Section 3

Sanctions administratives

Art. 21
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Art. 23

Article 22

M. le président. « Art. 22. - Lorsqu'un fournisseur de moyens de cryptologie, même à titre gratuit, ne respecte pas les obligations auxquelles il est assujetti en application de l'article 18, le Premier ministre peut, après avoir mis l'intéressé à même de présenter ses observations, prononcer l'interdiction de mise en circulation du moyen de cryptologie concerné.

« L'interdiction de mise en circulation est applicable sur l'ensemble du territoire national. Elle emporte obligation de procéder, auprès des diffuseurs commerciaux, au retrait des moyens de cryptologie dont la mise en circulation est interdite ainsi que de procéder au retrait des matériels constituant des moyens de cryptologie dont la mise en circulation est interdite qui ont été acquis à titre onéreux, directement ou par l'intermédiaire de diffuseurs commerciaux, antérieurement à la décision du Premier ministre. Le moyen de cryptologie concerné pourra être remis en circulation dès que les obligations antérieurement non respectées auront été satisfaites, dans les conditions prévues à l'article 18. »

L'amendement n° 42 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

« Remplacer la deuxième phrase du second alinéa de cet article par les dispositions suivantes :

« Elle emporte en outre, pour le fournisseur, l'obligation de procéder au retrait :

« 1° Auprès des diffuseurs commerciaux, des moyens de cryptologie dont la mise en circulation a été interdite ;

« 2° Des matériels constituant des moyens de cryptologie dont la mise en circulation a été interdite et qui ont été acquis à titre onéreux, directement ou par l'intermédiaire de diffuseurs commerciaux. »

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à cette simplification rédactionnelle tout à fait justifiée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Section 4

Dispositions de droit pénal

Art. 22
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Art. 24

Article 23

M. le président. « Art. 23. - I. - Sans préjudice de l'application du code des douanes :

« 1° Le fait de ne pas satisfaire à l'obligation de déclaration prévue à l'article 18 en cas de fourniture, de transfert, d'importation ou d'exportation d'un moyen de cryptologie ou de refus de satisfaire à l'obligation de communication à l'autorité administrative prévue par ce même article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ;

« 2° Le fait d'exporter un moyen de cryptologie ou de procéder à son transfert vers un Etat membre de la Communauté européenne sans avoir préalablement obtenu l'autorisation mentionnée à l'article 18 ou en dehors des conditions de cette autorisation, lorsqu'une telle autorisation est exigée, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« II. - Le fait de vendre ou de louer un moyen de cryptologie ayant fait l'objet d'une interdiction administrative de mise en circulation en application de l'article 22 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« III. - Le fait de fournir des prestations de cryptologie visant à assurer des fonctions de confidentialité sans avoir satisfait à l'obligation de déclaration prévue à l'article 19 est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« IV. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-19 du code pénal et pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ;

« 2° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21 du code pénal, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit à l'exception des objets susceptibles de restitution ;

« 3° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal et pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 4° La fermeture, dans les conditions prévues par l'article 131-33 du code pénal et pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

« 5° L'exclusion, dans les conditions prévues par l'article 131-34 du code pénal et pour une durée de cinq ans au plus, des marchés publics.

« V. - Les personnes morales sont responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au présent article. Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal. »

L'amendement n° 76, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Au deuxième alinéa (1°) du I de cet article, remplacer les mots : "à l'autorité administrative" par les mots : "au Premier ministre". »

La parole est à M. Alex Türk, rapporteur pour avis.

M. Alex Turk, rapporteur pour avis. C'est un amendement de précision. Le texte évoque une « autorité administrative », alors même qu'il s'agit du Premier ministre. A la fois pour des raisons d'élégance et de justesse sur le plan juridique, il est préférable de le préciser.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Compléter le deuxième alinéa (1°) du IV de cet article par les mots : ", et d'utiliser des cartes de paiement". »

La parole est à M. Alex Turk, rapporteur pour avis.

M. Alex Türk, rapporteur pour avis. C'est également un amendement de précision. Il s'agit simplement d'ajouter à l'interdiction d'émettre des chèques celle d'utiliser des cartes de paiement. Nous souhaitons que cette formule, devenue classique maintenant, soit étendue au domaine qui nous occupe.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à cet amendement d'harmonisation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 217, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - L'article L. 39-1 du code des postes et télécommunications est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° De commercialiser ou de procéder à l'installation d'appareils conçus pour rendre inopérants les téléphones mobiles de tous types, tant pour l'émission que pour la réception, en dehors des cas prévus à l'article L. 33-2. »

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Afin de sauvegarder la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique de toute interférence négative ou pour garantir l'intégrité et la sécurité des réseaux publics de communication, il est nécessaire de prendre une mesure visant à interdire toute commercialisation ou toute installation de « brouilleurs » en dehors des cas visés par la loi.

En effet, ces appareils risquent d'être utilisés de manière mal intentionnée pour faciliter des actions délictueuses. Ces appareils peuvent parfaitement permettre de nuire à la défense nationale, d'entraver le fonctionnement normal du matériel militaire et de faciliter le sabotage de matériels, d'équipements, d'installations d'appareils et de dispositifs techniques militaires, policiers ou autres.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

Art. 23
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Art. 25

Article 24

M. le président. « Art. 24. - Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale et, dans leur domaine de compétence, les agents des douanes agissant conformément aux dispositions du code des douanes, les agents habilités à cet effet par le Premier ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat peuvent rechercher et constater par procès-verbal les infractions aux dispositions des articles 18, 19 et 22 de la présente loi et des textes pris pour leur application.

« Les agents habilités par le Premier ministre mentionnés à l'alinéa précédent peuvent accéder aux locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel en vue de rechercher et de constater les infractions, demander la communication de tous les documents professionnels et en prendre copie, recueillir, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications. Les agents ne peuvent accéder à ces locaux que pendant leurs heures d'ouverture lorsqu'ils sont ouverts au public et, dans les autres cas, qu'entre 8 heures et 20 heures. Ils ne peuvent accéder aux locaux qui servent de domicile aux intéressés.

« Le procureur de la République est préalablement informé des opérations envisagées en vue de la recherche des infractions. Il peut s'opposer à ces opérations. Les procès-verbaux lui sont transmis dans les cinq jours suivant leur établissement. Une copie en est également remise à l'intéressé.

« Les agents habilités peuvent, dans les mêmes lieux et les mêmes conditions de temps, procéder à la saisie des moyens de cryptologie mentionnés à l'article 17 sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance ou d'un magistrat du siège délégué par lui, préalablement saisi par le procureur de la République. La demande doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier la saisie. Celle-ci s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisée.

« Les matériels et logiciels saisis sont immédiatement inventoriés. L'inventaire est annexé au procès-verbal dressé sur les lieux. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis, dans les cinq jours suivant leur établissement, au juge qui a ordonné la saisie. Ils sont versés au dossier de la procédure.

« Le président du tribunal de grande instance ou le magistrat du siège délégué par lui peut à tout moment, d'office ou sur la demande de l'intéressé, ordonner mainlevée de la saisie.

« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de refuser de fournir les informations ou documents ou de faire obstacle au déroulement des enquêtes mentionnées au présent article. »

L'amendement n° 78, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots : "locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel" par les mots : "moyens de transport, terrains ou locaux à usage professionnel, à l'exclusion des parties de ceux-ci affectées au domicile privé,".

« II. - En conséquence, supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article. »

La parole est à M. Alex Turk, rapporteur pour avis.

M. Alex Turk, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à harmoniser les dispositions du présent projet de loi avec le projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, adopté voilà quelques semaines par le Sénat. Il vise les agents habilités par le Premier ministre à rechercher des infractions à la législation relative à la cryptologie.

Nous avons pensé qu'il était utile d'adopter exactement le même cadre juridique, c'est-à-dire d'exclure pour ces agents l'accès aux parties des locaux affectées au domicile privé.

Ainsi, nous sommes en train de mettre en place, dans le cadre de ces deux textes, une procédure identique, respectueuse des droits et des libertés individuelles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de faire obstacle au déroulement des enquêtes prévues au présent article ou de refuser de fournir les informations ou documents y afférents. »

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Art. 24
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Art. 26

Article 25

M. le président. « Art. 25. - Il est inséré, après l'article 132-76 du code pénal, un article 132-77 ainsi rédigé :

« Art. 132-77. - Lorsqu'un moyen de cryptologie au sens de l'article 17 de la loi n° du pour la confiance dans l'économie numérique a été utilisé pour préparer ou commettre un crime ou un délit, ou pour en faciliter la préparation ou la commission, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu'il suit :

« 1° Il est porté à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l'infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;

« 2° Il est porté à trente ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;

« 3° Il est porté à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle ;

« 4° Il est porté à quinze ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est punie de dix ans d'emprisonnement ;

« 5° Il est porté à dix ans d'emprisonnement lorsque l'infraction est punie de sept ans d'emprisonnement ;

« 6° Il est porté à sept ans d'emprisonnement lorsque l'infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement ;

« 7° Il est porté au double lorsque l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement au plus.

« Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables au complice d'une infraction punie de plus de quinze ans d'emprisonnement ou à l'auteur ou au complice d'une infraction punie d'une peine inférieure ou égale à quinze ans d'emprisonnement qui, à la demande des autorités judiciaires ou administratives, leur a remis la version en clair des messages chiffrés ainsi que les conventions secrètes nécessaires au déchiffrement. »

L'amendement n° 79, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

« Il est inséré, après l'article 132-77 du code pénal, un article 132-78 ainsi rédigé : ».

« II. - En conséquence, dans le deuxième alinéa, remplacer la référence : "132-77" par la référence : "132-78". »

La parole est à M. Alex Turk, rapporteur pour avis.

M. Alex Turk, rapporteur pour avis. Il s'agit d'une simple correction matérielle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 158 est présenté par Mme Terrade, MM. Bret, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 191 est présenté par MM. Trémel, Raoul et Teston, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 132-77 du code pénal. »

L'amendement n° 80, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 132-77 du code pénal :

« Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables à l'auteur ou au complice de l'infraction qui, à la demande des autorités judiciaires ou administratives, leur a remis la version en clair des messages chiffrés ainsi que les conventions secrètes nécesssaires au déchiffrement. »

La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 158.

Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise à refuser l'institution des « repentis » dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité.

Tout d'abord, notons qu'il existe une certaine incohérence à examiner une telle disposition dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique alors que nous serons saisis prochainement du projet de loi relatif à la grande criminalité.

Ensuite, au-delà de cet argument de cohérence des textes, je rappelle l'hostilité des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à une procédure dérogatoire à notre droit pénal qui valorise la délation et les tractations plutôt que l'examen de la responsabilité pénale d'une personne dans le cadre d'un procès équitable et impartial.

Si la possibilité de diminution de peine en échange d'une collaboration avec la justice n'était jusqu'ici admise que dans le cadre de certaines infractions strictement limitées, il est question maintenant de l'étendre à un très grand nombre de délits et, dans le cadre du présent texte, au domaine de la cybercriminalité.

Nous demandons donc au Sénat d'adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour défendre l'amendement n° 191.

M. Michel Teston. On nous propose d'insérer dans le code pénal un article 132-77 qui prévoit une exception à l'aggravation des peines. Celle-ci ne serait en effet pas applicable aux complices d'une infraction punie de plus de quinze ans d'emprisonnement, ni à l'auteur ou aux complices d'une infraction punie d'une peine inférieure ou égale à quinze ans d'emprisonnement qui, à la demande des autorités judiciaires ou administratives, leur ont remis la version en clair des messages chiffrés ainsi que les conventions secrètes nécessaires au déchiffrement.

Certes, ce dispositif existe déjà en matière de trafic de stupéfiants et de terrorisme, mais la généralisation d'un tel système, déjà critiquable, ne saurait être acceptée par principe.

Bien sûr, le repentir peut ne pas être motivé par la crainte. Il peut être sincère et spontané et manifester une réelle prise de conscience exempte de calcul. Dans ces conditions, nous pourrions admettre la mesure. Mais comment être certains qu'il en est bien ainsi ?

Nous rejetons donc la philosophie même de la mesure : les délinquants doivent assumer la responsabilité de leurs actes. Nous ne pouvons admettre un système allant à l'encontre du principe d'une justice de qualité réparatrice et protectrice de l'ordre public. La délation ne peut se substituer à la recherche des preuves ni permettre à elle seule une condamnation.

Nous savons tous aujourd'hui que, dans les pays européens où cette pratique a cours, l'échec est patent. C'est ainsi qu'en Italie, après avoir d'abord produit quelques résultats qui ont été fort médiatisés, ce marchandage judiciaire a conduit à une véritable manipulation donnant lieu à des déclarations mensongères destinées à égarer la justice ou à protéger les grands criminels, voire à des dénonciations inventées de la part de personnes cherchant purement et simplement à échapper à la justice.

Le souci de l'ordre public et la protection des victimes nous commandent donc de supprimer cette disposition qui, en tout état de cause, mériterait d'être examinée dans le cadre du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité actuellement en instance d'examen devant notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Alex Turk, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 80 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 158 et 191.

M. Alex Türk, rapporteur pour avis. S'agissant des amendements qui nous sont proposés, il faut essayer de cadrer un peu les choses.

Première remarque : il serait choquant de traiter de cette question en dehors de ce projet de loi, puisque nous sommes bien dans l'hypothèse très cadrée de l'utilisation d'un moyen de cryptologie pour la préparation d'un crime ou d'un délit.

Deuxième remarque : il n'y a pas de remise en cause des principes fondamentaux qui gouvernent notre justice depuis toujours. Notre droit pénal évolue, mais il s'inscrit dans le cadre des grands principes protecteurs des libertés individuelles que nous avons toujours maintenus et protégés.

Notre amendement n° 80 ne porte que sur l'aggravation des peines correspondant au chiffrement. Autrement dit, monsieur Teston, quand vous évoquez le fait qu'il s'agit d'un système de repentir, ce n'est pas faux sur le principe, mais cela reste très partiel. En effet, lorsque le crime ou le délit est commis, cette possibilité de repentir n'est pas prévue.

Cela dit, notre amendement vise à apporter une modification et un progrès : il n'y a aucune raison de dissocier le cas de l'auteur principal de celui des complices lorsqu'ils ont procédé au déchiffrement à la demande des autorités judiciaires ou administratives.

En conséquence, la commission est défavorable aux amendements n° 158 et n° 191.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. M. Türk m'a convaincue : je suis donc favorable à l'amendement n° 80 et par conséquent défavorable aux amendements n° 158 et n° 191.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 158 et 191.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié.

(L'article 25 est adopté.)

Art. 25
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Art. 27

Article 26

M. le président. « Art. 26. - I. - L'article 31 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne est abrogé.

« II. - Après l'article 11 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications, il est rétabli un article 11-1 ainsi rédigé :

« Art. 11-1. - Les personnes qui fournissent des prestations de cryptologie visant à assurer une fonction de confidentialité sont tenues de remettre aux agents autorisés dans les conditions prévues à l'article 4, sur leur demande, les conventions permettant le déchiffrement des données transformées au moyen des prestations qu'elles ont fournies. Les agents autorisés peuvent demander aux fournisseurs de prestations susmentionnés de mettre eux-mêmes en oeuvre ces conventions, sauf si ceux-ci démontrent qu'ils ne sont pas en mesure de satisfaire à ces réquisitions.

« Le fait de ne pas déférer, dans ces conditions, aux demandes des autorités habilitées est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les procédures suivant lesquelles cette obligation est mise en oeuvre ainsi que les conditions dans lesquelles la prise en charge financière de cette mise en oeuvre est assurée par l'Etat. »

« III. - Après l'article 434-15-1 du code pénal, il est rétabli un article 434-15-2 ainsi rédigé :

« Art. 434-15-2. - Est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.

« Si le refus est opposé alors que la remise ou la mise en oeuvre de la convention aurait permis d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en limiter les effets, la peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende. »

Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 81, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 159, présenté par Mme Terrade, MM. Bret, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le I de cet article :

« I. - L'article 31 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est abrogé. »

L'amendement n° 160, présenté par Mme Terrade, MM. Bret, Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 11-1 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications, après les mots : "les conventions", insérer les mots : ", si elles existent,". »

La parole est à M. Alex Turk, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 81.

M. Alex Turk, rapporteur pour avis. Cet amendement purement technique vise à réaliser l'adaptation entre la loi relative à la sécurité quotidienne, la loi pour la sécurité intérieure et le texte dont nous discutons.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre les amendements n°s 159 et 160.

Mme Odette Terrade. L'amendement n° 159 vise à abroger l'article 31 de la loi pour la sécurité intérieure. Vous le savez, lors de la discussion de ce texte, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen avaient déclaré leur hostilité à la mise en place d'un dispositif antiterroriste attentatoire aux libertés.

L'une des craintes qu'ils avaient exprimées à cette occasion était le risque de pérennisation de ces régimes dérogatoires. Ces craintes n'étaient évidemment pas infondées, puisque tel a été notamment l'objet, dès l'automne suivant, de la loi pour la sécurité intérieure.

Pourtant, les sénateurs du groupe CRC considèrent toujours que le dispositif de recours aux moyens de l'Etat pour le déchiffrement de données est de nature à ouvrir la porte aux abus policiers sans encadrement du juge.

Avec certaines associations, nous continuons d'estimer que la garantie minimale aurait été de soumettre toute prescription de déchiffrement à une décision du juge des libertés et de la détention.

Telle n'est évidemment pas la vocation du présent article, qui vise à pérenniser un dispositif déjà pérennisé par une loi antérieure, ce qui ne manque pas de sel ! Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de mettre fin à ce système d'exception en adoptant cet amendement.

Avec l'amendement n° 160, nous vous proposons d'accepter, à tout le moins, un minimum de modifications que nous serions en droit d'attendre. En effet, la rédaction actuelle laisse à penser que les conventions de déchiffrement existent « par nature ».

Bien au contraire, les dispositifs de cryptologie mis en oeuvre aujourd'hui, notamment dans le cadre de la sécurité des transactions sur Internet, n'offrent pas, par leur technologie, de conventions de déchiffrement.

Il convient donc d'être très clair en ce domaine afin d'éviter aux prestataires de signatures électroniques appelés à utiliser les outils standardisés d'aujourd'hui, les techniques de cryptologie sans conventions de déchiffrement, une instabilité juridique engendrée par une interprétation restrictive de l'actuelle rédaction de cet article. C'est pourquoi l'amendement n° 160 tend à insérer, après les mots « les conventions », les mots « , si elles existent, ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 159 et 160 ?

M. Alex Turk, rapporteur pour avis. Je n'émettrai pas de remarques sur le fond au sujet de ces deux amendements qui tendent à modifier partiellement l'article 26 car l'amendement n° 81 déposé par la commission des lois vise à supprimer intégralement cet article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Les mesures figurant à l'article 26 ont déjà été pérennisées dans la loi pour la sécurité intérieure, et le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 81 de suppression de M. Türk.

Pour les raisons mises en avant par M. le rapporteur pour avis, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 159 et 160.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 26 est supprimé, et les amendements n°s 159 et 160 n'ont plus d'objet.

Section 5

Saisine des moyens de l'Etat pour la mise au clair

de données chiffrées

Art. 26
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Art. 28

Article 27

M. le président. « Art. 27. - I. - L'article 30 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 précitée est abrogé.

« II. - Après l'article 230 du code de procédure pénale, il est rétabli un titre IV ainsi rédigé :

« TITRE IV

« DISPOSITIONS COMMUNES

« Chapitre Unique

« De la mise au clair des données chiffrées

nécessaires à la manifestation de la vérité

« Art. 230-1. - Sans préjudice des dispositions des articles 60, 77-1 et 156, lorsqu'il apparaît que des données saisies ou obtenues au cours de l'enquête ou de l'instruction ont fait l'objet d'opérations de transformation empêchant d'accéder aux informations en clair qu'elles contiennent ou de les comprendre, le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peut désigner toute personne physique ou morale qualifiée, en vue d'effectuer les opérations techniques permettant d'obtenir la version en clair de ces informations ainsi que, dans le cas où un moyen de cryptologie a été utilisé, la convention secrète de déchiffrement, si cela apparaît nécessaire.

« Sauf si elles sont inscrites sur une liste prévue à l'article 157, les personnes ainsi désignées prêtent, par écrit, serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et leur conscience.

« Si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement et que les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent, le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peut prescrire le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au présent chapitre.

« Art. 230-2. - Lorsque le procureur de la République, la juridiction d'instruction ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire décident d'avoir recours, pour les opérations mentionnées à l'article 230-1, aux moyens de l'Etat couverts par le secret de la défense nationale, la réquisition écrite doit être adressée au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information, avec le support physique contenant les données à mettre au clair ou une copie de celui-ci. Cette réquisition fixe le délai dans lequel les opérations de mise au clair doivent être réalisées. Le délai peut être prorogé dans les mêmes conditions de forme. A tout moment, l'autorité judiciaire requérante peut ordonner l'interruption des opérations prescrites.

« Le service de police judiciaire auquel la réquisition a été adressée transmet sans délai cette dernière ainsi que, le cas échéant, les ordres d'interruption, à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret. Les données protégées au titre du secret de la défense nationale ne peuvent être communiquées que dans les conditions prévues par la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une Commission consultative du secret de la défense nationale.

« Art. 230-3. - Dès l'achèvement des opérations ou dès qu'il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l'expiration du délai prescrit ou à la réception de l'ordre d'interruption émanant de l'autorité judiciaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l'organisme technique au service de police judiciaire qui lui a transmis la réquisition. Sous réserve des obligations découlant du secret de la défense nationale, les résultats sont accompagnés des indications techniques utiles à la compréhension et à leur exploitation ainsi que d'une attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis.

« Ces pièces sont immédiatement remises à l'autorité judiciaire par le service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information.

« Les éléments ainsi obtenus font l'objet d'un procès-verbal de réception et sont versés au dossier de la procédure.

« Art. 230-4. - Les décisions judiciaires prises en application du présent chapitre n'ont pas de caractère juridictionnel et ne sont susceptibles d'aucun recours.

« Art. 230-5. - Sans préjudice des obligations découlant du secret de la défense nationale, les agents requis en application des dispositions du présent chapitre sont tenus d'apporter leur concours à la justice. »

L'amendement n° 82, présenté par M. Türk, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 230-1 du code de procédure pénale, un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf si elles sont inscrites sur une liste prévue à l'article 157, les personnes ainsi désignées prêtent, par écrit, le serment prévu par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires. »

La parole est à M. Alex Turk, rapporteur pour avis.

M. Alex Turk, rapporteur pour avis. L'article 27 tend à pérenniser la loi relative à la sécurité quotidienne qui a déjà été pérennisée par la loi pour la sécurité intérieure. Cette pérennisation est donc inutile.

Par ailleurs, l'amendement n° 82 vise à maintenir la prestation de serment.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Avis favorable, puisque l'article 27 a déjà été pérennisé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 27 est ainsi rédigé.