SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Maîtrise de l'immigration. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 2).

Discussion générale : MM. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Michèle André, Anne-Marie Payet, MM. Patrice Gélard, Robert Bret, Georges Othily, Michel Dreyfus-Schmidt, Laurent Béteille, Mme Marie-Christine Blandin, M. Christian Demuynck.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 3)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

3. Candidatures à des organismes extraparlementaires (p. 4).

4. Rappel au règlement (p. 5).

MM. Claude Domeizel, le président.

5. Maîtrise de l'immigration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 6).

Exception d'irrecevabilité (p. 7)

Motion n° 124 de Mme Michèle André. - MM. Jacques Mahéas, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Jean-Jacques Hyest, Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois. - Rejet.

Question préalable (p. 8)

Motion n° 1 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er A (p. 9)

Amendement n° 3 de la commission et sous-amendements n°s 233 rectifié bis et 234 rectifié bis de M. Robert Bret. - MM. le rapporteur, Robert Bret, le ministre, Jacques Mahéas, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des deux sous-amendements et de l'amendement modifié rédigeant l'article.

Article 1er B (p. 10)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements identiques n°s 125 de Mme Michèle André et 235 de M. Robert Bret. - Mmes Michèle André, Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 1er C (p. 11)

Amendements n°s 236 de M. Robert Bret et 4 de la commission. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas, Mme Nicole Borvo. - Rejet de l'amendement n° 236 ; adoption de l'amendement n° 4 rédigeant l'article.

Article additionnel

après l'article 1er C (réserve) (p. 12)

Amendement n° 222 de M. Patrice Gélard. - MM. le rapporteur, le ministre. - Réserve.

Article additionnel avant l'article 1er (p. 13)

Amendement n° 308 de M. Alain Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Article 1er (p. 14)

Amendements identiques n°s 126 de Mme Michèle André et 237 de M. Robert Bret ; amendements n°s 238, 239 de M. Robert Bret, 303 de M. Jean-Pierre Schosteck, 5 et 6 de la commission. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo, MM. Laurent Béteille, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 126 et 237 à 239 ; adoption des amendements n°s 303, 5 et 6.

Adoption de l'article modifié.

Article 1er bis. - Adoption (p. 15)

Article 2 (p. 16)

M. Jacques Mahéas, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Michel Charasse, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements n°s 240 à 242 de M. Robert Bret, 130 rectifié, 127, 128, 7 de la commission et sous-amendements n°s 104 et 122 rectifié de M. Christian Demuynck ; amendements n°s 243, 244, 245 de M. Robert Bret, 8 à 12 de la commission, 217 rectifié de Mme Françoise Férat, 129, 131 de Mme Michèle André, 301 de M. Patrice Gélard, 13 de la commission et sous-amendement n° 105 de M. Philippe Richert. - MM. Robert Bret, Louis Mermaz, le ministre, Jacques Mahéas, le rapporteur, Christian Demuynck, Mme Jacqueline Gourault, MM. Daniel Eckenspieller, Jean Chérioux, Laurent Béteille, Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Mermaz, Charles Ceccaldi-Raynaud. - Retrait de l'amendement n° 217 rectifié ; rejet des amendements n°s 240, 127, 128, 241, 242, du sous-amendement n° 104, des amendements n°s 243, 245, 129 et 244 ; adoption de l'amendement n° 130 rectifié, du sous-amendement n° 122 rectifié, de l'amendement n° 7 modifié, des amendements n°s 8 à 11 rectifié, 12, du sous-amendement n° 105 et de l'amendement n° 13 modifié, l'amendement n° 301 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 3 (p. 17)

Amendement n° 223 de M. Patrice Gélard. - MM. Lucien Lanier, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements n°s 246 de M. Robert Bret, 132, 133 de Mme Michèle André et 14 rectifié de la commission. - Mmes Nicole Borvo, Michèle André, MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre. - Rejet des amendements n°s 246, 132 et 133 ; adoption de l'amendement n° 14 rectifié.

Amendement n° 15 de la commission. - Adoption.

Amendement n° 16 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 3 bis (p. 18)

Amendement n° 17 de la commission et sous-amendement n° 227 de M. Jean-Pierre Schosteck. - MM. le rapporteur, Lucien Lanier, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement n° 224 de M. Patrice Gélard. - MM. Lucien Lanier, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3 bis (p. 19)

Amendement n° 108 de M. Jean-Claude Carle. - MM. Lucien Lanier, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4 (p. 20)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements n°s 247 de M. Robert Bret, 18 de la commission et sous-amendement n° 109 de M. Daniel Eckenspieller ; amendement n° 19 de la commission. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Daniel Eckenspieller, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 247 ; adoption du sous-amendement n° 109, de l'amendement n° 18 modifié et de l'amendement n° 19.

Adoption de l'article modifié.

6. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires (p. 21).

Suspension et reprise de la séance (p. 22)

7. Maîtrise de l'immigration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 23).

Article 5 (p. 24)

Amendements n°s 248 de M. Robert Bret, 110 de M. Daniel Eckenspieller, 134 de Mme Michèle André, 103 rectifié de M. Robert Del Picchia, 20 de la commission et 316 (priorité) du Gouvernement. - Mme Nicole Borvo, MM. Christian Demuynck, Mme Michèle André, MM. Christian Cointat, Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Jean-Jacques Hyest, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Mahéas, René Garrec, président de la commission des lois. - Retrait de l'amendement n° 103 rectifié ; rejet de l'amendement n° 248 ; adoption de l'amendement n° 110 ; adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n° 316, l'amendement n° 134 rectifié devenant sans objet ; adoption de l'amendement n° 20.

Adoption de l'article modifié.

Article 5 bis (p. 25)

Amendement n° 225 de M. Patrice Gélard. - MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel

après l'article 1er C (suite) (p. 26)

Amendement n° 222 (précédemment réservé) de M. Patrice Gélard. - MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 (p. 27)

Amendement n° 111 de M. Daniel Eckenspieller. - MM. Christian Demuynck, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel

après l'article 6 (réserve) (p. 28)

Amendement n° 297 de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. le rapporteur, le ministre. - Réserve.

Article 6 bis (p. 29)

Amendements identiques n°s 135 de Mme Michèle André et 249 de M. Robert Bret ; amendements n°s 106 rectifié de M. Patrice Gélard, 298 de M. Jean-Jacques Hyest, 21 de la commission et sous-amendement n° 112 de Mme Nelly Olin. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Bret, Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre, Christian Demuynck. - La priorité de l'article 14 bis est ordonnée.

Article 14 bis (priorité) (p. 30)

Amendements n°s 154 de Mme Michèle André, 260 de M. Robert Bret et 296 de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre, Mme Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Jean-Jacques Hyest, le rapporteur. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.

Article additionnel

après l'article 6 (suite) (p. 31)

Amendement n° 297 (précédemment réservé) de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 bis (suite) (p. 32)

MM. le rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas. - Rejet des amendements n°s 135 et 249 ; adoption des amendements n°s 106, 298, du sous-amendement n° 112 et de l'amendement n° 21 modifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 7 (p. 33)

Mme Nicole Borvo, M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements n°s 136, 137, 141, 142 rectifié, 143 et 144 de Mme Michèle André, 250 rectifié de M. Robert Bret, 22 de la commission et sous-amendement n° 210 de Mme Michèle André ; amendements n°s 138 à 140 rectifié de Mme Michèle André et 313 du Gouvernement. - MM. Jacques Mahéas, Robert Bret, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Michèle André, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 140 rectifié ; rejet des amendements n°s 136, 250 rectifié, 137 et 141 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 144 ; rejet des amendements n°s 142 rectifié, 143, 138 et 139 ; adoption du sous-amendement n° 210, de l'amendement n° 22 modifié et de l'amendement n° 313.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Transmission de projets de loi (p. 34).

9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 35).

10. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 36).

11. Ordre du jour (p. 37).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 396 rectifié, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. [Rapport n° 1 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine aujourd'hui le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. C'est un texte important, qui compte désormais soixante-dix-sept articles, grâce au travail remarquable de l'Assemblée nationale.

Ce projet de loi comporte trois volets : en premier lieu, une série de dispositions concernant l'accueil et l'intégration des étrangers en situation régulière dans notre pays ; en deuxième lieu, des mesures tendant à la lutte contre l'immigration clandestine, qui est un phénomène que nous ne pouvons plus tolérer ; en troisième lieu, une réforme de la législation relative aux mesures d'expulsion et à la peine d'interdiction du territoire français.

L'immigration irrégulière, mesdames, messieurs les sénateurs, a pris ces dernières années des proportions jamais égalées dans le passé. Il est temps de dire aux Français quelle est la situation à cet égard : autant nous pouvons débattre et exprimer des divergences sur les solutions, autant nous devons nous accorder pour présenter un constat objectif à nos compatriotes.

Ainsi, j'affirme que le chiffre de 30 000 immigrés clandestins supplémentaires par an, régulièrement cité, est à l'évidence dépassé. Il suffit, pour s'en convaincre, de rapprocher le nombre annuel de reconduites effectives à la frontière, qui est de l'ordre de 10 000, du nombre de personnes déboutées chaque année du droit d'asile, qui est de quelque 70 000. Pour ce seul poste, l'immigration irrégulière clandestine concerne 60 000 personnes supplémentaires par an.

Je ne cherche pas à effrayer qui que ce soit...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas peur !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il y a des choses qui font peur, mais ce ne sont peut-être pas celles auxquelles vous pensez !

M. Jean Chérioux. C'est bien triste si vous n'êtes pas effrayé, monsieur Dreyfus-Schmidt !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je dis cela pour que chacun prenne ses responsabilités et décide d'annoncer aux Français ce qu'il est prêt à faire pour endiguer ce phénomène.

Cependant, il y a mieux : cet accroissement de l'immigration irrégulière résulte pour partie de certaines dispositions de la loi RESEDA de M. Chevènement, la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, et je vais le prouver.

Je pense notamment ici à la suppression de tout contrôle sur les attestations d'accueil - on n'a rien trouvé de mieux à faire que de prendre une telle mesure ! -, qui a entraîné, mesdames, messieurs les sénateurs, une augmentation considérable du nombre d'attestations d'accueil, lequel est passé de 160 000 en 1997 à 735 000 en 2002.

M. Jean Chérioux. Exact !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On comprend que ce chiffre est plus élevé encore qu'il ne le paraît, si l'on veut bien se souvenir que 80 % des visas de court séjour sont délivrés sur le fondement de ces attestations d'accueil et que plus de la moitié des étrangers en situation irrégulières sont entrés dans notre pays avec un visa de tourisme, que personne ne contrôle. Je le répète, on est passé en cinq ans de 160 000 attestations d'accueil à 735 000, sans que, depuis l'entrée en vigueur de la loi RESEDA, on puisse opérer de contrôle ! Beau résultat !

M. Jacques Mahéas. Les consulats ne font pas leur travail !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'y reviendrai.

Par ailleurs, je voudrais évoquer la création de la procédure de l'asile territorial. Cette mesure était généreuse et utile, et la preuve que le Gouvernement la considère comme telle, c'est qu'il la reprend sous la forme de la protection subsidiaire dans le projet de loi sur l'asile que présentera M. Dominique de Villepin et que le Sénat examinera dans quelques semaines. Cependant, l'absence - irresponsable ! - de dispositifs permettant d'éviter les dépôts successifs d'une demande d'asile conventionnel et d'une demande d'asile territorial, ainsi que la disproportion entre l'ampleur de la demande et les moyens administratifs de la traiter, ont entraîné une véritable explosion - le mot n'est pas trop fort - du nombre des dossiers, pour un taux d'acceptation qui n'a jamais excédé 1 %.

Je voudrais encore évoquer le recours au mariage pour obtenir un titre de séjour, voire la nationalité française, procédé dont l'attrait a été renforcé par l'excessive facilité avec laquelle le mariage donne des droits durables de séjour sur le territoire français. On relève ainsi une augmentation de 400 %, pas moins, du nombre d'acquisitions de la nationalité française par le mariage. Force est de constater que le charme de nos compatriotes a produit des effets redoutables ces cinq dernières années ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mais la pression de l'immigration clandestine résulte également, outre ce constat accablant sur les conséquences de l'application de la loi RESEDA, de la transformation du phénomène migratoire dans les années récentes. L'immigration irrégulière n'est plus la juxtaposition de tentatives individuelles dispersées, elle est devenue une véritable activité de nature criminelle, structurée par des filières internationales. Ses origines géographiques sont multiples, et cette situation exige que notre pays se dote des moyens de lutte appropriés.

Tous les autres pays de l'Union européenne, sans exception, ont fait récemment évoluer leur législation pour donner à leurs administrations respectives des moyens de lutte adaptés à la sophistication croissante des filières d'immigration clandestine. Je peux citer, à cet égard, les exemples de la loi sur les étrangers votée aux Pays-Bas en 2001 et les lois adoptées en 2002 en Grande-Bretagne et au Danemark. La France ne peut pas demeurer le maillon faible du continent européen en termes de maîtrise des flux migratoires clandestins.

Toutefois, au-delà des évolutions des législations apparaît, de plus en plus nettement, une transformation des mentalités. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux souligner l'exceptionnelle qualité du travail qu'ont accompli les Espagnols. Le parti populaire, au pouvoir en Espagne, et le parti socialiste espagnol...

M. Jean Chérioux. Eh oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... viennent de conclure un accord pour réformer la législation espagnole sur l'immigration, législation qui ne remontait pourtant qu'à décembre 2000. La réforme acceptée par le parti socialiste espagnol comprend des mesures telles que le renforcement des sanctions infligées aux passeurs, l'obligation faite aux compagnies aériennes de signaler les passagers qui n'ont pas utilisé leur billet de retour et - tenez-vous bien ! - l'interdiction pour les travailleurs clandestins de revenir en Espagne pendant deux années lorsqu'ils y ont travaillé sans autorisation. J'observerai avec beaucoup d'intérêt si le socialisme européen a une signification au regard de l'exemple remarquable du parti socialiste espagnol, qui a su hisser son engagement politique à la hauteur des enjeux pour l'Espagne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Robert Bret. Ça, c'est un argument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je n'ai aucune raison de douter que le parti socialiste français saura faire le même effort ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Bien sûr !

M. Jacques Mahéas. Nous sommes quand même des exemples assez extraordinaires !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela étant, monsieur Mahéas, je ne vous demande pas de faire aussi bien que les socialistes anglais, car je sais que cela vous est impossible !

Mme Nicole Borvo. Cela ne va pourtant pas bien pour M. Blair !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Restons-en aux socialistes espagnols, ce n'est déjà pas si mal !

La conséquence de l'immigration clandestine, et c'est un point sur lequel il peut y avoir consensus, c'est l'impossibilité d'accueillir et d'intégrer des étrangers en situation régulière. Disons-le sans faux-semblants, n'acceptons pas la « pensée unique » sur ce sujet : l'immigration clandestine tolérée nuit d'abord aux intérêts des étrangers en situation régulière.

M. Jean Chérioux. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si notre pays ne peut hélas ! accueillir davantage d'étrangers en situation régulière, c'est parce que, depuis des années, il ne se dote pas des moyens adéquats pour lutter contre l'immigration irrégulière.

Depuis plus de vingt ans, en effet, le débat sur l'immigration est prisonnier de deux postures aussi caricaturales et idéologiques l'une que l'autre.

D'un côté, celle qui fait des étrangers la cause de tous nos maux et ne voit d'autre issue que l'immigration zéro.

M. Jacques Mahéas. Elle est défendue par certains de vos amis !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cette posture va à l'encontre des intérêts économiques, démographiques et culturels de la France. Elle ne rencontre pas l'assentiment d'une majorité de Français, dont les sentiments à l'égard des étrangers sont plus ouverts, plus bienveillants que ceux que l'on veut parfois leur prêter. La France est un pays généreux ; elle n'a aucune leçon à recevoir en la matière.

Mme Nicole Borvo et M. Jacques Mahéas. Sauf des Espagnols !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. D'un autre côté, la posture assimilant toute mesure de contrôle de l'immigration à une intolérable atteinte aux droits de l'homme est profondément ridicule et choquante.

Au nom de quoi serait-il contraire aux droits de l'homme d'exiger un visa ? Au nom de quoi serait-il contraire aux droits de l'homme de placer un étranger dans une zone d'attente, le temps d'examiner sa demande d'asile ? Au nom de quoi serait-il contraire aux droits de l'homme de vérifier des documents d'état civil avant d'autoriser un regroupement familial ? Au nom de quoi serait-il contraire aux droits de l'homme de reconduire dans son pays celui qui a franchi nos frontières sans en avoir l'autorisation ? En quoi serait-il contraire aux droits de l'homme de raccompagner un Roumain en Roumanie, un Bulgare en Bulgarie ou un Sénégalais au Sénégal lorsqu'il n'a pas de papiers lui permettant de demeurer dans notre pays ? Si avoir des papiers ou ne pas en avoir ne fait aucune différence, alors pourquoi donner des papiers ?

M. François Trucy. Eh oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Au nom de quoi la France serait-elle le seul pays auquel il serait interdit de décider qui a le droit de demeurer sur son territoire et qui n'en a pas le droit ?

Cette querelle est une mauvaise querelle, car il n'y a malheureusement pas trente-six solutions possibles, et les Français doivent le savoir. Si nous voulons maîtriser l'immigration, nous devons prendre et appliquer sans faiblesse les mesures nécessaires à la lutte contre l'immigration clandestine. Ceux qui prétendent le contraire portent une part importante de responsabilité dans la montée des sentiments xénophobes.

M. Jean Chérioux. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne pouvant convaincre nos concitoyens, ils les incitent à la peur et au repli sur soi, à la fermeture des frontières et à l'immigration zéro. Ne pouvant réussir la politique qu'ils ont promise, ils laissent venir sur notre territoire beaucoup plus d'étrangers que nous ne pouvons en accueillir, hypothéquant ainsi l'intégration de ceux qui sont en situation régulière.

Cette attitude est gravement irresponsable...

M. Jean Chérioux. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et nous payons aujourd'hui le prix des cinq années pendant lesquelles rien n'a été fait pour mettre en oeuvre une politique de l'immigration dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

L'absence de volonté, l'absence de conviction a abouti à une véritable catastrophe. J'admets d'ailleurs bien volontiers qu'il est plus facile de défendre les droits de l'homme dans un colloque élégant que de mettre en place une authentique politique de l'immigration dans un pays comme la France ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Il existe en réalité une autre voie, qui est celle que vous propose le Gouvernement. Cette voie, c'est celle de l'ouverture des frontières aux séjours de longue durée comme aux séjours de courte durée, tels que ceux des touristes ou des étudiants. Mais cette voie n'est possible que si nous renforçons les moyens de lutte contre l'immigration clandestine. Quelque 100 000 étrangers entrent chaque année en France, sans compter les ressortissants communautaires, pour des séjours de longue durée, dont 10 000 au titre de besoins économiques identifiés, comme les infirmières ou les informaticiens. C'est sans doute trop peu. Les besoins existent sur le marché du travail,...

Mme Nicole Borvo. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... par exemple s'agissant des services aux personnes ou même dans le secteur rural.

J'estime également que le nombre d'étudiants que nous accueillons est insuffisant. Il est actuellement de 180 000, soit la troisième position mondiale - et ce n'est pas rien ! -, mais nous nous trouvons derrière la Grande-Bretagne, qui accueille 230 000 étudiants, et les Etats-Unis, qui en accueillent 550 000. Si nous n'accueillons pas d'étudiants étrangers, comment voulez-vous que le français reste l'une des grandes langues parlées dans le monde ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Mme Nicole Borvo rit.)

M. Robert Bret. Ils doivent venir mais il ne faut pas qu'ils restent !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet, monsieur Bret, car notre but n'est pas de former les élites des pays en voie de développement pour les garder pour nous et en priver ainsi ces pays alors qu'ils en ont besoin !

Mme Nicole Borvo. Oh là là !

M. Jean Chérioux. On nous le reproche assez !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En d'autres temps, c'est ce qu'on faisait à Moscou, on l'avait bien compris ! (M. Robert Bret s'exclame.)

Mme Nicole Borvo. Ah ! Moscou !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'espère que le terme « Moscou » n'est ni choquant ni blessant pour M. Bret, car je n'y mettais évidemment aucune illusion ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo. Bien sûr que non ! Vous allez à Moscou plus souvent que M. Bret !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Enfin, bien qu'il ait beaucoup augmenté ces dernières années, le nombre de visas accordés par la France pourrait, dans certains pays, être plus élevé. Je pense notamment à l'Algérie, dont les liens avec notre pays sont si particuliers. Toutes nationalités confondues, nous refusons un visa sur trois parce que, faute de moyens pour reconduire les étrangers en situation irrégulière, la suspicion pèse sur tous les autres.

Toutefois, nous ne pouvons ouvrir nos frontières à l'immigration légale que si nous nous donnons les moyens de lutter contre l'immigration irrégulière.

Le projet de loi n'est ni hostile aux étrangers ni contraire aux droits de l'homme. Il est fondé sur une idée et un objectif simples.

L'idée, c'est que la France a le droit de choisir qui elle veut voir entrer et séjourner sur son territoire ; elle doit donc en avoir les moyens. Si quelqu'un est contre l'idée du droit de choisir pour la France, qu'il le dise aux Français et que le débat soit public et transparent.

L'objectif, c'est de créer les conditions pour que notre pays puisse avoir de nouveau une politique migratoire ouverte, juste, à la hauteur des idéaux dont il a toujours rayonné à travers le monde.

L'objectif, c'est moins d'immigration clandestine pour plus d'immigration régulière et acceptée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le bien-fondé de cette politique mérite une preuve éclatante. Je vous la donnerai en vous disant que les détracteurs de ce projet de loi sont si faibles dans leurs critiques qu'ils sont obligés de s'appuyer sur une lecture parfaitement mensongère du texte.

M. Roger Karoutchi. Effectivement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vous en donnerai deux exemples.

Le premier concerne les sanctions pénales contre les passeurs : on m'a accusé de vouloir sanctionner - c'est un comble ! - les associations d'aide aux étrangers au travers d'une incrimination dirigée contre la criminalité organisée. La vérité, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est que l'infraction d'aide au séjour illégal des étrangers commise en bande organisée a été introduite dans la législation par la loi RESEDA du 11 mai 1998.

M. Jacques Mahéas. N'oubliez pas : « en bande » !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mieux, cette infraction figure à l'article 21 de l'ordonnance de 1945 dans sa rédaction actuelle. Le projet de loi n'a fait que créer deux nouvelles incriminations en la matière.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah, quand même !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On parle toujours trop vite, monsieur Dreyfus-Schmidt !

L'une de ces nouvelles incriminations est dirigée contre les filières qui exposent les étrangers à des conditions de travail ou de transport mettant leur vie en cause.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est ça, les bandes organisées !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voulez-vous qu'on supprime cette incrimination, monsieur Dreyfus-Schmidt ?

M. Jacques Mahéas. Cela n'ajoute rien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela n'ajoute rien, dites-vous, monsieur Mahéas. Je savais que vous ne connaissiez pas grand-chose à la sécurité, voilà que votre incompétence est démontrée sur l'immigration aussi ! Ça commence à faire beaucoup !

M. Jacques Mahéas. Quelle arrogance !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, je vise ceux qui sont transportés dans des camions réfrigérés, sans aucune ouverture.

M. Jacques Mahéas. Ce ne sont pas des bandes organisées ! Vous racontez n'importe quoi !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Doit-on tolérer que des individus transportent des clandestins dans des conditions mettant leur vie en cause ? Doit-on accepter la moindre indulgence en la matière ?

M. Jacques Mahéas. Bien sûr que non !

M. Robert Bret. Nous sommes tous d'accord sur ce point !

M. Jacques Mahéas. En effet !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Alors, vous voterez ce texte !

M. Robert Bret. Non, parce que c'est le contraire que vous proposez !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. L'autre nouvelle incrimination vise les filières qui exploitent les étrangers dans des conditions indignes.

Ceux qui ne seront pas d'accord avec ces nouvelles incriminations - ces deux et ces deux-là seulement ! - voteront contre le texte du Gouvernement et expliqueront comment on peut être pour les droits de l'homme et refuser ces deux nouvelles incriminations ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ça dépend de la lettre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ma bonne foi est à ce point totale que le Gouvernement a accepté, à l'Assemblée nationale, un amendement - il a sans doute échappé à la vigilance de quelques-uns - qui vise à exonérer de sanctions pénales les associations d'aide aux étrangers, problème que personne n'avait réussi à résoudre jusqu'à présent.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cet amendement a été voté à l'unanimité et règle définitivement un problème qui était pendant depuis des années.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai ! C'est un mensonge !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si le parti socialiste l'a voté à l'Assemblée nationale, c'est qu'il trouvait que cet amendement était juste ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Le second exemple concerne l'infraction de travail clandestin, sur laquelle la polémique n'a pas davantage lieu d'être. De quoi s'agit-il ? Il existe actuellement, dans le code du travail, une disposition, introduite en 1984 - le gouvernement était socialiste ! -, qui interdit à tout étranger d'exercer un emploi salarié sans en avoir l'autorisation. Cette mesure est destinée à protéger le marché du travail des ressortissants français, mais aussi, ne l'oublions pas, celui des nombreux immigrés présents sur le territoire français et qui sont, eux aussi, touchés par le chômage.

Lorsque l'étranger n'est pas en situation irrégulière au regard du séjour, parce qu'il est touriste ou visiteur, l'interdiction d'exercer un emploi salarié prévue dans le code du travail n'est assortie d'aucune sanction. Une interdiction sans sanction ! En effet, l'infraction de séjour irrégulier n'étant pas constituée, des filières se sont spécialisées dans la rotation trimestrielle de travailleurs clandestins, jamais punissables car toujours titulaires d'un visa de tourisme.

L'amendement voté à l'Assemblée nationale permet de faire, dans notre pays, ce qui se fait dans tous les autres : si un étranger ne respecte pas la règle et se livre à d'autres activités que celles pour lesquelles son séjour a été autorisé, il doit repartir dans son pays.

Vous conviendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faut une dose gigantesque de mauvaise foi ou d'incompétence...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes le seul compétent !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... pour qualifier de « double peine » cette règle de bon sens.

M. Jacques Mahéas. Il est vrai que Zorro est arrivé !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si un étranger qui obtient un titre de séjour l'autorisant à venir chez nous mais lui interdisant de travailler ne respecte pas cette règle, au nom de quoi devrait-il rester sur notre territoire ? Le ministre de l'intérieur, quel que soit le gouvernement, est là pour faire appliquer la loi : désormais, quand on entrera en France avec un visa de tourisme et l'interdiction de travailler et que l'on travaillera, on repartira chez soi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Cette règle est une règle républicaine et juste.

Le débat que nous aurons sur chacun des articles de ce texte nous permettra d'en examiner le détail. A ce stade de la discussion générale, je souhaite seulement en mentionner les principales dispositions.

La lutte contre les filières d'immigration clandestine constitue un volet important du texte. Les sanctions contre les passeurs et les transporteurs sont renforcées.

Les maires auront - enfin ! - la possibilité de contrôler les attestations d'accueil, ce qui permettra de distinguer ceux qui hébergent de bonne foi et les organisateurs de filières, plutôt que de refuser à tout le monde la validation de son attestation. Ce sont les familles qui en profiteront.

Depuis quand les maires, de gauche comme de droite, réclament-ils de pouvoir vérifier que les attestations ne soient pas des attestations bidons ? Le maire d'une ville de la région parisienne m'a montré une attestation d'accueil : un deux-pièces avait servi à la délivrance de quatre-vingts attestations d'accueil, dans la même année !

M. Jacques Mahéas. On aurait dû s'en apercevoir plus tôt !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Devons-nous tolérer cette situation ? Les Français sont-ils au courant de cette réalité ?

Un fichier des empreintes digitales des demandeurs de visas sera créé afin de pouvoir retrouver l'identité et l'origine de ceux qui entrent en France grâce à un visa de court séjour et s'y maintiennent en détruisant leurs papiers.

M. Le Pen a tort : l'immigration clandestine ne vient pas de la porosité de nos frontières, on entre régulièrement en France, mais on s'y maintient irrégulièrement. C'est la question du visa de tourisme.

Un certain nombre de personnes entrent en France avec un visa de tourisme de trois mois, déchirent ou perdent ce visa, et oublient, comme par hasard, la destination dont ils viennent. Lorsque la police de l'air et des frontières les arrête, elle ne peut les reconduire, pour deux raisons : premièrement, nous n'avons aucune preuve pour obtenir des visas des pays d'origine ; deuxièmement, quand on ne sait pas d'où on vient, il est difficile de vous y ramener !

Le fichier d'empreintes digitales pour les demandeurs de visa de tourisme sera une aide particulièrement humaine pour ceux qui auront perdu la mémoire. Une comparaison des empreintes avec le fichier permettra d'aider ceux qui ont perdu leur chemin à le retrouver et sera une preuve bien utile pour que les pays d'origine soient obligés de nous accorder un visa consulaire de retour.

Voilà une petite mesure, mais qui va permettre, sans aucune contestation, de lutter contre le phénomène des sans-papiers, qui proviennent, pour l'essentiel, de visas de tourisme qui ont été détournés de leur mission originelle.

Les titres de séjour octroyés à des conjoints de Français, je le disais voilà quelques instants, ont augmenté de 400 % entre 1998 et 2002 ! La suppression par la loi RESEDA de la condition de séjour régulier pour obtenir, dans ce cas, un titre de séjour a en effet accru de manière spectaculaire l'intérêt des mariages de complaisance. Pour contrer ce phénomène en inquiétante augmentation, le projet de loi allonge de un à deux ans le délai de vie commune nécessaire pour l'obtention de la carte de résident. Il prévoit, c'est le moins, que les officiers d'état civil auront la possibilité de s'entretenir avec les futurs époux et de leur demander d'établir le caractère régulier de leur séjour.

N'est-il pas normal, mesdames, messieurs les sénateurs, de demander à quelqu'un qui va acquérir la nationalité française par le mariage de justifier de la régularité de son séjour dans notre pays ? En cas de séjour irrégulier, le procureur de la République pourra être saisi et enquêter sur la réalité de l'intention matrimoniale.

Enfin, il est créé un délit d'organisation ou de participation à des mariages de complaisance. Cette mesure est attendue par des victimes qui ne disposent pas actuellement d'une voie de droit pénal contre les personnes qui les ont ainsi trompées.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Selon l'adage : « En mariage, trompe qui peut ! »

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Enfin, le projet de loi comporte une réforme très importante de la procédure de rétention préalable à l'éloignement.

La France réalise l'exploit d'avoir, dans ce domaine, la procédure la plus courte et la plus compliquée de toute l'Union européenne. Avec douze jours de rétention et au minimum trois procédures juridictionnelles devant deux ordres de juridiction différents, notre pays n'a aucune chance, à l'heure actuelle, de réussir les éloignements difficiles, c'est-à-dire la majorité, soit en raison de la faible coopération du pays d'origine, soit parce que l'étranger fait obstacle à son identification.

Entre 1998 et 2002, le taux d'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière s'est ainsi effondré, passant de 25 % à 16,7 %, avec 10 000 reconduites effectives par an.

Le Gouvernement précédent a-t-il dit aux Français que sa politique consistait à ne pas exécuter les décisions de reconduite à la frontière ? Y a-t-il eu un débat national dans notre pays au terme duquel un gouvernement a été autorisé à ne pas appliquer la loi et les décisions de reconduite à la frontière ?

Est-il normal que le bilan du gouvernement précédent en la matière soit passé de 25 % d'exécution effective des décisions de reconduite à 16 % ? Qui l'a dit aux Français ?

Quand les Français ont-il autorisé à s'abstenir d'appliquer la loi et d'exécuter les décisions ? Qui a autorisé ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

A quel moment, en cinq ans, le gouvernement précédent a-t-il rendu des comptes aux Français en leur disant : « Voilà, nous avons décidé de baisser les bras et de ne plus exécuter les décisions de reconduite aux frontières » ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Si les Français nous avaient autorisés à mener cette politique, ou plutôt cette absence de politique, alors je le comprendrais. Mais le plus choquant dans cette affaire n'est pas tant la démission d'un gouvernement, c'est qu'à aucun moment on n'a demandé aux Français s'ils étaient d'accord avec cette démission et cette absence de politique ! (Applaudissements sur les mêmes travées. - Protestations sur les mêmes travées.)

Voilà où est l'absence de transparence. Voilà où est le bilan accablant.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En deux ans, qu'avez-vous fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On peut avoir des engagements idéologiques différents. On peut avoir des idées généreuses. On peut avoir la noblesse de dire - pourquoi pas ? : « La France doit être ouverte à tous les vents. » Ce n'est pas criminel de le dire, c'est une orientation politique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ce qui est moins glorieux, c'est de ne rien dire, de ne rien faire et, dans le dos des Français, de refuser, lorsqu'on est le Gouvernement de la République, d'appliquer des décisions de reconduite aux frontières.

A droit constant, le nombre de décisions, depuis le début de l'année 2003, a augmenté de plus de 12 %. J'ai par ailleurs demandé à chaque préfet de département de fixer comme objectif le doublement des reconduites effectivement exécutées.

Si une décision de reconduite est prise, elle doit être appliquée. C'est le respect de la loi. Si elle ne l'est pas, c'est que nous ne sommes plus dans un Etat de droit.

Ainsi, l'Allemagne, qui a un gouvernement socialiste et vert, sur l'année 2002 - hommage soit rendu à M. Schröder - a raccompagné 30 000 personnes en situation irrégulière,...

Mme Nicole Borvo. Les bons points et les mauvais points, laissez les électeurs en juger !

M. Jacques Mahéas. Ce ce sont pas les mêmes !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... alors même que la France n'en raccompagnait que 10 000. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Je ne vois pas au nom de quoi ce qu'a fait un gouvernement socialiste et vert, un autre gouvernement de gauche ne le ferait pas, à moins de considérer que nos socialistes seraient les moins bons d'Europe,...

M. Jean Chérioux. Vous avez raison !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... ce que je me garderai d'affirmer, laissant à la Haute Assemblée le soin d'émettre un jugement équilibré sur cette intéressante question ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Quant à l'Italie, elle a reconduit 25 000 personnes.

Le projet de loi que propose le Gouvernement portera à trente-deux jours le délai de rétention. Mais, mesdames et messieurs les sénateurs, avec trente-deux jours, nous resterons le pays qui, avec le Danemark, aura la durée de rétention la plus faible.

On me dit que trente-deux jours, ce n'est pas respecter les droits de l'homme. Intéressons-nous un instant à cette question.

Ceux qui ne respectent pas les droits de l'homme sont ceux qui vivent dans une dictature. Que pensez-vous alors de l'Italie où le délai de rétention est de deux mois, et de la Belgique, grande dictature s'il en est, où le délai de rétention est de huit mois ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Silvio Berlusconi est un grand démocrate !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Que pensez-vous, monsieur Dreyfus-Schmidt, de l'Allemagne socialiste, où le délai de rétention est de dix-huit mois ? (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)

Et que penser de cette grande dictature qu'est la Grande-Bretagne où, tenez-vous bien, mesdames et messieurs les sénateurs, le délai de rétention est illimité, comme en Finlande et aux Pays-Bas, pays eux aussi connus pour le non-respect des droits de l'homme !...

Au nom de quoi la France devrait-elle recevoir des leçons, et de qui, alors qu'avec trente-deux jours elle aura le délai de rétention le plus court de toute l'Union européenne ?

La conception qui est la nôtre de la France, c'est de ne pas en faire le maillon faible de la lutte contre les réseaux criminels d'immigration clandestine.

Pour ce qui est des éloignements forcés, les éloignements groupés avaient donné lieu à de nombreuses polémiques. On suspectait la police de brutalités (Mme Nicole Borvo s'exclame), oubliant que l'on parle de la police républicaine, que je défendrai toujours, madame Borvo.

Mme Nicole Borvo. Moi aussi, quand elle est républicaine !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je n'accepterai pas que des fonctionnaires soient insultés par qui que ce soit et vous trouverez toujours le Gouvernement pour défendre les fonctionnaires et la fonction publique dont vous parlez bien souvent, madame la sénatrice, en les mettant en cause.

Mieux que cela : puisque les retours groupés étaient suspectés (M. Jacques Mahéas s'exclame), j'ai proposé, et c'est le cas maintenant, qu'il n'y ait pas un seul éloignement groupé sans qu'une association ne soit dans l'avion pour vérifier que tout se passe conformément aux droits de l'homme.

Des retours groupés, il y en a maintenant toutes les semaines et la Croix-Rouge, avec courage, honnêteté et quelle dignité, a accepté de jouer ce rôle d'observateur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avez-vous remarqué, que, depuis que nous agissons ainsi, il n'y a plus aucune polémique, alors que les retours groupés n'ont jamais été aussi nombreux ?

Cela signifie que l'on peut être ferme et humain là où nos prédécesseurs étaient laxistes et opaques.

A la polémique et à l'inefficacité, je vous propose que nous substituions la fermeté et la transparence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

D'ailleurs, je dis aux autres associations que, si elles veulent monter dans nos avions de retour, surtout qu'elles ne se gênent pas, à moins que cela ne soit trop difficile pour leur regard ou qu'elles ne contestent l'idée même que la France puisse renvoyer des clandestins !

Mais, dans ce cas, ayons ce débat devant les Français. Si nous n'avons pas le droit de renvoyer chez eux les clandestins, pourquoi arguer qu'ils sont des clandestins ? Autant leur dire : bienvenue et continuez !

Il n'y a pas de politique crédible de maîtrise des flux migratoires si celle-ci n'est pas adossée à la mise en oeuvre inflexible des éloignements décidés en application de la loi.

Qu'il me soit permis d'ajouter en ce qui concerne le tribunal de Bobigny, tribunal qui a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps...

M. Jacques Mahéas. Un peu de votre faute !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On ne peut pas, même quand on s'appelle M. Mahéas, à la fois refuser de siéger dans la salle d'audience de Roissy et se plaindre de l'absence de policiers pour encadrer les audiences alors même que le fait de siéger à Roissy économiserait soixante policiers par jour !

La vérité, c'est que les policiers n'ont jamais manqué à leur devoir d'escorte.

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas ce que dit le président du tribunal !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et si certaines audiences étaient plus longues, il n'y aurait pas de difficulté.

Je ne peux pas accepter qu'un magistrat, quel qu'il soit, ait décidé de relâcher en toute connaissance de cause des délinquants que la police avait eu bien du mal à arrêter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Cela aussi, les Français ne sont pas prêts à l'accepter. Personne n'a obligé ce magistrat à relâcher des délinquants !

M. Jacques Mahéas. Là, vous avez raison !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il était libre de le décider. Eh bien, qu'il assume cette décision !

M. Jean Chérioux. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ajoute que, puisqu'il y a manifestement trop de travail à Bobigny, le Gouvernement proposera d'accélérer la mise en place de la salle d'audience de Roissy.

M. Jacques Mahéas. Du tribunal !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ainsi, il y aura moins de travail à Bobigny, puisque l'on travaillera également à Roissy.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cela fera soixante policiers de plus par jour dans la rue au bénéfice des populations que vous représentez.

M. Jean Chérioux. Très bien !

M. Jacques Mahéas. Il en manque beaucoup, c'est vrai !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La maîtrise de l'immigration est en effet une condition impérative de l'intégration des étrangers. Cette dernière fait l'objet de plusieurs dispositions.

La première d'entre elles crée une condition d'intégration de l'étranger dans la société française pour pouvoir accéder au statut de résident de longue durée, c'est-à-dire au droit définitif d'installation sur le territoire français.

En quoi est-il choquant de demander à quelqu'un qui veut s'installer définitivement sur le territoire français de prouver qu'il a l'entière volonté et toutes les capacités d'intégration sur notre territoire ?

Je reconnais bien volontiers que c'est un changement majeur dans l'équilibre de l'ordonnance de 1945, il n'en est pas moins heureux. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Dès lors qu'un étranger souhaite installer durablement sa résidence en France, il est légitime de lui demander d'apporter la preuve des efforts qu'il est prêt à faire ou qu'il a faits pour s'intégrer dans la société française. La condition d'intégration sera appréciée au bout de cinq ans, notamment au regard de sa connaissance de la langue française et des principes qui régissent la République française, en particulier les principes de liberté, d'état de droit, de laïcité, d'égalité entre les femmes et les hommes. C'est quand même le moins que l'on puisse demander !

Pour les étrangers arrivant en France par le biais du regroupement familial, le délai d'accès à la carte de résident sera réduit à deux ans dès lors que le regroupant sera lui-même titulaire de cette carte et que la condition d'intégration sera satisfaite.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour conforter leur situation !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais c'est tout le contraire ! Il faut être éloigné des réalités du terrain pour ne pas comprendre ce qui est pourtant simple !

M. Jacques Mahéas. Il vaut mieux être à Neuilly-sur-Seine, c'est sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Aujourd'hui, que se passe-t-il ? Un certain nombre de femmes sont condamnées à la réclusion dans des appartements.

Mme Nicole Borvo. Allez voir chez les diplomates, il y en a beaucoup !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Elles viennent en France au titre du regroupement familial et personne ne se soucie de savoir si elles apprennent le français ou si elles s'intègrent puisque la carte de long séjour, pour elles, est uniquement fonction du statut de leur mari.

Désormais, ces femmes ne seront plus condamnées à rester chez elles puisque leurs maris n'obtiendront pas la carte de long séjour pour leurs femmes si elles ne démontrent pas qu'elles ont rempli les conditions d'intégration. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

On sera obligé de leur permettre d'apprendre le français...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et à faire du cassoulet !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et de sortir d'un domicile devenu une prison !

Ce que propose M. Dreyfus-Schmidt, c'est de laisser ces femmes prisonnières dans une cellule familiale...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en reparlera !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... qui n'est pas une famille, mais qui est en vérité une prison et une arriération !

Mme Nicole Borvo. Allez voir chez les diplomates !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà la réalité que nous connaissons aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Dans le même esprit, le projet de loi comporte un dispositif destiné à prévenir le mariage forcé des jeunes filles issues de l'immigration, qui est un problème extrêmement angoissant.

En cinq ans, les mariages mixtes célébrés à l'étranger ont augmenté de 44 %. L'Etat n'a aucun moyen de contrôle sur ces mariages, qui peuvent être célébrés devant n'importe quel officier de l'état civil étranger.

Ces mariages, notamment pendant les vacances d'été où on amène des jeunes filles au pays pour les marier de force, ne confèrent des droits en France que s'ils sont transcrits dans les consulats. Mais cette transcription ne donne lieu actuellement à aucune vérification : la présence des époux n'est même pas exigée !

Je regrette que le gouvernement précédent, en cinq années, ne se soit pas rendu compte de cette faille béante qui pèse lourdement sur le destin des jeunes filles issues de l'immigration.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Pasqua non plus !

M. Jean Chérioux. Ils se cachent derrière Pasqua maintenant !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comment peut-on donner des leçons de droit de l'homme dans les colloques, entre soi, quand on oublie, à l'évidence, cette réalité ?

De plus en plus de jeunes filles issues de l'immigration ou candidates à l'immigration, sur injonction de leur famille, sont victimes chaque année de mariages forcés célébrés l'été à la faveur des vacances.

Pour lutter contre ce phénomène, le projet de loi prévoit l'obligation pour les futurs époux de se présenter personnellement au consulat afin que la réalité de l'intention matrimoniale et du consentement puisse être examinée par un fonctionnaire français.

Avec ce projet de loi, nous proposons enfin une réforme de la législation sur les mesures d'expulsion et la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, mieux connue sous le terme, juridiquement faux par ailleurs, de « double peine ».

Notre pays prononce chaque année environ 7 500 mesures d'expulsion et d'interdiction du territoire français. Plus de 90 % d'entre elles concernent des étrangers dont les liens avec la France sont ténus, voire inexistants, soit qu'il s'agisse d'étrangers en situation irrégulière qui, par définition, n'ont pas de famille française, soit qu'il s'agisse de délinquants venus sur notre territoire uniquement pour y commettre des crimes et délits. Ces personnes continueront d'être éloignées.

Le point de vue du Gouvernement est clair : les étrangers qui commettent des délits seront systématiquement explusés.

M. Georges Othily. Bravo !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il y aura donc trois catégories de situations.

En premier lieu, lorsqu'un Français commet un crime ou un délit, ce Français effectue sa peine d'emprisonnement et reste en France.

En deuxième lieu, lorsqu'un étranger commet un crime ou un délit, cet étranger effectue sa peine de prison et sera expulsé sans faiblesse.

D'ou vient le problème, et quelle est la question ? Le problème vient du troisième cas de figure qui concerne ceux qui sont étrangers juridiquement, mais qui sont Français dans les faits.

Etranger juridiquement, par exemple, le frère Chalabi, né en France mais juridiquement Algérien, et qui n'a pas vécu une semaine en Algérie. Doit-on le considérer comme étranger alors même que l'Algérie refuse de le reprendre, puisqu'il n'a aucun lien avec ce pays et qu'il est né en France ?

Autre exemple : M. Bouchelaleg, Marocain, arrivé en France très jeune, à l'âge de quatre ou cinq ans, marié à une Française, père de six enfants, donc Français. N'en déplaise à M. Le Pen, le droit du sol cela existe !

Que fait-on dans ces cas-là ? Ce sont eux qui sont visé par la réforme que je vous propose. J'aimerais m'en expliquer. J'aimerais faire comprendre à chacun que c'est, pour moi, un devoir de conviction.

Une politique doit être ferme et en même temps juste. Plus exactement, mesdames et messieurs les sénateurs, une politique peut être ferme parce qu'elle est juste, les deux termes sont intimement liés.

Or, je l'affirme, il n'est pas juste de punir ceux qui n'y sont pour rien parce qu'ils n'ont pas choisi d'avoir un père qui est délinquant, qui commet une faute. Si Bouchelaleg est un trafiquant de drogue, il doit accomplir sa peine de prison, mais les six enfants de Bouchelaleg, Français, et la femme de Bouchelaleg, Française, n'ont pas à être privés de père ou de mari. Le membre de la famille qui a fauté, c'est celui qui paie par la peine de prison. Ce ne sont ni les gosses ni la femme. (M. Jean-Jacques Hyest applaudit.)

J'ajoute, monsieur le sénateur, et je veux le dire avec beaucoup de force, que, non seulement, c'est injuste...(M. Jacques Mahéas s'exclame.)

Monsieur Mahéas, c'est un sujet sérieux, difficile.

M. Jacques Mahéas. Pour une fois qu'on est d'accord !

M. Jean Chérioux. Quelle chance : il est d'accord ! La République est sauvée !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un problème de conscience pour chacun de vous et je vous respecte tous, y compris si vous n'avez pas le même avis. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)

J'essaie d'expliquer pour que vous compreniez bien de quoi il s'agit : non seulement la double peine, telle qu'elle est nommée, est injuste, parce qu'elle vise à punir des enfants et une femme qui n'y sont pour rien, mais, de plus, elle est totalement inefficace, et je vais essayer de le démontrer.

Quand quelqu'un est expulsé après avoir purgé sa peine de prison alors que tous ses intérêts, toute sa famille sont en France, qu'il n'a jamais mis les pieds en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, comment peut-on penser que, dans les jours qui suivent son expulsion, il n'aura pas la tentation de revenir ? Croyez-vous que M. Bouchelaleg, qui a quarante-deux ans et est expulsé vers le Maroc, restera vivre au Maroc, qu'il a quitté à l'âge de quatre ans, alors que ses six gosses et sa femme vivent en France ? Et qui pourrait proposer d'expulser sa femme ou ses enfants, qui sont Français et n'ont commis aucune faute ?

Ainsi, non seulement cette « double peine » est injuste et cruelle pour les femmes et pour les enfants, mais, de plus, elle est parfaitement inapplicable. (MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jacques Mahéas applaudissent.)

En outre, cette « double peine », injuste et inefficace, nous empêche de débattre des vrais problèmes que sont le mariage blanc, la lutte contre les attestations de complaisance, la durée de la rétention, parce que, en opérant un amalgame comme les aime la société française, on retient une injustice et on pollue tout un sujet, en l'occurrence la lutte contre l'immigration clandestine.

Ce que propose le Gouvernement, c'est d'attaquer l'immigration clandestine en évitant que cette action ne soit polluée par des injustices, injustices que nos prédécesseurs auraient dû lever, ce qu'ils n'ont pas eu le courage de faire.

M. Jacques Mahéas. En novembre 2002, nous avons déposé un texte !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais vous avez été contre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je me souviens de ce qu'a dit M. Jospin pendant la campagne présidentielle : « J'aimerais modifier la "double peine", mais les Français ne sont pas prêts. »

Je tiens à dire que je suis aux antipodes de ce raisonnement. Le rôle d'un homme politique n'est pas de suivre l'opinion publique. C'est de convaincre celle-ci et de lui montrer, par un effort pédagogique, qu'une injustice n'a aucune justification.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voici la démarche que vous propose le Gouvernement : avoir une politique de l'immigration ferme et, en même temps, lever une injustice inutile. Toutes les injustices sont inutiles, mais celle-là l'est tout particulièrement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est utile pour notre pays. C'est un texte courageux et équilibré, et l'équilibre est sans doute ce qui est le plus nécessaire pour un pays comme le nôtre. (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des lois, vous dressiez le constat suivant : « L'immigration est l'une des questions de société à propos de laquelle la confiance de nos compatriotes dans l'Etat s'est le plus effondrée. » Ce constat, que je fais mien, est la conséquence du renoncement de notre pays depuis plusieurs années à définir une politique migratoire.

Or, face aux perspectives démographiques, à l'émergence d'un monde de plus en plus ouvert à la libre circulation des idées et des biens et aux défis de l'intégration, la nécessité d'une telle politique est encore plus urgente.

Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France qui nous est soumis s'inscrit dans une action globale engagée depuis plusieurs mois par le Gouvernement.

La création du contrat d'accueil et d'intégration, en accompagnant les primo-arrivants, doit favoriser leur intégration. Il doit les guider, dès leur entrée sur le territoire français, vers un parcours qui peut les mener à la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, concrétisation d'un désir d'installation durable en France.

Par ailleurs, le projet de loi réformant le droit d'asile, en cours d'examen au Sénat, tend à rendre à ce droit fondamental sa fonction première de protection après qu'il a été détourné de son objet pendant plusieurs années par des étrangers en situation irrégulière désireux de se maintenir sur notre territoire en se jouant de notre législation.

Enfin, au niveau européen, l'harmonisation des politiques d'immigration s'accélère depuis le sommet qui a eu lieu à Séville, sous présidence espagnole, en juin 2002.

Ce projet de loi est donc le quatrième pilier d'une nouvelle politique migratoire. Il est aussi l'instrument, par la logique qui l'anime, qui donnera tout leur effet aux actions engagées par le Gouvernement. Il en est la synthèse.

Modifié par l'Assemblée nationale, il comprend soixante-dix-huit articles regroupés en cinq titres selon les textes modifiés : l'ordonnance du 2 novembre 1945, le code du travail, le code civil, le code pénal et le code de procédure pénale, un dernier titre traitant de dispositions diverses.

Sans rappeler l'ensemble des dispositions de ce projet de loi, je tiens à mettre en évidence les trois grands axes qui s'en dégagent, tous orientés vers un seul objectif : intégrer les étrangers résidant régulièrement en France.

Le premier objectif vise à renforcer le contrôle des flux migratoires, ce qui signifie maîtriser les entrées sur le territoire français et éloigner rapidement les étrangers en situation irrégulière.

Actuellement, la France n'a plus les moyens de décider qui elle accueille. Outre le fait que l'immigration clandestine alimente le travail illégal et sape l'autorité de l'Etat, elle fragilise l'intégration des étrangers en situation régulière par effet d'amalgame.

Certains indicateurs permettent d'évaluer le flux annuel d'étrangers en situation irrégulière. En 2001 et 2002, environ 80 000 demandes d'asile ont été déposées. Le taux de rejet avoisinant les 90 %, les déboutés sont chaque année au nombre de 70 000. S'y ajoutent les irréguliers qui ne déposent pas de demandes d'asile. Le chiffre de 100 000 clandestins par an n'est donc pas absurde. Comme l'indiquait le ministre de l'intérieur, le chiffre habituellement cité de 30 000 clandestins par an, évalué dans les années 1996-1997, n'a plus aucune signification.

En outre, comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, le taux d'exécution des mesures d'éloignement ne dépasse pas 20 %.

Ce projet de loi apporte sur ce point plusieurs améliorations.

Afin de mettre un terme au détournement massif dont sont l'objet les visas de court séjour, le régime de l'attestation d'accueil est renforcé. Tout étranger séjournant moins de trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée devra présenter cette attestation validée par le maire agissant comme agent de l'Etat. Celui-ci pourra refuser de le faire si les conditions de logement sont insuffisantes ou si des attestations délivrées antérieurement font apparaître un détournement de la procédure. Quant à l'hébergeant, il est responsabilisé puisqu'il s'engage, en demandant l'attestation, à prendre en charge les frais de séjour de l'étranger et son rapatriement si ce dernier n'y pourvoit pas.

Les étrangers séjournant en France auront également à souscrire une assurance couvrant toutes les dépenses médicales ou hospitalières engagées pendant la durée de validité de leur visa de court séjour. L'objectif est de mettre fin au « tourisme médical », qui consiste pour certains étrangers, souvent âgés, à venir en France à l'occasion d'une visite familiale pour y rester et bénéficier gratuitement de soins médicaux.

Afin de lutter contre la fraude documentaire, les consulats pourront surseoir à statuer pendant un délai de quatre mois renouvelable une fois lorsqu'un doute sur l'authenticité des documents d'état civil étrangers apparaîtra.

Enfin, les amendes dont sont passibles les transporteurs qui débarquent des étrangers démunis des documents de voyage requis sont augmentées.

La seconde faille dans le contrôle des entrées se situe aux frontières elles-mêmes. Le projet de loi modifie les procédures de non-admission sur le territoire et de maintien en zone d'attente.

L'interprétariat pourra se faire par des moyens de télécommunications. Les audiences devant le juge des libertés et de la détention seront organisées dans une salle d'audience spécialement aménagée à proximité de la zone d'attente. Le ministère public aura la possibilité de demander le caractère suspensif de l'appel des ordonnances de non-prolongation du maintien en zone d'attente rendues par le juge.

Le projet renforce également les sanctions à l'encontre des passeurs et des filières d'immigration clandestine.

Indirectement, plusieurs dispositions relatives à la lutte contre le travail illégal renforcent, elles aussi, la lutte contre les filières. L'article 19 bis met ainsi à la charge de l'employeur les frais de rapatriement de l'étranger salarié dépourvu d'autorisation de séjour. Les inspecteurs du travail sont également habilités à constater des infractions au séjour et à relever l'identité et l'adresse des auteurs des infractions qu'ils sont chargés de constater.

A l'autre bout de la chaîne, les procédures d'éloignement sont rénovées, dans le respect des droits des étrangers.

Le relevé des empreintes digitales des étrangers interceptés lors du franchissement des frontières extérieures Schengen et des demandeurs de visas est instauré. Cela permettra d'identifier rapidement et avec certitude les étrangers qui se seront maintenus au-delà de la durée de validité du visa touristique ou les clandestins récidivistes qui auront réussi à passer nos frontières après des tentatives infructueuses. De la même façon, la délivrance du laissez-passer sera difficile à refuser par le consulat.

Une autre mesure devant faciliter l'obtention d'un laissez-passer est l'allongement de la durée de rétention, actuellement de douze jours au maximum, à trente-deux ou vingt-deux jours selon les motifs de la prolongation. Cet allongement conséquent permettra aux services de la police aux frontières de mieux organiser les éloignements, de faire face à toutes les étapes de la procédure jusqu'alors enserrées dans des délais très brefs et, surtout, d'obtenir un plus grand nombre de laissez-passer dans les délais impartis.

Le second axe du projet de loi concerne précisément l'intégration des étrangers en situation régulière.

Pour la première fois, la notion d'intégration dans la société française est introduite dans notre droit et devient une condition d'accès à la carte de résident. Le suivi du contrat d'accueil et d'intégration sera l'un des critères d'appréciation. La carte de résident, synonyme d'installation durable en France, ne pourra plus s'acquérir par la simple capitalisation des années : elle devra concrétiser une volonté d'intégration.

L'Assemblée nationale a précisé que cette condition d'intégration pourrait être justifiée, notamment, par la connaissance suffisante de la langue française et des valeurs de la République française de l'intéressé ou par son comportement au regard de l'ordre public.

Dans un même objectif d'intégration, la carte de résident ne devrait plus être délivrée de plein droit aux membres de la famille d'un étranger, lui-même titulaire d'une carte de résident, et autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial. Par conséquent, le conjoint et les enfants d'un étranger entrés sur le territoire français dans le cadre du regroupement familial devront désormais obtenir, dans tous les cas, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », quel que soit le titre de séjour du regroupant.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour conforter leurs droits !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme pour la délivrance des attestations d'accueil, le projet de loi propose un renforcement du rôle du maire dans l'octroi des titres de séjour. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

En premier lieu, le maire devrait participer davantage à la procédure de contrôle des conditions de logement et de ressources nécessaires pour qu'un étranger bénéficie du regroupement familial.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En second lieu, un maire sera membre de la commission du titre de séjour, laquelle pourra également entendre le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné.

Cette commission est simultanément renforcée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien voilà !

M. Alain Gournac. C'est une bonne mesure !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. D'autres dispositions, afin notament de lutter contre les mariages de complaisance et les détournements du droit de la nationalité, contribuent également à sauvegarder la sincérité de l'obtention d'une carte de résident ou de l'acquisition de la nationalité française.

Ainsi, l'exigence de la communauté de vie entre les époux, déjà en vigueur entre 1993 et 1997, sera rétablie pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire.

Par ailleurs, la durée de mariage exigée d'un ressortissant étranger conjoint de Français pour obtenir une carte de résident de dix ans serait portée de un à deux ans.

En second lieu, le présent projet de loi tend à créer un délit spécifique relatif à la participation volontaire à un mariage de complaisance ou à son organisation.

En troisième lieu, lors des mariages célébrés en France, l'officier de l'état civil faisant face à un éventuel mariage frauduleux pourra désormais informer le représentant de l'Etat et saisir le procureur de la République, qui disposera de délais plus longs pour surseoir à la célébration et diligenter une enquête.

L'Assemblée nationale a également conforté cette logique en subordonnant la publication des bans à l'audition, commune ou séparée si cela est nécessaire, des futurs époux par l'officier de l'état civil. Cette audition devra également garantir une meilleure détection des mariages forcés.

En matière d'acquisition de la nationalité, les députés ont adopté une série de mesures tendant à remédier aux faiblesses actuelles du droit de la nationalité.

L'Assemblée nationale a élargi la possibilité de déchéance de la nationalité française aux individus ayant commis certaines infractions antérieurement à l'acquisition de la nationalité française et a fixé à deux ans la durée de mariage nécessaire au conjoint étranger de Français pour obtenir la nationalité française par déclaration.

Il a par ailleurs été ajouté un critère supplémentaire de connaissance suffisante des avantages et responsabilités conférés par la citoyenneté pour être naturalisé.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Là aussi, pour les conforter dans leurs droits ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette clarification des règles d'acquisition de la nationalité est conforme à la logique d'intégration du texte initial développée pour l'accès des étrangers à la carte de résident. Il s'agit bien de souligner l'importance de l'acquisition de la nationalité française et des droits induits en instaurant une plus grande exigence dans ses conditions d'obtention.

Enfin, le troisième axe du projet de loi, en réformant la législation relative aux arrêtés d'expulsion et aux peines d'interdiction du territoire français, reconnaît la situation particulière de certains étrangers qui, par leurs liens particuliers avec notre nation, sont en réalité des « étrangers de France », pour reprendre l'expression employée par le pasteur Jean Costil, au cours de son audition par la commission des lois.

Précisons tout de suite que le dispositif de la « double peine » n'est pas en soi contestable. L'arrêté d'expulsion et la peine d'interdiction du territoire français permettent de renvoyer des délinquants étrangers dans leur pays d'origine et offrent à la France un moyen efficace d'éviter la récidive. L'interdiction du territoire français n'est ni le seul cas de peine complémentaire en France ni l'unique peine discriminatoire en fonction de la nationalité. De plus, tous les pays européens ont une pratique identique à celle de la « double peine ».

Toutefois, comme l'a souligné M. le ministre, la « double peine » peut s'avérer extrêmement sévère pour l'étranger qui a tissé des liens particulièrement étroits avec la France. La gravité des conséquences de l'éloignement, tant pour l'étranger que pour sa famille, ainsi que l'apparente inefficacité de la mesure dans certains cas ont conduit à la nécessité de réformer la double peine.

L'élément central de la réforme est la création de protections absolues pour les étrangers ayant les liens familiaux et personnels les plus forts avec la France, en matière tant d'expulsion que d'interdiction du territoire français.

Ainsi, pourrait désormais être protégé l'étranger qui réside habituellement en France depuis l'âge de treize ans, qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ou qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui y a fondé une famille en ayant des enfants français ou en étant marié avec un ressortissant français ou un étranger résidant en France depuis son enfance.

Quelques exceptions sont prévues. Cette protection se limite aux infractions ou comportements particulièrement graves qui remettent en cause la sincérité de l'attachement que l'étranger pourrait avoir à l'égard de la France.

Le projet de loi maintient par ailleurs l'existence des protections relatives mais en modifiant quelque peu les bénéficiaires, par coordination avec la création de protections absolues.

Dans le souci d'assurer la prise en compte de ces protections lorsque sont prononcées des mesures d'éloignement, le projet de loi prévoit qu'une enquête sociale préalable soit désormais obligatoirement demandée par le procureur de la République lorsqu'il envisage de requérir une peine d'interdiction du territoire français contre un étranger ayant déclaré appartenir à l'une des catégories protégées contre une telle mesure d'éloignement.

Il est également nécessaire de permettre aux étrangers de se réinsérer dans la société et de leur offrir une chance de s'amender.

Ainsi, en matière d'expulsion, une assignation à résidence devrait pouvoir être octroyée « à titre exceptionnel et dérogatoire » à un étranger dans l'espoir qu'il puisse obtenir, à terme, une abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet, en l'absence de nouveaux troubles de l'ordre public. Elle permet ainsi de créer une forme d'« expulsion avec sursis » ; cette assignation à résidence devrait principalement être délivrée aux étrangers susceptibles de bénéficier d'une protection relative contre les mesures d'éloignement.

L'article 38 bis du projet de loi prévoit également la possibilité pour un étranger condamné à une peine complémentaire d'interdiction du territoire de bénéficier d'un sursis avec mise à l'épreuve. Il s'agirait ainsi de créer une « peine d'interdiction du territoire conditionnée » reposant sur la même logique que l'« expulsion avec sursis ».

La réforme de la « double peine » vise également à assouplir les régimes d'abrogation des arrêtés d'expulsion et de relèvement des peines d'interdiction du territoire français.

Les motifs des arrêtés d'expulsion feront l'objet d'un réexamen automatique tous les cinq ans. Cette nouvelle procédure vise principalement à ouvrir le réexamen de la situation d'étrangers qui résident clandestinement en France depuis de nombreuses années et qui ne peuvent obtenir l'abrogation de l'arrêté d'expulsion. En effet, cette dernière n'est actuellement possible que si l'étranger réside hors de France.

Certains détracteurs de ce projet de loi estimeront qu'il s'agit d'un énième texte relatif aux étrangers et qu'il épouse, comme les précédents, le rythme des alternances politiques.

Pourtant, il n'en est rien, bien au contraire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah bon !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce projet de loi échappe aux deux écueils qui guettent souvent les débats relatifs à l'immigration : l'immigration « zéro » et l'ouverture totale et inconsidérée de nos frontières. Il s'agit d'un texte équilibré.

Mais, comme vous le faisiez remarquer lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, cet équilibre ne signifie pas transformer deux idées fortes en deux idées faibles. Au contraire, il consiste à porter deux idées fortes, en l'espèce lutter contre l'immigration irrégulière et encourager l'intégration, au bénéfice entier des étrangers en situation régulière en France.

J'ajouterai, mes chers collègues, que ce texte est une bonne loi, car il satisfait à plusieurs critères. En effet, à mon sens, une loi en matière d'ordre public ou intervenant dans une compétence régalienne de l'Etat doit remplir les trois conditions suivantes pour être considérée comme une bonne loi. Elle doit être humaine, offrir des réponses rapides sans être excessivement répressives et s'appliquer à tous, sans aucune espèce de dérogation. A défaut, une telle loi sera rejetée par le corps social.

Concernant la première condition, l'humanité, le projet de loi ne la perd jamais de vue.

Humaine est la réforme de la « double peine » qui prend en compte la situation particulière de certains étrangers.

Humaine est la création d'une immunité en cas d'infraction au délit de séjour irrégulier afin de ne pas poursuivre les personnes, notamment les associations, qui viendraient en aide à un étranger confronté à un danger imminent menaçant sa vie ou son intégrité physique.

Humaine est la formalisation par ce projet de loi du droit à un interprète au cours des procédures d'éloignement et de non-admission.

Humaine est également une des propositions de la commission tendant à protéger les conjoints de Français ou d'étrangers en situation régulière victimes de violences physiques en offrant la possibilité au préfet d'accorder le renouvellement de leur titre de séjour malgré la rupture de la vie commune.

Concernant la seconde condition, ce texte s'attache en permanence à ce que soient, là encore, apportées des réponses rapides non excessivement répressives : rapide sera la reconduite à la frontière des étrangers autorisés à séjourner moins de trois mois qui travaillent pendant leur séjour ; rapide sera l'identification des étrangers en vue de leur éloignement grâce au relevé des empreintes digitales des demandeurs de visa et des étrangers refoulés aux frontières.

N'est pas, non plus, excessivement répressive la définition de circonstances aggravantes à l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers dans les cas où la vie des étrangers est mise en péril par les passeurs ou lorsque ceux-ci arrachent des mineurs à leur famille. Le crime de traite des êtres humains n'est pas loin !

De même, n'est pas excessivement répressive ou suspicieuse la possibilité laissée aux maires d'auditionner les époux ensemble ou séparément...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'obligation ! Pas la possibilité !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. ... lorsque l'on sait que des milliers de jeunes filles sont concernées par des mariages forcés chaque année en France.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Enfin, concernant la troisième condition - une loi s'appliquant à tous sans dérogation -, l'action engagée par le ministère depuis plusieurs mois ainsi que les moyens nouveaux offerts par ce texte offrent les garanties nécesaires.

En effet, n'échapperont plus à leur éloignement les clandestins selon qu'ils viennent d'un pays coopératif ou non en matière de délivrance de laissez-passer consulaire.

Ne se joueront plus des failles de notre législation les clandestins selon qu'ils sont conseillés ou non par des filières criminelles.

De la même façon, ne pourront plus procéder au regroupement familial sur place les étrangers résidant régulièrement en France sans prendre le risque de se voir retirer leur titre de séjour. Une procédure existe, elle doit être respectée.

M. Alain Gournac. Eh oui !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'équilibre de ce projet de loi et sa nécessité, j'ai pu les vérifier au cours des nombreux déplacements et auditions que j'ai effectués tout au long de l'été.

Je tiens à remercier, entre autres, les personnels de la police aux frontières qui m'ont permis d'assister à l'embarquement d'étrangers refoulés sur un vol commercial. Cela m'a d'ailleurs permis de constater que le déroulement de cette opération était très éloigné des descriptions qu'ont pu en faire certains défenseurs des droits de l'homme.

Je voudrais, à ce titre, rendre hommage au grand professionnalisme, au dévouement et à l'attention dont ces personnels font preuve à l'égard des étrangers qui sont appelés à quitter notre territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très juste !

Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le décalage entre la réalité et le discours tenu par des âmes bien pensantes est symptomatique des caricatures que celles-ci font de ce projet de loi.

La commission des lois a, en conséquence, globalement approuvé ce projet de loi. Les amendements qu'elle a adoptés, et que j'évoquerai brièvement, confortent le texte et en renforcent la cohérence.

Ainsi, afin de mettre fin aux polémiques sur la délocalisation de la salle d'audience, la commission propose de préciser qu'une telle salle spécialement aménagée à proximité du centre ou de la zone d'attente, quand elle existe, doit être affectée au ministère de la justice.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le garde des sceaux va encore avoir des problèmes !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette précision ainsi que les garanties que pourra apporter le ministre de l'intérieur devraient rassurer les magistrats et les avocats quant au respect des principes d'indépendance de la justice et de publicité des débats.

Pour éviter que les étrangers refusent d'indiquer une langue qu'ils comprennent aux autorités françaises dans le but de créer un vice de procédure, nous proposons de préciser que la langue utilisée au cours de la procédure est le français en cas de silence de l'étranger.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et s'il ne comprend pas ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Afin de renforcer les droits des étrangers retenus ou maintenus, nous soumettrons au Sénat les deux dispositions suivantes.

En premier lieu, sauf en cas de menace à l'ordre public ou de troubles psychologiques particuliers, l'étranger serait informé par le responsable du lieu de rétention de toutes les prévisions de déplacement le concernant : audiences, présentations au consulat et conditions du départ.

En second lieu, la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention serait étendue aux zones d'attente.

Enfin et surtout, nous proposons plusieurs modifications en matière de nationalité. Cette clarification des règles d'acquisition de la nationalité est conforme à la logique d'intégration qui sous-tendait le texte initial, développée pour l'accès des étrangers à la carte de résident. Il s'agit bien de souligner l'importance de l'acquisition de la nationalité française et des droits induits en instaurant une plus grande exigence dans les conditions de son obtention.

Comme le rappelait en 1987 la commission de la nationalité présidée par M. Marceau Long, « il serait illusoire et périlleux d'attendre du droit de la nationalité une forme de régulation de l'immigration ». En revanche, si elle ne peut à elle seule suppléer à une absence d'intégration, « la politique de la nationalité peut et doit jouer un rôle positif dans le processus d'intégration ».

Par ailleurs, cette même commission affirmait : « Identité nationale et intégration des étrangers ne sont pas antinomiques et doivent être étroitement corrélées. L'intégration sera d'autant plus aisée que la conscience d'une identité française sera plus forte. »

L'Assemblée nationale a déjà introduit plusieurs dispositions à cet égard. Nous souhaitons aller plus loin.

La commission des lois propose d'abord de modifier l'intitulé du présent projet de loi afin de prendre en considération les dispositions additionnelles réformant le droit de la nationalité. En conséquence, désormais, le projet de loi serait « relatif à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ».

La commission a également souhaité restaurer l'importance et la solennité de l'acquisition de la nationalité française en favorisant l'adhésion des individus concernés à nos valeurs et à nos règles de droit.

Elle a décidé de compléter le dispositif inséré par l'Assemblée nationale redéfinissant les conditions d'accès à la nationalité française à raison du mariage en précisant que l'assimilation du conjoint s'évaluerait notamment au regard de sa connaissance suffisante de la langue française.

Toujours dans le même sens, il sera exigé des étrangers désirant être naturalisés une connaissance suffisante des droits et devoirs conférés par la nationalité française.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Faudra-t-il passer un examen ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Enfin, pour mettre fin à certaines carences de notre législation sur la nationalité, la commission propose deux amendements.

Pour lutter contre les reconnaissances en paternité de complaisance, la commission a souhaité expliciter les conditions dans lesquelles l'enfant né en France de parents étrangers, et qui ne peut obtenir d'aucune façon la nationalité d'aucun de ses parents, peut se voir attribuer la nationalité française. En effet, l'application de ce dispositif est souvent invoquée par les personnes originaires d'Etats qui subordonnent la transmission de la nationalité par filiation à la déclaration préalable auprès de leurs autorités diplomatiques et consulaires de la naissance de leurs enfants en France. Soutenant que leur enfant n'a pu acquérir leur propre nationalité, faute pour eux de l'avoir déclaré au consultat, les parents demandent l'application de l'article 19-1 du code civil afin d'obtenir pour eux-mêmes la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parents d'enfant français.

Face à cette dérive, utilisée par les filières d'immigration clandestines, la commission propose de faire dépendre l'attribution de la nationalité française par l'enfant concerné d'un véritable risque d'apatridie issu des lois de nationalité étrangères et non du choix des parents.

Pourrait, par ailleurs, être inséré un article additionnel tendant à étendre les possibilités de contestation du ministère public à l'encontre de l'enregistrement d'une déclaration de nationalité.

Désormais, le ministère public pourra en effet contester l'enregistrement d'une déclaration de nationalité dont il sera découvert qu'elle ne respectait pas les conditions légales exigées, dans le délai d'un an suivant la date de cet enregistrement. Actuellement, le ministère public ne peut contester la naturalisation qu'en cas de fraude ou de mensonge.

En pratique, des déclarations d'acquisition de la nationalité française enregistrées après avoir été souscrites par un ressortissant étranger dont le conjoint présumé français ne l'était pas ou par une personne majeure, alors qu'elles étaient réservées aux enfants mineurs, ont été constatées par les autorités compétentes.

Mes cher collègues, sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter le présent projet de loi assorti des amendements qu'elle vous soumettra, tout simplement parce qu'il dote notre pays des moyens de définir une politique migratoire et, plus que tout, de la mettre en oeuvre réellement. A défaut, l'intégration en souffrirait et, à terme, une partie de l'identité française disparaîtrait.

Ce texte équilibré apporte une solution adaptée aux problèmes qui se posent et répond à l'attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 51 minutes ;

Groupe socialiste : 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste : 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen : 12 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 10 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immigration est un sujet sérieux, grave et, parce qu'il est lourd de conséquences pour des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants qui méritent tout notre respect, il doit être abordé avec sincérité, sans faux-semblants ni grands mots. Il faut se garder, en ce domaine, de tout amalgame et accepter de sortir des cas particuliers qui peuvent modifier parfois notre appréciation globale.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, contient des propositions concrètes, certaines étant susceptibles d'offrir des perspectives aux personnes victimes de double peine. Vous les inscrivez dans votre texte et vous êtes suivi par votre majorité. Nous en prenons acte et veillerons à vos côtés à leur application. Certes, nous aurions pu, nous aurions dû le faire. Ce fut par deux fois, dans cet hémicycle, l'objet d'une proposition du groupe socialiste. Aujourd'hui, le traitement de cette question évolue : tant mieux !

Il me paraît toutefois utile de préciser ici, avec raison et sérénité, que la loi précédente n'était pas une ouverture « tous azimuts » de nos frontières, mais qu'elle s'inscrivait déjà dans une perspective de maîtrise de l'immigration, rendue nécessaire aussi par notre évolution dans l'espace Schengen. Certaines remarques sur les prétendus irresponsables d'hier en regard des responsables d'aujourd'hui me paraissent, en conséquence, déplacées.

S'agissant de ma façon d'aborder ce matin la question de l'immigration, je revendique, je tiens à le préciser, mon engagement dans le camp des droits de l'homme, compris comme une déclinaison de nos valeurs républicaines que sont la liberté, l'égalité et la fraternité.

Mon travail très ancien, très réfléchi, très enraciné, au service des droits des femmes m'a mise au contact de toutes les injustices supplémentaires que celles-ci peuvent vivre.

A cet égard, je veux appeler votre attention, monsieur le ministre, sur certains points de votre projet.

Une grande inquiétude est née, émanant de nombreuses personnalités et associations féminines. En effet, beaucoup de femmes immigrées sont déjà confrontées à l'isolement, privées du droit de travailler à l'extérieur parce qu'elles ne sont que des épouses. Demain, ce sera pire, à en juger par les dispositions qui nous sont proposées.

La dépendance de la femme migrante envers son conjoint va se trouver encore renforcée. Du fait de l'exigence de revenus encore plus importants, les regroupements familiaux seront encore plus difficiles à obtenir. C'est pourtant souvent à ces femmes que l'on confie, dans les cités, le soin d'intégrer les jeunes !

Et que dire de celles qui sont victimes de violences conjugales et qui ne peuvent quitter le domicile parce qu'elles perdraient leur titre de résidence en même temps qu'elles se sépareraient de leur mari ? Un amendement a été déposé à ce sujet et il faut qu'il soit adopté pour éviter à ces femmes d'être victimes d'une double violence, la France devenant pour elles une terre encore plus hostile. Sinon quel paradoxe ce serait au moment où notre pays met en avant équilibre familial nécessaire à chacun de nous !

Il est en effet important, que l'on soit parlementaire, ministre, fonctionnaire, jeune ou moins jeune, de vivre dans un contexte familial aimant et chaleureux. C'est également important pour un ouvrier du bâtiment marocain ou un agent de voirie soudanais. Pour ces derniers, cependant, le combat s'annonce rude au regard de l'allongement des délais nécessaires pour obtenir les titres de résidence.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, s'inscrit en effet dans un contexte de craintes, de fraudes et de détournements.

S'agissant de la crainte qu'inspirent les mariages mixtes, je suis étonnée, pour avoir été longtemps maire adjointe et, à ce titre, amenée à célébrer de nombreux mariages, de l'ampleur que prend ce débat. Certes, il y a des problèmes, il existe des filières qui organisent ces mariages, mais nous avons les moyens de les réprimer et nous le faisons.

M. Alain Gournac. Non, nous n'en avons pas encore les moyens !

Mme Michèle André. Regardons les chiffres : 15 809 mariages mixtes ont été célébrés en 1960 et 34 585 aujourd'hui. En quarante ans, le monde s'est ouvert : nos compatriotes voyagent, s'installent ailleurs, là où les conduit leur vie professionnelle et où ils construisent leur vie de famille. Puis, avec cette famille, ils reviennent en France, c'est-à-dire chez eux.

Les sociologues voient dans ces chiffres davantage de motifs de satisfaction - en l'espèce, des preuves d'intégration - que de motifs d'inquiétude.

Se manifeste également dans ce texte une crainte devant les regroupements familiaux. On durcit les conditions d'accès aux conjoints, on différencie les titres, on précarise la situation des enfants.

Peut-on imaginer qu'un garçon de dix-sept ans, « mal dans sa peau »,en crise d'adolescence, doive supporter le poids de cette inquiétude supplémentaire à un moment de sa vie où il choisit un métier, donc un avenir ? Il ne saura même pas s'il aura des papiers, demain, pour résider dans notre pays !

M. Jacques Mahéas. Exact !

Mme Michèle André. Crainte encore de voir arriver les étudiants étrangers. Ainsi, de nombreux jeunes gens francophones, désespérant d'obtenir un visa en même temps qu'une inscription à l'université, finiront par aller faire leurs études aux Etats-Unis ou au Canada,...

M. Philippe de Gaulle. Chiche !

Mme Michèle André. ... qui pratiquent, vis-à-vis des élites de pays qui sont nos amis, une politique positive d'immigration.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et qui expulsent les clandestins !

Mme Michèle André. Il y va du rayonnement de la France et de son influence ! Beaucoup de ces étudiants seront, demain, les cadres de leurs pays, car tous ne restent pas chez nous après l'obtention de leurs diplômes. On connaît des médecins, au Cameroun ou au Sénégal, par exemple, qui ont fait des études dans de grandes universités françaises et qui, aujourd'hui, sont porteurs de notre culture.

Nous devrions précisemment nous servir de cette influence pour bâtir une politique d'immigration positive. Nous y avons tous intérêt. C'est une affaire de dialogue au plus haut niveau, de confiance. C'est aussi un sujet qu'il faudra bien aborder si l'on veut un jour régler le problème des visas consulaires pour les retours.

Mais comment faire croire à l'opinion que nous traitons aujourd'hui à égalité avec le Sénégal ou le Mali, quand on connaît ces pays et leur situation dans les domaines de l'éducation, de la santé, de l'économie, en prenant en compte notre histoire commune et nos responsabilités ?

Devant la commission des lois, monsieur le ministre, vous rappeliez qu'un tiers des Français sont d'origine étrangère. Comment, dès lors, s'étonner du nombre de visas sollicités auprès de nos consulats par de vieux parents ou des frères et soeurs qui trouvent normal de rendre visite à leur famille ?

M. Jean Chérioux. Et de rester !

Mme Michèle André. Je prétends que tous ne restent pas sur le territoire national !

Faudra-t-il se méfier un jour des touristes, alors que nous nous réjouissons qu'ils équilibrent notre balance commerciale en venant découvrir notre patrimoine ?

M. Jean Chérioux. Quand ce sont de vrais touristes !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment, pour vous, les touristes viennent nécessairement des pays riches !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et que faut-il penser des touristes qui travaillent ?

Mme Michèle André. Nous en reparlerons !

Nos consulats ont-ils les moyens de mettre en oeuvre la politique préconisée dans votre projet de loi ? Je n'en suis pas certaine, et il me paraîtrait dangereux de faire comme si cela n'avait pas d'importance.

De plus, il me semble indispensable de garantir à ceux qui ne sont pas acceptés sur notre sol des conditions de vie décentes dans les locaux et centres de rétention.

L'augmentation du délai de retenue exige que toutes garanties soient apportées pour préserver la dignité des personnes. C'est une question capitale, aussi, pour les personnels qui travaillent dans ces centres. Ils se consacrent à leur tâche avec passion et ils attendent de vrais moyens pour continuer à oeuvrer au mieux.

Il faut également parler des attestations d'hébergement et du rôle nouveau que vous voulez faire jouer aux maires et à leurs services, au risque de créer une situation où il y aurait autant d'attitudes différentes que nous avons de communes, alors que la politique de l'immigration doit rester une politique nationale.

Il faudra aussi parler des fichiers, des raisons qui rendent les magistrats et les avocats réservés sur l'existence d'un tribunal à vocation unique à Roissy.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, monsieur le ministre, nous ne sommes pas conquis par ce projet de loi. Est-il utile ?

M. Alain Gournac. Oh que oui !

Mme Michèle André. Si je me réfère aux déclarations que vous avez faites devant la commission des lois voilà quelques jours, il y a de quoi se poser la question.

La loi actuellement en vigueur vous a tout de même permis de démanteler des filières de passeurs, avec leur cortège de mariages blancs, de trafics, de proxénétisme. De même, vous avez pu ramener à 70 % le taux d'occupation des zones d'attente de Roissy ; je cite vos propres chiffres : pour 216 places, 259 étrangers en attente le 16 mars, 120 environ aujourd'hui.

Enfin, la déclaration d'urgence de ce texte est-elle justifiée ?

M. Alain Gournac. Totalement !

Mme Michèle André. Pour ma part je ne peux pas répondre positivement à cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean Chérioux. Vous n'étiez pas très convainquante parce que vous n'êtes pas vous-même convaincue !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à exprimer la satisfaction du groupe de l'Union centriste de voir enfin un projet de loi traiter de l'immigration, sujet tabou aujourd'hui.

Car nous n'avons plus la maîtrise des flux migratoires, prérogative essentielle de l'Etat et condition indispensable de l'intégration des étrangers dans la société. Tant que nos citoyens auront le sentiment que des étrangers en situation irrégulière ne sont pas reconduits à la frontière, ils continueront à faire l'amalgame avec ceux dont la situation est parfaitement légale.

Ce projet de loi, dont l'un des buts essentiels est la lutte contre l'immigration clandestine, arrive à point nommé pour de nombreux Réunionnais qui sont de plus en plus exaspérés par l'insécurité qu'elle engendre, d'autant que cela compromet l'esprit de la coopération régionale et l'accueil d'étudiants de la zone océan Indien.

La plupart des départements d'outre-mer sont situés dans des zones géographiques où les pressions migratoires sont très importantes. Ce sont souvent des îlots de prospérité relative dans leurs régions. L'existence de forts courants migratoires atteste le fossé entre les pays en voie de développement et les pays développés.

Ces phénomènes, pour n'être ni surprenants ni récents, n'ont cessé de s'aggraver ces dernières années, à tel point que Mme Girardin, ministre de l'outre-mer, dans son projet de budget pour 2004, accompagne ses mesures en faveur de l'emploi d'une « action particulière et déterminée du Gouvernement pour lutter contre l'immigration clandestine ».

Les îles de Mayotte et de la Réunion connaissent un afflux massif d'immigrants clandestins des îles périphériques, notamment des Comores et de Madagascar, qui posent à la collectivité d'importants problèmes économiques.

A la recherche d'une sécurité sanitaire et sociale, cette immigration est poussée par la misère. Ces familles espèrent pouvoir trouver plus facilement du travail et bénéficier de prestations sociales.

Nous observons un sentiment de rejet de plus en plus important des Réunionnais à l'égard des Comoriens, dont une bonne part arrive par bateaux de pêche.

La situation personnelle de bon nombre de ces familles ne favorise ni leur intégration ni, surtout, leur acceptation par les Réunionnais de souche.

En outre, ce problème se complique du fait de l'existence de deux spécificités liées à l'histoire entre la Réunion et Mayotte, mais aussi les Comores.

D'une part, de nombreuses relations familiales se sont développées entre les Mahorais et les Comoriens. Par conséquent, on peut observer l'arrivée à la Réunion d'une première vague de familles d'origine comorienne qui ont séjourné suffisamment longtemps sur l'île de Mayotte pour bénéficier de « papiers français ». Pour nombre de ces migrants, Mayotte constitue une étape première, la Réunion étant la deuxième, la destination finale espérée étant la métropole. Aujourd'hui, sur dix femmes qui accouchent à Mayotte, sept sont comoriennes. Cela déséquilibre fortement le système de santé et d'éducation et va jusqu'à le remettre en cause.

D'autre part, la Réunion, qui est confrontée à une forte augmentation de sa démographie, supporte de plus en plus mal ces problèmes migratoires. Le solde migratoire y est positif depuis une vingtaine d'années. Il s'explique par une augmentation régulière des immigrants non compensée par l'émigration observée. Entre 1990 et 1999, le solde migratoire positif s'est élevé à 15 398 personnes. Si ce rythme se maintient, la Réunion pourrait compter entre 900 000 et un million d'habitants en 2025.

En conséquence, monsieur le ministre, mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même approuvons tout particulièrement la décision de procéder à la réforme de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

L'article relatif à l'attestation d'accueil donne un cadre, une base législative au principe selon lequel l'étranger qui vient en visite sur le territoire français pour un séjour de moins de trois mois doit présenter un justificatif d'hébergement.

Par ailleurs, le projet de loi permet aussi au maire de disposer de pouvoirs accrus et d'une information plus complète sur les suites données aux traitements des attestations.

Enfin, la prise d'empreintes digitales ainsi que la mémorisation sont étendues à tout étranger sollicitant un visa auprès d'un consulat ou à tout étranger se présentant à la frontière d'un Etat appartenant à l'espace Schengen. Cette proposition est pertinente, mais je vous rappelle que la Réunion n'est pas intégrée à l'espace Schengen.

Nous souscrivons également aux autres mesures de ce projet de loi qui vise à modifier la durée d'obtention des cartes de résidents pour les étrangers, les conditions de regroupement familial et à renforcer la lutte contre les mariages ou les paternités de complaisance.

De même, nous approuvons la réforme de la double peine, plus juste et efficace, et l'augmentation des sanctions, notamment lorsque les infractions sont commises par des bandes organisées et lorsque sont en cause les « marchands de sommeil », qui proposent des logements souvent insalubres aux clandestins.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !

Mme Anne-Marie Payet. Ils mettent en location des locaux vétustes, des cabanons qu'ils subdivisent en chambres indépendantes, et ils consacrent une partie des loyers récupérés à augmenter leur « patrimoine locatif ». La Réunion est particulièrement touchée par ce problème.

A l'opposé de la métropole, qui connaît une baisse de l'immigration clandestine par les frontières maritimes de 49,8 %, c'est le phénomène inverse qui se produit à Mayotte et à la Réunion.

Le ministère de l'outre-mer, lors de la présentation de son projet de budget pour 2004, a arrêté, en étroite collaboration avec le ministère de l'intérieur, un plan de renforcement contre l'immigration clandestine. Cela se traduira par la titularisation de 149 policiers mahorais, par le renforcement des services de la police de l'air et des frontières et par la mise en place de deux vedettes, dont la première arrivera à Mayotte au début de l'année 2004. Enfin, un radar sera installé en 2004 pour compléter ce dispositif et pour assurer une surveillance étroite du lagon mahorais, afin de lutter contre l'immigration clandestine par voie maritime. Des mesures ont été prises aussi s'agissant de la Guyane et de Saint-Martin.

Je regrette que la Réunion n'ait pu obtenir des mesures similaires, même si elle bénéficiera sûrement des retombées de la politique volontariste appliquée à Mayotte.

En outre, il semble primordial de mener dans ce domaine des politiques régionales ou internationales beaucoup plus développées.

Les efforts des uns ne serviront à rien s'ils sont isolés et ne feront que détourner le problème. Vous avez rappelé à de nombreuses reprises, monsieur le ministre, qu'il fallait augmenter la coopération pour lutter contre les filières. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, mais il me paraît essentiel d'insister sur l'aide économique et sociale que la France doit apporter aux pays en voie de développement. Il serait souhaitable d'amorcer des politiques conventionnelles d'aide à ces pays, et je sais à quel point ce sujet tient à coeur au Président de la République.

Enfin, si nous voulons décourager durablement les clandestins, il est nécessaire de durcir les conditions d'obtention de prestations sociales pour les étrangers. Par ailleurs, les mesures prises à Mayotte en matière d'allocations familiales accélèrent l'immigration clandestine vers la Réunion, qui bénéficie d'un système plus avantageux. Mes propos visent moins les Mahorais que les clandestins qui usurpent trop souvent leur identité.

Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France a le mérite de s'attaquer à des questions complexes, souvent sujettes à polémique et difficiles à expliquer à l'opinion publique. Au-delà des questions de droit, il concerne des individus et des familles en situation de détresse. Le texte que vous proposez, monsieur le ministre, est équilibré, car il allie la fermeté, l'intégration et la tolérance.

Le groupe de l'Union centriste aborde donc ce débat avec confiance, dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues MM. Laurent Béteille et Christian Demuynck aborderont dans leurs interventions l'ensemble du projet de loi. Pour ma part, je me limiterai à un seul aspect du texte.

Tout d'abord, monsieur le ministre, je voudrais vous adresser les félicitations de l'ensemble du groupe UMP pour le projet de loi nécessaire, utile et courageux que vous nous présentez aujourd'hui et qui rompt enfin avec la politique de l'autruche.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Patrice Gélard. Je tiens également à féliciter le rapporteur, M. Jean-Patrick Courtois, qui a souligné les trois éléments essentiels de ce texte : prise en compte du facteur humain, rapidité et applicabilité.

Il s'agit en effet d'un texte équilibré, qui établit un rapport organisé et cohérent entre, d'une part, les exigences de sécurité et, d'autre part, le respect des droits de l'homme et de la dignité humaine.

Mais, comme je l'ai indiqué, je vais me limiter à un seul aspect, déjà abordé par Mme André, qui a repris en partie dans son intervention ce que j'avais dit en commission : la question des étudiants étrangers.

Tout d'abord, je me félicite du fait que ce texte ait prévu d'en terminer enfin avec une pratique qui n'était pas conforme aux principes communautaires : l'exigence d'un titre de séjour de la part des ressortissants de la Communauté européenne. En effet, jusqu'à présent, les étudiants de la Communauté européenne, après avoir acquitté un droit, devaient se rendre dans les services de la préfecture pour obtenir, au même titre que les autres étrangers, un titre que leur garantissait pourtant le traité sur la libre circulation des biens et des personnes dans l'Union européenne. Enfin, on met fin à cette discrimination, et les ressortissants de l'Union européenne n'auront plus besoin de titre de séjour pour séjourner en France.

Mais je voudrais insister sur un aspect qui me paraît tout à fait important : la question des étudiants étrangers en France et, par voie de conséquence, le statut des universitaires et chercheurs étrangers qui sont amenés à venir de temps à autre dans notre pays.

J'ai déposé sur ce point un amendement qui me paraît essentiel et qui a été adopté par la commission des lois.

Quelle est la situation actuelle par rapport à celle qui existait voilà simplement une vingtaine ou une trentaine d'années ? M. le ministre nous a dit tout à l'heure que le nombre d'étudiants étrangers était en diminution, ce qui est vrai. Mais la diminution est dramatique en ce qui concerne les étudiants en doctorat.

Je me souviens de l'époque où je suivais les cours de Maurice Duverger au Panthéon dans le cadre du cours de sciences politiques. Nous étions quatre-vingts étudiants, dont quarante étrangers, parmi lesquels douze sont devenus des professeurs d'université reconnus dans le monde entier, un a été nommé cardinal et un autre est chef d'Etat.

Les universités françaises formaient donc l'élite d'un très grand nombre de pays, non seulement de pays africains, pour lesquels la formation en France a toujours été une tradition, mais aussi de nombreux pays d'Amérique latine et d'Europe centrale.

Dorénavant, on doit constater que le nombre des étudiants étrangers ne cesse de diminuer en France tandis que, dans le même temps, il augmente dans des pays qui n'avaient pas cette tradition, comme l'Allemagne, qui accueille la plupart des étudiants en doctorat grecs, la Grande-Bretagne, le Canada, les Etats-Unis, voire maintenant l'Australie.

Nous nous trouvons donc face à une déperdition d'énergie qui a des conséquences dramatiques pour la représentation de la francophonie dans les instances internationales et pour la constitution de réseaux entre ressortissants de pays différents : ces personnes nouent des liens profonds d'amitié pendant leurs études, ne se perdent pas de vue, et se retrouvent dans les colloques ou dans d'autres types de rencontres.

Comment les choses se passent-elles à l'heure actuelle ?

La première technique utilisée est celle de la préinscription dans nos ambassades, où un examen est organisé afin de pouvoir vérifier les aptitudes du candidat étranger à la connaissance de la langue française. Mais ce que l'on ne dit pas, c'est que ces examens ne sont valables que pour entrer en premier cycle universitaire et que le nombre d'étudiants admis par cette voie est tout à fait restreint pour la simple raison qu'il faut accomplir cette démarche très tôt dans l'année, les documents devant parvenir aux universités françaises vers le mois de février, époque où les futurs étudiants sont encore lycéens. Le document doit être transmis aux universités françaises qui acceptent ou refusent la candidature sans voir le candidat.

Il existe une seconde voie qui se développe beaucoup plus à l'heure actuelle : un candidat désirant étudier en France sollicite un visa de tourisme pour s'inscrire à l'université ; il doit ensuite retourner dans son pays pour pouvoir, une fois qu'il a obtenu son inscription, solliciter un visa étudiant. Ce système est naturellement tout à fait onéreux, difficile à faire fonctionner et ne nous semble pas raisonnable.

Nous aimerions par conséquent qu'une personne détentrice d'un visa de tourisme souhaitant s'inscrire dans une université française et obtenant cette inscription puisse voir sa situation régularisée sur place sans avoir à retourner dans son pays d'origine dans la mesure où elle est inscrite légalement dans une université.

Bien entendu, un problème se pose puisque cette procédure risque à son tour d'engendrer une filière d'immigration clandestine et qu'il faut éviter cela.

Tout d'abord, il convient de souligner qu'il n'est pas intéressant que des étudiants viennent faire un premier cycle universitaire en France alors qu'un tel cursus existe déjà dans leur pays. Ainsi, par exemple, il n'y a pas de plus mauvais service à rendre à un étudiant étranger que de l'autoriser à s'inscrire en première année de droit en France alors que des filières de droit existent dans son pays d'origine : une fois rentré dans son pays, cet étudiant ne pourra même pas être avocat puisqu'il ne connaîtra pas les bases de son droit national !

Ce qui est intéressant, en revanche, c'est d'accueillir dans les universités françaises des étudiants n'ayant pas de filière de formation correspondante dans leur pays d'origine. Cela concerne le secteur technologique, certains IUT, certaines formations très particulières et très pointues ; cela concerne également les étudiants ayant déjà une formation de base et rêvant d'acquérir, dans nos universités, une spécialité et une professionnalisation en deuxième et troisième cycles.

Bien entendu, nous pouvons craindre que l'étudiant ne soit étudiant que sur le papier ! Mais le visa d'études est délivré année par année. Par conséquent, si l'étudiant ne remplit pas les conditions requises, son visa ne sera bien évidemment pas renouvelé.

Je ferai cependant une petite remarque : à l'heure actuelle, les visas d'études sont généralement donnés jusqu'au 1er juillet, date à laquelle les examens ne sont pas terminés puisque, la plupart du temps, ils ne s'achevent qu'au mois d'octobre. Or, il faut que l'étudiant puisse demander sa réinscription sans interruption de son visa d'études et de recherches ! Par conséquent, il faut que les visas soient valables, le cas échéant, jusqu'à la réinscription de l'année suivante. Ce problème doit donc être résolu.

Naturellement, il ne faut pas donner cette autorisation à tous les établissements d'enseignement supérieur, car certains ne sont pas sérieux et ne surveilleront pas suffisamment le déroulement des études de leurs étudiants.

J'ajouterai une chose : on craint que les étudiants étrangers venus en France ne restent ensuite. Mais il y a moyen de corriger cela.

Beaucoup d'étudiants étrangers m'expliquent qu'ils restent en France parce que, une fois retournés dans leur pays, ils n'auront pas les moyens de revenir régulièrement en France. Il est vrai qu'un grand nombre d'étudiants étrangers, notamment africains, qui retournent chez eux après avoir obtenu en France un diplôme de qualité, se heurteront ensuite à des difficultés considérables, s'ils veulent revenir passer quelques mois dans notre pays à l'invitation de telle ou telle institution.

Par conséquent, si nous rendions plus facile la possibilité pour des cadres étrangers de revenir régulièrement dans notre pays pour se recycler, pour participer à des colloques, à des conférences, pour répondre à l'invitation d'une université ou d'une entreprise, le problème du retour à l'étranger se poserait alors, à mon avis, dans des termes tout à fait différents.

Ce qu'il ne faut pas, c'est rompre des réseaux. Chacun sait que les étudiants africains devenus professeurs d'université dans leur pays n'ont pas les moyens de se payer un billet d'avion par an pour venir en France.

Il faut donc améliorer la situation et inverser la tendance qui veut que l'on ne vienne plus en France poursuivre des études supérieures ; il faut faire en sorte qu'un grand nombre d'étudiants étrangers redécouvrent ce qu'ils ont toujours souhaité : la science, la culture et les valeurs françaises.

Monsieur le ministre, si le cadre de la loi avait été plus large, j'aurais certainement déposé un autre amendement. Mais je n'aime pas les cavaliers, et mon souhait relève tout de même, je crois, du pouvoir réglementaire.

A l'heure actuelle, dans notre pays, toute promotion, toute décoration, tout départ à la retraite s'accompagne d'une cérémonie. Ainsi, de plus en plus, dans les universités, la remise des diplômes donne lieu à une sympathique cérémonie.

Or l'acquisition de la nationalité française est le seul événement à ne pas être commémoré.

M. Alain Gournac. Tout à fait !

M. Patrice Gélard. C'est pourquoi je souhaite vivement que, prochainement, une réception à la mairie marque l'acquisition de la nationalité française, sur le modèle canadien, américain ou autre. Ainsi le fait de devenir français deviendra-t-il un signe d'honneur, un signe de gloire non seulement pour le récipiendaire mais aussi pour la communauté tout entière. J'aimerais donc que soit instaurée dans nos mairies, à côté du parrainage civil et du mariage, la cérémonie d'accueil des nouveaux Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela se fait déjà dans nos préfectures !

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi sur la maîtrise de l'immigration, dont nous entamons aujourd'hui la discussion, est pour le moins édifiant, notamment parce qu'il se veut un texte fondateur de la politique du Gouvernement en matière d'immigration.

Je crois pouvoir résumer cette politique de la manière suivante.

Premièrement, l'étranger peut être admis sur le territoire français à une double condition strictement entendue : avoir une utilité démontrée pour l'économie nationale et s'engager à repartir une fois cette utilité épuisée.

Deuxièmement, l'étranger étant, par principe, enclin à vouloir demeurer abusivement sur le territoire national, tout doit être mis en oeuvre pour faire obstacle à son installation, a fortiori à celle de sa famille, par un système de contrôle tatillon sur tous les actes de sa vie privée.

Tel est l'axe majeur de la politique que vous préconisez, monsieur le ministre, au travers de ce texte que les timides considérations « humanitaires », les quelques améliorations apportées par la commission des lois et les rares acceptations de nos amendements ne sauraient parvenir à dissimuler.

Certes, monsieur le ministre, je vous reconnais le mérite de l'habileté et du talent quand vous vous montrez particulièrement modéré et humain sur le problème de la « double peine » pour, avez-vous dit - et ce message s'adresse certainement à votre majorité -, ne pas « polluer » votre projet de loi. Je vous rappelle d'ailleurs, mes chers collègues, que nous demandons l'abrogation de la « double peine » depuis de nombreuses années : notre proposition de loi déposée sous la précédente législature en témoigne. (M. Alain Gournac s'exclame.)

M. Philippe de Gaulle. Qui était alors au pouvoir ?

M. Jean Chérioux. Vous apparteniez à la majorité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ici, nous n'avons pas pu vous convaincre !

M. Robert Bret. Pour autant, toute l'architecture de ce texte aboutit à enserrer les étrangers dans un étau si étroit qu'il en est irrespirable.

Les quelques déclarations emphatiques prononcées à droite sur la richesse que les étrangers ont apportée à l'histoire nationale n'y changeront rien.

L'emploi des simples termes de « maîtrise des flux migratoires » met bien l'accent sur l'appréhension purement économique, utilitariste et opportuniste de l'étranger, que conforte la référence aux quotas et la volonté d'une « approche plus flexible » de l'immigration, telle qu'elle est voulue aujourd'hui par le commissaire européen Antonio Vitorino.

Certes, le discours absurde sur l'arrêt de l'immigration a fait long feu, monsieur le ministre, tant il s'avérait absurde. Je vous renvoie tous à la lecture du rapport des Nations unies de 2002, à savoir que le nombre de migrants a plus que doublé depuis 1975, ou encore aux déclarations de Juan Somovia, directeur du Bureau international du travail, le BIT : « Compte tenu du phénomène de mondialisation en cours, il est très probable que ces chiffres doubleront dans le prochain quart de ce siècle. » Par ailleurs, nous savons tous ici que l'Europe est et sera déficitaire démographiquement et qu'il faudra faire appel à l'immigration.

Pour autant, l'acceptation de l'internationalisation de la main-d'oeuvre par les gouvernements libéraux n'est pas de nature à nous rassurer outre mesure. En effet, elle vise avant tout à permettre la mise à disposition du patronat d'une main-d'oeuvre idéale, sans droits, corvéable à merci, à bas salaire.

Elle aboutit au surplus à tirer vers le bas l'ensemble des salariés pour les besoins d'une économie uniquement préoccupée par la baisse des coûts du travail.

On oublie souvent de souligner que, toujours selon le même rapport de l'ONU, stopper l'immigration reviendrait, pour un certain nombre de pays d'Europe et d'Asie, à imposer aux salariés de travailler jusqu'à soixante-dix-sept ans. On « oublie » de la même façon de rappeler la contribution des étrangers actifs à notre système de retraite, à moindres frais d'ailleurs puisque, s'ils cotisent à même hauteur que les nationaux, les étrangers vieillissants ont le plus grand mal à faire valoir leurs droits à pension. A cet égard, le rapport de novembre 2002 de l'inspection générale des affaires sociales sur les immigrés vieillissants est tout à fait éclairant, et je vous y renvoie.

Au lieu de cela, le texte que vous présentez, monsieur le ministre, ne fait que conforter la figure de l'étranger indésirable, représentant une menace, une menace pour l'emploi, on l'a vu, mais aussi une menace pour la sécurité.

L'étranger, dans votre texte, est ainsi toujours suspecté d'être un délinquant du droit au séjour ou du droit au travail, d'être fraudeur lorsqu'il se marie, qu'il se rend dans sa famille ou qu'il la fait venir, ou encore de n'être venu en France que pour y commettre des délits dans les cas extrêmes.

Certes, vous prenez maintes précautions pour vous défendre d'une telle lecture, renvoyant de façon un peu trop commode les accusations qui vous seraient faites.

Ce que je constate, pour ma part, c'est une dérive générale du discours qui consiste à présenter systématiquement l'immigration comme un « problème ». Cette même dérive fait admettre comme un élément incontestable la responsabilité de l'immigration dans l'augmentation de la délinquance, ce qu'aucune statistique ne vient démontrer, chers collègues. (M. Philippe de Gaulle s'exclame.) Je vous renvoie aux conclusions de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, que M. de Gaulle n'a certainement pas lues.

M. Philippe de Gaulle. Mais si !

M. Alain Gournac. Ouvrez les yeux !

M. Robert Bret. Comment ne pas penser que ces « liaisons dangereuses » ne contribuent pas à banaliser la xénophobie bien au-delà de la seule sphère d'influence du Front national ? Avec un bénéfice moindre puisque, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les élus de droite, que vous le vouliez ou non, ceux chez qui ce discours trouvera écho préféreront toujours l'original à la copie et vous tireront toujours vers eux !

L'idée que l'immigration est une menace pour l'identité nationale transparaît de façon encore beaucoup plus insidueuse et dangereuse au travers des dérives législatives répressives de votre texte, monsieur le ministre : tel est le sens de la stigmatisation de l'altérité, de la pénalisation du travailleur clandestin devenu coupable, et non plus victime, du « délit d'hospitalité », lequel devient même un élément constitutif de la criminalité organisée : autant d'éléments qui, bien loin de l'affichage généreux que vous voulez donner à votre texte, contribuent à alimenter le racisme et la xénophobie, contrairement à votre propos.

Pire encore, le projet de société que vous nous présentez pour les étrangers apparaît comme une véritable entreprise de démolition de leur statut.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !

M. Robert Bret. Vous avez maintes fois cité le terme d'intégration et renvoyé au fameux « contrat d'intégration » dont on n'entend plus guère parler que pour signifier la présence d'obstacles supplémentaires au droit au séjour.

Notre vision de l'intégration va, en tout cas, bien au-delà de l'apprentissage de la langue et le rappel des valeurs de la société française : elle résulte d'une politique volontaire en matière économique, culturelle et sociale qui permet à chacun, au sein de la communauté nationale, de trouver sa place. Elle résulte également pour nous de l'octroi du droit de vote, que nous réclamons depuis des années : je vous rappelle l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvés, sous la précédente législature, de faire inscrire notre proposition de loi à l'ordre du jour du Sénat, malgré nos demandes répétées en conférence des présidents.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il ne fallait pas vous gêner ! Vous pouviez le faire quand vous vouliez !

M. Robert Bret. Or, telle n'est pas la politique du Gouvernement : le débat sur l'immigration n'est qu'un des aspects des effets sociaux du libéralisme dans la mesure où il permet de faire très nettement le lien entre le démantèlement des droits économiques et sociaux dans notre pays et la situation des étrangers en France. Nous pouvons aisément faire le constat que chaque étape du processus de privatisation et de déréglementation de l'économie, chaque atteinte portée aux droits sociaux auront été accompagnées d'un renforcement de la défiance à l'égard des populations immigrées. Toute l'histoire de notre pays en est la démonstration.

La politique de démantèlement des services publics en constitue un des effets les plus immédiats, qui substitue la communauté ethnique à la communauté nationale.

Mais nous en trouvons des effets directs dans le présent texte de loi : comment ne pas être choqué, monsieur le ministre, par la privatisation de la gestion des centres de rétention, après les prisons. C'est là un bon indicateur de l'investissement financier du Gouvernement pour assumer les moyens de sa politique : la volonté d'augmenter les flux de reconduites ou d'expulsions, de multiplier par trois les capacités d'accueil, se heurte singulièrement à la problématique du coût.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !

M. Robert Bret. Comment ne pas s'interroger sur la façon dont le Gouvernement se « décharge » de la politique de l'immigration sur les maires ?

Comment ne pas voir dans ce mouvement la traduction de cette décentralisation inéquitable dont le projet de loi que nous aurons à examiner prochainement est une illustration supplémentaire ?

Vous proposez de donner aux maires des droits renforcés, notamment le pouvoir de s'opposer aux attestations d'accueil, en réalité de s'opposer aux étrangers, puisque, ne nous leurrons pas, ce sera en ces termes que la question sera gérée dans les mairies tenues par le Front national !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui ! Des noms !

M. Robert Bret. Vous proposez également de donner aux maires le pouvoir de s'opposer au mariage.

Vous leur proposez tous les pouvoirs qui devraient a priori séduire l'électeur qui est confronté à une dégradation de ses conditions de vie. L'étranger non communautaire, lui, ne vote pas aux élections locales, même s'il paye des impôts.

De la dislocation de la politique d'immigration entre les communes, monsieur le ministre, ne peut sortir rien de bien bon, sauf des situations d'inégalités accompagnées de tensions sociales exacerbées.

Dans quelque temps, à ce rythme, il ne restera plus rien des missions régaliennes de l'Etat ! Et ce n'est vraiment pas faire un cadeau aux maires que de les rendre responsables de votre politique. Ils en jugeront eux-mêmes dans quelques années lorsque les Français qui se seront vu refuser des certificats d'hébergement - car la plupart de ces certificats sont demandés par des Français - leur demanderont des comptes.

Enfin, dans son avis d'autosaisine sur le texte, le rapporteur de la Commission nationale consultative des droits de l'homme - un de vos amis, si je ne me trompe, monsieur le ministre,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oh ! Gardez-m'en, je vous le laisse ! Il n'est pas mon ami ! (Sourires.)

M. Robert Bret. Il sera content de l'apprendre... (Rires.)

Quoi qu'il en soit, il soulignait que « l'on ne saurait borner la "politique" d'immigration à sa seule dimension policière tant il est vrai que le développement des flux migratoires est dans la nature d'un monde de plus en plus globalisé ».

Il ajoutait : « La commission s'interroge sur la pertinence d'une approche qui tiendrait pour acquise la liberté des échanges commerciaux, financiers et de l'information, tout en astreignant les hommes à résidence dans leurs propres pays. »

La Commission nationale consultative des droits de l'homme avait raison de s'interroger, nous semble-t-il, tant il est vrai que rien dans ce projet de loi n'est fait pour nous rassurer.

Ce texte, dont la philosophie est très largement confirmée par le rapport qui, soit dit en passant, ne tient pas compte du quasi-refus de toutes les organisations, associations ou personnalités auditonnées, à la seule exception, il faut le reconnaître, des représentants des forces de l'ordre, contribuera plus à déstabiliser les étrangers en situation régulière qu'à lutter contre l'immigration clandestine.

Cette politique amorce une profonde régression des droits élémentaires de la personne en général et pas seulement de l'étranger.

Tout cela se fait au nom d'une « normalisation » européenne, sur laquelle je terminerai mon intervention. Cette justification, nous la contestons sur la forme comme sur le fond.

D'abord, parce qu'au niveau européen l'on sait bien que l'accord se fait sur le plus petit dénominateur commun - d'où l'expression de « normes minimales » -, ce qui ne signifie pas pour nous qu'il faille accepter un nivellement par le bas. Il faut le dire : on peut faire un autre choix comme celui de maintenir un haut niveau de protection sociale, sans céder systématiquement aux sirènes du libéralisme, nous le disons régulièrement dans cette enceinte.

Par ailleurs, comparaison n'est pas raison, monsieur le ministre, et l'on peut s'interroger sur l'opportunité de se fonder sur l'exemple de l'Allemagne dans la mesure où - l'aurait-on oublié ? - ce pays n'est devenu que très récemment dans l'histoire un pays d'immigration, à telle enseigne d'ailleurs qu'il a eu le plus grand mal à faire évoluer un droit de la nationalité dominé par le droit du sang pour intégrer les jeunes Turcs nés sur son sol.

Tant que nous ferons prévaloir une vision purement économique de l'immigration, nous irons à l'échec : l'exemple du partenariat euroméditerrannéen est de ce point de vue riche d'enseignements.

Au lieu d'une « zone de prospérité partagée » que prétendait instituer le processus de Barcelone en 1995, il est devenu une zone de libre-échange assurant la suprématie politique et économique de l'Union européenne au détriment des pays et des peuples de la rive sud. Les effets en sont catastrophiques sur le plan de la destructuration et de la fragilisation de ces pays et de leurs peuples, alors qu'ils sont interdits d'accès à l'autre rive, sans faire pour autant le bonheur des peuples de la rive nord.

Il s'agit d'une lecture univoque de la libre circulation des personnes, pourtant prônée dans la logique de la mondialisation, une logique qui ne peut conduire qu'à des crises et à des conflits.

Telles sont les grandes lignes, non exhaustives, de ce que nous pensons de ce texte, dont les aspects liberticides et profondément rétrogrades vous seront démontrés dans un instant par ma collègue Nicole Borvo, lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable.

Nous aurons l'occasion, article après article, à travers nos amendements, de développer nos arguments sur notre conception de l'immigration : notre projet de société contre le vôtre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela promet ! On est plus tranquille avec le nôtre !

M. Alain Gournac. Les leçons du parti communiste !

M. Robert Bret. Après celles du ministre !

M. Jacques Mahéas. Un peu d'humanisme !

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'extrême droite ne doit pas avoir le monopole de la question de l'immigration en France. En se saisissant de ce sujet, le Gouvernement fait preuve d'une détermination par laquelle il entend montrer à nos compatriotes que tout débat sur cette question ne relève pas d'une approche nécessairement polémique et ambiguë. Autrement dit, il est indispensable de souligner que discuter de notre politique d'immigration ne fait pas le lit des franges extrémistes mais, au contraire, permet de dédramatiser une question qui a trop longtemps inhibé la classe politique.

MM. René Garrec, président de la commission des lois, et Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est vrai !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très bien !

M. Georges Othily. Il n'y a pas, il n'y a plus de sujet tabou ! Et celui qui vous parle, ne serait-ce qu'en raison de la couleur de sa peau, serait mal placé de ne pas se fonder sur tout ce que l'humanisme a apporté à un peuple.

La réforme de la politique d'immigration n'appartient pas à une logique partisane qui ferait de la droite la tenante de la dureté et de l'insensibilité (M. Gournac rit) et de la gauche, le défenseur de l'humanité et de l'hospitalité.

M. Philippe de Gaulle. Et de la citoyenneté !

M. Georges Othily. Abordons les faits dans leur complexité, selon une logique pratique et sans esprit partisan. Recherchons le juste équilibre entre solidarité et principe de réalité. Soyons à la fois justes et fermes !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très bien !

M. Georges Othily. Nous sommes donc aujourd'hui conduits à réformer à nouveau le droit des étrangers et à modifier, pour la vingt-sixième fois, l'ordonnance du 2 novembre 1945.

M. Philippe de Gaulle. Hélas !

M. Robert Bret. Eh oui ! Ce n'est pas fini !

M. Georges Othily. La France et, plus largement, l'Union européenne proposent aux pays en voie de développement une vitrine de richesses parfois difficile à supporter pour des personnes dont le quotidien n'est fait que d'une lutte permanente pour survivre dans la dignité. La tentation est donc grande et légitime, pour celles-ci, de chercher à s'offrir, à elles-mêmes et à leur famille, une vie décente.

Pour autant, notre pays, la France, ne peut se permettre d'accueillir sans droit de regard l'ensemble des populations placées dans le désarroi économique et social.

Tout en respectant le partage des compétences avec l'Union européenne, notre société ne peut plus laisser se développer les abus engendrés par les faiblesses de notre droit, pénalisant des personnes souhaitant réellement venir en France pour s'intégrer dans la société française. Au final, il n'est pas plus acceptable de céder à l'angélisme que d'ignorer une réalité difficile.

Comme l'a précisé le Conseil constitutionnel en 1993 : « Le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques mais il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. »

Monsieur le ministre, vous avez su, à travers le présent projet de loi, prendre la mesure de l'équilibre qui doit être trouvé entre deux impératifs : la sauvegarde de l'ordre public et le respect de la dignité de la personne humaine.

D'un côté, le texte renforce notre arsenal législatif en prenant acte d'une réalité, hélas ! complexe et difficile qui oblige l'ensemble des intervenants de l'accueil des migrants à travailler trop souvent dans l'urgence et à flux tendus. La multiplication des abus rend ce texte nécessaire. Nos compatriotes ne comprendraient pas que l'Etat n'applique pas les lois dont il s'est lui-même doté ! Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes déterminé à ce que l'Etat retrouve une crédibilité, sans pour autant sombrer dans une politique néfaste et sinistre de fermeture totale de nos frontières.

De l'autre côté, la dignité des migrants, qui sont souvent dans une situation de détresse, est un impératif que le projet de loi respecte, tant dans son esprit que dans sa lettre. La France possède une tradition multiséculaire d'accueil : pérennisons-la !

Peut-être est-il dommage que le volet du projet consacré à l'intégration ne prévoit pas un enseignement de notre langue et des principes de notre République aux nouveaux arrivants ?

Je salue, quoi qu'il en soit, les avancées humanistes de ce texte, notamment l'abrogation dans certains cas de la « double peine », qui créait parfois des situations inextricables et ubuesques.

Pascal a écrit : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Pour ma part, je serais tenté de vous dire, monsieur le ministre, que ce qui est vrai en métropole ne l'est pas forcément outre-mer...a fortiori en matière d'immigration...

Si le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui fait preuve d'équilibre et constitue un bon texte à l'échelle de l'ensemble du territoire, je ne peux pas en dire autant, hélas ! pour une petite partie de notre territoire national que je connais bien, la Guyane ! A cet égard, le déséquilibre du texte est patent ! Si, pour la métropole, il est équilibré et adapté à la situation, en revanche, si l'on considère la seule Guyane, il devient un cautère sur une jambe de bois !

M. Jean Chérioux. Hélas !

M. Jacques Mahéas. C'est vrai pour la métropole aussi !

M. Georges Othily. Et pourtant, d'une certaine façon, le projet de loi reconnaît bien la spécificité de la Guyane en matière d'immigration puisque, à la suite, il est vrai, d'un amendement adopté par nos collègues députés, nous sommes le seul département français qui se voit honoré de l'instauration d'une commission composée « de parlementaires, de représentants de l'Etat et des collectivités locales ainsi que des acteurs socio-économiques, chargée d'apprécier les conditions d'immigration en Guyane et de proposer les mesures d'adaptation nécessaires ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !

M. Georges Othily. S'il reconnaît ainsi l'existence d'une particularité guyanaise, ce projet de loi ne prend pas en compte les réalités très spécifiques de la Guyane en matière d'immigration et, par conséquent, les mesures qu'il contient sont très largement insuffisantes pour le cas guyanais.

M. Jean Chérioux. Eh oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Créez une commission !

M. Georges Othily. Pourquoi renvoyer à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui ? Pourquoi mettre en place une commission quand on peut légiférer ? Pourquoi attendre quand le diagnostic est connu de tous, en tout cas en Guyane, et depuis bien longtemps maintenant ?

Voilà déjà vingt ans, en 1984, Elie Castor, ancien député de Guyane, et moi-même, alors président de la région, avons publié un ouvrage intitulé : La Guyane, les grands problèmes, les solutions possibles. Parmi ces grands problèmes, nous évoquions déjà, bien évidemment, l'immigration et nous écrivions : « Percevoir le problème de l'immigration, c'est l'analyser en fonction de la spécificité guyanaise d'une manière approfondie et objective sur toutes ses interactions et conséquences pour notre région. »

Après avoir dressé un constat, qui est toujours d'actualité pour l'essentiel, nous alertions les pouvoirs publics sur la nécessité de « stopper l'immigration qui atteint en Guyane un niveau très élevé ». La première des trente propositions que nous formulions à l'époque dans ce domaine n'était autre que celle-ci : « Etablir une législation spécifique à la Guyane. »

Quand on traite de l'immigration, on ne peut pas faire l'impasse sur le contexte et les situations démographique, géographique et économique, d'autant que c'est ce contexte qui structure la spécificité guyanaise.

La population de Guyane est composée à plus de 50 % de personnes appartenant à des communautés étrangères : plus de 130 nationalités différentes se côtoient, pour une population de seulement 160 000 habitants sur - faut-il le rappeler ? - vingt-deux communes qui recouvrent un territoire de 90 000 kilomètres carrés, soit la superficie du Portugal.

La Guyane représente, dans son environnement régional, un pôle de prospérité très attractif, caractérisé par un niveau de vie sans commune mesure avec celui des pays avoisinants. C'est donc dans ce contexte géo-économique très particulier que la Guyane continue d'apparaître comme un véritable eldorado suscitant une immigration massive en provenance des pays voisins : Surinam, Guyana, Haïti, Nordeste brésilien, notamment.

Cette forte immigration clandestine se caractérise par ce que j'appelle une « immigration-guichets », puisque ces populations viennent exclusivement pour bénéficier de prestations sociales en tous genres, prestations qui, aussitôt touchées, sont envoyées pour une très large part vers les pays d'origine de ces populations immigrées.

En conséquence, cette immigration n'est en rien productive de richesses et, bien loin de nous apporter une soutien pour accélérer notre développement économique, elle le handicape et le retarde très fortement du fait de son coût sans fin. Elle est un véritable tonneau des Danaïdes.

Ainsi, indirectement et sans que nous l'ayons décidé, nous faisons de l'aide au développement à nos pays voisins - serait-ce une nouvelle forme de coopération décentralisée ? - si bien que si la Guyane fait figure de région surdéveloppée sur le continent sud-américain, elle n'en demeure pas moins une des régions françaises et européennes les plus pauvres et les plus retardées en matière économique, et ceci explique cela !

Ce que j'essaye de vous dire, monsieur le ministre, c'est qu'immigration clandestine massive, d'un côté, et sous-développement de la Guyane, de l'autre, sont, bien évidemment, liés dans une relation de cause à effet.

Un autre que moi a dit : « La Guyane ne peut plus continuer à accueillir toute la misère du monde. » Quand on évoque l'immigration en Guyane, puisqu'on se situe dans une autre dimension et que l'on change véritablement d'échelle, on ne peut donc pas fournir à la Guyane des remèdes mis au point pour le seul territoire métropolitain. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles !

C'est pourquoi je proposerai à notre Haute Assemblée, à l'article 44 quater, des amendements concernant spécifiquement la Guyane et allant bien au-delà de l'instauration d'une simple commission. Car, avec quelques mesures radicales et bien ciblées, et en suivant le diagnostic que je viens de porter à votre connaissance, monsieur le ministre, il est d'ores et déjà possible, en retouchant ponctuellement ce projet de loi, d'établir une législation spécifique concernant l'immigration en Guyane, et cela conformément à l'article 73 de la Constitution.

Ainsi, la suppression de la possibilité quasi automatique, pour un étranger arrivé illégalement en Guyane, de bénéficier de multiples prestations sociales et le maintien de la « double peine » seraient deux signaux forts, et à coup sûr très efficaces, envoyés en direction des populations voisines.

Il s'agit, bien évidemment, non pas d'interdire toute immigration, mais de rechercher l'équilibre propre à la Guyane, et donc de parvenir à maîtriser et à réguler l'arrivée et la présence des étrangers sur le territoire, ce que ce projet de loi permet en métropole, mais certainement pas en Guyane.

La Guyane ne peut plus attendre davantage une politique de l'immigration qui lui soit adaptée et spécifique ; il y va, ni plus ni moins, de son développement économique et du niveau de vie de sa population. En Guyane, la maîtrise de l'immigration doit constituer la première des réformes sans laquelle toutes les autres sont vouées à l'échec ou à des demi-succès.

Le travail réalisé par les membres de la commission des lois et le travail remarquable de notre rapporteur méritent mes sincères fécilitations.

Les amendements proposés, s'ils sont adoptés par notre assemblée, rendront le projet de loi encore plus efficace et plus performant. Nous le voterons, car la Guyane est un pays qui veut se développer, qui recherche une stabilité et une reconnaissance dans son identité. Nous ne pouvons plus accepter que soient lancées des fusées sur fond de bidonvilles ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, aux Etats-Unis, des comédiens deviennent des politiques.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Gouverneur !

M. Philippe de Gaulle. En France aussi !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous constatons qu'ici des politiques deviennent des comédiens.

M. Jean Chérioux. Vous en êtes un bel exemple ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lorsque, hier soir, il nous a été annoncé que les débats n'auraient pas lieu, qu'ils seraient renvoyés à ce matin, je dois dire que nous avions prévu un tel report car, évidemment, sur le plan de la médiatisation de votre discours, monsieur le ministre, il était moins bon pour vous de présenter votre texte en séance de nuit.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est moi qui ai demandé le report.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que, comme d'habitude, ce débat sur l'immigration suit de près, suit même immédiatement, comme par hasard, le débat sur la grande criminalité. (Mme Nicole Borvo sourit.) C'est un rapprochement qui est à faire et qui est désagréable.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Amalgame !

M. Jean Chérioux. Comme d'habitude !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Puisque j'ai parlé de comédiens, je voudrais évoquer le rôle que vous vous êtes donné : celui du seul homme qui sait tout, qui ne ment pas et qui ne se trompe jamais !

M. Jean Chérioux. Sauf vous, qui êtes toujours un exemple !

M. Jacques Dominati. C'est une attaque qui n'est pas de mise dans cette enceinte. Qu'est-ce que cela veut dire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est d'autant plus désagréable pour les autres que chacun est faillible. C'est d'autant plus facile lorsqu'on a tout le temps de s'exprimer. Vous avez parlé pendant une heure,...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Et alors !

M. André Ferrand. C'est encore trop court !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... alors que nous disposons dans la discussion générale, pour notre groupe qui est multiple...

M. Jean Chérioux. C'est une autocritique que vous faites actuellement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et qui compte près de quatre-vingts sénateurs, très exactement de vingt-huit minutes !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est encore trop ! (Rires.)

Mme Nicole Borvo. S'il n'y avait pas d'opposition, ce serait très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. A la soviétique !

M. Michel Drefus-Schmidt. Cela nous amène parfois à vous interrompre et nous vous remercions d'ailleurs de quasiment l'accepter.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Provocateur !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela étant, c'est la vingtième fois... (Brouhaha sur les travées de l'UMP.) Chers collègues, si vous m'interrompez tout le temps, je vous remercierai, monsieur le président, d'en tenir compte ! Il faut bien que certains d'entre vous, qui sont obligés de nous entendre,...

M. Jean Chérioux. De vous écouter, pas de vous entendre !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... évidemment réagissent.

C'est la vingtième fois depuis 1986 que va être modifiée - que dis-je, bouleversée ! - l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

M. Jacques Dominati. Il y a des gens qui sont restés inactifs depuis des années !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez prétendu tout à l'heure, monsieur le ministre - vous l'aviez déjà dit, beaucoup le répètent après vous -, que vous vouliez, par ce projet de loi, lutter de manière inflexible contre l'immigration irrégulière pour mieux protéger les étrangers séjournant en France.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Bien entendu !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or ce n'est aucunement ce à quoi tend votre texte.

Vous nous parlez des filières. Que les choses soient claires, nettes et précises : nous sommes tous d'accord pour lutter contre les filières... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voilà une bonne nouvelle !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... qui fournissent aux ateliers clandestins des malheureux qu'il faut protéger...

M. Jean Chérioux. Vous n'avez rien fait ! Pourquoi avez-vous laissé faire ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de vous dire que nous les avons combattues, mais que nous avons aussi connu M. Debré et M. Pasqua ! Les carences que vous dénoncez aujourd'hui viennent aussi de ce qui n'a pas été fait par ceux-là, et donc par vous !

M. Jacques Dominati. Aujourd'hui, on le fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On va voir !

M. Jean Chérioux. Vous êtes mal placé pour le dire !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quelles références ! C'est une école de modestie pour moi. (Sourires.)

M. le président. Mes chers collègues, j'assure une présidence souriante,...

M. Jean Chérioux. Je vous en donne acte, monsieur le président !

M. le président. ... mais n'en abusez pas !

M. Jean Chérioux. Avouez qu'il y a de la provocation, monsieur le président !

M. le président. Oui, mais des deux côtés. C'est pourquoi je vous demande d'en rester là.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt et à lui seul.

M. Jean Chérioux. S'il n'est plus provocateur !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un comédien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez que je m'exprime ! Nous n'avons pas beaucoup de droits, mais nous avons encore celui de nous exprimer, surtout dans cette enceinte, ne croyez-vous pas ?

Nous combattons les mesures que vous proposez parce qu'elles s'appliqueraient à des individus, à des malheureux, alors que vous les dites destinées à lutter contre les filières. Il faut séparer les choses et bien préciser dans le projet de loi que ces dispositions ne s'appliquent pas aux hommes ! Ainsi serons-nous d'accord. Mais ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas ! Nous sommes parfaitement favorables à la lutte contre les filières et des efforts ont toujours été faits par les uns et par les autres pour les combattre. Ne nous dites pas que nous n'avons rien fait !

Vous l'avez indiqué, et c'est vrai, l'immigration clandestine provient pour beaucoup du fait que des étrangers entrés en France avec un visa touristique de trois mois ne repartent pas. Nombre d'entre eux feignent d'oublier de quel pays ils viennent et détruisent leurs papiers d'identité.

M. Jean Chérioux. Eh oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Contre cela, vous proposez une mesure que nous comprenons et qui pourrait se révéler tellement efficace qu'elle exclurait toutes les autres. Il s'agit, lors de la demande de visa, que soient prises les empreintes digitales et la photo du demandeur. Mais, comme il faut parcourir des milliers de kilomètres pour être reçu, après avoir attendu longtemps devant les consultats, nous suggérons que les empreintes et la photo soient prises lors de la délivrance du visa.

Mais il est inutile d'y ajouter toutes les autres dispositions qui proviennent, pour nombre d'entre elles, du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et de membres maximalistes de votre majorité, tel le rôle des maires ou des services municipaux dans une politique qui exige, pour être équitable, qu'elle soit la même sur l'ensemble du territoire. Vous faites de la démagogie, notamment vis-à-vis des maires, et Dieu sait qu'il est habituel de le faire au Sénat, qui, depuis longtemps, veut leur donner un rôle qui n'est pas le leur. Or nous savons parfaitement que certains maires accorderont certaines choses...

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Jean Chérioux. Les réalités locales sont diverses !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que d'autres refuseront, c'est-à-dire que la loi ne sera pas appliquée de la même manière dans toute la France. Nous préférons que vous preniez vos responsabilités et que les décisions relèvent non des maires mais de vos services.

M. Jean Chérioux. Cela s'applique à des situations différentes !

M. Georges Othily. C'est la décentralisation !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais surtout, et contrairement à ce que vous affirmez, suivent ensuite de multiples dispositions qui précarisent la situation des étrangers régulièrement présents sur notre sol. Nous n'allons pas toutes les énumérer. Nous y reviendrons.

Ainsi, vous allongez le délai exigé pour obtenir une carte de résident de dix ans en créant la carte de séjour temporaire de trois ans au lieu de cinq. Vous multipliez les conditions qui devont être remplies pour que la carte de résident soit en définitive attribuée. Vous accumulez les obstacles devant le regroupement familial. Vous avez même accepté que soient modifiées les conditions demandées pour que la naturalisation puisse intervenir, confondant ainsi deux procédures différentes, la naturalisation n'ayant rien à voir avec l'entrée et le séjour des étrangers en France.

Permettez-moi de vous dire tout de même, monsieur le ministre, comme je le pense, que toutes les mesures que vous voulez appliquer à ceux qui sont naturalisés ne correspondent en rien à la tradition de la République. Nous connaissons nombre de nos concitoyens d'origine étrangère qui pourraient se féliciter du fait qu'aucune de ces conditions n'ait été exigées de leur ancêtre lorsqu'il est arrivé en France. C'est pourquoi nous nous battrons point par point, article par article, alinéa par alinéa, pour supprimer au maximum toutes mesures de précarisations nouvelles de la situation des étrangers résidant régulièrement en France.

Enfin, vous voulez porter la durée du maintien possible en zone d'attente ou en centre de rétention de douze à trente-deux jours. Vous nous avez évité tout à l'heure le couplet que vous avez entonné devant la commission des lois après l'avoir fait à l'Assemblée nationale en vous référant à un texte européen. Vous aviez dit précisément devant l'Assemblé nationale : « Les accords de réadmission en cours de négociation par l'Union européenne ouvrent aux Etats d'origine un délai d'un mois pour répondre à la demande de laissez-passer consulaire pour organiser le retour. »

Vous nous citez plusieurs pays, l'Allemagne par exemple, qui, contrairement à nous, n'ont pas eu un empire colonial pendant fort longtemps...

M. Jean Chérioux. Et l'Angleterre, elle n'en a pas eu ?

Mme Nicole Borvo. Calme !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous, nous avons noué des liens étroits avec de nombreuses populations, ce que n'a pas fait l'Allemagne.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. L'Espagne ?

M. Jean Chérioux. L'Angleterre ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je parle de l'Allemagne !

On peut sûrement trouver d'autres arguments ; on n'a pas fait de droit comparé ici. Je n'insiste pas.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il vaut mieux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En ce qui concerne les conventions, monsieur le ministre, nous vous avons demandé de nous les communiquer pour nous faciliter le travail. Vous deviez le faire au cours du débat. Nous y sommes, mais nous n'avons toujours rien, permettez-moi de vous le dire !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je serai au rendez-vous, comme d'habitude, monsieur Dreyfus-Schmidt, alinéa par alinéa !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous serez au rendez-vous ? Il serait bien temps !

Nous avons trouvé une convention qui a été proposée par la Finlande...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La Finlande, en matière d'immigration...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est pour l'immigration des pingouins !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et qui a été fortement critiquée par le Parlement européen. Il y est question d'un délai d'un mois. Au surplus, le délai de réadmission concerne les relations entre Etats membres signataires des accords de Schengen et non ceux de l'Union européenne avec les Etats d'origine.

C'est la seule convention que nous ayons trouvée, jusqu'à ce que, hier, en commission, on nous communique un document qui est soumis à notre Parlement et qui est une convention avec le Sri Lanka !

Ce pays accepterait ce qui lui est proposé par l'Union européenne, à savoir que le délai de réadmission soit d'un mois. C'est tout ce que nous avons trouvé, ce n'est donc pas un argument.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela prouve que l'Union européenne considère que c'est bien. C'est cela qui est intéressant !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela prouve surtout qu'il y a eu une composition pénale entre les deux pays !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela n'a rien à voir !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a eu un accord, c'est un contrat, mais c'est autre chose et nous en parlerons.

Cela dit, encore faudrait-il que les locaux de rétention et de nos zones d'attente pour les personnes retenues soient corrects !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vrai !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous savez qu'ils ne le sont pas.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela dépend !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous déposerons donc un amendement visant à ce que les mesures qui seraient adoptées à cet égard soient applicables uniquement lorsque les locaux seront décents.

Je terminerai avec la « double peine ».

Je ne veux pas vous rechigner notre accord et nos compliments. Vous avez su, courageusement, entraîner la conviction de votre majorité - en tout cas, elle vous suit. Nous espérons qu'il en sera de même ici, - à moins qu'elle ne nous suive, nous ! Mais permettez-moi de vous dire que si tel avait été le cas, si votre majorité avait suivi le groupe socialiste du Sénat lors de la discussion du code pénal, des lois Pasqua, des lois Debré, des lois Chevènement, vous n'auriez pas eu besoin, vous, de vous y convertir aujourd'hui, car vous ne souteniez pas plus cette idée alors, et aucun de nos collègues non plus !

Vous avez prononcé ce matin un discours intelligent et qui reprend des propos que vous tenez depuis un certain temps. Avec la modestie qui nous est commune (Rires), je dois vous dire que nous tenons depuis longtemps ce même discours devant nos collègues. Ils le connaissent et l'ont reconnu. Qu'ils nous suivent donc immédiatement et supprimons complètement l'interdiction judiciaire du territoire !

M. Etienne Pinte a donné de multiples exemples de personnes qui mériteraient de ne pas risquer l'interdiction du territoire, mais nombre de ses amendements n'ont pas été retenus par l'Assemblée nationale, et beaucoup risquent quand même l'interdiction avec le texte tel qu'il est rédigé.

J'ai été alerté hier soir sur le cas d'un garçon qui a pour la première fois été condamné, à ving-trois ans, à une interdiction du territoire, et qui l'a été ensuite à de multiples reprises, toujours et uniquement pour des questions de papiers d'immigré. Aujourd'hui, à environ quarante-cinq ans, il ne serait pas protégé par le texte de loi s'il était adopté.

Personne ne discute le principe de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dont vous prétendez faire un article 25 bis en le modifiant légèrement, c'est-à-dire en ne parlant plus des mineurs, et qui prévoit, « en cas d'urgence absolue... et de nécessité impérieuse », que l'Etat peut expulser n'importe quel étranger.

Mme Nicole Borvo. Cela suffit, en effet !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tenons-nous en à cela et nettoyons donc le code pénal de tous les autres cas d'interdiction ! Il n'y aura plus de « double peine » judiciaire et l'Etat conservera la possibilité d'expulser dans les cas où cela s'impose : terrorisme, espionnage.

Telle est la position du groupe socialiste, mes chers collègues. Nous vous demandons, aux uns et aux autres, non pas, contrairement à ce que vous dites, de faire que les uns soient tout blanc, les autres tout noir, mais de ne pas oublier qui il y a, d'un côté, la filière et, de l'autre, des malheureux, des gens qui ont de la famille en France, qui ont été séparés par l'histoire. Je vous demande, chaque fois que l'on examinera les cas particuliers, de penser à cette dépêche du 4 septembre 2003 : « Immigration : un sans-papiers algérien de 34 ans qui avait sauté, mardi 2 septembre, du 4e étage d'un foyer Sonacotra de Sartrouville (Yvelines) où un contrôle de police était en cours, est mort dans l'après-midi. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment peut-on parler d'immigration ? Ce mot est encore aujourd'hui, alors que nous sommes maintenant fermement ancrés dans le xxie siècle, vecteur de mythes, de fantasmes, d'interrogations, de préoccupations et de complexes.

Mythe de l'immigration zéro, mythe de l'ouverture totale des frontières...

Fantasme de l'invasion, fantasme selon lequel l'immigration serait porteuse de tous les maux de notre société : chômage, violence...

Interrogations, car l'immigration est indéniablement au croisement de multiples interrogations de nos concitoyens, à l'heure de l'élargissement de l'Union européenne vers l'est et de l'accélération de la mondialisation.

Préoccupations quant au problème de l'immigration clandestine et quant à la réussite d'un modèle français d'intégration qui n'en est aujourd'hui plus un.

Complexes quant à un sujet qui demeure encore relativement tabou et dont on n'ose peu parler librement et ouvertement, de peur d'être parfois injustement taxé de racisme. La caricature naît de ce que ce débat est depuis trop longtemps occulté et accaparé à la fois par les partisans du laxisme et par ceux du racisme.

Monsieur le minitre, en prenant le parti de renforcer les contrôles et de lutter très fermement contre l'immigration clandestine, qui mine véritablement l'intégration, en choisissant de renforcer votre action en faveur des étrangers régulièrement installés sur notre territoire, en encourageant notamment leur promotion sociale et professionnelle, vous avez choisi la voie juste, la seule possible : celle du réalisme.

Le Gouvernement a trouvé en la matière une situation intolérable et absurde. Tout à l'heure, à l'instar du rapporteur, Jean-Patrick Courtois, vous avez cité des chiffres éloquents que, bien entendu, les adversaires de cette réforme occultent systématiquement. Sans revenir sur ces chiffres, permettez à un élu de l'Essonne de donner quelques précisions sur son département.

Les rapports d'activité des services de l'Etat ont établi que les taux d'exécution des décisions de reconduite aux frontières avoisinent 7 %, ce qui veut dire que 93 % des décisions n'étaient pas exécutées. Et que deviennent, mes chers collègues, les 93 % en question ? Quels sont leurs moyens d'existence ? Ils ne peuvent que se tourner vers le travail clandestin, ce qui nuit au travail tout court, vous le savez bien, ou bien alimenter la délinquance.

Au travers de ce projet de loi, vous nous invitez à débattre enfin de manière décomplexée d'un sujet des plus sensibles, autour duquel se cristallisent tant de crispations de notre société et qui suscite chez nos concitoyens une attente très forte, notamment en matière d'intégration.

Aujourd'hui, faisons donc le pari d'une discussion ouverte et sans complexe et gageons, à la lumière de votre projet, qu'il ressortira de nos débats dans cette Haute Assemblée un texte équilibré, porteur d'un message clair : main tendue vers l'immigration régulière, conformément à notre tradition humaniste d'accueil...

M. Jacques Mahéas. Elle en prend un coup !

M. Laurent Béteille. ... inspirée du siècle des Lumières et des valeurs universelles léguées par notre histoire, mais aussi nécessaire fermeté contre ce qui fait obstacle à cet accueil, qui repose sur un contrat d'intégration fondé sur la citoyenneté républicaine, laïque et égalitaire.

Trop d'immigration tue l'immigration en faisant obstacle à l'intégration. Car aucune société n'est en mesure d'assimiler un flux migratoire trop important, non maîtrisé. Une intégration réussie est fondée sur un lien de confiance entre l'immigré et la société. La confiance réciproque ne se gagne que progressivement lorsque les conditions en sont réunies. L'immigration illégale doit être d'autant plus fermement combattue qu'elle brise ce lien de confiance.

Votre texte a le mérite, monsieur le ministre, de rechercher un équilibre mesuré entre une lutte ferme et sans merci contre l'immigration irrégulière, d'une part, et une volonté de forger une véritable politique publique d'intégration de l'immigration régulière, d'autre part.

Le contrat d'intégration et le lien de confiance que j'ai évoqués précédemment, vous les avez formalisés dans ce projet de loi et leur avez donné un contenu, ce dont je me félicite.

Le contrat d'accueil et d'intégration que vous souhaitez mettre en place fixe les conditions d'intégration de l'étranger dans la société française : il lui sera dorénavant demandé de prouver sa volonté réelle de s'intégrer en apprenant la langue française, en suivant une formation professionnelle et en participant à la vie locale et associative, par exemple.

Cette confiance placée par la société dans l'étranger qui souhaite s'intégrer doit être réciproque.

C'est grâce à ce contrat d'accueil qu'il est désormais possible de revoir le système dit, abusivement, de la « double peine », c'est-à-dire de l'interdiction du territoire, qui pouvait donner le sentiment à l'étranger désirant réellement s'intégrer qu'il n'était pas à l'abri d'une sanction inégale par rapport à un citoyen français. Il est en effet proposé que l'étranger délinquant soit traité comme tout délinquant. S'il a commis une infration, il sera puni comme n'importe quel délinquant, ni plus ni moins. Lui infliger une interdiction du territoire en plus de la peine de prison, alors que des liens familiaux l'unissent à notre pays, n'est plus nécessaire et doit être supprimé.

Une fois la peine effectuée, si, de manière générale, il est donné la possibilité au délinquant de se réinsérer dans la société, l'étranger délinquant doit également avoir la possibilité, une fois sa peine effectuée en France, de se réinsérer dans la société française et, partant, d'avoir une chance de s'intégrer.

A dire vrai, ce sont les résultats de votre politique qui ont permis une véritable baisse de la délinquance, et c'est pourquoi nous pouvons maintenant revenir sur la « double peine ». Le dispositif que vous proposez, monsieur le ministre, préserve encore une fois l'équilibre entre fermeté et intégration. Car si vous nous proposez de réformer cette interdiction du territoire, vous ne la supprimez pas, en particulier pour les crimes et les délits les plus graves : la réalité de l'attachement qui lie l'étranger à son pays d'accueil peut être remis en question.

Il faut bien faire la différence, en effet, entre l'immense majorité des étrangers qui souhaitent réellement vivre en France, qui se reconnaissent dans les valeurs de la République, dans notre attachement à la démocratie et à la laïcité et qui font des efforts pour s'intégrer, et ceux qui rejettent les valeurs de notre société, qui profitent de notre générosité et qui transgressent nos lois. Les immigrés clandestins en font partie.

C'est pourquoi, entre autres, j'approuve, monsieur le ministre, votre projet de création d'un fichier d'empreintes digitales pour les demandes de visas. Il va enfin permettre à nos services de police de lutter efficacement contre une pratique connue de tous et en l'occurrence des clandestins : l'entrée sur notre territoire avec un visa de touriste, puis la destruction de ses papiers d'identité, de sorte que les autorités françaises ne puissent plus connaître la nationalité de l'étranger et l'expulser.

Ce fichier doit être mis en place rapidement. Il permettra de résoudre cette difficulté.

Je me félicite également, monsieur le ministre, de votre volonté de mettre un terme à la pratique honteuse des mariages blancs. Désormais, la durée de vie commune nécessaire à la délivrance de la carte de résident au titre du mariage avec un ressortissant français passera d'un an à deux ans. La participation et l'organisation d'un mariage de complaisance seront sérieusement réprimés en devenant un délit.

De même, les mariages célébrés à l'étranger entre un étranger et une jeune fille française issue de l'immigration en vacances dans son pays d'origine sont - nous le savons tous - parfois contraints, avec toutes les conséquences intolérables que cela peut entraîner.

Grâce à ce texte, les futurs époux devront désormais se présenter personnellement au consulat, ce qui devrait permettre d'enrayer cette pratique d'un autre temps et qui méprise l'individu.

Que dire, en outre, de la loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, qui a remplacé l'ancien certificat d'hébergement délivré par les maires pour les étrangers souhaitant un visa pour un court séjour par une simple attestation d'accueil, gratuite et délivrée sans la moindre vérification de la capacité de l'hébergeant à accueillir un ou plusieurs étrangers ?

La réglementation actuelle ne confère en effet aucune compétence au maire pour apprécier l'opportunité de l'accueil d'un étranger par le demandeur de l'attestation d'accueil. Devant seulement s'assurer de l'identité du demandeur et de la réalité de son domicile dans la commune, le maire se trouve de facto démuni pour discerner ou détecter les situations pouvant favoriser le processus d'immigration clandestine.

Et même si le maire a parfaitement connaissance d'une situation qui constitue une entorse à nos lois, il lui est interdit de refuser l'attestation, ce qui est absurde et insupportable. Dans le département de l'Essonne, que je représente ici, de nombreux maires se sont plaints à plusieurs reprises de cette situation.

Grâce à votre projet de loi, monsieur le ministre, le maire pourra désormais refuser de valider l'attestation d'accueil lorsque les demandes précédentes feront apparaître une tentative de fraude ou lorsque le contrôle du logement effectué par l'Office des migrations internationales montrera que les conditions normales, minimales, d'hébergement ne sont pas réunies.

Cette lutte contre l'immigration clandestine passe aussi par l'allongement de la durée maximale de rétention administrative dans le cadre des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Vous proposez de la faire passer de douze jours à un mois. Cette durée, qui se rapproche de celles qui sont appliquées dans les autres États européens, est beaucoup plus réaliste que le délai actuel, totalement incompatible avec les délais habituels de délivrance des laissez-passer consulaires et l'organisation de vols groupés entre Etats de l'Union européenne.

En contrepartie, vous avez prévu d'accorder des garanties supplémentaires aux étrangers maintenus en centres de rétention. Une commission nationale de contrôle des centres et des locaux de rétention sera chargée de veiller au respect des droits des étrangers retenus et aux conditions de leur hébergement.

Comme nous le constatons, vous avez, monsieur le ministre, fait le choix du réalisme et de l'équilibre sur un sujet ô combien sensible et difficile. C'est la raison pour laquelle je soutiens l'esprit de ce projet de loi, qui est juste. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, l'annonce de votre projet de loi a été salué par des militants comme Bertrand Tavernier, parce qu'il mettait en perspective la fin d'une injustice, la fin de la « double peine ». L'examen du texte montre que ce n'est pas encore le cas et que maigres sont les avancées.

Ce que nous avons pris l'habitude d'appeler communément « double peine », ce sont à 95 % les peines d'interdiction du territoire français, les ITF, prononcées par les tribunaux. Pour abolir la « double peine », il faut supprimer l'interdiction du territoire français du code pénal.

D'autres que vous ont semé l'espoir sur ce sujet. Valéry Giscard d'Estaing déclarait : « Personne ne peut être puni deux fois pour le même délit. » François Mitterrand disait : « C'est une atteinte aux droits de l'homme que de séparer de leur famille, et d'expulser vers un pays dont bien souvent ils ne parlent même pas la langue, des jeunes gens nés en France, ou qui y ont passé une partie de leur jeunesse. »

Ces déclarations n'ont pas été suivies de l'abolition de la « double peine », même si l'on ne peut comparer la loi Sapin et la loi Pasqua. Seulement voilà, nous sommes dans le troisième millénaire et les progrès de l'humanité ne sauraient se résumer aux avancées technologiques ou au constat du manque d'audace des prédécesseurs. Tout comme la France est sortie de la barbarie de la peine de mort, grâce à l'indéfectible engagement de M. Robert Badinter, le temps est venu d'abolir la « double peine ». Ce week-end, sur France Inter, une grand-mère juive, enfant de déportés, concluait à l'antenne : « Ce qu'il faut retenir, c'est que tous les hommes sont égaux, quels qu'ils soient, où qu'ils soient. »

Eh bien ! l'interdiction du territoire français transgresse cette règle élémentaire de démocratie, parce qu'elle s'appuie sur une rupture d'égalité devant la loi. La loi prévoit que la condamnation soit proportionnelle à l'infraction à sanctionner et puisse prendre en compte la personnalité du délinquant, mais pas son sexe, sa religion, son appartenance politique ou syndicale, son origine régionale ou ethnique. Sinon, c'est de la discrimination !

Ou alors, il faudrait considérer qu'il y a une double faute, une faute en plus du délit, la faute de venir d'ailleurs, de ne pas être à sa place. Ce serait alors toute une partie de la population qui serait potentiellement en faute, un peu comme les condamnés avec sursis. Et plane alors l'inacceptable suspicion.

On ne peut pas laisser subsister, par le biais de l'interdiction du territoire français, une attitude dont chacun ici se défend, de rejet de l'étranger : cela reviendrait à diffuser l'idée que la France serait harmonieuse sans eux. Or, la France c'est tout le monde, et l'apport de chacun est essentiel. Il n'y a pas eux et nous : eux, c'est nous. Et chez eux, chez nous, c'est ici.

Mais ceux qui font mal à la France, me direz-vous ! Ceux-là ne méritent-ils pas qu'on les éloigne ? Cette question appelle des principes, du pragmatisme et aussi un regard sur le xxie siècle.

Des principes que partagent tous les républicains, mais sur lesquels balbutient les gouvernements depuis plus de cinquante ans : il n'y a pas de population suspecte ; on ne peut pas lier immigration et insécurité ; la loi doit être la même pour tous.

Quant au principe du droit souverain d'un Etat à protéger sa sécurité publique contre les terroristes ou les espions, l'arrêté ministériel d'expulsion, dont la procédure contradictoire, si elle est respectée, garantit le respect des droits de la défense, est amplement suffisant.

Dans le cas de l'ITF, le pragmatisme impose de constater que, dans 80 % des cas, la personne expulsée fait tout pour revenir dans son pays, la France, là où elle a sa vie, ses attaches. C'est alors pour elle la clandestinité, donc la récidive de l'infraction aux règles, ne serait-ce que pour survivre.

Seront alors menacés les actions humanitaires, les amis solidaires, la famille ; le texte envisage même la confiscation des biens.

La générosité et la solidarité sont des valeurs précieuses en 2003, que le Gouvernement aurait tort d'éradiquer.

Il ne faut pas annoncer comme indispensables des mesures inutiles.

Par l'article 14 bis, vous installez l'ITF pour les travailleurs clandestins avec visa de trois mois. C'est injuste, car je maintiens que c'est l'employeur qu'il faut punir. C'est aussi inutile, car l'article 12 de l'ordonnance de 1945 et le décret du 1er octobre 1991 permettent, à droit constant, un retrait du titre de séjour, suivi d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pour activité lucrative sans autorisation.

Et puis, il faudrait regarder dans quel monde nous vivons. Il n'y a vraiment pas besoin d'être sur le territoire d'un pays pour lui faire mal ! Et les horribles actes de terrorisme qui ont secoué la planète montrent, à l'évidence, qu'ils se sont fomentés ailleurs, et que l'ultime exécution locale n'a pas reposé sur les actes d'un condamné !

Tout ce que nous découvrons, des exportations ravageuses pour l'économie du Sud aux baisses du cours du coton, des délocalisations avides de dumping social et environnemental aux ventes d'armes, démontre qu'il y a mille façons de faire mal, et de manière totalement légale ou impunie. C'est là aussi qu'il faut chercher les causes de l'immigration.

L'argent coule à flot entre réseaux de drogue, d'esclavage des femmes, immobilier occulte ou ateliers clandestins. Nous ne pouvons pas punir le petit dealer bronzé, la prostituée slave ou le travailleur au noir, qui verront à leur peine s'ajouter le verdict inique de l'interdiction de territoire, sans que nous puissions en enrayer les causes.

Monsieur le ministre, la « double peine » est discriminatoire, inhumaine, criminogène et archaïque.

Comme pour la peine de mort hier, il est facile pour certains de susciter le faux bon sens, l'irritation émotionnelle, en montrant tel ou tel crime, et en provoquant le rejet. Mais, comme pour la peine de mort hier, il faut tenir bon le cap de l'humanisme et de la justice, il faut abolir la « double peine ».

Pour le reste, la volonté de maîtrise de l'immigration qui inspire ce texte fait peser sur ceux qui vivent ou parviennent en France des contraintes administratives accrues, souvent sans recours, souvent sans réponse possible.

Le Gouvernement se comporte vis-à-vis des étrangers un peu comme le FMI vis-à-vis du Sud, en édictant un ensemble de clauses irréalisables. C'est ce que Aminata Traoré, ex-ministre du Mali, nommait « la danse impossible ».

Les délais s'allongent ; les maires peuvent refuser, par leur simple silence, l'attestation d'accueil ; la naturalisation s'éloigne pour les mineurs adoptés ; les hébergeants d'irréguliers sont condamnables - je pense à ceux de Calais ; la défense peut se réduire aux échanges téléphoniques et la non-signature du PV fait perdre le précieux délai du « jour franc » pour faire valoir les arguments de la défense.

Cet arsenal est si hostile que, dans son zèle à barricader le pays, il a oublié l'humanitaire - je pense notamment aux malades - et les ONG, dont le travail risque d'être enrayé par le parcours kafkaïen imposé.

Pour accueillir, demain, les enfants de Tchernobyl, comment voulez-vous que chaque famille paie 15 euros de taxe, obtienne du maire une attestation d'accueil, lequel maire devra être tenu informé par le consul d'Ukraine ou de Bélarus du devenir du dossier du visa de l'enfant, qui devra fournir photo et empreintes digitales ?

L'entrelacs de conditions à remplir s'avère être une grille que l'on ne franchit pas.

Au fil des amendements, nous essaierons d'éviter le pire. Je pense à des détails douloureux, à l'insalubrité des lieux de rétention, notamment. Je pense aussi à ce qui se passe ailleurs. Comment le Gouvernement fera-t-il passer aux consulats les nouvelles règles, en particulier celles du droit au retour ?

Ce qui doit aussi nous importer, c'est la lisibilité des conditions d'accès à un visa, c'est la garantie que l'arbitraire n'a pas sa place dans les couloirs des bureaux de la France à l'étranger, c'est l'assurance que le droit au retour pourra s'exercer. Nous serons vigilants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à vous faire part de ma grande satisfaction de voir le Gouvernement s'atteler de nouveau à une tâche ardue avec courage, détermination et discernement.

Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le ministre, est juste, équilibré et pragmatique.

Pour la première fois depuis longtemps, on ose affronter la question de l'immigration dans sa globalité, sans faux discours ni arrière-pensée. En effet, si vous vous attachez à combattre les filières d'immigration clandestines, sujet qu'il faut aborder avec une très grande rigueur, vous n'oubliez pas cependant de traiter le problème de l'intégration des immigrés en situation régulière.

Notre pays, terre d'immigration, s'est façonné grâce aux migrations historiques cimentées par le ferment républicain. Notre société étant le fruit de cette histoire, il est fort logique aujourd'hui d'oeuvrer pour aider à l'intégration de ceux qui veulent s'investir en France et venir l'enrichir.

Au-delà, la réforme que vous nous proposez s'intègre dans un chantier plus vaste engagé par le Gouvernement, qui regroupe, notamment, le volet relatif au droit d'asile, dont nous discuterons très prochainement. Vous vous efforcez donc, avec vos collègues, en particulier le ministre des affaires étrangères, de traiter l'ensemble des aspects du problème qui nous préoccupe.

Comme vous l'avez précisé, deux thèses s'opposaient jusqu'à présent sur l'immigration : d'un côté, le mythe de l'immigration zéro, dénué de sens, puisque 100 000 personnes environ entrent en France de manière légale tous les ans ; de l'autre, l'ouverture totale des frontières, tout aussi irréaliste, nul besoin d'en détailler les raisons.

Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd'hui, monsieur le ministre, rompt avec ces extrêmes et, en cela, nous préserve d'une lecture manichéenne et, par conséquent, simpliste et dangereuse, surtout quand on parle d'une thématique propice à tous les fantasmes.

La force de ce texte réside dans son équilibre, sa pondération et la détermination avec laquelle vous le soutenez.

Je me félicite donc des trois grands axes que vous avez balisés, à savoir la lutte contre l'immigration irrégulière et contre les filières, l'intégration des étrangers en situation régulière, la réforme de ce que l'on appelle communément la « double peine ». En cela réside toute la justice et l'équilibre de ce texte.

La justice, d'abord, car il faut prendre des mesures fortes contre l'immigration irrégulière et les filières d'immigration clandestine, qui relèvent de l'esclavagisme moderne. Parmi les mesures allant dans cette direction, on trouve le renforcement des sanctions contre les passeurs et les transporteurs de clandestins, la création d'un fichier d'empreintes digitales pour les demandeurs de visa, ou encore la lutte accrue contre les paternités et les mariages de complaisance.

Il est par ailleurs normal de tenir compte des étrangers ayant un engagement avec notre pays, en préservant de la peine d'interdiction du territoire français un étranger que son histoire personnelle rattache à la France. Autrement dit, vous rendez la « double peine » inapplicable dans certains cas, ce qui met fin à des situations parfois absurdes qui consistaient à renvoyer un étranger intégré en France dans un pays d'origine avec lequel il n'avait plus de liens, au risque de détruire, parfois, une famille. En cela, monsieur le ministre, votre projet de loi est non seulement juste, mais également empreint d'humanisme.

Un autre point fort de la réforme que vous nous soumettez concerne l'introduction, dans notre droit, de la notion d'« intégration ». Désormais, pour obtenir une carte de résident, il faudra remplir une condition d'intégration : connaître la langue française ainsi que les principes fondateurs de notre République, notamment. En plaçant cette notion au coeur du projet de loi, vous subordonnez la possibilité de résider en France à un acte de volonté fort de la part de l'étranger. Il est normal que cette volonté soit récompensée si elle est le fruit d'un effort et d'une démarche réelle et positive.

Sur un autre versant, votre texte renforce considérablement le pouvoir d'appréciation et de décision des maires. En ma qualité de maire, je me réjouis des capacités d'action et d'appréciation accrues dont ces élus les plus proches des réalités du terrain seront désormais détenteurs. Ce point est d'autant plus appréciable qu'il était devenu plus que nécessaire de combler les failles introduites par la loi RESEDA, notamment au sujet des attestations d'accueil. Sous l'effet de cette loi, qui obligeait le maire à valider une attestation d'accueil, le nombre de ces attestations a quadruplé entre 1998 et 2002. Désormais, grâce aux mesures que vous nous soumettez, les maires pourront refuser de valider une attestation d'accueil en cas de détournement de procédure ou d'inadaptation du logement de l'hébergeant.

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas leur rôle !

M. Christian Demuynck. C'est vrai, ce n'est pas leur rôle aujourd'hui, mais cela va le devenir avec cette loi.

M. Robert Bret. Ce n'est pas un service à leur rendre !

Mme Nicole Borvo. En effet ! Nous verrons bien !

M. Robert Bret. Un képi et un sifflet pour chaque maire !

M. Christian Demuynck. Bien que ce point fort du texte fasse encore débat, notamment sur le point de la vérification des bonnes conditions d'hébergement, il constitue une avancée majeure qui mérite d'être soulignée. C'est une bonne mesure que de permettre aux services sociaux des communes de vérifier si les conditions d'hébergement sont réunies, et je pense qu'il serait même souhaitable d'élargir la possibilité d'habilitation à l'ensemble du personnel municipal, afin d'augmenter la marge de manoeuvre des maires.

Enfin, en tant que sénateur de la Seine-Saint-Denis, je me dois de revenir un instant sur le serpent de mer que constitue l'utilisation, ou plutôt la non-utilisation, de la salle d'audience de l'aéroport de Roissy, aéroport que vous avez qualifié, monsieur le ministre, de « première frontière de France ».

Je sais, pour vous avoir entendu il y a quelques minutes à ce sujet, qu'il vous tient à coeur de régler au mieux ce problème. Je me limiterai donc à rappeler le paradoxe que constitue, d'une part, la non-utilisation de cette salle construite sous le gouvernement Jospin, qui contribue à l'engorgement du tribunal de grande instance de Bobigny,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Très juste !

M. Christian Demuynck. ... - problème récurrent, comme nous en avons encore eu la démonstration la semaine passée - et, d'autre part, la mobilisation de soixante fonctionnaires de la police de l'air et des frontières chargés uniquement du transport des étrangers en situation irrégulière entre l'aéroport et le tribunal.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est vrai !

M. Jacques Mahéas. C'est une vraie pétaudière !

M. Christian Demuynck. Il est urgent de régler ce problème en concertation avec M. le ministre de la justice.

Mme Nicole Borvo. C'est incroyable !

M. Christian Demuynck. Je tenais à insister sur un dernier point qui m'apparaît majeur : nous sommes nombreux à penser que, sur le thème de l'immigration, rien ne peut se régler de manière unilatérale. Or, vous avez émis le souhait de prendre en considération tous les facteurs du problème en encourageant la coordination avec nos partenaires européens, tant il est évident que la politique migratoire ne peut être, à terme, réellement maîtrisée qu'à l'échelle et avec les moyens de l'Union européenne.

Il faut noter, enfin, la volonté d'associer à votre action nationale les pays d'origine des immigrants, partant du principe que seule la passation d'accords avec les Etats concernés permettra la mise en oeuvre d'une politique efficace.

Monsieur le ministre, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer et pour le courage et la détermination que vous mettez dans l'accomplissement de cette réforme d'envergure - comme vous l'avez fait par le passé pour toutes celles que vous avez menées -, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On s'en doutait !

Mme Nicole Borvo. Quelle surprise !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord dire combien j'ai apprécié cette discussion, véritable débat de politique générale sur l'immigration. Chacun a parlé avec coeur et, en même temps, avec un souci de modération, reconnaissant que le texte ne pouvait pas être englobé dans un seul jugement, qu'il y avait plusieurs lectures, et que, par ailleurs, les questions d'immigration étaient si complexes qu'elles ne s'accommodaient pas d'idées simplistes.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre travail, excellent comme à l'accoutumée. J'ai particulièrement apprécié l'un de vos arguments, que je n'avais pas moi-même avancé, à savoir que l'immigration clandestine, avec tous les problèmes qu'elle suscite, entretient, chez nos compatriotes, le doute sur l'utilité des politiques successives et, partant, une certaine perte de confiance en l'Etat. A quoi bon, se disent-ils, puisque, de toute manière, soit ils ne veulent rien faire, soit ils ne peuvent rien faire...

Ce constat peut nous rassembler : la mise en cause de l'Etat, quels que soient les gouvernements, trouve notamment sa traduction dans le sentiment d'inefficacité des politiques de lutte contre l'immigration clandestine.

Je ne reviendrai pas sur la description détaillée que vous avez faite de toute les failles du dispositif actuel. J'y adhère, vous le savez. Je vous remercie également de l'analyse tout aussi pragmatique que juridique à laquelle vous avez procédé.

Comme vous l'avez souligné, c'est la première fois qu'un gouvernement place l'intégration au coeur de sa politique migratoire. Oui, je revendique cette décision, même si, monsieur le rapporteur - et c'est un problème français - nous sommes l'un des rares pays dont les gouvernements sont ainsi constitués que plusieurs ministères s'occupent de l'immigration. En France, ils sont au moins trois : le ministère des affaires étrangères, qui a vocation à défendre la place et le rayonnement de la France ; le ministère chargé des affaires sociales, qui a, lui, essentiellement pour vocation de distribuer des allocations sociales ou des secours souvent nécessaires ; le ministère de l'intérieur, qui a la sécurité pour priorité.

Savez-vous que, dans douze des quinze pays que compte l'Union européenne, la politique de l'immigration relève exclusivement du ministère de l'intérieur ? Non que je formule ici une quelconque revendication en la matière (Sourires), mais simplement pour prendre une référence. J'en profite pour relever que l'un des problèmes de l'action gouvernementale, de gauche comme de droite, réside dans le fait que certaines questions relèvent, en France, de plusieurs ministères et que l'organisation de notre administration ne permet pas de les embrasser dans leur ensemble.

Ne voyez ici nulle critique à l'égard de qui que ce soit. Il s'agit simplement d'une constatation. Ainsi, le problème de la prévention concerne huit ministères. De surcroît, la succession des textes ne permet pas toujours une très bonne lisibilité des dispositifs, je le reconnais bien volontiers.

Monsieur le rapporteur, je retiens les critères d'une bonne loi que vous avez dégagés : humanité, efficacité, application à tous sans aucune distinction.

La commission des lois a amélioré le texte du projet de loi, ce dont je me félicite. Des garanties supplémentaires ont été prévues pour la période de rétention, ce qui était nécessaire. Le droit de la nationalité a été modifié pour renforcer l'intégration, ce qui était également nécessaire. Nous essaierons de l'enrichir un peu plus encore au cours de la discussion des articles. En tout cas, soyez bien conscients, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, de toute la considération que vous porte le Gouvernement.

Madame André, je vous remercie d'avoir commencé votre propos en relevant la réforme de la « double peine ». Vous l'avez fait dans des termes très équilibrés et assez courageux. Oui, madame André, c'est un combat que nous pouvons partager ! D'ailleurs, il n'y a pas de honte, sur certains sujets, à ce que majorité et opposition partagent des combats. Je voudrais d'ailleurs vous rappeler, madame André, que, sur certains combats du précédent gouvernement, je n'avais pas hésité moi-même à être minoritaire dans l'opposition.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Of course !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et ce n'était pas le plus simple !

S'agissant des femmes, madame André, j'ai également écouté les associations de femmes issues de l'immigration. J'ai lu le rapport du Haut Conseil à l'intégration. Le problème des violences conjugales mérite incontestablement d'être pris en considération. Mais, vous l'avez noté, un amendement a été déposé en ce sens, et le Gouvernement est prêt à aller un peu au-delà.

En revanche, madame André, je ne partage pas votre point de vue concernant la situation des épouses. Selon votre interprétation, le projet de loi rendrait leur situation encore plus précaire. J'ai une interprétation parfaitement inverse. L'épouse aura désormais des papiers pour elle-même et non pas en tant qu'épouse de son mari. Je ne vois pas au nom de quoi le fait de reconnaître à une femme la possibilité d'obtenir des papiers pour elle-même rendra sa situation plus précaire. Au contraire, cette disposition lui permettra de sortir de son isolement. J'espère que le débat contribuera à lever tous les malentendus.

Vous avez dit que les mariages mixtes augmentaient avec la mondialisation, ce qui est vrai. Mais ce qui augmente aussi, c'est le nombre de jeunes filles victimes d'un mariage forcé ou d'un mariage de complaisance.

M. Robert Bret. Ce n'est pas la même chose !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous avez évoqué la dignité des personnes dans les centres de rétention. C'est une véritable question. Il y a beaucoup à faire, madame André, mais il ne fallait surtout pas que vos amis se gênent pour le faire avant que j'arrive au Gouvernement !

M. Jacques Mahéas. On a essayé !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. De ce point de vue, je reconnais bien volontiers que j'ai hérité d'un réseau de centres de rétention dont certains éléments ne sont pas à la hauteur. Mais il ne fallait pas vous gêner, en cinq ans, pour remédier au problème ! Je suis ministre de l'intérieur depuis seize mois, il y a beaucoup à faire, c'est vrai, et je le dis à M. Bret aussi. Franchement, ne soyez pas si cruels avec le gouvernement auquel vous avez appartenu ou que vous avez soutenu !

M. Robert Bret. Nous l'avons dit au gouvernement précédent !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je parle surtout à Mme André ! Je ne pense pas que vous ayez encore été ministre, monsieur Bret ! On peut le regretter, mais c'est ainsi !

Il ne fallait surtout pas vous gêner pour faire en cinq ans ce qu'il me serait reproché de ne pas avoir fait en seize mois !

Sur le fond, j'en conviens : il faudra améliorer ces centres. Je ne partage pas, en tout cas, le point de vue de M. Dreyfus-Schmidt : tous ne sont pas des hontes ! Les conditions dans les zones ZAPI 2 et ZAPI 3 sont parfaitement respectueuses des droits de l'homme !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai ! C'est l'exception qui confirme la règle !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je conduirai dans l'année qui vient une action très forte de modernisation, car je n'oublie pas que le centre de rétention, si ce n'est pas la liberté, ce n'est pas la prison non plus. D'ailleurs, même si c'était la prison, ce ne serait pas une raison pour que les conditions y soient indignes.

Mme Payet a évoqué le problème de l'immigration outre-mer, qui a de réelles spécificités. Je me suis moi-même rendu en Guyane, monsieur Othily, où la frontière avec le Surinam ne simplifie pas les choses ! J'y reviendrai, et je dirai à Mme Payet, dans le courant du débat, ce que l'on peut faire plus particulièrement pour l'outre-mer.

M. Gélard a principalement consacré son propos aux étudiants.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et même uniquement à eux !

M. Robert Bret. C'était un discours de doyen ! (Sourires.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je partage totalement sa conviction. Je lui répondrai simplement que, l'an passé, nous avons augmenté de 13 % le nombre de visas pour les étudiants étrangers. Cela étant, qu'il soit bien clair que nous n'accueillons pas les étudiants étrangers pour qu'ils restent en France ! Quand vous pensez que les médecins béninois sont plus nombreux aujourd'hui à exercer en France qu'au Bénin ! Qui pourrait soutenir que la France a un plus grand besoin des médecins béninois que le Bénin ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo. Sans eux, il n'y a plus d'urgences !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons besoin d'eux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ajoute que, si nous formons les élites des pays en voie de développement, c'est pour que, une fois formées, elles retournent dans leur pays ! Je ferai un certain nombre de propositions à M. Gélard sur ce point.

Monsieur Bret, vous avez dit que nous avions des besoins démographiques et économiques. Je suis d'accord avec vous, mais la seule politique possible, la seule, c'est de parvenir à moins d'immigration irrégulière pour pouvoir accueillir davantage de migrants réguliers ! La France ne peut pas accueillir à la fois des migrants réguliers et des migrants clandestins. Il faut donc moins de clandestins pour plus de réguliers.

Vous relevez le doublement des flux d'immigration dans les années récentes. Certes, tous nos concitoyens sont d'accord sur le constat. Mais, au-delà ? Que proposez-vous, une fois le constat dressé ? Nous sommes curieux de connaître les mesures concrètes que vous avancez pour mettre un terme à cette augmentation !

Il me souvient qu'au début des années quatre-vingt le parti communiste avait soutenu une mesure qui ne m'avait pourtant pas semblé avoir été couronnée de succès. Vous vous souvenez certainement de cette affaire dont on a beaucoup parlé à l'époque ; cela se passait dans le Val-d'Oise et cela s'était réglé avec des bulldozers... Il ne me semble pas que c'était un exemple de démocratie et de respect des droits de l'homme.

Puisque vous reconnaissez, monsieur Bret, que les flux migratoires ont doublé - pour notre part, nous pensons qu'ils ont plus que doublé -, que nous proposez-vous ? Que fait-on ? Doit-on les accepter ? Doit-on observer le phénomène ou bien agir ?

Je n'ai jamais dit, monsieur Bret, parce que je ne le pense pas, que l'immigration menaçait notre identité nationale. Jamais !

Par ailleurs, il n'y a pas, et vous le savez, de privatisation des centres de détention. En revanche, et il faut dire les choses telles qu'elles sont, les prisons gérées par le privé sont bien plus respectueuses de la dignité des personnes que, par exemple, la prison de la Santé. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

Madame Borvo, j'ai été plus longtemps avocat que ministre de l'intérieur et, à ce titre, je me suis souvent rendu dans les prisons !

Mme Nicole Borvo. La prison de la Santé n'est pas bien du tout, je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre ! (Mme Nicole Borvo rit.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Moi, cela ne me fait pas rire !

On ne peut pas dire que l'expérience de « semi-privatisation » des centres de détention se soit traduite par un affaiblissement de la dignité humaine, bien au contraire !

Le programme Chalandon - on sait ce qu'il recouvre - a permis la construction de prisons neuves dans lesquelles les détenus connaissent de meilleures conditions matérielles que dans les anciennes prisons.

M. Robert Bret. Ce n'est pas ce qui est dit dans les rapports d'enquête !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ne serait-il pas possible, monsieur Bret, de faire de même pour les centres de rétention, puisque vous souhaitez - encore une fois, je suis d'accord avec vous sur ce point - qu'ils soient plus dignes ?

L'Europe propose, selon vous, des normes minimales. Ce n'est pas vrai. La directive européenne sur les passeurs, les transporteurs et sur les résidents de longue durée ne constitue pas une norme minimale. Ne voyez pas systématiquement en l'Europe une adversaire !

Monsieur Bret, il n'est tout de même pas anormal que la France observe ce que font ses voisins. Il s'agit non pas de s'aligner sur leur politique, mais d'en tenir compte ! Dans le cas contraire, cela signifierait donc que nous devrions être les seuls en Europe à accueillir des clandestins, c'est-à-dire à la fois les clandestins se rendant en France et ceux dont tous les autres pays européens ne voudraient pas ? Il n'est pas anormal qu'un Gouvernement observe ce que font ses voisins et cherche, compte tenu surtout de la mise en place de l'espace Schengen, à harmoniser les situations. Il ne s'agit pas d'harmoniser par le bas. Mais il ne me paraît pas absurde de regarder ce que font les autres...

M. Jacques Mahéas. Ce que font les socialistes !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... - y compris les socialistes, monsieur Mahéas - afin de ne pas être confrontés à des problèmes supplémentaires.

Vous me dites, monsieur Bret, que vous discuterez chaque article. Quand on est ministre et que l'on vient défendre un texte devant le Sénat, c'est bien pour qu'il soit discuté. Je n'ai jamais pensé que tel ne serait pas le cas et que vous me feriez crédit de certaines dispositions.

Monsieur Othily, je vous remercie de vos propos sur la philosophie du texte. Venant de vous et de votre groupe, ils ont du poids et j'y ai été très sensible. Vous avez déposé des amendements dont nous discuterons.

Je dirai simplement, à ce stade de la discussion, que nos principes constitutionnels doivent être respectés, vous le savez très bien. Par exemple, je ne vois pas comment l'on pourrait ne pas appliquer la réforme de la « double peine » en Guyane, là où, précisément, étaient relégués les condamnés au bannissement.

Je me suis rendu voilà quelques mois en Guyane. Mesdames, messieurs les sénateurs, reconnaissons-le, la situation, pour nos compatriotes de ce territoire d'outre-mer, est parfaitement anormale. Nous parlons aujourd'hui d'immigration, or - disons les choses telles qu'elles sont, de manière mesurée - là-bas, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il suffit de circuler sur le Maroni pour le comprendre. Il suffit de se rendre dans les rues de Cayenne pour voir quels problèmes se posent avec les Guyaniens, lesquels ne sont pas les habitants de la Guyane.

On peut comprendre l'exaspération de nos compatriotes de ce territoire de France - nous aurons l'occasion d'en parler -, mais les mêmes règles doivent s'appliquer partout.

Monsieur Dreyfus-Schmidt, je tiens à vous féliciter. Aucun combat n'est donc perdu d'avance ! J'ai cru comprendre que vous étiez plutôt favorable au fichier informatisé des empreintes digitales des demandeurs de visas. Vous n'avez pas peur d'un fichier, je ne pensais pas que cela puisse arriver ! C'est une progression extraordinaire.

M. Jacques Mahéas. Nous avons mis en place quelques fichiers. Cela nous est arrivé !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En général, vous vous montrez bien plus cruel, monsieur Dreyfus-Schmidt. Je rends hommage à votre objectivité : vous convenez que ce fichier est nécessaire. Vous en tirez certes la conclusion qu'il ne faut rien faire d'autre, mais enfin, je ne boude pas mon plaisir et vous sais gré du soutien que vous m'apportez, en tout cas sur ce point.

De fait, cette mesure me semble parfaitement digne et respectueuse. Nous avons tous été amenés, à l'époque des anciennes cartes d'identité, à déposer nos empreintes digitales. Je l'ai moi-même fait, je m'en souviens, pour l'obtention de ma première carte d'identité. Je ne pense pas que cela soit traumatisant !

Nous aurons à débattre du rôle des maires. Moi, je leur fais confiance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. A tous ?

M. Jacques Mahéas. Même au maire d'Orange ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Sauf un ! Il me semble difficile de juger devant la Haute Assemblée de l'état d'esprit des maires en général, qui sont 36 500, à partir d'un cas que, comme vous, je combats.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jacques Mahéas. Il y en a plus d'un !

M. Robert Bret. Et celui de Marignane ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Que constate-t-on, monsieur Dreyfus-Schmidt ? Pour l'essentiel, les maires, quelle que soit leur couleur politique, témoignent d'un pragmatisme, d'un équilibre et d'un souci d'être entendus de tous qui se comprennent très bien. Ils sont eux, au contact direct des électeurs, et ceux qui les élisent ne sont pas que de droite ou de gauche. C'est beaucoup plus compliqué que cela ! Les maires ont en général le souci de rassembler. Je crois donc que la politique de l'Etat gagne en humanité à faire confiance aux maires. Je suis profondément convaincu que, sur le terrain, les maires se montreront plus humains qu'une administration centralisée dans sa construction et quelque peu désincarnée.

M. Jean Chérioux. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous serons amenés à en discuter au cours du débat. Il s'agit là d'un vrai sujet, peut-être de désaccord, mais ce n'est pas un sujet médiocre.

S'agissant du délai de rétention, à ma connaissance, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, dont les délais sont illimités, sont également d'anciennes puissances coloniales, tout comme l'Espagne. On peut ne pas approuver ce délai, mais je ne vois pas bien quel rapport cela a avec le fait que nous soyons une ancienne puissance coloniale.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'Algérie !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. S'agissant des conventions européennes en matière de réadmission, je vous communiquerai la convention type. En effet, ce qui m'intéresse, ce n'est pas tant que le Sri Lanka ait accepté cette convention, monsieur Dreyfus-Schmidt - même si c'est, bien sûr, important -, c'est que ce soit l'Union européenne qui l'ait proposée, d'où le délai d'un mois. Je n'imagine pas, en effet, que l'Union européenne puisse proposer un délai qui ne serait pas respectueux des droits de l'homme.

En ce qui concerne la « double peine », vous proposez de supprimer l'interdiction du territoire et de la remplacer par l'expulsion. Que n'aurais-je entendu si je vous l'avais proposé ! Ce n'est pas, en effet, l'interdiction du territoire qui pose problème, c'est son application, c'est-à-dire l'expulsion. Par conséquent, si l'on supprime toutes les interdictions du territoire...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les interdictions judiciaires !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... mais que l'on conserve la possibilité d'expulser, cela n'améliorera pas du tout la situation.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les interdictions judiciaires !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ah ! Cela, c'est autre chose, et nous aurons l'occasion d'en parler, mais l'expulsion n'est que l'aboutissement de l'interdiction du territoire. Une interdiction du territoire sans expulsion n'est rien. Si j'avais déclaré devant la Haute Assemblée : « Supprimons l'interdiction du territoire, mais conservons l'expulsion », le groupe socialiste n'aurait pas manqué de se lever et de me dire : « Mais pour qui nous prenez-vous ? »

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les interdictions judiciaires !

Mme Nicole Borvo. L'expulsion administrative est conservée, monsieur le ministre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous aurons également à en débattre.

Monsieur Béteille, vous vous êtes livré à une démonstration très brillante sur ce que doit être une politique migratoire digne de notre pays. Or le problème est que nous n'avons pas, en France, de politique d'immigration !

Mme Nicole Borvo. Comment cela ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, nous n'en avons pas. Je suis désolé. Je ne prétends pas qu'il n'y ait pas lieu de débattre ou de critiquer mes propositions, mais permettez-moi de vous dire que la France n'avait pas de politique d'immigration définie comme telle. L'intervention de M. Béteille, de ce point de vue, m'a paru extrêmement claire.

Vous avez, monsieur le sénateur, procédé à une lecture approfondie de chacune des mesures contenues dans ce projet de loi, ce qui évite les contresens et les amalgames. Je vous en remercie.

Madame Blandin, vous avez évoqué mes discussions avec Bertrand Tavernier. Oui, j'en ai eu beaucoup, mais vous vous trompez quant à leurs conclusions. Je ne prétends pas que mes propositions sur le problème de la « double peine » sont parfaites. J'affirme cependant du haut de cette tribune qu'elles recueillent l'assentiment de tous ceux qui, pour avoir payé souvent cher de leur personne leur combat contre la « double peine », connaissent bien ce sujet. Je pense par exemple au pasteur Costil, qui a fait de nombreuses et douloureuses grèves de la faim. J'ai également discuté de cette réforme avec ces gens-là.

Nous aurions pu, certes, aller plus loin, mais je crois pouvoir dire, sans les « mouiller », qu'aucun de ceux qui ont travaillé sérieusement sur ce sujet ne pense que mes propositions sont insuffisantes, voire qu'elles ne sont rien.

Madame Blandin, vous vous êtes exprimée sur un ton extrêmement calme et pondéré, je vous en remercie. Mais je ne voudrais pas que l'on minimise l'importance des changements que, je l'espère, la Haute Assemblée acceptera.

Vous avez, vous aussi, madame Blandin, procédé à une longue analyse de l'interdiction du territoire français. Vous dites que réformer la « double peine », c'est forcément supprimer l'ITF.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Judiciaire !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je ne partage pas cet avis, et ce pour deux raisons.

L'ITF concerne, dans 6 000 cas sur 7 000, des étrangers en situation irrégulière et n'ayant aucun lien avec notre pays. Supprimer l'ITF signifierait donc garder des étrangers qui n'ont aucun lien avec notre pays. Telle n'est pas la politique du Gouvernement. L'ITF, ce n'est pas que la « double peine ». J'irai même plus loin : la « double peine », ce n'est pas que l'ITF.

La plupart des étrangers qui sont frappés d'interdiction du territoire font également l'objet d'une expulsion, vous le savez d'ailleurs fort bien. Par conséquent, supprimer l'ITF pour résoudre le problème posé par la « double peine » ne réglerait pas le cas de ceux qui sont également sous le coup d'une expulsion.

Enfin, monsieur Demuynck, votre soutien m'est d'autant plus précieux que, en tant que maire d'une commune de la région parisienne, vous connaissez bien ces questions. Vous l'avez parfaitement compris : ce que je souhaite avant tout, c'est être entendu de ceux qui connaissent et vivent ces problèmes.

J'étais à Clichy voilà trois jours, à l'invitation d'un maire socialiste, et je puis vous dire que le témoignage des gens que j'ai rencontrés sur le terrain est accablant : ils n'en peuvent plus !

Quant à l'affaire de la salle d'audience de Roissy, le principe de sa création remonte à 1992, sous un gouvernement socialiste.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a eu tort !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La décision de construire cette salle d'audience, monsieur Dreyfus-Schmidt, quant à elle, date de 2001, toujours sous un gouvernement socialiste.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a eu tort !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh bien, après onze années d'attente, le temps est venu de l'utiliser. Il n'y a aucune raison de ne pas s'en servir.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez tort !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La commission a déposé des amendements et le Gouvernement y fera droit, mais il s'agit désormais de savoir qui décide dans notre pays : est-ce bien le législateur ou est-ce que ce sont des intérêts corporatistes qui voudraient faire peser sur lui une pression qui n'a pas lieu d'être ?

Une salle d'audience a été financée avec l'argent du contribuable. Elle ne demande plus qu'à être utilisée, dans un département qui a besoin de place pour ses policiers et ses magistrats, dont l'immense majorité pensent comme vous, monsieur le sénateur. Ce petit groupe de magistrats - qui sont davantage des magistrats politisés que des magistrats - voudrait faire pression sur le législateur ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Allons, allons !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il faut le dire ! Mesdames, messieurs les sénateurs, les responsables politiques que nous sommes doivent avoir la parole aussi libre que ceux qui, de l'extérieur, donnent des leçons à tout le monde, avec un sentiment total d'impunité idéologique. Le fait d'être élu donne au moins autant de droits que celui d'être le représentant d'une petite dizaine de personnes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Mahéas. Ne généralisons pas !

M. Christian Demuynck. Bravo !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. De ce point de vue, le Gouvernement fera droit à la demande du législateur.

Telles sont, monsieur le président, les réponses que je tenais à apporter, brièvement, à chacun des intervenants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Exception d'irrecevabilité

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

CANDIDATURES À DES ORGANISMES

EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.

Les cinq commissions concernées ont fait connaître leurs candidats.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

M. Claude Domeizel. Le 9 avril dernier, M. Estier était intervenu, au nom du groupe socialiste, au sujet de la constitution d'un groupe de travail chargé de réfléchir aux voies et moyens d'une réforme de la fonction publique territoriale. Notre collègue s'interrogeait sur l'existence d'un groupe de travail constitué uniquement de membres de l'UMP et de l'Union centriste, à l'exclusion des autres groupes.

Le 6 mai, un mois après, je faisais à mon tour un rappel au règlement pour m'étonner de la désignation d'un conseiller technique par ce groupe à la composition très partiale, en même temps que du choix très sélectif de ses interlocuteurs, dans la mesure où tous les organismes et établissements liés à la fonction publique territoriale n'y étaient pas représentés.

De deux choses l'une, avais-je dit : ou bien, il s'agit d'un groupe de travail au sein d'un ou de plusieurs groupes politiques et, dans ce cas, les moyens du Sénat n'ont pas à être mis à sa disposition ; ou bien, il s'agit d'un groupe de travail sénatorial - comme le laisse penser son appellation - et, à l'évidence, il doit dès lors être ouvert à tous les groupes politiques.

M. Jacques Mahéas. Très juste !

M. Claude Domeizel. Nous n'avons obtenu aucune réponse à ce jour. Il est vrai qu'entre le 6 mai et le 24 juillet nous avons tous été très occupés, mais, en tout état de cause, il est regrettable que pour avoir des nouvelles de ce groupe de travail, qui semble avoir fait son bonhomme de chemin, il faille nous en remettre à la presse quotidienne.

Ainsi, dans un journal en date d'aujourd'hui, je lis le communiqué suivant : « Collectivité locales : Christian Poncelet, président du Sénat, devait remettre les conclusions d'un groupe de travail » - le voilà ! - « sur la fonction publique territoriale à Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, mercredi 8 octobre. Dans ce rapport, le Sénat » - je lis bien : « le Sénat » - « préconise notamment de développer la "rétribution au mérite par service et à titre individuel"... »

Il s'agit, bien entendu, de la rémunération des fonctionnaires territoriaux.

Au nom du groupe socialiste, je demande, de nouveau, des explications sur ce groupe de travail, car nous nous interrogeons sur cette utilisation abusive de la Haute Assemblée et de ses moyens.

Nous souhaitons avoir une réponse claire et précise lors de la plus prochaine séance, faute de quoi nous serions contraints d'apporter un rectificatif à ce communiqué...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. Monsieur Domeizel, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

M. Claude Domeizel. Comme la dernière fois !

M. le président. Je ferai part à M. Christian Poncelet, président du Sénat, dès aujourd'hui de vos observations sur ce groupe de travail auquel, je suis amené à le préciser, aucun fonctionnaire du Sénat proprement dit n'a participé.

M. Claude Domeizel. Mais qui s'exprime au nom du Sénat !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est donc pas un rapport du Sénat ?

M. le président. Je ferai part à M. le président du Sénat, qui a pris cette initiative, de l'intégralité de vos observations et il avisera quant aux suites qu'il y a lieu d'y donner.

M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !

5

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Question préalable

M. le président. Je suis saisi par Mme André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté d'une motion n° 124 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n° 396 rectifié, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jacques Mahéas, auteur de la motion.

M. Jacques Mahéas. Nous vous avons longuement écouté, monsieur le ministre, notamment en commission, nous faire l'apologie d'un texte que vous estimez un modèle d'équilibre et de pragmatisme.

M. Laurent Béteille. Oui ! Oui !

M. Jacques Mahéas. Après vos propos modérés, nous aurions aimé examiner une grande loi. Nous regrettons d'autant plus les occasions manquées.

Reconnaissons, néanmoins, l'avancée la plus spectaculaire, celle qui concerne la question dite de la « double peine », qu'il a fallu porter haut contre une majorité extrêmement hostile.

M. Roger Karoutchi. Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Laurent Béteille. Vous parlez de la majorité précédente !

M. Jacques Mahéas. Le 28 novembre 2002, à l'Assemblée nationale, une proposition de loi socialiste sur ce sujet déchaînait la virulence parfois outrancière des orateurs de droite et laissait craindre le pire. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Le texte avait d'ailleurs été rejeté sans examen des articles.

Nous sommes, nous, restés cohérents...

M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !

M. Jacques Mahéas. ... puisque, depuis longtemps, le groupe socialiste du Sénat dépose des amendements tendant à supprimer la « double peine ». Saluons donc le chemin parcouru et la conversion des farouches opposants de naguère, mais rappelons que bien des situations ne seront toujours pas réglées par ce texte.

M. Roger Karoutchi. Oh ! là ! là !

M. Jacques Mahéas. Je parle des avancées : vous devriez être satisfait et ne pas m'interrompre !

Justement, une autre avancée pourrait recueillir pleinement notre assentiment, je veux parler du durcissement opéré contre les passeurs, même si la loi était déjà sévère à leur encontre...

En revanche, l'article relatif à la responsabilité des personnes morales pour l'aide à l'entrée et, surtout, au séjour d'étrangers en situation irrégulière nous inquiète beaucoup.

Monsieur le ministre, comme moi, vous avez été maire, et, très vraisemblablement, vous comme moi avons aidé, à un moment donné, parce que, humainement, il fallait le faire, des gens que nous n'avons pas interrogés pour vérifier qu'ils étaient en situation régulière. Nous avons aidé cette femme battue ou cette autre jeune femme, arrivée avec un enfant sur les bras et ne sachant pas où aller. Elles n'avaient pas nécessairement des papiers en règle. Nous avons aidé ce jeune adolescent rejeté par sa famille, cette jeune fille que l'on voulait marier de force. Dorénavant, cette aide sera punie par la loi.

Pour ma part, monsieur le ministre, je me ferai un honneur d'être puni par la loi !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est absurde ! Ne vous faites pas peur pour vous montrer courageux ! C'est inutile !

M. Jacques Mahéas. Je vous demande donc instamment de revenir sur cet article.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il n'en est pas question !

M. Jacques Mahéas. S'agissant du statut des ressortissants de l'Union européenne, nous ne pouvons que nous réjouir de sa simplification tout en nous demandant si les conséquences ont été totalement mesurées. En effet, l'élargissement prochain de l'Europe risque de prendre en défaut un Gouvernement qui affiche sa volonté de « choisir l'immigration » sans toutefois négocier des accords bilatéraux dignes de ce nom avec les pays candidats les plus défavorisés.

J'en veux pour preuve le désolant exemple roumain. L'association Médecins du monde et la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme ont récemment rendu public un rapport d'enquête affligeant à la suite d'une mission en Roumanie sur le retour des Roms de France. Leurs conclusions sonnent le glas d'une coopération présentée comme un modèle puisque, dans les faits, on assiste à une immense « duperie » et à une véritable « criminalisation de la misère ».

Les Roms, trop souvent expulsés violemment et loin d'être socialement pris en charge à leur retour, ont été sanctionnés par le retrait de leur passeport. Ainsi, paradoxalement, ceux qui ont cru en une solution régulière risquent de devenir la proie des filières clandestines.

Il existe bel et bien un contraste saisissant entre le discours du ministre de l'intérieur et ce projet de loi : d'un côté, un discours policé, marqué par une certaine souplesse, qui revendique à l'envi la recherche d'un équilibre pragmatique entre humanisme et fermeté, de l'autre côté, un projet de loi policier, qui érige en postulat la suspicion envers l'étranger, perçu comme menteur et fraudeur,...

M. Roger Karoutchi. Oh !

M. Jacques Mahéas ... un projet de loi qui fiche et qui sanctionne au-delà du nécessaire.

N'oublions pas que la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi RESEDA, était déjà fortement et suffisamment coercitive, ce qui fait que, à quelques rares points près, cette nouvelle loi excessive sera aussi inutile qu'inefficace, voire contre-productive.

Vous-même, monsieur le ministre, vous étiez bien empêché en commission de m'expliquer ce que votre texte aurait concrètement apporté dans le cas du démantèlement du double réseau dans le campement de Roms de l'Ile-Saint-Denis. Pourquoi, dès lors, asseoir votre action sur un prétendu pragmatisme ?

C'est l'illustration de l'aberration d'un texte disproportionné qui n'a d'autre but que de décliner une politique du tout-sécuritaire. Or cette fuite en avant dans la répression, même si elle est déjà fort bien rôdée, masque mal les errances du Gouvernement dans tous les autres domaines, notamment en matière d'action sociale.

Certes, monsieur le ministre, vous devez vous accommoder d'une majorité nullement avare de surenchère et qui a d'ailleurs considérablement durci le texte initial. Que dire, parmi tant d'autres, de ce nouvel article sanctionnant les étrangers travaillant « au noir » d'une amende de 3 750 euros et de trois ans d'interdiction de territoire français ? A ce propos, j'ai lu les déclarations que vous avez faites récemment et que vous ferez officiellement dans quelque temps...

Non seulement cet article établit une nouvelle « double peine », mais, s'il s'agit de lutter contre le travail au noir, pourquoi s'en prendre à la victime et non exclusivement à l'employeur ? Cela rappelle tristement les mesures dirigées contre les prostituées, les mendiants, les squatteurs...

Ne nous leurrons pas, ce texte porteur d'arbitraire et de tracasseries administratives va surtout précariser l'immigration légale, en touchant notamment à la carte de résident, qui est pourtant le socle sur lequel peut s'établir un projet stable d'avenir et d'intégration.

Aussi préférez-vous, monsieur le ministre, mettre en avant la question de la « double peine » afin de combler le volet « humanité », mais le discours tempéré s'effrite à l'aune de la réalité de la loi. Le double langage n'est que trop évident.

Ce double langage se retrouve d'abord dans la manipulation des chiffres. Ainsi vous avez affirmé, monsieur le ministre, le 3 juillet à l'Assemblée nationale, que « l'immigration légale augmentait de 12 % en 2000 et de 15 % en 2001 ». Or, dans le très officiel rapport au Parlement émanant de vos services et intitulé Les titres de séjour des étrangers en France en 2002, cette augmentation est de 1 % en 2000 et de 0,8 % en 2001.

Quant à la commission des lois, dans son rapport, au chapitre sur « la population étrangère légale en France métropolitaine », elle indique que le chiffre de l'immigration légale est « à peu près stable depuis une vingtaine d'années ».

Double langage encore lorsque l'on prône l'intégration des immigrés en situation régulière tout en retardant, rognant ou supprimant les crédits des associations ad hoc, notamment ceux du GISTI, le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés, et du FASILD, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.

Double langage enfin lorsque l'on prétend avoir réglé humainement le sort des immigrés de Sangatte ou celui des Roumains grâce à des accords bilatéraux.

J'ai déjà évoqué le triste sort des seconds.

Quant aux premiers, ils sont désormais à la gare du Nord, ou en Seine-Saint-Denis. Un conseiller municipal UMP de Bobigny constatait ainsi la semaine passée dans Le Parisien que, depuis la fermeture de Sangatte, « les candidats à l'embauche étaient beaucoup plus nombreux » dans le bâtiment. Et de s'indigner à juste titre de cette « exploitation humaine en toute impunité » !

Dans son ensemble, le projet de loi nous semble donc tout à fait irrecevable, car il attente à des droits essentiels. Ce sont autant de motifs d'inconstitutionnalité. Je n'évoquerai que quelques points, particulièrement critiquables, ce qui ne saurait épuiser la liste des griefs qui motiveront la saisine du Conseil constitutionnel.

Le retour à la pratique du certificat d'hébergement méconnaît tant la liberté individuelle que le droit à une vie privée et familiale. L'intrusion dans le domicile, rendue possible pour les autorités municipales sans aucune garantie quant aux qualités des agents réalisant les visites, porte une atteinte disproportionnée à ces droits et libertés fondamentaux. Le principe d'égalité est aussi violé par la mise en oeuvre de conditions de ressources. Selon que vous aurez ou non les moyens de payer le voyage de retour à un proche venu par exemple visiter un ami ou un parent malade, vous obtiendrez ou non le certificat d'hébergement.

Il en va de même en qui concerne le regroupement familial, soumis à des contraintes disproportionnées et imprécises. Le risque pris de subordonner le droit à mener une vie familiale et privée à une appréciation arbitraire ne trouve, ici, aucune justification suffisante. Imaginons comment le maire d'Orange fera application d'une telle disposition et d'un tel pouvoir ! Du point de vue constitutionnel, le fait qu'une seule atteinte à un droit fondamental puisse résulter de la mise en oeuvre d'une disposition suffit à justifier la censure du texte. En l'occurrence, nul ne peut ignorer la menace qui pèsera sur la vie privée des individus concernés.

En outre, ce pouvoir d'appréciation arbitraire rompt manifestement avec le principe d'égalité, qui - il importe de le rappeler à cet égard -, s'applique aussi aux étrangers. Le droit au regroupement familial sera-t-il réservé aux familles d'un certain niveau social ? L'amour au sein d'une famille devra-t-il dépendre de l'opinion d'un maire voulant complaire à des groupes de pression électoraux ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Jacques Mahéas. C'est la même inspiration qui doit être critiquée, monsieur le ministre, quand vous prévoyez de soumettre à l'appréciation du maire le degré d'intégration d'un étranger demandeur d'un titre de séjour. Ne court-on pas le risque que des avis puissent être motivés par des présupposés idéologiques ? Aucune précision n'est donnée sur les critères objectifs et rationnels permettant de fonder cet avis, ni sur la portée de celui-ci. L'incompétence négative du législateur est patente. Il n'est pas davantage admissible, au regard du principe d'égalité, que l'intégration soit soumise à des appréciations divergentes selon les communes et les territoires.

Les risques pris ainsi sont tout simplement inacceptables du point de vue constitutionnel.

Quant à la peine d'amende qui peut être prononcée à l'encontre d'un étranger travaillant au « noir », elle viole le principe de nécessité des délits et des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. En outre, et ceci fait litière de votre opération de séduction relative à la suppression, partielle, de la double peine, cette disposition méconnaît le principe non bis in idem, puisqu'un étranger encourra une sanction pénale du fait non seulement de son entrée ou de son séjour irréguliers, mais aussi de cette situation du travail, qui n'est que l'une des manifestations de sa condition de « sans-papiers ».

La liberté du mariage est, elle aussi, menacée par un texte qui développe des principes de suspicion, avec des contrôles a priori et a posteriori.

Quant aux règles applicables à la rétention administrative, vous faites le choix de porter une atteinte clairement disproportionnée à la liberté d'aller et venir. A titre d'exemple, le prolongement éventuel de la rétention en raison de l'absence de moyens de transport disponibles pour procéder à l'éloignement de l'étranger fait dépendre les droits et libertés de ce dernier de la désorganisation éventuelle de l'administration, ce qui est un comble. Qu'on en juge par les dysfonctionnements du tribunal de Bobigny, dont l'activité a fortement augmenté et qui se trouve réduit à libérer des prévenus, faute d'un effectif suffisant de policiers pour les escorter !

M. Roger Karoutchi. Acceptez Roissy !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est grotesque !

M. Jacques Mahéas. C'est ce que dit le président du tribunal !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est grotesque !

M. Jacques Mahéas. C'est ce que dit le président du tribunal de Bobigny, excusez du peu ! J'en conclus, monsieur le ministre, que vous estimez que les propos du président du tribunal de Bobigny sont grotesques !

M. Roger Karoutchi. C'est cela, oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jacques Mahéas. Je vous en prie, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, il ne s'agit nullement pour moi de juger grotesques les propos du président du tribunal de Bobigny ; c'est votre argumentation qui l'est, pour une raison très simple.

En effet, admettons même que vous ayez raison, et qu'il n'y ait plus un seul policier disponible. Dans ce cas, il convient de laisser les prévenus où ils se trouvent, puisqu'ils ne sont pas en liberté, de les garder à la disposition de la justice et d'aller les chercher le lendemain. La décision de libérer des prévenus est une décision souveraine d'un magistrat, qui doit en assumer la responsabilité. Rien n'oblige jamais un magistrat à relâcher des prévenus.

Quand bien même une panne d'électricité, un effondrement de l'immeuble ou un malaise du magistrat surviendrait, la solution consisterait à remettre les prévenus à la disposition de la police, à les ramener d'où ils venaient jusqu'au lendemain. Cela n'a pas été fait, c'est donc une décision souveraine du magistrat qui a conduit à la remise en liberté des intéressés. Je trouve grotesque, je le répète, de vouloir en faire peser la responsabilité sur la police républicaine. Me suis-je bien fait comprendre ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Je vous signale, monsieur le ministre, que par deux fois déjà des prévenus ont été libérés à Bobigny, dans les conditions que j'évoquais. Peut-être aurait-il fallu que vous-même...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En tant que garde des sceaux ? (Sourires.)

M. Jacques Mahéas. ... et le garde des sceaux, bien évidemment, vous mettiez d'accord sur un fonctionnement normal du tribunal de Bobigny.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela n'a rien à voir !

M. Jacques Mahéas. C'est le moins que l'on puisse demander à un ministre de l'intérieur, mais vous préférez rejeter la responsabilité sur le ministre de la justice.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Un ministre de l'intérieur s'occuper du fonctionnement du tribunal de Bobigny ! C'est un naufrage, monsieur Mahéas !

M. Jacques Mahéas. C'est trop facile ! Vous tenez des propos outranciers à l'égard de l'opposition à chaque fois que vous êtes en difficulté !

M. Gérard Braun. Incroyable !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un naufrage !

M. Jacques Mahéas. Les élus de la Seine-Saint-Denis, c'est nous !

M. Roger Karoutchi. Il y en a d'autres !

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vous, monsieur le ministre ! Je n'accepte pas que, tout ministre que vous êtes, vous nous traitiez comme vous venez de le faire,...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et vous ?

M. Jacques Mahéas. ... en affirmant que nous serions incompétents ! Je vis depuis très longtemps en Seine-Saint-Denis, et je sais, peut-être mieux que vous, ce qu'est l'immigration ! Notre département rencontre des difficultés, cela est vrai, mais je sais qu'il est nécessaire que nous gardions la tête froide, eu égard en particulier à l'aspect humain des problèmes. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Jacques Mahéas. La raison est peut-être de votre côté, monsieur le ministre ; le coeur est un peu plus du mien, tant mieux ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est pourtant bien moi qui propose de réformer la « double peine » !

M. Jacques Mahéas. J'ai dit « un peu plus », monsieur le ministre, pas davantage !

Enfin, il n'est pas acceptable que la justice puisse être rendue dans des conditions qui n'assurent pas de façon objective son indépendance ni le respect du droit à un procès équitable. En inventant les audiences pénales foraines, vous soumettez les étrangers à un régime dérogatoire au droit commun, qui viole, de surcroît, l'égalité devant la justice découlant du principe d'égalité devant la loi.

Nous ne doutons pas, monsieur le ministre, que vous aurez des réponses à toutes ces interrogations. Toutefois, nous espérons que le Conseil constitutionnel fera preuve du courage et de l'indépendance que sa mission exige et qu'il démentira alors les craintes de ceux qui, depuis deux ans, l'ont vu revenir, pas à pas, sur sa propre jurisprudence, en allant parfois jusqu'à nier les évidences.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole contre la motion.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Le principe d'égalité qu'invoquait à l'instant notre collègue vaut pour les personnes se trouvant dans des situations comparables. Si l'on poussait ce principe très loin, il n'y aurait plus de distinction possible entre les citoyens français, les citoyens européens et les étrangers. Or il existe une législation spécifique pour les étrangers.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest. Ce qui m'a particulièrement choqué dans l'argumentation de notre collègue Jacques Mahéas, c'est l'image qu'elle donne des maires de France. Les 36 000 maires de notre pays sont chargés d'appliquer, en tant qu'agents de l'Etat - ce que l'on oublie toujours ! -, les lois et règlements existants. Ils le font, bien entendu, dans le respect des libertés. S'ils ne le font pas, le préfet est amené à se substituer à eux. Par exemple, lorsqu'un maire n'agit pas comme il convient en matière de sécurité, ce pouvoir de substitution peut jouer.

De la même manière, si des maires « dérapaient » - le cas sera très rare, à mon sens - dans un sens ou dans l'autre, en n'appliquant pas ou en détournant la loi, il est évident qu'il reviendrait aux préfets de se substituer à eux. Je pense que c'est faire injure aux maires que d'imaginer qu'ils n'apprécieront pas pertinemment les situations en matière d'attestations d'accueil ou de réalité du consentement au mariage.

Ce dernier point est essentiel : nous savons tous qu'il y a des abus dans ce domaine et qu'il faut y remédier. Bien entendu, on aurait pu envisager de créer des services administratifs au sein des ministères pour exercer des contrôles. En ce qui concerne les mariages, ceux-ci relèvent du parquet. Il me paraît important d'améliorer la législation sur ce point, car l'on sait très bien que des dérives existent, qui se sont énormément aggravées au cours des dernières années.

Pour ma part, j'avais pourtant été extrêmement réticent, voilà quinze ans, s'agissant de cette matière. Mais la situation n'était alors pas celle que nous connaissons aujourd'hui, où de nombreux mariages sont manifestement conclus entre des époux qui ne se connaissent pas, où tout est arrangé, où le consentement fait l'objet d'une tractation financière. Récemment, dans mon département, un réseau ayant organisé cent vingt mariages de cette sorte a été démantelé. Je pense qu'il faut y mettre bon ordre ! Le projet de loi, de ce point de vue, répond parfaitement aux nécessités du moment.

J'évoquerai, par ailleurs, une question que n'a pas soulevée M. Mahéas, celle de la prise des empreintes digitales. Beaucoup de bonnes âmes se sont élevées contre cette mesure. Or, actuellement, les empreintes digitales ne figurent pas, certes, sur les cartes d'identité sécurisées, mais elles sont prises au moment de la demande en vue de la constitution du dossier. Par conséquent, tout citoyen français qui demande une carte d'identité voit ses empreintes digitales figurer dans un fichier, et il ne pourrait en être ainsi s'agissant d'un étranger qui sollicite un visa ! C'est absurde !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas dit le contraire !

M. Jean-Jacques Hyest. Non, mais d'autres l'ont dit. Il faut que les choses soient bien précisées !

M. Jacques Mahéas. Vous n'étiez pas là ce matin ! C'est invraisemblable !

M. Gérard Braun. Si ! Il était là !

M. Jean-Jacques Hyest. J'étais présent, mon cher collègue !

Tout cela montre au moins une chose, c'est que vous êtes d'accord avec nous sur deux points : la suppression de la « double peine » et le fichage des étrangers. Je m'en réjouis !

M. Jacques Mahéas. Parlez de « fichier », c'est tout de même mieux !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela étant, il ne reste plus beaucoup d'arguments pour justifier l'exception d'irrecevabilité ; il me semble même qu'il n'en reste aucun, et le groupe UMP votera donc contre la motion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'était pas notre question, mais c'est votre réponse !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce projet de loi ne nous paraît pas contraire à la Constitution.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr que non !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De nombreuses dispositions figuraient déjà dans des textes antérieurs à la loi RESEDA du 11 mai 1998 et avaient été, à l'époque, validées par le Conseil constitutionnel.

Il en est ainsi de la possibilité de retirer le titre de séjour à un étranger ayant opéré un regroupement familial sur place sans respecter la procédure normale, ou de la faculté, pour un maire, de mettre en place un traitement automatisé des demandes de validation d'attestation d'accueil.

En outre, par le biais de l'interprétariat, de la notification des droits ou de l'information du procureur et du juge des libertés et de la détention, l'équilibre est préservé entre l'impératif d'efficacité des procédures et la protection des droits.

Enfin, le principe d'égalité ne sera pas menacé par la compétence des maires pour valider les attestations d'accueil. Le maire agit en tant qu'agent de l'Etat, sous l'autorité du préfet, comme l'a excellemment rappelé M. Hyest. D'ailleurs, une procédure est prévue qui permettra de saisir le préfet en cas de refus systématique du maire. Ce n'est qu'ensuite que pourra être formé un recours devant le tribunal administratif.

Sur un plan général, et je fais miennes, là encore, les explications de notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, l'image des maires que vous avez donnée, monsieur Mahéas, ne correspond pas à la réalité. D'ailleurs, en suivant votre théorie, pourquoi laisser la responsabilité de la politique sociale aux conseils municipaux ? En effet, à l'heure actuelle, chaque conseil municipal définit sa politique sociale au travers de son budget et de l'action du CCAS, le centre communal d'action sociale !

M. Jacques Mahéas. C'est hélas vrai !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Jusqu'à preuve du contraire, ce système fonctionne depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1948 sans que cela ait jamais soulevé aucun problème !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous voulez rire ?

M. Jacques Mahéas. Y connaissez-vous quelque chose, seulement ? C'est n'importe quoi !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet, dans leur grande majorité, les maires sont des gens honnêtes, qui ont le sens de l'Etat. Pour cette raison, je suis très fier que la commission ait décidé de rejeter cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, j'avoue que je ne comprends pas votre argumentation. Vous êtes pourtant un parlementaire très assidu, un élu de terrain, qui connaît les problèmes. Encore une fois, les avis peuvent diverger sur certains éléments d'une politique pour l'immigration.

M. Jacques Mahéas. C'est net !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela n'a rien de dramatique ; c'est même la démocratie qui le veut.

Cependant, monsieur Mahéas, vous avez suffisamment de convictions pour vous abstenir de dire des contrevérités ! Ainsi, il est absurde et faux de me faire le procès de vouloir mettre en cause la responsabilité des personnes en matière d'aide aux étrangers ! Cela n'est pas digne de vous ! Vous disposez d'autres arguments pour attaquer le projet de loi du Gouvernement. N'utilisez donc pas celui-là !

M. Jacques Mahéas. Voyez la page 312 du rapport !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vais vous le démontrer : nous n'avons rien changé à la définition de l'incrimination. Nous avons seulement ajouté deux circonstances aggravantes quant aux conditions de transport et au travail dangereux. Or celles-ci sont prévues par la convention de Palerme, monsieur Mahéas, dont le Parlement a voté la ratification à l'unanimité, socialistes compris ! Je n'ai fait que transcrire dans mon projet de loi ce que prévoyait la convention de Palerme ! Si vous avez approuvé la ratification de ce dernier texte, qui ne semble donc pas vous avoir choqué au regard du respect des droits de l'homme, pourquoi sa transposition mot pour mot, point par point, devrait-elle vous poser problème ?

Monsieur Mahéas, c'est votre droit de vouloir attaquer ce projet de loi, qui doit peut-être d'ailleurs être amélioré, mais trouvez d'autres arguments ! Que quelques associations, parfaitement irresponsables, utilisent celui auquel je me réfère n'étonnera personne ; de votre part, cela m'a étonné : voyez dans cet étonnement la marque de ma considération ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est mieux !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, comme vous avez compris que mon texte n'affectait en rien le rôle et l'action des associations, vous cherchez maintenant à soulever un problème qui serait lié à la responsabilité individuelle.

M. Jacques Mahéas. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je l'affirme, rien dans ce texte ne vise à modifier le droit sur ce point.

Mais ce qui est extraordinaire, c'est que vous nous faites, encore une fois, le coup du Conseil constitutionnel ! Quand M. Mahéas n'a plus aucun argument, il dit, comme dans une cour d'école : « Attention, je vais aller chercher le Conseil constitutionnel ! » Lors de l'élaboration de la loi pour la sécurité intérieure, vous l'avez invoqué matin, midi et soir, monsieur Mahéas !

M. Jacques Mahéas. Ce n'était pas trop !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Finalement, vous avez été renvoyé dans vos « seize mètres », pour employer une métaphore sportive, sur tous les points soulevés !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en reparlera !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Peut-être, monsieur Dreyfus-Schmidt, ce n'est pas parce que vous avez été défaits la dernière fois que vous le serez la prochaine !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cependant, convenez qu'après la défaite que vous avez subie s'agissant de la loi pour la sécurité intérieure, vous êtes maintenant mal placés pour nous donner des leçons de droit constitutionnel, de juridisme et de compétence ! (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est tout à fait exact ! Vous aviez formé un recours multiple devant le Conseil constitutionnel, malheureusement celui-ci ne vous a pas suivis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quand, du haut de la tribune, vous venez maintenant nous dire que nous allons voir ce que nous allons voir, je suis obligé de vous répondre que, jusqu'à présent, nous n'avons pas vu grand-chose !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On verra !

M. Jacques Mahéas. Vous n'avez pas lu les conclusions du Conseil constitutionnel !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si, je les ai lues.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas perdu !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas parce que vous avez perdu hier que vous perdrez demain, mais convenez de votre défaite d'hier !

Je m'adresse maintenant à l'élu de Seine-Saint-Denis que vous êtes, monsieur Mahéas. Ce département connaît une situation très difficile, du point de vue de l'immigration en tout cas, parce qu'il concentre de nombreux problèmes. Que l'on soit élu socialiste, communiste ou de l'UMP, telle est la réalité. Car il n'y a pas que des élus socialistes en Seine-Saint-Denis !

M. Jacques Mahéas. Malheureusement !

M. Marcel Debarge. Pas encore ! (Sourires.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce qui s'est passé avec les Roumains de l'Ile-Saint-Denis représente un exemple exceptionnel ! Le maire de Saint-Denis a cru bien faire, et je ne le mets pas en cause, en installant sur l'Ile-Saint-Denis un campement de Roumains et en essayant de scolariser les enfants. Le résultat en fut que, lorsque la police a débarqué dans le campement, elle a découvert dix-neuf prostituées, qui devaient ramener 4 000 euros par jour pour ne pas être frappées par leurs tortionnaires. Ces derniers s'étaient installés avec l'autorisation des autorités municipales, qui avaient pourtant cru bien faire. Le camp comptait en outre trente mineurs enlevés de Roumanie sans leurs parents ; eux devaient ramener 200 euros par jour !

Est-ce cela la générosité ? La vraie générosité n'est-elle pas plutôt de conduire l'action de la police pour mettre en prison tous ces gens et libérer ces victimes ? En installant le camp, en le tolérant, en l'organisant d'une certaine façon, on a rendu possible une telle situation. Comme l'on dit : « L'enfer est pavé de bonnes intentions. »

J'ajoute, et ce n'est pas le moins, que si le Sénat n'avait pas eu le courage et la lucidité de voter la création du délit d'exploitation de la mendicité - auquel vous vous êtes opposé, monsieur Mahéas - jamais nous n'aurions pu mettre en prison ces Roumains qui exploitaient honteusement ces enfants.

M. Jacques Mahéas. La loi actuelle vous l'a permis ! Il n'est pas besoin d'en rajouter !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quand je pense que vous m'avez fait le procès de vouloir criminaliser les mendiants, alors que le délit d'exploitation de la mendicité a servi à mettre en prison des tortionnaires qui, bien que Roumains, n'en sont pas moins des tortionnaires exploitant des mineurs !

En outre, l'allongement du délai de rétention nous aurait permis de reconduire chez eux la totalité de ceux que nous avons interpellés, ce qui n'a pu être fait.

J'ajoute enfin, pour que le désaccord soit complet avec M. Mahéas, que je ne comprends toujours pas ce que l'on me reproche à propos des Roumains, dont 3 000 à 4 000 grosso modo sont en situation irrégulière. Nous en avons expulsé la moitié, soit environ 1 500.

Je ne comprends pas ce que l'on me reproche : est-ce d'en avoir expulsé 1 500 ou d'en avoir laissé encore 1 500 sur le territoire ? Si c'est ce dernier reproche que l'on me fait, rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien l'intention de conduire le travail jusqu'au bout !

Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter qu'un certain nombre de nos compatriotes, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, vivent avec à leurs pieds des campements parfaitement illégaux où règne une brutalité organisée qui est le fait de tortionnaires.

Le fait d'être roumain n'excuse rien : on ne doit pas tolérer ce type d'activité sur le territoire national. La loi sur la sécurité, la LSI, a permis de mettre un terme à certains agissements ; le projet de loi sur l'immigration, que nous examinons, permettra d'y mettre un autre terme.

Ce faisant, monsieur Mahéas, j'ai tout à fait conscience de travailler aussi pour les habitants de la Seine-Saint-Denis, qui ont le droit à la même tranquillité publique que les habitants de n'importe quel autre département. Il n'y a pas de raison que la Seine-Saint-Denis soit abandonnée.

Par conséquent, monsieur le sénateur, si vous vouliez lancer un appel au Gouvernement, cet appel est entendu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jacques Mahéas. La loi actuelle vous le permet !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 124, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 1er A

M. le président. Je suis saisi par Mmes Borvo et Mathon, M. Bret, Mmes Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès d'une motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n° 396 rectifié, 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure « off » que l'opposition parlait trop. Je suis convaincue que vous n'en pensez rien tant vous savez que les régimes où l'opposition ne peut pas parler finissent mal.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et commencent mal !

Mme Nicole Borvo. Vous allez donc m'écouter. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Avec mes collègues, j'ai déposé une question préalable tendant au rejet du texte parce que ce projet, tel qu'il nous est soumis, qui plus est aggravé par l'Assemblée nationale, bafoue les droits élémentaires de la personne, droits inaliénables au regard de nos principes constitutionnels, des conventions internationales et européennes des droits de l'homme et des droits de l'enfant.

Monsieur le ministre, les dispositions de ce projet ne traitent pas d'une politique d'immigration, comme on aurait pu le déduire de votre propos sur la nécessité d'un grand débat national sur l'immigration. Pourtant, on en aurait besoin, que ce soit en France ou en Europe.

En effet, peut-on continuer longtemps dans des rapports avec le Sud qui produisent pauvreté et misère d'un côté, et forteresse assiégée de l'autre, qui compte d'ailleurs aussi son lot de pauvreté ? Je ne le pense pas ! Notre beau pays, ainsi que l'Union européenne, devraient se poser la question des rapports Nord-Sud et de l'immigration un peu plus globalement.

Votre projet de loi ne traite pas non plus de l'intégration des immigrés, sauf à considérer que le contrat d'intégration que vous avez annoncé se résume à ce que l'immigré connaisse bien la langue française et se comporte en bon Français. Tout un programme, les comportements des Français n'étant pas, hélas ! réductibles à un seul exemple.

Par contre, il n'y a rien sur les discriminations, rien sur la citoyenneté des étrangers présents depuis longtemps sur notre territoire. On a eu souvent l'occasion d'évoquer l'intégration, je vous assure que c'est un beau débat. Et que dire de la différence qui est faite entre les étrangers non communautaires qui sont là depuis très longtemps et les étrangers communautaires, qui ont le droit de vote ? Le texte ne traite pas non plus des sans-papiers présents sur notre territoire depuis des années.

En fait, le projet qui nous est soumis - je le formule et vous, vous le pensez - est un affichage des positions du Gouvernement à l'égard des étrangers non communautaires.

C'est d'abord un texte idéologique, caractérisant une politique ultralibérale. Le patronat doit pouvoir bénéficier quand il en a besoin d'une main-d'oeuvre immigrée, manuelle ou intellectuelle, qu'il peut exploiter à sa guise et renvoyer sans coûts sociaux quand il n'en a plus besoin.

Il s'agit d'un texte d'affichage idéologique donc, s'emboîtant parfaitement, telle une poupée-gigogne, avec les autres textes répressifs adoptés depuis la nouvelle législature, qui « surfe » sur les idées xénophobes et racistes propagées depuis des années par la droite extrême : la figure de l'étranger « indésirable » est légalisée en quelque sorte.

Vous jouez avec le feu ! Le Pen en a rajouté et il se porte toujours très bien ! Et il en rajoutera encore sur son registre habituel. Toute la société en est gangrenée. Voilà le résultat !

Je ne relèverai que quelques aspects, qui suffisent pour moi à rejeter ce texte.

Il s'agit en premier lieu, du rejet de l'étranger malade, qui est suspecté de vouloir indûment profiter de notre système de santé. Ainsi, on impose désormais aux étrangers demandeurs d'un visa de souscrire une assurance maladie auprès d'une compagnie d'assurance désignée sur une liste établie par l'Etat français.

Rapprochée de la baisse spectaculaire des crédits assignés à l'aide médicale d'Etat dans le projet de loi de finances pour 2004, le message est clair : les étrangers malades ne sont pas les bienvenus. Le choix du terme de « tourisme médical » est tout un programme. Il fait singulièrement écho au discours sur « les faux malades », caution à la réforme de la sécurité sociale que vous préparez par ailleurs.

De même qu'ils combattent la réforme pernicieuce de notre système de santé, qui consiste en un renoncement aux principes d'égalité et de solidarité, les sénateurs communistes ne peuvent accepter une conception si peu humaniste. Pour nous, au contraire, il convient de protéger les étrangers gravement malades et qui ne peuvent trouver dans leur pays les soins adéquats de mesures d'expulsion ou d'interdiction du territoire français. Toute autre attitude serait constitutive d'une non-assistance à personne en danger. La commission en convient elle-même, qui a donné un avis favorable sur l'un de nos amendements en ce sens.

Il s'agit ensuite de la stigmatisation de l'étranger pauvre. Les députés ont choisi d'imposer la perception d'un salaire supérieur au salaire minimum de croissance pour avoir droit au regroupement familial.

C'est une bonne nouvelle pour les travailleurs pauvres : la droite admet enfin qu'on ne peut pas vivre décemment avec un salaire de 1 090 euros bruts par mois ! En conséquence, nous avons envisagé de déposer un amendement relevant d'autant le SMIC !

Peut-être alerté par le MEDEF, dont je rappelle qu'il n'a toujours pas déféré à la demande expresse du Président de la République de relever les coefficients inférieurs au SMIC, M. le rapporteur nous propose in extremis une rectification précisant que les ressources sont réputées acquises dès lors que l'étranger dispose d'un salaire au moins égal au SMIC. Mais savez-vous combien de nos concitoyens, qu'ils soient Français ou étrangers, sont soumis à des emplois flexibles et précaires et gagnent moins que le SMIC ?

Il s'agit également de la méfiance à l'égard de l'étranger exploité : on suspecte le travailleur clandestin, de profiter de son exploitation il serait bénéficiaire de son propre esclavage, selon MM. Sarkozy et Mariani !, et il serait condamné à une amende de 3 750 euros et à une peine d'interdiction du territoire français de trois ans.

Vous voulez lutter contre les filières du travail clandestin, vous le répétez à satiété, monsieur le ministre, mais les patrons qui font travailler des étrangers en situation irrégulière sont légion ! Ils ont pignon sur rue ! Le patronat qui fait travailler des étrangers en situation irrégulière, ça c'est une filière !

Alors, le Parlement apprend par dépêche de la presse - merci pour lui ! - que le Gouvernement ne souhaite pas que des amendes soient imposées aux salariés clandestins. En ce cas, pourquoi maintenir une peine d'interdiction de territoire à leur encontre.

Pour notre part, nous demandons la suppression pure et simple d'une disposition qui se révèle lourde de sens pour l'ensemble des salariés. Car, comme le souligne le juriste M. Michel Miné, cette mesure renoue avec une conception répressive du droit du travail pour la partie la plus faible. Elle ignore la réalité concrète de la relation de travail : l'infraction est commise par l'employeur qui a le choix d'être ou de ne pas être dans la légalité. L'étranger, lui, ne l'a pas. Et le code du travail est là, justement, pour la lui faire respecter.

C'est ainsi que les dispositions sur le salaire et le travail ne constituent en réalité que des déclinaisons d'un projet de société : une société inégalitaire qui voit dans le droit du travail une entrave au développement économique. C'est tout un programme encore !

Mon collègue Robert Bret l'a dit : comment ne pas voir dans le projet de loi relatif à l'immigration le rêve du salarié modèle qui, n'ayant aucun droit à revendiquer, se plierait à toutes les contraintes qu'on lui imposerait ?

Comment ne pas se rappeler que la main-d'oeuvre étrangère a toujours constitué un laboratoire d'essais pour le patronat, qui a pu expérimenter à loisir flexibilité, précarisation, dégradation des conditions de travail ? La Grande-Bretagne, avec sa réserve du Commonwealth, ou les Etats-Unis sont, à ce titre, certainement des modèles pour vous.

Il s'agit aussi de la suspicion à l'encontre des personnes accueillant ou aidant des étrangers : elles pourraient entretenir des trafics !

On tient désormais les personnes hébergeantes pour responsables des faits et gestes de ceux qu'elles accueillent. Quant aux associations, elles risquent de se voir opposer le délit d'aide à l'entrée ou au séjour des étrangers, les amendements destinés à les protéger venant d'être rejetés lors de la discussion du projet de loi relatif à l'adaptation de la justice aux évolutions de la grande criminalité.

Je suppose qu'il existe une coordination entre les ministères, mais M. Perben nous a clairement indiqué qu'il les considérait « responsables pénalement des infractions qu'elles commettent. Ce n'est pas parce qu'il y a association qu'il n'y a pas bande organisée ».

Déjà menacées de disparition sur le plan financier par la réduction drastique des subventions, elles risquent d'être mises en cause pénalement. La boucle sera ainsi bouclée : il n'y aura plus d'associations !

Il s'agit encore de la fragilisation des familles, qui empêche une installation durable. Malgré les références constantes à l'intégration, on voit bien, au fil des discours et des déclinaisons, qu'elle n'a qu'un sens : créer un obstacle supplémentaire à l'installation durable des étrangers en France, un obstacle à l'acquisition de la nationalité française. Pourtant, combien de fois a-t-on entendu dire que si les étrangers voulaient rester sur notre territoire, ils n'avaient qu'à demander leur naturalisation !

Rien n'est dit, en effet, des dispositifs tendant à faciliter cette intégration, de la lutte contre les discriminations par exemple, dont j'ai déjà parlé.

C'est pourquoi, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le rapporteur, les dispositions de ce texte n'encouragent nullement l'intégration des étangers sur le territoire de la République. L'intégration sous la menace n'a, pas plus que l'intégration par la force, jamais été une réussite. On aurait tort de croire le contraire, sauf à créer les conditions d'une réelle désagrégation de la communauté nationale au profit du communautarisme, que nous, en tout cas, nous condamnons.

La désignation des jeunes d'origine étrangère comme des délinquants en puissance, l'explication ethnique de la délinquance se substituant à l'explication socio-économique en sont déjà des stigmates.

Monsieur le ministre, ne cherchez pas des exemples dans les municipalités communistes ! A l'évidence, Aubervilliers et Vitry ont toujours compté beaucoup plus de pauvres et d'immigrés que Neuilly. L'ancienne municipalité de Paris en a envoyé suffisamment dans les communes communistes pour que nul n'ose qualifier les municipalités communistes d'anti-pauvres et d'anti-immigrés !

Votre conception dévoyée de l'intégration est à rapprocher des dispositions qui contribuent à précariser l'ensemble des familles étrangères vivant sur le sol français.

Le mariage est sans nul doute un des éléments les plus achevés de l'intégration. Il y a des fraudes : poursuivons-les !

Pourtant, avec les dispositions que vous vous apprêtez à adopter, vous instituez une méfiance de principe à l'encontre de l'ensemble des mariages mixtes. La commission des lois va même jusqu'à rendre le mariage précaire, comme si les divorces n'y suffisaient pas, puisque la dissolution du mariage pourra désormais intervenir jusque cinq ans après. Lorsqu'on sait que la plupart des divorces, y compris lorsque les deux conjonts sont Français, surviennent dans les cinq premières années du mariage, les couples mixtes ont du souci à se faire !

Pire encore, le texte risque d'engendrer une véritable dislocation de la famille : comment imaginer qu'une famille puisse se construire sereinement lorsque ses différents membres sont admis à résider en France à des titres différents ? Ce sera l'une des conséquences des modifications de l'article 12 bis de l'ordonnance qui prévoit que les membres de la famille recevront systématiquement une carte de séjour temporaire, même si l'étranger qu'ils viennent rejoindre est titulaire d'une carte de résident.

Comment favoriser l'intégration des étrangers quand on multiplie les obstacles à l'accès au séjour durable que donne la carte de résident, qu'il s'agisse de conditions renforcées de durée de résidence ou de mariage ? A l'heure où l'Union européenne veut faciliter la libre circulation des citoyens dans l'Union en prévoyant notamment l'attribution d'un droit au séjour permanent, sans aucune condition, après cinq ans de résidence, on mesure l'ampleur du décalage et la nature des prises de position à l'égard des étrangers non communautaires habitant dans notre pays.

Comment croire que l'on favorise l'intégration lorsque les enfants eux-mêmes sont visés par cette précarisation, par exemple quand ils se voient refuser le bénéfice de la procédure de regroupement familial dès qu'ils ont suivi une scolarité hors de France ?

Comble de la mesquinerie, les mineurs recueillis en France et élevés par une personne de nationalité française ou confiés à l'aide sociale à l'enfance ne bénéficient plus de l'accès automatique à la nationalité par simple déclaration, alors que celle-ci est un élément essentiel de leur intégration. Et pourtant, que pourraient-ils faire d'autre que de rester en France et être Français ?

Comment dès lors ne pas comprendre le découragement des associations à vocation humanitaire qui combattent pour la dignité des étrangers en France ?

Comment ne pas partager ce sentiment d'énormes gâchis pour des résultats moindres ? Car l'autre absurdité de ce texte, c'est qu'il n'atteindra même pas ses objectifs avoués ; les objectifs non avoués, c'est autre chose !

Penser qu'avec ce texte on va lutter contre l'immigration illégale, quelle supercherie ! Le passé apporte la démonstration contraire : la volonté d'arrêter l'immigration n'a conduit, des années soixante-dix à quatre-vingt-dix, qu'au gonflement du nombre des clandestins. Pourtant, il y a eu M. Pasqua, il y a eu M. Debré, et les contrôles de l'entrée des étrangers ont sans cesse été renforcés.

Que s'est-il passé quelques années plus tard ? On a dû procéder à des régularisations en masse tant il était absurde de prétendre au renvoi autoritaire des étrangers qui avaient construit leur vie professionnelle et familiale en France. Je rappellerai à cet égard que la loi de 1984 avait été adoptée à l'unanimité !

Monsieur le ministre, quand va-t-on poser les questions autrement que par la répression ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. On vous attend !

Mme Nicole Borvo. Affichage sans grande portée encore, s'agissant de la précarisation du séjour !

Si vous avez la curiosité, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme d'autres l'ont eue, de faire le bilan des décisions rendues par la juridiction administrative sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, vous constaterez, comme moi, qu'en l'état actuel des textes, qui sont largement moins sévères que ceux que vous souhaitez leur substituer, le Conseil d'Etat considère que porte une atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale « alors même que l'engagement d'une procédure de regroupement familial était possible » une décision de reconduite à la frontière visant des étrangers mariés à des résidents réguliers et parents d'enfants nés en France. Je tiens à votre disposition la liste de ces décisions.

Dès lors, sauf à supprimer la juridiction administrative, à modifier la Constitution du point de vue de la supériorité des traités ou à se retirer du Conseil de l'Europe, votre texte ne changera rien.

Ces dispositions sont également contraires à nos principes constitutionnels comme avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans tout ce qui touche aux droits fondamentaux de la personne, et notamment au droit pour chacun à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Comment parler d'indépendance et d'impartialité lorsque l'on a opté pour la délocalisation des audiences directement dans les aéroports, au mépris des droits de la défense ?

Ce grignotage des droits élémentaires, cette accumulation et cette banalisation des restrictions confine à l'insupportable. Je crois surtout que l'on mesurera les effets pervers de ces mesures d'affichage.

Dans une décision du 13 août 1993 - permettez-moi de vous le rappeler -, le Conseil constitutionnel a exposé les contraintes qui s'appliquaient en la matière au législateur. Il est dommage que le législateur n'y fasse pas plus attention ! Le Conseil constitutionnel a en effet affirmé que, si le législateur peut « prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques », il lui « appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ».

M. Emmanuel Hamel. C'est ce que nous faisons !

Mme Nicole Borvo. D'après le Conseil constitutionnel, « figurent parmi ces droits et libertés, la liberté individuelle et la sûreté, notamment la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie familiale normale... le droit à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français (...) le droit de recours assurant la garantie de ces droits et libertés ».

M. Jean-Jacques Hyest. Voilà ! Stable et régulière !

Mme Nicole Borvo. Ces impératifs ne sont pas respectés par ce texte. Voilà la raison pour laquelle les sénateurs de mon groupe ont déposé cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission des lois souscrit pleinement à la démarche et aux objectifs visés par ce texte.

L'adoption de cette motion interromprait immédiatement la délibération. Or les faits nous rappellent tous les jours la nécessité de légiférer en matière d'immigration.

L'essoufflement de l'intégration, le développement des filières d'immigrations clandestines - Sangatte - ou celui de la construction européenne, pour ne citer que ces exemples, suffisent mille fois à justifier que le Sénat délibère sur ce texte.

Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de repousser la présente motion tendant à opposer la question préalable.

M. Emmanuel Hamel. Bien sûr !

M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Titre Ier.

Dispositions modifiant l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 1er B

Article 1er A

Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :

« Art. préliminaire. - Au vu, notamment, du rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de celui du Haut Conseil à l'intégration, le Gouvernement dépose un rapport devant le Parlement, avant le 15 novembre, sur les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante.

« Sont jointes à ce rapport les observations émises par la commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention.

« Ce rapport indique et commente :

« - le nombre des différents titres de séjour et attestations d'accueil accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;

« - le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;

« - le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;

« - le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement, comparé à celui des décisions prononcées ;

« - une estimation du nombre d'étrangers n'entrant pas dans les catégories précédentes et se trouvant sur le territoire français en situation irrégulière ;

« - le nombre des procédures, et leur coût, mises en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;

« - une évaluation du nombre de travailleurs clandestins ;

« - les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un article préliminaire ainsi rédigé :

« Art. préliminaire. _ Chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement, avant le 15 novembre, un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration.

« Ce rapport indique et commente :

« _ le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;

« _ le nombre d'étrangers admis au titre du regroupement familial ;

« _ le nombre d'étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;

« _ le nombre d'attestations d'accueil présentées pour validation et le nombre d'attestations d'accueil validées ;

« _ le nombre d'étrangers ayant fait l'objet de mesures d'éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;

« _ les moyens et le nombre de procédures, ainsi que leur coût, mis en oeuvre pour lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers ;

« _ les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre le travail clandestin ;

« _ les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat.

« Ce rapport propose également des indicateurs permettant d'estimer le nombre d'étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.

« L'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le Haut Conseil à l'intégration, l'Office des migrations internationales et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente joignent leurs observations au rapport. »

L'amendement n° 233, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article préliminaire avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par une phrase ainsi rédigée : "à la suite de ce dépôt, un débat est organisé afin d'arrêter les orientations". »

L'amendement n° 234, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte prévu par cet article pour insérer un article préliminaire avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par la phrase suivante :

« _ les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le rapport déposé chaque année par le Gouvernement devant le Parlement non seulement concerne les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante, mais présente les perspectives de cette politique sur plusieurs années.

Par ailleurs, il tient compte de l'extension des prérogatives de la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention, dont les observations seraient prise en compte dans le rapport précité, aux zones d'attente et apporte de fait plusieurs précisions rédactionnelles au dispositif initial.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter les amendements n°s 233 et 234.

M. Robert Bret. L'article 1er A ne figurait pas dans le projet initial du Gouvernement. Introduit par l'Assemblée nationale, il prévoit la remise d'un rapport au Parlement sur les orientations de la politique d'immigration.

Par principe, nous ne sommes jamais opposés à ce qui va dans le sens des droits du Parlement, notamment à ce qui vise à faire en sorte que son rôle d'information et de contrôle soit renforcé. Néanmoins, il est à craindre que le dépôt du rapport n'ait guère de sens et encore moins d'utilité si ce rapport ne peut donner lieu à aucun débat.

Tel est donc le sens de l'amendement n° 233, qui prévoit que, à la suite du dépôt du rapport, un débat est organisé afin d'arrêter les orientations de la politique de l'immigration. Cet amendement, me semble-t-il, devrait être soutenu par tous ceux qui ont à coeur de défendre la place du Parlement dans le débat démocratique.

L'amendement n° 234 vise à compléter les éléments du rapport devant être déposé chaque année devant le Parlement afin d'arrêter les orientations de la politique d'immigration pour l'année suivante.

On a beaucoup parlé de la nécessité d'un chiffrage effectif de l'immigration. Cependant, tel qu'il est conçu, ce rapport pose problème. En effet, à la lecture des éléments qu'il doit contenir on peut mesurer combien est univoque la politique du Gouvernement en la matière.

Il ne s'agira que de donner la mesure de ce que la droite a communément l'habitude d'appeler la « pression migratoire » : chiffre du nombre d'étrangers en France et à quel titre ils séjournent, chiffre du nombre de personnes ayant fait l'objet de mesures d'éloignement, estimation du nombre de clandestins, tout ce qui concourt à présenter de façon négative l'immigration.

Pour nous, il n'est pas possible de s'en tenir à un rapport chiffré. On ne doit qu'à Mme Boutin le rajout du dernier alinéa qui prévoit de faire figurer dans le rapport « les actions entreprises avec les pays d'origine pour mettre en oeuvre une politique d'immigration fondée sur le codéveloppement et le partenariat ».

Malheureusement, force est de constater que, quel que soit l'intérêt d'une telle disposition, elle n'implique pas forcément d'action positive du gouvernement français, puisqu'elle dépend de relations bilatérales ou multilatérales.

En revanche, notre amendement place le Gouvernement devant ses propres responsabilités, et cela quel que soit le gouvernement. Nous vous prenons au mot, monsieur le ministre, quant à votre volonté d'encourager l'intégration des étrangers en France.

Afin de mesurer cette volonté et pour qu'elle ne se limite pas à des affichages sans réelle portée concrète, nous estimons tout à fait essentiel que figure dans ce rapport un état des lieux des actions entreprises à l'échelon national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers.

A défaut, la politique d'intégration restera coquille vide. Ce sera la démonstration qu'elle ne fait que servir d'alibi à une politique profondément hostile aux immigrés.

En effet, un grand nombre de rapports révèlent des dérives discriminatoires dans la société française, que ce soit à l'école, sur les lieux de travail, dans l'accès au logement ou encore dans les lieux publics, à tel point que nous venons de voter dans le texte relatif à la grande criminalité des dispositions destinées à lutter contre ces formes d'exclusion.

A moins que ces dispositions n'aient qu'un effet d'affichage, la majorité et le Gouvernement ne devraient pas être défavorables à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est défavorable à ces deux amendements.

S'agissant de l'amendement n° 233, je dirai que le devoir de transparence du Gouvernement sur la politique d'immigration est déjà garanti par l'existence du rapport. Prévoir un débat supplémentaire qui arrêterait les orientations de cette politique semble inutile. Une telle inscription dans le texte de l'ordonnance rendrait la procédure trop rigide. Il vaut mieux laisser de la souplesse au dispositif et organiser un débat lorsque les circonstances l'exigeront.

S'agissant de l'amendement n° 234, la commission émet le même avis défavorable. Le rapport prévu à l'article 1er A comporte les informations nécessaires pour devenir un outil d'évaluation pertinent par le Parlement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3, 233 et 234 ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 3 et un avis défavorable sur les amendements n°s 233 et 234.

M. Robert Bret. Cela promet ! Nous allons avoir un grand débat !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.

M. Jacques Mahéas. Nous sommes favorables, bien évidemment, à ce que notre assemblée soit informée le mieux possible sur la politique du Gouvernement concernant l'immigration en règle générale et sur les actions menées dans ce domaine.

Toutefois, le rapport qui existe déjà, qui est d'ailleurs bien fait et qui peut être complété par un certain nombre de rubriques, donne des chiffres totalement différents de ceux qu'a indiqués M. le ministre, notamment à l'Assemblée nationale. Ce rapport ainsi que celui de M. Courtois indiquent que l'immigration est stable ou en légère augmentation, respectivement, pour 2001 et 2002, de 0,8 % et 1,2 %.

Or M. le ministre a déclaré à l'Assemblée nationale que l'immigration était en augmentation de 12 %. Je voudrais bien savoir à qui me fier : à la parole du ministre ou au rapport ?

Nous sommes donc favorables à ces trois amendements, à la condition expresse que l'on ne se trouve pas devant un flot d'informations qui dissimule les données essentielles et que le travail de recueil des informations ne puisse être mis en doute.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Puisque nous sommes favorables à l'amendement n° 3, nous proposons de transformer nos deux amendements en sous-amendements à cet amendement.

M. le président. Je suis donc saisi de deux sous-amendements présentés par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Le sous-amendement n° 233 rectifié est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet amendement pour insérer un article préliminaire avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par une phrase ainsi rédigée :

« A la suite de ce dépôt, un débat est organisé afin d'arrêter les orientations. »

Le sous-amendement n° 234 rectifié est ainsi libellé :

« Après le 10e alinéa du texte prévu par cet amendement pour insérer un article préliminaire avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, insérer l'alinéa suivant :

« - les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 233 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est en effet une très bonne idée de transformer ces amendements en sous-amendements. Comme l'amendement n° 3 vise à rédiger l'article, ils seraient évidemment tombés sans être discutés alors qu'ils le méritent largement.

A quoi tend le sous-amendement n° 233 rectifié ? Il vise à ce que, à la suite du dépôt du rapport, un débat soit organisé afin d'arrêter les orientations de la politique.

Au demeurant, le nombre de rapports dont le dépôt devant le Parlement est prévu par nos lois est impressionnant ! Il est tellement impressionnant qu'à un moment personne n'en avait plus connaissance et qu'on se demandait quand ils étaient déposés. Lorsqu'on se renseignait, on apprenait qu'en séance il était seulement mentionné que tel rapport avait été déposé ! Si on allait à la distribution, on n'était d'ailleurs pas sûr de le trouver tout de suite.

Nous avons donc demandé et - je dois dire - obtenu que le Journal officiel signale que tel ou tel rapport avait été déposé, ce qui nous permet d'obtenir plus facilement ceux que nous souhaitons consulter. Quand on a le rapport, c'est bien, mais qu'est-ce qu'il en reste ? Combien le demandent ? Combien le lisent ? Et qui en tire les conclusions ?

Aussi, ne vaudrait-il pas mieux, pour une question aussi importante, qu'il y ait un débat au Parlement ? Vous nous répondrez que nous nous plaignons de ce que l'on discute trop souvent de l'immigration ! Mais enfin, si nous voulons savoir ce que donnent les mesures que vous souhaitez faire voter, si nous voulons connaître les résultats que vous obtiendrez, éventuellement les effets pervers que peut avoir telle ou telle disposition, il est important non seulement que le rapport soit déposé, mais qu'un débat ait lieu. C'est pourquoi nous soutenons le sous-amendement n° 233 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Messieurs, évitons toute ambiguïté !

Je dirai tout d'abord que la querelle de chiffres que vous initiez ne fait que mettre en évidence la nécessité qu'un rapport soit établi par le ministère chargé des problèmes en cause.

Je vous signale que mes chiffres proviennent du rapport de l'Office des migrations internationales, l'OMI, Migrations et nationalité en France...

M. Jacques Mahéas. Oui, mais ce n'est pas le rapport de vos services !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Voyons, monsieur Mahéas, laissez-moi parler ! Dès que vous avez l'impression que mes propos vont faire mal, vous protestez ! Je ne peux même pas terminer !

Je ne vous attaquais pas ! Je disais simplement, puisque vous m'avez interrogé sur les chiffres, que, dans le rapport de l'OMI, il était bien prévu une hausse d'environ 10 %. Les chiffres dont vous avez parlé tiennent compte des cartes de séjour de validité supérieure à un an, négligeant le problème des étudiants et de ceux qui sont en France pour moins longtemps. Il est vrai que les chiffres sont multiples.

En tout état de cause, cela ne rend que plus nécessaire l'établissement d'un rapport qui fasse en quelque sorte jurisprudence. Sur ce point, nous pouvons être d'accord.

M. Jacques Mahéas. C'est ce que j'ai dit !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par ailleurs, comme je l'avais indiqué à M. le rapporteur, le Gouvernement n'est pas contre le débat. D'ailleurs, à quoi servirait un rapport qui ne susciterait pas un débat ? Ce qui me gêne, c'est que, dans le sous-amendement de M. Bret, il est dit que le débat arrête les orientations de la politique du Gouvernement. S'il était adopté, se poserait un problème constitutionnel, puisque cela reviendrait à donner au Parlement un pouvoir qu'il n'a pas.

Le Gouvernement ne pourrait donc accepter ce sous-amendement que si les mots « qui arrête les orientations » étaient supprimés. Il s'agit en effet de l'équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, qui ne peut être modifié que par une réforme de la Constitution.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes d'accord !

M. le président. Monsieur Bret, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement en ce sens ?

M. Robert Bret. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 233 rectifié bis, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, et ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet amendement pour insérer un article préliminaire avant le chapitre Ier de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par une phrase ainsi rédigée :

« A la suite de ce dépôt, un débat est organisé. »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 233 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 234 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sous-amendement vise à faire en sorte que soient également indiquées et commentées dans le rapport « les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers ».

M. le rapporteur a précisé que c'était déjà prévu dans son amendement. Je suis navré, ce n'est pas exact. J'ai dit ce matin que tout le monde pouvait se tromper, en voilà une nouvelle preuve. Dans l'amendement de la commission, on ne trouve rien sur la lutte contre les discriminations. On ne trouve rien non plus sur les mesures qui doivent être prises à tout moment pour favoriser l'intégration des étrangers.

Au demeurant, comme il s'agit bien évidemment des étrangers en situation régulière, je pense que notre collègue Robert Bret devrait rectifier son sous-amendement pour le préciser.

A ce moment-là, je pense que M. le rapporteur et M. le ministre, seront favorables.

M. le président. Monsieur Robert Bret, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement en ce sens ?

M. Robert Bret. Pour moi, cela allait de soi. Quoi qu'il en soit, on peut effectivement rédiger ainsi la phrase que nous souhaitons insérer dans l'amendement n° 3 : « les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière ».

M. le président. Il s'agit donc du sous-amendement n° 234 rectifié bis.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Elle s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement pensait que c'était le Haut Conseil à l'intégration qui traitait de ces questions. Toutefois, ne souhaitant pas donner l'impression qu'il ne se préoccupe pas de toutes les formes de discrimination, il accepte ce sous-amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 234 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 1er A est ainsi rédigé.

Art. 1er A
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Art. 1er C

Article 1er B

Le dernier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est supprimé.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si l'Assemblée nationale n'avait pas cru devoir ajouter au texte du Gouvernement ce qui est devenu l'article 1er B, cela nous aurait dispensés de le critiquer.

Aux termes de cet article, il n'est plus nécessaire de motiver les refus de visas opposés aux étudiants étrangers. Cela paraît tout de même incroyable ! En effet, nous avons besoin que des étudiants viennent en France ; c'est l'intérêt du pays ! Il y va de son rayonnement. C'est également très important pour la recherche française.

Monsieur le ministre, vous avez dit ce matin que, s'il fallait faire venir des étudiants étrangers, il fallait aussi qu'ils repartent ensuite dans leur pays. Cela mérite débat. Après tout, les hommes et les femmes qui viennent étudier en France peuvent avoir des raisons d'y faire leur vie, et c'est plutôt, pour notre pays, un enrichissement. Vous me direz que ce peut être, à l'inverse, un appauvrissement pour leur pays d'origine. Certes. Cependant, si nous pouvons souhaiter que beaucoup retournent dans leur pays parce que celui-ci a besoin d'eux, il n'en demeure pas moins qu'ils ont le droit de faire un autre choix.

J'ajoute au passage que nos services d'urgence - dont on a beaucoup parlé cet été et dont on parlera encore puisqu'une commission d'enquête et une mission d'information ont été constituées dans nos assemblées parlementaires sur les conséquences de la canicule -, qui n'étaient pas toujours aussi bien équipés qu'il le fallait, étaient bien contents de pouvoir compter sur des médecins étrangers ; au demeurant, cela n'est pas vrai seulement dans les services d'urgence.

Il est dit dans le rapport que le nombre de visas étudiants a plus que doublé depuis 1998, passant de 29 000 à 65 000 en 2002. Tant mieux !

Pour ceux qui sont accordés, il n'y a pas besoin de motivation, mais, en cas de refus, il est normal que l'intéressé puisse éventuellement exercer un recours.

M. le rapporteur nous dit que cela donnerait beaucoup de travail aux consulats. Eh bien oui, c'est vrai, le respect des droits légitimes, des droits qui doivent être protégés par la loi, implique certains efforts. Evidemment, il est toujours plus facile de s'en dispenser !

Un motif, c'est vite donné : il suffit de deux ou trois mots. Mais il est tout de même légitime que continuent à être motivés les éventuels refus. C'est pourquoi nous demanderons la suppression de cet article 1er B, dont le dispositif n'était nullement prévu dans le projet de loi initial.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 125 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 235 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Michèle André, pour défendre l'amendement n° 125.

Mme Michèle André. J'ajouterai quelques précisions à l'argumentation que vient de développer mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt.

L'article 1er B, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, modifie le dernier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

La loi du 11 mai 1998 prévoit que les refus de visa d'entrée en France pris par les autorités diplomatiques ou consulaires ne sont pas motivés, sauf dans certains cas. Parmi ceux-ci figure celui des étudiants venus en France pour y suivre des études supérieures dans un établissement public ou privé reconnu par l'Etat, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Si le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité viser expressément les étudiants, c'est que la loi de 1993 avait eu des effets très négatifs sur l'arrivée d'étudiants étrangers en France.

Comme l'a souligné le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Mariani, la loi Chevènement a eu le mérite de permettre que le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers passe de 29 000 en 1993 à 65 000 en 2002. Nous savons tous combien ces étudiants étrangers sont importants pour notre pays, non seulement en raison des liens de coopération qui existent avec leurs pays d'origine, mais aussi et surtout au regard du rayonnement de la France à l'étranger et des conséquences très favorables qu'a leur présence dans le domaine de la recherche, ainsi que je l'ai souligné ce matin, de même que notre collègue M. Gélard.

Il nous appartient donc de faciliter le séjour sur notre territoire de ces personnes.

Par ailleurs, supprimer la motivation laissera la place à l'arbitraire de l'administration. Il serait regrettable que cette disposition opère un retour en arrière qui serait profitable, nous le savons, à des pays plus accueillants comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou le Canada, pour ne citer qu'eux.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet ajout de l'Assemblée nationale et, en conséquence, de maintenir la motivation des refus opposés aux étudiants demandant un visa.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 235.

Mme Nicole Borvo. Sans reprendre ce qui vient d'être dit excellemment, j'avoue que je ne comprends pas pourquoi on revient ainsi sur une avancée de la loi RESEDA, d'autant que tout le monde paraît s'accorder sur le fait qu'il est très important que des étrangers viennent étudier en France. Je regrette d'ailleurs que le doyen Gélard, qui semble embrasser cette cause, ne soit pas présent pour soutenir ces amendements.

Chacun le sait, les étudiants africains qui veulent venir en France rencontrent déjà beaucoup d'obstacles. Il n'est pas besoin d'en rajouter ! Ces obstacles expliquent d'ailleurs que des étudiants francophones soient de plus en plus nombreux dans les pays anglophones.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Il y a aussi beaucoup d'étudiants français !

Mme Nicole Borvo. Vous reconnaissez implicitement que l'administration a d'ores et déjà un large pouvoir d'appréciation puisque les motifs de refus se fondent sur l'ordre public, mais aussi sur toute considération d'intérêt général. Pourquoi donner en plus la possibilité de ne pas motiver le refus ?

S'il s'agit uniquement d'une question de moyens dans nos consulats, il faut trouver une autre solution. Ou alors il faut dire clairement que la France préfère voir ces personnes aller étudier aux Etats-Unis et qu'elle ne se considère plus comme un pays qui accueille des étudiants étrangers. Ce sera plus simple !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, qui tendent à rétablir de fait l'obligation de motivation des refus de visas éudiants.

Le travail que nécessite cette motivation doit être mis en balance avec l'amélioration limitée que cette obligation apporte aux droits des demandeurs de visas. La jurisprudence reconnaît en effet un large pouvoir d'appréciation à l'administration, qui peut toujours refuser de motiver son refus si la sûreté de l'Etat est en cause.

En fin de compte, les droits des demandeurs sont essentiellement préservés par les diverses voies de recours administratives et contentieuses communes à tous les types de visas. Il ne nous semble donc pas utile de surcharger encore l'administration à un moment où l'on recherche avant tout la simplification de la vie administrative.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. J'attire l'attention du Gouvernement sur le fait que, depuis 1945, la motivation des refus opposés aux étudiants était la norme, et les consulats se pliaient à cet usage.

Il me paraît tout de même assez désinvolte de se dispenser de toute explication lorsqu'on refuse d'accorder un visa à une personne qui est déterminée à venir faire ses études en France, qui souhaite faire profiter son pays du savoir ainsi acquis et qui, étant francophone, s'adresse tout naturellement à un pays dont elle se sent proche.

Une telle attitude, une telle absence de dialogue ne manqueront pas de susciter une hostilité à l'égard de notre pays de la part des jeunes concernés. Autrement dit, s'engager dans une telle voie relève du mauvais calcul.

Par ailleurs, dans la réponse de M. le rapporteur, un propos m'a beaucoup étonné. Franchement, en quoi, dans cette affaire, la sûreté de l'Etat est-elle en jeu ?

Je veux bien admettre - d'ailleurs, c'est un point que nous n'avons jamais contesté - que cela suppose un certain travail pour nos consulats. Mais l'enjeu que constitue la présence d'étudiants étrangers dans nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche le vaut bien !

A suivre ce raisonnement, on pourrait tout aussi bien supprimer la motivation, par exemple, d'un refus de permis de construire !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Cela ne met pas en cause l'Etat !

M. Jacques Mahéas. Fort heureusement, en France, il est bien peu de décisions administratives qui ne soient pas motivées. Pourquoi les refus de visas opposés aux étrangers échapperaient-ils à ce qui est pratiquement un principe ?

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Parce que la comparaison ne vaut pas !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je veux apporter quelques compléments d'information.

Il s'agit là d'une demande qui a été présentée par le ministère des affaires étrangères et que, bien sûr, je fais mienne.

Il faut savoir que, sur un total de 3 millions de demandes de visa par an, 85 000 concernent des visas d'étudiants et que, parmi ceux-ci, 75 000 sont accordés. Autrement dit, nous ne parlons que de 10 000 demandes d'étudiants qui aboutissent à un refus, soit une part infime du total.

Dans ces conditions, le ministère des affaires étrangères préfère à juste titre, plutôt que de perdre son temps à motiver des demandes manifestement infondées, consacrer l'énergie de ses fonctionnaires à l'examen de dossiers plus sérieux. Ainsi, nous serons à même de répondre aussi rapidement que les Canadiens et les Américains aux demandes qui sont réellement fondées.

L'idée est donc de pouvoir repousser, sans avoir à donner un motif, les dem andes qui sont manifestement infondées, ce qui n'empêche pas, monsieur Mahéas, les demandeurs ainsi déboutés de faire appel devant une commission administrative ou devant une commission en Conseil d'Etat.

M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nos agents consulaires pourraient ainsi travailler à répondre plus rapidement aux 75 000 personnes auxquelles le visa d'étudiant est accordé, ce qui nous placerait en meilleure position par rapport aux pays concurrents puisque ces personnes font souvent en même temps plusieurs demandes, adressées à différents pays.

Cela m'apparaît comme un objectif raisonnable et c'est pourquoi je demande au Sénat de bien vouloir voter cet article tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est évident que faire un recours parce qu'il y a eu un refus sans connaître les raisons de ce refus rend les choses beaucoup plus difficiles.

Monsieur le ministre, je pense que le Quai d'Orsay a encore suffisamment de moyens pour faire fabriquer un tampon portant les mots « manifestement infondé » ! Apposer un tel cachet ne demanderait tout de même pas trop de temps !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela en dit long sur la valeur que vous accordez à la motivation !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au moins, l'intéressé pourra supposer que son dossier a été examiné !

Par ailleurs, nous avons lu, dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, que cette disposition avait été introduite sur l'initiative de M. Mariani. Vous nous dites maintenant que c'est sur celle du ministère des affaires étrangères. Nous voulons bien le croire, mais, si c'est le cas, offrez donc à M. de Villepin les moyens d'acheter un cachet portant la mention : « manifestement infondé » !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C'est encore pire !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 135 et 235.

(Les amendement ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er B.

(L'article 1er B est adopté.)

Art. 1er B
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Art. additionnel après l'art. 1er C (réservé)

Article 1er C

Après les mots : « à ses moyens d'existence », la fin du 2° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigée : « , à la prise en charge par une compagnie d'assurance agréée des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France pendant la durée de validité de son visa ainsi qu'aux garanties de son rapatriement. En cas de visite familiale ou privée, l'obligation d'assurance peut éventuellement être satisfaite dans les conditions prévues à l'article 5-3. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 236, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 4, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Le 2° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

« 1° Après les mots : "sous réserve des conventions internationales,", sont insérés les mots : "de l'attestation d'accueil prévue à l'article 5-3 de la présente ordonnance, le cas échéant, et" ;

« 2° Après les mots : "des documents prévus en Conseil d'Etat", le mot : "et" est supprimé ;

« 3° Après les mots : "à ses moyens d'existence", la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : ", à la prise en charge par une compagnie d'assurance agréée des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ;". »

La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 236.

M. Robert Bret. Cet article, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, est, de notre point de vue, l'une des dispositions les plus choquantes du texte. Nous déplorons d'ailleurs que la commission des lois ait choisi non pas de le supprimer, mais au contraire d'en élargir l'application aux visas de long séjour.

Il pose, en effet, des problèmes tant dans son principe qu'au regard des modalités de sa mise en oeuvre.

Dans son principe, il vise à faire obstacle à la venue en France, dans un but médical, d'étrangers qui risqueraient de ne pas pouvoir assumer les coûts des soins.

Nous récusons d'ailleurs totalement l'expression de « tourisme médical », qui est profondément péjorative et occulte totalement le fait qu'il s'agit de gens malades. Je sais que ces termes sont employés parce que ces personnes viennent en France avec un visa touristique, comme l'a rappelé M. le ministre, mais il faut absolument les proscrire.

Sur le fond, cette disposition s'inscrit dans le droit-fil des attaques portées contre l'aide médicale d'Etat aux sans-papiers, suspectés de se faire hospitaliser de façon abusive ; comme si l'on allait à l'hôpital pour le plaisir ! Lorsqu'on parle de cette aide médicale en termes chiffrés, on oublie souvent de préciser qu'il s'agit de personnes malades, pour lesquelles l'hospitalisation a été décidée par un médecin après examen médical.

Ce sont près de 400 millions d'euros qui vont être déduits de l'aide médicale aux sans-papiers dans le projet de loi de finances pour 2004. Cette « économie » est obtenue par l'institution d'un ticket modérateur et par l'institution d'un « panier » de soins inclus pour l'accès gratuit aux soins. Ces personnes, d'ores et déjà en situation précaire, risquent ainsi de se voir privées du droit de se soigner.

L'article 1er C vise à empêcher les personnes malades qui n'ont pas les moyens de prendre une assurance spécifique de rendre visite à leur famille - on mesure les déchirements qui peuvent en résulter -, mais, au-delà, il risque de représenter un obstacle pour tous les étrangers qui économisent mois après mois afin de pouvoir rendre visite à leur famille en France, sans avoir la moindre intention d'y rester.

S'agissant des modalités d'application, l'article est également problématique et inquiétant.

Il contient une première aberration : si l'on s'en tient à la lecture de l'article, avant même de disposer d'un visa, l'étranger devra apporter la preuve qu'il dispose d'une assurance couvrant d'éventuelles dépenses médicales et hospitalières en France. En effet, cette attestation devient une condition d'obtention du visa, de sorte que, si le visa n'est pas accordé, l'étranger aura payé son affiliation pour rien.

Par ailleurs, de la mention explicite d'une « compagnie d'assurance agréée », on peut déduire deux choses : tout d'abord, que les mutuelles d'assurance sont exclues du dispositif, ce qui est pour le moins choquant ; ensuite, qu'il doit s'agir d'une compagnie agréée par l'Etat français, qui se réserve le droit de ne pas accepter les assurances « locales » et crée donc des conditions discriminatoires.

Concrètement, que seront ces compagnies d'assurance auprès desquelles tous les étrangers seront contraints de s'affilier ?

On peut, en réalité, voir dans cette ouverture du marché des assurances médicales un ballon d'essai en direction de la privatisation de notre système social, dont on sait qu'il est dans les cartons du Gouvernement via le démantèlement de la sécurité sociale qui se profile à l'horizon.

Toutes ces raisons nous amènent à demander la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 236.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le projet de loi prévoit une obligation d'assurance médicale pour les étrangers séjournant en France moins de trois mois. Cette disposition vise à lutter contre la pratique qui consiste, pour certains étrangers, notamment des étrangers âgés, à entrer en France sous couvert d'un visa touristique afin de se faire soigner.

Notre amendement renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des catégories d'étrangers qui seront soumis à une telle obligation d'assurance. Prévoir tous les cas dans l'ordonnance risque de l'alourdir inutilement. Il convient également de ménager une certaine souplesse pour adapter le dispositif aux différents cas de figure et à des situations très évolutives. Seul le renvoi à un décret en Conseil d'Etat le permet. Ce décret déterminera également les conditions de l'agrément des compagnies d'assurance.

Dans ces conditions, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 236.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 236 et un avis favorable sur l'amendement n° 4.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 236.

M. Jacques Mahéas. Nous trouvons normal qu'un étranger venant en France soit assuré pour le cas où il tomberait malade.

Nous sommes donc favorables à ce qui est introduit dans l'article 1er C, à la condition que cette assurance reste abordable. Bien évidemment, il ne faudrait pas que le montant de cette assurance soit un obstacle à des visites de court séjour : ce serait tout de même terrible de ne pas pouvoir venir voir sa famille en France parce que le coût de l'assurance, dans le pays d'origine, est inabordable. En effet, à Bamako notamment, des assureurs se postent au pied des avions et proposent de telles assurances à des prix extrêmement élevés.

Par ailleurs, il serait logique que le Gouvernement continue de passer des accords internationaux comme ceux qui existent déjà avec certains pays. Lorsque j'étais député, j'ai eu l'occasion de défendre un très grand nombre de ces accords. Et puis, le rythme a un peu diminué. Les questions à régler sont en effet plus difficiles, notamment en matière de recouvrement.

Au demeurant, si la France concluait ces accords avec la quasi-totalité des pays, il n'y aurait plus d'obstacles et il n'y aurait plus besoin de ces assurances coûteuses qui doublent, en quelque sorte, les dépenses de l'assuré social. Cela étant dit, en l'état, nous voterons pour.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Les assurances privées assurent non pas des gens malades, mais des gens en bonne santé. On ne peut donc pas demander à quelqu'un qui vient se faire soigner en France de souscrire un contrat auprès d'un assureur privé ! Il faut dire clairement qu'on demande à des gens bien portants de contracter une assurance pour venir éventuellement faire du tourisme en France. Mais les personnes malades ou âgées venant se faire soigner en France, qui sont les cas visés, ne pourront pas contracter ce genre d'assurance.

Nous avons bien évidemment conscience des problèmes. Mais nous savons que l'on ne pourra remédier à cette situation que par le biais d'accords, avec la sécurité sociale par exemple, mais pas grâce aux assurances privées.

M. Nicolas Sarkozy, ministre Quel aveu !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'article 1er C est donc ainsi rédigé.

Art. 1er C
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Art. additionnel avant l'art. 1er

Article additionnel après l'article 1er C (réserve)

M. le président. Nous allons maintenant examiner l'amendement n° 222, tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er C.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je demande la réserve de l'amendement n° 222 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 225, à l'article 5 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Art. additionnel après l'art. 1er C (réservé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 308, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. _ Au chapitre VI du titre Ier du livre VIII du code de la sécurité sociale, l'article L. 816-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 816-1. _ Nonobstant toute disposition contraire et en l'absence de convention internationale de réciprocité, le présent titre est applicable aux personnes de nationalité étrangère titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au troisième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d'un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d'avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 14 de ladite ordonnance, ainsi qu'aux personnes de nationalité étrangère titulaires d'un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident. »

« II. - Dans le titre II du livre VIII du même code, l'article L. 821-9 est ainsi rédigé :

« Art. L. 821-9. _ Nonobstant toute disposition contraire et en l'absence de convention internationale de réciprocité, le présent titre est applicable aux personnes de nationalité étrangère titulaires de la carte de résident ou du titre de séjour prévu au troisième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, ou encore d'un titre de même durée que ce dernier et conférant des droits équivalents, sous réserve d'avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 14 de ladite ordonnance, ainsi qu'aux personnes de nationalité étrangère titulaires d'un titre de séjour prévu par les traités ou accords internationaux et conférant des droits équivalents à ceux de la carte de résident. »

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Cet amendement n'est pas nouveau pour la Haute Assemblée : j'avais en effet déposé un amendement identique, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, lorsque j'avais été désigné rapporteur pour avis sur le projet de loi sur l'immigration, présenté par Jean-Pierre Chevènement. Le Sénat l'avait alors approuvé, mais le Gouvernement avait émis un avis défavorable et l'Assemblée nationale, ensuite, ne l'avait pas retenu.

Cet amendement a pour but de faire en sorte que la suppression de la condition de nationalité pour bénéficier du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, s'accompagne d'un alignement sur les conditions d'accès au revenu minimum d'insertion. Actuellement, tout étranger titulaire d'un titre de séjour peut bénéficier, dès son arrivée sur le sol français, du minimum vieillesse et de l'AAH. Il s'agit ici de prévoir, et pour la plupart des cas, une condition de durée de résidence régulière et ininterrompue d'au moins trois ans pour l'obtention de ces prestations non contributives.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Très bien !

M. Alain Vasselle. S'il paraît difficile de s'opposer à la suppression de la condition de nationalité, on remarquera toutefois que cette mesure ne s'accompagne d'aucun garde-fou propre à limiter les risques de dérive et d'abus et susceptible d'éviter les incitations à l'immigration.

En effet, mes chers collègues, dans la rédaction actuelle de la loi, tout étranger titulaire d'un titre de séjour pourrait bénéficier, dès son arrivée sur le sol français, de l'une de ces prestations ; la commission des affaires sociales avait, à l'époque, jugé cette mesure inacceptable.

L'alignement que nous proposons aujourd'hui présenterait un triple avantage.

Tout d'abord, il permettrait de limiter sensiblement les risques que pourrait susciter une législation trop généreuse tout en règlant le problème des étrangers présents depuis un certain temps, sur notre territoire.

De plus, il limiterait le coût de ces mesures, particulièrement le coût futur.

Ensuite, il simplifierait considérablement l'état du droit existant en instituant, s'agissant des personnes de nationalité étrangère, exactement les mêmes conditions pour les trois minima sociaux que sont le RMI, le minimum vieillesse et l'AAH.

En outre, dans la mesure où nombre des bénéficiaires potentiels de ces mesures sont déjà bénéficiares du RMI, il apparaît particulièrement judicieux de s'inspirer très exactement des conditions exigées pour le bénéfice de cette allocation.

Enfin, l'alignement sur les conditions d'obtention du RMI représenterait une simplification en termes de gestion administrative pour les caisses d'allocations familiales qui gèrent à la fois le RMI et l'AAH.

Telles sont, mes chers collègues, les motivations de cet amendement. Je vais bien entendu écouter avec intérêt les avis de la commission du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit de subordonner, pour un étranger titulaire d'un titre de séjour, l'obtention des prestations non contributives comme le minimum vieillesse ou l'AAH à une condition de durée de résidence.

La commission considère que cette proposition présente un risque de censure, le juge constitutionnel ayant reconnu en 1993 que les étrangers jouissent des droits à la protection sociale dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français.

M. Robert Bret. C'est ce qu'avait rappelé le gouvernement de l'époque quand vous avez voté cet amendement !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Par conséquent, elle aimerait connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce texte est si important qu'il ne faut pas donner la moindre prise à une censure.

Monsieur Vasselle, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante sur ce point : il ne peut y avoir de droits différents, et on le comprend, entre un Français et un étranger résidant régulièrement en France.

Fin juriste, vous soulignez que cette disposition ne s'applique pas pour le RMI, ce qui est parfaitement exact. Mais force est de constater - je vous réponds avec la plus grande franchise - que ce cas n'a pas été soumis au Conseil constitutionnel.

L'analyse du ministère de l'intérieur est donc la suivante : le risque de censure par le Conseil constitutionnel est très grand.

Cette première réponse ne vous satisfait sans doute pas, monsieur Vasselle. Mais je rencontre déjà des difficultés pour présenter un texte équilibré, et je ne souhaite donc pas voir ce dernier déclaré inconstitutionnel sur un sujet de cette nature. Tout le dispositif équilibré que le Gouvernement essaie de vous proposer disparaîtrait alors !

J'ajoute, pour être plus positif, que, s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés, un texte, sur lequel nous travaillons actuellement, vous sera prochainement soumis. Il s'agit d'une question juridique extrêmement complexe : en effet, ce que vous dites sur l'allocation aux personnes âgées est encore plus choquant s'agissant de l'allocation aux adultes handicapés.

Monsieur le sénateur, je ne peux donc pas émettre un avis favorable sur cet amendement - j'en suis confus -, et ce pour les raisons que je viens de vous indiquer. Je n'aime pas aller au combat avec de très gros risques de voir tout annulé ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

Cet amendement d'appel serait tout à fait contre-productif pour les autres dispositions du projet de loi, que nous ne pouvons nous permettre de voir censurer par le Conseil constitutionnel.

M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 308 est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle. Je ne voudrais pas accentuer l'embarras de M. le ministre de l'intérieur et les difficultés auxquelles il est confronté. Et je ne voudrais pas que son texte, que j'approuve par ailleurs, soit censuré par le Conseil constitutionnel. Vous imaginez donc, monsieur le président, le chemin que je m'apprête à prendre, qui devrait être de nature à satisfaire à la fois M. le rapporteur et M. le ministre.

M. Robert Bret. Il est pénible de se faire hara-kiri...

M. Alain Vasselle. Je note malgré tout, au passage, mes chers collègues, que M. le ministre de l'intérieur n'a pas complètement fermé la porte à la totalité des propositions que je viens de présenter devant la Haute Assemblée. Je me permets de rappeler qu'il ne s'agit pas d'une seule initiative personnelle, la position que j'ai défendue aujourd'hui ayant été approuvée, en son temps, par l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales, ainsi que par le Sénat.

Mme Nicole Borvo. A la majorité !

M. Alain Vasselle. Certes, à l'époque, ce risque nous avait été objecté, notamment par M. le ministre de l'intérieur, mais nous pensions alors qu'il valait la peine d'être pris pour que toute la lumière soit faite sur cette distorsion existant entre les minima sociaux, le RMI, l'allocation aux adultes handicapés et le minimum vieillesse. Il aurait été bon que nous sachions très précisément à quoi nous en tenir.

Cela étant, monsieur le président, pour être agréable à M. le ministre, et sachant que, lorsque nous discuterons de l'allocation aux adultes handicapés et sans doute de la loi de 1975, nous aurons l'occasion de reprendre ce débat et de préciser un peu plus nettement le contour de la voie législative à prendre concernant cette disposition, je retire mon amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la hache d'abordage !

M. le président. L'amendement n° 308 est retiré.

Art. additionnel avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 1er bis

Article 1er

Les quatre derniers alinéas de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout refus d'entrée sur le territoire fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par le chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou un fonctionnaire désigné par lui titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et de contrôleur dans le second. Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix, et de refuser d'être rapatrié contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc. La décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend. L'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il renonce au bénéfice de ses droits ; il est réputé y renoncer lorsqu'il refuse de la signer. La décision prononçant le refus d'entrée peut être exécutée d'office par l'administration. »

M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 126 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 237 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 238, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Après le premier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les étrangers visés par l'article 15 de l'ordonnance, ainsi que leurs conjoint, enfants et ascendants, bénéficient de plein droit d'un visa d'entrée en France lorsqu'ils en font la demande. »

L'amendement n° 303, présenté par M. Schosteck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« A la fin de la première phrase du texte proposé par cet article pour remplacer les quatre derniers alinéas de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "et de contrôleur dans le second" par les mots : "et d'agent de constatation principal de deuxième classe dans le second." »

L'amendement n° 5, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour remplacer les quatre derniers alinéas de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "contre son gré". »

L'amendement n° 6, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernière phrase du texte proposé par cet article pour remplacer les quatre derniers alinéas de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« L'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il souhaite bénéficier du jour franc. »

L'amendement n° 239, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... _ Après le premier alinéa du 1° de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La réponse à une demande de visa doit intervenir deux mois au plus tard après la date à laquelle il a été délivré au demandeur le récépissé constatant la remise d'un dossier complet. Ce délai peut être prolongé une seule fois d'un mois. L'absence de réponse au terme de ce délai vaut acceptation de délivrance. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt pour présenter l'amendement n° 126.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce projet de loi, nous a-t-on dit, vise à lutter contre l'immigration irrégulière en vue de renforcer les droits des immigrés réguliers.

Mme Nicole Borvo. Ah, mais non ! M. Vasselle ne veut pas cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la hache d'abordage de notre collègue Alain Vasselle n'allait pas dans ce sens ! Je sais bien que nombre d'autres mesures du texte - nous l'avons dit ce matin dans la discussion générale - n'y vont plus non plus. Mais ici, il s'agit tout de même de fermer la porte d'une manière un peu dure !

Je relis l'article 1er : « Tout refus d'entrée sur le territoire fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par le chef du service de la police nationale ou des douanes [...] ou un fonctionnaire désigné par lui titulaire au moins du grade de brigadier... ». Je relève au passage que l'on donne de plus en plus de responsabilités à des gens de moins en moins gradés ! « Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix, et de refuser d'être rapatrié contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc [...]. L'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il renonce au bénéfice de ses droits ; il est réputé y renoncer lorsqu'il refuse de la signer... »

C'est tout de même incroyable ! Cet étranger ne sait pas très bien ce qu'on lui lit, il ne comprend pas, il ne sait pas le français !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Que vient-il faire ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Refuser de signer un papier ne signifie pas qu'on renonce à ses droits ! Il faudrait au moins préciser que cette mesure ne joue que si l'étranger comprend de quoi il s'agit ! Or, nous ne savons rien à cet égard ! L'étranger n'est pas assisté, il est seul, il n'a pas encore d'avocat, puisque, précisément, il s'agit, dans la même décision, de lui notifier qu'il a le droit d'avoir un avocat !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Malgré tout cela, il sait qu'il ne faut pas signer !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette mesure nouvelle est une fermeture nouvelle. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter les amendements n°s 237 et 238.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le texte visait à diminuer le nombre d'étrangers en situation irrégulière ; cela signifie donc que l'on ne va pas s'attaquer aux étrangers en situation régulière. D'ailleurs, ces derniers devenant de moins en moins nombreux, il n'y aura pas de souci à se faire sur les prestations !

A quoi sert le délai d'un jour franc ? A garantir à l'étranger non admis sur notre territoire la possiblité de déposer une demande d'asile ou de contacter les autorités consulaires du pays dont il est le ressortissant. On ne peut certes dire que tout cela ne sert à rien, que tous les gens sont fraudeurs, qu'il n'est pas grave qu'ils ne comprennent rien, et qu'il faut les renvoyer.

Non ! La protection des personnes est une absolue nécessité, ce qui ne change d'ailleurs rien à la possiblité de les renvoyer chez eux. Mais il est normal que, comme pour la garde à vue et pour beaucoup d'autres choses, ils disposent d'un délai : il faut qu'ils puissent comprendre de quoi il retourne, qu'ils puissent répondre à la question qui leur est posée. C'est pourquoi le délai d'un jour franc doit être maintenu. Tel est l'objet de l'amendement n° 237.

J'en viens à l'amendement n° 238.

Nous avons longuement entendu parler ce matin, tant par vous, monsieur le ministre, que par M. le rapporteur, des détournements de procédures des étrangers pour obtenir un titre de séjour. Soit !

Mais ce que vous ne voulez pas voir, c'est qu'en renforçant les obstacles à l'entrée des étrangers en France on ne lutte que très peu contre les trafiquants et les mafias. De surcroît, on ne dissuade guère les plus acharnés et les plus désespérés de ceux qui prennent tous les riques pour échapper à la misère régnant dans leur pays.

Souvenons-nous de ces jeunes gens morts ou qui ont frôlé la mort en voyageant dans des soutes, voire dans des trains d'atterrissage.

En revanche, avec une politique de généralisation des visas - aujourd'hui, les ressortissants de cent-vingt-six pays doivent obtenir un visa de court séjour pour se rendre en France, et s'y ajoutent vingt-deux pays considérés comme présentant un risque migratoire - et la pratique larvée des quotas que l'on constate sur place, c'est surtout aux visites familiales que l'on va faire obstacle.

On empêche ainsi des grands-parents de voir leurs petits-enfants, des parents d'assister au mariage de leurs enfants, des époux de rejoindre leur conjoint faute de bénéficier des conditions du regroupement familial que vous nous proposez de durcir, des étudiants de suivre des études en France.

Associez cette lecture à celle de l'article 2 du projet de loi et vous constaterez que l'article 1er risque d'encourager l'immigration clandestine au lieu de la réduire, puisqu'il incitera les intéressés à chercher à échapper à l'organistaion administrative.

C'est pour éviter ces dérives induites qu'il convient de ne pas pénaliser de façon injuste les membres des familles - conjoints, enfants et ascendants - en leur donnant la possibilité d'obtenir de plein droit un visa d'entrée lorsqu'ils en font la demande.

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l'amendement n° 303

M. Laurent Béteille. Cet amendement est pour l'essentiel rédactionnel. Il vise à remplacer les mots : « et de contrôleur dans le second » par les mots : « et d'agent de constatation principal de deuxième classe dans le second », puisque ce grade correspond à celui de brigadier dans la police nationale. Il s'agit donc d'un alignement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 5 et 6.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 5 est rédactionnel.

J'en viens à l'amendement n° 6, dans la rédaction actuelle, l'étranger perd le bénéfice de tous ses droits, y compris celui d'être assisté d'un avocat s'il refuse de signer la notification de refus d'admission. Par ailleurs, le refus de signer la notification vaut renonciation au bénéfice du jour franc, délai pendant lequel il ne peut être rapatrié contre son gré.

A côté de ces dispositions, l'Assemblée nationale a également prévu que l'étranger a la faculté de refuser d'être rapatrié avant l'expiration d'un jour franc.

L'amendement n° 6 vise à compléter ce mécanisme en prévoyant que l'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il souhaite bénéficier du jour franc. S'il ne l'indique pas, cela signifie qu'il ne veut pas en bénéficier. Il n'apparaît donc pas utile de prévoir que le refus de signer la notification vaut renonciation au jour franc.

En outre, la rédaction proposée par la commission suffit à lever les hésitations de la jurisprudence sur le point de savoir si le refus de signer la notification du refus d'admission signifie que l'étranger a pris parti sur son souhait de bénéficier ou non du jour franc.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 239.

Mme Nicole Borvo. Notre amendement vise à encadrer les délais en matière de délivrance des visas. Il prévoit qu'à défaut de réponse dans un délai de deux mois, la délivrance du visa est réputée acceptée.

Rappelons d'abord que la politique des visas est la manifestation du caractère dérogatoire du droit des étrangers qui les laisse à l'entière discrétion de l'administration. Ce matin, ma collègue Michèle André a appelé votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que les consulats n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre la politique des visas que vous entendez mener.

Sauf à changer la signification même du visa, qui est un acte de souveraineté, en transférant la responsabilité de cette politique du ministère des affaires étrangères au ministère de l'intérieur, évolution que vous avez explicitement évoquée à l'Assemblée nationale - en concertation peut-être avec M. le ministre des affaires étrangères -, cet accroissement aura une conséquence connue : les consulats mettront encore plus de temps à étudier les demandes de visas.

Or, lorsqu'on connaît les difficultés de contester un refus de visa, ne serait-ce que parce que ce refus est souvent oral, on mesure les dégâts que de telles situations produiront pour les membres de la famille qui viennent en visite en France.

A force de vouloir traiter tout demandeur de visa comme un fraudeur, on ne fait - il faut le répéter - que pénaliser les familles. On ne peut donc accepter de considérer que si le visa n'est pas délivré, il est réputé refusé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 126, 237, 238, 303 et 239 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Sur les amendements identiques n°s 126 et 237, la commission émet un avis défavorable. En effet, ces amendements tendent à supprimer l'article 1er du projet de loi qui vise à lutter contre les manoeuvres dilatoires de certains étrangers qui refusent de signer la notification de la décision de non-admission, afin de créer un vice de procédure. Ces amendements sont contraires à l'objet du projet de loi qui consiste, notamment, à déjouer les manoeuvres dilatoires de certains étrangers conseillés par les filières d'immigration clandestine.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 238, qui tend à accorder de plein droit un visa aux membres de la famille de l'étranger résidant régulièrement en France ou d'un Français. Il est contraire à la finalité du projet de loi qui est précisément de mieux contrôler les entrées, notamment lorsqu'elles ont un but familial. Si cet amendement était adopté, la réforme de l'attestation d'accueil, par exemple, perdrait une grande partie de sa portée.

S'agissant de l'amendement n° 303, la commission y est favorable car il s'agit d'un amendement de précision destiné à aligner les grades des agents des douanes sur ceux de la police nationale autorisés à prononcer un refus d'admission.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 239, qui tend à prévoir que la réponse à une demande de visa doit intervenir dans un délai de deux mois, le silence valant acceptation. Cet amendement est contraire au principe selon lequel les autorités consulaires ont l'entière appréciation de l'opportunité de délivrer un visa. En outre, certains consulats ont besoin de temps pour examiner les milliers de demandes dont ils sont saisis, notamment avec la multiplication des faux documents d'état civil étrangers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission sur les amendements n°s 126, 237, 238 et 239 et il est favorable aux amendements n°s 303, 5 et 6.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 126 et 237.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 303.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.

Mme Nicole Borvo. Je fais remarquer à M. le rapporteur que l'amendement n° 6 est contraire aux principes généraux de notre droit. Il place l'étranger dans une situation où ce dernier ne bénéficiera d'un droit fondamental que s'il indique vouloir en bénéficier. Un droit est un droit ! On ne demande pas aux gens s'ils veulent en bénéficier ou non.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le droit-fil des propos que vient de tenir Mme Borvo, j'estime qu'on ne demande pas à un étranger, qui n'a pas d'avocat, pas d'interprète, d'indiquer sur une notification s'il souhaite bénéficier du jour franc. Ceux, nombreux, qui ne parlent pas le français ne comprendront pas de quoi il s'agit.

De plus, si un droit est reconnu à l'étranger, on ne demande pas à ce dernier d'indiquer s'il veut en bénéficier.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Cela ne le fera pas changer d'avis !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Là encore, l'affaire est suffisamment complexe pour ne pas dire des choses fausses. Les étrangers ont toujours un interprète - notre réglementation le prévoit - qui leur permet de connaître leurs droits. Il est par conséquent faux de dire qu'ils ne comprennent pas et il n'est pas anormal de leur demander d'indiquer s'ils veulent bénéficier du jour franc.

Je rappelle que, dans l'ensemble de la Communauté européenne, la France est l'un des seuls pays à avoir ce jour franc. Dans la plupart des autres pays, l'étranger est raccompagné dès sa sortie de l'avion.

Avec cet amendement, l'étranger est invité à indiquer s'il veut bénéficier du jour franc. Le Gouvernement a émis un avis favorable.

Présenter la situation de la France en disant qu'il n'y aura pas d'interprète et que des malheureux étrangers ne comprendront rien est ni plus ni moins une forme de calomnie à l'endroit des services de la République française.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Qu'est-ce qui n'est pas vrai ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. 2

Article 1er bis

Dans l'article 5-2 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les mots : « des quatre derniers alinéas » sont remplacés par les mots : « du dernier alinéa ». - (Adopté.)

Art. 1er bis
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Art. 3

Article 2

L'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rétabli :

« Art. 5-3. - Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée.

« L'attestation d'accueil, signée par l'hébergeant et accompagnée des pièces justificatives déterminées par décret en Conseil d'Etat, est présentée pour validation au maire de la commune du lieu d'hébergement ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire d'arrondissement, agissant en qualité d'agent de l'Etat.

« Elle est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant à prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de trois mois à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire des Etats parties à la convention susmentionnée, et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci et les frais de son rapatriement si l'étranger ne dispose pas, à l'issue de cette période, des moyens lui permettant de quitter le territoire français.

« Le maire peut refuser de valider l'attestation d'accueil dans les cas suivants :

« - l'hébergeant ne peut pas présenter les pièces justificatives requises ;

« - il ressort, soit de la teneur de l'attestation et des pièces justificatives présentées, soit de la vérification effectuée au domicile de l'hébergeant, que l'étranger ne peut être accueilli dans des conditions normales de logement ;

« - les mentions portées sur l'attestation sont inexactes ;

« - les attestations antérieurement signées par l'hébergeant ont fait apparaître, le cas échéant après enquête demandée par l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil aux services de police ou aux unités de gendarmerie, un détournement de la procédure.

« Des agents spécialement habilités des services sociaux de la commune ou, à la demande de l'autorité chargée de valider l'attestation d'accueil, l'Office des migrations internationales peuvent procéder à des vérifications sur place. Les agents qui sont habilités à procéder à ces vérifications ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du consentement, donné par écrit, de celui-ci. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un accueil dans des conditions normales de logement sont réputées non remplies.

« Tout recours contentieux dirigé contre un refus de validation d'une attestation d'accueil doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif auprès du préfet territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter du refus. Le préfet peut soit rejeter le recours, soit valider l'attestation d'accueil.

« Le maire sera tenu informé par l'autorité consulaire des suites données à la demande de visa formulée sur la base de l'attestation d'accueil validée.

« Par dérogation à l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire sur la demande de validation de l'attestation d'accueil, ou par le préfet sur le recours administratif visé au dixième alinéa, vaut décision de rejet.

« Les demandes de validation des attestations d'accueil peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé afin de lutter contre les détournements de procédure consistant, notamment, pour un même hébergeant à déposer des demandes multiples sans rapport avec ses capacités d'hébergement. Les fichiers correspondants sont mis en place par les maires, selon des dispositions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes qui seront amenées à consulter ces fichiers ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès.

« La demande de validation d'une attestation d'accueil donne lieu à la perception, au profit de l'Office des migrations internationales, d'une taxe d'un montant de 15 EUR par personne hébergée acquittée par l'hébergeant. Cette taxe est perçue selon les mêmes modalités que la taxe visée à l'article 1635-0 bis du code général des impôts.

« Pour les séjours visés par le présent article, l'obligation d'assurance prévue au 2° de l'article 5 peut être satisfaite par une assurance ayant la même portée souscrite au profit de l'étranger par la personne qui se propose de l'héberger. Dans ce cas, l'attestation d'assurance est jointe à l'attestation d'accueil avant sa validation par le maire. »

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.

M. Jacques Mahéas. L'article 2 a trait aux attestations d'accueil. Nous souhaitons, avant de nous prononcer, obtenir quelques éclaircissements et, bien évidemment, donner notre avis.

En fait, cette attestation d'accueil a été créée pour favoriser les demandeurs de visas de court séjour. La possibilité offerte à un étranger de pouvoir justifier d'un hébergement gratuit pendant toute la durée de son séjour est considérée comme un atout auprès des autorités délivrant les visas.

Il est nécessaire tout de même que cet acte soit signé de l'hébergeant après certification des informations données. La certification se fait à partir de documents donnés par l'hébergeant, notamment diverses factures justifiant du domicile ou la carte d'identité.

Cette procédure résulte des accords internationaux que la France a signés et plus particulièrement de ceux de Schengen en 1990.

Avec votre réforme, monsieur le ministre, c'est le retour des certificats d'hébergement... et de la loi Debré pour, finalement, instaurer dans les faits un deuxième visa pour les ressortissants non communautaires.

Ce projet de loi est empreint d'inégalité...

Vous reprenez, sous réserve de deux modifications, les termes de la loi Debré de 1997.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela, c'est sévère !

M. Jacques Mahéas. Ainsi, monsieur le ministre, un maire pourra désormais refuser de valider le certificat d'hébergement. Je pose les questions suivantes : pourquoi valider et non certifier ? Pourquoi ne permettre désormais qu'au seul maire de valider, alors qu'auparavant la certification pouvait être faite par des personnes représentant des institutions différentes ?

Je m'étonne du changement de vocabulaire quant au fait d'accorder ou non l'attestation. En fait, je ne devrais pas m'en étonner. A la lecture de votre projet de loi, monsieur le ministre, il est clair que la France ne sera désormais plus la patrie des libertés ou du moins ne le sera plus pour les ressortissants non communautaires.

M. Jacques Dominati. Oh la la !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est inacceptable ! N'exagérez pas !

M. Laurent Béteille. C'est faux !

M. Jacques Mahéas. C'est mon opinion et j'ai le droit de l'exprimer !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Pas ainsi !

M. Jacques Mahéas. Ne me dites pas qu'il n'y a pas de différence entre la certification et la validation ! Actuellement, la certification permet à une autorité de dire si le formulaire rempli par le candidat hébergeant correspond bien aux informations données par ce dernier.

La certification n'a pas de caractère répressif ni subjectif. Elle s'exerce sur des éléments objectifs : l'existence ou non d'informations concernant l'hébergeant.

Le système de la validation est particulièrement pervers. Un maire pourra désormais valider seul un certificat d'hébergement.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Oui !

M. Jacques Mahéas. Vous nous expliquez qu'il est essentiel qu'un maire exerce son pouvoir de contrôle sur les conditions d'acceptation de certificat, mais qu'il faut tout de même rester très vigilant. Pourquoi ?

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous ne faites pas confiance aux maires !

M. Jacques Mahéas. Il serait regrettable en fonction des pratiques politiques des uns et des autres, on se voie interdire in fine un visa de court séjour !

Ce n'est en rien de la suspicion à l'égard des élus, tels les maires...

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Si !

M. Jacques Mahéas. ... mais il ne faudrait pas qu'une pratique a minima de la validation entraîne une rupture de l'égalité des citoyens et, surtout, 36 594 politiques de l'immigration différentes.

C'est pourquoi nous sommes plutôt favorables à ce que cette responsabilité soit donnée non pas aux maires,...

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Et à qui ?

M. Jacques Mahéas. ... mais à l'administration, et plus particulièrement aux préfets.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est cela la décentralisation : tous les pouvoirs aux préfets !

M. Jacques Mahéas. Je ne comprends pas pourquoi un ministre de l'intérieur ne mettrait pas au travail les préfets de façon que ces attestations, ou ces certificats - vous les appellerez comme vous voudrez - puissent être de sa responsabilité !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous faites davantage confiance aux préfets qu'aux maires !

M. Jacques Mahéas. L'administration est unique : elle aura un comportement unique. Les maires sont très différents, ils n'auront pas le même comportement !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Mais le maire oeuvre en tant qu'agent de l'Etat !

M. Jacques Mahéas, Peut-être, mais êtes-vous sûr que le maire d'Orange aura le même comportement que le maire de Neuilly-sur-Marne ? Personnellement, je ne le crois pas.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Tant pis ! Ce sont les électeurs qui l'ont choisi !

M. Jacques Mahéas. Quant à la qualité du logement, quel paradoxe, quelle curiosité ! Ce que vous ne jugez pas nécessaire pour nos concitoyens le devient lorsqu'il s'agit de nos amis immigrés !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Evidemment !

M. Jacques Mahéas. En effet, vous exigez pour les recevoir un logement décent, comme si, en France, il existait des logements indécents !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Parfaitement ! Et même à Paris !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Oui !

M. Jacques Mahéas. Si tout cela n'était pas grave, vos contradictions prêteraient à sourire. Mais, monsieur le ministre, vous le savez bien, derrière tout cela se cache l'indignité de la suspicion de l'immigré. Vous l'érigez, hélas ! en principe.

Et qu'entendez-vous lorsque vous permettez au maire de demander aux services de police ou de gendarmerie une enquête sur d'éventuels détournements de procédure, lorsque l'hébergeant est soupçonné d'avoir signé plusieurs attestations ? N'est-ce pas là le rôle du préfet ?

Assurément, cette pratique donnera lieu à la création d'un fichier des hébergeants et je suppose, comme vous êtes un homme prévoyant, que vous avez, au préalable, déjà consulté la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, sur ce sujet. Peut-on avoir quelques précisions à cet égard ?

Ma dernière question porte sur les recours accordés aux étrangers : pourquoi leur imposer le recours gracieux auprès du préfet, alors qu'il paraît logique de le consulter et qu'il a le pouvoir de décision ? Pourquoi ce régime d'exception ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, je vous ai alerté ce matin sur la densité de l'arsenal de formalités que vous entendez mettre en place pour une simple demande de visa. Vous avez affirmé ne cibler aucune population et être motivé par le seul souci de maîtriser l'immigration et lutter contre les clandestins.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Voilà!

Mme Marie-Christine Blandin. Notre groupe n'approuve pas le dispositif que vous proposez et a déposé des amendements, mais, ignorant le sort que le Sénat leur réservera et l'avis que le Gouvernement leur opposera, je souhaite à titre de précaution, au cas où, par hasard, ces amendements ne seraient pas retenus, à nouveau vous alerter sur les associations humanitaires, en particulier celle qui, dans le Nord - Pas-de-Calais, permet à plusieurs centaines d'enfants contaminés par les retombées de Tchernobyl d'être accueillis tous les étés dans des familles. Le parcours est désormais devenu impossible. Il faudra donc que, par décret, vous puissiez les exonérer de cet arsenal de visas, attestations d'accueil, taxe de quinze euros, photos et empreintes digitales. Vous devrez faire vite, car pour l'été prochain les formalités, en Biélorussie et en Ukraine, commencent dès maintenant, faute de quoi cette action humanitaire ne pourrait être poursuivie.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, sans vouloir ni revenir sur ce que mes collègues viennent de dire, ni même anticiper sur les propos qu'ils se préparent à tenir, je souhaiterais, en tant que maire, sénateur bien sûr, et même président, dans mon département, de l'association des maires, que vous nous précisiez, à l'occasion de ce débat, le sens exact du mot « valider ».

Jusqu'à présent, nous signions un certificat d'hébergement - moi, en tant que maire, comme d'autres - en apposant notre signature en bas du certificat, afin d'attester qu'à notre connaissance les éléments y figurant étaient exacts.

Mais, à travers cet article 2, vous nous demandez de valider, c'est-à-dire d'attester la réalité des éléments.

Je ne cherche pas du tout à chicaner dans ce débat, mais je voudrais éviter les chicaneries ultérieures et surtout pouvoir répondre aux questions que les maires ne manqueront pas de nous poser pour savoir comment on fait, comme cela se passe.

La disposition de l'article 2 que vous nous proposez, monsieur le ministre, permet manifestement à l'autorité administrative, c'est-à-dire au maire, d'aller contrôler le logement à l'intérieur, donc d'aller le visiter.

C'est un droit de visite assez exceptionnel et c'est de la police administrative. Donc nous pouvons entrer chez les particuliers sans l'autorisation du juge judiciaire, puisque c'est de la police administrative. Mais à quelles heures du jour ? A quelles heures de la nuit ? A quel moment ? Les maires, les adjoints ne sont pas toujours présents ; ils rentrent chez eux en fin d'après-midi. Cela peut créer un certain nombre de problèmes.

Mais la difficulté est plus grande, monsieur le ministre, cher Nicolas Sarkozy, en ce qui concerne les ressources. Comment voulez-vous que nous puissions vérifier la réalité des ressources ?

On peut faire, me direz-vous, une enquête sociale, comme on le fait couramment dans le cadre du bureau d'aide sociale. C'est une enquête qui est généralement de portée limitée et qui concerne des gens qui sont nécessiteux, dont on sait très bien qu'ils n'ont pas beaucoup de ressources. On a vite fait de faire le tour de ce qui existe ou de ce qui n'existe pas.

En revanche, dans le cas particulier, l'hébergeant doit s'engager à pourvoir aux besoins de celui qu'il invite pendant le temps où il l'invite et, ensuite, à payer ses frais de rapatriement, éventuellement à l'étranger. Cela veut dire faire une déclaration de ressources, sortir les comptes en banque, voir leur niveau, etc.

Monsieur le ministre, ce que je souhaiterais que vous nous disiez dans ce débat, c'est que, quoi qu'il arrive à ce texte et s'il devait être voté en l'état ou à peu près, il sera à tout le moins accompagné de décrets et d'arrêtés précisant la conduite à tenir pour les maires, parce que je ne voudrais pas que l'on aboutisse, avec ce genre de choses, à des situations telles que si, par un dérapage léger, un maire franchissait la ligne jaune sans s'en apercevoir, il serait poursuivi pour voie de fait devant le tribunal correctionnel.

Par conséquent, monsieur le ministre, mon intervention, en dehors de ce que peuvent vous dire mes collègues du groupe socialiste, a pour objet de vous demander vraiment, si le texte sort à peu près intact des délibérations parlementaires, de préciser à certains endroits que les modalités d'application seront fixées par décret ou autre, afin de ne pas laisser les maires s'en tenir purement et simplement à ce texte. En disant cela, je sais que le président de l'Association des maires de France, qui se trouve être au fauteuil aujourd'hui, ne doit pas être indifférent aux difficultés que pourraient connaître nos collègues.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un comble !

Aujourd'hui, la situation des maires n'est-elle pas plus compliquée ? Les maires ne contrôlent rien !

M. Michel Charasse. C'est vrai !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Exactement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ils sont obligés de signer des papiers sur lesquels ils n'ont aucun contrôle et ainsi d'accueillir une population sur laquelle ils ne peuvent avoir ni contrôle ni mesure.

M. Michel Charasse. Mais oui !

M. Jacques Mahéas. On est d'accord : cela ne sert à rien !

M. le président. Mes chers collègues, laissez s'exprimer M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai essayé d'entendre et de comprendre tout ce qui m'était dit. Aujourd'hui, les maires sont pris en otages. On leur demande de certifier des documents...

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Sans rien savoir !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... sans aucun moyen de vérifier leur réalité. Cela a concerné environ 730 000 personnes en 2002.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je propose donc de donner le pouvoir aux maires qui, de gauche comme de droite, n'ont cessé de le demander. Ils ne souhaitent plus s'encombrer avec des documents qui ne servent à rien. Si on ne leur donne pas les moyens de vérification qu'ils réclament, ils refuseront de signer ces documents. Et le mot « valider », au lieu du mot « certifier », vient de cette différence.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Voilà !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les maires ont désormais le pouvoir de vérifier, donc de valider. La certification, c'est simplement une signature en bas d'un document que l'on ne peut pas valider puisque l'on ne peut pas le contrôler.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Les maires iront, ou enverront quelqu'un, dans le logement...

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas leur travail !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et permettront de témoigner : est-ce que c'est vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai ? Le logement peut-il être assuré ou non ?

M. Michel Charasse. Voilà !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. M. Mahéas répond que ce n'est pas leur travail ; c'est totalement faux ! Parce que le maire, c'est le premier qui aura à récupérer, dans sa commune, une population étrangère qui n'aura ni les moyens de se loger ni de lieu d'hébergement. Le bureau d'aide sociale de la commune ? C'est celui-là qui sera concerné. Les enfants à scolariser ? C'est celui-là qui sera concerné. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

Mme Jacqueline Gourault. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dire que les maires n'ont pas le droit de donner leur avis ou de vérifier, c'est proprement scandaleux, car ce sont eux qui auront à assumer, sur les finances communales, les conséquences d'une politique d'immigration qu'ils n'auront pas pu contrôler. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Demuynck. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est rendre un pouvoir aux maires, qui risquent de se retrouver, dans leurs communes, à devoir subvenir, pour des raisons sociales, aux besoins d'un étranger qui n'a rien ou qui est dehors !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de visites familiales, de courts séjours !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, est-ce qu'il est interdit de répondre ? Vous réagissez immédiatement de façon indignée, avant même d'avoir pris la peine d'écouter ce que je disais !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais vous vous trompez !

M. Jean Chérioux. M. Dreyfus-Schmidt est sans doute infaillible !

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous avez demandé la parole. Vous l'aurez tout à l'heure. Je demande à M. le ministre d'aller jusqu'au bout de son propos.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je crois avoir répondu ou essayé de répondre à la question de M. Mahéas sur la différence entre « valider » et « certifier ». La certification, c'est la signature au bas d'un document dont on ne vérifie pas la teneur. La validation, c'est la signature après qu'on a organisé une visite.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quant à la confiance dans les maires, monsieur Mahéas, ce sont eux qui connaissent le mieux le tissu local. Par ailleurs, à partir du moment où ce sont aussi eux qui subiront les conséquences de la situation, il n'est pas anormal que l'Etat leur demande leur opinion, une opinion qui peut s'asseoir sur une vérification.

S'agissant des conditions financières, monsieur Charasse, sans doute me suis-je mal fait comprendre. L'hébergeant signe un engagement, celui de financer le retour de la personne qu'il héberge. On ne demande pas aux maires de vérifier les disponibilités financières de l'hébergeant !

M. Michel Charasse. Ah !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un engagement que l'on demande à l'hébergeant, et c'est le moins. Voilà quelqu'un qui s'engage à héberger un étranger. En vertu de cet engagement et de la vérification qui aura été faite, l'attestation est validée. Il faut donc, au cas où celui qu'il héberge serait financièrement défaillant, qu'il assume les conditions du retour de ce dernier ! C'est ce qu'on lui demande. Mais on ne demande pas aux services communaux, et encore moins aux maires, de vérifier les disponibilités financières de l'hébergeant !

M. Michel Charasse. S'il est notoirement incapable de répondre à l'engagement, et si on le sait, que fait-on ? On valide l'attestation ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Premièrement, nous voulons responsabiliser les hébergeants. Les signatures à la chaîne, cela suffit ! On signifie à cet hébergeant qu'en recevant quelqu'un il prend une responsabilité, parce que la France va délivrer un visa à la personne hébergée. Si le maire, qui connaît très bien la situation, pense que c'est totalement « bidon » - pardonnez-moi l'expression -, il est en droit de refuser de signer parce que l'hébergeant n'est notoirement pas en mesure d'assumer la réception de cet étranger. Mais on ne demande pas au maire de conduire une enquête fiscale - il n'en a d'ailleurs pas les moyens - ou économique. Je crois qu'il était important de le rappeler.

En effet, pour avoir un visa, il faut avoir une somme d'argent minimale. L'Union européenne vient de donner son accord à une harmonisation de ce minimum dans l'espace Schengen.

Pourquoi demande-t-on une somme minimale ? Parce qu'une personne qui n'a pas de certificat d'hébergement doit prouver qu'elle peut payer l'hôtel. Si elle ne peut pas payer l'hôtel et qu'elle n'a pas de certificat d'hébergement, peut-être n'est-il pas obligatoire qu'elle vienne en France !

Enfin, s'agissant des associations humanitaires, madame Blandin, un amendement de la commission des lois répondra pleinement à vos préoccupations et réglera les problèmes. Je ne réponds pas dans le détail, car j'aurai l'occasion de le faire lors de l'examen de cet amendement, sur lequel je donnerai un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi d'abord de présenter mes excuses à M. le ministre de l'intérieur pour avoir voulu lui signaler qu'il commettait une erreur, de manière qu'il puisse en tenir compte dans son raisonnement. En effet, il s'agissait non pas d'une personne qui allait s'installer et poser des problèmes à la commune, mais d'une personne qui venait pour un maximum de trois mois avec un visa qu'on appelle de « tourisme ». Voilà simplement ce que je voulais vous préciser.

Contrairement à ce que vous m'avez dit aimablement tout à l'heure sur l'article 1er, je n'ai pas menti - et je maintiens que ce n'était ni un mensonge ni même une erreur - en disant qu'au moment où l'on notifie à l'intéressé qu'il peut bénéficier d'un délai d'un jour franc il n'y a pas forcément un interprète.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est faux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On en reparlera. Mais malheureusement le projet de loi étant déclaré d'urgence, il n'y aura qu'une seule lecture, ce qui nécessite que nous soyons très attentifs à ce que nous faisons.

J'en reviens à ce qu'on appelle, à l'article 2, le « visa de tourisme ». Cette dénomination n'est pas bonne. Françoise Giroud disait : « Que cela plaise ou non, les Français n'aiment pas les étrangers, les pauvres, bien sûr. Les riches, on les appelle des touristes. »

En effet, pour ceux qui descendent à l'hôtel et qui ont les moyens de le payer, il n'y a pas de problème d'attestation d'accueil. Pour les autres, vous prenez un tas de dispositions qui sont lourdes et qui sont totalement inutiles.

Nous vous avons indiqué - cela vous a étonné - que nous étions d'accord pour que soient prises la photographie et les empreintes digitales des demandeurs de visa, afin qu'on puisse retrouver ces derniers et les expulser rapidement. Ainsi, ils ne pourront nier ni leur pays d'origine ni leur identité. Vous n'avez donc pas besoin de multiplier les « lourdeurs » - obligation d'assurance, somme à verser, etc. - d'autant que le visa n'est que pour trois mois ! Permettez-moi de vous dire que si vous êtes invité par un ami à passer un week-end de deux, trois ou quatre jours et que vous vous trouvez un petit peu serré parce que la famille est nombreuse, personne ne viendra voir comment se présentent les lieux. Mais, vous, vous voulez le vérifier, et vous voulez que cet état des lieux soit effectué par les maires et les services municipaux. Ce n'est pas leur travail !

M. Jean Chérioux. Mais si !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En matière de regroupement familial - pour lequel vous prendrez la même disposition -, il est obligatoire de vérifier les conditions de logement ; mais c'est l'OMI, c'est-à-dire l'Etat, qui s'en charge !

Vous me répondrez que l'OMI est souvent loin et que cet Office manque de personnels. Vous transférez donc le coût de cette opération sur les collectivités locales. Mais surtout, vous donnez un pouvoir au maire en précisant qu'il pourra refuser de valider l'attestation. Vous allez même jusqu'à écrire dans l'article que le silence gardé par le maire vaudra décision de rejet.

On parle beaucoup du maire d'Orange, mais on lui fait trop d'honneur, car beaucoup d'autres maires auront tendance à refuser systématiquement de valider l'attestation.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Et alors !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est là que le bât blesse ! Certains maires, à tort sans doute - mais si ce n'est que pour deux ou trois mois, pourquoi pas ? -, valideront de nombreuses attestations, alors que d'autres, au contraire, s'y refuseront.

Mais cela dépend aussi de la population des communes ! À certains endroits, on compte de nombreux étrangers - il en est même qui sont là depuis tellement longtemps qu'ils ont le droit de vote - alors qu'ailleurs - je n'en citerai pas, mais beaucoup de noms pourraient me venir à l'esprit - on n'est pas confronté à ce problème. Franchement, ce travail n'est pas fait pour les maires. C'est un cadeau empoisonné pour la plupart d'entre eux, et c'est un cadeau empoisonné pour les étrangers.

Pour toutes ces raisons, nous combattrons jusqu'au bout, alinéa par alinéa, cet article 2.

M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi de vingt amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 240, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet article 2 remet au goût du jour - mais en pire, comme viennent de le dire mes collègues du groupe socialiste - les fameux certificats d'hébergement que l'on connaissait bien sous M. Pasqua.

Il résume à lui seul toute la politique du Gouvernement en la matière, et chaque alinéa rivalise avec l'autre dans la surenchère : pénalisation de l'hébergeant, octroi au maire du contrôle des attestations d'accueil, taxe aux étrangers par l'OMI, fichage de l'hébergeant... Un modèle du genre !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est un compliment !

M. Robert Bret. Encore une fois, je souhaite insister sur le caractère profondément injuste de ces mesures pour les étrangers installés durablement et régulièrement en France, faut-il à nouveau le rappeler, tant on finit par avoir le sentiment à vous écouter, monsieur le ministre, que tous les étrangers en France sont en situation irrégulière ? Certains sont même devenus Français, ne l'oublions pas.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Qu'est-ce que ça change ?

M. Robert Bret. Ceux-ci vont dorénavant avoir le plus grand mal à faire venir leur famille, spécialement lorsqu'on sait que, en raison des obstacles multiples qui s'imposent aux demandeurs de visas et de la difficulté pour certains ressortissants d'en obtenir, certaines personnes seront amenées à devoir présenter de multiples demandes pour les mêmes personnes, devenant par là même suspectes.

Ils auront d'autant plus de mal que, entre l'obligation d'assurance de celui qui vient en France et la responsabilité financière de l'hébergeant - en plus de 15 euros payés à l'OMI - la pression financière sera extrêmement importante pour les plus modestes. C'est véritablement une discrimination sociale, au-delà de la discrimination qui existe déjà entre nationalités, via les systèmes de quotas implicites, qui se confirme.

Ceux qui souhaitent accueillir des personnes chez eux seront d'autant plus dissuadés de le faire que, d'une commune à l'autre, la situation sera différente, M. Michel Dreyfus-Schmidt a raison. Et l'on peut craindre - ce n'est pas seulement une vue de l'esprit - que, étant désormais en charge du contrôle de l'enquête, via les services municipaux, sans en avoir les moyens, et du fichage des hébergeants, certains maires ne soient tentés de refuser quasi systématiquement toute demande.

Dans un contexte de forte surenchère sécuritaire, on le sait, les étrangers sont toujours les premiers désignés ; ils deviennent vite des boucs émissaires commodes. Si bien que le « seuil de tolérance communal » risque de faire l'objet de surenchères entre communes proches.

Il n'est à cet égard guère surprenant que la majorité des membres de la commission des lois ait adhéré à ces propositions, tant il est vrai que, dans cette enceinte, nous avons pris l'habitude de ces appels du pied en direction des élus locaux, spécialement à la veille d'échéances électorales.

Pour notre part, nous conservons en mémoire les observations de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, laquelle notait, avant même l'aggravation émanant des députés, qu'« il résulte de ces dispositions que l'Etat se dépossède de ses pouvoirs pour les attribuer en partie aux maires, lesquels n'ont pas forcément la même appréciation de l'intérêt général ».

C'est bien cela la réalité, et qu'on ne nous ressorte pas le sempiternel refrain sur la confiance accordée aux maires ou sur l'idée que la proximité permettrait de tout régler. C'est au contraire une façon de déliter les responsabilités régaliennes de l'Etat. Aussi, pour l'heure, nous vous demandons la suppression de l'article 2.

M. Louis Mermaz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Je suis très choqué de la tournure que prend le débat, parce qu'il y a un principe sur lequel nous sommes tous d'accord, c'est l'unité et l'indivisibilité de la République.

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Louis Mermaz. Or ce texte est un texte d'éclatement de la légalité républicaine. Il entraînera un morcellement de l'autorité, l'Etat s'effaçant derrière les collectivités locales. C'est contraire à l'esprit sain de la décentralisation, et c'est excessivement grave. Non seulement ce texte est dangereux pour les immigrés, pour la réputation de la France, mais il porte un coup redoutable aux institutions nationales.

M. le président. Monsieur Mermaz, c'était probablement un rappel au règlement, mais la discussion, elle, suivra son cours.

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le président, je veux répondre à l'intervention de M. Mermaz.

Assez inadmissible, elle est d'une violence inouïe que je ne peux, monsieur le sénateur, que mettre sur le fait que, malheureusement, vous n'avez pas pu participer au débat qui nous a longuement occupés sur cette question.

Nous avons, les uns et les autres, pris la peine d'en parler dans un climat très apaisé. Les membres de votre groupe ont dit combien ils étaient réservés sur cette mesure, mais, de grâce ! par respect pour notre pays et pour ceux qui proposent ce texte, monsieur Mermaz, ne vous posez pas en donneur de leçons. Cela ne correspond ni à ce que l'on connaît de vous ni aux éminentes responsabilités que vous avez exercées.

Encore une fois, nous pouvons avoir des désaccords, c'est la démocratie. Mais il est parfaitement désagréable de se voir mis en cause de façon aussi grave, par des propos aussi outranciers, sur une question comme celle de la confiance faite aux maires à l'occasion d'un avis sur la réalité d'un certificat d'hébergement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Si le sujet mettait en cause les institutions de la République et l'idéal républicain, je ne doute pas une seconde, monsieur Mermaz, que vous auriez pris la peine de venir écouter ce que j'ai dit à la tribune de la Haute Assemblée et le débat que nous avons eu avec les orateurs de votre groupe.

Je ne veux en aucun cas, monsieur Mermaz, être désagréable, mais convenez que nous avons, nous aussi, le droit d'être respectés. On peut avoir un avis différent sans supporter un discours d'une telle violence. (Applaudissements sur les mêmes travées de l'UMP.)

M. Louis Mermaz. Evitez ce ton de donneur de leçons !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est vous qui avez commencé !

M. Louis Mermaz. Je vous renvoie la balle !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En insultant !

M. le président. L'amendement n° 130 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance de 1945, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Peut être dispensé de fournir un justificatif d'hébergement l'étranger qui demande à se rendre sur notre territoire soit pour la maladie grave soit pour les obsèques d'un proche ou lorsqu'il existe une cause médicale urgente au séjour projeté. »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, très franchement, je ne comprends pas la violence de vos propos ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ça alors !

M. le président. Monsieur Mahéas, tenons-nous-en à la marche normale du débat : vous avez la parole sur l'amendement n° 130 rectifié.

M. Jacques Mahéas. Je ne vais pas répéter ce que j'ai dit précédemment sur l'article 2.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Tant mieux !

M. Jacques Mahéas. Cela rejoint notamment ce que vient de dire M. Mermaz, peut-être de manière un peu plus enveloppée. Par conséquent, je ne comprends pas cette attitude.

Cela étant dit, il va de soi que l'amendement n° 130 rectifié est un amendement de repli qui tend à supprimer l'obligation du certificat d'hébergement en cas de maladie grave, d'obsèques d'un proche ou lorsqu'il existe une cause médicale urgente au séjour.

Je ne vois pas d'opposition à cette mesure, qui me semble dans la logique des choses. D'ailleurs, il faudra absolument mettre au point toute une série de précisions. Je pense, notamment, à l'arrivée de classes d'enfants étrangers dans nos écoles. Véritablement, nous devrons établir la liste des cas particuliers.

En l'occurrence, il s'agit de maladie grave, d'obsèques d'un proche ou de cause médicale urgente. Nous sommes dans le pays des droits de l'homme. Au cours de la discussion générale, on a déploré que des étrangers viennent se faire soigner dans certaines parties de France très éloignées de la métropole. Pour ma part, je trouve que c'est plutôt à notre honneur. Cela ne me gêne pas que les femmes haïtiennes viennent accoucher à Saint-Martin ; je le dis très franchement. Si nous devons faire un effort, eh bien ! tant mieux !

Dans ce cas là, la France est capable - c'est un grand pays - sans certificat d'hébergement, en cas de maladie grave, d'obsèques d'un proche ou de raison médicale grave, d'accueillir des étrangers pour de courts séjours.

M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après les mots : "décret en Conseil d'Etat", rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "est examinée et validée par le représentant de l'Etat dans le département selon des modalités également fixées par décret en Conseil d'Etat." »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Lors de ma démonstration dans la discussion générale, j'ai évoqué le rôle du préfet et j'ai indiqué que je préférais, bien évidemment, le rôle du préfet à celui des maires. D'ailleurs, il est étonnant que le recours contentieux ne soit possible qu'après la saisine du préfet, qui a un mois pour statuer.

L'absence de précision sur les motifs de refus de validation de l'attestation d'accueil laisse un très large pouvoir d'appréciation au maire. Qu'appelle-t-on conditions « normales » d'hébergement ? Sans vouloir faire de comparaison entre les « Neuilly », ce ne sont sans doute pas les mêmes entre ma ville et entre celle dont vous avez été le maire, monsieur le ministre, j'en suis intimement persuadé.

Quels sont donc les détournements de procédure pouvant justifier un refus de validation ?

M. Jean Chérioux. Quatre-vingts certificats pour un seul logement !

M. Jacques Mahéas. En première lecture, l'Assemblée nationale a limité l'obligation de produire un justificatif d'hébergement aux étrangers effectuant une visite de caractère privé. Elle a prévu également que l'hébergeant doit s'engager à prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de trois mois à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire, et au cas où l'étranger n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci et les frais de son rapatriement si l'étranger ne dispose pas, à l'issue de cette période, des moyens lui permettant de quitter le territoire français. Elle a donné un caractère éventuel à l'enquête demandée par le maire sur un hébergeant.

Par ailleurs, elle a étendu aux agents des services sociaux des communes la possibilité de procéder aux vérifications des renseignements portés sur l'attestation d'accueil. Elle a prévu que le maire est tenu informé par l'autorité consulaire des suites données à la demande de visa, qui est formulée sur la base de l'attestation d'accueil validée. Elle a ensuite prévu que le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire sur la demande de validation de l'attestation d'accueil vaut décision de rejet - je connais bon nombre de maires qui vont avoir des piles de demandes sous le coude -...

M. Jean Chérioux. Vous avez une bonne opinion des maires !

M. Jacques Mahéas. ... et précisé que les traitements automatisés concernant les demandes de validation des attestations d'accueil sont mis en oeuvre selon des dispositions déterminées par un décret en Conseil d'Etat après avis de le CNIL. Enfin, elle a instauré une taxe, payée par l'hébergeant au profit de l'OMI, d'un montant de 15 euros par personne hébergée ; nous aurons l'occasion de discuter de ce dernier point.

Notre amendement n'a pas pour objet de maintenir le dispositif en vigueur. Il prévoit que la liste des pièces justificatives à présenter pour l'obtention de l'attestation d'accueil est déterminée par décret en Conseil d'Etat et que la délivrance de cette attestation est confiée au représentant de l'Etat dans le département, suivant des modalités qui seront également déterminées par décret en Conseil d'Etat. En effet, nous considérons que la politique de l'immigration relève de l'Etat et que c'est à lui et non aux maires d'en assurer la gestion.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« I. - Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'Office des migrations internationales procède à toutes les vérifications. Ces derniers ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du consentement donné par écrit, de celui-ci. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un accueil dans les conditions normales de logement sont réputées non remplies. L'Office des migrations internationales décide au vu de ces pièces de délivrer ou non le certificat d'hébergement. »

« II. - En conséquence, supprimer les troisième à huitième et les onzième à quinzième alinéas du même texte. »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Il s'agit d'un amendement de repli tendant à confier la vérification des pièces justificatives nécessaires à l'obtention d'un justificatif d'hébergement, déterminées par décret en Conseil d'Etat, à l'Office des migrations internationales. Celui-ci ne pourra pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assuré du consentement de ce dernier. Toutefois, le refus de l'hébergeant aura pour conséquence que les conditions normales de logement ne seront pas réputées remplies. C'est l'Office des migrations internationales qui décide, au vu des pièces présentées, de délivrer ou non le certificat d'hébergement.

En effet, nous souhaitons ne pas confier la délivrance des attestations d'accueil aux maires. La loi de 1993 avait conduit de nombreux maires à refuser systématiquement de les délivrer, créant des inégalités inadmissibles entre les habitants de différentes communes. On se souvient de M. Bompard à Orange ou de M. Le Chevalier à Toulon !

Or, comme le disait très justement M. Mazeaud à l'Assemblée nationale en 1997 : « En ce qui concerne l'hébergement, il nous faut garder présent à l'esprit qu'accueillir quelqu'un chez soi - parent, ami ou connaissance - constitue un droit directement lié à l'intimité de la vie privée, quelle que soit la nationalité de celui qui reçoit et de celui qui est reçu. »

Certes, il faut éviter les éventuels abus, mais il peut y en avoir dans les deux sens : de la part des étrangers, accueillants comme accueillis, mais également de la part des maires en fonction de leurs convictions personnelles ou politiques.

Nous craignons que les dispositions proposées ne permettent à certains maires d'opérer un blocage systématique qui empêcherait l'étranger d'accéder à ce droit. Vous risquez, monsieur le ministre, de constituer sur notre territoire des enclaves dans lesquelles les étrangers ne pourront plus bénéficier d'un certain nombre de droits.

C'est la raison pour laquelle il nous paraît souhaitable de confier la gestion des certificats d'hébergement, à défaut du représentant de l'Etat dans le département, à une autorité indépendante. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 241, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet alinéa de l'article 2, introduit par l'Assemblée nationale, est une disposition à notre avis très grave de ce projet de loi : il consiste à poser le maximum d'obstacles à la venue de la famille et des amis d'un étranger, ou d'une personne d'origine étrangère, installé en France.

En effet, comment mieux décourager les plus démunis qu'en les mettant sous la menace d'une sanction financière ? C'est vrai, cela aurait pu être pire : nous avons échappé de peu au système de caution qui avait été proposé par certains députés de droite en mal d'électorat.

Telle qu'elle a été adoptée à l'Assemblée nationale, la présente disposition prévoit une responsabilité civile de l'hébergeant du fait des actes d'une autre personne en ses lieu et place. En fin de compte, c'est purement et simplement un système de caution financière qu'on met en place : chaque hébergeant est ainsi suspecté de devenir un passeur.

Si, en plus, il s'agit d'héberger des amis sans lien de famille et pour peu que les personnes hébergeantes partagent une location, alors on serait en présence de bande organisée. Cela devient vraiment surréaliste !

Je rappellerai quand même que, en vertu de l'article 5, une personne n'est admise à entrer en France qu'en faisant mention de ses moyens d'existence et des garanties de son rapatriement en cas de visa court séjour.

Je rappellerai également que le droit de vivre en famille et d'avoir une vie privée est reconnue comme un droit essentiel par le Convention européenne des droits de l'homme. A ce stade du débat, il n'est pas inutile de le rappeler.

C'est afin de ne pas rendre ce droit inopérant par l'ajout de dispositions complètement disproportionnées que nous vous en demandons la suppression.

M. le président. L'amendement n° 242, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la première phrase du neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« Les agents de l'Office des migrations internationales sont seuls habilités à procéder aux vérifications sur place. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Dans la logique de l'extension des pouvoirs du maire, le projet de loi prévoit de donner aux services municipaux le pouvoir de procéder aux vérifications.

Je ne sais pas si les députés, lorsqu'ils ont adopté cette rédaction - et vous n'avez de cesse de nous rappeler, monsieur Sarkozy, qu'ils sont proches du terrain - avaient bien mesuré les conséquences d'une telle disposition quand ils ont voté l'article. Du reste, l'Association des maires de France - une fois n'est pas coutume -, dans un courrier, a pu souligner que les « villes aux enjeux sociaux importants assumeront une charge de travail et une responsabilité plus importantes et il serait logique d'en tenir compte dans la dotation de solidarité urbaine ».

D'ailleurs, mon collègue Braouezec, député-maire de Saint-Denis, avait souligné, à l'Assemblée nationale, que cette disposition n'était pas réaliste, car le traitement des agents des services sociaux des communes relevait d'une compétence départementale ; il peut être assumé par les communes, mais ceux-ci peuvent aussi travailler sous la responsabilité des départements.

Ne serait-il pas plus sain et plus sûr, y compris pour les collectivités locales elles-mêmes, de laisser ce pouvoir d'enquête aux agents de l'Office des migrations internationales ?

J'ai également quelques inquiétudes quant au fichage et aux informations qui seront portées sur l'hébergeant à partir des informations des services. D'autant qu'on nous propose même de confier aux services de la police municipale le soin de procéder à de telle enquêtes.

On voit bien les dérives auxquelles on aboutira si ces enquêtes s'apparentent à des vérifications policières. Cela n'est pas sans poser des questions déontologiques pour les assistants sociaux eux-mêmes, alors même que nous venons, dans le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, d'adopter une réduction du secret professionnel.

En effet, l'alinéa 13 prévoit que les demandes de validation des attestations d'accueil font l'objet d'un fichage, afin d'éviter les détournements de procédure. Certes, la CNIL est chargée de donner un avis sur ces fichiers ; ce n'est d'ailleurs pas un avis conforme. Mais, eu égard aux expériences du passé, on peut craindre que de tels fichiers ne portent atteinte à la vie privée, notamment s'il est fait mention des noms des personnes hébergées.

C'est pourquoi nous vous demandons instamment de ne pas voter cette extension du pouvoir d'enquête aux agents des services municipaux et encore moins d'adopter les sous-amendements présentés par M. Demuynck.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la première phrase du neuvième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« A la demande du maire, des agents spécialement habilités des services sociaux de la commune ou l'Office des migrations internationales peuvent procéder à des vérifications sur place. »

Le sous amendement n° 104, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour la première phrase du neuvième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "services sociaux de la commune" par les mots : "services municipaux". »

Le sous amendement n° 122, présenté par M. Demuynck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour la première phrase du neuvième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "services sociaux de la commune" par les mots : "services de la commune chargés des affaires sociales, du logement ou de l'urbanisme". »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cette précision tend à éviter que le préfet ne puisse demander directement aux services sociaux de la commune de vérifier les conditions de logement. Seul le maire peut recourir à ces services. Le préfet fait appel, lui, à l'OMI uniquement.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, pour défendre les sous-amendements n°s 104 et 122.

M. Christian Demuynck. Le sous-amendement n° 104 part d'une constatation simple. A l'heure actuelle, les services sociaux des villes ont déjà une lourde tâche à accomplir : ils doivent gérer rapidement des dossiers très complexes.

Je crains qu'avec ces vérifications les enquêtes ne mettent un peu de temps pour aboutir.

Nous proposons donc de donner la possibilité aux maires d'habiliter, pour cette tâche, les services qui leur semblent les mieux adaptés.

Le sous-amendement n° 122 est un sous-amendement de repli. Il indique clairement les services qui pourraient être habilités à procéder aux vérifications : affaires sociales logement ou urbanisme.

M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le dixième alinéa du texte proposé par cet article pour rétablir l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. On ne peut pas à la fois augmenter les pouvoirs des maires dans la délivrance des attestations d'accueil et limiter parallèlement le droit au recours contentieux en le conditionnant à un recours administratif préalable.

Les garanties élémentaires de la personne doivent pouvoir être sauvegardées et il convient que chaque individu, étranger ou non, qui se voit refuser l'hébergement d'une personne puisse, en fonction de son choix, contester cette décision de manière contentieuse ou non contentieuse.

Certes, la commission des lois apporte une très légère amélioration en posant une limite d'un mois à la décision du préfet. Mais, là encore, on peut s'interroger sur la contrariété desdites dispositions avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le dixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par les mots : "le cas échéant après vérification par l'Office des migrations internationales dans les conditions prévues à l'alinéa précédent". »

L'amendement n° 9, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée :

« I. - Supprimer le douzième alinéa.

« II. - Avant le onzième alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire sur la demande de validation de l'attestation d'accueil, ou par le préfet sur le recours administratif visé à l'alinéa précédent, vaut décision de rejet. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 8 fait suite à l'amendement n° 7 précisant que seul le maire peut recourir aux services sociaux de la commune pour vérifier les conditions de logement lors de la délivrance d'une attestation d'accueil. Le préfet, lui, doit recourir aux services de l'OMI.

L'amendement n° 9 qui est un amendement rédactionnel, qui prévoit un délai de recours de un mois.

M. le président. L'amendement n° 245, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le onzième alinéa du texte proposé par cet article pour rétablir l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement est cohérent avec nos amendements qui tendent à refuser l'option consistant à confier aux maires la gestion de la politique de l'immigration : la politique de l'immigration est nationale, elle doit être égale pour tous et ne peut être morcelée entre 36 000 communes.

Dès lors, comme nous refusons le contrôle des attestations d'accueil par les maires, nous estimons qu'il n'est pas sain que le maire soit destinataire des informations concernant les visas demandés dans le cadre des attestations d'accueil.

Là encore, ces informations, croisées avec la mise en place d'un fichier d'hébergeant, nous semblent de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne par la suspicion systématique qu'elle institue à l'égard des personnes, étrangères ou non, qui demandent à recevoir chez elles amis et famille.

Tel est le sens de cet amendement

M. le président. L'amendement n° 217 rectifié, présenté par Mmes Férat, Gourault, Payet et Létard et M. Détraigne, est ainsi libellé :

« Après le onzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans un délai de 7 jours, l'hébergeant est tenu d'informer le maire du départ de l'étranger de son domicile. Dans le cas contraire, le maire pourra refuser de valider toute nouvelle attestation d'accueil, signée par cet hébergeant. »

La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Cet amendement a pour objet de demander à l'hébergeant de signaler auprès de la mairie la « disparition » de l'étranger qu'il a accueilli chez lui. En effet, j'ai connu le cas de quelqu'un qui s'était volatilisé et la responsabilité de l'hébergeant a été engagée. Il serait donc souhaitable que l'hébergeant informe le maire du départ de l'étranger de son domicile. Dans le cas contraire, le maire pourrait refuser de valider toute nouvelle attestation d'accueil signée par cet hébergeant.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'hébergeant pourrait fermer la porte à clef !

M. Robert Bret. Il faudrait demander au concierge de faire un rapport !

M. le président. L'amendement n° 129, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le douzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance de 1945. »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. L'article 2 du projet de loi dispose : « (...) le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire sur la demande de validation de l'attestation d'accueil, ou par le préfet sur le recours administratif (...) vaut décision de rejet. » Comme le texte du projet de loi le précise, cette disposition est en contradiction avec l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations - je rappelle que les relations des citoyens avec les administrations ne sont pas différentes selon qu'il s'agit de Français de souche ou d'étrangers - lequel dispose : « Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. »

Vous prétendez, monsieur le ministre, prévoir cette exception pour permettre aux maires et aux préfets de se prononcer dans les délais les plus brefs. Selon nous, cette disposition conduira plutôt à examiner très vite certains dossiers.

Monsieur le ministre, dans les départements qui, comme le mien, comptent une population étrangère importante et où, donc, les demandes d'attestations d'accueil sont également très nombreuses, il faut un certain temps aux fonctionnaires municipaux pour traiter les dossiers. Certes, une augmentation de leurs effectifs permettrait de réduire les délais, mais je crois savoir que votre gouvernement ne veut remplacer qu'un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite. Tout cela semble donc un peu fantasmagorique.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est hors sujet !

M. Jacques Mahéas. A effectifs constants, on peut craindre que ces dossiers ne soient pas examinés avec le plus grand soin, ce que je ne souhaite pas.

Voilà pourquoi nous proposons la suppression d'une disposition dérogatoire qui nous paraît injustifiée.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du treizième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "consistant, notamment, pour un même hébergeant à déposer des demandes multiples sans rapport avec ses capacités d'hébergement". »

L'amendement n° 11, également présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le quatorzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« Chaque demande de validation d'une attestation d'accueil donne lieu à la perception, au profit de l'Office des migrations internationales, d'une taxe d'un montant de 15 euros acquittée par l'hébergeant. Cette taxe est acquittée selon les mêmes modalités que la taxe visée à l'article 1635-0 bis du code général des impôts. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 10 est rédactionnel : il ne nous paraît pas opportun d'évoquer un exemple de détournement de procédure dans le corps du projet de loi.

L'amendement n° 11 est purement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "par personne hébergée". »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Le but affiché ici est de donner davantage de moyens à l'OMI. L'article 2 prévoit ainsi que la validation d'une attestation d'accueil donne lieu à la perception d'une taxe de 15 euros par personne hébergée, taxe acquittée par l'hébergeant au profit de cet office.

Il faudra tout de même considérer certains cas particuliers. J'évoquais tout à l'heure l'exemple des classes venant de l'étranger ; feront-elles également l'objet de la perception d'une taxe de 15 euros ?

Peut-être n'ai-je pas saisi complètement l'ensemble des exceptions, mais je m'interroge. Nos communes accueillent fréquemment des classes venant des pays du Maghreb dans le cadre d'échanges, et je vous assure que le budget n'est déjà pas simple à équilibrer ; avec, en plus, une taxe de 15 euros par personne, cela fera beaucoup !

Il nous paraîtrait donc souhaitable de prévoir cette taxe de 15 euros non plus par personne hébergée, mais par attestation délivrée, qui peut être une attestation de groupe.

M. le président. L'amendement n° 301, présenté par MM. Gélard, Béteille et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la seconde phrase du quatorzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :

« Cette taxe est recouvrée comme en matière de droit de timbre. »

La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 244, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour rétablir l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Il s'agit d'un amendement de conséquence.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« A la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "avant sa validation par le maire" par les mots : "après sa validation par le maire". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le projet de loi prévoit que l'hébergeant peut souscrire l'assurance médicale obligatoire, vue précédemment à l'article 1er C du projet de loi, au nom de la personne qu'il héberge et joindre l'attestation de l'assurance à son attestation d'accueil avant sa validation par le maire. Or il semble difficile de demander à une personne de souscrire une telle assurance avant qu'elle soit certaine que l'étranger puisse venir.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah ! Quand même !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En conséquence, cet amendement précise que l'hébergeant qui souscrit l'obligation d'assurance médicale joint l'attestation d'assurance à son attestation d'accueil après que le maire l'a validée. Il appartient ensuite aux seules autorités consulaires d'apprécier l'opportunité de la délivrance du visa au regard de ces différents éléments.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par l'alinéa suivant :

« Un décret en conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article. »

Le sous-amendement n° 105, présenté par MM. Richert, Ostermann, Eckenspieller, Haenel, Hoeffel et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 13 pour compléter l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par les mots : ", notamment les conditions dans lesquelles l'étranger peut être dispensé du justificatif d'hébergement en cas de séjour à caractère humanitaire ou d'échange culturel". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le décret en Conseil d'Etat laisse la possibilité de préciser le dispositif sans conditionner l'application de l'article 2.

Le décret pourrait notamment prévoir que l'autorité consulaire du pays de résidence de l'étranger peut le dispenser de la présentation d'une attestation d'accueil.

Cette faculté résoudrait le problème soulevé par certaines associations culturelles qui craignent que l'attestation d'accueil ne rende impossible ou pour le moins difficile la poursuite de leurs activités.

Le sous-amendement n° 105 de M. Richert prévoit d'ailleurs expressément ce cas de dispense éventuelle de l'attestation d'accueil, dont l'appréciation serait laissée au consul.

Rappelons, à cet égard, que le décret actuel du 27 mai 1982 prévoit déjà une telle disposition. Cela répond aux remarques faites tout à l'heure par Mme Blandin.

M. Laurent Béteille. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Eckenspieller, pour présenter le sous-amendement n° 105.

M. Daniel Eckenspieller. Autant nous souscrivons au dispositif destiné à assurer une véritable maîtrise de l'immigration dans notre pays, autant il nous semblerait préjudiciable de porter atteinte aux échanges s'inscrivant dans un cadre scolaire, culturel ou humanitaire.

Le principe de l'instauration d'une taxe de 15 euros dont devrait s'acquitter l'hébergeant pour la délivrance d'une attestation d'accueil semble, dans cette perspective, un obstacle important aux déplacements collectifs organisés dans un tel cadre.

En effet, si l'objet de cette mesure est de responsabiliser l'hébergeant, afin d'éviter notamment la demande de validation d'attestations d'accueil de complaisance, le risque est de rendre beaucoup plus complexe le travail des associations qui cherchent des familles d'accueil à fin humanitaire ou culturelle, pour un séjour dont la durée est limitée et clairement définie.

Ainsi, cette taxe pourrait avoir un caractère dissuasif pour les familles d'accueil potentielles, alors que leur action s'inscrit dans le plus total désintéressement.

Par ailleurs, l'ensemble de la procédure administrative préalable à un tel accueil apparaît excessivement longue et complexe.

Aussi semble-t-il nécessaire de conférer au Gouvernement le pouvoir de simplifier les règles par décret dans ces cas spécifiques en leur appliquant une procédure simplifiée.

Je me permettrai d'illustrer mon propos par un exemple qui me paraît, à cet égard, particulièrement significatif, et auquel tous les sénateurs alsaciens sont sensibles, même si, bien entendu, le problème est de portée générale.

Depuis onze ans, une association organise chaque année un séjour de plusieurs semaines pour près de deux cents enfants domiciliés dans les zones irradiées d'Ukraine et confrontés à des problèmes sanitaires et psychologiques souvent dramatiques.

Il est indispensable que de telles actions puissent se poursuivre. Il est indispensable que les familles qui acceptent généreusement d'accueillir ces enfants ne soient pas pénalisées sur le plan financier. Il est indispensable, enfin, que les procédures administratives soient réduites, de part et d'autre des frontières, à ce qui est strictement indispensable. En effet, le simple fait de devoir recueillir deux cents empreintes digitales dans des villages reculés et meurtris par la catastrophe du 26 avril 1986 constitue en soi un obstacle impossible à franchir.

Ce sont ces préoccupations que je vous demande de prendre en compte à travers le sous-amendement que je vous ai présenté, en insistant sur l'urgence qui s'attache à la publication du décret mentionné à l'amendement de la commission, afin que les actions en cours ne souffrent aucune interruption.

M. Laurent Béteille. Bravo !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 240, qui vise à supprimer l'article 2 relatif à l'attestation d'accueil. Une telle suppression serait contraire aux finalités du projet de loi et à la position générale de la commission.

L'amendement n° 130 tendait à accorder une dispense d'attestation d'accueil de plein droit aux étrangers se rendant sur notre territoire pour assister aux obsèques d'un proche ou pour une maladie grave. La commission avait émis un avis défavorable, mais cet amendement a été modifié depuis. A titre personnel, je suis favorable à l'amendement n° 130 rectifié mais, au nom de la commission, je m'en remets à l'avis du Gouvernement.

M. Jacques Mahéas. Je vous en remercie, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois. La commission est défavorable à l'amendement n° 127, qui vise à retirer aux maires la délivrance de l'attestation d'accueil. Cette décision est contraire à la position de la commission des lois qui veut, elle, renforcer les pouvoirs du maire en matière de contrôle de l'immigration.

Par ailleurs, à l'époque des certificats d'hébergement, entre 1982 et 1997, les maires ont déjà parfaitement rempli cette mission. Ils n'ont pas abusé de ce pouvoir puisque le taux de refus de certificat ne dépassait pas alors 3 %. En outre, il est prévu dans le projet de loi qu'un refus d'un maire peut, du fait du pouvoir hiérarchique, ouvrir droit à recours gracieux auprès du préfet.

La commission est défavorable à l'amendement n° 128, qui vise à retirer aux services sociaux des communes la possibilité de contrôler les conditions de logement pour la délivrance de l'attestation d'accueil. L'OMI ne pourra pas toujours vérifier les conditions de logement et aura besoin, à l'occasion, des services sociaux des communes. Il vaut donc mieux le faire sous le contrôle du maire.

La commission est défavorable à l'amendement n° 241, qui tend à supprimer l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour de l'hébergé en cas de défaillance de sa part. Cette disposition vise non pas à pénaliser l'hébergeant mais, tout au contraire, à le responsabiliser.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 242, et je vous renvoie aux arguments que j'ai présentés au sujet de l'amendement n° 128.

Le sous-amendement n° 104 étend à l'ensemble des services municipaux la possibilité de vérifier les conditions de logement. Cette extension nous paraît trop large.

Nous serions favorables au sous-amendement n° 122 à condition que son auteur le rectifie en supprimant les mots « ou de l'urbanisme », parce qu'il ne faut pas non plus élargir trop la consultation des services de la mairie.

M. le président. Monsieur Demuynck, acceptez-vous cette rectification ?

M. Christian Demuynck. Non, monsieur le président.

M. Jacques Mahéas. Il avait l'intention de le faire faire par sa police municipale !

M. Christian Demuynck. Les policiers municipaux de ma commune sont aussi honorables que les autres fonctionnaires qui travaillent dans les villes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous pourrez vous étendre sur le sujet en explication de vote !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Si M. Demuynck ne veut pas accepter la rectification proposée, la commission est contrainte d'émettre un avis défavorable.

Sur l'amendement n° 243, qui vise à supprimer l'obligation de recours devant le préfet avant tout recours contentieux, l'avis de la commission est défavorable. Cela risquerait, en effet, d'engorger les tribunaux administratifs et le jugement du tribunal interviendrait encore plus tard que dans le cas où le recours est effectué devant le préfet.

Le recours au préfet doit permettre d'assumer rapidement l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire dans les rares cas où un maire refuserait systématiquement de valider les attestations d'accueil.

S'agissant de l'amendement n° 245, la commission a émis un avis défavorable. Cet amendement tend à supprimer l'information du maire des suites données aux demandes de visa formulées sur la base des attestations d'accueil.

Cette disposition du projet de loi permet seulement de donner une information supplémentaire aux maires, sans soumettre en aucune façon l'autorité consulaire à la décision du maire pour valider ou non l'attestation.

L'amendement n° 217 rectifié tend à obliger l'hébergeant à informer le maire du départ de l'étranger de son domicile.

Je comprends parfaitement, ma chère collègue, les motivations de votre amendement, mais je vous demande de le retirer parce que la disposition proposée nous paraît difficile à mettre en oeuvre et nous craignons qu'elle ne nous attire les foudres du Conseil constitutionnel : le système deviendrait trop dangereux.

Sur l'amendement n° 129, la commission émet un avis défavorable.

Cet amendement vise à supprimer la disposition selon laquelle le silence gardé un mois par le maire ou par le préfet vaut refus. Cette disposition du projet de loi est, au contraire, favorable aux étrangers puisque l'une et l'autre autorité doivent avoir statué dans un délai d'un mois au lieu de deux.

L'article 21 de la loi du 22 avril 2000 prévoit, en effet, que le silence gardé pendant plus de deux mois sur une demande vaut décision de rejet. Le projet de loi y déroge en ramenant ce délai à un mois.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 131, qui prévoit que la taxe n'est acquittée que pour la demande de validation d'une attestation d'accueil et non pas par personne hébergée. Or, pour chaque personne hébergée, il faut une attestation d'accueil. Cela revient donc au même. En outre, l'amendement précédent de la commission satisfait déjà partiellement celui-ci en précisant la rédaction de la phrase concernée.

La commission est favorable à l'amendement n° 301, rédactionnel.

Elle est défavorable à l'amendement n° 244. Il s'agit de supprimer la possibilité pour l'hébergeant de souscrire lui-même l'assurance médicale au profit de l'hébergé. Or cette assurance est prévue à l'article 1er C du projet de loi adopté précédemment. L'amendement de suppression de l'article 1er C ayant été rejeté, cet amendement de conséquence doit donc recevoir un avis défavorable.

La commission est favorable au sous-amendement n° 105 de MM. Richert et Eckenspieller, qui permettra aux associations à but humanitaire de continuer d'accueillir, notamment dans le cadre qu'évoquait M. Eckenspieller, des enfants qui souffrent beaucoup. C'est la raison pour laquelle la commission avait déposé l'amendement n° 13. Je sais que M. le ministre est sensible à ce sujet et qu'il prendra très rapidement un décret pour que cette action, dont tout le monde souligne l'intérêt, ne puisse en aucune façon être interrompue.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements de la commission et émet le même avis que la commission sur tous les autres amendements, à l'exception du sous-amendement n° 122, pour lequel il s'en remet à la sagesse du Sénat, alors que la commission a émis un avis défavorable.

S'agissant plus particulièrement de l'amendement n° 130 rectifié qui a reçu un avis favorable de M. le rapporteur, à titre personnel, le Gouvernement conforme son avis favorable sur ce texte du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, contre l'amendement n° 240.

M. Jean Chérioux. Je voterai contre cet amendement, monsieur le président, cela va de soi.

Je voudrais surtout exprimer mon étonnement devant les prises de position de l'opposition sur les différentes dispositions de cet article.

On pourrait mettre ces prises de position sur le compte d'un certain angélisme : ceux qui donnent une attestation d'hébergement sont tous bons, tous gentils, il n'est donc pas utile de les contrôler ! En réalité, il nous a bien été indiqué tout à l'heure par M. le ministre que, dans d'innombrables cas, une attestation pouvait valoir pour quatre-vingts personnes, et cela pour un seul logement !

Cela mérite peut-être tout de même d'être examiné !

De surcroît, cet angélisme est à sens unique ! Il y a angélisme quand il s'agit de ceux qui fournissent des attestations ; en revanche, quand il s'agit des maires, ce n'est plus pareil, on assiste à une véritable diabolisation ! Par définition, toutes les positions que pourront prendre les maires sont suspectes...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas toutes !

M. Jean Chérioux. Il y a eu effectivement quelques cas, et nous les connaissons. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne devrons pas faire confiance aux maires ! Nous leur faisons bien confiance lorsqu'ils exercent des pouvoirs de police au nom de l'État dans leurs communes ! Dans ce domaine, personne n'a jamais remis ces pouvoirs en cause ! Je ne vois pas pourquoi, ici, on s'oppose à ce que les maires interviennent, d'autant plus que l'installation d'étrangers sur le territoire de leurs communes peut avoir de fâcheuses conséquences pour eux, si cela se passe mal !

Quant à : « morceler la République », tout de même ! Nous sommes dans un Etat de droit, et la décision des maires n'est pas sans appel ! Il est prévu d'en appeler aux préfets. Il y a aussi le contentieux devant les juridictions administratives.

Je ne comprends pas ! Chers collègues, on a l'impression que vous ne voulez pas de ce texte, et vous ne voulez pas de ce texte parce que, en réalité, vous ne voulez pas vous opposer à la venue d'étrangers en situation irrégulière dans notre pays !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne nous avez pas écoutés ce matin !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement n'est pas adopté).

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote sur l'amendement n° 130 rectifié.

M. Laurent Béteille. Cet amendement est inspiré de préoccupations tout à fait louables. Cependant, même rectifiée, sa rédaction m'étonne.

On nous propose la rédaction suivante : « Peut être dispensé de fournir un justificatif d'hébergement ». Qui va dispenser ? Ce n'est pas précisé dans l'amendement !

M. Jacques Mahéas. C'est le consul, bien évidemment !

M. Laurent Béteille. Encore faut-il que quelqu'un prenne la décision, sinon il convient d'écrire non pas « peut être dispensé » mais « est dispensé ». Dans la rédaction actuelle, c'est une simple éventualité.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est le consulat !

M. Laurent Béteille. Et quelle est la définition juridique d'un « proche » ? Qu'entendra-t-on par là ?

Au surplus, il s'agit non pas de dire que l'on se « rend » auprès d'un proche, mais que l'on peut être autorisé à se rendre sur notre territoire pour la maladie grave d'un proche. J'avoue que cela fait beaucoup d'incertitudes et d'incompréhensions pour un libellé d'amendement !

Pour ma part, sauf explication qui parviendrait à me convaincre, je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Mon cher collègue, l'autorité qui peut dispenser un étranger de la fourniture d'un certificat d'hébergement est le consulat ; cette disposition existe déjà aujourd'hui.

Effectivement, le terme « proche » n'est pas précis, mais nous sommes là dans un domaine humain et humanitaire, et je crois que nous n'avons pas intérêt à être trop précis, même si, par hasard, nous devons un jour connaître un cas de fraude.

Cette rédaction règle un grand nombre de cas humains. On ne peut pas demander à une personne venant assister en France aux derniers instants d'un membre de sa famille ou même d'un proche de constituer un dossier, ce qui est long et compliqué.

Même s'il n'est pas parfait sur le plan de la rédaction juridique,...

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. ... je crois que, pour des raisons humanitaires, l'amendement doit être accepté tel qu'il est. C'est la raison pour laquelle je maintiens l'avis favorable de la commission. (M. Jean Chérioux applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Béteille, cette disposition existe déjà dans le décret de 1998, si mon souvenir est exact. Aujourd'hui, il s'agit simplement de l'inscrire dans la présente loi, et c'est pour cette raison que le Gouvernement a émis un avis favorable sur l'amendement n° 130 rectifié.

Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement s'opposerait, dans les conditions qu'a très bien définies M. le rapporteur, à une disposition qui figure déjà dans le décret. Il ne s'agit donc pas d'une innovation, mais d'une inscription plus solennelle dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette dispense figurait en effet dans le décret. Il n'était pas précisé qui pouvait l'accorder, mais il s'agit évidemment des autorités consulaires. On peut le préciser, si vous le souhaitez, et mentionner : « les personnes auxquelles une dispense a été accordée par les autorités consulaires françaises dans leur pays de résidence .»

A cet égard, je suis reconnaissant à la fois à la commission et au Gouvernement. Nous avons d'ailleurs modifié l'amendement tel que nous l'avait suggéré la commission.

Qui appréciera ce qu'est un proche ou pas ? Il pourra s'agir d'un neveu, d'une belle-soeur... Ce sera évidemment l'autorité consulaire. Chaque cas est un cas d'espèce. Mais il est évident qu'il s'agit toujours d'une situation urgente et que l'on ne saurait prendre le risque de laisser s'écouler le délai d'un mois accordé au maire ou d'attendre la réponse du préfet en cas de recours gracieux.

Sur le fond, vous en êtes vous-même d'accord. Pour le reste, il y aura sûrement des textes administratifs. Je suis toutefois obligé de constater que vous étiez apparemment le seul à avoir un doute sur ce que signifiait « un proche ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur l'amendement n° 241.

M. Louis Mermaz. Mes chers collègues, j'ai dénoncé tout à l'heure, et je maintiens mes propos, le démantèlement de l'autorité publique que constitue le transfert aux maires de responsabilités régaliennes.

En l'espèce, je dirai - en termes mesurés, d'ailleurs - qu'il s'agit de transformer l'hébergeant en otage. Evidemment, si quelqu'un de très fortuné reçoit un émir du Golfe, il ne risque pas de se voir présenter une facture ; cet émir pourra rentrer chez lui. Mais si quelqu'un de modeste, appartenant à ce que l'on qualifie de façon méprisante « la France d'en-bas », expression que je ne fais pas mienne, accueille une personne modeste, il pourrait avoir à rendre compte sur ses deniers. Je trouve cette situation tout à fait injuste. C'est pourquoi nous voterons pour l'amendement n° 241.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. Robert Bret. C'est scandaleux !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 104.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Demuynck, acceptez-vous de rectifier le sous-amendement n° 122 comme vous le propose la commission ?

M. Christian Demuynck. Monsieur le président, je regrette vivement que la commission ait souhaité ôter du texte la référence au service de l'urbanisme, car celui-ci me semblait le plus apte à assumer cette vérification compte tenu de son expérience. Cela aurait procuré aux maires des moyens supplémentaires. Cela étant - un tiens vaut mieux que deux tu l'auras - , j'accepte la proposition de la commission.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 122 rectifié à l'amendement n° 7 de la commission de lois, présenté par M. Demuynck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, et ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par l'amendement n° 7 pour la première phrase du neuvième alinéa de l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "services sociaux de la commune" par les mots : "services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Excusez-moi, mais après ce qui vient d'être dit, je souhaite apporter une précision pour qu'elle figure au Journal officiel. Pour vérifier si un logement est adapté à l'hébergement, un service du logement est tout de même mieux placé qu'un service de l'urbanisme.

M. Christian Demuynck. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. L'amendement n° 7, qui n'a pas encore été mis aux voix, va finir par être une véritable usine à gaz. En effet, celui-ci prévoit que « à la demande du maire, des agents spécialement habilités des services sociaux de la commune ou l'Office des migrations internationales peuvent procéder à des vérifications sur place ».

Les services sociaux me paraissent donc les plus habilités. N'en rajoutons pas ! Si jamais les services sociaux étaient débordés, ces vérifications pourraient être confiées à une personne d'un autre service qui, d'après M. Demuynck, est aussi habilité pour faire ce travail.

Cela étant, nous n'aurons pas à instruire des centaines de demandes.

Personnellement, j'étais défavorable à cette disposition, je souhaitais que cette tâche soit confiée au préfet, ce qui aurait réglé le problème des communes, et nous n'aurions pas à en discuter ce soir.

Je préfère donc, pour ma part, que les services sociaux soient chargés de ces vérifications, à charge pour eux, bien évidemment, d'interroger tel ou tel service de la mairie pour compléter leurs informations.

C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, pour explication de vote.

M. Christian Demuynck. Je rappellerai à mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt que la plupart des services de l'urbanisme disposent, dans leur personnel, d'inspecteurs qui sont amenés à vérifier, à la demande des locataires, si les conditions de salubrité et d'hygiène de leur logement sont tout à fait normales. Ce personnel aurait donc tout à fait pu procéder aux vérifications.

Mme Nicole Borvo. On parle de grandes communes, là. Cela ne va pas être facile dans les petites !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 122 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 243.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'on foule aux pieds les principes du droit administratif ! En effet, existe-t-il des cas - je vous serais reconnaissant de me les citer si cela vous est possible - dans lesquels le recours gracieux doit précéder le recours contentieux ?

On nous dit que cette disposition vise à augmenter les chances d'obtenir satisfaction, sinon il y aurait trop de recours contentieux. Mais on n'en sait rien ! De toute façon, un recours gracieux n'est jamais que possible. Ceux qui voudront introduire un recours le feront, mais ici, il y a une urgence.

Or la procédure est déjà extrêmement longue puisqu'il faut attendre que le maire ait répondu - même si celui-ci a décidé, par principe, de ne jamais répondre, ainsi que nous le verrons dans un instant - avant de pouvoir accueillir des amis qui viennent pour un séjour touristique ou une visite familiale.

Franchement, ce n'est pas la peine de tordre ainsi des principes de droit auxquels nous sommes, les uns et les autres, attachés. En tout cas, nous, nous le sommes, et nous vous le démontrerons en votant pour l'amendement n° 243. Nous verrons si vous y êtes également attachés, suivant la décision que vous prendrez.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 217 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je pensais que, à la suite des demandes qui avaient été adressées aux auteurs de l'amendement n° 217 rectifié, celui-ci serait retiré.

Mme Anne-Marie Payet. Il est retiré.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien. On ne peut évidemment pas enfermer chez soi les gens que l'on reçoit.

M. le président. L'amendement n° 217 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 129.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Veuillez noter, monsieur le président, que je demande la parole pour explication de vote sur tous nos amendements qui suivent.

Le projet de loi dispose que le silence gardé du maire pendant plus d'un mois sur la demande de validation de l'attestation d'accueil vaut décision de rejet. Nous proposons la suppression de cette disposition.

En matière contentieuse, il arrive fréquemment, en effet, pour pouvoir faire partir le délai de recours gracieux ou contentieux, que le silence vaille rejet.

Mme Nicole Borvo. C'est l'inverse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ici, il y a urgence et il n'y a pas de raison que cela prenne autant de temps.

Ou l'étranger en situation régulière qui demande à recevoir un membre de sa famille pour quelques jours dispose de la place et des ressources nécessaires pour le faire - dans les petites communes, cela se vérifie rapidement - et a fourni tous les documents requis, ou ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas la peine d'attendre un mois.

Vous savez parfaitement que, pour des raisons politiques, un certain nombre de maires - ils peuvent être nombreux -, systématiquement, ne répondent pas, prolongeant ainsi le délai d'attente, au risque que la visite n'ait pas lieu.

C'est pourquoi nous vous demandons avec force de réfléchir : que le maire prenne ses responsabilités, qu'il réponde oui ou non, mais qu'il réponde dans le délai d'un mois !

M. le président. La parole est à M. Charles Ceccaldi-Raynaud, pour explication de vote.

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. En droit administratif français, l'absence de réponse est interprétée comme un refus. Tout à l'heure, M. Dreyfus-Schmidt, avec son talent habituel, nous a expliqué que la loi - cette loi qui ne lui plaît pas ! - ne devait pas modifier les règles administratives.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne m'avez pas suivi !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. C'est ce que vous êtes en train de proposer !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne m'avez pas suivi !

M. Charles Ceccaldi-Raynaud. Vous êtes en pleine contradiction et en pleine incohérence ! (Rires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous d'intégrer le texte de l'amendement n° 301 dans l'amendement n° 11 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Bien sûr.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le quatorzième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« Chaque demande de validation d'une attestation d'accueil donne lieu à la perception, au profit de l'Office des migrations internationales, d'une taxe d'un montant de 15 euros acquittée par l'hébergeant. Cette taxe est recouvrée comme en matière de droit de timbre. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je salue l'initiative qui vient d'être prise. Nous étions évidemment tous favorables à l'amendement n° 301 présenté par notre collègue M. Eckenspieller, et ce qui est valable pour le cas qu'il a évoqué l'est également pour de nombreux autres.

Il s'agit de faire payer une taxe. Mais pourquoi faire payer une taxe ? Jusqu'à présent, en matière de regroupement familial, un seul établissement, l'OMI, était habilité à effectuer les visites des logements. On avait alors logiquement prévu une taxe en faveur de cet établissement.

Maintenant, on fait état de cette affaire de demande de visas touristiques pour continuer à prévoir une taxe pour l'OMI. Et pourtant, vous semblez souhaiter que, dorénavant, ce soient les services sociaux ou ceux du logement de la commune qui interviennent dans de très nombreux cas. Cela entraînera des dépenses supplémentaires pour les communes, mais peu vous importe. Même si toutes les visites sont faites par les services municipaux, sociaux ou du logement, c'est toujours au seul OMI qu'ira la taxe ! Ce n'est peut-être pas tout à fait normal. C'est ma première observation.

Deuxième observation : le travail effectif consiste à visiter le logement. Qu'une personne seule ou qu'une personne avec son conjoint et ses cinq enfants y vivent ne change rien pour ceux qui visitent le logement. Pourquoi alors demander une taxe par personne ? M. le rapporteur m'a répondu qu'une demande d'attestation d'accueil était faite par personne hébergée. Au passage, je note qu'il en a tiré la leçon et qu'il a rectifié son amendement en conséquence !

Peu importe, monsieur le rapporteur, qu'il y ait plusieurs demandes, du moment que la réponse donnée, au terme d'une visite est la même pour tous. On peut mettre un papier calque s'il le faut ! Cela n'occasionne pas de frais supplémentaires pour les services qui effectuent la visite. En revanche, cela fait des frais supplémentaires pour l'hébergeant.

C'est pourquoi il serait peut-être bon de suspendre la séance, de manière que nous fassions en sorte que la somme payée à l'OMI - encore que cela pose problème - le soit par logement et non par attestation d'accueil.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. La taxe au profit de l'OMI est bien l'illustration de tous les travers que nous dénonçons depuis le début de ce débat.

Ce n'est pas avec de telles dispositions, on le voit bien, qu'on luttera contre les filières : il n'est pas indispensable d'en passer par le fichage de tous les hébergeants pour démanteler, par exemple, les filières chinoises du textile.

En revanche, nombre d'étrangers ou de Français d'origine étrangère auront le plus grand mal à faire venir en France leur famille. Comme l'indiquait M. Eckenspieller, les échanges culturels et sportifs souffriront également de l'application de ces dispositions. Il est d'ailleurs heureux que le sous-amendement n° 105 ait été déposé.

Les représentants d'une association organisant des actions de coopération culturelle avec l'Ukraine que nous avions reçue nous avaient ainsi indiqué que la mise en oeuvre de la taxe entraînerait une dépense de plus de 1 500 euros par an, qui consommerait la moitié de la subvention allouée par le conseil général de Meurthe-et-Moselle. Ils demandaient donc que soient prévues des dérogations.

Cet exemple montre bien à quelles aberrations conduira le dispositif de l'article 2. Nous voterons donc contre l'amendement n° 11 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 131 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit ici d'aller à l'encontre du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale en prévoyant que c'est après la validation de l'attestation d'accueil par le maire qu'il faudra fournir la preuve de la souscription d'une assurance. J'en donne acte à M. le rapporteur, il serait dommage d'avoir acquitté une prime d'assurance si l'attestation n'est pas ensuite validée !

Cependant, je voudrais lui faire remarquer qu'il pourrait aller plus loin, en proposant que les demandeurs de visa ne soient pas obligés de verser la somme correspondante à l'autorité consulaire au moment où ils déposent leur demande, qui ne sera pas forcément satisfaite. Le raisonnement de M. le rapporteur est excellent, mais il faut l'appliquer également dans le cas que j'évoque, où les dépenses engagées sont encore plus élevées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 105.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'idée des auteurs du sous-amendement est bonne, mais il serait là aussi souhaitable d'aller plus loin, et de prévoir d'autres exceptions au dispositif pour les échanges entre communes jumelées, en particulier les rencontres sportives.

Il est sans doute trop tard pour rectifier le sous-amendement, mais j'indique à M. le ministre et, plus encore, à M. le rapporteur qu'il conviendrait peut-être d'élaborer, en commission mixte paritaire, une formulation plus large.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 105.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 3 bis

Article 3

L'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 6. - Sous réserve des dispositions de l'article 9-1 ou des stipulations d'un accord international en vigueur régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne, tout étranger qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée sur le territoire français, être muni d'une carte de séjour.

« Cette carte est :

« - soit une carte de séjour temporaire, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues à la section 1 du chapitre II. La carte de séjour temporaire est valable pour une durée maximale d'un an. L'étranger qui séjourne sous couvert d'une carte de séjour temporaire peut solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions prévues aux articles 14 ou 15 ;

« - soit une carte de résident, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues à la section 2 du chapitre II. La carte de résident est valable pour une durée de dix ans.

« Lorsque la loi le prévoit, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration satisfaisante de l'étranger dans la société française, notamment au regard de sa connaissance de la langue française et des principes qui régissent la République française, qui doit être suffisante, ainsi que de son comportement au regard de l'ordre public. La carte de résident est en principe renouvelable de plein droit, sauf dans les cas prévus par la présente ordonnance.

« Le délai de trois mois prévu au premier alinéa peut être modifié par décret en Conseil d'Etat.

« Dans les conditions prévues par l'article 6-1, l'obligation de détenir une carte de séjour peut être temporairement satisfaite par la détention d'un récépissé de demande de titre de séjour, d'un récépissé de demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour.

« Pour l'appréciation de la condition d'intégration, le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'étranger qui sollicite la carte de résident. »

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après les mots : "tout étranger", insérer les mots : "âgé de plus de dix-huit ans". »

La parole est à M. Lucien Lanier.

M. Lucien Lanier. Cet amendement vise à préciser que seuls les étrangers âgés de plus de dix-huit ans sont astreints à l'obligation de détenir un titre de séjour. Cette condition figure déjà actuellement à l'article 9 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Toutefois, elle serait plus utilement inscrite à son article 6.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable : conformément à l'objectif de présentation des différents titres de séjour ayant conduit à la rédaction proposée pour l'article 6 de l'ordonnance, il est préférable que la précision évoquée figure à celui-ci.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 246, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer les cinquième et dernier alinéas du texte proposé par cet article pour rétablir l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. »

L'amendement n° 132, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »

L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le mot : "intégration", rédiger comme suit la fin du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 : "républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française. La carte de résident est renouvelable de plein droit, sauf dans les cas prévus par la présente ordonnance." »

L'amendement n° 133, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 246.

Mme Nicole Borvo. L'article 3 expose les conditions requises pour l'obtention d'une carte de résident. Or cet article, tel que modifié par l'Assemblée nationale, compte deux dispositions posant problème.

La première a trait à la notion de comportement au regard de l'ordre public. Elle institue un flou préjudiciable, et la commission nous propose d'ailleurs de la supprimer.

Surtout, la seconde condition, qui faisait l'objet principal de la réécriture de l'article 3 opérée par l'Assemblée nationale, porte sur l'intégration de l'étranger dans la société française.

Désormais, si le texte est adopté en l'état, ce qui est malheureusement probable, la délivrance de la première carte de résident sera subordonnée à la preuve d'une intégration satisfaisante, au regard notamment d'une connaissance suffisante de la langue et des principes qui régissent la République française. C'est au préfet qu'il reviendra d'apprécier si cette condition est remplie, sans que l'on sache pour l'instant comment tout ce dispositif va fonctionner. Le candidat à la carte de résident devra-t-il passer une épreuve écrite en français ? Grâce à quels financements s'y préparera-t-il, à l'heure où les crédits de formation sont en diminution, où les associations qui, dans les quartiers, se battent depuis des années pour favoriser l'intégration, celle des femmes notamment, sont mises en péril par la baisse des subventions ?

Le Gouvernement a, en effet, décidé de geler à compter du début de l'année la moitié du montant de la contribution que l'Etat alloue au fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, plusieurs ministères sont concernés par l'immigration. Qu'en est-il de la coordination de leur action ? Le FASILD finance quelque 6 000 associations nationales ou de quartier, ainsi que des organismes privés : services sociaux d'aide aux immigrants, foyers Sonacotra, etc. : il y a donc une certaine incohérence à exiger des étrangers sollicitant une première carte de résident une bonne intégration dans la société française, tout en supprimant les outils de cette intégration.

Heureusement, les maires seront là pour indiquer si l'étranger se sera comporté en bon Français. Leur avis pourra être sollicité par le préfet, faisons-leur donc confiance ! A ce rythme, à force de leur confier sans cesse davantage de responsabilités, ils finiront par n'en pouvoir mais. Pour l'heure, et tant que l'on n'aura pas apporté la démonstration que la commission d'intégration n'aura pas pour seul objectif de faire obstacle au droit de séjour, nous ne pouvons approuver ce genre de disposition.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 132.

Mme Michèle André. L'article 3 du projet de la loi vise à modifier l'article 6 de l'ordonnance de 1945, afin d'exempter les ressortissants communautaires de l'obligation de détenir un titre de séjour - ce dont nous nous félicitons - et d'établir les différents titres de séjour pouvant être délivrés à un étranger.

S'agissant de ces derniers, la carte de résident reste valable dix ans et renouvelable de plein droit. Toutefois, le texte porte de trois à cinq ans la durée de résidence requise pour l'obtenir et, surtout, subordonne sa délivrance à l'intégration de l'étranger dans la société française. Cela signifie que, pour le Gouvernement, l'intégration est non pas le résultat d'un processus, mais le préalable à l'installation.

Les faisceaux d'indices d'intégration peuvent être diversement appréciés. Le flou législatif laissera la porte ouverte à l'arbitraire, à des inégalités inévitables entre étrangers en fonction des personnes qui traiteront les dossiers. Nous nous opposons à cette adjonction trop floue, trop subjective et susceptible d'entraîner des discriminations.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14 rectifié.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à améliorer la rédaction du présent article, à préciser que l'intégration de l'étranger dans la société française passe par l'adhésion aux valeurs de la République et à supprimer le critère du comportement au regard de l'ordre public pour attester de la satisfaction de la condition d'intégration par l'étranger.

En effet, il est inutile de préciser que la condition d'intégration sera ou non remplie en fonction du comportement au regard de l'ordre public, dans la mesure où un amendement à l'article 10 du projet de loi tendra à rétablir la disposition, figurant actuellement dans le texte de l'ordonnance, selon laquelle la carte de résident peut être refusée si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 133.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mon intervention sur le dernier alinéa du texte proposé à l'article 3 vaudra pour l'ensemble de celui-ci et illustrera les propos tenus ce matin par les membres de mon groupe au cours de la discussion générale.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, il ne s'agit pas du tout de lutter contre l'immigration irrégulière pour conforter l'immigration régulière, car l'article 3 s'appliquera à des immigrants en situation régulière, présents de surcroît sur notre territoire depuis dix ans, puisque tel est le critère que devront remplir les intéressés en vue de la délivrance de la carte de résident.

Or des personnes vivant en France depuis dix ans sont suffisamment intégrées dans notre pays de ce fait même. Je connais ainsi une mère de famille, une « mamma », ne parlant pas un mot de français, mais qui s'est consacrée à ses enfants, lesquels sont devenus ingénieur, médecin, notaire, etc. ! Il peut également s'agir de pères de famille, là n'est pas le problème.

En tout état de cause, à l'heure actuelle, au terme de dix ans de présence en France, l'octroi de la carte de résident n'est subordonné à aucune condition particulière. Si la personne s'est conduite correctement et n'a pas fait l'objet de la moindre condamnation, on lui délivre la carte de résident. Mais voilà que le Gouvernement veut maintenant multiplier les conditions. Il faudra ainsi que l'intégration soit satisfaisante au regard de la connaissance de la langue française et des principes qui régissent la République française - les candidats devront connaître la Constitution, comme tous les Français (Sourires) -, ainsi que du comportement au regard de l'ordre public, ce dernier point allant de soi.

En ce qui concerne notre amendement, il vise la disposition particulière selon laquelle le préfet peut saisir pour avis, avant de délivrer la carte de résident, le maire de la commune de résidence ou, à Paris, le préfet de police. La ligne téléphonique reliant ce dernier à Bertrand Delanoë risque d'être très encombrée à l'avenir ! Est-il nécessaire de préciser dans la loi que le préfet peut solliciter l'avis du pape ? Le préfet sollicite tous les avis qu'il veut !

Cette disposition témoigne, monsieur le ministre, de votre volonté de jouer la carte du populisme et de la démagogie auprès des maires de France, en leur montrant qu'ils sont cités à chaque article de votre projet de loi et qu'on leur donne des responsabilités. Franchement, écrire dans la loi que le préfet a le droit de téléphoner au maire, c'est se moquer du monde !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, cela ne vaut pas la peine de vous énerver pour si peu ! Si, à vos yeux, demander à l'autorité administrative de solliciter l'avis des autorités qui sont élues démocratiquement, c'est du populisme, alors nous sommes nombreux à être populistes !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est de la démagogie !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Si prévoir que l'administration, avant de décider, prendra l'attache de ceux de nos compatriotes qui ont été élus par leurs concitoyens, c'est de la démagogie, alors nous sommes en effet démagogues et populistes !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Elle pourra prendre leur attache ! Ce n'est qu'une possibilité !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Comme vous pouvez le constater, nous n'avons pas la même définition que vous de la démagogie et du populisme. L'administration a trop souvent été autiste. Les maires ne sont pas des ennemis, les élus du suffrage universel ont sollicité et obtenu la confiance de nos concitoyens. Que les préfets, autorité administrative, demandent l'avis des maires constituera donc un heureux changement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous êtes sévère pour les préfets !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous êtes pour une République centralisée où le pouvoir administratif s'impose sans partage au pouvoir électif ; pour notre part, nous sommes pour une République décentralisée où le fait d'être élu n'est pas un défaut, mais plutôt une qualité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 246 vise à supprimer les alinéas prévoyant que, lorsque la loi en dispose ainsi, la carte de résident ne pourra être délivrée que si l'étranger satisfait à une condition d'intégration suffisante dans la société française.

Comme cela a déjà été précisé, la commission est favorable à l'introduction de cette condition d'intégration. En conséquence, elle émet un avis défavorable sur l'amendement.

Pour la même raison, la commission est également défavorable à l'amendement n° 132, qui tend à supprimer la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé pour l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. La disposition visée a pour objet d'encourager l'intégration d'étrangers en France en prévoyant que cette intégration sera une condition nécessaire pour l'obtention de la carte de résident dans les cas prévus par la loi. Elle doit être vue comme s'inscrivant dans le cadre de la politique d'intégration voulue par le Président de la République, de même que la création du contrat d'accueil et d'intégration, actuellement en phase d'expérimentation.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 133, qui a pour objet de supprimer la possibilité, pour le préfet, de demander l'avis du maire de la commune de résidence de l'étranger sollicitant la délivrance de la carte de résident, en vue d'apprécier le degré d'intégration de l'intéressé. J'approuve, bien sûr, les propos de M. le ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est lui aussi défavorable aux amendements n°s 246, 132 et 133. Par ailleurs, il est favorable à l'amendement n° 14 rectifié de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Supprimer le septième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'une demande d'asile a été définitivement rejetée, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour doit justifier, pour obtenir ce titre, qu'il remplit l'ensemble des conditions prévues par la présente ordonnance et les décrets pris pour son application. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à corriger un oubli. En effet, il rétablit dans l'ordonnance une disposition que celle-ci prévoyait déjà, qui n'a pas été reprise par le projet de loi mais qu'il convient de conserver.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. additionnel après l'art. 3 bis

Article 3 bis

Après l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 6-1 ainsi rédigé :

« Art. 6-1. - A moins qu'il ne soit statué immédiatement sur la demande, tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par une stipulation internationale en vigueur régulièrement introduite dans l'ordre interne se voit remettre un récépissé. Ce document autorise la présence de l'étranger sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour.

« La demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par une stipulation internationale en vigueur régulièrement introduite dans l'ordre interne vaut autorisation de séjour jusqu'à la décision prise sur la demande par l'autorité administrative, dans la limite de trois mois à compter de la date d'expiration du titre dont le renouvellement est demandé. Pendant cette période, l'étranger conserve l'intégralité de ses droits sociaux.

« Sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de premier titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France. »

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit les deux premiers alinéas du texte proposé par cet article pour insérer un article 6-1 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« La carte de séjour peut provisoirement être remplacée par le récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'une carte, le récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour.

« Entre la date d'expiration de la carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévue par une stipulation internationale et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut également justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte ou du titre arrivé à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle. »

Le sous-amendement n° 227, présenté par M. Schosteck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 17 pour insérer un article 6-1 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 :

« La détention d'un récépissé d'une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'améliorer la rédaction et de clarifier les cas dans lesquels le titre de séjour arrivé à expiration peut être présenté par l'étranger pour justifier de la régularité de son séjour alors qu'il a demandé le renouvellement dudit titre. Il s'agira de les limiter aux hypothèses de renouvellement d'une carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévue par une stipulation internationale.

M. le président. La parole est à M. Lucien Lanier, pour présenter le sous-amendement n° 227.

M. Lucien Lanier. Ce sous-amendement vise à proposer une réécriture du premier alinéa du texte présenté pour l'article 6-1 afin de préciser que le récépissé autorise la présence de l'étranger sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande sans préjuger la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 227 ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable. Cette rédaction me semble en effet préciser utilement le premier alinéa de l'article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 227 et sur l'amendement n° 17 ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ce sous-amendement et sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 227.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 224, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 6-1 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, supprimer le mot : "premier". »

La parole est à M. Lucien Lanier.

M. Lucien Lanier. Il s'agit, par cet amendement, de supprimer une précision inutile et de pouvoir prendre en compte toutes les situations dans lesquelles la délivrance d'un récépissé d'une demande ou d'un renouvellement de titre de séjour ne saurait avoir pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France d'un étranger qui ne s'est pas vu reconnaître la qualité de réfugié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable. Il s'agit en effet de supprimer une précision inutile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.

(L'article 3 bis est adopté.)

Art. 3 bis
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Art. 4 (début)

Article additionnel après l'article 3 bis

M. le président. L'amendement n° 108, présenté par M. Carle et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 8-2 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée ci-dessus et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des vingt kilomètres, la visite peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. »

La parole est à M. Lucien Lanier.

M. Lucien Lanier. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'article 8-2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet aux officiers de police judiciaire de procéder, avec l'accord du conducteur ou, à défaut, sur instruction du procureur de la République, à une visite sommaire des véhicules circulant sur la voie publique, à l'exception des voitures particulières, en vue de rechercher et de constater les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France, et avec les Etats parties à la convention signée à Schengen en 1990, et une ligne tracée à vingt kilomètres.

Cette zone a été adaptée pour les contrôles d'identité par l'article 39 bis du projet de loi. L'amendement de notre collègue Jean-Claude Carle étend cette nouvelle définition aux visites sommaires de véhicules. Je rappellerai qu'en 1997 le Conseil constitutionnel avait validé la procédure de visite sommaire de l'article 8-2 et qu'il avait précisé les modalités, indiquant en particulier que la visite sommaire, à la différence de la fouille du véhicule, n'est destinée qu'à s'assurer de l'absence de personnes dissimulées.

Aussi, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 bis.

Art. additionnel après l'art. 3 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 4 (interruption de la discussion)

Article 4

I. - La première phrase du premier alinéa de l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rédigée :

« Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers, non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions prévues à l'article 6 sont relevées, mémorisées et font l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

II. - Le premier alinéa du même article est complété par les mots : « ou qui, ayant été contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers aux Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, ne remplissent pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de cette convention ou à l'article 5 de la présente ordonnance ».

III. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise la durée de conservation et de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'occurrence, il s'agit de savoir si, pour lutter contre le fait que certains demandent un visa de trois mois et se maintiennent en oubliant d'où ils viennent et qui ils sont, il ne serait pas utile de faire prendre par les autorités consulaires empreintes digitales et photographie.

M. le ministre a bien compris, aux termes de nos explications de ce matin, que, selon nous, c'est une bonne idée. M. le ministre s'est même exclamé qu'il y avait quelque chose de nouveau et il a bien voulu viser ma modeste personne en disant que, d'habitude, j'étais toujours contre les fichiers. Ce n'est pas exact. Nous avons toujours demandé que les fichiers soient tenus avec avis conforme, ce qui nous a souvent été refusé, de l'autorité compétente. Mais, pour le reste, il nous est fréquemment arrivé d'autoriser des fichiers. Cela me paraît tout à fait logique. Cela aurait dû éviter toutes les mesures que l'on vient de prendre, en particulier à l'article 3, ou que l'on s'apprête à continuer de prendre.

Cela étant dit, une observation nous paraît importante. Lorsque les étrangers se rendent dans les postes consulaires, il arrive souvent que lesdits postes ne permettent pas de les recevoir. Alors que la plupart de ces gens viennent de très loin, il leur faut fréquemment attendre dans la rue. On leur fait déjà payer pour la demande. Ils peuvent faire cette demande par courrier ou faire déposer leur dossier. Evidemment, pour leurs empreintes digitales ou pour leur photographie, ils doivent être présents. Ce que nous demandons, et nous nous permettons d'insister sur ce point, c'est que ce soit seulement au moment de la délivrance du visa et en échange de celui-ci que l'on prenne leurs empreintes digitales et leur photographie.

En commission, M. le rapporteur nous a, sur cette question, apporté des réponses auxquelles nous n'avons rien compris. Il nous a ainsi répondu que l'on pouvait avoir affaire à une autre personne que celle qui avait demandé le visa. A l'évidence, au moment où l'on remet le visa, on peut vérifier que la personne que l'on photographie et dont on prend les empreintes digitales est bien la même, puisqu'elle doit présenter des papiers permettant de l'identifier. Par conséquent, on ne peut pas ennuyer les gens de cette façon. Notre collègue Christian Cointat, en tant que représentant des Français établis hors de France, pourrait nous dire ce que sont la longueur et bien souvent l'inconfort des trajets que beaucoup d'étrangers doivent effectuer lorsqu'ils veulent se rendre dans un poste consulaire.

Telles sont les observations que nous tenions à formuler à l'orée de l'examen de l'article 4.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je me demande si M. Dreyfus-Schmidt n'a pas fait une petite confusion. En effet, son intervention aurait été plus adaptée à l'article 5, puisqu'il a évoqué le fichier des demandeurs de visas. En l'occurrence, nous traitons du fichier « politique de séjour ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme cela a été dit ce matin, tout le monde peut se tromper !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais ce n'est pas grave. Je voulais simplement lui expliquer pourquoi je n'entrerai pas dans la discussion, attendant l'examen de l'article 5.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 247, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 18, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après les mots : "de l'Union européenne", insérer les mots : "ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen". »

Le sous-amendement n° 109, présenté par M. Eckenspieller et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 18 par les mots : "ou de la Confédération helvétique". »

L'amendement n° 19, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "sont relevées, mémorisées et font l'objet d'un traitement automatisé" par les mots : "peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé". »

La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 247.

M. Robert Bret. Cet article 4, comme l'article 5, vise à la généralisation de la prise des empreintes digitales des étrangers.

Ces deux articles se complètent à merveille puisque l'un prévoit de relever les empreintes des étrangers qui ne remplissent pas les conditions d'entrée en France et dans l'espace Schengen, et l'autre de relever les empreintes des demandeurs de visas.

De surcroît, l'article 4 permet d'établir un rapprochement entre les refus de visas et de titres de séjour opposés à un étranger et les contrôles dont il pourrait faire l'objet.

Ce faisant, monsieur le ministre, vous renforcez les dispositions de la loi Debré de 1997, qui permettaient déjà de relever les empreintes. Mais, à vous écouter, ce n'est jamais suffisant !

Cela tendrait d'ailleurs à prouver que les dispositifs de fichage proposés régulièrement par les gouvernements de droite sont inefficaces puisqu'ils sont à chaque fois renforcés.

Jusqu'où irez-vous dans le contrôle généralisé de la population ?

L'Assemblée nationale en a même rajouté avec le relevé d'une photographie de l'étranger en plus des empreintes digitales. On évoque également de plus en plus les données biométriques.

Derrière de telles dispositions, on retrouve en réalité votre logique de suspicion, celle qui ne veut voir dans l'étranger qu'un suspect, qu'un délinquant en puissance qu'il faut empêcher d'entrer en France et, le cas échéant, traquer et expulser !

Ce fichage systématique des empreintes digitales accentue le caractère répressif de notre législation et ne fait que stigmatiser un peu plus encore les étrangers qui vivent régulièrement dans notre pays.

Les vocables « étranger » ou « immigré » recouvrent des situations très diverses, que l'opinion publique peut difficilement différencier, tellement dans les discours, notamment dans les vôtres, l'amalgame est courant entre, par exemple, les détenteurs de titres de séjour et les autres étrangers.

Vous vous servez ainsi de l'immigration pour tenter de faire oublier aux Français le problème du chômage, tandis que le patronat l'utilise pour faire pression sur les salaires et porter atteinte aux droits de tous les salariés. L'immigration sert donc à précariser non seulement les étrangers, mais également les Français.

Plutôt que de réprimer tous ceux qui participent à cette chaîne de l'esclavagisme moderne, vous vous attaquez toujours à ceux qui en sont les victimes. L'article 14 bis, sur lequel nous reviendrons ultérieurement, en est un exemple frappant.

Qui doit-on viser en priorité ? L'immigré ou celui qui le fait venir moyennant des sommes importantes ? L'immigré ou celui qui le fait travailler clandestinement dans des conditions d'un autre âge ?

Quant aux marchands de sommeil, qui participent à cette chaîne nauséabonde de trafics dont l'homme est l'enjeu, rien n'est prévu dans votre texte, monsieur le ministre.

M. Roger Karoutchi. Quel rapport ?

M. Robert Bret. Dès lors, vous comprendrez que nous ne puissions accepter une telle surenchère répressive du seul immigré. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 4.

M. Roger Karoutchi. Cela n'a rien à voir !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 18.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. Daniel Eckenspieller, pour présenter le sous-amendement n° 109.

M. Daniel Eckenspieller. L'article 4 du projet de loi vise à étendre les possibilités de relevé des empreintes digitales des étrangers qui ne remplissent pas les conditions d'entrée en France et dans l'espace Schengen. Ces dispositions devraient s'appliquer aux ressortissants étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne. L'amendement de la commission des lois précise utilement que ces dispositions, qui ne s'appliquent pas aux ressortissants communautaires, ne devraient pas non plus s'appliquer aux ressortissants d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

Toutefois, malgré cette précision, les Suisses demeureraient soumis à la procédure du relevé des empreintes digitales...

Mme Nicole Borvo. C'est ennuyeux !

M. Daniel Eckenspieller. ... lorsqu'ils sollicitent la délivrance d'un titre de séjour, dans la mesure où la Confédération helvétique n'est pas partie à l'accord sur l'espace économique européen. Il convient donc, nous semble-t-il, de spécifier que les ressortissants helvétiques ne sont pas soumis à ce relevé d'empreintes digitales lorsqu'ils font la demande d'un titre de séjour.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 247 et sur le sous-amendement n° 109.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 19 vise à rétablir la rédaction actuelle de l'ordonnance de 1945, qui prévoit que les empreintes digitales « peuvent » être mémorisées. La mise en place du dispositif technique requiert un peu de temps. Laissons donc des marges de manoeuvre au Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 247, qui tend à supprimer le relevé des empreintes digitales des étrangers non munis des documents requis aux frontières extérieures de l'espace Schengen. Cela est contraire aux finalités du projet de loi. En outre, ce relevé est indépendant du système Eurodac, qui est à part.

Par ailleurs, la commission est favorable au sous-amendement n° 109. Il s'agit d'une précision nécessaire afin de dispenser les ressortissants suisses de certaines formalités dans le cadre des accords de libre circulation conclus entre nos deux pays.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n° 247 et 18, sur le sous-amendement n° 109, ainsi que sur l'amendement n° 19 ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 247. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 18, au sous-amendement n° 109 et à l'amendement n° 19.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 109.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. Robert Bret. Pour l'America's Cup, c'est préférable, sinon cela aurait fait désordre !

M. le président. Ce sous-amendement a été adopté y compris par l'ensemble des frontaliers concernés.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Personne n'est contre les Suisses ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 5

6

NOMINATION DE MEMBRES

D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que cinq commissions ont proposé des candidatures pour des organismes extraparlementaires.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Bruno Sido, membre de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ;

- MM. Ladislas Poniatowski et Jean Clouet, membres titulaires ; MM. Jean Besson et Michel Sergent, membres suppléants de l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz ;

- MM. Nicolas About, Alain Vasselle et Adrien Gouteyron, membres du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ;

- M. Jean-Claude Carle, membre du Haut conseil pour l'évaluation de l'école ;

- M. Paul Dubrule, membre de la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

7

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 5.

Art. 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 5 bis

Article 5

Après l'article 8-3 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un article 8-4 ainsi rédigé :

« Art. 8-4. - Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui sollicitent la délivrance, auprès d'un consulat ou à la frontière extérieure des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, d'un visa afin de séjourner en France ou sur le territoire d'un autre Etat partie à ladite convention sont relevées, mémorisées et font l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée.

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise la durée de conservation et de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 248, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 110, présenté par M. Eckenspieller et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 8-4 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, insérer, après les mots : "Espace économique européen", les mots : "ou de la Confédération helvétique". »

L'amendement n° 134, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 8-4 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer le mot : "sollicitent" par le mot : "obtiennent". »

L'amendement n° 103, présenté par MM. Del Picchia et Cointat, est ainsi libellé :

« Après les mots : "d'un autre Etat partie à ladite convention", rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 8-4 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 : "peuvent être relevées. La prise d'empreintes digitales est obligatoire pour toute personne à qui est délivré un visa ; elle s'effectuera lors de la remise du visa à l'intéressé. Les empreintes digitales et la photographie sont mémorisées et font l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée". »

L'amendement n° 20, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Au premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un article 8-4 dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "sont relevées, mémorisées et font l'objet d'un traitement automatisé" par les mots : "peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé". »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 248.

Mme Nicole Borvo. L'article 5 s'inscrit dans la même logique que l'article 4 ; nous y sommes tout aussi opposés.

Nous considérons que la mesure proposée est d'autant plus inacceptable que la prise d'empreintes est prévue pour tous ceux qui sollicitent la délivrance d'un visa. Vous conviendrez avec moi que les demandeurs de visas ne sont pas tous a priori de dangereux délinquants dont il faut se méfier. Pourquoi donc mettre en place un fichage systématique des personnes ?

On donne par ailleurs l'impression qu'il est très facile d'obtenir un visa. Dès lors, celui qui demanderait légalement plusieurs visas pourrait être regardé avec suspicion. En tout cas, cela contribue à jeter le discrédit sur l'ensemble des immigrés en situation régulière présents en France.

Cette disposition n'est en réalité qu'un effet d'affichage. Ce sentiment est corroboré par l'amendement de la commission. En effet, M. le rapporteur a reconnu explicitement que les consulats sont actuellement incapables de relever les empreintes et qu'il leur faudra, pour y parvenir, un délai dont on ne connaît pas la durée.

On peut donc s'interroger sur l'intérêt et l'utilité d'une mesure dont on ne sait pas comment elle pourra être appliquée.

J'ajouterai que la tendance qui consiste à généraliser la création de fichiers à l'échelle européenne - nous en avons créé dans le texte dont nous avons achevé la discussion hier - ne peut que nous inquiéter.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, pour présenter l'amendement n° 110.

M. Christian Demuynck. Cet amendement vise à prévoir que les ressortissants de la Confédération helvétique, au même titre que les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ne soient pas soumis au relevé d'empreintes digitales lorsqu'ils sollicitent la délivrance d'un visa afin de séjourner en France.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils feraient mieux d'entrer dans l'Union européenne !

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 134.

Mme Michèle André. Cet article 5 tend à insérer un nouvel article 8-4 aux termes duquel les empreintes digitales ainsi qu'une photograhie des demandeurs de visa auprès d'un consulat ou à la frontière extérieure des Etats parties à la convention de Schengen seront relevées et feront l'objet d'un traitement automatisé.

Notre amendement a pour objet de préciser que le relevé d'empreintes digitales et la fourniture d'une photographie ne sont requis que des étrangers qui obtiennent un visa et non de ceux qui en sollicitent un.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 103.

M. Christian Cointat. Le texte adopté par l'Assemblée nationale impose la prise d'empreintes digitales et la photographie pour tous les demandeurs de visa, ce qui est excessif et impossible à réaliser par les services consulaires.

Mme Nicole Borvo. Ah !

M. Christian Cointat. La commission des lois propose de remplacer les mots : « sont relevées » par les mots : « peuvent être relevées ». Cette formule ne nous paraît pas satisfaisante parce qu'elle sous-entend qu'on n'est pas obligé de le faire. Or, s'il n'est pas forcément nécessaire dans tous les cas d'avoir ces documents pour les demandeurs de visa, en revanche, comme l'a précisé M. le ministre de l'intérieur, c'est extrêmement utile, pour ne pas dire indispensable, pour tous ceux qui obtiennent un visa et qui peuvent venir sur le territoire français. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement n° 103.

Cela étant, notre proposition pourrait être formulée d'une meilleure manière. Je souhaite donc rectifier mon amendement, qui viserait dès lors à ajouter la phrase suivante : « Toutefois, elles » - c'est-à-dire les prises d'empreintes et les photographies - « s'effectuent lors de la remise du visa à l'intéressé ». Si ces opérations sont de l'ordre de la possibilité pour tous les demandeurs, elles seront une obligation pour tous ceux à qui sera délivré un visa.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Del Picchia et Cointat, et ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour le premier alinéa de l'article 8-4 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, elles s'effectuent lors de la remise du visa à l'intéressé. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 20 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 248, 110, 134 et 103 rectifié.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 20 vise à rétablir la rédaction initiale du projet de loi qui prévoit que les empreintes digitales « peuvent être » mémorisées. La mise en place des dispositifs techniques requiert un peu de temps. Laissons donc des marges de manoeuvre au Gouvernement et aux consulats.

Cependant, comme le fait remarquer M. Cointat, il est nécessaire que les empreintes et les photographies de ceux qui ont obtenu le visa soient prises. L'amendement n° 103 rectifié n'a pas été examiné par la commission des lois, mais il s'inscrit dans sa logique. A titre personnel, j'y suis donc favorable.

La commission est défavorable à l'amendement n° 248, qui vise à supprimer le relevé des empreintes digitales des demandeurs de visas. En cela, il est contraire aux finalités du projet de loi, dans la mesure où 90 % des étrangers en situation irrégulière sont entrés régulièrement sur le territoire, le plus souvent en se prévalant d'un visa touristique. Par conséquent, le relevé des empreintes digitales permettra d'identifier rapidement les clandestins entrés de la sorte ainsi que leur pays d'origine, ce qui est extrêmement important.

La commission est favorable à l'amendement n° 110, qui a d'ailleurs le même objet que l'amendement n° 109 que nous avons examiné précédemment.

Enfin, elle est défavorable à l'amendement n° 134 qui vise à restreindre aux seuls détenteurs d'un visa le relevé des empreintes au lieu de prévoir ce dernier pour les demandeurs de visa.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement émet les mêmes avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l'amendement n° 248.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, je n'ai pas très bien compris l'argumentation de Mme Borvo. Elle nous a expliqué qu'il ne faut pas relever les empreintes digitales. Or, un étranger en situation régulière n'a pas plus à craindre d'un relevé de ses empreintes digitales qu'un citoyen français qui est obligé de se prêter à ce relevé lorsqu'il demande une carte d'identité ! C'est exactement pareil ! Nos collègues du groupe socialiste sont, comme nous, tout à fait d'accord pour prévoir ce fichier.

Le relevé des empreintes digitales est absolument nécessaire pour permettre d'identifier les étrangers qui sont sur notre territoire et qui seraient entrés dans la clandestinité ! En effet, nous connaissons nombre de cas de personnes ayant fait disparaître leurs papiers au bout d'un certain temps...

Le relevé des empreintes digitales est donc une mesure indispensable qui aurait dû être prise depuis longtemps. Il est vrai que la modernisation des fichiers permet aujourd'hui un traitement numérisé beaucoup plus efficace.

Monsieur le ministre, il est souhaitable que les consulats soient dotés le plus vite possible de ces fichiers afin de raccompagner dans leur pays d'origine les étrangers qui ne devraient pas être sur notre sol.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 134.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, j'en suis navré, mais nous sommes trahis. Nous avions en effet essayé de nous mettre d'accord en commission. L'amendement de notre collègue Christian Cointat nous paraissant mieux rédigé que le nôtre, nous avions dit que nous serions éventuellement prêts à nous y rallier. Mais cet amendement stipulait tout autre chose que ce qui a été dit ici tout à l'heure (M. Christian Cointat fait un signe de dénégation), et je vais vous le démontrer très aisément.

Monsieur Cointat, vous nous avez dit qu'on ne peut pas relever les empreintes digitales de chaque personne qui sollicite la délivrance d'un visa, car cela demanderait trop de travail aux consulats. Vous nous avez dit également - et nous étions d'accord sur ce point - qu'on ne peut pas obliger les gens à se présenter deux fois au consulat, alors que le trajet est souvent malaisé et très long. Je cite votre amendement tel qu'il était rédigé avant d'être rectifié : « La prise d'empreintes digitales est obligatoire pour toute personne à qui elle est délivrée. Elle s'effectuera lors de la remise du visa à l'intéressé. »

Je constate d'ailleurs que vous n'évoquiez pas la photographie. Or nous demandons bien entendu que la prise de la photographie se fasse dans les mêmes conditions.

Nous étions cependant d'accord pour éviter au demandeur de se présenter à deux reprises devant les autorités consulaires. N'étiez-vous pas d'accord sur ce point, mon cher collègue ?

M. Christian Cointat. Non !

M. Jean-Jacques Hyest. De toute façon, les demandeurs sont obligés de venir deux fois !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ajoute que le dispositif prévu par les amendements n'est pas lisible : « ... les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants... peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé... Elles s'effectuent... » Qu'est-ce qui s'effectue ? S'agit-il des empreintes digitales et de la photographie ? Excusez-moi de vous le dire, ce n'est même pas français !

J'en viens au fond. A cet égard, notre amendement est important et justifie que nous le maintenions absolument. A défaut de son adoption, nous ne voterons pas l'article 5. Nous aurions même voté l'amendement de suppression si nous avions pensé que nous n'étions pas d'accord.

Cet amendement n° 134 vise à préciser que les empreintes digitales et la photographie ne sont requises que des étrangers qui obtiennent un visa et non de ceux qui en sollicitent un. C'est seulement au moment de la délivrance du visa et en échange de ce dernier que seraient prises les empreintes digitales et la photographie. Nous sommes en effet d'accord sur le but à atteindre, mais il ne faut tout de même pas trop en demander aux gens !

Notre amendement répond à votre souci, cher collègue Christian Cointat, c'est-à-dire que le travail des services consulaires serait diminué de manière significative. Surtout, notre amendement tient compte du fait qu'il n'est pas facile pour nombre d'étrangers de se déplacer jusqu'au consulat. Et nous avions cru comprendre que le représentant des Français établis hors de France était mieux placé que nous pour le savoir...

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, nous pourrions arriver, sur cet article, à un point d'accord. Je pense que cette annonce vaut que l'on s'arrête sur notre amendement. En effet, nous sommes favorables à la photographie et au relevé des empreintes digitales, et vous devez concevoir qu'il s'agit là d'un accord important entre nos groupes.

En revanche, je trouve qu'il y a une grande anomalie.

En effet, tout à l'heure, quand nous avons demandé que le refus de dix mille visas d'étudiant soit justifié, on nous a répondu que c'était impossible, compte tenu du travail que cela donnerait, et inutile, s'agissant de dossiers qui, manifestement, ne présentent pas d'intérêt. Ce n'est tout de même pas un énorme travail !

Or, avec l'amendement n° 134, nous vous proposons de ne prendre les empreintes et la photographie que de ceux qui obtiennent leur visa. Vous le savez vous-mêmes, il y a devant nos consulats de très longues files d'attente de personnes voulant obtenir un visa. Si vous nous suiviez, ces personnes-là ne feraient l'objet ni d'une photographie qu'il faudrait soit stocker, soit scanner puis entrer dans un système informatique, ni d'un relevé d'empreintes digitales.

Je vous demande donc de revenir sur ces positions et, peut être, de trouver un compromis entre l'amendement de M. Cointat et le nôtre, de façon à nous mettre, les uns et les autres, pleinement d'accord.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Mahéas, monsieur Cointat, j'essaie de comprendre. (Nous aussi ! sur les travées de l'UMP.) Je voudrais m'efforcer à un travail de synthèse pour voir si un accord est possible.

Je souligne auprès des sénateurs siégeant ce soir dans cet hémicycle et qui ne seraient pas tout à fait indifférents à une question de cette importance dépassant le clivage entre gauche et droite qu'il serait positif que nous puissions donner l'impression, y compris sur un sujet comme celui-là, d'une démocratie apaisée. (MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jacques Mahéas approuvent.)

Le projet de loi initial disposait que les empreintes digitales « peuvent » être relevées. L'Assemblée nationale, modifiant la rédaction, a choisi de préciser que les empreintes digitales « sont » relevées. (MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jacques Mahéas approuvent de nouveau.) Là-dessus, le groupe socialiste se déclare d'accord pour relever les empreintes de ceux qui obtiennent le visa, mais refuse que soient prises celles de tous les demandeurs de visa - je caricature un peu.

M. Jacques Mahéas. Photographie et empreintes !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Restons-en aux empreintes, parce que qui peut le plus peut le moins !

J'ai peut-être une proposition de synthèse.

Pour l'instant, aucun fichier n'existe. C'est une maladie très française que celle qui consiste à partir de rien et à vouloir tout !

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par conséquent, nous pourrions d'ores et déjà créer un fichier recensant tous ceux qui obtiennent un visa, avec obligation pour ces derniers d'un relevé d'empreintes digitales et d'une photographie.

M. Michel Dreyfus-Schmidt et M. Jacques Mahéas. D'accord !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'avoue être gêné - sans pour autant être maniaque - par le fait d'exonérer totalement ceux qui demandent un visa. En effet, un certain nombre d'individus font du « shopping » de visas en présentant des demandes multiples.

Néanmoins, je préfère disposer d'un fichier consolidé. D'ailleurs, compte tenu des délais pour créer un fichier - excusez-moi de parler très franchement là encore -, si ce fichier est à jour en 2005, nous aurons alors bien travaillé. Peut-être pourrions-nous nous mettre d'accord sur la position suivante : seules les empreintes digitales de ceux qui obtiennent un visa seraient prises.

M. Jacques Mahéas. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Quant aux personnes qui déposent une demande de visa, nous pourrions attendre l'évolution du règlement communautaire.

M. Jacques Mahéas. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. En effet, le sujet est à l'étude au niveau européen, et il n'est pas impossible qu'une demande de cette nature, notamment pour l'espace Schengen, soit formulée, auquel cas la France s'y conformerait naturellement.

M. Jacques Mahéas. Bien sûr !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Dans le même temps, monsieur le président de la commission des lois, monsieur Cointat, cela permettrait de ne pas fermer la discussion pour ceux d'entre vous - je le comprendrais parfaitement - qui préféreraient que les demandeurs de visa, même s'ils ne sont pas sûrs d'obtenir ce dernier, soient inscrits dans le fichier.

Les empreintes digitales seraient donc obligatoirement relevées pour ceux qui obtiennent le visa,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sans photographie ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... et nous attendrions l'évolution du règlement communautaire, pour ceux qui en font la demande.

Pourrait-il y avoir consensus sur le raisonnement ?

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !

M. Maurice Ulrich. Il existe !

M. Christian Cointat. Pour moi, oui, c'est le but !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Cela me semble assez raisonnable.

Cela permettrait par ailleurs à la Haute Assemblée d'offrir un visage assez uni, ce qui serait incontestablement significatif.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. René Garrec, président de la commission. J'ai une proposition de rédaction qui retient l'esprit de ce que vient de dire M. le ministre et qui recueille l'accord de notre collègue Christian Cointat. Il s'agirait d'ajouter, à la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 8-4 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une phrase ainsi rédigée : « Le relèvement est toujours effectué en cas de remise d'un visa à l'intéressé. »

M. Christian Cointat. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si j'ai bien compris M. le ministre, qui lui-même nous a bien compris, nous pourrions partir de notre amendement, qui vise les personnes qui « obtiennent » la délivrance d'un visa, pour en revenir ensuite au texte de l'Assemblée nationale : « sont relevées, mémorisées et font l'objet... ».

M. René Garrec, président de la commission. Non, nous partons de l'amendement de la commission ! (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)

M. Jacques Mahéas. Quel amour-propre d'auteur !

M. René Garrec, président de la commission. Expliquez-moi pourquoi l'amendement de la commission ne serait pas acceptable dans la mesure où il devient grammaticalement correct et où il résume l'esprit de la pensée juridique de M. le ministre et de notre collègue Christian Cointat ? J'ajoute que cela « colle » avec la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y pas que les empreintes, il y a également la photographie. Comme l'a dit M. le ministre, commençons par les relever, mais relevons-les obligatoirement, pour ceux qui obtiennent un visa, au moment de la remise de ce dernier. Ce n'est pas une question d'amour-propre d'auteur !

M. René Garrec, président de la commission. Mon cher collègue, examinez, dans le tableau comparatif de la page 293 du rapport, la colonne « propositions de la commission » : la phrase que je propose d'ajouter - « le relèvement est toujours effectué en cas de remise d'un visa à l'intéressé » - s'insérerait après les mots : « loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée ». C'est clair et simple !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président de la commission, je me réfère à la même page au tableau comparatif du rapport, à la colonne du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Comme la photographie n'est pas visée par la disposition que vous venez de nous lire, nous proposons quant à nous d'écrire : « qui obtiennent la délivrance... sont relevées, mémorisées et font l'objet d'un traitement automatisé... »

M. René Garrec, président de la commission. C'est cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est exactement ce que nous a proposé M. le ministre. Les empreintes et la photographie sont donc relevées obligatoirement et, pour l'instant, seulement pour ceux qui obtiennent le visa.

M. René Garrec, président de la commission. Voilà !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit non pas d'une question d'amour-propre mais, j'y insiste, de mettre dans le texte une disposition sur laquelle nous sommes les uns et les autres d'accord.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pour se sortir de ce débat, le Gouvernement ne pourrait-il pas, comme il en a le droit, déposer un amendement qui tendrait à ajouter, après le premier alinéa de l'article 8-4 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; un alinéa ainsi rédigé : « Ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en cas de délivrance d'un visa. »

M. René Garrec, président de la commission. C'est ce que nous proposons !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Pas exactement.

Je précise que nous ne relèverons pas les empreintes digitales de ceux qui demandent la délivrance du visa dans l'attente d'une éventuelle évolution du règlement communautaire. Je ne peux pas être plus clair et cela figurera dans le compte rendu des débats.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas du temps perdu que d'essayer de trouver un accord entre l'opposition et la majorité. La France s'en trouvera beaucoup plus forte. Le détournement de la procédure des visas de touriste est tout de même un problème qui nous concerne tous. Voilà la proposition que je fais.

M. René Garrec, président de la commission. Très bien !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 316, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 8-4 de l'ordonnance n° 45-2658 précitée, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« Ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en cas de délivrance d'un visa. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement présente un tout petit inconvénient, à savoir que les autorités consulaires pourront demander aux intéressés de se présenter avant la délivrance du visa, comme votre texte leur en donnera la possibilité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur le sénateur, au nom du Gouvernement, je m'engage à ne pas le faire tant que la réglementation communautaire n'aura pas évolué.

Mon engagement figurera dans le compte rendu des débats.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il serait préférable de le mentionner dans le texte, car il est plus facile de lire la loi que le compte rendu des débats.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Telle est la proposition que je fais, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je me rallie sans réserve à la proposition de M. le ministre.

Je veux dire à notre collègue M. Dreyfus-Schmidt que les demandeurs de visa sont obligés de se présenter à deux reprises aux autorités consulaires : d'abord pour déposer la demande et payer le visa, ensuite pour le retirer. Cet amendement ne modifie donc en rien la démarche, mais il change tout pour l'organisation du travail. M. le ministre a parfaitement clarifié la situation avec cet amendement, qui répond aussi bien à votre attente qu'à la nôtre. Alors, de grâce, votons-le tous !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut faire payer le visa par quelqu'un d'autre !

Mme Nicole Borvo. Vous considérez qu'à l'heure actuelle la photographie n'est pas relevée ?

M. le président. Mes chers collègues, ou nous arrivons maintenant à nous mettre d'accord ou il nous faudra suspendre nos travaux !

Je résume la situation pour que tout soit clair.

Nous sommes saisis de l'amendement n° 20 de la commission et de l'amendement n° 134 du groupe socialiste.

M. Jacques Mahéas. Pour l'instant !

M. le président. Par ailleurs, M. le ministre vient de déposer l'amendement n° 316.

Dans ces conditions, l'amendement n° 103 rectifié est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 103 rectifié est retiré.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rectifie l'amendement n° 134. Premièrement, le mot « sollicitent » est remplacé par le mot « obtiennent ». Deuxièmement, dans l'amendement n° 20 de la commission, le mot « peuvent » est remplacé par le mot « sont ».

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et pourquoi ne vous associez-vous pas à l'amendement du Gouvernement ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous l'ai dit, parce qu'il est plus facile de lire la loi que les comptes rendus des débats, et que ce que je propose est exactement ce sur quoi nous sommes d'accord.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 134 rectifié.

La parole est à Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Dans ces conditions, une suspension de séance serait préférable. Il est possible que nous arrivions entre nous à un accord, mais il semblerait qu'il faille d'abord discuter de la proposition du Gouvernement.

Dès lors, si nous aboutissons, notre amendement n° 134 rectifié n'aura plus d'objet.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, nous demandons la priorité pour le vote de l'amendement n° 316 du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. René Garrec, président de la commission. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Je mets aux voix l'amendement n° 316.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 134 rectifié n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. additionnel après l'art. 1er C

Article 5 bis

Dans le dernier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les mots : « au 5° , » sont supprimés.

M. le président. L'amendement n° 225, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« I. - Le premier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est supprimé. »

« II. - Dans le dernier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, les mots : "au 5°" sont remplacés par les mots : "au troisième alinéa de l'article 14". »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les amendements déposés aux articles 3, 10 et 13 du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet un avis favorable par coordination avec l'amendement n° 223 qui a reçu également un avis favorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 225.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 bis est ainsi rédigé.

Art. 5 bis
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Art. 6

Article additionnel après l'article 1er C

(suite)

M. le président. Nous en revenons à l'amendement n° 222, qui avait été précédemment réservé.

Cet amendement n° 222, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au quatorzième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, les mots : "troisième alinéa de l'article 9" sont remplacés par les mots : "deuxième alinéa de l'article 9". »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Personne ici ne sait de quoi il s'agit ! Vous nous dites qu'il s'agit d'une coordination avec l'amendement précédent, mais ce dernier a été voté sans que son objet nous soit expliqué. Nous voulons bien voter, mais à condition d'être d'accord, et pour être d'accord il faut que nous comprenions !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur, le président, j'utiliserai le procédé de certains : après avoir présenté l'amendement, j'expliquerai mon vote puisque la commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis.

Monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est un amendement de coordination avec l'amendement n° 225 modifiant l'article 5 bis et visant à supprimer le premier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945. L'amendement n° 225 ayant été adopté par le Sénat, en conséquence, le troisième alinéa de l'article 9 devient le deuxième alinéa. Il s'agit donc bien d'une coordination par coordination. Elle me paraît tout à fait logique !

M. Dominique Braye. C'est clair comme de l'eau de source ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.

M. Jacques Mahéas. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er C.

Art. additionnel après l'art. 1er C
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Art. additionnel après l'art. 6 (réservé)

Article 6

Les deux premiers alinéas de l'article 9-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour.

« S'ils en font la demande, il leur est délivré, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat, un titre de séjour, sous réserve d'absence de menace pour l'ordre public.

« Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne qui souhaitent exercer en France une activité économique. »

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. Eckenspieller et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour modifier l'article 9-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, insérer, après les mots : "Espace économique européen", les mots : "ou de la Confédération helvétique". »

La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Cet amendement prévoit que les ressortissants de la Confédération helvétique, en dépit de la non-appartenance de leur Etat à l'Espace économique européen, soient également dispensés de la détention d'un titre de séjour lors de leur séjour en France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 6 bis

Article additionnel après l'article 6

(réservé)

M. le président. L'amendement n° 297, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« La première phrase du dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance précitée est complétée par les mots : ", ainsi qu'à tout étranger qui méconnaît les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, je demande la réserve de l'amendement n° 297, jusqu'après l'article 14 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Art. additionnel après l'art. 6 (réservé)
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Art. 14 bis (priorité)

Article 6 bis

Dans le dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, après les mots : « passible de poursuites pénales sur le fondement des articles », sont insérés les mots : « 20 de la présente ordonnance et 222-34 à 222-38, ».

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 135 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 249 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 106 rectifié, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« A. - Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« I. - Le deuxième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« En cas de nécessité liée au déroulement des études, le représentant de l'Etat peut accorder cette carte de séjour même en l'absence du visa de long séjour requis, sous réserve de la régularité de son entrée sur le territoire français. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de cette disposition, en particulier en ce qui concerne les ressources exigées et l'inscription dans un établissement d'enseignement. »

« B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : "II. -". »

L'amendement n° 298, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Dans cet article, supprimer les mots : "20 de la présente ordonnance et". »

L'amendement n° 21, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans cet article, remplacer les références : "222-34 à 222-38," par la référence : "222-39,". »

Le sous-amendement n° 112, présenté par Mme Olin, M. Plasait et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« I. - Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 21 par la référence : "222-39-1,".

« II. - En conséquence, dans le troisième alinéa de cet amendement, remplacer les mots : "la référence" par les mots : "les références". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 135.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que « la carte de séjour temporaire peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, en infraction... » et que « la carte de séjour temporaire peut être retirée à l'étranger passible de poursuites pénales sur le fondement des articles... »

Cette disposition signifie qu'une fois de plus on mélange les filières contre lesquelles nous sommes tous d'accord de lutter, et les individus.

Personnellement, je fais une très grande différence entre les mafieux qui font venir des clandestins pour les faire travailler de manière clandestine, en les payant peu ou pas du tout, et le brave homme, peut-être étranger, qui a pitié de son neveu, de son beau-frère ou de son ami, lequel, en attente d'être régularisé, a besoin de travailler, ne fut-ce que pour nourrir ses enfants.

Jusqu'à présent, la loi ne s'en prenait qu'aux employeurs pour lutter principalement contre les filières. Maintenant, on s'en prend à l'étranger qui travaille.

Le Sénat examinera tout à l'heure un amendement déposé par M. Hyest, et visant non plus à punir l'étranger mais à l'expulser avant même qu'il ait été éventuellement jugé. Nous nous élèverons contre cette disposition et nous proposerons que l'article soit purement et simplement supprimé.

Que signifie l'expression « passible d'une peine » ? Ce matin, je ne suis pas parvenu à interrompre M. le ministre pour lui dire qu'il se trompait lorsqu'il prétendait que nous avions vainement saisi le Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a donné une interprétation - curieuse d'ailleurs, je dois le dire, en droit - du mot « passible ». Pour tout juriste, hormis ceux de la majorité ou de l'unanimité du Conseil constitutionnel, le mot « passible » signifie que, si les faits sont établis, le tribunal peut condamner. L'individu ne risque une peine que s'il est reconnu coupable.

Par ailleurs, M. Pascal Clément à l'Assemblée nationale a dit que cela signifiait « avoir été condamné ».

M. Jacques Mahéas. Bizarre !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je lui laisse la responsabilité de son propos.

Or, voici les termes de la décision du 13 mars 2003 du Conseil constitutionnel, monsieur le ministre :

« Considérant que l'article 75 modifie l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; qu'il ajoute notamment au dernier alinéa de son article 12 une phrase ainsi rédigée : " La carte de séjour temporaire peut être retirée à l'étranger passible de poursuites pénales sur le fondement des articles 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-5 à 225-12-7, 311-4 (7°) et 312-12-1 du code pénal " ;

« Considérant qu'il est fait grief à cette disposition par les députés requérants de placer les étrangers sous un régime arbitraire, ainsi que de porter atteinte à la présomption d'innocence, aux droits de la défense et au droit de chacun à une vie familiale normale ;

« Considérant qu'aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle, n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu de séjour sur le territoire national ; que, dès lors, le législateur peut, sans méconnaître aucun droit ni aucun principe de valeur constitutionnelle, subordonner le maintien ou la délivrance d'un titre temporaire de séjour à l'absence de menace pour l'ordre public ;

« Considérant qu'eu égard à la nature des infractions visées, qui portent toutes préjudice à l'ordre public, il était loisible au législateur de permettre le retrait de la carte de séjour temporaire des personnes passibles de poursuites de ce chef ;... »

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Et voilà !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... « ... que, pour l'application de la disposition contestée, éclairée par les débats parlementaires, il conviendra cependant d'entendre par " personnes passibles de poursuites " les seuls étrangers ayant commis les faits qui les exposent à l'une des condamnations prévues par les dispositions du code pénal auxquelles renvoie l'article 75 de la loi déférée ; ».

Monsieur le ministre, arrêtons de tordre notre droit traditionnel dans tous les sens !

« Passible », cela veut dire que l'on risque une peine. Admettons que, lorsque l'on ne fait que risquer une peine, on ne peut pas être expulsé. Il faut que l'on soit jugé, parce que l'on ne peut pas dire qu'une personne a commis des faits tant qu'elle n'a pas été jugée.

Voilà pourquoi le plus simple est de supprimer purement et simplement la disposition qui nous vient de l'Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 249.

M. Robert Bret. Cet article 6 bis, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit la possibilité de retirer la carte de séjour temporaire à l'étranger passible de poursuites pénales dans deux cas : le premier cas, c'est la nouvelle infraction que vous avez créée, autremement dit, si l'étranger a travaillé sans autorisation de travail, bien qu'en étant en situation régulière ; le second cas, c'est l'infraction à la législation sur les stupéfiants. Plusieurs objections peuvent être formulées sur cet article 6 bis, ce qui nous a d'ailleurs conduits à en demander la suppression.

Tout d'abord, il semble contraire au principe de la présomption d'innocence d'appliquer une sanction à une personne parce que celle-ci encourt une peine, alors qu'elle n'a pas encore été jugée pour cette infraction. Cela ne peut que nous inquiéter.

Jusqu'à preuve du contraire, pour qu'une personne soit reconnue coupable d'un fait, il faut qu'elle ait été condamnée par un tribunal. Cela nous semble évident. Ce ne sera pas le cas ici. Pis encore, c'est l'administration, et non la justice, qui va décider qu'une personne est coupable d'un fait ou non. Que se passera-t-il si l'étranger n'est finalement pas reconnu coupable de l'infraction dont il était accusé ? L'article 6 bis ne prévoit pas que la carte de séjour lui sera restituée.

Par ailleurs, la commission propose un amendement tendant à prévoir que la carte de séjour temporaire pourrait être retirée à un étranger non pas pour les infractions les plus graves en matière de stupéfiants, mais pour celles qui sont prévues à l'article 222-39 du code pénal, c'est-à-dire la cession ou l'offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle.

La raison invoquée par M. le rapporteur est qu'il ne faudrait pas que les auteurs des infractions les plus graves en matière de stupéfiants puissent être éloignés du territoire sans être jugés.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Tout à fait !

M. Robert Bret. Nous sommes d'accord.

Plusieurs points sont à souligner.

Tout d'abord, selon vous, le proxénétisme n'est pas un délit suffisamment grave pour justifier que la personne reste sur le territoire afin d'être jugée.

Si, en matière de trafic de stupéfiants, vous estimez que l'étranger ne doit pas pouvoir être éloigné du territoire avec un éventuel procès en matière de traite des êtres humains, la personne passible de poursuites pénales pourra, en revanche, être éloignée avant d'avoir à répondre de ses actes devant un tribunal.

Enfin, cet article permettra d'expulser un étranger qui aura travaillé sans autorisation de travail bien qu'étant en situation régulière, disposition introduite par l'Assemblée nationale. C'est donc une situation sans précédent et la brèche désormais ouverte par cette disposition permettra, de notre point de vue, tous les abus et toutes les dérives.

Alors que, jusqu'à présent, seuls les employeurs encouraient les sanctions en cas d'embauche de travailleurs étrangers sans autorisation de travail, désormais, ce seront ceux qui étaient considérés comme victimes par le code du travail qui seront assimilés à des délinquants. Cette disposition pénalise non seulement une bonne partie des étrangers en situation régulière, monieur le ministre - il faut le répéter - mais aussi les demandeurs d'asile qui n'ont d'autre choix que de travailler pour pouvoir survivre en attendant une amélioration de leur situation.

Les employeurs qui exploitent des travailleurs clandestins auront donc désormais les mains libres et pourront continuer leur sombre commerce.

Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cette disposition et nous continuerons de le faire, notamment lors de la discussion de l'article 14 bis de ce projet de loi qui revient sur ce dispositif. Dans cette attente, nous nous prononçons pour la suppression de l'article 6 bis et nous vous invitons à nous suivre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l'amendement n° 106 rectifié.

M. Jean-Jacques Hyest. Il est déjà défendu.

M. le président. Vous avez de nouveau la parole, monsieur Hyest, pour présenter l'amendement n° 298.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, il faudrait, me semble-t-il, réserver cet amendement. Il s'agit, en effet, d'un amendement de coordination avec un amendement de suppression de l'article 14 bis, lequel tend à rétablir l'article 20 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : les peines prévues par cet article pour le salarié ne nous ont pas paru indispensables.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, l'article 14 bis pourrait être appelé par priorité ! Cela permettrait également de répondre aux objections de M. Bret.

M. le président. Je voudrais bien y voir clair !

M. Christian Cointat. Nous aussi !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, pour simplifier les choses, je demande l'examen par priorité de l'article 14 bis. Nous reviendrons ensuite à l'article 6 bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée. Mes chers collègues, pour la clarté du débat, nous allons poursuivre la défense des amendements présentés à l'article 6 bis et nous examinerons ensuite l'article 14 bis.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de remplacer les références renvoyant aux plus importantes infractions relatives au trafic de stupéfiants par celle de l'article 222-39 du code pénal relatif à la cession ou à l'offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle.

En effet, le dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1958 autorise déjà le retrait de la carte de séjour temporaire à l'étranger passible de poursuites pénales sur le fondement d'un certain nombre d'infractions. L'article 6 bis du projet de loi vise à étendre cette disposition à de nouvelles infractions.

Or, prévoir cette disposition pour les infractions relatives au trafic de stupéfiants les plus importantes pourrait laisser croire que les auteurs de telles infractions pourraient être éloignés du territoire à la suite du retrait de leur carte de séjour sans avoir été préalablement condamnés.

En revanche, il semble nécessaire d'envisager qu'un tel instrument juridique puisse être utilisé pour les infractions les moins importantes en matière de trafic de stupéfiants. En effet, il permettrait d'empêcher rapidement ces délinquants de reprendre leurs activités illicites.

En termes plus simples, ceux qui ont commis de petites infractions pourraient être reconduits à l'extérieur de notre territoire ; ceux qui ont commis des infractions plus graves seraient jugés, purgeraient leur peine sur le territoire français et seraient ensuite reconduits à la frontière.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, pour présenter le sous-amendement n° 112.

M. Christian Demuynck. Ce sous-amendement a pour objet de prévoir que les étrangers qui sont passibles des poursuites pénales prévues à l'article 222-39-1 du code pénal, c'est-à-dire pour les infractions relatives à la non-justification de ressources correspondant au train de vie d'une personne étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à des activités de trafic de stupéfiants ou avec plusieurs personnes se livrant à l'usage de stupéfiants, sont également susceptibles de se voir retirer leur carte de séjour temporaire.

M. le président. L'ensemble des amendements déposés sur l'article 6 bis ayant été présentés, j'appelle l'article 14 bis, dont la priorité a été ordonnée.

Art. 6 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. additionnel après l'art. 6

Article 14 bis

(priorité)

L'article 20 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi rétabli :

« Art. 20. - La méconnaissance des dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail est punie de 3 750 euros d'amende.

« Les étrangers coupables de cette infraction encourent également la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans au plus, dans les conditions prévues aux articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 154 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

L'amendement n° 260 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

L'amendement n° 296 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 154.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il faut que les choses soient claires et que les auteurs des amendements n'empruntent pas des chemins tortueux, car nous avons du mal à les suivre.

Plusieurs intervenants vont demander la suppression de l'article 14 bis, mais pas dans le même esprit.

Pour notre part, nous en demandons la suppression pure et simple : il ne s'agit pas de le reprendre par l'intermédiaire d'autres articles, du moins en substance.

Monsieur le ministre, ce n'est pas vous qui avez proposé cet article 14 bis : il provient de la surenchère faite par des membres maximalistes de la majorité de l'Assemblée nationale. De quoi s'agit-il ? Celui qui travaille alors qu'il n'a pas le droit de travailler, l'ouvrier, pas le patron...

M. Nicolas Sarkozy, ministre, et M. Dominique Braye. Le patron travaille aussi !

M. Robert Bret. Il s'agit d'un négrier !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de m'exprimer ! Je dis que, en l'espèce, il s'agit non pas du patron, mais de l'ouvrier !

M. Dominique Braye. Vous vous êtes bien mal exprimé, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Celui qui, dans le contrat de travail, n'est pas l'employeur. Cette définition vous convient-elle, monsieur le ministre ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Oui !

M. le président. C'est une terminologie plus adaptée !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien ! celui-là, de deux choses l'une : soit il est la victime d'une mafia, d'une filière, et il serait tout de même un peu scandaleux de le condamner, alors que nous devons protection et assistance aux victimes, soit c'est un brave type qui a été embauché par une personne qui a eu pitié de lui.

Par cet article 14 bis, il nous est proposé, d'une part, de le punir d'une amende de 3 750 euros - le malheureux ; je sais bien que c'est un maximum ! - et, d'autre part, que les étrangers coupables de cette infraction encourent également la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, cette « double peine » dont nous avons déjà parlé, dont nous reparlerons, et dont aurait été menacé - il y aurait échappé de très peu - ce Tunisien qui aurait contribué...

Mme Nicole Borvo. A sauver le Président de la République !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... à sauver, effectivement, le Président de la République. En tout état de cause, il ne serait pas couvert par les dispositions prévues dans le projet de la loi pour limiter les effets de la « double peine ». Tout de même, c'en est trop !

Alors, notre collègue Jean-Jacques Hyest, inspiré,...

M. Jean-Jacques Hyest. Ah !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... je n'en dirai pas plus,...

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis capable de raisonner tout seul !

M. Jacques Mahéas. Grâce à l'inspiration !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tous les poètes sont inspirés !

M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas de la poésie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien ! je dis que vous avez eu une inspiration - vous proposez que l'on supprime cette peine et que, sans attendre que le malheureux ait été condamné à une peine d'interdiction du territoire, ni même qu'il ait été jugé, on puisse l'expulser. C'est ce à quoi tend votre proposition. C'est le chemin tortueux dont je parlais tout à l'heure.

Je veux bien que l'on supprime tout de suite l'article 14 bis, mais que ce ne soit pas pour suivre ce qui nous sera suggéré tout à l'heure.

Nous vous proposons purement et simplement de supprimer l'article 14 bis et de ne plus s'occuper du malheureux qui est ou une victime, ou un pauvre type.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est un point important, et il conviendrait de rester sérieux dans l'argumentation.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Qui n'est pas sérieux ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. « Il » conviendrait, ai-je dit. Le « il » me contient aussi ! C'est un pluriel !

De quoi s'agit-il ? Un étranger qui entre en France avec un visa de tourisme, avec interdiction de travailler, travaille. Il contrevient donc au sens de l'autorisation de séjour qu'il a reçue. On l'accueille volontiers en France pour qu'il y fasse du tourisme, mais il est expressément prévu qu'il ne travaille pas. Or cet étranger travaille. Avec la législation actuelle, nous ne pouvons ni l'expulser ni le punir, d'une façon ou d'une autre, car son titre de séjour est en règle : il est régulièrement en France,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas pour longtemps !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Peut-être, mais il y est régulièrement, donc on ne peut pas l'expulser.

Par ailleurs, le code du travail interdit de travailler lorsqu'on est titulaire d'un visa de tourisme, mais il ne prévoit aucune sanction.

Nous sommes donc confrontés à de véritables mafias qui organisent des tournantes - c'est le cas de le dire - trimestrielles, faisant venir des malheureux avec des visas de tourisme et les changeant tous les trois mois. Ainsi, ni vu ni connu, je t'embrouille !

M. Jacques Mahéas. Ce sont ceux-là qu'il faut punir !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'y arrive, et c'est la raison pour laquelle nous vous proposons un accroissement des peines !

Ils font donc quelque chose d'illégal, mais on ne peut pas les condamner.

Qu'a proposé l'Assemblée nationale ? Notez bien que ce n'est pas la version extrême de je ne sais qui : c'est une décision de l'Assemblée nationale. On ne peut tout de même pas dire que l'Assemblée nationale, dans sa majorité, soit extrémiste !

L'Assemblée nationale propose, d'une part, que puisse être expulsé celui qui ne respecte pas les conditions de son titre de séjour. Il n'y a là rien de choquant !

M. Jean Chérioux. C'est logique !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Elle suggère, d'autre part, d'appliquer une peine d'amende de 3 750 euros maximum. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame.) J'ai eu l'occasion d'indiquer à la radio, monsieur Hyest, que, à la réflexion, cette peine ne me semblait pas opportune pour une raison très simple : comme, de toute manière, la personne est expulsée, comment voulez-vous que l'on récupère cette somme ? En vérité, ce que l'on voulait faire, c'était l'expulser en lui disant ceci : « Puisque vous n'avez pas respecté les dispositions relatives à votre titre de séjour, vous serez frappée de l'interdiction du territoire français pour une durée de trois ans. »

J'ai donc proposé que l'on supprime l'amende, qui n'avait pas d'intérêt, mais que l'on maintienne le principe : peut être expulsé quelqu'un qui ne respecte pas son titre de séjour. Il est, par conséquent, inutile de s'énerver sur l'amende. M. Hyest, opportunément, propose sa suppression, et le Gouvernement a indiqué que, si des amendements étaient déposés dans ce sens, il les accepterait.

En revanche, considérez qu'il est normal qu'une personne qui vient en touriste et qui se comporte en travailleur, alors qu'elle n'en a pas le droit, doit être raccompagnée à la frontière. C'est le moins que l'on puisse attendre de nous !

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les victimes des filières !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 260.

Mme Nicole Borvo. Ainsi, les choses sont parfaitement claires, monsieur le ministre ! D'ailleurs, on pourrait considérer que, pour payer son amende de 3 750 euros, la personne en question devra continuer de travailler. Alors, ne frisons pas le ridicule !

M. Robert Bret. Trois ans de travaux forcés !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Au goulag !

Mme Nicole Borvo. Néanmoins, là aussi, l'affichage est très négatif. Restons-en à ce qui existe, c'est-à-dire que l'employeur qui est en infraction totale avec la législation du travail soit puni.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est prévu !

Mme Nicole Borvo. Certes, l'étranger ne devrait pas travailler : à l'issue de son visa temporaire, il devrait retourner chez lui. Mais ne créons pas un délit de travail...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ce n'est pas un délit de travail : il n'a pas le droit de travailler !

Mme Nicole Borvo. ... pour des gens qui sont manipulés et que les employeurs exploitent à loisir.

Par conséquent, je crois que l'on peut se passer des deux peines. En effet, pénaliser de trois ans d'interdiction du territoire quelqu'un qui possède un visa de tourisme et qui a été employé si ce n'est par une mafia, en tout cas par un employeur malhonnête, c'est vraiment très exagéré.

De surcroît, cela donne une image catastrophique de la façon dont nous traitons les étrangers, alors que nous savons très bien que ce ne sont pas eux les responsables.

Par conséquent, nous sommes tout à fait favorables à la suppression de l'article 14 bis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce sont des victimes des filières !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l'amendement n° 296.

M. Jean-Jacques Hyest. Il est évident que nombre des étragers qui sont amenés à travailler clandestinement, pour des durées longues ou brèves, qu'ils aient un visa de tourisme ou pas, sont des victimes de réseaux.

Donc, la création de peines nouvelles - en l'occurrence, il s'agit d'un ancien article 20 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui avait été supprimé - ne me semble pas indispensable.

En revanche, comme l'a dit M. le ministre, il est normal que quelqu'un qui a un titre de séjour pour une fin et qui l'utilise pour une autre soit expulsé.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Eh oui !

M. Jean-Jacques Hyest. Ensuite, il perd sont titre de séjour temporaire. A fortiori, quand il n'en a pas, il sera bien sûr expulsé aussi. Ce n'est pas la peine d'en rajouter.

Il est donc inutile de stigmatiser ces personnes, qui ne sont souvent que des victimes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je n'ai jamais eu besoin de personne pour réfléchir sur un certain nombre de sujets de société.

J'ai dit pourquoi je soutenais le projet du Gouvernement, mais je ne soutiens pas forcément les dispositions que l'Assemblée nationale a ajoutées au texte initial.

C'est peut-être aussi pour cela qu'il y a deux assemblées... Le Sénat sait souvent raison garder devant la volonté sinon de surenchérir, du moins de trop bien faire de l'Assemblée nationale. Dans ces cas-là, trop bien faire peut nuire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous avez pu entendre M. Sarkozy à la télévision !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est favorable aux trois amendements identiques qui tendent à supprimer l'article 14 bis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous verrons !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Par cohérence, le Gouvernement est favorable,... mais à l'amendement n° 296... (Sourires.) En effet, si le but de ces trois amendements est identique, les raisonnements qui les sous-tendent ne sont pas tout à fait les mêmes. En l'occurrence, le Gouvernement considère que c'est celui de M. Hyest qui est le bon. (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 154, 260 et 296.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 14 bis est supprimé à l'unanimité !

Art. 14 bis (priorité)
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Art. 6 bis

Article additionnel après l'article 6

(suite)

M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 297, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, qui avait été précédemment réservé, est ainsi libellé :

« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« La première phrase du dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance précitée est complétée par les mots : ", ainsi qu'à tout étranger qui méconnaît les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail". »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis contre ces peines qui ont été ajoutées dans le dispositif. Cependant, comme le disait M. le ministre, la personne qui travaille alors que son titre de séjour ne le lui permet pas méconnaît la loi. L'article 12 prévoit précisément la sanction, c'est-à-dire le retrait du titre de séjour temporaire, ce qui entraîne la possibilité d'expulsion. Cela me paraît cohérent et suffisant, sans qu'il soit besoin d'ajouter une peine d'amende ou d'interdiction du territoire.

Donc, ces amendement est une conséquence de la suppression de l'article 14 bis. On était touriste, on devient salarié, on méconnaît une disposition du code du travail : il faut bien qu'il y ait une sanction, et c'est la possibilité d'expulsion, avec les recours prévus en la matière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. M. Hyest vient de nous présenter un raisonnement parfaitement cohérent : suppression de l'article 14 bis, présentation de l'amendement n° 297, en attendant celle du n° 298, à l'article 6 bis. Avis favorable !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons tous très bien entendu et nous avons tous parfaitement compris. Je dois dire que l'inspiration « spontanée », la muse de M. Hyest (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)...

M. Jean-Jacques Hyest. Mais arrêtez, enfin !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Laissez-moi finir !

M. Jean-Jacques Hyest. Vous êtes vraiment désagréable !

M. Dominique Braye. Il a toujours été désagréable ! Pourquoi changerait-il ce soir ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas être désagréable que d'imaginer que vous avez été convaincu par M. le ministre de l'intérieur quand celui-ci s'est exprimé à la télévision.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. A la radio !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah, c'était à la radio ? En général, c'est en même temps.

M. le président. Venons-en au fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'y viens.

Je voulais dire que M. le ministre de l'intérieur, en acceptant l'amendement de M. Hyest, a de la suite dans les idées. M. Hyest, pour sa part, s'inspire de ce qu'a déjà proposé et fait voter M. le ministre de l'intérieur il n'y a pas très longtemps en ce qui concerne les étrangères qui racolent, même passivement, sur la voie publique ou les personnes qui se livrent à la mendicité en bandes. Ces personnes étaient déjà visées par un certain article 75 sur lequel s'est prononcé le Conseil constitutionnel. Et nous sommes bien d'accord, monsieur le ministre de l'intérieur, le résultat était bien le même que celui auquel nous allons maintenant aboutir, si l'amendement de M. Hyest est adopté.

Or vous nous avez clairement exposé qu'il s'agit, dans votre esprit, de victimes de filières, de victimes de ces personnes qui en font venir d'autres tous les trois mois sur notre territoire.

M. Maurice Ulrich. Mais ces gens-là viennent bien, tout de même !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ne peuvent pas faire autrement, les malheureux !

M. Dominique Braye. Ah bon ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est évident que c'est cela la définition d'une victime de filières. Relisez les accords de Palerme, ils ne disent absolument rien d'autre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Donc, on les ramène chez eux !

M. Dominique Braye. Et gratuitement !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or, leur titre de séjour va expirer. En tout état de cause, vous saurez de quel pays ils viennent, puisque vous aurez pris leurs empreintes digitales et leur photo. Il n'y a donc pas lieu d'instaurer de procédures comme celle-là.

Voilà les raisons pour lesquelles nous vous demandons de ne pas voter l'amendement de notre collègue Hyest dont la discussion, c'est le moins que l'on puisse dire, a été difficile à suivre, compte tenu du va-et-vient entre l'article 6 bis et l'article 14 bis.

Nous avons, cependant, grâce à cette discussion - mais cela ne l'a pas simplifiée ! - réussi à voir quel était exactement votre but, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

Art. additionnel après l'art. 6
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Art. 7 (début)

Article 6 bis

(suite)

M. le président. Nous en revenons à l'article 6 bis. Je rappelle que les cinq amendements en discussion commune n°s 135 et 249, identiques, et n°s 106 rectifié, 298 et 21 ainsi que le sous-amendement n° 112 ont été présentés.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Nous sommes défavorables à l'amendement n° 135. Il a en effet pour objet de supprimer l'article 6 bis, qui tend à compléter le dernier alinéa de l'article 12 de l'ordonnance afin que la carte de séjour temporaire puisse être retirée à l'étranger passible de poursuites pénales.

Compte tenu de la suppression de l'article 14 bis, il reste simplement les infractions à la législation sur les stupéfiants, pour lesquelles la commission souhaite évidemment que l'expulsion soit possible.

La commission est donc défavorable aux amendements n°s 135 et 249, qui sont identiques.

Nous sommes favorables à l'amendement n° 106 rectifié, dont l'objet est de prévoir un dispositif particulier pour les étrangers étudiant en France. Il s'agit en effet de permettre à la France de continuer à recevoir les étudiants souhaitant poursuivre des études dans notre pays en simplifiant de manière non négligeable la procédure prévue.

Nous sommes également favorables à l'amendement n° 298, dans la logique du raisonnement de M. Hyest.

Le sous-amendement n° 112 vise à étendre la possibilité de retrait de la carte de séjour temporaire au cas de l'étranger passible de poursuites pénales sur le fondement de l'article 222-39-1 relatif aux infractions du fait de la non-justification des ressources correspondant au train de vie d'une personne en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à des activités de trafic de stupéfiants ou une ou plusieurs personnes se livrant à l'usage de stupéfiants. Ce sous-amendement est nécessaire et nous y sommes favorables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même avis que la commission !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 135 et 249.

M. Jacques Mahéas. L'article 6 bis, introduit par l'Assemblée nationale, étend la possibilité pour l'administration de retirer leur titre de séjour aux étrangers titulaires d'une carte de séjour temporaire dès lors qu'ils sont passibles de poursuites pénales pour des infractions à la législation sur les stupéfiants ou à la législation du travail.

Il s'agit d'une atteinte grave à la présomption d'innocence, ce que M. Dreyfus-Schmidt a parfaitement expliqué. Qui plus est, le travail devient ici un délit ! Ce n'est pas commun et, en règle générale, pour les inspecteurs du travail c'est le travailleur exploité qui est une victime et, dans ces conditions, il n'est effectivement pas facile de le condamner.

De plus, j'attire votre attention sur le fait que nous ne résoudrons pas le problème des demandeurs d'asile. Soyons honnêtes : étant donné que la décision à venir prendra un certain temps, ces demandeurs d'asile seront dans l'obligation de travailler pour survivre, et de travailler le plus souvent « au noir . »

Dans ces conditions, mes chers collègues, l'article 6 bis doit être supprimé.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 135 et 249.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 112.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis, modifié.

(L'article 6 bis est adopté.)

Art. 6 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. 7 (interruption de la discussion)

Article 7

L'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa (1°), après les mots : « carte de séjour temporaire », sont insérés les mots : « ou de la carte de résident » et les mots : « titulaire de cette carte » sont remplacés par les mots : « titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes » ;

bis Dans le troisième alinéa (2°), le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « treize » ;

ter Le quatrième alinéa (3°) est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte. » ;

2° Au cinquième alinéa (4°), après les mots : « ait été régulière, », sont insérés les mots : « que la communauté de vie n'ait pas cessé, » ;

3° Après les mots : « à la condition qu'il », la fin de la première phrase du septième alinéa (6°) est ainsi rédigée : « établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil. » ;

4° Le douzième alinéa (11°) est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« La décision de délivrer la carte de séjour est prise par le préfet ou, à Paris, le préfet de police, après avis du médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. »

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.

Mme Nicole Borvo. L'article 7 modifie en profondeur l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945 qui concerne la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Il durcit, et de façon drastique, les conditions de l'obtention de cette carte.

Ainsi, votre projet de loi, monsieur le ministre, non content de désigner l'étranger, si ce n'est comme un délinquant, du moins comme un individu à surveiller et à contrôler de près - on l'a vu avec les relevés d'empreintes - s'attelle à une remise en cause de son statut.

La multiplication des cartes temporaires d'un an constitue, en effet, un sérieux obstacle à la bonne insertion sociale et professionnelle des résidents réguliers en France et ne fera que contribuer à leur déstabilisation et à leur précarisation. Cela va totalement à l'opposé de l'objectif d'intégration que le Gouvernement avait pourtant annoncé : intégrer ceux qui sont en situation régulière, et refouler ceux qui sont clandestins. Eh bien, là, nous n'y sommes pas !

Ainsi, il ne sera proposé aux enfants et au conjoint admis au titre du regroupement familial qu'une carte de séjour temporaire d'un an au lieu de dix ans actuellement.

On va donc aboutir à des inégalités au sein d'une même famille : un des conjoints sera titulaire d'une carte de dix ans, quand l'autre venu le rejoindre n'aura qu'une carte d'un an.

Etant donné que dans 80 % des cas ce sont des hommes qui font une demande de regroupement familial, les femmes vont se trouver pénalisées par ces dispositions. En outre, cet article rétablit le caractère exceptionnel de la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour les étrangers gravement malades.

Mais ce n'est pas tout : cet article ne se contente pas de précariser les étrangers, il jette, en plus, la suspiscion sur l'ensemble des étrangers, notamment en matière de fraude au mariage, avec le rétablissement de la condition de communauté de vie pour les conjoints étrangers de ressortissants français.

Il s'agit d'un recul important par rapport à la loi de 1998 puisque, jusqu'à présent, la condition de communauté de vie n'était exigée que pour le renouvellement de la carte de séjour temporaire et la délivrance de la carte de résident.

D'ailleurs, le Conseil d'Etat a rappelé, à juste titre, que la communauté de vie n'était pas une condition de première délivrance d'un titre de séjour temporaire.

Tous les mariages mixtes sont a priori suspectés.

C'est dans le même esprit qu'a été adopté l'article 11, qui porte la durée de mariage nécessaire à l'obtention d'une carte de résident d'un an à deux ans.

Toujours dans l'esprit d'associer l'étranger au fraudeur, cet article durcit la législation en ce qui concerne les parents d'enfants français.

L'Assemblée nationale a, en effet, renforcé les dispositions visant à lutter contre les reconnaissances en paternité de complaisance. Les pères sont également des suspects a priori.

Il ne fait pas bon être un étranger marié et/ou père de famille. On le voit : ce projet de loi présente surtout l'immigration sous un angle à la fois sécuritaire et utilitaire. La présence de l'étranger doit donc être, par essence, provisoire. L'étranger, de préférence jeune et en bonne santé, doit être au service exclusif du marché de l'emploi.

Il faut donc décourager toute tentative ou tentation d'installation durable de l'étranger lui-même et, a fortiori, de sa famille. Tout un programme en matière d'intégration !

Pour toutes ces raisons, nous sommes fermement opposés à cet article, dont nous vous proposerons une nouvelle rédaction.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous progressons dans l'édification d'obstacles à l'intégration d'étrangers régulièrement installés en France par rapport à la situation actuelle.

Ainsi, en matière de regroupement familial, les nouveaux arrivants se verraient remettre une carte temporaire, alors que ceux qui sont installés depuis un certain temps bénéficieraient d'une carte de résident.

En outre, même si l'étranger réside depuis fort longtemps en France, les années durant lesquelles celui-ci se sera prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne seront pas prises en compte dans le calcul du délai nécessaire à l'obtention d'une carte de séjour temporaire. Or ce qui compte, c'est de savoir depuis quand l'étranger réside de manière habituelle en France. Il n'est pas nécessaire, me semble-t-il, d'entrer dans les détails.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nul ne peut invoquer sa propre turpitude !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ce n'est pas la mienne que j'invoque !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Bien sûr !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cette personne invoque le fait, non pas de s'être prévalue de faux papiers, mais celui d'avoir résidé de manière habituelle en France. En effet, monsieur le ministre, même avec des faux papiers, un étranger peut résider en France de manière habituelle, permettez-moi de vous de dire.

La preuve en est d'ailleurs que ni M. Pasqua, ni M. Debré, ni bien sûr M. Chevènement, n'avaient pensé à la disposition que vous proposez, qui constitue bien un recul.

Quant aux étrangers mariés à des ressortissants de nationalité française - c'est très important -, une carte temporaire pourra leur être accordée, dès leur entrée régulière sur le territoire. C'est parfait. Alors de quoi nous plaignons-nous ?

Cette carte ne leur sera délivrée qu'à la condition « que la communauté de vie n'ait pas cessé ». Autrement dit, si la femme d'un étranger est amenée par malice, sans raison, à demander le divorce, on considérera alors que la communauté de vie a cessé, au détriment du malheureux qui aura tout laissé chez lui, y compris une belle situation. (M. Dominique Braye s'esclaffe.)

Monsieur Braye, vous pouvez rire, mais cela arrive ! Je pense notamment au cas d'un ingénieur sénégalais, dont les quatres frères et soeurs sont français, jouissent de très bonnes situations en France, dont la femme a demandé le divorce, alors qu'il s'était fait une nouvelle situation en France et avait contracté des emprunts. Du jour au lendemain, sans attendre que le divorce soit prononcé, sans même savoir si sa femme avait des raisons de le demander ou si elle n'allait pas être déboutée, on a dit à cet ingénieur : « Monsieur, la communauté de vie ayant cessé, vous retournez au Sénégal. » (M. Dominique Braye fait un signe de dénégation.)

Le cas auquel je fais allusion est réel et il en existe de nombreux autres comme celui-là. On donne au conjoint français une arme extraordinaire. Il pourra dire à son conjoint : « Si tu ne fais pas cela, je demande le divorce ou je m'en vais. Ainsi, la communauté de vie aura cessé et tu seras obligé de retourner chez toi. » Il n'y a pas de quoi rire ! De tels faits sont réels. C'est pourquoi nous nous opposons à cette modification.

Je terminerai par le 6e alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, en application duquel la carte de séjour peut être accordée à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie et qui est père ou mère d'un enfant français mineur, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins.

L'Assemblée nationale propose d'écrire que l'étranger doit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation des enfants dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil.

Et s'il ne le peut pas ? Et si ce père attentionné n'a pas de travail et qu'il n'en trouve pas ? Il ne peut alors subvenir à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Et s'il n'a pas le droit de travailler, ce qui arrive également, alors qu'il ne demande que cela ? Ces exemples sont connus.

J'ai même obtenu que soit autorisé à travailler quelqu'un qui était condamné à payer une pension alimentaire, et qui ne demandait que cela, mais qui n'était pas autorisé à exercer une activité professionnelle.

Il faut tenir compte de la réalité, monsieur le ministre, et des cas tels qu'ils se présentent sur le terrain.

M. Dominique Braye. Il est pathétique !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, il faudra déduire ces interruptions de mon temps de parole. Je m'adresse à M. le ministre, il faut bien qu'il ait la possibilité de m'entendre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais je vous entends !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors écoutez-moi !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'ai du mal à ne pas vous écouter !

M. Dominique Braye. On ne fait même que cela !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je fais allusion à des cas réels, comme nous en rencontrons jour après jour sur le terrain, et qu'il faut résoudre de manière intelligente et humaine.

C'est à vous, monsieur le ministre, qu'il appartient, au lieu d'aggraver la situation, de donner des instructions aux préfets pour que l'on distingue avec humanité les vrais cas humains et les filières.

M. le président. Je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 136, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. L'amendement n° 136 vise à supprimer l'article 7, qui modifie l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatif à la délivrance de la carte de séjour temporaire sur plusieurs points : la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger conjoint d'un Français, à l'étranger père ou mère d'un enfant français, ainsi qu'aux étrangers qui demandent une carte de séjour temporaire pour des raisons médicales.

Dans ces trois cas, le projet de loi durcit les conditions d'obtention, ce qui aura pour conséquence de précariser le statut des étrangers, ce qui est en contradiction, monsieur le ministre, avec la volonté d'intégration des étrangers que vous affichez, mais qui, à mon avis, n'est pas réelle.

Il serait donc effectivement logique que vous supprimiez cet article. On ne comprend pas que vous ne permettiez pas aux étrangers de s'intégrer, notamment dans une vie familiale harmonieuse.

M. le président. L'amendement n° 250 rectifié, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Après le douzième alinéa (11°) de l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° - A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française depuis au moins un an, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière et que le conjoint ait conservé la nationalité française. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le président, cet amendement a un double objectif. Il tend, en premier lieu, à supprimer les dispositions de l'article 7 du projet de loi pour les raisons que vient d'évoquer notre collègue Nicole Borvo dans son intervention sur l'article.

En second lieu, il vise à introduire dans l'article 12 bis de l'ordonnance de 1945, parmi les situations ouvrant droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, celle de l'étranger ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un Français.

Actuellement, comme vous le savez, la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS stipule que « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des éléments d'appréciation des liens personnels en France » pour l'obtention d'un titre de séjour.

Or cette rédaction laisse un trop grand pouvoir d'appréciation à l'administration pour la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », et ce malgré la publication des circulaires qui ont précisé l'application de la loi du 15 novembre 1999.

C'est une réalité : les réponses en ce domaine varient d'une préfecture à l'autre.

J'ai eu, pour ma part, à appuyer des demandes d'obtention de titres de séjour pour des couples binationaux pacsés et j'ai eu l'occasion de constater que les réponses sont effectivement différentes d'un département à un autre. J'ai même constaté que, dans certains cas, les services préfectoraux refusaient de réceptionner les dossiers.

On assiste réellement à un traitement au cas par cas des dossiers. Dès lors, on est en droit de s'interroger sur l'égalité des citoyens devant la loi, monsieur le ministre.

Il faut admettre ces dysfonctionnements et, en conséquence, donner aux préfectures des instructions claires.

C'est pourquoi nous proposons d'inscrire cette mesure dans l'ordonnance de 1945 afin de donner une base légale aux couples pacsés binationaux.

Vous ne pouvez, monsieur le ministre, ignorer cette situation puisque, dans une lettre en date du 26 mai dernier, le président de l'ARDHIS, l'Association pour la reconnaissance des droits des homosexuels et transsexuels à l'immigration et au séjour, vous a saisi de ces problèmes.

Adopter notre amendement, mes chers collègues, permettrait de régler des situations très délicates qui sont finalement - tout le monde le reconnaît - peu nombreuses, puisqu'elles concernent, à ma connaissance, moins de trois cents cas au 1er janvier 2001.

Cela permettrait à la fois de reconnaître pleinement la communauté homosexuelle, dans toute sa dimension, et de lutter contre toute forme de discrimination, y compris l'homophobie.

Mais certains me répondront peut-être que, après les mariages frauduleux, il y aura des PACS blancs !

M. Dominique Braye. Cela existe déjà !

M. Jean-Jacques Hyest. Ils n'ont pas attendu !

M. Robert Bret. Oui, nous en avons déjà discuté, et c'est une hypothèse.

Le législateur a donné une base légale au PACS et l'on se doit d'aller jusqu'au bout de cette démarche, au moins pour garantir le principe d'égalité du citoyen devant la loi. Ce n'est pas parce qu'il existe des mariages frauduleux qu'on supprime le mariage ! Le principe d'égalité, je l'ai dit, n'est toujours pas effectif aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 137, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le 1° de cet article. »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Nous procéderons en deux temps, en vous proposant d'abord, avec l'amendement n° 137, la suppression du 1° de l'article 7 puis, avec l'amendement n° 141, celle du 2° du même article. Il s'agit évidemment d'amendements de repli.

Cette disposition est liée au I de l'article 13 du projet de loi portant suppression du 5° de l'article 15 de l'ordonnance de 1945 donnant droit au conjoint et aux enfants mineurs à la carte de résident lorsque l'étranger qui demande le regroupement familial en est lui-même titulaire.

M. le président. L'amendement n° 141, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le 2° de cet article. »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Il s'agit également d'un amendement de repli tendant à supprimer les modifications introduites dans le projet de loi en matière de délivrance d'une carte de séjour temporaire au conjoint d'un Français. Celle-ci est en effet conditionnée à l'obligation que la communauté de vie n'ait pas cessé. M. Dreyfus-Schmidt a longuement expliqué notre position sur ce point.

M. le président. L'amendement n° 144, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après le 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Au cinquième alinéa (4°), après le mot : "marié", sont insérés les mots : "ou ayant conclu un pacte civil de solidarité". »

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Cet amendement, qui va dans le même sens que les propos de M. Bret, tend à permettre la délivrance de la carte de séjour temporaire à l'étranger ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française.

M. le président. L'amendement n° 142, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le 3° de cet article :

« 3° La première phrase du septième alinéa (6°) est complétée par les mots : "sauf dans le cas où il est dans l'impossibilité de travailler.". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous rectifions cet amendement. Au 3° de l'article 7, il faut remplacer le mot « et » par le mot « ou ». Je me suis déjà expliqué sur ce point tout à l'heure.

Si nous sommes en présence d'un bon père de famille s'occupant bien de son enfant, mais se trouvant dans l'impossibilité de subvenir à ses besoins, il n'y a pas de raison pour ne pas lui accorder la carte.

Par ailleurs, il convient in fine d'ajouter les mots : « sauf dans les cas où il est dans l'impossibilité de travailler ». Il est évident que, dans ce cas non plus, on ne peut lui refuser la délivrance de la carte. S'il est en prison, il ne pourra ni travailler ni contribuer à l'entretien et à l'éducation de son enfant, même s'il en a encore la garde.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, et ainsi libellé :

« Au 3° de cet article :

« I. - Remplacer le mot : "et" par le mot : "ou".

« II. - Ajouter in fine les mots : "sauf dans le cas où il est dans l'impossibilité de travailler". »

L'amendement n° 143, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer le 4° de cet article. »

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. La loi du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile prévoit précisément les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire à un étranger dont l'état de santé est grave. C'est d'ailleurs unique en Europe.

Ainsi, l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que cette carte est délivrée de plein droit à « l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ».

Ce texte est très clair. Nous nous demandons pour quelle raison il faudrait le modifier. Connaissez-vous beaucoup de personnes qui se créent des maladies graves pour se rendre à l'étranger ? Avez-vous des chiffres précis à nous communiquer ?

Il serait bon que nous soyons entendus dans ce domaine.

M. Jacques Mahéas. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences de nature physique qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet peut accorder le renouvellement du titre. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à permettre au représentant de l'Etat de prendre en compte la situation douloureuse des étrangers conjoints de Français victimes de violences conjugales en ayant la possibilité d'accorder le renouvellement de leur titre de séjour, conformément à la circulaire du ministre de l'intérieur du 19 décembre 2002 et aux prises de positions récentes du Haut Conseil à l'intégration.

L'adoption de cet amendement améliorerait sensiblement l'état du droit en favorisant l'autonomie des femmes issues de l'immigration.

M. le président. Le sous-amendement n° 210, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Dans le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 22 pour compléter cet article, après les mots : "à raison des violences", remplacer les mots : "de nature physique" par le mot : "conjugales". »

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Nous vous proposons de compléter cet article par la notion de violence conjugale telle qu'elle est aujourd'hui habituellement définie dans notre droit.

En effet, il pourrait apparaître particulièrement intolérable que soit sanctionnée une personne qui, à la suite de violences conjugales, a cessé de vivre avec son époux. Elle serait alors véritablement victime d'une « double peine », car elle subirait d'abord un échec dans sa vie familiale, qu'elle n'a pas forcément voulue et, ensuite, du fait de sa décision, un échec administratif.

Refuser cette modification, c'est placer des étrangers, en particulier des femmes, en état de dépendance par rapport à leur conjoint. Ce n'est pas acceptable, car ce sont assurément elles qui subissent de plein fouet cette « double peine. »

M. le président. L'amendement n° 138, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Après le 5° est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° bis A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française depuis au moins un an, à condition que son entrée sur le territoire soit régulière et que le conjoint ait conservé la nationalité française. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement se justifie par son texte même. Je suppose cependant, mes chers collègues, que vous voudrez écrire : « depuis au moins deux ans » au lieu de : « depuis au moins un an ». Puisque c'est le délai que vous avez retenu pour les époux, il n'y a pas de raison de le ramener à un an pour les gens qui sont pacsés !

Pour notre part, ayant demandé qu'il soit de un an pour les mariés, nous demandons logiquement qu'il soit de la même durée pour les pacsés.

Mais, mes chers collègues, nous comprendrions votre position ; tel est d'ailleurs le sens de l'amendement n° 139, qui est un amendement de repli.

M. le président. L'amendement n° 139, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Après le 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 5° bis A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un ressortissant de nationalité française depuis au moins deux ans, à condition que son entrée sur le territoire soit régulière et que le conjoint ait conservé la nationalité française. »

Cet amendement a déjà été exposé.

L'amendement n° 140, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Après le 9°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 9° bis A l'étranger ayant suivi une scolarité au moins depuis l'âge de seize ans jusqu'à sa majorité, qui poursuit effectivement ses études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement également se justifie par son texte même.

J'attire toutefois votre attention, mes chers collègues, sur le fait que nous ne nous sommes pas montrés partisans et que nous avons accepté que les études supérieures se déroulent dans un établissement privé, à la condition tout de même que celui-ci soit habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat.

Mme Jacqueline Gourault. Ah oui !

M. le président. L'amendement n° 313, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par les alinéas suivants :

« 5° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'accès de l'enfant français à la majorité ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 6° ci-dessus ».

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. L'amendement n° 313 vise à combler un vide juridique qui peut être préjudiciable à certains parents d'enfants français pouvant avoir une carte de séjour temporaire valable un an, à la condition que leurs enfants soient mineurs. Or il arrive que la carte de séjour soit délivrée l'année qui précède la majorité de l'enfant. Une fois que les enfants sont majeurs, la carte de séjour n'est plus valable, ce qui nous paraît particulièrement injuste.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Afin d'éviter que le parent ne soit privé de son droit de séjour au seul motif que son enfant devient majeur - ces cas sont fréquents et mal traités aujourd'hui -, l'amendement du Gouvernement tend à ce que le droit au séjour des parents étrangers soit conservé dès lors que la première délivrance du titre est intervenue avant la majorité de l'enfant. Cette disposition me paraît juste et profondément humaine. Elle est tout à fait nécessaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement que vous avez décelé ce vide juridique avant la commission mixte paritaire !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Personne n'est omniscient !

M. Dominique Braye. M. Michel Dreyfus-Schmidt l'est, lui !

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas la peine, monsieur Braye, de lui couper la parole.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vos amis ne l'ont pas vu pendant cinq ans ; moi, je le vois avant la commission mixte paritaire, ce n'est déjà pas si mal !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Dans un souci d'équilibre entre la maîtrise de l'immigration et l'ouverture de notre pays aux flux migratoires, l'article 7 du projet de loi modifie et complète certaines des conditions requises pour que les étrangers obtiennent une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Sa suppression n'est donc pas souhaitable, et la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 136.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est l'ouverture !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le dispositif inscrit à l'amendement n° 250 rectifié prévoit la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire à l'étranger ayant conclu un PACS depuis au moins un an avec un Français.

Certes, la dimension humaine du problème soulevé ne nous échappe pas, mais, à l'heure actuelle, la circulaire du 10 décembre 1999 prise à la suite de l'adoption de la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger ayant conclu un PACS avec un Français ou un ressortissant de l'Union européenne si le couple justifie de trois ans de vie commune. Toutefois, lorsque l'intéressé est un étranger non communautaire, le couple doit justifier de cinq ans de vie commune ou le PACS doit avoir été conclu depuis plus de trois ans.

Par conséquent, cette circulaire règle déjà un certain nombre de problèmes et, compte tenu du fait que le PACS est un contrat, je ne crois pas utile de faire figurer ces dispositions dans la loi.

J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 250 rectifié.

L'amendement n° 137 a, quant à lui, pour objet de supprimer le 1° de l'article 7 du projet de loi, tendant à prévoir que désormais une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » serait délivrée de plein droit à tout conjoint ou enfant, mineur ou dans l'année de ses dix-huit ans, d'un étranger titulaire d'une carte de résident, entrés régulièrement sur le territoire français et autorisés à y séjourner au titre du regroupement familial.

Cet amendement est contraire à la position de la commission, qui émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 141 vise à supprimer le rétablissement à l'article 7 des critères de communauté de vie pour qu'un ressortissant étranger conjoint de Français puisse obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ». Le rétablissement de l'exigence de communauté de vie doit permettre de lutter plus efficacement contre les mariages de complaisance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ne sont plus possibles !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 141.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 144, qui a également trait au PACS, l'avis est défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 142 rectifié, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale subordonnant la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux parents d'enfants français à la condition qu'ils établissent leur contribution effective à l'entretien et à l'éducation de ces enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil est conforme à la loi du 4 mars 2002, qui a réformé le régime de l'autorité parentale. Cela est suffisant, par conséquent la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement, qui tend à revenir sur ce dispositif.

L'amendement n° 143 a pour objet de supprimer les dispositions du projet de loi tendant à rétablir le caractère exceptionnel de la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux étrangers résidant habituellement en France et qui se trouvent dans un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Je comprends la préoccupation humaine des auteurs de cet amendement. Toutefois, un rapport de l'Inspection générale de l'administration, que je tiens d'ailleurs à la disposition de mes collègues, indique que l'article 12 bis-11 de l'ordonnance de 1945 représente « la faille majeure du système, l'ultima ratio des sans-papiers », et qu'il a donné lieu à des « dérives très inquiétantes dans certains départements ». Nous pouvons effectivement constater un grand nombre de demandes portant sur ce point, aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 210 est d'inspiration généreuse. La commission y est favorable, car il complète son amendement n° 22.

En ce qui concerne l'amendement n° 138, je ferai le même commentaire que pour l'amendement n° 144 et j'émettrai, là aussi, un avis défavorable. Il en va de même pour l'amendement n° 139.

Quant à l'amendement n° 140, il tend à rouvrir une possibilité de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire pour les étudiants étrangers ayant suivi une solidarité au moins depuis l'âge de seize ans jusqu'à la majorité et qui poursuivent effectivement des études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel, dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat. A titre personnel, j'y suis favorable, mais la commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

Enfin, l'amendement n° 313 du Gouvernement permettra de régler une situation qui n'est pas satisfaisante : le renouvellement du titre de séjour des parents d'enfants français n'est pas toujours assuré aujourd'hui, au motif que ces enfants ont atteint l'âge de dix-huit ans. Ce dispositif n'a pas été examiné par la commission des lois, mais, à titre personnel, je propose au Sénat d'approuver cette mesure généreuse et cohérente.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement partage l'avis exprimé par M. le rapporteur sur les amendements n°s 136, 250 rectifié, 137, 141, 144, 142 rectifié, 143, 138 et 139. Il est en outre favorable à l'amendement n° 22 de la commission et au sous-amendement n° 210 présenté par le groupe socialiste, mais défavorable à l'amendement n° 140.

M. Jacques Mahéas. C'est dommage !

M. le président. Monsieur le rapporteur, confirmez-vous que la commission est défavorable à l'amendement n° 140, pour lequel elle s'en était remise à l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 250 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 144.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'agissant du PACS, M. le rapporteur nous a indiqué, et le Gouvernement doit être d'accord avec lui, puisqu'il a adopté la même position sur notre amendement, qu'une circulaire permettait de régler un certain nombre de problèmes. Si les circulaires suffisent, ce n'est pas la peine de faire des lois ! Cependant, qui lit les circulaires, lesquelles d'ailleurs ne lient personne ? (Sourires.)

Par conséquent, pourquoi ne pas inscrire dans la loi des dispositions qui relèvent du bon sens et qui figurent déjà dans une circulaire dont la commission et le Gouvernement approuvent la teneur ? Comment peut-on s'y opposer ? A moins que l'on n'ait l'intention de modifier le texte de cette circulaire, qui a été évoqué un peu rapidement ? De quand date-t-elle ? Je l'ignore !

Quoi qu'il en soit, pourquoi ne pas accorder à ceux qui ont conclu un PACS les droits - très maigres ! - qui sont consentis, avec de multiples précautions, aux personnes mariées ? M. le rapporteur nous a dit que le PACS est un contrat.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Certes, mais c'est un contrat légal, reconnu par la loi. On peut donc parfaitement l'inclure dans le champ de la loi. Encore une fois, si les dispositions en question figurent dans une circulaire, il n'y a aucune raison de ne pas les inscrire dans la loi.

En tout état de cause, nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°144.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 7 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés314
Majorité absolue des suffrages158
Pour114
Contre200

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 142 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement vise à maintenir le droit actuel s'agissant de la définition de la parentalité, qui n'a jamais suscité de problème jusqu'à présent. Etablir une rédaction plus contraignante pourrait en revanche créer des difficultés.

L'amendement prévoit en outre une exception à l'application du dispositif, dans le cas où l'étranger est dans l'impossibilité de travailler.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 210.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 140.

M. Jacques Mahéas. Je suis très étonné de la position adoptée par le Gouvernement à l'égard de cet amendement. Notre volonté est de faciliter l'éducation et de faire en sorte que des étudiants étrangers puissent suivre en France un cursus le plus poussé possible.

Nous proposons de viser le cas d'étrangers ayant suivi une scolarité au moins depuis l'âge de seize ans jusqu'à leur majorité, qui poursuivent en France des études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat.

Or, monsieur le ministre, vous nous opposez un refus, sans nous fournir, d'ailleurs, d'explications. Votre argumentation me semble un peu courte, d'autant que vous affirmez, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, qu'il n'y a pas assez d'étrangers venant poursuivre leurs études en France. En fait, ce qui vous gênerait, ce serait qu'il s'agisse là de jeunes arrivés sur le territoire national à seize ans. Par conséquent, monsieur le ministre, je propose de préciser que les intéressés devront déjà résider effectivement en France avant cet âge. Je ne ne veux certes pas lancer un appel, en quelque sorte, aux jeunes étrangers âgés de seize ans ! La rédaction de l'amendement était peut-être maladroite...

M. Nicolas Sarkozy, ministre. C'est incontestable !

M. Jacques Mahéas. Je propose donc de la rectifier en ce sens. Il s'agira de délivrer aux intéressés une carte de séjour temporaire, afin de leur laisser le temps d'achever leurs études. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison, me semble-t-il, pour que le Gouvernement s'oppose à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est sans doute nécessaire de rectifier cet amendement pour rassurer M. le ministre, qui peut éprouver des craintes. La commission, elle, a parfaitement compris nos intentions !

A cet égard, monsieur le ministre, la commission vous a fait suffisamment confiance, me semble-t-il, sur l'essentiel de votre texte, pour que vous lui manifestiez maintenant votre propre confiance ! Lorsqu'il nous arrive, après bien des difficultés, de parvenir à convaincre la commission, pourquoi rejeter le consensus, que vous dites rechercher, en émettant un avis défavorable sur notre amendement ? Est-ce de cette façon que vous souhaitez voir élaborer la loi qui portera votre nom ? (M. le ministre s'exclame.)

Désirez-vous m'interrompre, monsieur le ministre ?

M. le président. M. le ministre prendra la parole quand vous aurez achevé votre propos, mon cher collègue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'attendrai que mes paroles aient produit tout leur effet sur M. le ministre, de manière que, comme à son habitude, il puisse bien peser le pour et le contre avant de me répondre.

J'ai cru comprendre que nous sommes tout près de la fin de nos travaux. Aussi, terminer par un amendement de l'opposition voté à l'unanimité comme cela a été quasiment le cas en commission, puisque c'était sous réserve de vous entendre, monsieur le ministre, ce serait une belle manière d'achever cette première partie du débat.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 140 rectifié, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, et qui est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par deux alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Après le 9°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 9° bis A l'étranger ayant suivi une scolarité en France au moins depuis l'âge de seize ans jusqu'à sa majorité, qui poursuit effectivement ses études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat. »

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. M. Dreyfus-Schmidt, vous venez de dire, mais c'est sans doute en raison de l'heure, que vous m'avez fait assez largement confiance sur l'ensemble du texte. Je vous remercie de cette révélation. Je n'avais pas cru qu'il en était ainsi, compte tenu de vos propos au cours de la discussion générale. Mais sans doute ai-je eu un moment d'inattention.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je parlais de votre majorité !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. J'essaie, de bonne foi, de comprendre. Se pose un problème pour ceux qui font des études en France, dites-vous, et il faudrait qu'on leur donne des papiers. Le seul fait qu'un étranger en situation irrégulière fasse deux ans d'études en France rendrait-il sa situation régulière ?

M. Jacques Mahéas. Qu'est-ce que c'est que ça ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mais si ! Vous voulez créer un nouveau cas de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire pour les étudiants. C'est bien l'objet de votre amendement ? Je ne me trompe pas ? Je ne veux pas caricaturer.

Si c'est un nouveau cas de délivrance de plein droit de la carte de séjour, c'est que les personnes en cause n'ont pas ladite carte. Si j'ai bien compris, mais peut-être me suis-je trompé, votre raisonnement est le suivant : puisque ces gens n'ont pas de carte de séjour, il faut leur en délivrer une au motif - le seul que j'ai compris pour l'instant, mais je puis me tromper - qu'ils ont suivi deux années d'études en France. Mettons-nous d'accord sur un cas pratique et prenons l'exemple de trente mineurs roumains dans un camp en Seine-Saint-Denis. (Mme Nicole Borvo sourit.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous riez de temps en temps, madame Borvo, et parfois, on se demande de qui vous riez : si c'est de moi, pas de problème ; si c'est d'eux, ce n'est pas juste !

Il s'agit de trente mineurs enlevés en Roumanie. Sans doute animé de bonnes intentions, le maire de Saint-Denis scolarise un certain nombre d'entre eux.

M. Jacques Mahéas. Le maire de L'Ile-Saint-Denis !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. De L'Ile-Saint-Denis, en effet.

Mme Nicole Borvo. Enfin de bons exemples !

M. Robert Bret. Il ne faut pas confondre !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Il est vert, il n'est pas communiste : ce n'est pas la même chose, effectivement.

Entrés illégalement en France, il leur suffirait d'étudier pendant deux ans dans l'une de nos écoles...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Puis de poursuivre des études supérieures !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Même ! Alors deux ans plus un, si vous voulez !

M. Jacques Mahéas. Ceux-là ne font pas d'études supérieures ! Vous le savez bien, monsieur le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mettons même quatre ans, peu importe ! Je vous explique pourquoi je ne suis pas spontanément favorable à cette disposition : pour une personne qui est entrée illégalement, le fait de suivre deux ou trois années d'études en France ne me semble pas une raison suffisante pour avoir droit à des papiers. Voilà ce que j'ai voulu dire. Ce n'est pas pour être désagréable. Si j'ai mal compris votre amendement, je suis prêt à le réexaminer dans les jours à venir.

Le seul fait générateur de ce nouveau cas de délivrance de la carte de séjour serait d'avoir suivi deux années d'études. Selon moi, cela ne peut pas être un cas nouveau de délivrance de papiers. En l'état actuel - et vous le voyez bien, messieurs Dreyfus-Schmidt et Mahéas, ce n'est pas pour être désagréable avec le groupe socialiste -, je ne vois pas au nom de quoi le fait d'être scolarisé pendant deux ans, alors que l'on est entré irrégulièrement en France, devrait permettre de régulariser une situation, alors même que la loi RESEDA prévoyait dix ans. Ce serait dix ans pour des adultes qui vivent difficilement et deux ans sous prétexte que l'on est à l'école primaire, au collège ou à l'université ? Quelle est la logique dans tout cela ? Personne ne s'y retrouvera !

M. Jacques Mahéas. Aux termes de notre amendement, c'est « au moins depuis l'âge de seize ans ».

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.

M. le président. Je ne puis vous la donner car vous avez déjà expliqué votre vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite simplement répondre à la question posée. (M. Dominique Braye proteste.)

M. le président. Soit ! mais soyez bref, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serai très bref, monsieur le président.

Notre amendement concerne le mineur qui est entré règulièrement en France mais qui, ayant atteint l'âge de la majorité, n'a plus droit à une carte de séjour. Nous demandons simplement qu'il y ait droit s'il poursuit des études supérieures.

M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas cet article-là qui est concerné !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si, c'est celui-là !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Monsieur Dreyfus-Schmidt, si votre amendement vise les mineurs entrés régulièrement, c'est déjà un changement. Mais cela ne relève pas de l'article 12 bis.

M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. La semaine prochaine, je vous proposerai un amendement, que vous reprendrez ou auquel vous vous associerez, précisant qu'il s'agit de mineurs entrés régulièrement en France. C'est un autre cas de figure. En effet, l'Etat peut s'appuyer sur un premier titre de séjour régulier. Je vous proposerai donc un amendement de ce type, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Dreyfus-Schmidt. Je suis d'accord !

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je vais regarder à quel article pourrait se rattacher cet amendement car, je le répète, il ne concerne pas l'article 12 bis. (M. Jean-Jacques Hyest opine.) Voilà l'engagement que le Gouvernement prend aujourd'hui devant vous.

M. le président. Dans ces conditions, monsieur Dreyfus-Schmidt, vous retirez sans doute l'amendement n° 140 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 140 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 313.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Art. 7 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France
Art. additionnel après l'art. 7

8

TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 12, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud relatif à la coopération dans le domaine de la défense.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 13, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 14, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi relative à la société européenne.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 11, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- lettre rectificative n° 1 à l'avant-projet de budget 2004. Volume 1. Etat général des recettes. Volume 4. Etat des recettes et des dépenses par section. Section III. Commission.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2390 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- proposition de décision du Conseil autorisant les Etats membres à signer ou à ratifier, dans l'intérêt de la Communauté européenne, le protocole de 2003 à la convention internationale de 1992 portant création d'un Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par des hydrocarbures, ou à y adhérer, et autorisant l'Autriche et le Luxembourg à adhérer, dans l'intérêt de la Communauté européenne, aux instruments de référence.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2391 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et la République tunisienne.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2392 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technologique entre la Communauté européenne et le Royaume du Maroc.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2393 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2394 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- proposition de décision du Conseil relative à la signature au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004.

Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2395 et distribué.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 14 octobre 2003 :

A dix heures :

1. Discussion des conclusions (n° 376, 2002-2003) de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi (n° 368, 2001-2002) de MM. Christian Cointat, Gérard Bailly, Laurent Béteille, Dominique Braye, Mme Paulette Brisepierre, MM. Robert Calmejane, Auguste Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Robert Del Picchia, Michel Doublet, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Georges Gruillot, Michel Guerry, Emmanuel Hamel, Lucien Lanier, Gérard Larcher, André Lardeux, Patrick Lassourd, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Philippe Leroy, Jean-Louis Masson, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, M. Joseph Ostermann, Mme Janine Rozier, MM. Louis Souvet, Jacques Valade et Jean-Pierre Vial relative aux jardins familiaux et aux jardins d'insertion.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 13 octobre 2003 à dix-sept heures.

A seize heures et, éventuellement, le soir :

2. Discussion de la question orale avec débat n° 20 de M. Gérard Larcher à M. le ministre délégué au commerce extérieur sur les perspectives des négociations à venir au sein de l'Organisation mondiale du commerce :

M. Gérard Larcher souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au commerce extérieur sur la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui s'est tenue à Cancún du 10 au 14 septembre dernier. Intervenant à mi-parcours des négociations lancées en 2001 à Doha, celle-ci s'est conclue par un échec sur les causes duquel, eu égard aux enjeux, on ne peut que s'interroger. L'importance des divergences qui s'y sont manifestées ainsi que l'apparition d'une coalition de pays en développement aux intérêts souvent hétérogènes mais s'opposant radicalement aux positions européennes et américaines peuvent susciter des craintes quant aux négociations à venir. Au demeurant, le calendrier fixé à Doha avait déjà, avant la conférence de Cancún, enregistré des retards, voire des blocages, sur un certain nombre de sujets, à l'exception de celui de l'accès aux médicaments.

Or la poursuite d'une mondialisation maîtrisée et organisée suppose de parvenir à des accords commerciaux équilibrés au niveau multilatéral. A cet égard, on peut noter que l'Union européenne a d'ores et déjà consenti d'importantes concessions. Ainsi, s'agissant du volet agricole, la récente réforme de la politique agricole commune prévoit le découplage d'une part significative des aides agricoles, alors que les Etats-Unis ont privilégié la démarche inverse. De plus, les droits de douane sur les produits industriels étant faibles dans l'Union européenne, le maintien de tarifs élevés dans beaucoup de pays pénalise nos entreprises.

Dans ce contexte, il lui demande de tracer les perspectives des négociations à venir, ainsi que les positions que la France et l'Union européenne comptent y défendre.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 13 octobre 2003.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements.

Projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (n° 434, 2002-2003) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 15 octobre 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 15 octobre 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 10 octobre 2003, à zéro heure dix.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

CANDIDATURES À DES ORGANISMES

EXTRAPARLEMENTAIRES

(Application de l'article 9 du règlement)

COMMISSION SUPÉRIEURE DU SERVICE PUBLIC

DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

La commission des affaires économiques et du Plan propose la candidature de M. Bruno Sido pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

OBSERVATOIRE NATIONAL DU SERVICE PUBLIC

DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

La commission des affaires économiques et du Plan propose les candidatures de M. Ladislas Poniatowski (comme membre titulaire) et de M. Jean Besson (comme membre suppléant) pour siéger au sein de l'Observatoire national de l'électricité et du gaz.

La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation propose les candidatures de M. Jean Clouet (comme membre titulaire) et de M. Michel Sergent (comme membre suppléant) pour siéger au sein de l'Observatoire national de l'électricité et du gaz.

HAUT CONSEIL POUR L'AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE

La commission des affaires sociales propose les candidatures de MM. Nicolas About et Alain Vasselle pour siéger au Haut Conseil de l'assurance maladie.

La commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation propose la candidature de M. Adrien Gouteyron pour siéger au sein du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

HAUT CONSEIL DE L'ÉVALUATION DE L'ÉCOLE

La commission des affaires culturelles propose la candidature de M. Jean-Claude Carle pour siéger au sein du Haut Conseil pour l'évaluation de l'école.

COMMISSION NATIONALE POUR L'ÉDUCATION,

LA SCIENCE ET LA CULTURE

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées propose la candidature de M. Paul Dubrule pour siéger au sein de la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture.

N.B. - Article 9 du règlement, alinéas 4, 5 et 6 :

« Le président ordonne l'affichage du ou des noms des candidats. Il donne avis de cet affichage au cours de la séance à l'ordre du jour de laquelle figure la désignation.

« A l'expiration du délai d'une heure, la désignation du ou des candidats est ratifiée, à moins qu'il y ait opposition.

« Pendant le délai d'une heure après l'avis, il peut être fait opposition aux propositions de la commission ; cette opposition doit être rédigée par écrit et signée par trente sénateurs au moins ou un président de groupe. »

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

COMMISSION SUPÉRIEURE DU SERVICE PUBLIC

DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

Lors de sa séance du 9 octobre 2003, le Sénat a désigné M. Bruno Sido pour siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, en remplacement de M. Georges Gruillot, démissionnaire.

OBSERVATOIRE NATIONAL DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Lors de sa séance du 9 octobre 2003, le Sénat a désigné MM. Ladislas Poniatowski et Jean Clouet pour siéger en tant que membres titulaires et MM. Jean Besson et Michel Sergent pour siéger en tant que membres suppléants pour siéger au sein de l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz.

HAUT CONSEIL POUR L'AVENIR DE L'ASSURANCE MALADIE

Lors de sa séance du 9 octobre 2003, le Sénat a désigné MM. Nicolas About, Adrien Gouteyron et Alain Vasselle pour siéger au sein du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

HAUT CONSEIL DE L'ÉVALUATION DE L'ÉCOLE

Lors de sa séance du 9 octobre 2003, le Sénat a renouvelé M. Jean-Claude Carle en tant que membre du Haut Conseil pour l'évaluation de l'école.

COMMISSION NATIONALE POUR L'ÉDUCATION,

LA SCIENCE ET LA CULTURE

Lors de sa séance du 9 octobre 2003, le Sénat a désigné M. Paul Dubrule pour siéger au sein de la Commission nationale pour l'éducation, la science et la culture, en remplacement de M. Daniel Goulet.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du jeudi 9 octobre 2003

SCRUTIN (n° 7)

sur l'amendement n° 144 présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste et apparenté, à l'article 7 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.


Nombre de votants : 313
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 114
Contre : 199
Le Sénat n'a pas adopté.

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (28) :

Contre : 28.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN :

Pour : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (165) :

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-

Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean-Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Emmanuel Hamel, Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 314
Majorité absolue des suffrages exprimés : 158
Pour : 114
Contre : 200
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.