juillet 2006, portant l'indice de 33 à 35 points, et le projet de loi de finances de 2007 a accordé deux points supplémentaires. Nous voilà à 37 points d'indice, bien loin des promesses formulées précédemment.

L'actuel Président de la République s'est engagé à porter la retraite du combattant à l'indice 48 sur cinq ans. Il aurait été bon qu'un geste plus significatif soit réalisé en cette première année du quinquennat. La baisse de ce budget, sensiblement égale à 58 millions d'euros, correspond à trois points d'indice de retraite. Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, l'effort n'était pas insurmontable, et je peux vous assurer que la déception est grande et amère dans le monde des anciens combattants.

La retraite du combattant constitue l'une des traductions les plus symboliques du droit à réparation. Il s'agit de la transcription pécuniaire de la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont combattu pour notre pays. Le montant de ces pensions, non réévalué de 1978 à 2006, a connu depuis une faible amélioration. Conformément aux engagements pris par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle, et conformément à sa maxime : « ce que j'ai dit, je le ferai », nous espérons que l'impulsion qui est lancée aujourd'hui se poursuivra dans les budgets ultérieurs, l'impératif étant d'atteindre d'ici à la fin de la mandature présidentielle les 48 points d'indice.

Je me permets de vous rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que, lors de la présentation de votre projet de budget pour 2008, vous indiquiez : « Compte tenu de la population concernée par la retraite du combattant, un crédit de 5 millions d'euros supplémentaire est inscrit, autorisant de nouvelles entrées pour la retraite du combattant. » Vous ajoutiez : « L'effort engagé par le Gouvernement dans ce domaine sera ainsi poursuivi, mais il devra tenir compte des contraintes budgétaires et des conclusions de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui a été récemment entamée à la demande du chef de l'État, et dont les conclusions seront rendues en 2008. »

Vous pensez bien, monsieur le secrétaire d'État, que ce type de propos n'est pas de nature à nous rassurer ! D'autant que la revalorisation de l'indice de retraite de deux points n'a été possible que parce qu'une redistribution de crédits s'est opérée. Je vous le rappelle, le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » a été amputé de 1,71 million d'euros alors que le programme 167 « Liens entre la nation et son armée » l'a été, quant à lui, de 1,22 million d'euros.

En ce qui concerne le plafond de la retraite mutualiste, vous annoncez une augmentation de la dotation de 4 %, soit un abondement de 9 millions d'euros. Dois-je rappeler, monsieur le secrétaire d'État, que la loi de finances pour 2007 avait fait évoluer l'indice de 122,5 à 125 ? II est donc normal que cette augmentation se retrouve dans le budget pour 2008.

Cela étant, le monde combattant espère depuis de nombreuses années que le plafond de la rente mutualiste du combattant soit relevé à l'indice 130, pour achever un rattrapage indispensable. Au cours de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy, qui s'était engagé à rattraper sans plus tarder les cinq points manquants, annonçait au monde combattant : « Concernant l'augmentation à 130 points du plafond majorable de la rente mutualiste des anciens combattants, je suis en mesure de vous assurer que cette revalorisation de cinq points sera envisagée. [...] Je sais que le monde combattant est attaché à l'objectif d'atteindre l'indice 130, et vous pouvez compter sur ma détermination pour faire avancer cette revendication. »

Où en est-on des promesses du Président de la République ? Le projet de loi de finances pour 2008 n'intègre aucune mesure nouvelle de relèvement.

Venons-en à l'allocation différentielle de solidarité. Créée par un amendement gouvernemental au projet de loi de finances pour 2007, ce dispositif concerne les veuves d'anciens combattants disposant de moins de 550 euros de ressources mensuelles. Cette allocation en faveur des conjoints survivants les plus démunis voit ses crédits portés à 5 millions d'euros, avec la traduction en année pleine de la décision de l'an dernier, dont on peut regretter la mise en oeuvre tardive. Votre prédécesseur n'avait pris aucun décret d'application avant son départ, et il a fallu attendre le 31 août dernier pour qu'un décret prenant effet au 1er août intervienne !

On peut également s'inquiéter du fait que l'examen des dossiers soit à présent réalisé directement dans les départements, et non plus sur le plan national, ce qui risque d'engendrer de graves complications, certains départements ne possédant pas de commissions départementales de l'ONAC, l'Office national des anciens combattants. Nous souhaitons surtout dénoncer avec force la faiblesse de cette allocation.

Lors de la discussion qui s'est déroulée à l'Assemblée nationale sur ce budget, vous indiquiez avoir demandé à l'ONAC d'étudier la possibilité de porter cette allocation au moins au niveau du seuil de pauvreté, soit 681 euros selon l'indice INSEE. Souhaitons que les conclusions de cette étude ne tardent pas à nous être présentées, et qu'elles soient favorables au monde combattant. Pour que cette mesure réponde aux attentes, il est indispensable que les critères soient revus afin de permettre au plus grand nombre d'en bénéficier.

Par ailleurs, nous demandons que cette allocation différentielle de solidarité ne soit pas englobée dans les crédits sociaux de l'ONAC, mais fasse l'objet d'un article distinct de la loi de finances, ce qui permettra de la pérenniser.

Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'État, que le fait de porter, pour l'allocation différentielle des conjoints survivants, le plafond de ressources de 550 euros à 650 euros n'aurait absorbé que 0,20% du budget. Les demandes du monde combattant restent très largement raisonnables !

Avant de conclure, je souhaite évoquer la question des orphelins de guerre dont les parents ont été victimes de la barbarie. Le sort différent qui leur est réservé n'est pas justifié, et nous nous interrogeons sur cette situation inéquitable.

Par ailleurs, l'interprétation qui est faite des articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre est restrictive et exclut de fait des familles du régime d'indemnisation prévu. Le programme 158 se voit amputé de 1,71 million d'euros, ce qui enlève toute possibilité - et c'est fort regrettable - de reconsidérer cette question.

Pour conclure, je souhaite réitérer la demande que j'avais formulée l'année dernière, celle de retenir la date du 19 mars pour la journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie. Les anciens combattants y sont profondément attachés, en lieu et place de la date du 5 décembre, qui n'a, selon nous, aucun caractère symbolique ni historique.

Monsieur le secrétaire d'État, la disparition, chaque année, de milliers d'ayants droit ne doit pas se traduire en économies budgétaires, alors que de nombreuses injustices perdurent dans l'application du droit à réparation. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter pour nous assurer que les mesures qui ne sont pas inscrites dans ce budget, malgré les promesses, le seront dans celui pour 2009 ? Il est temps que les promesses se transforment en actes, ce qui, à ce jour, vous en conviendrez, n'est malheureusement pas le cas.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et apparentés ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un bon budget est non pas nécessairement un budget qui augmente, mais un budget dont les crédits sont bien employés !

Cette maxime peut parfaitement s'appliquer à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » que nous examinons aujourd'hui ; les amendements que j'ai déposés vont d'ailleurs dans ce sens.

Comme je l'entendais à l'instant, certains de nos collègues ont mis l'accent sur le fait que ce budget baisse d'un peu plus de 2 %, ce qui est parfaitement exact. Mais compte tenu, hélas ! de la disparition progressive de nos camarades anciens combattants, la dotation moyenne par pensionné augmente de 3,27%. C'est un élément qu'il ne faut pas perdre de vue.

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Voilà !

M. Claude Biwer. Au-delà de cette querelle de chiffres, je voudrais m'attacher à mettre en lumière les points positifs, certes, mais aussi certaines insuffisances de votre budget, monsieur le secrétaire d'État.

La revalorisation de la retraite du combattant constitue bien évidemment l'un des éléments les plus importants de notre débat : le Président de la République s'est engagé à la porter, sur une période de cinq ans, de l'indice 37 à l'indice 48 de la fonction publique.

Afin d'y parvenir, une première étape dès la première année du quinquennat était nécessaire : c'est chose faite, puisque nos collègues députés ont adopté un amendement permettant d'augmenter de 2 points la retraite du combattant, soit de 4 %, à compter du 1er juillet 2008. C'est une mesure que je ne peux qu'approuver.

S'agissant des pensions militaires d'invalidité, j'observe qu'un effort est réalisé en faveur des crédits d'appareillage lourds, ce qui permettra aux invalides concernés de bénéficier de meilleurs remboursements.

Toutefois, l'indexation de ces pensions continue à poser problème : celle-ci ne doit pas être inférieure à celle du coût de la vie. Or l'indice des traitements de la fonction publique retenu jusqu'à présent ne tient pas compte des primes, ce qui entraîne une perte de pouvoir d'achat, évaluée à près de 6 % en cinq ans, pour les bénéficiaires de ces pensions d'invalidité.

Un autre problème récurrent est celui de la « campagne double », c'est-à-dire de l'octroi de bonifications de campagne à égalité de droits entre combattants de tous les conflits et, de ce fait, même pour les fonctionnaires et assimilés. Ce dossier est toujours en attente, malgré un avis favorable rendu par le Conseil d'État.

Comme je l'ai indiqué l'an dernier à votre prédécesseur, je ne suis pas hostile à cette campagne double, mais j'estime que, si elle devait être mise en oeuvre, elle devrait concerner aussi tous les anciens combattants d'Afrique du Nord.

Ayant moi-même passé vingt-sept mois en Algérie, où j'ai connu certaines difficultés et côtoyé la mort, je peux vous dire, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègue, que, à l'époque, au-delà de la durée légale des dix-huit mois, nous n'étions pas tous traités de la même manière, les uns étant payés, alors que les autres ne l'étaient pas.

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Claude Biwer. Je me permets de rappeler ces événements, pour les avoir vécus d'une manière un peu difficile. Même si nous avions à gérer ensemble les difficultés et les risques, nous n'étions pas tout à fait sur un pied d'égalité.

Je ne vous demanderai pas, aujourd'hui, de procéder à un rattrapage, bien que, ayant perdu deux années et demie de salaire, je serais en droit de revendiquer quelque chose ! Il s'agit simplement de nous considérer, à un moment où le montant des pensions est faible, comme des citoyens français totalement égaux aux autres.

S'agissant de la retraite mutualiste des anciens combattants, j'observe que la dotation budgétaire qui lui est consacrée augmente de 4 % afin de tenir compte de l'augmentation du nombre de bénéficiaires et de la majoration du plafond que nous avons votée en loi de finances pour 2007. Il convient, cependant, de ne pas perdre de vue le relèvement du plafond de cette rente mutualiste de l'indice 125 des pensions militaires d'invalidité à l'indice 130, afin de pouvoir achever le rattrapage qui a été promis aux anciens combattants.

J'en viens à présent à l'allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints survivants les plus démunis.

Le budget que vous nous présentez majore les crédits de 4,5 millions d'euros pour le financement de cette allocation, qui ne concernait jusqu'alors que les veuves d'anciens combattants touchant moins de 550 euros mensuels : j'observe avec plaisir que le Gouvernement a relevé ce plafond à 681 euros, seuil de pauvreté de l'INSEE. Mais ce plafond est encore particulièrement faible, d'autant que, curieusement, il englobe l'aide au logement, l'APL, alors que les loyers ne sont pas déduits de son calcul.

En ce qui concerne l'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale, elle devrait être étendue à tous ceux dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, quelles que soient les conditions de leur mort. Je sais qu'une mission a été confiée à M. Audouin sur ce sujet et j'attends avec confiance ses conclusions, en espérant qu'elles seront rapidement suivies d'effet.

Je veux enfin attirer votre attention, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, sur le tourisme de mémoire. Vous ne serez guère étonnés que le sénateur de la Meuse, habitant à proximité de Verdun, évoque ce problème et vous interpelle sur ce sujet.

Ce tourisme de mémoire a pour vocation de transmettre l'héritage combattant aux jeunes générations. Il permet de valoriser le patrimoine militaire de notre pays et doit contribuer également au développement des territoires.

Dans un département comme celui de la Meuse, l'année 2007 nous a permis de célébrer avec éclat le quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille de Verdun, ô combien mémorable ! En 2008, il conviendra de célébrer la victoire des alliés sur nos adversaires d'alors.

J'ai cru comprendre, monsieur le ministre de la défense, que vous participeriez à la construction d'un grand chantier d'interprétation à Verdun. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce sujet ?

Le tourisme de mémoire appartient à un secteur économique qui représente plus de 6 % de notre produit intérieur brut : il convient donc de ne pas le négliger et d'encourager les responsables des associations locales, qui se dépensent sans compter afin de faire partager cette passion de la mémoire, notamment aux plus jeunes.

Sous le bénéfice de ces observations, c'est avec plaisir que je voterai le projet de budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, qui présente son premier projet de budget devant notre assemblée, et que je le salue très amicalement à cette occasion.

Je souhaite également la bienvenue à M. Hervé Morin, ministre de la défense, qui nous a rejoints. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, et avec Hervé Morin, ministre de la défense, j'ai l'honneur de vous présenter ce projet de budget, qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 8 novembre dernier. Aujourd'hui, j'espère que le Sénat viendra conforter, à travers un même dialogue riche et constructif, les avancées qui ont été permises au bénéfice du monde combattant, que je salue.

Ce projet de budget s'attache à respecter les attentes du monde combattant, conformément aux engagements pris par le Président de la République. Il exprime, en effet, la reconnaissance que la nation doit à ces femmes et à ces hommes qui l'ont servie, et dont certains ont été marqués dans leur chair et dans le cours de leur existence.

Leur engagement, leur loyauté et leur patriotisme nous obligent, et je remercie les associations, riches de femmes et d'hommes motivés et toujours passionnés, pour leur action inlassable et essentielle au service de la mémoire combattante et de la transmission des valeurs républicaines aux nouvelles générations.

Avant d'entrer plus en avant dans mon propos, je veux saluer tout particulièrement le travail remarquable accompli par M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et par Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Permettez-moi d'avoir également une pensée pour le sénateur Jacques Baudot, ancien rapporteur spécial de la commission des finances, décédé le 21 juin dernier, et qui s'était beaucoup investi et mobilisé sur les dossiers des anciens combattants.

M. Guy Fischer. C'est exact!

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Nous avons oeuvré ensemble dans un esprit ouvert, empreint de franchise, comme en témoigne notre rencontre au Sénat, lors de mon audition par la commission des affaires sociales.

Ce projet de budget, qui dépasse 3 768 millions d'euros, se traduit par une augmentation moyenne, par ressortissant - et j'y insiste - de 3,30 %.

Il faut également avoir à l'esprit - et je veux le souligner fortement parce que ce n'est pas assez dit -que l'effort de la nation en faveur du monde combattant est porté non pas uniquement par mon ministère, mais aussi par le programme 158 du Secrétariat général du Gouvernement, qui est rattaché au Premier ministre, et ce pour près de 150 millions d'euros. Les différents programmes reflètent cette réalité, souvent négligée. Certes, la LOLF, voulue unanimement par l'Assemblée nationale et le Sénat, ne facilite pas toujours leur lecture, mais il faut savoir qu'ils correspondent à la vérité budgétaire.

Pour bien comprendre cet effort de solidarité à l'égard des anciens combattants, il faut également prendre en compte - ce qui n'est pas fait couramment - les 50 millions d'euros d'exonérations fiscales supplémentaires, qui porteront le total des exonérations fiscales à 540 millions d'euros dans ce budget pour 2008. J'insiste sur ces chiffres.

En m'adressant directement à vous cet après-midi, j'ai évidemment conscience de délivrer, au nom du Président de la République et du Gouvernement, un message fort de reconnaissance et d'estime à l'ensemble du monde combattant.

En effet, en confirmant l'existence d'un secrétaire d'État à la défense, chargé des anciens combattants, dans un Gouvernement volontairement restreint à des fins de modernisation politique, au sein duquel les lignes de partage entre ministères ont fortement évolué, le Président de la République a clairement réaffirmé son attachement à ces femmes et à ces hommes qui ont tant donné pour défendre les valeurs de notre pays.

Par ailleurs, signe de l'importance que les pouvoirs publics attachent à ce ministère, le Président de la République, en parfait accord avec le Premier ministre et avec Hervé Morin, ministre de la défense, a également souhaité élargir son champ de compétence, en me confiant notamment la responsabilité des liens entre la nation et son armée ainsi que les questions de réserve militaire.

En tant que secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, il me revient donc, désormais, de faire vivre et de diffuser la culture de la défense et des valeurs de notre République parmi nos concitoyens.

En outre, avant d'entrer plus en avant dans cette présentation, je veux vous dire combien le monde combattant me paraît moderne, évolutif et résolument tourné vers l'avenir.

J'en veux pour preuve que les notions, mises en avant durant la campagne présidentielle, d'identité nationale, d'amour de la patrie et d'engagement pour la France sont celles-là mêmes qui ont été défendues hier et le sont aujourd'hui, ici en France, là hors de nos frontières, par ces femmes et ces hommes qui ont servi une cause - parfois jusqu'au sacrifice suprême - sublimant leur propre existence, la cause de notre pays, la France.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, ce budget s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques, qui affiche comme objectif une réduction de la dette publique à moins de 60 % du PIB et un équilibre budgétaire pour la fin du mandat présidentiel.

Toutefois, ce mouvement de fond nécessaire n'interdit pas la présentation de mesures significatives au regard de la politique tant de solidarité que de mémoire, bien que la mise en place de la LOLF à partir de l'exercice budgétaire 2006 - en redéfinissant l'architecture du budget de l'État, aujourd'hui présenté par mission et non plus par ministère - rende plus difficile toute comparaison avec les exercices précédents. Ne pas le reconnaître, c'est méconnaître les réalités budgétaires.

Ainsi, les deux principaux programmes constituant l'architecture budgétaire de mon ministère évoluent comme suit :

Tout d'abord, l'action 2 du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » augmente de 88,86 %, passant de 4 762 000 euros en 2007 à 8 994 000 euros dans le projet de budget pour 2008. Il s'agit, notamment, de la politique de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives, ou DMPA.

Ensuite, si le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant" passe à un peu plus de 3,361 millions d'euros, compte tenu de la baisse démographique des ressortissants, j'insiste également sur le fait que les exonérations fiscales dont bénéficie le monde combattant en 2007 augmenteront, quant à elles, de 50 millions d'euros en 2008 pour atteindre 540 millions d'euros, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure. Il s'agit là de la politique de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, ou DSPRS.

Cela concerne, notamment, les versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant, la demi-part supplémentaire pour les contribuables de plus de soixante-quinze ans titulaires de la carte du combattant, ou encore les exonérations de la retraite du combattant, des pensions militaires d'invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre, ainsi que l'allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des forces supplétives de l'armée française en Algérie et à leurs veuves.

J'appelle également votre attention sur l'évolution nettement positive - plus 3,30 % - de la dotation moyenne par pensionné, qui a été soulignée à juste titre par les rapporteurs et divers intervenants.

Ainsi, de 2002 à 2008, cette dotation est passée en moyenne de 7 830 euros à 9 154 euros, matérialisant ainsi une hausse de 17 % sur l'ensemble de la période. Pour schématiser, elle est donc en passe d'approcher les 10 000 euros par ayant-droit, ce qui, vous en conviendrez, est un seuil plus que symbolique.

À ce sujet, et pour être tout à fait exhaustif sur les grandes masses budgétaires de la mission « Anciens combattants », s'ajoute le programme 158, à hauteur de 148 millions d'euros, concernant l'indemnisation des orphelins des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, dont le programme est placé sous la responsabilité du Secrétariat général du Gouvernement et des services du Premier ministre, mais dont les dossiers sont instruits par les services du ministère de la défense.

Répondant à la question posée par M. le rapporteur spécial, Charles Guené, je vous indique que j'ai décidé de confier au préfet Jean-Yves Audouin une mission qui fera le bilan des deux décrets de 2000 et de 2004, concernant les victimes des persécutions antisémites, pour le premier, et de la barbarie nazie, pour le second, dans la perspective d'engager une réflexion sur les conditions d'adaptation de ce dispositif au statut d'orphelin de guerre.

Les conclusions de cette mission seront présentées en 2008 à une commission qui comprendra notamment des représentants des associations d'anciens combattants, et le Gouvernement prendra ensuite ses décisions.

Telle est la réponse que je voulais vous faire sur ce point, monsieur le rapporteur spécial.

Par ailleurs, je voudrais également répondre à la question posée par Mme Catherine Procaccia, qui souhaite que puisse être inscrite la mention « mort pour la France » sur les actes de décès des résistants et victimes de la barbarie nazie.

L'état actuel du droit le permet. En effet, les résistants morts au combat, tout comme les victimes civiles, ne sont pas exclus de ce dispositif et justifient des mêmes droits à cette mention que les militaires ou les civils décédés dans les conditions prévues à l'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Il est toutefois nécessaire qu'une demande d'attribution de la mention soit faite par la famille du résistant décédé ou par toute autre personne physique ou morale - par exemple, des associations - ayant intérêt à agir.

Il apparaît, dès lors, que ce dispositif prend bien en compte la situation particulière des résistants morts au combat et répond parfaitement au souci de Mme Procaccia.

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens maintenant à insister plus spécifiquement sur quelques mesures.

La première d'entre elles, c'est bien évidemment l'allocation différentielle versée aux conjoints survivants des ressortissants de l'ONAC. Tous les orateurs l'ont évoquée. Pour pérenniser le dispositif d'allocation différentielle, créé par le biais de l'adoption d'un amendement parlementaire dans le budget de 2007 au profit des conjoints survivants d'anciens combattants, j'ai demandé qu'un crédit de 4,5 millions d'euros supplémentaires soit inscrit au projet de budget pour 2008, s'ajoutant aux 500 000 euros du budget de 2007 que j'ai dû débloquer l'été dernier en arrivant au ministère.

L'ONAC disposera ainsi, en 2008, d'un budget de 5 millions d'euros dédié prioritairement à près de 3 200 conjoints survivants en difficulté financière.

Je sais que cette mesure, très attendue par le monde combattant, ne manquait pas de susciter des interrogations légitimes quant à sa réelle efficacité ; le seuil prévu de 550 euros semblait, en effet, exclure un trop grand nombre des ayants droit auxquels ce dispositif a été destiné dans un souci de solidarité.

Aussi ai-je décidé, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, de porter ce seuil au moins au niveau du seuil de pauvreté, qui se situe à 681 euros selon l'indice de l'INSEE. Cette mesure s'appliquera à tous les dossiers déposés depuis le 1er août 2007.

Passer de 550 euros à 681 euros représente tout de même une progression importante, monsieur Fischer. J'indiquerai, en outre, à M. Tropeano que le traitement des dossiers est délibérément décentralisé dans le cadre de l'ONAC. Cela montre, d'ailleurs, toute l'importance que nous attachons à cet organisme et à sa pérennisation. Une commission départementale est instituée dans chaque département, que ce soit en métropole ou outre-mer. Par conséquent, la logique suivie est celle du guichet de proximité ; pour des raisons de rapidité et d'efficacité, nous souhaitons que les dossiers soient traités à l'échelon départemental.

Bien évidemment, si les crédits n'étaient pas tous consommés ou s'il apparaissait que la mesure ne répondait qu'imparfaitement à l'exigence de solidarité, j'envisagerais là encore de relever le seuil.

M. Guy Fischer. Espérons-le !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. À ce sujet, vous avez demandé, madame le rapporteur pour avis, que cette dotation relative à l'allocation différentielle des conjoints survivants des anciens combattants apparaisse de manière distincte de l'ensemble des crédits sociaux de l'ONAC.

Vous invoquez, à l'appui de votre démonstration, dont je comprends les motivations, une exigence de transparence, sur laquelle je vous rejoins complètement. Toutefois, si le dispositif gagnerait ainsi en transparence, il perdrait quelque peu, me semble-t-il, en efficacité budgétaire. En effet, isoler cette dotation du reste des crédits sociaux nous interdirait de recourir à la fongibilité des crédits qu'autorise la LOLF. Nous ne pourrions alors plus employer sur d'autres postes de finance les sommes restantes, ce que je ne souhaite évidemment pas. Telle est mon objection à votre demande, madame le rapporteur pour avis.

La deuxième mesure forte est la montée en puissance de la décristallisation, qui sera consolidée et étendue, en 2008, avec la réouverture des droits à de nouveaux bénéficiaires.

Le projet de budget pour 2008 des pensions militaires d'invalidité comprend ainsi une dotation de 118 millions d'euros pour la décristallisation, dont 24 millions d'euros consacrés aux veuves. Les droits de ces dernières, dont le nombre est estimé à 3 800, avaient été cristallisés.

Afin de bien suivre ce dossier de la décristallisation, en liaison avec notre administration et celle de l'ONAC, qui est encore bien implanté dans les pays aujourd'hui indépendants d'Afrique du Nord, j'ai entrepris une tournée qui, après m'avoir conduit en Algérie en septembre et en Tunisie en octobre, me mènera le mois prochain au Maroc et, ensuite, au Sénégal.

Nous veillons, en lien étroit avec les autorités et les anciens combattants de ces pays, à ce que la politique de décristallisation soit mise en oeuvre comme il convient. Les échos que nous pouvons recueillir sur place, en particulier lorsque j'ai l'occasion de réunir ceux qui se sont battus sous le drapeau français, témoignent du traitement satisfaisant de l'ensemble des dossiers et du versement régulier des pensions.

La troisième mesure phare sur laquelle je voudrais insister est la consolidation des droits liés aux pensions d'invalidité.

La consolidation des crédits d'appareillage à 9,775 millions d'euros permettra de maintenir la prise en charge de prestations de qualité et de garantir de meilleurs remboursements, notamment pour les gros appareillages. Je remercie M. Biwer d'avoir évoqué cette question.

Les crédits nécessaires à la prise en charge du régime de sécurité sociale des invalides de guerre sont ajustés au niveau des besoins des bénéficiaires. Ils connaissent ainsi une progression de 8,4 millions d'euros, pour s'établir à 172 millions d'euros, soit une augmentation de 5 %.

La quatrième mesure repose sur l'augmentation de 4 % de la dotation aux rentes mutualistes. Le montant de celle-ci s'élève ainsi à un peu plus de 226 millions d'euros, soit un abondement de 9 millions d'euros, ce qui permettra de prendre en compte l'évolution du nombre de bénéficiaires et de financer la majoration du plafond inscrite dans la loi de finances pour 2007. Cette disposition profitera à 430 000 personnes.

La cinquième mesure concerne la retraite du combattant. Nous avons décidé d'abonder le dispositif de deux manières.

Tout d'abord, compte tenu de la population concernée par la retraite du combattant, un crédit de 5 millions d'euros supplémentaires est inscrit, autorisant encore de nouvelles admissions au bénéfice de la retraite du combattant. Ainsi, on comptera plus de 30 000 nouveaux ayants droit en 2008. J'insiste sur ce chiffre, parce qu'il a été peu commenté, alors qu'il mérite d'être connu.

Par ailleurs, les associations d'anciens combattants souhaitaient vivement voir poursuivie la revalorisation de la retraite du combattant. Je le dis sans intention polémique, mais c'est là une réalité, comme le savent bien les responsables d'associations qui assistent à nos débats : après quelque trente années d'immobilisme, de 1978 à 2006, où aucune augmentation n'avait été enregistrée, nous avons, trois fois de suite, pour 2006, pour 2007 et maintenant pour 2008, relevé de deux points l'indice de la retraite du combattant.

Certains avaient pu douter de la volonté du Gouvernement de respecter les engagements du Président de la République. À l'expression de la volonté dans le discours, nous avons donc ajouté sa traduction dans l'action.

Parce qu'il est de notre responsabilité première, à mon collègue Hervé Morin et à moi-même, d'être fidèles aux engagements pris par le Président de la République lors de la campagne présidentielle, parce qu'il est de notre responsabilité d'être à l'écoute de la représentation nationale, qui s'exprime notamment au travers de différents amendements, j'avais déposé devant l'Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, un amendement visant à relever de deux points l'indice de la retraite du combattant en 2008, qui a recueilli l'approbation de vos collègues députés. Lorsque j'ai été entendu par leurs commissions respectives, M. Guené et Mme Rozier ont également très fortement plaidé en faveur de cette augmentation.

L'indice de la retraite du combattant sera donc porté à 39 points, ce qui confirme la tendance haussière engagée depuis 2006, après vingt-huit années de stagnation.

Rappelons-nous, à ce sujet, qu'une telle augmentation de deux points avait déjà été décidée en 2006 et en 2007 et que le Président de la République a fixé pour objectif d'atteindre, pour la fin du quinquennat, les 48 points. La dynamique de revalorisation est donc bien maintenue et inscrite dans une démarche continue.

J'ai d'ailleurs demandé à la direction des affaires financières du ministère de la défense, lors de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale, d'intégrer dans les programmations financières pour la période 2009-2012 les augmentations prévues pour atteindre à terme l'indice 48, soit deux points chaque année de 2009 à 2011 et trois points en 2012.

M. Guy Fischer. Tiendrez-vous cette promesse, monsieur le secrétaire d'État ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme nous l'avons tenue à votre place depuis trois années, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Ainsi, vous le voyez, au travers de ce projet de budget, nous nous engageons avec force sur la voie de la solidarité, en répondant aux besoins du monde combattant. Je veux dire aux anciens combattants que le Gouvernement est soucieux de leur apporter une réponse adaptée.

J'en veux pour preuve l'accord que j'ai obtenu de Mme la ministre de la santé pour que soient exonérés des franchises médicales les bénéficiaires de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour les prestations nécessitées par les infirmités qui leur donnent droit à pension.

J'en veux pour preuve également la place réaffirmée et renforcée que nous accordons à l'Office national des anciens combattants et à l'évolution que nous entendons imprimer à l'Institution nationale des invalides.

Vous le savez, et ce n'est pas une simple formule de circonstance, l'ONAC est bien la « maison du combattant », et je souhaite qu'il le reste. Créé en 1916, en pleine tourmente de la Grande Guerre, l'ONAC, présent sur tout le territoire à travers ses directions départementales, mais aussi ses maisons de retraite et ses écoles de reconversion professionnelle, est plus qu'une administration, c'est une véritable institution qui développe chaque année ses actions autour de ses deux principales missions : la solidarité et la mémoire.

Aussi l'ONAC recevra-t-il 2,766 millions d'euros supplémentaires en 2008. Cet effort traduit la volonté du Gouvernement de préserver les capacités d'intervention de cet établissement auquel les anciens combattants sont très attachés. C'est la marque de la reconnaissance que doit légitimement la nation à celles et à ceux qui, souvent forts de leur seul courage et de leur foi en notre pays, se sont engagés dans la défense de ses idéaux. L'ONAC sera donc pérennisé, je m'y engage devant vous.

C'est tout le sens de la réflexion menée au titre de la révision générale des politiques publiques. Cette pérennisation, qui s'accompagnera d'une extension des compétences de l'ONAC, devra cependant voir une plus grande ouverture de l'établissement public à la culture managériale, comme on dit aujourd'hui, afin de répondre aux observations de la Cour des comptes, qui devrait rendre son rapport définitif dans les prochaines semaines.

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens maintenant à la politique de mémoire. Je souhaite lui conférer un nouvel élan, et lui redonner toute la place qu'elle mérite.

Je crois que la politique de mémoire est, aujourd'hui, à la croisée des chemins. La raison en est très simple : elle tient à la disparition progressive des acteurs et témoins, à l'éloignement dans le temps de ces événements, et au souvenir qui s'efface.

La mémoire doit être mieux défendue pour les raisons que je viens d'évoquer, et elle doit nécessairement s'adapter aux évolutions de notre société, tant dans son expression que dans son public. Je veux une « politique de mémoire assumée », selon l'expression que j'ai utilisée récemment lors de mon premier déplacement officiel en Algérie.

C'est aussi la raison pour laquelle je serai vigilant quant à la mission même que nous donnerons à la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie, dotée de 3 millions d'euros dans le projet de budget pour 2008. Elle doit conduire non pas à la confrontation des mémoires, mais à leur réconciliation.

M. Guy Fischer. J'espère bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je veux le dire de la manière la plus simple et la plus sincère : la mémoire doit être non pas ce qui nous oppose mais, au contraire, ce qui nous rassemble enfin, près de quarante-cinq ans après les faits. À ce sujet, il est de la responsabilité des femmes et des hommes politiques que nous sommes d'en appeler à la concorde pour nous recueillir en hommage à toutes les victimes.

Comme je l'ai déclaré dimanche dernier à Perpignan, je ne veux pas que notre politique de mémoire soit fondée sur la pénitence et la repentance ; je veux qu'elle véhicule les valeurs de notre identité républicaine et porte haut notre fierté nationale.

Dans le cadre de cette politique de mémoire, figure, bien évidemment, l'entretien du patrimoine qui fait l'objet, dans le projet de budget, de mesures non seulement nouvelles, mais surtout importantes.

L'année 2008 verra ainsi se concrétiser plusieurs projets importants. Parmi ceux-ci, je citerai d'abord la rénovation du cimetière de Thessalonique en Grèce, pour un coût de 400 000 euros, qui compte parmi les nécropoles du front d'Orient sur lequel les armées françaises combattirent de 1915 à 1918.

Mais j'évoquerai surtout, puisque je sais combien la question éveille notre conscience collective, le cimetière marin de Mers el-Kébir, la nécropole du Petit Lac d'Oran en Algérie, et celle de Gammarth en Tunisie ; je m'y suis rendu dernièrement pour apprécier, par moi-même, leur entretien, leur remise en état et leur sécurisation. Il en ira bientôt de même pour le carré militaire de Ben M'Sick à Casablanca, au Maroc.

J'ajouterai enfin la poursuite de la restauration du site de Notre-Dame-de-Lorette, la mise en valeur de celui du Mont Valérien, la modernisation du mémorial du Mont Faron, l'Historial Charles de Gaulle aux Invalides, et - je le rappelle - la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie.

À cet égard, je veux répondre à la proposition du rapporteur spécial, M. Charles Guené, concernant la création d'une fondation ou d'un établissement public chargé de la gestion des lieux de mémoire liés aux combats de la nation.

Je crois, en effet, que votre proposition, monsieur le rapporteur, mérite d'être étudiée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques que conduit actuellement le Gouvernement, car notre gestion en régie peut, sans nul doute, être améliorée.

Mais, au-delà de l'entretien de ce patrimoine, il faut s'interroger également sur le sens à donner à cette politique de mémoire. À cette fin, j'ai décidé d'installer deux commissions.

La première sera présidée par le professeur Jean-Jacques Becker ; sa mission sera de réfléchir au sens à donner aux commémorations du 11 novembre 2008, qui seront placées sous l'angle du retour à la paix en Europe, cette paix qui a permis l'émergence de nouveaux États, aujourd'hui membres de l'Union européenne, notamment les États baltes et la République tchèque. De plus, ne l'oublions pas, ces commémorations s'inscriront dans le cadre de la présidence française du conseil de l'Union européenne.

Madame Rozier, en réponse à votre interrogation concernant le financement de ce 90e anniversaire, je peux d'ores et déjà vous signaler que mon administration a budgété un montant de 700 000 euros, auquel viendra s'ajouter la dotation complémentaire du secrétariat général de la présidence française du conseil de l'Union européenne, présidée par l'ambassadeur Blanchemaison, dont je n'ai pour l'heure pas le détail.

Enfin, vous comprendrez que nous ajusterons les moyens financiers aux propositions faites par la commission Becker.

Monsieur le président, monsieur le sénateur Boyer, j'aurai, bien sûr, une attention toute particulière pour la Haute-Loire, si bien représentée aujourd'hui au Sénat.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Dans ce département, vivent le doyen et la doyenne des Français, ainsi que l'un des deux derniers poilus. J'irai lui rendre hommage dans quelques jours.

M. le président. Très bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les parlementaires de ce département seront associés à cette visite à laquelle je tiens beaucoup, monsieur le président.

M. le président. Ce sera un signe très fort pour cet ancien poilu.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'est sur le fondement des propositions du rapport de la commission Becker, qui doit être rendu au début du mois de janvier, que nous ferons des projections budgétaires.

Mais là encore, madame le rapporteur pour avis, je vous l'assure, tout sera fait dans la plus grande transparence et avec le souci d'engager en toute justesse l'argent public.

La seconde commission sera présidée par le professeur André Kaspi. Elle a pour mission de réfléchir aux commémorations et d'envisager les voies de leur renouveau, afin de lutter contre le désintérêt dont elles sont malheureusement menacées à terme faute, il faut bien le dire, de public dans nombre de nos communes.

J'ai été interrogé par plusieurs sénateurs sur les dates des 5 décembre et 19 mars. Je vous répondrai simplement et solennellement que la date du 5 décembre est celle qui est fixée par la loi ; elle a, par ailleurs, été confirmée par le Président de la République. Quant au 19 mars, c'est une date associative. À ce sujet, Nicolas Sarkozy a écrit aux associations d'anciens combattants que « les autorités civiles et militaires en assurent le bon déroulement, sauf circonstances locales. »

Je veillerai à ce que la circulaire qui sera adressée aux préfets en 2008 précise cette orientation. Je veux, en effet, que l'on puisse compter sur une présence des autorités civiles et militaires dans tous les départements, chaque fois qu'un consensus local a pu être trouvé. Cette position est claire et compréhensible par tous.

Pour conclure, j'ai la ferme conviction que l'on peut allier modernité et mémoire, et je veux faire de la politique de mémoire « un phénomène actuel ».

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, soyez certains que l'élaboration de ce budget, qui a été beaucoup travaillé, est fondée sur l'idée force d'un budget compatible avec les strictes exigences de l'évolution du budget de l'État. Cela ne doit toutefois pas interdire la présentation de mesures nouvelles et ambitieuses, contrairement à ce qui a pu être dit auparavant.

Ce cadre budgétaire, impératif mais nécessaire, permet ainsi à la fois la progression des droits des anciens combattants - avec, notamment, la troisième augmentation successive de la retraite du combattant, qui est revalorisée de deux points -, la valorisation des compétences, et la défense et la modernisation de notre politique de mémoire, lien indispensable entre la nation, les anciens combattants, et la jeunesse.

Comme vous pouvez le constater, dans le cadre de ce budget, à la préservation de l'existant j'ai souhaité ajouter l'amélioration, l'évolution et le mouvement. Et les engagements pris, s'ils nous confortent, nous obligent également à être plus responsables.

Je m'en remets maintenant à la sagesse du législateur pour la discussion et l'adoption de ce budget qui, je le rappelle, est le treizième budget de l'État, ce qui prouve son importance aux yeux de la nation. Vous pouvez compter sur ma détermination totale à atteindre nos objectifs, que je vous invite à partager. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 41 quater

M. le président. Nous vous remercions, monsieur le secrétaire d'État, de la précision de vos réponses.

Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

3 759 439 997

3 765 746 080

Liens entre la Nation et son armée

255 519 657

257 717 645

Dont titre 2

163 463 281

163 463 281

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

3 362 140 737

3 361 530 832

Dont titre 2

55 526 459

55 526 459

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

141 779 603

146 497 603

Dont titre 2

2 590 000

2 590 000

M. le président. L'amendement n° II-101, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

60 000 000

 

60 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

60 000 000

 

60 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

60 000 000

60 000 000

60 000 000

60 000 000

SOLDE

0

0

 

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos II-101 et II-102.

M. le président. J'appelle donc également en discussion l'amendement n° II-102, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

40 000 000

 

40 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

40 000 000

 

40 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

40 000 000

40 000 000

40 000 000

40 000 000

SOLDE

0

0

 

Veuillez poursuivre, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai suivi très attentivement votre discours. Je regrette que vous n'ayez pas annoncé une mesure nouvelle, fût-elle symbolique, devant le Sénat, mais ce privilège est toujours réservé à l'Assemblée nationale. Il est dommage que les mesures proposées par les sénateurs, quel que soit le groupe politique auquel ils appartiennent, ne puissent retenir quelque peu votre attention !

Après votre intervention, je connais le sort qui va être réservé à nos amendements. Toutefois, notre groupe est contraint, comme chaque année, de demander que la retraite du combattant soir revalorisée de trois points d'indice ; c'est l'objet de notre premier amendement.

Le second est, quant à lui, un amendement de repli, qui vise à avancer la date d'application du dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

Je retiens que vous avez pris l'engagement d'augmenter chaque année de deux points la retraite - de trois points l'ultime année, en 2012 - pour la porter à 48 points d'indice sous cette législature. Cette promesse n'avait pas été tenue précédemment.

Vous avez, par un amendement voté à l'Assemblée nationale, porté cet indice de 37 à 39 points, mais seulement à partir du 1er juillet 2008. Nous le regrettons. Cette astuce, qui permet de diminuer la dépense, est l'illustration de la pratique des tout petits pas que j'avais déjà dénoncée l'année dernière.

Cette retraite - le terme est d'ailleurs impropre, car il s'agit, en fait, de faire vivre le droit à réparation - représente, vous le savez, 488 euros par an. Les anciens combattants ont perdu, depuis sa création, plus de 25 % du pouvoir d'achat qu'elle représentait, en l'absence de remise à plat du rapport constant et de compensation du retard accumulé. Si ce travail avait été effectué, la valeur du point serait aujourd'hui de 19,32 euros au lieu de 13,38 euros.

Je voudrais souligner également qu'un point d'indice à la valeur actuelle représente à peu près un quart du montant des franchises médicales que nombre d'anciens combattants auront à acquitter chaque année.

Vous allez me répondre que je me trompe et que les anciens combattants seront exonérés de ces franchises sur les soins afférents aux affections pour lesquelles ils sont pensionnés. Permettez-moi d'en douter, car le carnet de soins « papier » est obsolète. Rien n'a été fait, à ma connaissance, pour le remplacer, et nombre de médecins le refusent. Ainsi, de surcroît, des dépenses incombent indûment à la sécurité sociale.

Le Président de la République ayant pris, par écrit, l'engagement de revaloriser de onze points en cinq ans la retraite du combattant, on peut estimer légitimement que cette nouvelle promesse doit, enfin, être la bonne. Je vous incite à aller de l'avant en revalorisant d'un point supplémentaire la retraite, mais aussi en avançant la date d'application de cette mesure au 1er janvier 2008.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Permettez-moi un commentaire général sur la revalorisation de la retraite du combattant. L'État, par la voix de M. le secrétaire d'État, a pris ses responsabilités en s'engageant à atteindre l'indice 48 d'ici à la fin de la législature. Les augmentations inscrites dans les budgets pour 2006, 2007 et 2008 auront permis à l'indice de progresser de six points sur ces trois exercices.

Qu'il s'agisse d'avancer au 1er janvier prochain la date d'application, d'augmenter l'indice de trois points au lieu de deux, ou, à plus forte raison, de passer directement à 48 points, la contrainte budgétaire qui s'impose à nous ne permet pas à la commission des finances de donner un avis favorable sur ces amendements. Il en va de même pour la demande d'augmentation de la valeur du point, qui de surcroît n'est pas sans conséquence sur les autres prestations servies.

J'ajouterai, pour conclure, qu'il n'est pas concevable, pour votre rapporteur spécial, de démunir autant les actions sur lesquelles il est proposé de prélever ces crédits dans ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J'émets également un avis défavorable. Je n'argumenterai pas longuement sur cette question, monsieur Fischer, car je viens de le faire.

Je soulignerai juste deux points, qui me paraissent importants.

Tout d'abord, après une très longue période d'immobilisme - vous ne pouvez pas nous l'imputer, notamment de 1981 à 2002 ! -, qui a vu une stagnation totale des pensions et donc du revenu des anciens combattants, nous avons créé une dynamique, d'abord sous l'impulsion de Jacques Chirac en 2006, puis avec deux augmentations de deux points d'indice en 2007. La dynamique se poursuit pour la troisième année budgétaire consécutive, puisque nous procédons à une autre augmentation de deux points, soit six points au total. Il y a longtemps qu'on n'avait pas vu cela !

Au-delà de l'effet d'annonce, ce qui est important, c'est que nous créons une impulsion nouvelle. Elle est très bien ressentie, je pense, par le monde combattant, qui est très conscient, compte tenu de notre situation budgétaire et financière, de l'effort légitime qui est fait en sa faveur.

J'insisterai ensuite sur un point qui me paraît tout à fait fondamental, à savoir l'inscription de cette augmentation dans la programmation budgétaire, c'est-à-dire pour les budgets de 2009, 2010, 2011 et 2012. Au total, il y aura donc trois augmentations de deux points et une de trois points. Nous respecterons ainsi l'engagement pris par le Président de la République devant le pays d'atteindre l'indice 48 à la fin du quinquennat.

Je peux vous garantir que nous ferons tout pour tenir ces engagements. Je serai heureux d'en reparler avec vous l'année prochaine, si je suis toujours à ce poste. Vous verrez que nous serons fidèles au rendez-vous. Si nous pouvons en faire l'annonce au Sénat, ce sera avec grand plaisir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-70, présenté par Mme Printz, M. Tropeano, Mmes San Vicente-Baudrin, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Domeizel, Godefroy, Masseret, Michel, Cazeau, Madec et Todeschini, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

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(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

50 000 000

 

50 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

 

 

 

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

50 000 000

 

50 000 000

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Les crédits destinés à indemniser les victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale continuent de diminuer. Ils sont ouverts à hauteur de 49,3 millions d'euros de crédits de paiement, contre 61,04 millions d'euros en 2007.

Un consensus existe au sein de la représentation nationale sur cette question.

Depuis le décret de 2000, ce dossier a évolué dans le bon sens et nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais il se trouve qu'un certain nombre d'orphelins, dont les parents sont morts les armes à la main, dans les maquis ou ailleurs, pour rétablir la République et la liberté, sont aujourd'hui encore exclus de l'indemnisation parce que leurs parents n'ont été ni arrêtés ni fusillés par l'ennemi.

Cela nous paraît injuste et nous souhaitons que l'indemnisation s'adresse à l'ensemble des orphelins victimes de la barbarie nazie, quelles que soient les conditions dans lesquelles leurs parents ont malheureusement disparu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Vous l'avez senti dans mes propos, j'éprouve une certaine sympathie pour cette idée d'indemnisation.

Toutefois, M. le secrétaire d'État nous a dit que le Gouvernement avait demandé une étude sur ce sujet. Il me paraît donc plus sage d'attendre le résultat de cette réflexion avant de passer aux actes.

Dans cette attente, la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, malgré toute la sympathie que cette question suscite, de façon unanime.

Vous n'ignorez pas, madame Printz, qu'un effort financier considérable a été consenti par l'État. En effet, le total des sommes qu'il a versées depuis 2000, au titre des décrets de juin 2000 et de juillet 2004, s'élève à plus de 850 millions d'euros. Si l'on y ajoute les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008, on approche le milliard d'euros.

Ce montant est tout à fait considérable, je tiens à le souligner. Je pense qu'on ne se rend pas compte de l'ampleur de l'effort financier de l'État en matière de réparation. Elle est certes légitime, mais elle mobilise aussi beaucoup d'argent.

La sagesse commandait donc de réaliser une étude sur cette question, que j'ai confiée à un préfet, M. Jean-Yves Audouin, en accord d'ailleurs avec l'ensemble des associations. Il ne faut donc pas prendre une décision à chaud, maintenant. Attendons les résultats de cette étude, qui sera réalisée dans la concertation, et les propositions qui en résulteront. Lorsque le préfet nous aura remis les conclusions de ses travaux - en 2008, afin que nous puissions revenir sur cette question dans le prochain exercice budgétaire -, nous saurons à quoi nous en tenir financièrement.

J'insiste sur l'ampleur de l'effort financier qui est consenti par l'État : près de un milliard d'euros !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-97 est présenté par Mme Printz, M. Tropeano, Mmes San Vicente-Baudrin, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Domeizel, Godefroy, Masseret, Michel, Cazeau, Madec et Todeschini, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-106 est présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

26 000 000

 

26 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

26 000 000

 

26 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

 

 

 

 

TOTAL

26 000 000

26 000 000

26 000 000

26 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-97.

Mme Gisèle Printz. Le Président de la République s'est engagé à porter la retraite du combattant de l'indice 37 à l'indice 48, sur cinq ans.

Pour y parvenir, une première étape était nécessaire dans le projet de loi de finances pour 2008. Or cette mesure n'apparaissait pas dans le projet de loi de finances initial : grâce à l'action du monde associatif et de nos collègues de l'Assemblée nationale, un premier effort a été consenti. Deux points ont été accordés par voie d'amendement. Nous nous en félicitons.

Malheureusement, il ne s'agit que d'une demi-mesure. En effet, comme cette disposition ne faisait pas partie de vos prévisions initiales, vous en diminuez la portée en la rendant effective au 1er juillet.

L'augmentation ne sera, en fait, que d'un point sur l'année 2008.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour présenter l'amendement n° II-106.

M. Claude Biwer. Cet amendement vise à rendre effective à compter du 1er janvier 2008, et non du 1er juillet 2008, la revalorisation de deux points de la retraite du combattant.

Le financement nécessaire à la mise en oeuvre d'une telle mesure dès le 1er janvier prochain est évalué à 26 millions d'euros ; en année pleine, cette mesure coûterait 38 millions d'euros. Si elle était appliquée seulement à partir du 1er juillet, son coût ne s'élèverait plus qu'à 12 millions d'euros, en raison des décalages de paiement.

Afin d'appliquer la mesure durant l'année entière, il est nécessaire de déplacer un montant égal à la différence entre 12 millions et 38 millions d'euros, soit 26 millions d'euros.

En compensation, il est proposé de diminuer de 26 millions d'euros l'action « Communication » du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Ces deux amendements identiques soulèvent la problématique qu'a déjà exposée M. Fischer. Je ne réitérerai donc pas mon argumentation.

Chacun aura compris, je pense, qu'une telle mesure est difficile à mettre en oeuvre, en raison du planning qui a déjà été annoncé et parce que cela nous obligerait à réduire considérablement les crédits de l'action « Communication ».

J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président.

Je ne reviendrai pas sur l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure. Je rappellerai simplement que nous sommes le 1er décembre et que, pour des raisons techniques, nous ne pouvons pas mettre en paiement cette mesure au 1er janvier. Un délai de plusieurs mois est nécessaire. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Guy Fischer. Ce n'est pas un bon argument !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'est irréaliste !

M. Guy Fischer. C'est une bonne excuse !

M. Jacques Mahéas. Que les caisses soient vides, c'est un argument...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je vous rappelle également que les deux points d'indice sont acquis budgétairement et qu'ils ont un coût. Cette mesure représente 12 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les 5 millions d'euros supplémentaires pour les 30 000 nouveaux ayants droit.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, pour explication de vote.

M. Claude Biwer. Vos orientations, monsieur le secrétaire d'État, s'inscrivent dans un contexte budgétaire précis, ce que l'on peut comprendre. J'ai mis l'accent, en présentant mon amendement, sur les efforts qui sont faits. Je constate qu'ils sont nombreux.

Je voulais simplement faire observer que ce n'est probablement pas un hasard si Mme Printz et moi - nous ne nous sommes pas concertés - avons déposé un amendement identique : nous sommes tous les deux lorrains.

M. Claude Biwer. Cela veut dire quelque chose !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.

Mme Bernadette Dupont. Je suis lorraine, moi aussi !

Sur le fond, le glissement de crédits d'une mission à une autre me gêne énormément. Il me semble, en effet, que l'honneur des anciens combattants est de passer le flambeau à la jeunesse. La communication est donc très importante pour cette raison, mais également parce que les moyens techniques se développent à toute allure et au coût que nous connaissons.

Par ailleurs, la journée d'appel de préparation à la défense, la JAPD, est critiquée ; elle a grand besoin d'être aménagée.

Si l'on veut mobiliser nos jeunes pour l'avenir de notre pays, il convient de leur passer le flambeau dans les meilleures conditions. Il ne faut donc pas puiser dans les fonds de la JAPD ni dans ceux de la communication, qui s'adressent aux jeunes, pour les affecter à d'autres missions, même si celles-ci sont, évidemment, tout à fait nécessaires et honorables. Je pense que ce ne sont pas des postes à dépouiller.

M. le président. Monsieur Biwer, l'amendement n° II-106 est-il maintenu ?

M. Claude Biwer. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-106 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° II-97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-68, présenté par Mme Printz, M. Tropeano, Mmes San Vicente-Baudrin, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Domeizel, Godefroy, Masseret, Michel, Cazeau, Madec et Todeschini, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

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(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

10 000 000

 

10 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Si le plafond de la retraite mutualiste du combattant a été augmenté voilà quelques années, à l'arrivée de M. Mekachera, il est depuis lors bloqué.

Nous pensons qu'il faut aujourd'hui procéder à une augmentation. Le Gouvernement s'était engagé à atteindre l'indice 130 en 2007. Il manque aujourd'hui cinq points.

C'est là une question de principe au regard des engagements annoncés et une juste mesure de réparation pour tous ceux qui ont servi notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Comme vous l'avez rappelé, madame Printz, le plafond de la rente mutualiste a été augmenté de 2,5 points d'indice par la loi de finances de 2007.

Compte tenu des efforts qui ont déjà été consentis en 2008 dans cette mission pour la population combattante dans son ensemble, la commission des finances émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, monsieur le président, car un effort a déjà été fait pour s'approcher de cet indice. En outre, un certain nombre de mesures d'ordre fiscal, que j'ai évoquées tout à l'heure, complètent cet effort.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-71, présenté par Mme Printz, M. Tropeano, Mmes San Vicente-Baudrin, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Domeizel, Godefroy, Masseret, Michel, Cazeau, Madec et Todeschini, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

 

+

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Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

10 000 000

 

10 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Si l'indice de la retraite a été réévalué par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, il en n'est pas de même pour le point d'indice.

Cet amendement vise à donc à améliorer le montant de la retraite du combattant en augmentant la valeur du point d'indice. Elle est aujourd'hui de 13,38 euros ; nous proposons de la porter à 15 euros, en prenant comme base le traitement des fonctionnaires, plus les indemnités. Cela permettrait d'augmenter indirectement la retraite des anciens combattants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. La question de la retraite des combattants a déjà fait l'objet d'un amendement. Vous l'abordez, madame Printz, sous un autre angle d'attaque, celui de l'augmentation de la valeur du point d'indice.

Je suis obligé de vous opposer un avis défavorable, d'autant plus qu'une augmentation de la valeur du point d'indice interférait sur d'autres éléments.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Le coût budgétaire de votre amendement, madame le sénateur, qui est estimé à 10 millions d'euros, est tout à fait hors de proportion avec le coût réel de la mesure que vous proposez. Elle aboutirait, en effet, à augmenter de plus de 12 % le montant de la retraite du combattant, mais également des pensions militaires d'invalidité, ce qui représenterait au total un coût budgétaire de 342 millions d'euros !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-99, présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations

d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

5 100 000

 

5 100 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

5 100 000

 

5 100 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

5 100 000

5 100 000

5 100 000

5 100 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Ayant entendu les explications de M. le secrétaire État, je me doute qu'il émettra un avis défavorable sur mon amendement. Vous me permettrez tout de même d'en présenter le dispositif. (Sourires.)

Tout comme l'amendement n° II-71, cet amendement vise à revaloriser le plafond majorable des retraites mutualistes des anciens combattants en le portant de l'indice 125 à l'indice 128, et ce afin de satisfaire, en 2009, une très ancienne revendication du monde combattant.

Monsieur le secrétaire d'État, nous nous faisons l'écho des demandes des cinq mutuelles représentatives des anciens combattants et nous attendons une réponse précise de votre part sur ce point.

Le gouvernement en place s'y était engagé, le seuil que je viens d'évoquer devait être atteint en 2007. Encore une promesse qui n'aura pas été tenue ! Et je n'accepterai pas le prétexte que certains ont parfois utilisé pour renier leur parole : une telle disposition, nous dit-on, s'appliquerait seulement à des nantis... C'est un débat que nous avons parfois sur certains sujets, mais, en l'espèce, je démens formellement ce genre d'affirmation.

Comme nous le savons tous, en 1923, le législateur avait souhaité aller plus loin que la simple constitution d'un complément de retraite aidé par l'État. Il avait inclus le dispositif dans le droit à réparation, considérant les risques de mortalité et les conséquences sur l'avenir de la famille du combattant.

D'ailleurs, il est significatif qu'un grand nombre de jeunes militaires ayant participé aux opérations extérieures souscrivent de tels contrats.

S'agissant du coût de la revalorisation du plafond majorable, il faut, me semble-t-il, tout prendre en compte. Pour ma part, je me suis entretenu avec les responsables des cinq mutuelles qui versent la rente mutualiste. Je sais donc qu'il s'agit là d'un excellent placement pour l'État et d'une bonne opération pour l'économie du pays, qui bénéficie ainsi d'un effet levier, donc d'un retour non négligeable.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez déclaré à l'Assemblée nationale que 50 millions d'euros supplémentaires d'exonérations fiscales seraient consentis en faveur du monde combattant. Honnêtement, cela ne me choque nullement. En revanche, ce qui me choque, c'est que l'on puisse se servir d'un tel prétexte pour tenter de justifier les cadeaux fiscaux pharaoniques - certes, j'utilise beaucoup cet argument (Sourires) - contenus dans la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Pour toutes ces raisons, et au nom des cinq mutuelles représentatives du monde combattant, je souhaite obtenir un engagement pluriannuel de votre part, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. M. Fischer a présenté les arguments en faveur de son amendement, mais il a également exposé les raisons de s'y opposer. Comme je les avais moi-même évoquées à propos de l'amendement de Mme Printz, il me semble inutile de les répéter.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Toutefois, je souhaite répondre à l'interpellation de M. Fischer, car il s'agit d'une question importante, qui intéresse beaucoup de monde et qui mérite un véritable débat.

En l'espèce, cet amendement vise à porter le plafond de majoration spécifique des rentes mutualistes de l'indice 125 à l'indice 128, et ce pour un coût apparemment modique, puisqu'il est estimé à 5,1 millions d'euros.

Or je voudrais rappeler au Sénat que ce plafond avait déjà été porté de l'indice 122,5 à l'indice 125 par la loi de finances pour 2007. Cette décision, qui a des conséquences sur le projet de loi de finances pour 2008, correspond en fait à une mesure nouvelle de 4,5 millions d'euros.

Au total, 226,5 millions d'euros de crédits sont affectés aux retraites mutualistes des anciens combattants. Il s'agit de l'un des principaux postes budgétaires de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation », devant, par exemple, les sommes consacrées à la décristallisation. Or, je le rappelle, le dispositif concerne environ 430 000 bénéficiaires.

Par ailleurs, il convient d'ajouter le coût fiscal des rentes mutualistes. En effet, comme vous le savez, ce dispositif permet une déduction des versements effectués au titre des impôts d'État. Le montant total de ces déductions est estimé à 70 millions d'euros pour l'année 2008, contre 60 millions d'euros pour l'année 2006.

En outre, la retraite mutualiste servie aux anciens combattants est également exonérée de l'impôt sur le revenu, ce qui constitue tout de même une moindre recette assez significative pour les recettes de l'État.

M. Jacques Mahéas. Les stocks-options aussi !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour autant, le sujet est effectivement important et le Gouvernement n'est pas fermé à d'éventuelles évolutions.

Ainsi, j'ai évoqué la mesure adoptée en 2007, qui a une traduction dans le projet de loi de finances pour 2008.

Dans les années à venir, le débat pourra continuer. Si d'autres priorités ne s'imposent pas à nous, nous pourrons réfléchir à la mise en place d'un dispositif allant dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-105, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Cet amendement vise à instituer un dispositif un peu similaire à celui qui a été proposé par M. Fischer, à quelques nuances près toutefois.

Il s'agit également d'augmenter le volume des crédits affectés au programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Pour ma part, je suggère d'augmenter l'indice de majoration des rentes mutualistes des anciens combattants non pas de trois points, mais de seulement deux points et demi, ce qui réduit un peu la masse financière correspondant à la mesure. C'est la différence avec l'amendement de notre ami Guy Fischer.

J'ai bien conscience que l'État a réalisé des efforts sur un certain nombre d'années. Vous l'avez d'ailleurs précisé, monsieur le secrétaire d'État.

Tout à l'heure, j'ai entendu l'un de nos collègues insister sur l'importance de la communication. Mais je crois que nous communiquons.

Dans les zones urbaines, lorsque que des parades militaires accompagnent les cérémonies du 11 novembre, il y a beaucoup de monde et il est alors possible de porter certaines revendications. En revanche, dans nos territoires ruraux, nous ne disposons pas de telles facilités et nous devons donc fournir des efforts plus importants pour faire passer un certain nombre de messages. À cet égard, la participation des collectivités locales nous est précieuse.

Dans la mesure où une progression indiciaire de 1 point représente 2 millions d'euros, une mesure augmentant l'indice de majoration des rentes mutualistes des anciens combattants de 2,5 points coûterait 5 millions d'euros.

Je souhaiterais que nous mobilisions ces 5 millions d'euros pour les 1,4 million de titulaires du dispositif, même s'ils ne sont pas tous demandeurs. Cela constituerai, pour eux, une véritable reconnaissance.

C'est donc au nom de la mémoire de leurs actions passées que j'ai formulé cette demande.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Les amendements nos II-99 et II-105 auraient effectivement pu faire l'objet d'une discussion commune.

Monsieur Biwer, même si votre amendement présente une différence, au demeurant infime, avec l'amendement de M. Fischer, je vous ferai la même réponse.

Je souhaite donc que vous puissiez retirer l'amendement n° II-105, ce qui m'éviterait d'avoir à émettre un avis défavorable.

M. Claude Biwer. Et cela nous éviterait de nous opposer ! (Sourires.) J'accepte de retirer l'amendement n° II-205.

M. le président. L'amendement n° II-105 est retiré.

L'amendement n° II-69, présenté par Mme Printz, M. Tropeano, Mmes San Vicente-Baudrin, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Domeizel, Godefroy, Masseret, Michel, Cazeau, Madec et Todeschini, Mmes Jarraud-Vergnolle, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

5 000 000

 

5 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

5 000 000

 

5 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

 

 

 

 

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. La situation des veuves d'anciens combattants est préoccupante.

L'année dernière, une pseudo « allocation différentielle » a été mise en place, mais, compte tenu de la manière dont le dossier a été engagé, pratiquement aucune veuve n'a pu en bénéficier !

Vous avez annoncé que le plafond de ce dispositif serait porté à 681 euros, mais c'est encore très largement insuffisant. En outre, les critères ne sont pas réexaminés. Nous allons tomber dans les mêmes travers que l'an dernier !

Nous devons régler un tel dossier le plus rapidement possible, car les situations de détresse sont nombreuses ; ce serait une mesure de justice.

C'est la raison pour laquelle mes collègues socialistes et moi-même souhaiterions abonder les crédits du programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » de 5 millions d'euros. Cela permettrait de donner un peu plus à celles qui ont aujourd'hui le moins.

Actuellement, le dispositif est financé à hauteur de 5 millions d'euros. Si nous y ajoutons 5 millions d'euros, le plafond de ressources pourra être relevé à 800 euros, ce qui nous permettra d'aider les veuves d'anciens combattants les plus démunies.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. La dotation pour les conjoints survivants, qui avait déjà été augmentée l'année dernière, est de nouveau en hausse dans le projet de loi de finances pour 2008.

M. le secrétaire d'État s'est exprimé sur le sujet. Il a décidé de relever rétroactivement le plafond de l'allocation, qui est porté à 681 euros à compter du 1er août dernier. Il s'est également déclaré ouvert sur le sujet.

Certes, nous pourrions aller au-delà du seuil de pauvreté pour arriver au niveau du minimum vieillesse. Toutefois, cela demanderait des évaluations. Aussi, dans un souci de visibilité, mieux vaut, me semble-t-il, nous en tenir au calendrier qui a été décidé et mettre à profit l'année qui vient pour estimer le nombre de personnes concernées avant de prendre une décision.

Dans cette perspective, la commission, qui est très réservée sur cet amendement, souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. À l'heure actuelle, et M. le rapporteur spécial le soulignait, nous manquons de visibilité.

Vous en conviendrez, madame Printz, nous avons déjà réalisé des efforts importants en relevant le seuil du dispositif, qui est désormais financé à hauteur de 5 millions d'euros, dont 500 000 euros budgétés en 2007 et 4,5 millions d'euros supplémentaires mobilisés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.

Si le besoin s'en faisait sentir, nous pourrions encore relever le plafond de l'allocation. Mais attendons que les dossiers aient été présentés dans les départements à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l'ONAC.

Grâce à cette structure, nous pourrons avoir une première estimation du nombre de dossiers déposés dès la fin du premier trimestre de l'année 2008. Nous connaîtrons ainsi le nombre d'ayants droit susceptibles d'être concernés. Nous pourrons ensuite engager une réflexion sur le dispositif.

Pour ma part, je suis prêt à envisager une remontée du plafond, si cela se révèle nécessaire. Mais, dans l'immédiat, je ne peux pas accepter cet amendement.

M. le président. Madame Printz, l'amendement n° II-69 est-il maintenu ?

Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président. Toutefois, j'ai pris bonne note des engagements de M. le secrétaire d'État.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-56 rectifié est présenté par Mme Sittler, MM. Grignon et Haenel, Mme Keller, MM. Leroy et Richert, Mme Troendle et MM. Beaumont et Demuynck.

L'amendement n° II-100 est présenté par M. Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Liens entre la nation et son arméeDont Titre 2

 

2 000 000

 

2 000 000

Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattantDont Titre 2

2 000 000

 

2 000 000

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondialeDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

2 000 000 

2 000 000 

2 000 000 

2 000 000 

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Esther Sittler, pour présenter l'amendement n° II-56 rectifié.

Mme Esther Sittler. Les incorporés de force d'Alsace-Moselle, qui ont été abandonnés à leur sort par l'annexion de fait, ont connu un sort tragique. Ainsi, plus de 40 000 d'entre eux sont morts sous un uniforme qui n'était pas le leur et au nom de valeurs qu'ils ne partageaient absolument pas.

Or, contrairement aux personnes enrégimentées dans les organisations militaires, les hommes et les femmes enrôlées de force dans les organisations paramilitaires ayant survécu n'ont pas été indemnisés, car ils n'ont pas participé à des combats

Aucune solution n'a jamais pu être trouvée sur cet aspect d'un chapitre douloureux de l'Histoire depuis soixante ans.

Apparemment, les statuts de la Fondation pour l'entente franco-allemande, qui gère les fonds versés par l'Allemagne pour l'indemnisation, ne visent effectivement pas ces personnes. Toutefois, en 1998, l'organisme s'était engagé à leur verser une indemnisation, à condition que la France participe au financement du dispositif à hauteur de 50 %. Or la situation n'est toujours pas débloquée depuis.

Cet amendement a donc pour objet de remédier à cet état de fait. Nous souhaitons que la France s'engage à indemniser à hauteur de 50 % les incorporés de force dans le RAD et le KHD, afin d'inciter la Fondation pour l'entente franco-allemande à faire de même.

Le coût financier de cette indemnisation est très limité. Si l'on prend pour base les 700 euros par personne évoqués au milieu des années quatre-vingt-dix, on estime à 4 millions d'euros les crédits nécessaires, soit 2 millions d'euros à la charge de l'État français.

Ces crédits seraient prélevés dans le programme 167 « Liens entre la nation et son armée », au sein de l'action n° 4 « Communication » - je suis désolée pour Mme Dupont - et affectés à l'action n° 3 « Solidarité » du programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-100.

M. Guy Fischer. Le présent amendement vise à permettre que l'État indemnise enfin, pour la part qui lui revient, c'est-à-dire la moitié, les incorporés de force d'Alsace-Moselle dans les formations paramilitaires allemandes n'ayant pas participé à des combats, afin d'inciter la fondation franco-allemande à faire de même. Nous savons, en effet, que le blocage provient principalement de cette fondation et de son président.

Nous nous honorerions en soldant cette année ce douloureux contentieux, d'autant que les renvois de responsabilités auxquels ce dossier donne lieu, comme le rappelle Janine Rozier dans son rapport pour avis, ne sont pas concevables eu égard à la fois à la légitimité symbolique et au coût médiocre pour les finances publiques.

Faut-il rappeler que ces personnes, aujourd'hui très âgées, réclament avant tout une reconnaissance, sans prétendre comparer le sort qui a été le leur à celui des membres des forces combattantes ? Faut-il rappeler, également, que l'indemnisation à laquelle elles prétendent s'élève à moins de 700 euros ? Nous sommes bien dans le symbole !

Or, nous déplorons tous ici que rien n'ait évolué depuis 2003. La fondation refuse de procéder à tout versement, tandis que les autorités allemandes craignent de rouvrir ce dossier, eu égard aux demandes de travailleurs forcés d'autres nationalités que cela pourrait engendrer.

Alors, faisons ce geste une bonne fois pour toutes, avec une belle unanimité, pour que ces hommes et ces femmes puissent enfin retrouver la paix !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Charles Guené, rapporteur spécial. Comme viennent de le rappeler nos deux collègues, il s'agit d'une plaie douloureuse de notre histoire, mais aussi d'un problème juridique particulier. Il est ennuyeux que l'on ne puisse pas régler cette situation.

Compte tenu du coût de cette mesure, compris entre 2 millions et 4 millions d'euros, la commission des finances ne peut donner un avis favorable. Cependant, elle aimerait savoir où en est le Gouvernement sur cette épineuse et préoccupante question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En fait, vous en conviendrez, madame, monsieur le sénateur, il s'agit plus d'un blocage d'ordre juridique que d'un problème de fond sur ce douloureux sujet.

À l'occasion du conseil des ministres décentralisé à Strasbourg, le 7 septembre dernier, j'ai rencontré, à la demande du Président de la République, les associations alsaciennes et mosellanes concernées. Je les ai reçues pendant toute une journée, au cours de laquelle nous avons fait le point sur ce dossier.

Sans entrer ici dans le détail, je vais charger une personnalité indépendante alsacienne directement concernée de rendre un rapport avant la fin de l'année 2008, afin que nous puissions prendre une décision.

Ce dossier est resté trop longtemps en l'état et nous devons aboutir à un compromis. J'y suis vraiment très attaché. Le Gouvernement, réuni à Strasbourg, était unanime à considérer qu'il fallait trouver, dans les meilleurs délais, une solution.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.

Mme Gisèle Printz. Je n'ai pas présenté d'amendement, mais j'interviens chaque année, depuis dix ans, sur ce problème d'indemnisation. Je sais qu'il provient d'une mésentente entre l'État et la fondation franco-allemande.

Vous annoncez des pourparlers, monsieur le secrétaire d'État, et un rapport avant la fin de l'année prochaine. Je voterai les amendements identiques présentés par Mme Stiller et M. Fischer, car cette histoire, qui n'est ni de droite ni de gauche, dure depuis trop longtemps. Nous devons trouver une solution parce que les personnes concernées ont, comme on dit, un âge plus que respectable !

M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler.

Mme Esther Sittler. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d'État, je retire mon amendement.

Je compte sur sa force de persuasion pour convaincre le président de la fondation franco-allemande de modifier les statuts. Dans ces conditions, je suis certaine que le conseil d'administration suivra. Je vous remercie d'activer ce dossier, monsieur le secrétaire d'État, pour que, l'année prochaine, à la même époque, nous ne parlions plus de cet amendement !

M. le président. L'amendement n° II-56 rectifié est retiré.

Monsieur Fischer, retirez-vous l'amendement n° II-100 ?

M. Guy Fischer. Jamais ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'article 41 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés - Compte spécial : Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics

Article 41 quater

I. - Dans les deuxième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le nombre : « 37 » est remplacé par le nombre : « 39 ».

II. - Le I s'applique à compter du 1er juillet 2008.

III. - Par dérogation au deuxième alinéa du III de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002), la modification mentionnée au I est applicable aux retraites du combattant visées au I de l'article 100 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007.  - (Adopté.)

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Compte spécial : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

Article 41 quater
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », du compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou des organismes privés » et du compte spécial « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » connaît trois axes de réforme majeurs.

Le premier est la fusion entre la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique.

Cette fusion se situe dans la continuité des actions entreprises au cours des dernières années : création d'une application informatique commune et introduction, d'abord pour les grandes entreprises, puis pour les PME, d'un interlocuteur fiscal unique. Elle est aussi cohérente avec les préconisations que j'avais faites dès 2000 dans mon rapport La direction générale des impôts à l'heure des réformes : pour une modernisation du service public de l'impôt.

Je disais alors que l'intégration dans une même administration des services de la direction générale des impôts et du Trésor public s'imposait pour supprimer les cloisonnements et les superpositions.

J'indiquais également qu'une unité d'animation et de gestion au niveau national et au niveau local était indispensable.

Je soulignais enfin la nécessité de prendre en compte l'impact de la réforme sur le réseau local de la direction générale de la comptabilité publique, très étendu, et qui pouvait donc faire l'objet, si l'on n'y prenait pas garde, de coupes claires.

Dans ce contexte, l'esprit de cette réforme, monsieur le secrétaire d'État, reçoit de la part de la commission des finances une première appréciation positive. La réforme vise à créer ce qui est indispensable : un service fiscal unique pour les particuliers, avec un seul patron sur le plan national et départemental. Pour autant, le réseau des 3 172 trésoreries n'est pas sacrifié, car celles-ci pourraient se voir adjoindre des missions d'assiette, notamment au profit des collectivités locales.

La clé de la réforme réside désormais dans les questions de statuts et de rémunérations. Les négociations devraient s'engager en 2008 et je m'attacherai à les suivre.

Le deuxième axe de réforme réside dans la lutte contre la fraude.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a été investi de la fonction de chef de file de la lutte contre la fraude. Notre commission des finances a examiné à plusieurs reprises ces questions, notamment à travers un récent rapport d'information que j'ai présenté, intitulé Recouvrement des sanctions pénales et fiscales : la fin de l'impunité ?, à la suite d'une enquête de la Cour des comptes.

Nos travaux montrent que le véritable enjeu de la lutte contre la fraude est tout autant dans le contrôle fiscal, ou la répression par les amendes, que dans le recouvrement. Or cette fonction de recouvrement est perfectible, car elle touche à des questions de coordination entre administrations. Il en est ainsi du fonctionnement des bureaux d'exécution des peines, dont l'efficacité est amoindrie par un déni de compétence en matière de recouvrement des amendes, tant par les greffes que par le Trésor public.

Troisième et dernier axe de réforme : l'informatisation de l'État, dont la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est un maître d'oeuvre essentiel.

Les actions en cours sont considérables : création d'une informatique fiscale unique, développement d'une nouvelle application de gestion, en remplacement de Accord-LOLF, intitulée Chorus, lancement d'une application de paye unique pour l'ensemble des services de l'État.

Ces chantiers sont décisifs pour la réforme de l'État. Ils doivent à mon sens relever plusieurs défis.

Le premier défi consiste à respecter les délais et les budgets prévisionnels. Or aucun indicateur n'est fourni à ce sujet dans le projet annuel de performances, et je le regrette. Je suis très inquiet, en outre, des rumeurs d'une annulation du marché pour le déploiement de Chorus, dont la clôture était prévue à la fin du mois. Une nouvelle procédure devrait voir le jour au premier trimestre de l'année 2008, ce qui menace le calendrier de mise en oeuvre de ce système informatique essentiel pour la gestion des administrations. Chorus doit permettre la suppression des lourdeurs qui pénalisent les réussites de la LOLF.

Le deuxième défi vise à dégager des gains de productivité. Or ceux-ci ne sont jamais chiffrés en amont. Comme le relève la Cour des comptes dans un récent référé sur l'application fiscale Copernic, dont les coûts complets avoisinent pourtant 1,8 milliard d'euros, « l'administration fiscale ne tire pas suffisamment parti de Copernic pour réorganiser ses tâches et ses services et donc pour dégager les gains de productivité importants qui, au même titre que l'amélioration du service rendu, constituent le retour sur investissement du programme ». La notion de retour sur investissement doit apparaître dans les projets annuels de performances.

Le troisième et dernier défi consiste à éviter les cloisonnements. S'agissant de l'opérateur national de paye, une interface avec les quarante systèmes de ressources humaines des ministères sera difficile à réaliser. Un chantier d'harmonisation, à défaut d'unification, de ces systèmes informatiques est nécessaire.

Toutes ces questions nous renvoient à ce que le Parlement attend, en termes de performances, de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Le Parlement attend, tout d'abord, que l'efficacité de la fonction fiscale de l'État soit mesurée. Les indicateurs existent dans ce domaine et ils sont plus que satisfaisants, à l'exception des indicateurs de recouvrement du contrôle fiscal et des amendes contentieuses, qui peuvent encore progresser.

Le Parlement attend, ensuite, un retour sur investissement des dépenses réalisées en matière informatique ou de formation. On peut ainsi déplorer qu'aucun indicateur de performance n'existe pour l'École nationale d'administration ou les instituts régionaux d'administration, qui sont dans le périmètre de la mission, alors que l'adéquation de la formation aux besoins en compétences des élèves de ces écoles, mais aussi des administrations, devrait pouvoir faire l'objet d'enquêtes.

Le Parlement attend, enfin, que les administrations d'état major puissent mesurer la qualité de leur expertise. Il en est ainsi de la direction du budget, qui ne propose pas d'indicateur de performance, alors que des indicateurs relatifs à la qualité de la prévision de certaines dotations budgétaires pourraient être construits.

Sous le bénéfice de ces remarques, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission et les deux comptes spéciaux qui y sont rattachés, sous réserve d'un amendement que je présenterai tout à l'heure.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la modification de l'architecture du projet de loi de finances pour 2008, induite par la composition et les attributions des membres du Gouvernement issu des élections législatives de juin 2007, a conduit la commission des lois à modifier, elle aussi, le périmètre de son avis budgétaire. Elle a ainsi abandonné l'examen des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » au profit de ceux de deux programmes de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » : le programme « Fonction publique », d'une part, et le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », d'autre part.

Voilà quelques jours, nous débattions des effectifs. Aujourd'hui, nous examinons le programme « Fonction publique », qui regroupe les crédits d'intervention mis à la disposition de la direction générale de l'administration et de la fonction publique pour conduire l'action « Formation des fonctionnaires », qui constitue un tiers des crédits, et l'action « Action sociale interministérielle », qui en représente les deux tiers.

Pour la deuxième année consécutive, ces crédits augmenteront fortement, soit 30,5 %, pour atteindre 226 millions d'euros en autorisations d'engagement et 224 millions d'euros en crédits de paiement.

Je rappelle que l'action sociale interministérielle vient en complément des actions menées par chaque ministère. Elle consiste en des prestations individuelles, telles que le chèque-vacances, l'aide ménagère à domicile, l'aide à l'installation des personnels, le prêt mobilité, le chèque emploi service universel, et en des prestations collectives, comme les restaurants interadministratifs, les réservations de logements sociaux et les places en crèche. Cette action est extrêmement importante.

L'an dernier, la commission des lois avait déploré la réduction excessive du nombre d'objectifs de performance et d'indicateurs de résultat par rapport à 2006. Si les objectifs de performance n'ont pas changé, les indicateurs de résultat ont été affinés et complétés afin, notamment, de mieux évaluer la qualité de la formation dispensée dans les instituts régionaux d'administration.

À cet égard, un décret du 9 octobre 2007 permet de confier aux instituts régionaux d'administration une part importante de l'organisation des concours afin de les rendre plus attractifs et de réduire les délais de recrutement. Dorénavant, les candidats choisiront l'institut dans lequel ils souhaiteront être formés et y seront recrutés. En outre, la formation des futurs attachés a été rénovée par un décret du 20 août 2007.

S'agissant de l'action sociale interministérielle, il convient de noter que le bénéfice du chèque emploi service universel a été étendu, en 2007, à la prise en charge d'une partie des frais de garde d'enfants âgés de trois à six ans.

Quant au programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État », il est doté de 414 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 282 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces crédits se répartissent en quatre actions respectivement consacrées à la politique des finances publiques et à l'analyse de la performance des politiques publiques, à la modernisation de l'État, aux systèmes d'information financière de l'État et à l'opérateur national de paye, créé en mai 2007.

Parmi les nombreuses mesures destinées à moderniser l'État et à simplifier notre droit, je signalerai simplement qu'un décret du 8 juin 2006 prévoit la suppression, en juin 2009, de toutes les commissions administratives créées par décret avant juin 2006, au nombre de 550. Les ministères concernés seront donc contraints de recréer les commissions qu'ils estiment utiles.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits des programmes « Fonction publique » et « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais concentrer mon intervention sur la fonction publique.

Ce premier budget « sarkozyste » est inséparable d'un contexte de réduction massive des effectifs et de baisse du pouvoir d'achat : 22 921 suppressions de postes auront lieu en 2008, dont 11 200 dans l'éducation nationale. Pourquoi un tel acharnement contre l'école publique ?

Jeudi dernier, devant les forces de l'ordre, le Président de la République entonnait son refrain habituel : « Avec moins d'effectifs, on peut faire mieux, surtout en rémunérant mieux les fonctionnaires ». Sauf que, si la purge augmente chaque année, parallèlement, le Gouvernement ne prévoit aucune mesure collective de revalorisation du pouvoir d'achat et refuse l'ouverture de négociations salariales pour 2007, bien qu'aucune augmentation ne soit intervenue au titre de cette année.

Quant aux annonces de jeudi soir, constatant les caisses de l'État vidées, elles engagent, sous des appellations diverses, à excéder le temps légal de travail de 35 heures, alors même que les heures supplémentaires ne peuvent pas s'appliquer à tous les agents.

Le Président de la République, qui prétend « ne rien ignorer du malaise des fonctionnaires », devrait savoir combien leur pouvoir d'achat s'est dégradé. Depuis 2003, les augmentations de la valeur du point d'indice ont systématiquement été inférieures au taux d'inflation, entraînant une diminution de la rémunération moyenne en euros constants. Et ce ne sont pas les quelques mesures de saupoudrage catégoriel prises le 26 octobre qui régleront la question.

Les fonctionnaires demandent avec raison une revalorisation de leur rémunération indiciaire, car elle constitue l'essentiel de leur salaire, soit 85,3% en moyenne. Les 225 millions d'euros dégagés par les suppressions de postes en 2008 pour revaloriser les salaires sous forme « d'intéressement » s'avèrent dérisoires quand on sait qu'il faut 850 millions en année pleine pour augmenter de 1 % le point d'indice. Ils sont encore plus dérisoires quand on les compare aux 15 milliards d'euros par an du paquet fiscal !

I1 s'agit donc bien d'un choix politique.

Le nouvel organigramme gouvernemental rattache la fonction publique au ministère du budget. Le programme « Fonction publique » relève désormais de la mission ministérielle « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». Ce choix a le mérite de montrer clairement l'approche comptable de la fonction publique, qui est privilégiée depuis 2002 !

Pour 2008, le programme « Fonction publique » se caractérise par le développement de l'action sociale, dont la part passe de 59 % à 65 %. Mais cette augmentation est trompeuse : plusieurs transferts de crédits ministériels ont élevé les crédits disponibles au premier semestre de 2007 à 156,86 millions d'euros, contre 100,96 millions d'euros prévus en loi de finances initiale. Avec 147,47 millions d'euros, la dotation pour 2008 est donc encore inférieure aux crédits disponibles en 2007.

Par ailleurs, en s'attachant aux détails, on peut repérer des souches d'évaluation. Je cite trois exemples.

La dotation prévue pour le chèque emploi service universel pour la garde d'enfants de moins de trois ans est établie sur la base des dépenses prévues pour 2007, alors que le système monte en puissance.

La prestation chèques-vacances baisse de 37,2 millions d'euros à 32,3 millions d'euros, alors que le nombre de bénéficiaires augmente et que les barèmes de ressources et d'épargne sont revalorisés annuellement.

L'aide ménagère à domicile des retraités connaît une progression régulière du nombre de bénéficiaires et, là encore, les dépenses semblent sous-estimées de plus de 2 millions d'euros.

Il y aurait également beaucoup à dire sur les indicateurs, souvent insuffisants pour apprécier la politique menée, à l'instar de celui qui mesure le degré de prise en compte de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences par l'ensemble des directions ministérielles. Dans ce domaine, une vision claire est pourtant d'autant plus nécessaire que 2008 va marquer le pic des départs à la retraite, avec 80 000 départs.

En revanche, les moyens alloués à la formation se maintiennent, mais je m'interroge sur la mise en oeuvre du droit individuel à la formation, mesure phare, voire panacée de la loi de modernisation de la fonction publique.

Pour conclure, en tant que maire d'une ville de la région parisienne, j'aimerais appeler l'attention sur la situation du logement des jeunes fonctionnaires. C'est un domaine dans lequel il serait nécessaire de réaliser un effort considérable. En effet, j'en ai assez de voir de jeunes policiers coucher dans leur voiture pendant plusieurs mois, faute d'un logement !

Coupes claires dans les effectifs, pouvoir d'achat en berne, statut mis à mal, pour toutes ces raisons nous ne saurions voter des crédits inscrits dans une politique qui ne cache plus sa volonté de saborder la fonction publique dans ses fondements mêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le périmètre de la mission relative à la gestion des finances publiques a été quelque peu modifié par rapport à l'an dernier afin d'y intégrer le programme « Fonction publique ». Dans la mesure où nous avons déjà eu un débat sur les effectifs de la fonction publique dans le cadre de l'examen de l'article d'équilibre et compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'évoquerai ici que le devenir de nos administrations fiscales, services d'assiette et de recouvrement réunis.

La première évolution des services concerne la poursuite du processus de suppression d'emplois, gagé, nous dit-on, sur des gains de productivité et la simplification des procédures fiscales.

Cette situation reste largement à prouver.

Si la technicité et la compétence des agents de ces administrations n'est pas véritablement mise en cause, nous savons que, ces dernières années, nombre de dispositifs fiscaux se sont ajoutés, rendant plus complexe notre système.

Aussi, les relations entretenues par l'administration avec ses administrés n'en ont pas été simplifiées. Comme la dépense fiscale devient une vraie politique pour le Gouvernement, les choses sont souvent d'une opacité et d'une complexité qui déroutent autant les agents que les redevables.

La seconde transformation concerne le regroupement, de la direction générale des impôts, la DGI, et de la direction générale du Trésor, la DGT. Ce regroupement ne va pas sans engendrer, une fois encore, une réduction d'emplois publics.

Je tiens à préciser quelques éléments sur lesquels se fonde notre désaccord avec ce choix.

Tout d'abord, les missions de service public accomplies par la direction générale de la comptabilité publique, la DGCP, ne se limitent pas à la perception des impositions sur le revenu ou des impositions locales.

En effet, dans le principal programme de la mission, on observe que plus de 1,9 milliard d'euros sont consacrés aux missions de gestion de l'État, du service public local ou encore des pensions par les services du Trésor. De fait, une part importante des agents de la DGCP fait non pas de l'encaissement d'impôts, mais de la gestion financière et comptable.

Cherche-t-on, en regroupant ainsi les services, à justifier, dans les années à venir, une réduction progressive des coûts de ces actions, passant, en particulier, par une externalisation de la gestion ? À moins, bien entendu, que l'on ne s'attache à économiser sur les crédits DGCP consacrés au recouvrement des impôts pour confier aux ex-agents de la DGI les deux fonctions d'assiette et de recouvrement.

L'opération de fusion ne risque-t-elle pas de nuire à la qualité de service ?

De plus, la fusion n'est-elle pas aussi l'outil rêvé de la mise en oeuvre, à grande échelle, d'une réforme fiscale généralisant la retenue à la source comme mode de recouvrement de l'impôt ?

Quand on y regarde bien, la taxation des revenus par la retenue à la source et les prélèvements libératoires est devenue le mode majoritaire de recouvrement de l'impôt. C'est le cas avec la montée en puissance de la contribution sociale généralisée, mais aussi pour les revenus de capitaux mobiliers qui peuvent, désormais, être exclusivement soumis à ce régime.

Nul doute que la fusion sera utilisée, dans les années à venir, pour justifier ce type de réforme fiscale Nous sommes convaincus, pour notre part, que le service public de l'impôt n'y trouvera pas son compte et finira profondément dénaturé. Nous partageons, à cet égard, l'inquiétude légitime des agents de nos administrations fiscales, qui ont majoritairement fait connaître leur position lors de la journée d'action du 20 novembre dernier.

Sur cet aspect, comme sur ceux que nous avons abordés lors du débat sur la fonction publique, nous n'approuvons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à la défense, chargé des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, mon collègue, M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, ne peut être présent en cet instant et vous demande de bien vouloir l'excuser.

Je remercie M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, et Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez à juste titre rappelé l'importance des chantiers de réforme engagés par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Pour n'en citer que quelques-uns, je pense à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, bien sûr, à la fusion de la DGI avec la DGCP, à plusieurs grands projets informatiques, à un ambitieux plan de lutte contre la fraude et, enfin, à la réforme de la fonction publique, qui sera traitée par ailleurs.

Je rappelle, d'un mot, le principe directeur simple de ce budget : étant celui du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, il se doit, bien évidemment, d'être exemplaire et d'appliquer, en premier lieu, tous les principes d'une saine et rigoureuse gestion.

C'est ainsi que le budget de M. Éric Woerth pour 2008 est, à structure constante et par rapport à 2007, en diminution de 1 % sur le titre 2 par rapport à la loi de finances initiale pour 2007. Au total, la mission est en progression de seulement 0,5 %, hors cotisations au compte d'affectation spéciale des pensions.

Je souhaite revenir sur les différents points que vous avez évoqués.

Je mets de côté, à ce stade de la discussion, la question de la fusion des programmes 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » et 148 « Fonction publique » ; nous en discuterons au moment de l'examen de l'amendement n° II-19.

Conformément à l'engagement du Président de la République, Éric Woerth a lancé le processus de fusion de la DGI et de la DGCP le 4 octobre dernier, après plusieurs semaines de consultation des organisations syndicales.

Cette union entre ces deux grandes administrations financières permettra d'atteindre quatre objectifs : améliorer la qualité du service rendu à l'usager en déployant de guichets fiscaux uniques sur tout le territoire, notamment en zone rurale ; renforcer le conseil financier et fiscal aux élus locaux en rapprochant les deux composantes de cette mission au sein d'une seule maison ; améliorer l'efficacité de l'État en confortant, pour les années à venir, l'effort de productivité engagé par les deux administrations et en consolidant les recettes fiscales, notamment en rapprochant le contrôle fiscal et le recouvrement ; donner de nouvelles perspectives professionnelles pour les agents des deux administrations.

La fusion se mettra en oeuvre dans le respect de trois principes : la progressivité, l'équilibre entre les deux maisons et le dialogue avec tous les acteurs concernés, à savoir les élus locaux, les associations d'usagers, les organisations syndicales et les agents.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, cette fusion s'inscrit bel et bien dans la continuité des actions entreprises au cours de ces dernières années.

Pour répondre plus spécifiquement au point que vous avez soulevé sur les statuts et les rémunérations, je tiens à souligner qu'Éric Woerth attache beaucoup d'importance à ce que les agents aient de la visibilité et des garanties quant aux règles de gestion et de rémunération. C'est pour cette raison qu'il a souhaité que ce point fasse d'ores et déjà partie des discussions qui ont été engagées avec les organisations syndicales.

La lutte contre la fraude fiscale est bien l'une des priorités du Président de la République. Il a confié à Éric Woerth, par lettre de mission, la responsabilité de piloter la mise en oeuvre de toute une série de mesures permettant de renforcer significativement notre capacité à lutter contre la fraude organisée.

Monsieur le rapporteur spécial, vous estimez que l'indicateur du taux brut de recouvrement de la DGI et de la DGCP en droits et pénalités sur créances de contrôle fiscal externe au titre de l'année n-2 présente des valeurs peu ambitieuses.

Pourtant, depuis 2006, cet indicateur est calculé de manière particulièrement exigeante : il porte sur le montant total des créances mises en recouvrement après un contrôle, y compris celles qui sont suspendues par une réclamation ou qui concernent des entreprises en règlement ou en liquidation judiciaire.

La stratégie de recouvrement est intégrée dès le lancement de l'opération de contrôle fiscal, et l'objectif d'amélioration du recouvrement est inscrit dans tous les plans interrégionaux de contrôle fiscal 2006-2008.

Par ailleurs, avec un résultat de 44,04 % au 30 septembre 2007, l'objectif assigné à cet indicateur pour 2007, qui était de 42,50 %, est désormais atteint.

Concernant les grands projets informatiques du ministère qui accompagnent ses réformes, ils ont, cette année encore, fait l'objet d'une particulière attention lors de la préparation du budget.

Cinq grands projets, identifiés comme tels dans les documents budgétaires, peuvent être présentés ici : Copernic, Hélios, Chorus, le futur SI Paye de l'opérateur national de paye, l'ONP, et Delt@, le site internet de la douane.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez souligné dans votre rapport l'absence d'indicateurs sur le respect du budget prévisionnel du programme Copernic. Je vous confirme que Copernic fait l'objet d'un suivi très serré de son budget. Une démarche volontariste de professionnalisation des acteurs du programme a eu lieu durant le premier semestre, aboutissant à une rigueur budgétaire aujourd'hui reconnue.

En ce qui concerne des gains de productivité dont vous dénonciez l'absence de chiffrage, je peux vous répondre que, pour la période 2006-2008, la DGI et la DGCP ont identifié 2 600 emplois équivalents temps plein mobilisables au titre de Copernic. Ces derniers ont fait l'objet d'un suivi très détaillé dans chaque direction.

Par ailleurs, vous demandez, monsieur le rapporteur spécial, que l'opérateur national de paye permette d'éviter les cloisonnements, compte tenu de l'existence d'une quarantaine de systèmes d'information des ressources humaines.

Je vous confirme que, précisément, le choix de recourir à un opérateur unique vise à garantir une plus grande qualité et une plus grande fluidité dans la chaîne de paye de l'État pour qu'elle gagne en qualité ainsi qu'en efficience et pour en garantir la sécurité.

En ce qui concerne le second volet, c'est-à-dire la fonction publique, je veux dire à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois, que M. Éric Woerth partage son souci d'une gestion optimale des ressources publiques.

Je vous présenterai succinctement le programme « Fonction publique ». Il relevait précédemment du budget des services du Premier ministre et son transfert est consécutif au rattachement de la compétence « fonction publique » au ministère du budget.

Ce programme est structuré en deux actions : la formation interministérielle des fonctionnaires, notamment les subventions versées aux opérateurs du programme que sont l'École nationale d'administration, l'ENA et les instituts régionaux d'administration, les IRA, et l'action sociale interministérielle.

Au nom de M. Éric Woerth, j'insisterai spécifiquement sur la politique d'action sociale, dont l'évolution traduit tant une nouvelle approche de l'État dans ce domaine qu'un engagement fort de l'État employeur à l'égard de ses agents.

En effet, bien qu'importante en volume, dans sa double dimension ministérielle et interministérielle, l'action sociale est restée longtemps assez méconnue, voire délaissée.

Un premier effort a été engagé au cours de l'année 2007 pour financer la mise en place de nouvelles mesures : rénovation de logements, chèque-emploi-service universel pour la garde d'enfant, investissements dans les restaurants inter-administratifs et concrétisation des « accords Jacob » ainsi que des annonces de février 2007.

Cet effort est poursuivi en 2008, malgré les contraintes budgétaires que vous connaissez, par l'inscription, dès le projet de loi de finances pour 2008, de 45 millions d'euros de plus qu'en loi de finances pour 2007, soit un total de 145 millions d'euros.

Cet effort n'est pas anodin, car le Gouvernement souhaite faire de l'action sociale un véritable levier au bénéfice des fonctionnaires en participant concrètement à des dépenses qui touchent à leur quotidien.

Donner à un jeune fonctionnaire à la recherche d'un logement une aide pour couvrir sa caution, n'est-ce pas à la fois contribuer à son pouvoir d'achat et faciliter sa vie quotidienne ? C'est ce qu'évoquait tout à l'heure M. Mahéas.

Cofinancer via le CESU la garde d'enfants, c'est également aider les jeunes fonctionnaires, notamment les femmes, à concilier plus facilement leur vie professionnelle et leur vie familiale. Je pense que cette réponse rassura les deux sénateurs qui se sont exprimés avant moi.

Financer la rénovation des restaurants administratifs, c'est améliorer leurs conditions de travail, le respect des normes sanitaires, mais aussi le prix du repas. C'est pour cette raison qu'Éric Woerth a souhaité inscrire dans la conférence sur le pouvoir d'achat un volet « action sociale ».

Je dirai, pour finir, un mot de l'indicateur qualitatif sur la scolarité de l'ENA.

Il convient, tout d'abord, de relever que de tels indicateurs existent déjà pour les instituts régionaux d'administration, les IRA. Ces indicateurs sont renseignés à partir d'enquêtes annuelles réalisées par un prestataire externe auprès des anciens élèves des IRA et de leurs employeurs.

Un bilan très positif peut être dressé à l'issue de la mise en oeuvre de ces enquêtes, comme le manifeste les taux très élevé de réponse - 97 % pour les anciens élèves et 87 % pour les employeurs.

L'introduction d'indicateurs du même type permettant de mesurer la qualité de la formation dont bénéficient les élèves de l'ENA semblerait donc pertinente. Ils devraient, d'ailleurs, être intégrés à la convention d'objectifs et de performance qui sera conclue avec l'ENA au premier trimestre de l'année 2008.

J'espère, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avoir répondu à vos attentes et aux questions que vous avez posées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

gestion des finances publiques et des ressources humaines

Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Compte spécial : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés - Compte spécial : Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Remboursements et dégrèvements

M. le président. Nous allons procéder à l'examen de l'amendement portant sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11 660 912 215

11 222 487 413

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

8 490 865 176

8 312 520 176

Dont titre 2

6 755 032 797

6 755 032 797

Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État

411 630 246

279 710 246

Dont titre 2

66 350 451

66 350 451

Conduite et pilotage des politiques économique et financière

1 005 858 922

870 629 120

Dont titre 2

387 272 185

387 272 185

Facilitation et sécurisation des échanges

1 528 785 763

1 537 855 763

Dont titre 2

1 008 183 136

1 008 183 136

Fonction publique

223 772 108

221 772 108

Dont titre 2

800 000

800 000

M. le président. L'amendement n° II-19 rectifié, présenté par M. Angels, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Supprimer les programmes :

a) Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État

b) Fonction publique

II. Créer le programme :

Modernisation de l'État, de la fonction publique et des finances

III. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public localDont Titre 2

Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État Dont Titre 2

411.630.246

66.350.45

 

279.710.246

66.350.451

Conduite et pilotage des politiques économique et financière Dont Titre 2

Facilitation et sécurisation des échangesDont Titre 2

Fonction publiqueDont titre 2

223.772.108800.00

 

221.772.108

800.000

Modernisation de l'État, de la fonction publique et des financesDont titre 2

635.402.354

67.150.451

501.482.354

67.150.451

TOTAL

635.402.354

635.402.354

501.482.354

501.482.354

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de réunir les programmes 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État » et 148 « Fonction publique » dans un programme nouveau, qui serait intitulé « Modernisation de l'État, de la fonction publique et des finances ».

En effet, la structure de la mission, en laissant perdurer un cloisonnement administratif issu du passé, entre les actions dévolues à la modernisation de l'État et à l'informatisation des services et celles qui sont consacrées à la formation initiale des hauts fonctionnaires, mais aussi à l'action sociale interministérielle, pouvait laisser craindre une absence de cohérence dans la politique de réforme de l'État.

Le nouveau programme permettrait ainsi une action cohérente entre modernisation des ressources humaines, modernisation des systèmes d'information et modernisation des finances publiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La commission des finances de votre assemblée, lors de son examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » a souhaité modifier la maquette budgétaire en fusionnant les programmes 148 « Fonction publique » et 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État ».

Cet amendement est motivé par la volonté de regrouper au sein d'un même programme les crédits de la direction du budget, de la direction générale de la modernisation de l'État, de l'agence pour l'informatique financière de l'État ou de l'opérateur national de la paye, qui sont rattachés aujourd'hui au programme 221, avec ceux de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, la DGAFP.

Toutefois, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, seuls les crédits d'intervention - action sociale interministérielle - d'une part, et les crédits de fonctionnement des écoles et des instituts de formation interministérielle, d'autre part, sont rattachés à ce programme 148.

En effet, les crédits de personnels et de fonctionnement de la DGAFP sont inscrits sur le programme 129, « Coordination du travail gouvernemental », qui est rattaché aux services généraux du Premier ministre.

S'il est bien prévu de regrouper à terme les moyens de la DGAFP sur un seul programme, cela suppose, au préalable, un certain nombre de décisions relatives au positionnement administratif de la DGAFP et de ses agents.

Les évolutions qui, à compter de 2008, pourraient affecter le rattachement juridique de la DGAFP auront bien pour objectif de permettre la meilleure cohérence possible. Ainsi, le rattachement des crédits de personnels de la DGAFP au programme 148 « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » pourrait être prévu dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009. Alors seulement, une fusion des programmes 148 et 221 pourrait être envisagée.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande à la commission des finances de bien vouloir retirer cet amendement, qui semble aujourd'hui prématuré. À défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président la commission des finances. Nous sommes là au coeur d'un processus déterminant de la modernisation de l'État et, vous l'avez compris, nous n'avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions.

J'entends bien votre argument, monsieur le secrétaire d'État : le programme 129 de la DGAFP devrait faire partie du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l'État ». Or ce programme est aujourd'hui inclus dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et il n'est pas dans le pouvoir du Parlement de déplacer des programmes d'une mission vers une autre. Seul le Gouvernement peut procéder à cette translation.

Il me paraît néanmoins nécessaire - et ne vous méprenez pas sur notre intention -, de rassembler ces programmes afin de mettre en oeuvre une véritable synergie de réforme. Les arguments que vous avez développés tout à l'heure à la tribune sur les programmes 221 et 148 mettaient d'ailleurs bien en évidence la nécessité de les rassembler. Par conséquent, ce serait un geste symbolique fort de la part du Sénat que de voter ce soir cet amendement.

Je souhaite que le Gouvernement puisse extraire de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » le programme 129 pour le fusionner avec les programmes 221 et 148. S'il n'est pas possible de le faire d'ici à la commission mixte paritaire, monsieur le secrétaire d'État, je m'engage, sous le contrôle du rapporteur spécial, Bernard Angels, à ce que nous rétablissions les programmes dans leur ordre, mais j'aimerais au moins que, dans les quelques semaines qui nous séparent de la commission mixte paritaire, nous puissions aller plus loin dans l'analyse de ce processus qui nous paraît constituer l'un des bons leviers de la réforme de l'État.

C'est la raison pour laquelle - ne le prenez pas en mauvaise part, monsieur le secrétaire d'État, car je vous sais infiniment gré d'avoir accepté de suppléer M. Éric Woerth -, la commission des finances maintient son amendement en souhaitant que le Sénat veuille bien l'approuver.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme je l'ai déjà indiqué, ces changements de périmètre seront examinés dans le projet de loi de finances pour 2009 et nous discuterons ensemble, au cours de 2008, de ce point important.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le président de la commission des finances ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, monsieur le président. J'ai bien noté que le Gouvernement s'engageait à ce qu'en 2009 cette disposition soit effective mais, pour la beauté du geste, je souhaite que cet amendement soit voté dès maintenant par le Sénat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-19 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte spécial : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte spécial : « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » figurant à l'état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

10 800 000

10 800 000

Prêts et avances à des particuliers ou à des associations

800 000

800 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte spécial : avances à divers services de l'état ou organismes gérant des services publics

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte spécial : « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics» figurant à l'état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

7 653 700 000

7 653 700 000

Avances à l'Agence unique de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

7 500 000 000

7 500 000 000

Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

50 000 000

50 000 000

Avances à des services de l'État

103 700 000

103 700 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission : « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi que des comptes spéciaux : « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous remercier d'avoir permis le bon déroulement de la séance en acceptant de venir suppléer M. Éric Woerth, ministre du budget.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Remboursements et dégrèvements

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis l'examen des projets de loi de finances pour 2006 et 2007, je suis amenée, faute d'améliorations tangibles, à formuler les mêmes critiques sur de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Pour la commission des finances, en effet, cette mission n'a aucune raison d'être. D'une part, les crédits qu'elle retrace correspondent à des dépenses diverses participant de politiques publiques hétérogènes, ce qui empêche la définition de toute stratégie cohérente. D'autre part, le système d'évaluation des performances retenu est très insuffisant et ne permet pas de connaître le coût de gestion des dispositifs de remboursements et dégrèvements.

Ainsi, le pilotage et sa gestion budgétaires de cette mission qui, bien que regroupant des crédits évaluatifs, est la mission la plus importante du budget de l'État, avec 83 milliards d'euros, ne répondent pas aux prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances et, surtout, ne fournissent pas d'éléments suffisants à l'appréciation des choix législatifs du Parlement en la matière.

En octobre dernier, la Cour des comptes, dans son enquête demandée par la commission des finances, en application de l'article 58, 2°, de la LOLF, a souscrit, pour l'essentiel, à ces observations.

Afin d'améliorer l'identification des dépenses et de permettre un contrôle parlementaire plus efficace, je propose donc trois pistes d'amélioration.

J'observe, tout d'abord, qu'en dépit des sommes en jeu et de leur dynamisme - on relève une augmentation de 8,7 % par rapport à la loi de finances pour 2007 -, les remboursements et dégrèvements sont actuellement exclus de la norme de dépense. Or il me paraît indispensable que les remboursements et dégrèvements d'impôts, qui servent des politiques publiques définies et qui constituent des dépenses budgétaires à part entière, comme la prime pour l'emploi, par exemple, soient au moins intégrés dans la norme de dépense.

Je propose, ensuite, la relocalisation de certains crédits dans leur mission budgétaire de rattachement « naturel », ainsi que la création d'un programme spécifique retraçant les remboursements de crédits de TVA. Je vous présenterai, en ce sens, trois amendements qui s'inscrivent dans la continuité des travaux de la commission des finances pour améliorer l'architecture de cette mission et ouvrir le débat.

Enfin, je déplore que le dispositif d'évaluation des performances, cette année encore, n'enregistre aucun progrès significatif. Pourtant des améliorations rapides sont nécessaires. En particulier, il me paraît indispensable de procéder à la mesure de l'efficacité socio-économique des crédits d'impôts d'État et des dégrèvements d'impôts locaux. Certes, des difficultés techniques et fonctionnelles compliquent l'exercice. Cependant, ce qui a été fait pour le crédit d'impôt recherche notamment, montre que cette démarche est possible.

Je conclurai mon propos par une question, monsieur le ministre. N'ayant pu assister à l'audition « pour suite à donner » à l'enquête de la Cour des comptes, organisée par la commission des finances, vous avez adressé au président de la commission une lettre, datée du 28 septembre 2007, dans laquelle vous indiquez - admettant par là même les limites de la mission - que vous ferez « procéder à une étude dont le mandat sera de rendre l'information des parlementaires plus lisible en restructurant cette mission ». Je souhaiterais donc savoir quand les résultats de cette étude seront disponibles, quelles suites seront données à cette enquête et comment les parlementaires y seront associés.

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle a déposés, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, l'adoption des crédits de la mission ainsi modifiés.

M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n'occupant que quelques minutes dans la discussion budgétaire, la mission « Remboursements et dégrèvements » est pourtant la plus importante mission du projet de loi de finances pour 2008 en termes de crédits ouverts, nonobstant leur caractère évaluatif.

Dans son rapport introductif, ma collègue et amie Marie-France Beaufils a souligné, une fois encore, les limites inhérentes à l'existence de cette mission dont les très importants crédits, au caractère disparate, participent en réalité de politiques publiques retracées dans d'autres missions budgétaires.

Les crédits ouverts dans cette loi de finances au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont particulièrement importants, atteignant en effet la somme faramineuse de 83,16 milliards d'euros, soit plus que les crédits retracés, par exemple, dans les missions « Enseignement scolaire » et « Recherche et enseignement supérieur ». La hausse sur 2007 n'est pas négligeable puisqu'elle atteint 6,7 milliards d'euros. Elle est due essentiellement à la progression des crédits de TVA, qui augmentent de plus de 3 milliards d'euros, et à celle des allégements d'impôt sur les sociétés, à hauteur de 600 millions d'euros, et de taxe professionnelle, pour 1,9 milliard d'euros.

Figure également dans ces crédits évaluatifs le coût du bouclier fiscal, dont nous avons dénoncé le caractère inique lors de la discussion de la première partie de ce projet de loi de finances et dont il apparaît clairement, à l'examen de la campagne fiscale de 2007, qu'il est loin d'avoir rencontré le succès que ses promoteurs en attendaient.

Contrairement à une assertion défendue lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, le bouclier fiscal ne concerne pas vraiment de petits contribuables, puisque le niveau des remboursements moyens dépasse les 50 000 euros et que moins de 3 % des bénéficiaires annoncés se sont fait connaître des services fiscaux. Le bouclier fiscal est l'illustration parfaite d'une disposition de caractère profondément idéologique, nouveau cadeau fait au pouvoir d'achat des plus riches, loin de l'égalité devant l'impôt, fondement de notre République.

Cependant, pour mieux appréhender les réalités, le caractère évaluatif des crédits de la mission ne peut que nous inciter à examiner les dépenses effectivement réalisées en 2007. En effet, si l'on se réfère au projet de loi de finances rectificative que nous discuterons en fin d'année, les crédits de la mission ont connu une évolution sensible.

Si le niveau de la TVA déductible s'est légèrement contracté - nous sommes loin des attentes de croissance prévues en loi de finances initiale -, si les exonérations liées aux impositions locales s'avèrent finalement légèrement moins importantes elles aussi, il n'en va pas de même de l'un des éléments les plus dynamiques de la mission.

Il s'agit des correctifs apportés par la législation fiscale au rendement de l'impôt sur les sociétés et, notamment, le principe de report en arrière sur les déficits antérieurs ou de remboursement des acomptes trop importants. Pour 2007, cette somme s'élèverait dans le projet de loi de finances rectificative à plus de 12 milliards d'euros, alors même que la mission prévoit, pour 2008, une incidence de cette mesure « limitée » - excusez du peu ! - à 9,9 milliards d'euros. Manifestement, l'optimisation fiscale est largement en oeuvre dans notre pays !

D'autant que les crédits inscrits ne constituent qu'une partie des sommes que l'État consacre à l'allégement des charges fiscales pesant sur les entreprises. En effet, figurent dans le document d'évaluation des voies et moyens les sommes que nous consacrons chaque année à moult dispositions incitatives, dont le crédit d'impôt recherche, la taxation séparée des plus-values ou le régime des groupes ne sont que quelques illustrations.

Nous devons, à notre sens, nous poser la question de l'existence de cette mission à deux titres.

Premièrement, la cohérence même de cette mission et le fait qu'elle se substitue bien souvent à des politiques publiques placées sous le sceau « naturel » de la dépense budgétaire plaident en faveur de sa suppression.

Que pèsent par exemple les crédits des missions « Développement et régulation économiques », « Pilotage de l'économie française », « Écologie, développement et aménagement durables », « Politique des territoires » et « Relations avec les collectivités territoriales » qui représentent tous ensemble un volume de moins de 16 milliards d'euros, au regard des 44 milliards d'euros prévus pour la seule déductibilité de la TVA ?

Deuxièmement, nous devons clairement nous interroger sur le sens de politiques publiques qui ne cessent de restreindre et de comprimer la dépense publique directe au profit de la dépense fiscale - ici imparfaitement retracée - et du service d'une dette improductive de patrimoine collectif.

Compte tenu de ces observations, le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission finances, madame le rapporteur, au sujet des dégrèvements, je voudrais tout d'abord remercier Mme le rapporteur spécial de la présentation qu'elle a faite, dans son rapport, de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

L'analyse présentée dans le rapport des crédits fait ressortir les spécificités de cette mission et les limites de son architecture actuelle, héritée des travaux préalables à la mise en place de la LOLF.

La mission regroupe aussi bien des décaissements relevant de la seule mécanique fiscale, tels que les remboursements de crédits TVA et les restitutions sur acomptes d'impôt sur les sociétés, et des remboursements de crédits d'impôts, comme la prime pour l'emploi, qui sont la traduction de la mise en oeuvre de politiques publiques. Il faut d'ailleurs souligner que la première catégorie, celle des décaissements purement techniques, représente plus des deux tiers des crédits de la mission, ce qui limite la portée du constat selon lequel celle-ci est la plus importante du budget de l'État.

Cela explique aussi le fait que cette mission soit en décalage par rapport aux prescriptions de l'article 7 de la LOLF et que ses objectifs soient de fait limités à la qualité du service rendu au contribuable et, plus précisément, au respect de certaines normes de délai de remboursement.

Au sujet des indicateurs, Mme le rapporteur spécial remarquera, au-delà des chiffres et indicateurs restitués dans le cadre de ces exercices formellement contraints que sont les plans et rapports annuels de performances, les travaux de prévention visant à diminuer la fraude et le volume des réclamations contentieuses ou encore les conclusions de l'audit de modernisation sur la gestion de la prime pour l'emploi. Cette vision globale pourra conduire Mme le rapporteur spécial à porter une appréciation positive sur le travail des services, ce dont je la remercie par avance.

Il n'en reste pas moins qu'une part importante des crédits de la mission est étroitement liée aux dépenses fiscales, et c'est précisément pour cette part que la question de l'efficacité prend tout son sens.

Mme le rapporteur spécial suggère qu'une partie au moins de ces crédits trouverait sa place dans une norme de dépense élargie, ce qui pourrait aller dans le sens d'une meilleure gouvernance de la dépense publique. Néanmoins, cette orientation, a priori séduisante, qui fait l'objet d'un débat récurrent, se heurte à de nombreuses difficultés de principe et de mise en oeuvre.

En effet, seule la part des crédits d'impôt faisant l'objet d'un remboursement au contribuable est retracée dans cette mission, la part imputée sur le paiement de l'impôt étant de fait porté directement en atténuation de recettes.

Le remboursement ne constituant qu'une partie d'un crédit d'impôt pour une année donnée, il n'apparaît guère pertinent de le soumettre à une norme. De plus, une estimation précoce du coût des dépenses fiscales est parfois fragile, par exemple du fait de comportements d'optimisation fiscale du contribuable.

Ainsi, le coût du bouclier fiscal s'est avéré en 2007 très inférieur aux prévisions techniques de la Direction générale des impôts, du fait d'une certaine réserve des bénéficiaires potentiels, qui ne pouvait pas être anticipée. Nous verrons ce qu'il en est en 2008.

Par ailleurs, une partie de la dépense fiscale est largement émancipée des décisions gouvernementales : il s'agit des évolutions spontanées de dispositifs déjà votés. Si le pilotage sur des critères budgétaires est sans doute possible pour le flux de mesures nouvelles, il est nettement plus problématique pour le stock de dépenses fiscales existant. En particulier, le montant des dégrèvements d'impôts locaux dépend très fortement de la somme des décisions individuelles de fixation des taux par les collectivités territoriales, sur lesquelles l'État n'a que peu de prise.

Avant toute mise en place, les grandes orientations qui peuvent être proposées nécessitent donc une réflexion préalable très poussée. Il nous faut en effet concilier la préservation de la crédibilité de la norme de dépense avec le double souci de piloter les transferts de l'État aux collectivités territoriales et d'assurer leur autonomie financière.

Je vous donne acte du fait que nous devons progresser dans le pilotage des dépenses fiscales. Des améliorations pourraient être apportées dans deux directions.

Premièrement, il faudrait s'assurer de la nécessité et de l'efficience des dépenses fiscales nouvelles. Il serait de bonne gestion que celles-ci soient systématiquement accompagnées d'une étude d'impact et qu'elles soient créées pour une durée limitée, comme nous avons eu l'occasion d'en discuter ici même. Enfin elles feraient l'objet d'une évaluation avant que ne soit proposée leur reconduction. Cette dernière piste est, elle aussi, d'actualité.

Deuxièmement, il faudrait accroître nos marges de manoeuvre fiscale. La progression des dépenses budgétaires et des dépenses fiscales n'est pas strictement comparable du fait, naturellement, des différences de fiabilité dans leur chiffrage, mais également parce que le coût des dépenses fiscales évolue malgré l'absence de mesures nouvelles. Il me semble donc peu opportun d'intégrer les dépenses fiscales à la norme de dépense budgétaire, parce qu'elles ne sont pas de même nature. Il pourrait donc être élaboré un outil de pilotage dédié aux dépenses fiscales s'apparentant à une « norme de dépense fiscale » ou à un « objectif de dépense fiscale ». Sa définition pourrait permettre de lever les difficultés spécifiques qu'elles soulèvent.

Comme nous venons de le voir, la gouvernance des dépenses fiscales nécessite de procéder au cours des prochains mois à un examen très approfondi, auquel nous pourrions associer la commission des finances du Sénat.

Pour en revenir à l'architecture de la mission, je me réjouis que nos diagnostics, de même que celui de la commission des finances de l'Assemblée et celui de la Cour des comptes, convergent très largement.

La mission « Remboursements et dégrèvements » a été constituée, en quelque sorte par défaut, de décaissements de nature variée, qui ne s'articulent pas autour d'une politique publique unique déterminée, et c'est le moins que l'on puisse dire. Une part de ces crédits rend bien compte de diverses politiques publiques, mais, comme nous l'avons vu, seulement de façon très fragmentaire. Encore une fois, voyez l'exemple de la prime pour l'emploi.

Avec quelques années de recul, nous constatons que cette architecture n'est pas satisfaisante, ainsi que vous l'avez souligné, madame le rapporteur spécial.

Le Parlement juge que l'information portée à sa connaissance est ici peu pertinente et peu utilisable, du moins sous cette forme. Je partage cette opinion : une refonte de la mission est aujourd'hui souhaitable et nécessaire.

Comme l'a relevé Mme le rapporteur spécial, les suggestions faites à ce sujet tant par les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat que par la Cour des comptes -vous avez fait référence à un courrier récent - ont été examinées par mes services avec la plus grande attention. C'est sur la base de ces suggestions que repose la réflexion actuelle sur le devenir de la mission.

Les grandes lignes de cette refonte sont claires et, pour l'essentiel, partagées. Les décaissements qui sont « la conséquence directe et automatique du processus de recouvrement de l'impôt », comme les remboursements de crédits de TVA ou les restitutions sur acomptes d'impôt sur les sociétés, pourraient être considérés comme des atténuations de recettes.

Quant au programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », il pourrait, comme cela a été suggéré, être rattaché en partie ou en totalité à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », donnant une vision globale de l'effort de l'État en faveur de celles-ci.

Pour les raisons exposées plus haut, à savoir la dichotomie entre le coût réel de la dépense fiscale et la part qui en est retracée en comptabilité budgétaire sous forme de remboursements et de dégrèvements, je ne crois pas, en revanche, que l'injection de certains remboursements et dégrèvements - ceux qui sont afférents à la prime pour l'emploi ou au crédit d'impôt recherche, par exemple - dans les missions de politique publique correspondantes soit une solution optimale. Mesdames, messieurs les sénateurs, on n'y verrait plus rien ! J'espère vous en convaincre à l'occasion de l'examen des amendements que vous avez déposés en ce sens.

Les travaux préparatoires à la refonte de cette mission, qui ne manqueront pas d'être riches et fructueux, notamment si, comme le Gouvernement le souhaite, l'Assemblée nationale et le Sénat s'y associent, pourraient aboutir rapidement, c'est-à-dire au cours du premier semestre de 2009.

remboursements et dégrèvements

Remboursements et dégrèvements
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Provisions

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Remboursements et dégrèvements

83 164 700 000

83 164 700 000

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

67 134 700 000

67 134 700 000

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

16 030 000 000

16 030 000 000

M. le président. L'amendement n° II-8, présenté par Mme Beaufils, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

16.030.000.000

 

16.030.000.000

TOTAL

 

16.030.000.000

 

16.030.000.000

SOLDE

- 16.030.000.000

- 16.030.000.000

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. Cet amendement concerne les crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ».

Compte tenu des règles applicables au Parlement en matière de recevabilité financière, il tend à la suppression de l'intégralité des crédits demandés pour ce programme en 2008. Il s'agit de se conformer à la logique de la LOLF, laquelle, en vue d'une meilleure lisibilité des dépenses de l'État, vise à regrouper les crédits budgétaires par finalité et non par nature de dépenses, principe que méconnaît l'architecture de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Si l'on considère que les dispositifs retracés par le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » constituent un soutien aux collectivités territoriales, l'ensemble des crédits de ce programme pourraient être rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Si, au contraire, on envisage la vocation sociale ou économique de ces dispositifs, il conviendrait de répartir les crédits du programme entre les différentes missions correspondantes. En particulier, les dégrèvements de la taxe d'habitation pourraient être rattachés à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », tandis que les dégrèvements et crédits d'impôts afférents à la taxe professionnelle le seraient à la mission « Développement et régulation économiques ».

J'ai bien entendu ce que vous disiez à l'instant, monsieur le ministre. Ce ne sont que des pistes de réflexion, mais, vous le voyez, l'amendement va au-delà de la seule question des relations avec les collectivités territoriales.

M. le président. L'amendement n° II-7, présenté par Mme Beaufils, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

 

3.900.000.000

 

3.900.000.000

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

TOTAL

 

3.900.000.000

 

3.900.000.000

SOLDE

- 3.900.000.000

- 3.900.000.000

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. Par ce deuxième amendement, nous invitons le Gouvernement à opérer la « relocalisation » budgétaire appropriée des crédits relatifs aux remboursements de la prime pour l'emploi et du crédit d'impôt recherche, qui se trouvent inscrits, pour 2008, dans le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État », respectivement à l'action 1 - « Prime pour l'emploi » - et à l'action 2 - « Impôt sur les sociétés » - de ce programme.

Ces propositions, faites en mai 2004 par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général, permettraient très probablement de rendre plus lisible la politique menée par l'État.

Aussi, nous proposons de supprimer les crédits du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État », à hauteur de 3,9 milliards d'euros, soit la somme du montant demandé pour l'action « Prime pour l'emploi »- 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement - et du montant demandé pour le remboursement du crédit d'impôt recherche au sein de l'action « Impôt sur les sociétés » - estimé à 800 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Il appartiendrait dès lors au Gouvernement d'inscrire ces crédits dans les missions pertinentes, à savoir, pour les crédits relatifs au remboursement de la prime pour l'emploi, à la mission « Travail et emploi », et, pour les crédits relatifs au remboursement du crédit d'impôt recherche, à la mission « Enseignement supérieur et recherche ».

M. le président. L'amendement n° II-9, présenté par Mme Beaufils, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Créer le programme :

Remboursements de crédits de TVA

II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (crédits évaluatifs)

 

44.400.000.000

 

44.400.000.000

Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

Remboursements de crédits de TVA

44.400.000.000

 

44.400.000.000

 

TOTAL

44.400.000.000 

44.400.000.000 

44.400.000.000 

44.400.000.000 

SOLDE

0

0

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. Le troisième amendement tend à créer un nouveau programme au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements », intitulé « Remboursements de crédits de TVA ».

En effet, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace des dépenses très hétérogènes, pouvant être classées en deux catégories : d'une part, des dispositifs fiscaux mis en place pour servir une politique publique déterminée ; d'autre part, des dépenses « techniques » liées aux modalités de recouvrement de certains impôts.

Parmi cette dernière catégorie figurent les remboursements de crédits de TVA, retracées dans l'action 4 « Taxe sur la valeur ajoutée » du programme 200 relatif aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. Ces crédits représentent plus de la moitié des crédits de la mission et plus de 66 % des crédits du programme 200 « Remboursements et dégrèvements ».

Isoler au sein d'un programme spécifique les remboursements de crédits de TVA permettrait d'accroître la lisibilité de la mission en évitant « l'effet d'écrasement » que l'on constate aujourd'hui au sein du programme 200 relatif aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État. En conséquence, les crédits inscrits au titre des remboursements de crédits de TVA pour 2008 sur le programme 200 seraient transférés vers le nouveau programme ainsi créé.

Il nous semble que cette proposition est plus facile à mettre en oeuvre que les deux premières que nous avons faites.

Mme Isabelle Debré. C'est vrai !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements, qui concernent tout de même 64 milliards d'euros ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Vous aurez sans doute remarqué, monsieur le président, que ce n'est pas aux grandes sommes que l'on consacre le plus de temps ! (Nouveaux sourires.)

Le Gouvernement souscrit à votre analyse, madame le rapporteur spécial, comme y souscrivent probablement tous vos collègues présents ici ce soir. On trouve dans ce programme des pommes, des poires et bien d'autres choses encore...

Je propose que, Gouvernement, Assemblée nationale et Sénat réunis, nous retravaillions à vos différentes propositions. Ne voyez pas dans cette réponse un effet de séance ou un moyen dilatoire, mais il me paraît important que nous nous interrogions préalablement sur la meilleure manière pour l'État de conduire une politique fiscale transparente et lisible.

Si l'on prend l'exemple de la TVA, les remboursements auxquelles elle peut donner lieu dans certains cas sont assez bien identifiés dans le programme. Aussi, je ne suis pas certain que la création d'un nouveau programme accroîtrait la lisibilité.

En outre, nous ne disposons pas de toutes les données nécessaires. Par exemple, il est difficile d'isoler la part qu'occupe le crédit d'impôt recherche dans l'ensemble des remboursements d'impôt sur les sociétés. C'est pourquoi il faut que la Direction générale des impôts dispose des outils statistiques adéquats. À défaut, la comptabilité ne suit pas, comme le directeur adjoint de la DGI ne manquerait pas de vous le confirmer.

Je conviens que les raisons que je vous oppose ne sont pas des raisons de fond. Mais, encore une fois, prenons le temps de travailler collectivement à la réforme de la mission « Remboursements et dégrèvements », pour nous permettre de bien en identifier les objectifs et de bien définir les outils comptables qu'elle requiert. C'est n'est qu'au terme de ce processus que nous pourrons aboutir, pour le premier semestre de 2009.

Aussi, madame le rapporteur spécial, si vous souscrivez à cette méthode de travail, sur laquelle je m'engage, je vous propose de retirer vos trois amendements.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je parle sous le contrôle de Mme le rapporteur, et je rends hommage au travail qu'elle a accompli. Notre collègue s'est en effet évertuée à faire la lumière sur cette mission étonnante, puisque, bien qu'elle soit la plus importante d'entre toutes en volume de crédits, il a été démontré qu'elle n'avait aucune signification.

Monsieur le ministre, nous n'avons pas de raison de douter de votre parole, ne serait-ce que parce que c'est la première fois que vous venez devant le Sénat... (Sourires.)

Sur le fond, nos analyses convergent totalement. Les deux premiers amendements de la commission sont des amendements d'appel, puisque, aux termes de la LOLF, il nous est interdit de transférer le programme d'une mission dans une autre mission.

Ces deux premiers amendements d'appel n'étaient donc pas destinés à prospérer.

S'agissant de la TVA, nous n'insisterons pas, même si l'amendement pouvait être retenu. Il faut que les services prennent les moyens d'évaluer la nature des déductions qui sont faites sur le paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu ou de tout autre impôt, de telle sorte que la dépense fiscale soit parfaitement appréhendée.

Marie-France Beaufils a illustré son propos : pour la prime pour l'emploi, une partie des crédits sera trouvée dans la mission « Travail et emploi ». Cela concerne ce qui est payé effectivement, parce que les bénéficiaires ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu. Pour les autres, un dégrèvement viendra en déduction de leur dette d'impôt sur le revenu. Cela n'a donc vraiment aucun sens.

C'est la même chose pour d'autres impôts : on sait par exemple que la prime pour l'emploi est financée par les banques, qui déduisent ce crédit d'impôt de l'impôt sur les sociétés qu'elles ont à payer. Si, par hasard, une banque n'avait pas à payer d'impôt sur les sociétés, elle demanderait le remboursement, qui viendrait en crédit budgétaire.

Nous sommes d'accord sur le fond.

Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à créer un groupe de travail. La commission des finances s'y associera si vous l'y invitez, et Mme Beaufils aura sa place dans cette mission. Je forme le voeu avec vous que, au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, nous ayons pu tirer au clair la question de cette mission « Remboursements et dégrèvements ». Sans doute aurons-nous pu l'éclater pour que les recettes et les dépenses fiscales de l'État soient clairement évaluées, identifiées, et que chacune des missions comporte bien les moyens mis en oeuvre, qu'il s'agisse de crédits budgétaires ou de réductions d'impôt.

M. le président. Madame le rapporteur spécial, les amendements nos II-8, II-7 et II-9 sont-ils maintenus ?

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial. Je suis d'accord avec ce que vient de dire M. le président de la commission des finances, il s'agit bien d'amendements d'appel. Je voudrais ajouter, monsieur le ministre, que nombre de politiques publiques utilisent la réduction de la fiscalité et qu'il est encore plus pertinent de veiller à ce que chaque réduction soit rattachée à la mission adéquate, pour une meilleure analyse de la politique publique menée. En étant mélangées comme elles le sont aujourd'hui au sein de la mission « Remboursements et dégrèvements », ces mesures ne permettent pas au Parlement, me semble-t-il, d'avoir une visibilité de l'efficacité des politiques décidées.

Il faut travailler sur ce sujet, et je suis d'accord pour que nous le fassions dans le cadre d'une mission regroupant des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat et des représentants du ministère.

Pour l'heure, je retire ces trois amendements.

M. le président. Les amendements nos II-8, II-7 et II-9 sont retirés.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Provisions

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Régimes sociaux et de retraite - Compte spécial : Pensions

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Provisions ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je formulerai quelques observations générales sur la mission « Provisions ».

En premier lieu, la mission « Provisions » est une mission originale : en effet, elle est constituée de deux dotations-programmes regroupant des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Ils sont répartis en tant que de besoin, en cours d'exercice, entre les autres missions, par voie réglementaire.

En second lieu, et conformément aux dispositions de la LOLF, la mission « Provisions » est une mission « spécifique », dénuée de stratégie de performance. Ainsi, ses deux programmes ne font l'objet d'aucun objectif ni indicateur et leur présentation n'est pas accompagnée d'un projet annuel de performances.

J'en viens à présent aux demandes de crédits formulées pour les deux dotations composant la présente mission.

La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » correspond aux « mesures générales intéressant les agents du secteur public ». Elle a vocation à financer les mesures générales en matière de rémunérations publiques, dont la répartition, par programme, ne pourrait être déterminée a priori avec précision.

Pour 2008, et pour la première fois depuis la mise en oeuvre de la LOLF, une demande de crédits est provisionnée en projet de loi de finances. Son montant est fixé à 150 millions d'euros, destinés à financer les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires effectuées dans la fonction publique de l'État, mesure introduite par la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Ces dépenses ne pouvant être réparties de manière fiable entre les différentes missions concernées par le dispositif, leur inscription sur la présente dotation est justifiée. Il faudra veiller néanmoins à ce que cette provision demeure transitoire et qu'il n'y soit pas recouru lors du prochain projet de loi de finances, afin que les exonérations soient inscrites dans les dépenses de personnel de chaque ministère.

La dotation du second programme, « Dépenses accidentelles et imprévisibles », comme son nom l'indique clairement, assure les crédits nécessaires à des dépenses accidentelles, imprévisibles, et urgentes. Il s'agit notamment des dépenses qu'occasionneraient des catastrophes naturelles, en France ou à l'étranger, ou des évènements extérieurs qui nécessiteraient le rapatriement de citoyens français.

Au titre de cette seconde dotation pour 2008, 75 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sont demandés, montant stable par rapport au projet de loi de finances pour 2007. Ce montant confirme le retour à la « norme » budgétaire de cette mission déjà constaté lors de l'exercice précédent.

En seconde délibération, et à titre non reconductible, l'Assemblée nationale a majoré ces crédits de plus de 63 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.

Sous le bénéfice des observations que je viens de présenter, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l'adoption de la mission « Provisions ».

M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.

Aucun orateur n'étant inscrit dans la discussion, la parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Cette mission comprend tout d'abord la provision relative aux rémunérations publiques.

Les 150 millions d'euros inscrits correspondent au financement des exonérations de charges sociales sur les heures supplémentaires effectuées par des fonctionnaires de l'État, ce qui est nouveau.

Le dispositif d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires a été étendu, vous le savez, aux fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et de l'hôpital : tous les salariés doivent profiter de cette possibilité d'améliorer leurs revenus. Depuis le 1er octobre, les heures supplémentaires dans la fonction publique sont totalement exonérées d'impôt sur le revenu et de cotisations salariales.

Le recours à la « Provision relative aux rémunérations publiques » se justifie, car il s'agit de dépenses qui, au moment du vote de la loi de finances initiale, ne peuvent être réparties de façon fiable entre les différents programmes. Ce montant de 150 millions d'euros a été évalué de manière incertaine : en effet, les heures supplémentaires qui seront effectivement travaillées dans les administrations de l'État ne sont à ce stade qu'une prévision.

S'agissant maintenant de la provision pour dépenses accidentelles et imprévisibles, elle est reconduite à son niveau de 2007, soit 75 millions d'euros. La mise en réserve des crédits, qui s'effectue désormais dès le début de l'exercice et en totale transparence, nous permet de faire face, en cours d'année, aux dépenses qui se montreraient supérieures aux prévisions initiales.

Nous pourrons ainsi, en 2008, réserver l'utilisation de la provision pour dépenses accidentelles et imprévisibles aux seules dépenses présentant un caractère d'urgence et résultant de la survenance d'aléas climatiques et sanitaires, comme en 2007, année au cours de laquelle la seule dépense, jusqu'à présent, a concerné le financement des indemnisations des sinistres provoqués par le passage du cyclone Gamède à la Réunion, en février 2007.

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits de la mission « Provisions » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Provisions

288 279 626

288 279 626

Provision relative aux rémunérations publiques

150 000 000

150 000 000

Dont titre 2

150 000 000

150 000 000

Dépenses accidentelles et imprévisibles

138 279 626

138 279 626

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Mme Nathalie Goulet. Je m'abstiens !

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Provisions ».

Régimes sociaux et de retraite

Compte spécial : Pensions

Provisions
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions ».

La parole est à M. Bertrand Auban, doublement rapporteur spécial aujourd'hui. (Sourires.)

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en effet en mon nom et en celui de M. Thierry Foucaud, corapporteur spécial, aujourd'hui empêché, que je vous présenterai les principales observations que la commission des finances a portées sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » dans le contexte particulier, cette année, de la réforme des régimes spéciaux et de la perspective du « rendez-vous 2008 » de la réforme des retraites prévue par la loi du 21 août 2003.

Les crédits de paiement pour 2008 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'établissent à 5,12 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,81 % par rapport à 2007, marquant ainsi une « pause » dans la progression, alors que les crédits ouverts pour 2007 étaient en augmentation de 10,9 %.

Cette hausse est consacrée pour l'essentiel aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, qui constituent 97,3 % des dépenses du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », soit 3,4 milliards d'euros.

La subvention d'équilibre au régime de retraite de la SNCF est ainsi de 2,9 milliards d'euros, celle qui est destinée à la RATP est de 390 millions d'euros.

Pour l'essentiel, les autres participations de l'État au titre de la solidarité de la nation à l'égard des régimes dont le déclin démographique justifie le versement d'une subvention d'équilibre permettent de financer le congé de fin d'activité des conducteurs routiers - 94 millions d'euros, pour 5 000 bénéficiaires -, les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins - 719 millions d'euros, 38 000 actifs pour 120 000 pensionnés -, et divers régimes en déclin démographique comme celui des mines, voire en extinction tels que celui de la SEITA, celui de l'Imprimerie nationale ou celui de l'ORTF - au total 928 millions d'euros, mais seulement 13 000 cotisants pour 373 000 pensionnés.

Au nom de la commission des finances, deux séries d'observations peuvent être formulées.

S'agissant d'abord de la justification des crédits, le chaînage mis en place par la LOLF permet dorénavant d'examiner le projet de loi de finances à la lumière de l'exécution des exercices antérieurs et d'en retirer des enseignements concrets.

Ainsi, la subvention d'équilibre de la caisse de retraite de la RATP fait l'objet d'une « sous-budgétisation » évaluée à au moins 25 millions d'euros.

Elle résulte de l'augmentation de 30 % des départs en retraite en 2007, pris par anticipation sur la réforme des régimes spéciaux, et de l'arrêt des négociations par la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, sur les conditions d'adossement de la caisse au régime général.

Par ailleurs, l'opération d'adossement du régime de la RATP aux régimes de droit commun devrait être réalisée en 2008 via le versement financé par l'État d'une « soulte » d'un montant compris entre 500 millions et 700 millions d'euros à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, suivant un échelonnement encore à déterminer. Si cette soulte devait être versée en 2008, un problème se poserait, car elle n'est pas « budgétée ».

À l'inverse, pour la troisième année consécutive, la subvention d'équilibre versée à l'Établissement national des invalides de la marine fait l'objet d'une surbudgétisation estimée à 25 millions d'euros pour 2008. Chaque année, celle-ci est réduite dans le cadre de décrets d'annulation de crédits - 26 millions d'euros en 2006 et 35 millions d'euros en 2007.

En conséquence, la commission des finances vous proposera un amendement tendant à affecter 25 millions d'euros issus du programme « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » à l'action n° 2 du présent programme au profit de la subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP. Au final, le présent amendement vise à équilibrer la répartition des crédits entre deux des programmes de la mission, tirant ainsi les conséquences, dans l'esprit de la LOLF, de l'enchaînement « vertueux » de l'analyse de l'exécution des crédits et de l'examen des prévisions de dépense.

En second lieu, j'évoquerai la mesure de la performance du programme.

Au nom du principe de lisibilité, on gagnerait à distinguer en deux actions différentes la SNCF et la RATP, régimes subventionnés par le présent programme à hauteur de plus de 3,3 milliards d'euros. Celles-ci sont indistinctement regroupées alors que, par ailleurs, des régimes en voie d'extinction tels que l'ORTF et les retraites des régies ferroviaires d'outre-mer constituent des actions à part entière, clairement identifiables.

Enfin, il convient de signaler que les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF sont maintenant éclairés par de nouvelles informations relatives à l'âge moyen de radiation des cadres et à la durée moyenne d'activité. Cela répond à un souhait émis par la commission des finances lors de l'examen du projet annuel de performances pour 2007.

Ainsi, l'âge moyen de départ à la retraite à la SNCF est de 54,5 ans, et de 53,7 ans à la RATP. Ces chiffres constituent une moyenne et sont variables. Les conducteurs partent à 50 ans à la SNCF, à 52 ans à la RATP, les autres salariés partent à 55 ans à la SNCF, 59 ans pour les cadres à la RATP.

C'est donc, au titre de la solidarité de l'État envers les régimes dont le déclin démographique justifie le versement d'une subvention d'équilibre, et eu égard aux réformes en cours, que la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ainsi modifiés.

Il me revient à présent, mes chers collègues, d'aborder l'examen du compte d'affectation spéciale « Pensions », créé en 2006, en application de la LOLF. Celui-ci permet maintenant d'« embrasser » l'ensemble des recettes et dépenses afférentes aux pensions civiles et militaires qui auparavant étaient disséminées dans le budget de l'État.

Toutefois, le compte d'affectation spéciale « Pensions » n'intègre pas les frais de gestion. Pour en retracer le coût global, il est donc nécessaire de se reporter, au sein du budget général, à l'action « Gestion des pensions » du programme « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Il en ressort que le coût du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'élève à 47,99 milliards d'euros, soit 17 % du budget pour 2008, pour le paiement de quelque 2,1 millions de pensions civiles et militaires. Il convient d'y ajouter 68,1 millions d'euros en crédits de paiement pour 2008 au titre de l'action « Gestion des pensions ». Ce montant est cependant loin de recouvrir l'intégralité des moyens humains dévolus aux pensions, car il ne tient pas compte des personnels consacrés à la préparation des dossiers de pension dans les différents ministères employeurs, qui sont évalués à 1 800 équivalents temps plein travaillé.

Les recettes afférentes aux pensions sont affectées au présent compte d'affectation spéciale et ce dernier doit être équilibré en dépenses et en recettes.

Les principales dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions » portent sur le paiement des pensions civiles et militaires de retraite, pour 43,4 milliards d'euros, des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, pour 1,75 milliard d'euros, des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que des traitements versés au titre de la reconnaissance de la nation, pour 2,8 milliards d'euros.

Les recettes afférentes sont constituées principalement par la contribution de l'État au titre des taux de la cotisation employeur, les cotisations salariales, les contributions des autres employeurs que l'État.

La « contribution employeur » de l'État constitue désormais la « variable d'ajustement » permettant d'équilibrer les recettes et les dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires.

Ces taux augmentent, passant d'un taux de 50,74 % en 2007 à 55,71 % pour 2008 au titre des personnels civils et d'un taux de 101,05 % en 2007 à 103,5 % pour 2008 au titre des personnels militaires.

Cette différence de niveau se comprend, car on compte aujourd'hui, pour les fonctionnaires civils, 1,6 actif pour un pensionné, et, pour les militaires, seulement 0,8 actif pour un pensionné.

Ces rapports démographiques sont appelés à se dégrader avec, respectivement, 1,3 fonctionnaire civil actif et 0,7 militaire actif par pensionné en 2010. Ainsi, les taux de « contribution employeur » continueront inexorablement à augmenter.

En réponse à une demande réitérée en 2006 et en 2007 par la commission des finances, le taux de cotisation employeur pour les organismes publics et semi-publics sera rehaussé pour passer de 39,5 % en 2007 à 50 % en 2008. Il apparaissait que ce taux était insuffisant en regard du taux d'équilibre des personnels civils de l'État.

En revanche, malgré les observations réitérées lors de l'examen de chaque projet de loi de finances par votre commission des finances depuis l'examen du projet annuel de performances pour 2006, le « taux employeur » qui s'applique aux ouvriers des établissements industriels de l'État est reconduit pour 2008 au taux inchangé de 24 %.

Enfin, s'agissant de la performance du programme, à la demande de la commission des finances, un nouvel indicateur a été créé afin de mesurer la part des agents civils concernés par la décote ou par la surcote. Les mécanismes de décote et de surcote devraient avoir, en effet, un impact sur les comportements de départ à la retraite, la surcote encourageant la poursuite d'activité des personnes qui ont des carrières longues et la décote incitant les personnes qui ont eu des carrières courtes à reporter leur départ.

J'en viens maintenant à des considérations plus générales.

La commission des finances a relevé, dans le cadre du rapport d'information de vos rapporteurs spéciaux consécutifs à l'enquête de la Cour des comptes sur le service des pensions réalisée en application de l'article 58, 2°, de la LOLF, que la gestion des pensions, éclatée entre le service des pensions, les ministères employeurs et le réseau du Trésor public, ferait l'objet d'une réforme en 2008 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques dont il faut espérer une rationalisation des systèmes d'information et une amélioration tant de la productivité que de la qualité du service.

Par ailleurs, la commission des finances suggère le lancement d'une réflexion sur la recherche d'autres moyens d'expression de la reconnaissance de la nation à l'égard des médaillés militaires et légionnaires, à titre militaire, en lieu et place de traitements dont le caractère symbolique et la modicité - 6 euros par an en moyenne - ne se trouve plus justifiée au regard de leur coût de gestion.

Enfin, la commission vous présentera également un amendement tendant à modifier les règles d'attribution de l'indemnité temporaire de résidence attribuée aux fonctionnaires retraités de l'État dans certaines collectivités d'outre-mer.

Ainsi, mes chers collègues, après avoir constaté l'oeuvre de clarification « lolfienne » de la présentation budgétaire du compte spécial « Pensions » et les perspectives de modernisation de sa gestion, la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, longtemps taboue, la question des régimes spéciaux de retraite est aujourd'hui au centre du débat politique et social, grâce à la décision du Président de la République de mettre fin au statu quo sur ce sujet ultrasensible.

Lors du débat organisé au Sénat le 2 octobre dernier, la commission des affaires sociales a fait valoir les réflexions et les propositions que lui inspire ce dossier. La consultation du Parlement venait alors clore une première phase de concertation avec les organisations syndicales.

Une seconde phase de négociation a maintenant débuté entre l'État, les partenaires sociaux et les grandes entreprises publiques concernées. Pour autant, le Parlement ne peut rester passif au cours des prochaines semaines, et je saisis l'occasion de l'examen de cette mission budgétaire pour revenir sur le sujet.

Pour la troisième année consécutive, notre commission renouvelle ses demandes pour que la présentation générale et surtout les indicateurs de cette mission soient entièrement reconsidérés.

Certes, quelques progrès ont été accomplis récemment dans la mesure où le « bleu budgétaire » a été légèrement modifié : deux pages d'explications sur la SNCF et la RATP ont été ajoutées, dans lesquelles apparaissent l'âge moyen du départ à la retraite, le rapport entre la durée moyenne de cotisation et celle de la retraite des assurés sociaux, ainsi que le niveau des engagements de retraite.

Toutefois, les indicateurs de performance demeurent inchangés et restent exclusivement consacrés aux dépenses de gestion, soit entre 1 % et 3 % des dépenses, ce qui représente, vous en conviendrez, un intérêt très limité. J'en conclus qu'il reste encore beaucoup à faire pour améliorer l'information du Parlement !

C'est la raison pour laquelle, dans mon rapport écrit, je me suis efforcé de présenter de nombreuses données statistiques inédites qui illustrent la pertinence de nos demandes. Mais je maintiens qu'il convient d'améliorer la présentation de la mission.

Il faudrait, par exemple, connaître, dans chacun de ces régimes, la proportion de départs à la retraite des personnes en service actif et la répartition de ces départs par tranches d'âge, avant cinquante-cinq ans et entre cinquante-cinq et soixante ans.

Il faudrait également disposer de données sur la durée moyenne de perception et sur le montant moyen des pensions, ainsi que sur l'espérance de vie à soixante ans de ces assurés sociaux. On pourrait alors établir des comparaisons objectives avec les assurés sociaux des autres régimes, privés ou publics.

Je pense aussi à des éléments sur le niveau des engagements à long terme des sept principaux systèmes de retraite spéciaux, la décomposition entre les « droits de base » qui correspondent à ceux du secteur privé et les « avantages spécifiques » de ces régimes.

Je suis d'autant plus attaché à ces propositions que les informations sur les retraites des grandes entreprises publiques sont rarement publiées, ou très difficilement accessibles, y compris pour les commissions parlementaires.

Mais l'examen de cette mission interministérielle nous amène surtout à analyser la réforme des régimes spéciaux lancée par le Président de la République et mise en oeuvre en ce moment même par le ministre du travail.

La commission des affaires sociales, vous le savez, attendait cette réforme de longue date et la soutient avec détermination. Mon propos se limitera donc à trois aspects prioritaires.

Tout d'abord, nous devons non seulement faire prévaloir le principe d'équité entre les assurés sociaux pour quelques critères « clés » tels que la durée de cotisation, mais surtout limiter le coût des régimes spéciaux. Il faudrait, pour cela, réaliser un maximum de mesures d'économies par une mise en oeuvre rapide de la décote, accompagnée d'un relèvement de l'âge de cessation d'activité et d'une réduction des bonifications dont bénéficient les affiliés des régimes spéciaux.

Ensuite, nous plaidons aussi pour que l'on « arrime » solidement les grands régimes spéciaux à la réglementation de la fonction publique en matière de retraite, sans oublier pour autant que les règles du code des pensions civiles et militaires sont elles-mêmes fort coûteuses et devraient être remises à plat à court terme...

Enfin, s'il ne fait aucun doute que le processus de négociation en cours avec les organisations syndicales est indispensable, cette démarche comporte néanmoins des risques. Nous sommes préoccupés par les contreparties qui pourraient être accordées par les directions des grandes entreprises nationales et qui aboutiraient à vider la future réforme d'une partie de sa substance. Le seul sujet des avantages familiaux, par son fort potentiel de dépenses supplémentaires, représente une véritable « grenade dégoupillée » dont il convient de mesurer les conséquences.

Je pense aussi à la création de nouveaux avantages ayant pour objet de compenser strictement ceux qui ont été supprimés, ou à la mise en oeuvre de mécanismes de cessation précoce d'activité fondés sur une définition extensive de la notion de pénibilité.

Par leur importance, les thèmes renvoyés à la négociation d'entreprise sont susceptibles d'avoir un impact majeur sur l'équilibre financier de la réforme. Cela nous conduit à appeler l'ensemble des acteurs de la négociation à faire preuve d'une grande prudence.

M. Bernard Piras. Et la démocratie ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. En définitive, mes chers collègues, l'enjeu politique, financier et symbolique de la réforme en cours est crucial. Depuis 1995, le temps a passé et les mentalités de nos concitoyens ont beaucoup évolué. Notre pays est prêt : il attend une réforme de grande ampleur des régimes spéciaux.

Dans cette attente, la commission des affaires sociales a approuvé les crédits de cette mission budgétaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, rapporteur pour avis.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est une surprise pour personne : l'examen des crédits relatifs aux régimes sociaux et de retraite s'inscrit cette année dans un contexte particulièrement agité. Le Gouvernement vient en effet d'engager leur réforme, mais la mobilisation des salariés concernés a permis de relancer les négociations sur ses modalités.

Contrairement à ceux des autres missions budgétaires, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ont un caractère « contraint » : ils visent à honorer le respect des engagements de l'État en matière de prestations sociales et de pensions de retraite. En effet, près de 80 % des 5,12 milliards d'euros de crédits demandés pour l'an prochain au titre des trois programmes de cette mission sont destinés au financement des subventions d'équilibre versées soit aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP ; soit à l'Établissement national des invalides de la marine ; soit encore à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.

Si, en 2007, les crédits avaient connu une augmentation significative de 11 % par rapport à l'année précédente, le projet de loi de finances pour 2008 témoigne plutôt d'une certaine stabilité, avec une progression d'environ 2 %.

Mes chers collègues, vous l'avez bien compris, l'essentiel est en réalité ailleurs : la réforme des régimes spéciaux de retraite vient d'être engagée par le Gouvernement, et cette question ne saurait nous laisser indifférents.

Du reste, s'il est vrai que la réforme du 21 août 2003 n'a pas concerné les régimes spéciaux et que le débat a été renvoyé à un « rendez-vous » fixé en 2008, bien des évolutions ont eu lieu depuis quatre ans ou sont actuellement en cours. Je citerai pour mémoire la réforme des régimes des industries électriques et gazières en 2004 ; l'adossement de l'Établissement national des invalides de la marine au régime général en 2006 ; ou encore, depuis le 1er janvier 2007, l'application à la SNCF et à la RATP des nouvelles normes comptables IFRS, les normes internationales d'information financière.

Ces normes, qui obligent les entreprises concernées à provisionner les engagements de retraite qui sont à leur charge, expliquent en effet la réforme du financement de ces régimes de retraite. Celle-ci s'est traduite, d'une part, par la création en 2006 de la Caisse de retraites du personnel de la RATP, caisse autonome en cours d'adossement au régime général, et, d'autre part, par la mise en place en 2007 de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.

S'agissant de la SNCF, il convient de souligner, monsieur le ministre, que la question de l'adossement de son régime au régime général n'a toujours pas été réglée.

À cet égard, je pense que le budget de la présente mission est incomplet. En effet, bien que l'hypothèse soit fortement probable que cette réforme intervienne l'an prochain, il ne prend pas en compte les participations de l'État à sa mise en oeuvre.

Il est évident, mes chers collègues, que le contexte actuel se prête à une réflexion concertée sur l'avenir des régimes spéciaux. Alors que leur réforme est désormais engagée, j'estime, à titre personnel, que la réflexion sur leur avenir ne doit pas se traduire par des mesures brutales qui remettraient en cause les droits des pensionnés et des agents en activité. En effet, les avantages dont bénéficient ces personnels au titre de la retraite et de la protection sociale sont partie intégrante de leurs statuts, et la juste contrepartie de contraintes de pénibilité. Il serait ainsi logique, du point de vue de l'équité - mot que ce gouvernement semble particulièrement apprécier ! -, que les changements envisagés ne concernent que les nouvelles générations d'agents.

J'ajoute que des solutions respectant l'équité entre les professions et entre les générations doivent être proposées, notamment sur la question de la pénibilité du travail : vous savez bien, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l'espérance de vie varie fortement selon les catégories socioprofessionnelles !

Il convient ainsi de définir des modalités qui favorisent la convergence des règles dans le respect des spécificités propres à chaque situation et qui conduisent à un partage équilibré des charges entre la solidarité nationale et les contributions des différents secteurs d'activité.

Je rappellerai enfin que, comme l'indique le rapport du Conseil d'orientation des retraites, le COR, l'allongement de la durée de cotisation ne peut être la seule solution, le taux d'emploi des salariés de cinquante à soixante ans demeurant faible.

La réforme des retraites devra donc être examinée en prenant en compte les questions de financement, la revalorisation des pensions, la problématique des décotes et des surcotes, la pénibilité liée au travail en fonction des parcours professionnels.

En définitive, je soulignerai que, contrairement à ma recommandation, la commission des affaires économiques a souhaité émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.

Je rappelle également que l'intervention générale vaut explication de vote pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » et pour le compte spécial « Pensions ».

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette mission, qui, à travers ce projet de budget, est dotée de 5,12 milliards d'euros, vise pour l'essentiel à assurer un budget d'équilibre à des régimes de retraite qui connaissent des situations démographiques déséquilibrées.

Cette mission s'inscrit cette année dans un contexte très particulier. En effet, le Président de la République et son gouvernement ont fait le choix de déconnecter la réforme des régimes spéciaux du rendez-vous global de 2008 sur les retraites.

Si nous pensons qu'il faut, effectivement, réformer les régimes spéciaux, nous nous interrogeons : pourquoi le faire dans la précipitation ? Pourquoi envisager une consultation à la va-vite et largement factice sur les régimes spéciaux, alors que le rendez-vous sur les retraites se prépare et que personne n'envisageait de laisser ces régimes de côté ? N'y a-t-il pas dans cette démarche un effet d'affichage ? N'y a-t-il pas, même, une supercherie à prétendre que cette réforme apportera une solution au financement des régimes par répartition ?

La stigmatisation volontaire des salariés concernés tend à faire oublier que d'autres régimes de retraite, eux aussi qualifiés de spéciaux, sont également déficitaires et ne nécessitent pas moins l'appel à la solidarité nationale : je pense aux régimes des exploitants agricoles, des commerçants et artisans et de certaines professions indépendantes.

À un moment où le Gouvernement multiplie les cadeaux fiscaux, ou plus exactement les transferts fiscaux vers les plus favorisés, je voudrais, au nom du groupe socialiste, rappeler que nous demandons une réforme globale gommant les inégalités créées par la réforme de 2003 et ses incohérences, et s'inspirant de notre modèle social et non de la fracture sociale.

Nous voulons une réforme qui tienne compte de la pénibilité et de l'espérance de vie, une réforme qui prépare l'avenir, qui préserve la retraite par répartition et qui donne espoir aux générations futures.

Ces sujets complexes imposent des travaux techniques préalables, des échanges approfondis, une confiance mutuelle, et certainement pas le simulacre de négociation auquel nous assistons en ce moment ! La question est trop importante pour la traiter de cette façon, il y va du respect de tous.

C'est pourquoi - vous vous en doutiez, monsieur le ministre, mes chers collègues - le groupe socialiste ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Christian Cambon. Courage, fuyons !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres de mon groupe et moi-même suivrons la position qu'a exprimée à titre personnel le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Bernard Piras.

L'examen des crédits de cette mission fait très largement écho au mouvement social récent, suspendu pour l'instant, qui a conduit le Gouvernement à entamer une négociation à laquelle il se refusait, le Premier ministre allant même jusqu'à déclarer que la réforme était faite et qu'il ne restait plus qu'à l'appliquer.

Je ne m'attarderai pas sur les crédits alloués à cette mission. Ceux-ci marquent une pause, et les crédits de paiement comme les autorisations d'engagement sont similaires à ceux de 2007. Or nous savons qu'il en manque -  Bernard Piras, notamment, l'a souligné - et qu'il aurait été préférable, au contraire, de les augmenter : cela aurait permis d'éviter, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'adopter la mesure qui autorise la SNCF à emprunter pour financer la retraite de ses agents, ou de fixer les plafonds d'avances pour le régime général à 36 milliards d'euros et à 8,4 milliards d'euros pour le régime agricole. Du jamais vu, mes chers collègues !

Vous comprendrez donc que mon attention - comme, je l'espère, la vôtre - se porte sur le sort que votre gouvernement entend réserver aux régimes des agents de la SNCF, de la RATP, des salariés de la Banque de France ou des gaziers et électriciens.

Je ne partage pas, loin s'en faut, votre analyse de la situation des régimes spéciaux, que le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Leclerc, décrit comme étant sous perfusion.

Ce faisant, il élude tout à fait volontairement la situation d'autres régimes tels que ceux des commerçants, des artisans, des agriculteurs. Ceux-là, vous le savez, sont sous assistance respiratoire, et pourtant vous ne les mentionnez pas, alors qu'ils nécessitent eux aussi le recours à la solidarité nationale. Vous taisez également le fait que les régimes spéciaux que vous décriez actuellement ne bénéficient que dans une proportion très limitée de la compensation généralisée par les caisses du régime général.

De la même façon, on aurait pu se pencher sur les régimes qui bénéficient de la surcompensation apportée par la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, que les budgets de nos collectivités alimentent sans que pour autant les pensions de leurs agents s'en trouvent améliorées.

Ce silence se comprend aisément : parler de tous ces aspects, ce serait reconnaître la nécessité d'une réforme structurelle de grande ampleur du financement de toutes les retraites. Vous ne pourriez plus, comme vous le faites actuellement, viser uniquement les régimes spéciaux !

Pourtant - vous ne l'ignorez pas, mes chers collègues, d'autant que M. le ministre l'a lui-même reconnu le 2 octobre dernier -, il ne s'agit pas d'une question d'argent : les économies réalisées seront minimes, et Dominique Leclerc le sait fort bien. C'est donc une question dogmatique, idéologique. Il ne s'agit pas non plus, contrairement à ce que peut affirmer M. Leclerc, d'un tabou : c'est bien plutôt une obsession de la droite et du MEDEF !

La question reste donc de savoir si votre gouvernement entend s'attaquer davantage aux régimes des agents ou à la remise en cause des droits spécifiques. Sur le fond, c'est radicalement différent ! Au demeurant, il semble bien que vous envisagiez de vous attaquer d'abord aux régimes de retraites, puis aux droits spécifiques.

Or ces droits, ne vous en déplaise, sont bien souvent financés dans des proportions non négligeables par les agents eux-mêmes. C'est particulièrement vrai dans le cas des IEG, les industries électriques et gazières, puisque ce sont les branches elles-mêmes qui financent les spécificités de leur régime.

Pour mémoire, à la SNCF, la cotisation des cheminots est à un taux bien plus important : un effort est donc consenti qui induit une réduction de fait du salaire. Il est vrai que la participation de l'État représente 54 % du financement de ce régime, mais, s'il l'assume, ce n'est pas par bonté d'âme : c'est qu'un règlement européen de 1969 sur la démographie l'y contraint, comme il contraint tous les autres pays européens.

Je conclurai par un mot sur le montant des pensions des salariés concernés. Vous le savez, leurs retraites sont bien plus faibles que celles des autres, de 10 % en moyenne. J'ai bien compris que des négociations sur ce sujet étaient entamées dans les entreprises ; nous en attendons les résultats.

Quoi qu'il en soit, les sénateurs du groupe CRC ne peuvent voter les crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai pour commencer le compte spécial « Pensions », qui comporte trois programmes, pour 48 milliards d'euros, récapitulant respectivement les moyens consacrés aux pensions de retraite des personnels civils et militaires, aux pensions des anciens ouvriers de l'État et aux pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre.

Il résulte de la volonté du Parlement de centraliser au sein d'un nouveau compte d'affectation spéciale les dépenses de pension de l'État, et donc de mieux en appréhender le coût.

L'évolution des pensions est très importante, je l'ai indiqué à plusieurs reprises, puisque celles-ci représentent 2 milliards d'euros en 2008. Cette dynamique est désormais pleinement perceptible via l'augmentation du taux de cotisation employeur pour les personnels civils et militaires, qui s'établit à 55 et à 71 pour les personnels civils, à 103,5 pour les personnels militaires. Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, M. Auban, le niveau élevé de ces taux traduit le déséquilibre du régime de retraite de l'État et fait peser des contraintes structurelles fortes sur la soutenabilité des dépenses de l'État. Ce déséquilibre est lié pour partie à des raisons démographiques, mais aussi à des départs précoces à la retraite.

Le COR vient de remettre son rapport sur les perspectives financières des régimes de retraite. Le rendez-vous général de 2008 sur les retraites sera l'occasion, pour le régime des fonctionnaires comme pour ceux des autres assurés sociaux, de faire évoluer les règles, dans le respect les principes d'équité et de progressivité. Cette poursuite de l'harmonisation - et le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Leclerc, l'a souligné - est tout à fait impérative.

Je sais que la Haute Assemblée est particulièrement attentive à ce rendez-vous, car elle est consciente de son importance. Elle fournit par ses rapports, par les interventions de ses membres, des contributions très pertinentes qui font référence et qui seront utiles ; je pense plus spécialement au rapport de MM. Leclerc et Domeizel sur les pensions de réversion.

Je souhaite maintenant aborder divers autres points.

Comme l'a rappelé M. Auban, rapporteur spécial, le Gouvernement a entendu le souhait du Sénat d'un alignement des taux de cotisation entre l'employeur ministériel et les établissements publics.

L'année 2008 verra la poursuite de l'alignement progressif des taux de cotisation des établissements publics administratifs sur celui de l'État. Le taux des établissements publics est porté de 39,5 % à 50 %.

De même, le PAP a été complété à la demande du Sénat. Plusieurs indicateurs, notamment la proportion d'agents concernés par la décote et la surcote, ont été créés : ils permettent de mieux appréhender l'utilisation des mesures visant à changer les comportements.

Au-delà de l'évolution des paramètres du régime, le chantier de la réforme de la chaîne des pensions est à mener.

Monsieur le président de la commission des finances, la commission a auditionné le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, M. André Santini : la gestion actuelle n'est pas optimale, nous le savons, vous en êtes également d'accord.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Éric Woerth, ministre. Elle conduit à mobiliser un nombre excessif de fonctionnaires. Un service de meilleure qualité, avec un coût moindre, est possible dans les prochaines années et la refonte de l'ensemble de la chaîne sera examinée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques afin d'arrêter le schéma d'unification de la chaîne des pensions autour du compte individuel de retraite.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. 1 200 emplois !

M. Éric Woerth, ministre. L'imputation des frais de gestion sur le CAS « Pensions » n'est pas réalisable au vu de la LOLF, mais la logique voudrait, en effet, qu'il y ait une vision globale des charges tant de gestion que de prestation, pour donner écho à la proposition de M. Auban.

En ce qui concerne les régimes sociaux et de retraite, les programmes relevant de cette mission consistent essentiellement en des subventions destinées à assurer l'équilibre financier des régimes spéciaux de retraite. Je pense, notamment, au régime des marins, des mineurs, des personnels d'entreprises de transport, ou encore au dispositif de congé de fin d'activité des conducteurs routiers.

Ces subventions couvrent des régimes connaissant des situations démographiques qui sont également déséquilibrées, parfois des avantages spécifiques liés à des départs précoces à la retraite, ainsi que des règles de calcul plus favorables. Je ne rentrerai pas dans le débat politique qui a animé l'ensemble des semaines passées, un certain nombre de sénateurs ont fait état de leur point de vue sur le sujet.

Le montant des crédits alloués est très important, 5,124 milliards d'euros, et concentrés pour les deux tiers sur le programme des régimes des transports terrestres. Je reviendrai spécifiquement sur le montant des subventions à l'ENIM et à la RATP lors de l'examen de l'amendement de la commission.

Actuellement, conformément aux engagements du Président de la République, la réforme des régimes spéciaux a été engagée. Une concertation de grande ampleur est menée au sein des différentes entreprises, réunissant les partenaires sociaux et la direction de ces entreprises afin de faire évoluer les règles afférant à ces régimes vers plus d'équité et de cohérence avec les paramètres du régime des fonctionnaires.

Nous ne connaissons pas encore les incidences économiques, car l'ensemble des paramètres de la réforme ne sont pas stabilisés - ils sont en discussion - et, comme pour toute réforme des retraites, l'ampleur des changements de comportement s'agissant de l'âge de départ, sera évidemment déterminante.

Mais cette réforme repose avant tout sur l'équité. Les conséquences financières seront, comme pour toutes les réformes en matière de retraite, progressives.

Je tiens à rappeler que ces régimes ne sont pas restés immobiles. Plusieurs réformes de financement ont été conduites durant ces dernières années, tant au sein de la RATP, en décembre 2005, que de la SNCF, en 2007, notamment dans le cadre de l'évolution des règles comptables et de la décentralisation.

Des caisses de retraite ad hoc ont été créées. Une gouvernance a été instaurée avec des compétences clairement définies entre les parties prenantes. Un gestionnaire spécifique, des partenaires sociaux, membres du conseil d'administration de la caisse, et l'État comme tutelle, sont garants de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

régimes sociaux et de retraite

Régimes sociaux et de retraite - Compte spécial : Pensions
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article additionnel après l'article 47 bis

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Régimes sociaux et de retraite

5 123 780 000

5 123 780 000

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

3 476 730 000

3 476 730 000

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

719 000 000

719 000 000

Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers

928 050 000

928 050 000

M. le président. L'amendement n° II-104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers

145 500 000

145 500 000

TOTAL

145 500 000

145 500 000

SOLDE

+145 500 000

+145 500 000

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement technique a pour objet d'inscrire une contribution exceptionnelle de 145,5 millions d'euros sur le programme « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Il s'agit, en réalité, d'un jeu de crédits visant à compenser le transfert des personnels TOS et des personnels de la DDE.

La décentralisation de ces personnels combinée à leur choix massif en faveur de l'intégration dans la fonction publique territoriale - nous en avons discuté lors de l'examen des articles de la première partie - conduit à une diminution des recettes du compte d'affectation spéciale « Pensions » -  il n'y a plus de cotisations - pour un montant de 145,5 millions d'euros : 179,4 millions d'euros de contributions au titre de ces agents ne seront plus perçus ; à l'inverse, 33,9 millions d'euros seront versés au CAS par les collectivités employeurs au titre des agents ayant opté pour le détachement de longue durée.

Afin de respecter la contrainte d'équilibre imposée par l'article 21 de la LOLF, il est donc proposé de compenser les pertes de recettes du CAS « Pensions » par une contribution exceptionnelle d'un même montant versée par le budget général.

Il convient de souligner le coût budgétaire immédiat pour l'État, lié au transfert des personnels vers les collectivités territoriales. L'ensemble du dispositif, avec les « plus » et avec les « moins », conduit, en réalité, à une dépense budgétaire et à une dégradation du solde de 110 millions d'euros.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances est favorable à cet amendement, mais elle a un souhait à exprimer.

Lorsque le Gouvernement, lors de l'examen du projet de loi de finances, présente un amendement dont les différents éléments affectent plusieurs missions, il est toujours difficile pour ceux d'entre nous qui participent à la séance d'avoir une vision de l'équilibre.

Donc, je souhaite que désormais, lorsque le Gouvernement présentera des amendements qui affectent plusieurs missions, une récapitulation soit prévue en annexe.

Mes chers collègues, lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, nous avons voté une disposition transférant aux collectivités territoriales les crédits correspondant aux TOS et aux agents de l'équipement qui ont opté pour les collectivités territoriales.

Ce sont donc 639 millions d'euros qui ont été ainsi déduits des recettes de l'État. Nous avons donc réduit les recettes nettes de l'État car, en contrepartie, lors de l'examen des crédits des missions, le Gouvernement doit nous présenter plusieurs amendements. Outre celui que nous examinons, certains amendements porteront notamment sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », et sans doute les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Ces amendements constituent donc un tout.

Donc, j'exprime le souhait qu'à l'avenir le Gouvernement veuille bien mettre à notre disposition cette récapitulation en annexe de chacun des amendements.

Sous le bénéfice de ces précisions, la commission des finances émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez raison !

Le transfert de recettes vers les collectivités locales pour compenser ces mouvements de personnels est de 639 millions d'euros, la réduction des dépenses de l'État, notamment essentiellement due au fait que la masse salariale diminue, est de 675 millions d'euros, et l'abondement au CAS est de 145 millions d'euros. L'impact sur le solde, d'une certaine façon le « manque à gagner » pour l'État, qui s'élève à 110 millions d'euros, a déjà été pris en compte dans l'article d'équilibre.

M. le président. Les collectivités locales recevront-elles une compensation à l'euro près ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A priori oui, monsieur le président du conseil général de la Sarthe ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. A posteriori aussi !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. J'espère vraiment, avec le président de séance, que la compensation se fera à l'euro près, comme M. le ministre vient de l'affirmer. Les présidents de conseils généraux seront concernés à double titre, puisqu'ils ont hérité d'une partie des personnels des collèges et des DDE.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-104.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-10, présenté par MM. Foucaud et Auban, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

25.000.000

25.000.000

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

25.000.000

25.000.000

Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers

TOTAL

25.000.000

25.000.000

25.000.000

25.000.000

SOLDE

0

0

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban, rapporteur spécial.

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de transférer 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement du programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » vers l'action n° 2 « Régimes de retraite des transports terrestres » du programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » au profit de la subvention d'équilibre versée par l'État à la caisse de retraite du personnel de la RATP.

En effet, l'analyse de la justification des crédits affectés à l'équilibre du régime de retraite de la RATP fait apparaître une sous-budgétisation récurrente de cette subvention depuis 2006. Le décret n° 2007-1529 du 25 octobre 2007 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance est venu abonder de 60 millions d'euros le régime de retraite de la RATP au titre de l'exécution du budget 2007 en raison de l'augmentation de 30 % des départs à la retraite, pris par anticipation sur la réforme des régimes spéciaux, et de l'arrêt des négociations par la CNAV sur les conditions d'adossement de la caisse au régime général.

Ces facteurs d'augmentation des dépenses continueront de peser sur le budget 2008 et, malgré la hausse de 10 % des crédits - passant de 354 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007 à 390 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008 -, la prévision de dépense pour 2008, qui reste inférieure à l'exécution pour 2007, risque d'être insuffisante.

Corrélativement, la subvention d'équilibre à l'Établissement national des invalides de la marine fait l'objet depuis 2006 d'annulations de crédits - 26 millions d'euros en 2006 et 35 millions d'euros en 2007 - constituant ainsi une surbudgétisation récurrente.

Au final, le présent amendement vise à équilibrer la répartition des crédits entre deux des programmes de la mission, tirant ainsi les conséquences, dans l'esprit de la LOLF, de l'enchaînement « vertueux » de l'analyse de l'exécution des crédits et de l'examen des prévisions de dépense.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Cet amendement pose deux questions.

La première concerne le régime de l'Établissement national des invalides de la marine. L'ENIM a, en réalité, besoin de cet argent - il n'y a pas de trésorerie surabondante dans ce régime - et le risque est réel. On a bien étudié la trésorerie de l'ENIM, et, d'une façon générale, d'ailleurs, on examine la trésorerie de tous les régimes. Donc, à notre connaissance, et selon les calculs qui sont faits, il n'y a pas de « gras ».

La deuxième question a trait au régime de la RATP. L'idée est de l'adosser au régime général en 2008, car, avec la soulte qui sera versée à ce moment-là, il n'aura pas besoin de cet argent supplémentaire.

La question peut cependant se poser si jamais l'adossement n'a pas lieu en 2008. Dans le cas contraire, il n'y aura pas de problème.

Pour ces deux raisons, monsieur le président de la commission, le Gouvernement considère que l'amendement n'est pas nécessaire.

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'amendement n° II-10 est-il maintenu ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, on dit que l'ENIM dispose d'un fonds de roulement et on dit même que vous auriez introduit, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2007, une disposition visant à compacter ce fonds de roulement, affirmation que je n'ai pas vérifiée.

M. Bernard Piras. C'est exact !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si tel est le cas, notre amendement perd son gage.

Autrement dit, monsieur le ministre, vous n'attendez pas 2008...

M. Éric Woerth, ministre. Non !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... et vous avez prévu une disposition à cet effet dès le projet de loi de finances rectificative pour 2007 ...

M. Éric Woerth, ministre. Oui !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela signifie donc que notre amendement était parfaitement justifié, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Bien sûr !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous ne savions pas que vous alliez « ratisser » ces programmes.

Nous voterons cette disposition lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2007.

Et quel est le montant de ce fonds de roulement ?

M. Éric Woerth, ministre. Trente millions d'euros !

M. Guy Fischer. Et voilà !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela finit de confirmer que c'était vraiment un excellent amendement et que nous étions tout à fait justifiés à le déposer. Voyez, j'en parle déjà au passé...

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Je veux rendre hommage à la commission des finances : son amendement était effectivement excellent. Certes, mon explication a peut-être été un peu rapide, mais je me situais déjà dans l'après-projet de loi de finances rectificative, puisque, en 2008, l'ENIM n'aura plus de moyens en termes de trésorerie.

M. Bernard Piras. Quel beau parachute, monsieur le ministre !

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, qu'en est-il en définitive de l'amendement n° II-10?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. le ministre confirme que notre amendement était justifié et cela nous touche beaucoup. En conséquence, nous retirons l'amendement n° II-10.

M. le président. L'amendement n° II-10 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 47 bis qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Engagements financiers de l'Etat - Compte spécial : Gestions du patrimoine immobilier de l'Etat - Compte spécial : Participations financières de l'Etat

Article additionnel après l'article 47 bis

M. le président. L'amendement n° II-11, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Après l'article 47 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 57 du code général des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un article L. 57-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 57-1 - Le régime d'indemnité temporaire accordé aux personnes retraitées tributaires du présent code est réservé aux seuls bénéficiaires de cet avantage à la date du 1er janvier 2008 qui remplissent la condition de résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

« L'indemnité servie aux intéressés est plafonnée au montant versé à cette date.

« Elle est en outre ramenée à 35 % du montant en principal de la pension, à partir du 1er janvier 2008, pour les personnes qui ne sont pas nées dans ces territoires ou qui n'y ont pas été en poste pendant les cinq années précédant la liquidation de leur pension.

« Les agents cessant de résider dans ces territoires, ou s'absentant de ceux-ci plus de quatre-vingts jours par an, perdent définitivement le bénéfice de l'indemnité temporaire ».

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Régimes sociaux et de retraite

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avant de présenter cet amendement, je voudrais, monsieur le ministre du budget, reprendre une observation faite par mon collègue Bertrand Auban. Dans le service des pensions, 1 200 postes sur 3 000 pourraient être transférés, sans préjudice, dans d'autres services.

Tel est le fruit de l'excellent travail réalisé par notre collègue Thierry Foucaud. Sans attendre les conclusions de la révision générale des politiques publiques, j'ose espérer que vous passerez à l'acte, car nous sommes là au coeur de la réforme de l'État.

J'en viens maintenant à l'amendement n° II-11 que Philippe Marini et moi-même avons déposé, au nom de la commission des finances.

M. Guy Fischer. Hors sujet ! (M. Guy Fischer brandit un magazine.) C'est de la propagande !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Depuis maintenant quatre ans, cet amendement vient chaque année en discussion. Certes, au fil du temps, sa rédaction a évolué, et nous devons beaucoup, cette année, à Dominique Leclerc et à ceux de nos collègues qui ont signé une proposition de loi sur ce sujet.

Pour être en parfaite cohérence avec les signataires, nous avons fidèlement transcrit les dispositions qu'ils proposent. Je tiens donc à remercier Dominique Leclerc et ses nombreux collègues, car cette proposition de loi a dû recueillir 91 signatures au moins.

M. Guy Fischer. Cent onze!

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tous les signataires ne sont pas présents ce soir, mais je voudrais, en ce samedi 1er décembre, et à cette heure tardive, saluer toutes celles et tous ceux qui sont présents ce soir.

L'amendement n° II-11 vise à arrêter le flux des bénéficiaires de l'indemnité temporaire de retraite applicable aux retraités de la fonction publique d'État qui choisissent, au moment de leur retraite, de s'installer dans certaines collectivités d'outre-mer, et à en limiter le montant.

D'une part, cet amendement supprime cette indemnité temporaire pour tous les nouveaux entrants ; elle avait été instituée par des textes réglementaires datant de 1952 et 1954.

D'autre part, il prévoit de plafonner, pour tous les bénéficiaires actuels, le montant de la majoration et de réduire à 35 % l'ensemble des niveaux de majoration de pension, sauf pour les bénéficiaires actuels qui sont nés dans les territoires d'outre-mer concernés ou qui y ont été en poste au cours des cinq années précédant la liquidation de leur pension.

Je vous rappelle pour mémoire, mes chers collègues, que cette majoration varie entre 35 % et 75 % de la pension des retraités titulaires d'une pension civile ou militaire de l'État résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

En 2005, le dispositif a concerné 30 600 retraités, pour un coût total de 250 millions d'euros. Pour 2008, ce coût est estimé à près de 330 millions d'euros.

Des amendements visant à modifier ce dispositif ont été défendus à de nombreuses reprises par la commission des finances, notamment dans le cadre des débats sur les projets de loi de finances pour 2006 et 2007. Cette année, le nombre de personnes ayant voté en commission en faveur de cet amendement a progressé.

Cet amendement est motivé par quatre constats.

Premièrement, le contrôle de cette indemnité est quasiment impossible, et celle-ci constitue, de ce fait, un risque parfois avéré d'encouragement à la fraude.

Deuxièmement, elle est d'un montant jugé « exorbitant », et qui connaît une forte hausse : 158 millions d'euros en 2001, 250 millions d'euros en 2005 et 330 millions d'euros prévus pour 2008.

Troisièmement, cette indemnité est contraire au principe d'égalité. Seuls les fonctionnaires retraités de l'État peuvent en bénéficier, et uniquement dans certains territoires.

Enfin, quatrième constat, son efficacité en termes de soutien à l'économie n'a jamais été confirmée, le rapport de la mission d'audit de modernisation rendu en novembre 2006 rappelant de nouveau que « les justifications d'ordre économique ne sont pas probantes ».

Nous nous souvenons tous, monsieur le ministre, des propos tenus ici même, voilà un an, par votre prédécesseur, Jean-François Copé, qui, en rendant compte de cette mission d'audit, confirmait tous les termes justifiant cette réforme.

En outre, c'est sur la base d'un rapport de la Cour des comptes suffisamment explicite que le Parlement, plus particulièrement le Sénat, a pris l'initiative de mettre fin à des pratiques qui contreviennent à l'idée que nous nous faisons de l'égalité républicaine.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. En effet, monsieur le président de la commission, cet amendement a déjà suscité de nombreux débats.

Il est vrai que ce dispositif hors norme concerne 32 000 fonctionnaires, soit près de 3 % des fonctionnaires qui sont aujourd'hui en retraite. Son coût est évalué jusqu'au mois de novembre 2006 à 250 millions d'euros, soit une progression comprise entre 20 millions et 25 millions d'euros par an. Par ailleurs, entre 1995 et 2005, le nombre de bénéficiaires s'est accru de 87 %.

La justification de cette indemnité temporaire de retraite n'apparaît pas aussi claire qu'elle a pu l'être à l'origine, lors de sa mise en place. C'est la raison pour laquelle vous voulez, j'imagine, y mettre un terme, monsieur le président de la commission des finances.

Le Gouvernement considère que ce dispositif est certes difficile à justifier. Le maintien de cette indemnité dans certains territoires et son inexistence dans d'autres crée une situation injuste.

Nous souhaitons nous engager dans une réforme progressive du dispositif réglementaire, cette progressivité devant permettre de prendre en compte une anticipation financière des bénéficiaires. Les termes de cette réforme seront débattus à l'occasion du rendez-vous de 2008 sur les retraites.

Par rapport à mes prédécesseurs, je vous donne un calendrier très précis, qui nous permettra d'engager une concertation préalable avec les représentants des bénéficiaires de l'indemnité dans chacun des territoires.

Parallèlement, en liaison avec les élus locaux, et dans le respect des compétences de chacun, le Gouvernement souhaite proposer l'affectation des économies dégagées par cette réforme au financement de politiques ou de projets prioritaires dans les territoires concernés. Il souhaite également poursuivre ou engager un travail d'évaluation des distorsions des prix et de leur impact sur les économies locales pour agir ensuite sur leur évolution.

Le dispositif va puissamment évoluer lors de ce rendez-vous de 2008. Voilà quelques éléments de réflexion qui pourraient fonder, de manière définitive, ce nouveau régime que vous appelez de vos voeux depuis plusieurs années, monsieur le président de la commission.

Sous réserve de ces explications, je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement en vous donnant rendez-vous en 2008 pour mettre un terme définitif à ce dispositif de surpension.

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'amendement n° II-11 est-il maintenu ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour l'instant, je le maintiens, monsieur le président, pour permettre à ceux de nos collègues qui le souhaitent de s'exprimer sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.

M. Bernard Piras. Sans préjuger du fond, je veux rendre hommage à la pugnacité du président de la commission des finances, puisque c'est la quatrième fois qu'il dépose un amendement de cette nature !

Toutefois, une proposition de loi a été déposée sur ce sujet, qui mériterait un débat plus approfondi dans un cadre plus élargi. Voter une telle mesure ce soir, dans le cadre de l'examen d'un budget, ne me semble pas très démocratique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En d'autres termes, vous n'êtes pas prêts !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. J'irai dans le même sens que mon collègue Bernard Piras.

Si, à titre personnel, je suis en accord total avec le fond de cet amendement, puisque j'ai moi-même cosigné la proposition de loi, je ne le voterai pas ce soir. En effet, cette question doit être examinée dans un cadre plus approprié et plus global, et non pas au détour d'un amendement qui vient en discussion, qui plus est, un samedi à minuit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Demerliat. Le groupe socialiste est d'accord pour traiter la question de l'indemnité temporaire de retraite au grand jour, en toute transparence, dans le cadre d'un projet de loi ou de la proposition de loi qui a été déposée, afin de tenir compte de toute la problématique, notamment s'agissant du maintien du pouvoir d'achat, soulevée par l'éventuelle extinction de cette indemnité.

Mais nous ne souhaitons pas voter à cette heure tardive, un dimanche, un amendement noyé au milieu d'un budget

Compte tenu des conséquences qu'elle implique et des polémiques qu'elle suscite et suscitera, même si elles sont très exagérées, cette question justifie un débat approfondi à part entière. Or le débat budgétaire ne permet ni de remettre les choses à plat ni de prendre en compte la complexité des situations locales, ce qui est pourtant un préalable à toute réforme. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement n° II-11.

M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry, pour explication de vote.

M. Denis Detcheverry. Je sais que les retraites de la fonction publique outre-mer sont un problème qui vous tient à coeur. Nous l'abordons d'ailleurs pour la quatrième année, comme l'a dit le président de la commission des finances. Vous avez raison d'y attacher autant d'importance, car les abus qui découlent du système sont, il est vrai, inacceptables ; il n'est donc que temps d'y remédier.

Je regrette que cela n'ait pas été fait plus tôt. J'avais moi-même envisagé de déposer un amendement l'an passé, mais j'ai suivi les consignes du ministre de l'époque, qui préférait ignorer le problème plutôt que de l'affronter courageusement comme vous le faites aujourd'hui. Sachez que je le regrette.

Vous l'aurez compris, je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fond. Il faut rapidement trouver des solutions à ce problème qui coûte à l'État français beaucoup d'argent, dont une partie n'est très certainement pas justifiée.

Cela étant, je n'aimerais pas qu'un dossier aussi important soit traité par la simple voie d'un amendement noyé parmi toutes les dispositions complexes du projet de loi de finances. Je préfère, je l'avoue, la démarche de MM. Leclerc, Lardeux, Mme Procaccia et leurs collègues signataires de la proposition de loi, qui souhaitent, eux aussi, trouver des solutions à ce problème depuis plusieurs années. C'est d'ailleurs pourquoi ils ont décidé de déposer une proposition de loi. Ils se sont également montrés favorables à la constitution d'un groupe de travail à ce sujet.

Même si, selon moi, le texte peut être amélioré, il aura l'avantage de donner lieu à une réelle réflexion et à un vrai débat. Un rapporteur sera nommé, qui auditionnera les différents intéressés, notamment les parlementaires d'outre-mer. Ce ne fut pas le cas avec Mme Bolliet, MM. Bougrier et Tenneroni qui, pour leur rapport exclusivement consacré à l'indemnité temporaire de retraite, ITR, n'avaient eu pour interlocuteurs que des représentants des ministères, à Paris.

Par conséquent, vous le comprendrez sans peine, je préfère que ce problème épineux des retraites outre-mer soit résolu à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi, ou d'un projet de loi, si le Gouvernement le souhaitait. Je suis sûr que vous serez parfaitement entendus et que les solutions trouvées ensemble, après mûres réflexions et échanges, n'en seront que meilleures pour tous.

Pour ma part, je ne suis pas favorable au fait que, du jour au lendemain, plus personne n'ait accès à un tel dispositif. Dans les rapports disponibles, je tiens à le signaler, il est bien précisé que les dérives du système ne sont pas le fait de l'outre-mer. Or aujourd'hui, on le constate en particulier dans les médias, bien que les ultramarins ne soient pas responsables, c'est bien l'outre-mer qui est montré du doigt. C'est ce qui me gêne aujourd'hui car, selon moi, les fonctionnaires qui ont travaillé une bonne partie de leur carrière outre-mer ont logiquement droit à cette indemnité, surtout s'ils cotisent sur la base de leur salaire indexé.

Il s'agit de mettre fin au parachutage, qui creuse le déficit de l'État français et donne une mauvaise image de l'outre-mer. L'outre-mer a de nombreux atouts et de nombreuses possibilités de développement. J'ose espérer que les salaires de la fonction publique ne sont pas notre unique espoir de survie !

Mes chers collègues, nous ne devons ni les uns ni les autres faire tomber le couperet de cet amendement sur l'ITR. Nous avons droit à un débat !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous partageons les avis qui ont été émis par nos différents collègues. Pour notre part, Marie-France Beaufils et moi-même souhaitons que le président Arthuis ait la sagesse de retirer son amendement.

M. Éric Woerth, ministre. La pression devient insoutenable ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. C'est une disposition que nous connaissons, puisque cet amendement a été déposé pour la première fois en 2004.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puis en 2005 et en 2006 !

M. Guy Fischer. Des études devaient même être faites.

Il est clair que des groupes de pression ont tenté de nous influencer. Tous, nous avons en effet reçu, hier ou avant-hier, un exemplaire du Point de l'année passée, stigmatisant les régimes spéciaux dans leur ensemble et incitant plus particulièrement à en finir avec les privilèges « insensés » des fonctionnaires d'outre-mer.

Je ne veux pas polémiquer, mais je pourrais parler des retraites « chapeau », des patrons du CAC 40. J'ai en ma possession tous les documents qui qualifient de scandaleux pas moins de vingt-trois régimes de retraite...

Comme l'a proposé M. le ministre, profitons de la remise à plat qui aura lieu lors du débat national sur les retraites en 2008 pour régler le problème.

Quand on examine la progression des « surpensions » et les conditions dans lesquelles elles sont obtenues, on voit qu'il y a matière à discussion, c'est certain. Mais, précisément, c'est la réflexion qui permet de comprendre le pourquoi du comment de ce dispositif.

Par conséquent, nous souhaitons vivement que le président Arthuis, dans sa grande sagesse, retire l'amendement n° II-11.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas mal dit ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme  Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement de la commission des finances n'est pas nouveau. Il ne nous surprend donc pas, même s'il est quelque peu différent de ceux qui étaient présentés les années précédentes, comme l'a précisé le président de la commission des finances.

Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue Jean Arthuis, beaucoup de retraités résident effectivement en métropole et n'ont donc pas à subir les coûts excessifs du panier de la ménagère et des autres produits que nous constatons sur place. L'indemnité temporaire de retraite n'est donc pas justifiée dans ces cas-là, et il faut que cela change.

Plusieurs rapports ont été publiés ; tous ont mis en évidence la difficulté, voire l'impossibilité d'effectuer des contrôles de qualité. De plus, l'Observatoire des prix et des revenus vient seulement d'être créé à la Réunion, alors qu'il était déjà prévu dans la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer. Il a pour mission de mesurer les différences de prix entre la métropole et l'outre-mer, mais surtout de faire la lumière sur le mécanisme obscur de fixation de prix, car l'octroi de mer n'explique pas tout.

Mes chers collègues, je l'ai déclaré à plusieurs reprises, l'outre-mer n'est pas hostile à toute réforme. Mais, étant donné que nous allons examiner bientôt un texte de loi sur les retraites, il serait opportun, je crois, d'attendre cette occasion pour relancer les débats sur ce dossier explosif et, surtout, pour proposer des solutions moins brutales et plus appropriées pour remédier à la situation.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.

M. Dominique Leclerc. Tout d'abord, je voudrais rassurer notre collègue Guy Fischer : il n'est l'objet d'aucune manipulation au sujet des « surpensions » des fonctionnaires d'outre-mer !

Il est vrai que nous abordons ce sujet pour la quatrième année. Nous avons écouté le président Arthuis avec attention. Tout a maintenant été dit ; je serai donc très bref.

Nous avons affaire, nous en sommes tous convaincus car nos propos sont concordants, à un dispositif très contestable qu'il est donc indispensable de réformer à assez brève échéance pour mettre fin à des dérives qui sont plus ou moins rapportées par la presse et qui ne donnent pas une bonne image de notre pays. Or, malgré cela, rien n'a été fait au cours de la dernière législature ; le statu quo perdure toujours !

C'est pourquoi, au sein de la commission des affaires sociales, nous avons pris, mes collègues Catherine Procaccia, André Lardeux et moi-même, l'initiative de rédiger une proposition de loi dont les cosignataires sont désormais plus de cent ! Cela signifie que notre démarche a convaincu un sénateur sur trois et plus de la moitié des membres de la majorité. Je me félicite aussi que les signataires de la proposition de loi émanent de toutes les commissions et proviennent d'autres rangs que ceux de notre propre groupe politique.

Cela prouve que nous sommes nombreux, ce soir, à vouloir couper le robinet des « surpensions », imposer parallèlement des contrôles plus stricts et limiter progressivement le nombre des bénéficiaires de cette indemnité.

En vous écoutant les uns et les autres, j'ai acquis la conviction que notre proposition de loi a d'ores et déjà fait bouger les lignes.

MM. Jean Arthuis et Philippe Marini ont choisi, au nom de la commission des finances, de reprendre la rédaction de notre texte sous la forme d'un amendement. Si nos avis divergent sur la méthode, sur le fond, nous ne pouvons que nous rejoindre. Aussi, je remercie Jean Arthuis de nous avoir permis de nous exprimer ce soir à l'occasion de l'examen de crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Pour ma part, je considère que la balle est, ce soir, dans le camp du Gouvernement. Nous ne pouvons pas tolérer que ce sujet demeure un véritable serpent de mer de la vie parlementaire. Monsieur le ministre, il va falloir entreprendre une concertation avec tous les acteurs - c'est l'objet de notre proposition de loi - pour prendre en compte tous les aspects de ces « surpensions » qui, bien au-delà des personnes, concernent la vie de territoires que nous connaissons moins, nous, élus de métropole, il faut le dire avec humilité. Vous nous avez donné des assurances à ce sujet.

Nos collègues d'outre-mer se sont exprimés ; certains sont absents ce soir, mais, sur le fond, ils nous rejoignent dans notre démarche. Par conséquent, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que nous n'ayons plus à débattre pendant encore des années sur ce problème des « surpensions » !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, dont je pressens qu'il va retirer l'amendement. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je salue la prescience du président du Luart, qui confine à la télépathie. Mais n'est-ce pas le signe auquel on reconnaît les grands présidents ? (Nouveaux sourires.)

Mes chers collègues, je vous ai bien entendus ce soir. D'abord, je constate que, sur le fond, il existe une vraie convergence entre nous. Mais je vous rends attentifs au fait qu'à partir d'un certain moment les atermoiements successifs nous exposent à un soupçon de complicité.

Nous vivons en quelque sorte une vraie schizophrénie ! Nous dénonçons une pratique mais, au moment de passer à l'acte, nous disons que c'est l'affaire du Gouvernement ! Nous voulons réhabiliter le Parlement, mais, pour ce faire, encore faut-il que celui-ci ait suffisamment d'ambition pour assumer ses prérogatives...

Vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas eu de préavis : avec Philippe Marini, nous suscitons chaque année, et cela depuis au moins quatre ans, un débat sur ce sujet. Depuis, celui-ci a été enrichi par l'audit qui a été sollicité par le gouvernement précédent et dont les conclusions étaient parfaitement claires. Une année de plus s'est écoulée et rien n'a bougé. Alors, je comprends l'embarras que suscite une telle situation.

Ce qui me laisse à penser que l'évolution est positive, c'est l'accord que le président Guy Fischer a donné tout à l'heure pour remette à plat les systèmes de retraite. (Sourires.) Nous pourrons alors, à cette occasion, revoir ce problème de l'indemnité temporaire de retraite !

Je lui rappelle qu'un de nos collègues députés, M. Brard, a déjà conduit une mission dans la seule partie de l'outre-mer qui est concernée par ce dispositif. Car ces indemnités ne concernent pas tous les départements et territoires d'outre-mer. J'ai cité les six territoires dont les supposés retraités résidents peuvent bénéficier de l'indemnité temporaire, mais les Antilles échappent à ce dispositif.

À bien des égards, mes chers collègues, il faut quand même que nous nous préparions à passer à l'acte ! J'ai entendu l'engagement assez solennel pris par le ministre Éric Woerth. J'ai compris que nous n'aurons donc pas à prendre la même initiative l'année prochaine.

M. Éric Woerth, ministre. C'est vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. M. le ministre le confirme.

L'année passée, après un long débat au cours duquel chacun s'est exprimé avec beaucoup de conviction, nous avons éprouvé une immense satisfaction : nous sommes parvenus à doubler le nombre de votes en faveur de la réforme : le nombre de voix est passé de neuf à dix-huit. (Sourires.) Ce soir, je ne suis pas sûr que nous parvenions à faire aussi bien que l'an passé, en dépit d'un auditoire assez nombreux, ce qui, compte tenu de l'heure, mérite d'être salué.

En conclusion, sur la foi de l'engagement pris par le Gouvernement, au nom de mon collègue Philippe Marini, que je n'ai pas eu le temps de consulter, et de la commission des finances, je retire l'amendement n° II-11.

M. le président. L'amendement n° II-11 est retiré.

M. Bernard Piras. Quelle télépathie !

compte d'affectation spéciale : « pensions »

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Pensions

47 999 649 643

47 999 649 643

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité

43 439 510 000

43 439 510 000

Dont titre 2

43 439 010 000

43 439 010 000

Ouvriers des établissements industriels de l'État

1 755 710 000

1 755 710 000

Dont titre 2

1 746 971 324

1 746 971 324

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

2 804 429 643

2 804 429 643

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Engagements financiers de l'État

Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Compte spécial : Participations financières de l'État

Article additionnel après l'article 47 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 35 et Etat D (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission  « Engagements financiers de l'État » ainsi que des comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et  « Participations financières de l'État ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient la charge, à cette heure tardive, de vous présenter trois missions au cours de cette unique intervention.

La mission « Engagements financiers de l'État » suscite deux questions relatives à la participation financière de l'État et à sa politique foncière, qui ont l'une et défrayé la chronique. La commission des finances a consacré un certain nombre de réunions ouvertes à deux aspects de ces deux politiques.

La mission représente, pour 2008, 42 milliards d'euros, soit pratiquement la totalité du déficit. C'est la troisième mission du budget général. En outre, 96 % de ses crédits correspondent au seul programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui est presque exclusivement consacré à la charge de la dette négociable. Par rapport aux prévisions de la loi de finances de 2007, cette charge augmente de 1,6 milliard d'euros, à savoir la bagatelle de 4 % supplémentaires. Elle représente quelque 40,79 milliards d'euros en crédits « évaluatifs », j'insiste sur ce terme, sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

Je rappelle que cette hausse importante est la conséquence d'un « effet taux » - je veux parler de la remontée des taux d'intérêt, y compris à long terme - conjugué à un « effet volume » de la dette à amortir.

Il faut rendre hommage à l'Agence France Trésor, qui, bien qu'un peu chahutée au cours de l'automne, a réussi à se débrouiller au mieux. Mais l'avenir n'est malheureusement pas sûr dans ce domaine !

Je ne recommencerai pas le débat que nous avons eu mercredi dernier sur la dette. Je n'en aborderai que deux éléments et rappellerai les questions qui n'ont pas reçu de réponses.

D'une part, compte tenu du recours massif prévu pour 2008 à des émissions de court terme, il est devenu difficile de distinguer ce qui relève de l'emprunt de ce qui relève de la trésorerie. Ainsi, 22,4 milliards d'euros sont consacrés au court terme cette année !

Madame la ministre, nous avons posé cette question plusieurs fois lors du débat sur la dette : quelle raison a poussé à l'abandon - relatif, mais tout de même - de l'endettement à long terme au profit de l'endettement à court terme ? Si nous avons reçu des explications, elles ne portaient pas sur le fond. Je renouvelle donc l'interrogation de la commission.

De surcroît, avec une telle orientation, les recommandations de la LOLF ne sont pas aussi bien respectées qu'elles devraient l'être, et notre vote sur l'article d'équilibre perd une partie de sa signification dans la mesure où, s'agissant du plafond de variation nette de la dette négociable de l'État, il ne tient compte que de l'endettement à moyen et à long terme.

D'autre part, il apparaît que l'État se permet le « luxe » de dépenser au moins six à dix millions d'euros supplémentaires par an, frais liés à l'écart de taux entre les émissions de dette « sociale » et les émissions de dette « souveraine », alors que nous disposons, depuis deux ans déjà, du moyen technique de les économiser. Mais le Gouvernement ne met pas en oeuvre l'article 73 de la loi de finances pour 2006, adopté sur l'initiative du Sénat.

Vous nous avez dit dernièrement, monsieur le ministre du budget, à quel point cela vous semblait inopportun. Il n'empêche que la loi est là, et nous serions heureux de voir sortir les décrets d'application ! Ce serait un minimum ! Cette loi ne vous contraint pas, elle vous donne une possibilité. Au moins, n'écartez pas d'un revers de la main les votes du Parlement !

Le contexte du financement de la dette est sensiblement moins favorable en 2007 et 2008 qu'il ne l'a été en 2006, alors que les taux remontent. Deux palliatifs vont maintenant faire défaut.

En premier lieu, nous avions mis en place en 2006 un système de gestion dynamique de la trésorerie, qui permettait de limiter les effets de la dette. Il s'agit malheureusement d'un « fusil à un coup ».

En second lieu, les rachats de dettes permis par les recettes de cessions d'actifs financiers ne sont prévus qu'à hauteur de 3,7 milliards d'euros pour 2008. On est loin des 17 milliards d'euros de 2006 qu'avait autorisés la privatisation des sociétés d'autoroutes. Certes, il s'agit, là encore, de prévisions !

J'en viens ainsi tout naturellement au compte spécial « Participations financières de l'État », pour n'en dire d'ailleurs qu'un mot.

Tout d'abord, les événements qui sont survenus à EADS avaient conduit un certain nombre d'entre nous à se pencher sur l'aspect quelque peu léonin du pacte d'actionnaires qui liait l'État. Je suis donc allé regarder d'un peu plus près ce qui se passait pour les autres participations de l'État. Dans la liste des pactes d'actionnaires qui lient l'État, liste qui figure dans mon rapport écrit, on n'en trouve aucun qui comporte des clauses aussi dérogatoires au bon sens que le pacte d'actionnaires d'EADS !

Ensuite, les documents budgétaires font apparaître pour 2008 une prévision de privatisations de près de 5 milliards d'euros. J'ai cru comprendre que ce chiffre, purement indicatif, était déjà satisfait, ou presque, mais le Gouvernement s'est limité à une annonce de 5 milliards d'euros afin de ne pas nuire aux intérêts patrimoniaux de l'État. L'annonce a tout de même provoqué quelques remous. La prudence du Gouvernement était par conséquent tout à fait compréhensible, mais nous aurons besoin du projet de loi de règlement pour nous prononcer en toute connaissance de cause.

L'analyse du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » permet des remarques plus substantielles.

Pour 2008, l'objectif de cessions d'immeubles est fixé à 600 millions d'euros, contre une prévision de 500 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007. Cet objectif devrait certes être déjà atteint, voire dépassé, dès cette année, mais c'est grâce à la vente du centre Kléber du ministère des affaires étrangères, pour une somme qui atteint 404 millions d'euros. Cette vente a défrayé la chronique. Il ne sera peut-être pas aussi facile de rassembler les 600 millions d'euros !

À ce propos, je voudrais formuler quelques observations sur la politique immobilière de l'État, dont le devenir me paraît aujourd'hui subordonné à un choix politique clair.

Dans une première hypothèse, on se contente de l'agence France Domaine, qui gère les ventes et les achats de bâtiments. Mais, dans ce cas, il ne fallait pas mettre en place le Conseil de l'immobilier de l'État, devant lequel, je le dis au passage, certains ministères mentent, probablement par omission, mais sereinement, alors qu'ils sont normalement obligés d'exposer leurs programmes ! Si l'on se contente de cette orientation, on ne voit pas très bien non plus l'intérêt qu'il y a à continuer de développer des loyers « budgétaires ».

Dans une deuxième hypothèse, on veut mettre en oeuvre une véritable politique patrimoniale de l'État, avec un système à la fois centralisé et rationnel. Dans ce cas, il faut aller plus loin dans la direction que vous avez déjà prise, madame, monsieur les ministres. Pour réaliser un véritable effort de gestion immobilière, en effet, on ne se contente pas de vendre et d'acheter. On s'attache à arbitrer, rechercher des opportunités et fonder une véritable problématique de gestion. Dans le cas de l'immeuble situé au 20 de l'avenue de Ségur, à Paris, nous sommes loin de l'épure !

Il faut tout de même réviser les règles actuelles d'intéressement aux cessions qui font des ministères des quasi-propriétaires. Si les ministères restent, comme aujourd'hui, intéressés à hauteur de 85 % aux opérations de vente et que seulement 15 % de la vente sont consacrés au désendettement de l'État, on les conforte dans cette situation au lieu de les inciter à en sortir.

Par conséquent, je suis de ceux qui pensent qu'il faudrait, d'une part, réviser le pourcentage d'intéressement des ministères dans le cas où ils conserveraient une gestion individualisée des bâtiments, ce qui n'est pas la position du Sénat, et, d'autre part, à tout le moins, consacrer 25 % du produit de chaque opération au désendettement de l'État.

C'est dans cette ligne que s'inscrit l'amendement que je vous présenterai tout à l'heure et qui concerne les travaux d'aménagement ou de rénovation nécessaires pour les immeubles de l'État. Il s'agit de mettre en oeuvre une gestion rationnelle du patrimoine immobilier de l'État.

Je vous présenterai également, au nom de la commission, un amendement portant sur la SOVAFIM, qui va exactement dans le même sens que le précédent, à savoir l'introduction d'une certaine souplesse dans le système.

Malgré ces observations, quelquefois un peu vigoureuses, je le reconnais, la commission des finances recommande au Sénat d'adopter les crédits inscrits pour ces trois missions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Dominati, en remplacement de M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de mon collègue Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de la mission « Participations financières de l'État », qui a été retenu dans son département.

Le débat de ce soir est tout d'abord l'occasion de saluer l'équilibre global qui nous est proposé pour la structure du compte spécial en 2008. Celui-ci confirme la priorité forte accordée au désendettement de l'État, dans la continuité des deux exercices de 2006 et 2007, mais en rupture par rapport aux vingt dernières années.

Toutefois, sur la proposition de son rapporteur Michel Bécot, la commission des affaires économiques tenait à faire part de ses préoccupations, notamment au travers de deux questions que je souhaiterais vous adresser, madame la ministre.

La première question concerne la qualité des documents budgétaires et l'information du Parlement sur cette mission.

Est-il normal que l'on doive se contenter d'un montant de recettes et de dépenses purement théorique de 5 milliards d'euros, sans rien savoir des cessions qui seront réalisées ? Le budget, tel qu'il nous est présenté, ne nous permet même pas de savoir si ce seront, au final, 2, 4 ou 10 milliards d'euros qui seront réalisés !

Tout en comprenant parfaitement les arguments tirés de la nécessité, pour l'État, de saisir les opportunités du marché, nous pensons qu'il est possible de faire mieux que l'« information zéro » qui nous est actuellement délivrée.

Par exemple, serait-il possible que le rapport annuel sur « l'État actionnaire » indique au minimum une liste indicative, donc non exhaustive, d'opérations, assortie, lorsque cela est possible, des indications sur la fourchette de la part du capital qui pourrait être cédée, ainsi que sur le montage financier, et surtout industriel, qui pourrait être proposé. Je pense notamment à la privatisation d'Areva, pour laquelle plusieurs scénarios, on le sait par la presse, sont à l'étude. La moindre des choses serait que l'examen du compte spécial « Participations financières de l'État » pour 2008 nous donne l'occasion de débattre suffisamment en amont des grandes options envisageables.

Le projet de loi de finances pourrait aussi se contenter d'afficher un montant de recettes global, mais à condition que celui-ci traduise réellement une estimation des recettes attendues par le Gouvernement et non une simple moyenne purement théorique.

La seconde question porte sur la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations, à la lumière de ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire EADS ». Sans reprendre le contenu du rapport écrit de notre collègue Michel Bécot, qui traite en détail de cette question, pouvez-vous nous indiquer ce soir, madame la ministre, quels sont les modalités et le calendrier proposés par le Gouvernement pour mettre en place la réforme des règles de fonctionnement de la Caisse des dépôts et consignations ?

Tout en étant très attentif à vos réponses à ces questions, je me dois en conclusion de vous indiquer que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Participations financières de l'État ».

M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l'intervention générale vaut explication de vote pour la mission et les deux comptes spéciaux.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l'État » et les comptes spéciaux qui lui sont rattachés représentent un ensemble de réalités dont il est difficile de rendre compte dans les quelques minutes qui nous sont offertes au titre de cette discussion budgétaire.

Bien entendu, l'un des programmes les plus importants de la mission est celui qui est consacré à la gestion de la dette publique. Sauf si des informations plus récentes sont à la disposition du ministère, le service de la dette s'avère légèrement supérieur aux crédits évaluatifs prévus dans la loi de finances initiale.

À la fin du mois de septembre, nous sommes en effet aux alentours de 1 % de dépenses supplémentaires par rapport à l'année 2006, alors que le projet de loi de finances initial prévoyait une stabilisation du service de la dette avec une hausse limitée à 0,4 point des crédits évaluatifs.

Les tensions sur les marchés financiers, nées de la crise des subprimes, la hausse du taux d'intérêt moyen de la dette de l'État, renchérie de cinquante à soixante dix points de base en un an, expliquent que des dépenses nouvelles aient été évaluées dans ce projet de loi de finances pour 2008.

Les cadeaux fiscaux improductifs votés cet été vont sans doute, pour une part, justifier la consommation de ces crédits évaluatifs.

En effet, nous sommes en présence depuis quelque temps d'une politique d'émission de titres de dette publique dépassant le tiers des recettes fiscales brutes attendues.

Ce ne sont pas les quelques millions d'euros engrangés sur les cessions de patrimoine immobilier, pour lesquelles on peut escompter éviter le désastre de la cession de l'immeuble de l'Imprimerie nationale, rue de la Convention, qui permettront de compenser ces fortes pressions.

Cette question de la gestion du patrimoine public me donne l'occasion de parler de l'un des éléments les moins appréhendés de cette mission budgétaire : la relation que l'État entretient avec les entreprises dont il est actionnaire, parfois unique, et de la manière dont ces affaires sont gérées.

L'affaire EADS, quelque peu passée au second plan, ces dernières semaines, derrière la légitime montée des mécontentements sociaux, a montré, avec un éclat tout particulier à notre sens, que la présence de l'État dans le capital d'un certain nombre d'entreprises doit être profondément repensée.

Le fait d'avoir créé l'Agence des participations de l'État, chargée de piloter l'ensemble des participations publiques dans telle ou telle entreprise, n'a manifestement pas évité quelques difficultés.

Il est aujourd'hui évident, notamment à la lumière des auditions de la commission des finances - et nous souhaitons toujours la mise en place d'une commission d'enquête pour aller plus loin -, que les actionnaires privés, majoritaires dans le capital d'EADS, ont joué des faiblesses de l'intervention publique pour mener l'opération qui s'est conclue par la création d'une spectaculaire plus-value pour les cessionnaires de parts sociales, ainsi que par un sinistre social, sous la forme d'un plan social agrémenté de 10 000 suppressions de postes chez Airbus !

Je sais que l'Agence des participations de l'État était souhaitée par le président de la commission des finances, tout comme par le rapporteur général. Mais si elle doit être maintenue, son rôle doit être redéfini clairement.

Cette Agence ne peut se contenter de mesurer l'importance du dividende perçu par l'État actionnaire pour combler une partie du déficit budgétaire ou d'être informée de manière générale des perspectives économiques de moyen terme des entreprises où l'État est présent.

Ou bien elle devient le pilote d'une véritable politique industrielle, avec ce que cela implique, ou bien nous devrons proposer sa disparition et organiser d'une autre manière l'action de l'État en qualité d'actionnaire.

Les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas les crédits de cette mission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. Paul Girod, rapporteur spécial, et M. Michel Bécot, rapporteur pour avis, que vous représentez ce soir, monsieur Dominati, pour la qualité des rapports qu'ils ont présentés respectivement devant votre commission des finances et votre commission des affaires économiques.

Avant de répondre aux questions spécifiques que vous avez réitérées concernant le service de la dette, monsieur le rapporteur spécial, je commencerai mon propos par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », l'examen des crédits de ce compte étant l'occasion de porter un regard général sur le patrimoine de l'État en qualité d'actionnaire.

En premier lieu, pour répondre à un certain nombre de questions évoquées par vos rapports respectifs, j'indique que le montant des recettes de privatisation attendues, au titre de 2008, est fixé à nouveau, comme vous l'avez remarqué, à un montant forfaitaire de 5 milliards d'euros en loi de finances.

Pourquoi retenons-nous ce montant forfaitaire ?

Annoncer plusieurs mois à l'avance un ensemble de cessions d'actifs serait contradictoire avec l'objectif d'optimisation patrimoniale, auquel, je le sais, le Sénat est attaché.

D'une manière générale, l'État tente d'agir comme un gestionnaire avisé et actif de son portefeuille de participations. Les opérations relatives au capital des entreprises n'obéissent malheureusement pas toujours à des objectifs purement calendaires, mais dépendent d'autres paramètres, comme par exemple la réalisation d'opérations de fusion - je pense à celle de Gaz de France-Suez - ou l'existence d'opportunités de marché. Ce n'est donc nullement un domaine « programmatique » où l'on pourrait, ainsi que vous l'avez très utilement suggéré, travailler selon un certain nombre d'indications et en donnant les grandes lignes des projets de cession.

L'État se doit de mener les opérations sur le capital des entreprises de son périmètre, dans le respect de la défense de ses intérêts patrimoniaux. Il s'agit d'obtenir, dans chaque cas, la meilleure valeur correspondant au patrimoine cédé.

Je rappelle que le patrimoine détenu au titre des seules sociétés cotées représente aujourd'hui environ 200 milliards d'euros.

À cet égard, je suis heureuse de faire une annonce au Sénat ce soir, et ce sera un bon exemple de cette gestion patrimoniale à laquelle nous sommes attachés. Jeudi soir, le Président de la République a donné une orientation très claire, qui s'inscrit dans une gestion moderne et active du bilan de l'État : la Nation a des priorités politiques, notamment les universités, la recherche, qui sont clairement exprimées dans le budget ; elle a par ailleurs des actifs, des entreprises publiques, dont la valeur a considérablement crû depuis quelques années. Tel est particulièrement le cas d'EDF.

Pour faire face aux besoins d'investissement des universités, le Président de la République a annoncé la cession de titres EDF détenus par l'État, pour un ordre de grandeur de  5 milliards d'euros représentant actuellement un peu plus de 3 % du capital d'EDF, sans indiquer naturellement ni les modalités ni le calendrier précis de cette cession.

L'État détient à l'heure actuelle 87,3 % du capital d'EDF. Après cette opération, il restera bien évidemment très au-dessus du seuil de 70 % fixé par le Parlement.

Dans un souci de transparence parfaite à l'égard du Parlement et dans le respect néanmoins d'un certain nombre d'obligations de confidentialité dans la mesure où l'opération dans son ensemble n'est pas encore dénouée, je vous annonce que nous avons pris les dispositions nécessaires pour être en mesure de mettre en oeuvre une opération de cession de titres EDF dès lundi matin, pour un montant qui pourrait être supérieur à 3,5 milliards d'euros, naturellement si les conditions de marché le permettent.

Nous nous donnons ainsi la possibilité d'agir vite, pour mettre à profit une fenêtre d'opportunité sur le titre EDF, dans un marché que tout le monde sait volatile. Dans l'hypothèse où cette opération serait réalisée, j'informerais bien sûr le Parlement des détails de l'opération et de ses conséquences sur nos comptes de 2007.

Au-delà, pour des opérations plus lointaines, la préservation de la confidentialité est indispensable à une action efficace de l'État actionnaire sur les marchés.

Je rappelle que la confidentialité à laquelle nous sommes tenus n'est pas contradictoire avec l'impératif de transparence et de bonne information du Parlement. J'espère, en vous indiquant l'ensemble des modalités sur lesquelles mes services travaillent ce week-end, avoir donné un exemple de ce que la confidentialité doit laisser à l'impératif de transparence, et réciproquement.

En deuxième lieu, monsieur Dominati, vous m'avez interrogée sur les scénarios d'évolution du capital d'AREVA. Comme vous le savez, nous avons une filière nucléaire en plein renouvellement, comme en témoignent ses succès, en particulier la réussite manifeste rencontrée par la société sur le marché chinois avec la vente de deux EPR. Le Gouvernement a engagé une réflexion d'ensemble sur cette filière, son devenir et sa capitalisation en particulier.

À ce stade, l'intention du Gouvernement est d'étudier en détail toutes les options envisageables pour renforcer les positions stratégiques acquises par la filière nucléaire française et lui donner les moyens de son développement dans un marché, qui est en très forte compétition, mais où la France a clairement une longueur d'avance.

Les travaux sont en cours. Ils ne sont pas encore conclus Nous devrions avoir des éléments plus probants vers la fin du mois de décembre, et il est trop tôt aujourd'hui pour avoir une idée précise des scénarios qui seront identifiés, pour être ensuite approfondis et, naturellement, débattus, notamment au sein de cette assemblée.

En troisième lieu, j'observe que les résultats sont là, et je m'en réjouis. L'assainissement de la situation économique et industrielle des entreprises détenues en tout ou partie par l'État se confirme, et leur rentabilité a encore progressé en 2006, ce que vos rapports constatent d'ailleurs.

Messieurs les rapporteurs, vous avez fait des suggestions très intéressantes. Je vous en remercie et je compte m'en inspirer. Voilà qui témoigne d'un dialogue efficace entre le Gouvernement et le Parlement.

En particulier, nous pouvons sans aucun doute améliorer encore la construction de certains des indicateurs de performance. Nous pouvons aussi - vous en avez fait la suggestion - améliorer l'information du Parlement sur certaines recettes du compte d'affectation spéciale. Enfin, ainsi que l'a suggéré M. le rapporteur spécial, je suis totalement disposée à venir mieux rendre compte devant le Parlement, dans le cadre des débats sur les projets de loi de règlement, de l'action de l'État actionnaire

Dans la revue que vous avez effectuée des crédits de cette mission, vous avez consacré une attention particulière aux questions de gouvernance des entreprises publiques.

La gouvernance des entreprises dont l'État est actionnaire constitue un sujet majeur. L'examen du pacte d'actionnaires au sein de l'entreprise EADS nous a indiqué de manière très claire que la gouvernance était l'un des critères déterminants de la bonne gestion des actifs détenus par l'État.

Il me paraît tout à fait nécessaire de procéder à un examen très rigoureux de ces pactes, comme vous l'avez d'ailleurs fait.

Il est heureux que l'ensemble des autres pactes, au nombre de cinq, ne contiennent pas les clauses que vous avez considérées vous-même, monsieur le rapporteur spécial, comme aléatoires ou, en tout cas, comme défiant le bon sens dans la mesure où l'actionnaire n'a pas voix au chapitre en ce qui concerne les organes de gestion de l'entreprise.

Néanmoins, les participations de l'État sont aujourd'hui mieux gérées, et même bien gérées, comme le montrent nos indicateurs de performance, ainsi que la très nette tendance, qui s'est inversée au cours des dernières années, dans l'affectation des produits de cession de participations.

Aujourd'hui, quand l'État cède ses titres, c'est non plus pour doter en capital des entreprises publiques, en situation douloureuse ou délicate, mais pour se désendetter, ou bien - et ce sera le cas avec la cession des titres EDF - pour investir dans l'avenir.

Je voudrais vous remercier de l'attention que le Sénat porte à tous ces sujets, même à une heure tardive ! C'est pour moi, ainsi que pour mes services, un stimulant très utile. Gérer les participations de l'État n'est pas un métier facile - et je rends hommage à ceux qui s'en préoccupent au quotidien -, et il est réconfortant de savoir que le Parlement attend des résultats et qu'il y est attentif.

Je sais que le Parlement attend aussi des résultats sur les évolutions de la Caisse des dépôts et consignations. Sur ce point, nous avons été interrogés sur les modalités et le calendrier proposés par le Gouvernement pour une réforme de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations.

Ce sont des préoccupations qui sont aussi les nôtres. Le Premier ministre m'a demandé de faire des propositions au début de l'année prochaine pour moderniser la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations. Je souhaite travailler sur ce dossier en très étroite concertation avec le Parlement et le président de la commission de surveillance.

Ces travaux donneront lieu à des dispositions législatives qui seront présentées à la Haute Assemblée. Je souhaite qu'elles soient consensuelles et, surtout, respectueuses de la spécificité de la Caisse, que la loi place depuis bien longtemps, vous le savez, « sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative. »

Cette modernisation portera sur trois points, à savoir le renforcement des prérogatives de la commission de surveillance sur les décisions stratégiques de l'établissement et la mise en place d'un comité des investissements, l'évolution de la composition de la commission de surveillance pour y faire entrer, notamment, des personnalités qualifiées issues de la société civile en vue d'apporter un complément d'expérience et d'expertise et, enfin, l'examen de l'opportunité de soumettre les activités financières de la Caisse des dépôts et consignations à une supervision extérieure.

J'ai l'intention d'inviter rapidement les parlementaires de la commission de surveillance, ainsi que les présidents des commissions compétentes et les rapporteurs généraux des deux assemblées à en discuter. Je vous remercie par avance de bien vouloir participer à cette réflexion.

J'en viens à la mission « Engagements financiers de l'État », dont le rapporteur spécial, M. Girod, a remarquablement pointé, dans son rapport très pédagogique et constructif, les problématiques essentielles.

Ce rapport n'a pas été réalisé dans des conditions optimales, et, à cet égard, je tiens à vous présenter mes excuses et à exprimer mes regrets. Le taux de réponse de mes services n'a pas été particulièrement satisfaisant. J'espère que nous y remédierons l'année prochaine et que nous serons plus à même de vous fournir avant le 10 octobre les éléments permettant l'élaboration de votre rapport.

Cette mission est importante, car elle retrace des masses budgétaires considérables : 42,4 milliards d'euros de dépenses, dont 40,8 milliards d'euros principalement liés aux charges de la dette. Le reste de la mission correspond aux dépenses liées à l'épargne logement, aux appels de garantie et aux majorations de rentes viagères.

Le premier programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État » est le plus important et le plus lourd. Mercredi dernier, nous avons eu un débat intéressant sur la dette, au cours duquel Éric Woerth et moi-même avons eu l'occasion de répondre à certaines de vos questions, notamment sur le plafond d'endettement et la gestion de la dette sociale.

S'agissant du plafond d'endettement, je reviendrai, puisque vous m'y avez encouragée, sur les raisons qui motivent l'augmentation des titres à court terme. Elles sont au nombre de deux.

Tout d'abord, si nous avons recours à plus d'endettement à court terme, échappant ainsi au plafond qui s'applique exclusivement à la dette à moyen et à long terme, c'est pour nous permettre de lisser l'augmentation du programme de financement à moyen et à long terme liée à l'amortissement des titres émis en 1995 et 1996. Ce lissage est important pour les marchés, lesquels sont vigilants quant à l'absence d'augmentation brutale des émissions à moyen et long terme d'une année sur l'autre.

La seconde raison est que les émissions de titres à court terme ont fortement baissé en 2006 ; or il est important de conserver un compartiment de court terme liquide. L'augmentation des titres à court terme répond donc à une demande du marché et nous permet de mieux valoriser notre position d'emprunteur. Cela permet aussi de conserver un caractère attractif à ce compartiment du marché.

Telles sont les deux raisons principales pour lesquelles nous avons eu recours à de l'endettement à court terme, hors plafond d'endettement de moyen et long terme.

Je centrerai maintenant mon propos sur les charges de la dette et rappeler les principes selon lesquels nous essayons d'organiser celle-ci.

L'objectif, concernant les charges de la dette publique, est triple.

Il s'agit tout d'abord d'emprunter juste ce qu'il faut, en gérant de manière optimale notre trésorerie.

Il s'agit ensuite de le faire avec une bonne visibilité, tout en payant cette visibilité aux meilleures conditions, c'est-à-dire le moins cher possible.

Il s'agit enfin de répondre aux attentes des investisseurs, pour pouvoir placer avec régularité les titres auprès des marchés dans de bonnes conditions, au profit du contribuable.

Quel est le coeur de la stratégie ?

L'État fait face à un besoin de financement récurrent, et ses canaux de financement doivent être pérennes. En effet, la stratégie du Gouvernement en matière de gestion de la dette est d'éviter l'opportunisme, qui peut présenter des risques en termes de prévisibilité et nuire à la pérennité des financements. La régularité des placements permet, au final, de réduire le coût de la dette pour le contribuable.

Vous avez également interrogé le Gouvernement, monsieur le rapporteur spécial, au sujet de la gestion de la dette de la CADES.

Certes, la qualité première d'une bonne gestion de la dette, c'est d'en minimiser le coût. Cependant, reprendre la gestion de la dette de la CADES, même en partie, constitue une forme d'intervention de l'État dans la gestion du financement de la sécurité sociale.

C'est un choix politique qui est à l'origine de la création de la CADES : rendre plus lisible le poids de la dette avec une recette affectée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou CRDS, et un amortissement visible. D'ailleurs, le législateur a souhaité renforcer encore cette visibilité en inscrivant dans la loi organique que la durée d'amortissement de la dette ne sera plus allongée. La CADES devra donc rembourser la dette sociale avant 2021.

Cette visibilité me paraît, à l'heure actuelle, plus importante que les gains financiers que l'on pourrait effectivement attendre de la suppression de la CADES. On peut au moins en espérer l'adoption d'un comportement plus vertueux.

Puisque le temps nous est compté, je passerai sur les deuxième et troisième programmes, pour évoquer finalement le quatrième et dernier programme, celui des appels en garantie.

Ce programme retrace les dépenses résultant de la mise en jeu de la garantie de l'État, à quelque titre que ce soit, que cette garantie soit liée à un emprunt, à un prêt, à des mécanismes d'assurance ou à des garanties de passifs.

Il s'agit, en particulier, de promouvoir le développement international de l'économie française en déployant l'activité de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, pour le compte de l'État.

Dans son rapport, M. Girod a souligné les limites de la mesure de la performance sur ce programme. Je crois qu'il ne faut pas, néanmoins, sous-estimer l'intérêt de certains indicateurs existants.

Je voudrais simplement évoquer, à cet instant, l'exemple du premier objectif, qui était d'assurer l'équilibre à moyen terme des procédures publiques d'assurance-crédit - assurance qui est importante pour les exportateurs. L'indicateur associé est l'indice de risque moyen, mesuré selon des règles définies par l'Organisation de coopération et de développement économiques. Si la prise de risque est excessive, cette mesure des sinistres potentiels constituera rapidement un signal négatif. Si elle est minime, l'activité de garantie n'offre aucun intérêt par rapport à la prise en charge par le marché de l'assurance privée.

L'indicateur permet bien de rendre compte au Parlement de la prudence manifestée dans l'octroi de la garantie. Il me semble intéressant de le conserver.

Cependant, monsieur le rapporteur spécial, toutes vos propositions d'amélioration de la mesure de la performance seront examinées par mes services. Nous le ferons en liaison avec la COFACE. Rendre compte au Parlement des résultats obtenus avec les moyens demandés, comme l'exige la LOLF, est une obligation pour les membres du gouvernement auquel j'appartiens.

Je remercie infiniment le Sénat de sa patience, et je ne puis que regretter l'examen de programmes de cette importance à une heure aussi avancée, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Girod a fait de nombreux commentaires sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État. Cette mission, sous-tendue par l'efficacité de notre politique immobilière, est l'un des volets majeurs de la réforme de l'État.

C'est un chantier ambitieux, de longue haleine. Sur ce dossier, beaucoup d'améliorations sont intervenues au fil du temps. Il faut aussi le reconnaître, et se rappeler quelle était la situation voilà deux ans pour mesurer clairement les progrès déjà accomplis dans ce domaine important qu'est la gestion immobilière de l'État.

Quatre orientations sont définies. M. Girod les connaît bien, pour être lui-même membre du Comité immobilier de l'État.

En premier lieu, il faut approfondir les grandes lignes de notre politique immobilière en 2008 avec des mesures concrètes, par la rationalisation du parc immobilier, l'objectif de cessions étant de 600 millions d'euros. J'ai dit moi-même que cet objectif est ambitieux et qu'il ne sera pas si facile de l'atteindre. Cette année, la structure des cessions était centrée sur la vente d'un grand bâtiment.

Le dispositif des loyers budgétaires concernera les services déconcentrés dans vingt-six départements. Au total, 700 millions d'euros ont été inscrits à ce titre aux budgets des administrations, qui devront désormais payer les loyers des immeubles de bureaux qu'elles occupent et dont l'État est propriétaire. Il y a donc bien une extension du dispositif des loyers budgétaires très au-delà de ce qui se pratique à l'heure actuelle. Tout cela a été débattu devant le Conseil immobilier de l'État voilà quelques semaines.

En deuxième lieu, il faudra proposer, dans les prochains mois, des mesures permettant de franchir une nouvelle étape dans la mise en place d'un État propriétaire.

Vous avez évoqué, monsieur Girod, la répartition du produit des cessions immobilières selon laquelle 85 % de celui-ci est alloué à l'administration affectataire et 15 % au désendettement de l'État. Ce ratio n'est pas gravé dans le marbre ; il est même, à mon avis, plutôt destiné à évoluer, et l'instauration à terme d'un État propriétaire le privera évidemment de sa raison d'être.

Nous devons progresser dans la connaissance exacte de la performance et des besoins réels de chaque ministère en matière immobilière. Les scénarios stratégiques des administrations, qui seront adoptés à la suite de la révision des politiques publiques, éclaireront d'un nouveau jour les schémas pluriannuels de stratégie immobilière que préparent les ministères et qui nécessiteront une réactualisation.

En troisième lieu, j'ai proposé de développer les pouvoirs, les moyens d'action, le champ d'investigation du Conseil immobilier de l'État, afin de faire progresser la professionnalisation de la fonction immobilière de l'État. Sur ce point, des propositions très précises ont été discutées devant le Conseil immobilier de l'État. Tout cela me semble aller dans le sens que vous indiquiez, monsieur le rapporteur spécial.

En quatrième lieu, il faut fournir des terrains pour développer l'offre de logements. Toute une série de propositions tendent à cette fin.

Il faudrait consacrer beaucoup plus de temps à chaque opération. Retenons simplement l'objectif de 600 millions d'euros de cessions. Je partage votre avis, monsieur Girod : c'est un objectif ambitieux. Cependant, il faut qu'il en soit ainsi, car il aurait été ridicule d'afficher un objectif inférieur à celui de l'année dernière. J'ai bien l'intention de l'atteindre.

En conclusion, nous allons faire entrer encore une fois dans une étape nouvelle la gestion des propriétés de l'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame, monsieur les ministres, je tiens à vous dire, au nom de celles et ceux qui sont encore présents dans cet hémicycle, que vos interventions ont représenté pour nous une forme de récompense, car vous nous avez apporté des informations d'une grande importance. Il était méritoire de votre part de rester aussi longtemps parmi nous un samedi soir, voire un dimanche matin... Soyez-en remerciés.

Madame la ministre, j'aurais souhaité vous demander comment vous envisagez, sur le plan budgétaire, l'inscription des 5 milliards d'euros de travaux prévus dans les universités. La loi de finances de 2008, que nous sommes en train d'élaborer, sera-t-elle affectée, ou aurez-vous recours à d'autres opérateurs de l'État pour mener à bien ces travaux ?

S'agissant de l'État actionnaire, je voudrais donner acte du progrès que représente la constitution de l'entité nouvelle annoncée. Il n'est pas douteux que nous constatons, d'année en année, des améliorations dans la présentation des comptes des participations de l'État, ainsi qu'une plus grande homogénéité dans les méthodes. Je crois que cela traduit un progrès dans la gouvernance des entreprises contrôlées par l'État ou dans lesquelles l'État détient une participation.

Paul Girod a évoqué les pactes d'actionnaires. À cet égard, nous avons été, les uns et les autres, assez impressionnés par le pacte d'actionnaire d'EADS, qui avait sans doute des caractéristiques particulières, spécifiques à cette opération... Nous étions désireux d'éclairer la gouvernance publique pendant cette période, comprise entre l'automne 2005 et l'été 2006, qui a défrayé la chronique, et nous avons acquis la conviction, après avoir écouté les uns et les autres, que les acteurs publics avaient été irréprochables. En effet, on leur avait, en définitive, écrit un rôle de figurants. L'État actionnaire était devenu un État figurant, et les représentants de l'État ont été excellents dans leur rôle de figuration ! Je ferme là cette parenthèse, ne doutant pas que les autres pactes d'actionnaires donnent à l'État un rôle d'actionnaire responsable.

S'agissant de la CADES, nous avons du mal à nous comprendre. Il ne s'agit pas de considérer que les dettes de la CADES sont des dettes de l'État, bien que les créanciers de la CADES ne doivent pas nourrir trop de craintes quant aux gages de leurs créances, mais nous souhaitons que toute l'expertise de l'agence France Trésor puisse être mise, par convention, à la disposition de la CADES, pour que celle-ci bénéficie des taux d'intérêt que France Trésor parvient à négocier dans les meilleures conditions possibles.

Je vous remercie enfin, madame la ministre, des indications que vous nous avez apportées sur l'évolution de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations. Si vous deviez proposer que certains membres de la commission des finances y participent, nous nous empresserions naturellement de répondre favorablement à votre invitation.

engagements financiers de l'État

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Engagements financiers de l'État

42 439 450 000

42 439 450 000

Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs)

40 796 000 000

40 796 000 000

Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs)

287 650 000

287 650 000

Épargne

1 128 800 000

1 128 800 000

Majoration de rentes

227 000 000

227 000 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte spécial :

gestion du patrimoine immobilier de l'état

Engagements financiers de l'Etat - Compte spécial : Gestions du patrimoine immobilier de l'Etat - Compte spécial : Participations financières de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 35 et Etat D (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits du Compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » figurant à l'état D.

État d

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Gestion du patrimoine immobilier de l'État

600 000 000

600 000 000

Contribution au désendettement de l'État

90 000 000

90 000 000

Dépenses immobilières

510 000 000

510 000 000

M. le président. L'amendement n° II-32, présenté par M. Girod, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Créer le programme :

Travaux

II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Contribution au désendettement de l'État

 

 

 

 

Dépenses immobilières

 

51.000.000

 

51.000.000

Travaux

51.000.000

 

51.000.000

 

TOTAL

51.000.000 

  51.000.000

  51.000.000

51.000.000 

SOLDE

0

0

 

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Paul Girod, rapporteur spécial. Tout à l'heure, j'ai indiqué que deux voies étaient possibles s'agissant de la gestion du patrimoine immobilier de l'État. J'ai entendu que le Gouvernement s'engage résolument dans la seconde, et nous allons donc essayer de l'y aider un peu au travers de cet amendement, qui reprend une proposition formulée par la commission des finances du Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

Il s'agit de créer, au sein du compte spécial  « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », un nouveau programme, intitulé « Travaux » et dédié à l'ensemble des opérations d'aménagement ou de rénovation nécessitées par les immeubles de l'État et aux dépenses de fonctionnement correspondantes.

Je rappelle que le programme « Dépenses immobilières » existant ne retrace en réalité, suivant en cela la nomenclature du compte d'affectation spéciale, que les dépenses induites par les opérations de cession, d'acquisition ou de construction, pour l'essentiel en vue du relogement de services.

Il s'agit avant tout d'un amendement d'appel, soit dit pour être tout à fait franc, qui tend à inviter le Gouvernement à retracer de manière spécifique l'ensemble des crédits demandés en considération des travaux à mener sur les immeubles de l'État. Le développement d'une politique immobilière cohérente suppose en effet la pleine affirmation des attributs du rôle de propriétaire.

La mesure proposée ne vise, au demeurant, qu'à mettre en oeuvre le principe de regroupement des crédits budgétaires par mission de l'État fixé par la LOLF. Elle apparaît ainsi comme un complément indispensable aux dispositifs de réforme domaniale déjà mis en place.

J'ajoute d'ailleurs qu'il serait concevable d'alimenter le compte existant ou un autre compte à créer par les loyers « budgétaires » désormais exigés des administrations. Ce serait une contrepartie logique des charges de propriétaire assumées par l'État, notamment en termes de travaux, au bénéfice des administrations affectataires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, j'ai bien entendu qu'il s'agit d'un amendement d'appel. Ce sujet a d'ailleurs été évoqué lors d'une réunion du conseil de l'immobilier de l'État, à laquelle nous assistions tous les deux. (M. Paul Girod acquiesce.)

J'ai demandé au conseil de l'immobilier de l'État de nous faire des propositions sur les modalités techniques. Je souhaiterais aussi qu'il suive les opérations d'entretien. Actuellement, nous ne sommes pas prêts techniquement à assurer globalement le suivi de ces opérations, qui sont complètement dispersées, l'entretien étant souvent mal géré.

Sous l'égide du conseil de l'immobilier de l'État, une expérimentation dont nous souhaitons tirer des enseignements est actuellement menée en Rhône-Alpes.

Nous voulons aller plus loin, en faisant jouer un rôle plus large au conseil de l'immobilier de l'État. Vous avez évoqué tout à l'heure, monsieur le rapporteur spécial, le fait qu'un certain nombre d'informations n'aient pas été portées - ou en tout cas mal portées - à la connaissance du conseil. Cela ne doit évidemment pas se reproduire. Il doit y avoir, à côté du Gouvernement, un conseil de l'immobilier de l'État dont nous renforcerons les pouvoirs.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement est-il maintenu ?

M. Paul Girod, rapporteur spécial. J'ai entendu avec satisfaction les propos de M. le ministre. Ils vont dans le sens de ce que nous souhaitons, c'est-à-dire une véritable gestion patrimoniale. Puisque vous nous suivez dans nos intentions et que vous avez déjà lancé une expérimentation, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° II-32 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte spécial : participations financières de l'État

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits du compte spécial « Participations financières de l'État » figurant à l'état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Participations financières de l'État

5 000 000 000

5 000 000 000

Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État

800 000 000

800 000 000

Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État

4 200 000 000

4 200 000 000

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » ainsi que des comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et « Participations financières de l'État ».

Article 35 et Etat D (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale

3

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 3 décembre 2007, à dix heures, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (n° 90, 2007 2008).

Rapport (n° 91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

- Immigration, asile et intégration (+ article 45)

M. André Ferrand, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 15) ;

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome IX) ;

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome VIII).

- Outre-mer (+ article 45 bis)

M. Henri Torre, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 18) ;

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome IV) ;

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 95, tome II) ;

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 96, tome VI).

- Défense

MM. Yves Fréville et François Trucy, rapporteurs spéciaux (rapport n° 91, annexe n° 8) ;

MM. André Dulait et M. Philippe Nogrix, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome V) ;

MM. Xavier Pintat et André Boyer, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome VI) ;

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 94, tome VII).

Personne ne demande la parole ?...

En cette heure matinale, il faut nous séparer.

Car tous, nous avons vite et fort bien travaillé !

Chers ministres, chers collègues, la séance est levée !

(La séance est levée le dimanche 2 décembre 2007, à une heure cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD