SEANCE DU 26 JUILLET 2002


M. le président. « Art. 22. - I. - L'article 137-4 du code de procédure pénale est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 137-4 . - Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire, le juge d'instruction estime que cette détention n'est pas justifiée et qu'il décide de ne pas transmettre le dossier de la procédure au juge des libertés et de la détention, il est tenu de statuer sans délai par ordonnance motivée, qui est immédiatement portée à la connaissance du procureur de la République. »
« II. - L'article 137-5 du même code est abrogé.
« III. - Le quatrième alinéa de l'article 143-1 du code de procédure pénale est supprimé.
« IV. - La deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 144 du même code est supprimée.
« V. - L'article 145-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois la durée de deux ans prévue au présent article. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. Cette décision peut être renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. »
« VI. - A l'article 145-2 du même code, il est inséré, après le deuxième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois les durées prévues au présent article. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. Cette décision peut être renouvelée deux fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. »
M. le président. Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les six premiers sont présentés par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachée.
L'amendement n° 179 est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 22. »
L'amendement n° 180 est ainsi libellé :
« Supprimer le I de l'article 22. »
L'amendement n° 181 est ainsi libellé :
« Supprimer le II de l'article 22. »
L'amendement n° 182 est ainsi libellé :
« Supprimer le III de l'article 22. »
L'amendement n° 183 est ainsi libellé :
« Supprimer le IV de l'article 22. »
L'amendement n° 184 est ainsi libellé :
« Supprimer le V de l'article 22. »
L'amendement n° 54, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
« Supprimer la dernière phrase du texte proposé par le V de l'article 22 pour compléter l'article 145-1 du code de procédure pénale. »
L'amendement n° 185, présenté par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer le VI de l'article 22. »
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 55 est ainsi libellé :
« Dans la dernière phrase du texte proposé par le VI de l'article 22 pour être inséré après le deuxième alinéa de l'article 145-2 du code de procédure pénale, remplacer le mot : "deux" par le mot : "une". »
L'amendement n° 56 est ainsi libellé :
« Compléter l'article 22 par un paragraphe ainsi rédigé :
« VII. - Dans l'article 207 du même code, les mots "formée en application de l'article 137-5 " sont supprimés. »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements n°s 179 à 185.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 179 est le plus simple du lot - évidemment, nous sommes prêts à voir tomber les autres si celui-ci est adopté - puisqu'il tend à supprimer l'article !
L'article 22 modifie, massacre, devrais-je dire, les dispositions de procédure pénale prises dans la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, loi que vous avez votée à l'unanimité, en connaissance de cause, après des débats qui ont duré quatorze mois.
L'amendement n° 180 tend à supprimer le paragraphe I de l'article 22, qui fait obligation au juge d'instruction qui se refuse à placer quelqu'un en détention provisoire de prendre une ordonnance motivée.
Vous avez bien entendu : désormais, c'est la détention qui est la règle, et non plus la liberté. Bien évidemment, le procureur de la République, qui a assisté au débat préalable, est parfaitement au courant de ce que les uns et les autres ont dit.
A cet égard, il est amusant de rappeler que les critiques importantes formulées notamment par les policiers sur la loi du 15 juin 2000 portaient sur la « surcharge » de travail, les policiers se plaignant d'être obligés de remplir un nombre important de formulaires. Le Gouvernement avait alors été contraint de se préoccuper du problème.
Et voilà qu'aujourd'hui vous surchargez de travail les juges d'instruction, qui ont déjà beaucoup à faire ! Est-ce avec l'espoir, à peine caché, que le juge d'instruction, qui a déjà tant de travail, aura tendance à placer en détention provisoire, plutôt que de refuser de le faire, ce qui lui vaudrait de prendre une ordonnance motivée, et donc d'accroître encore sa charge de travail ? J'avoue que je me le demande.
C'est la raison pour laquelle nous demandons, avec beaucoup d'insistance et, quoi qu'il en soit, en toute bonne conscience, la suppression du I de l'article 22, car il pose que ce qui est anormal, c'est que le juge d'instruction refuse l'incarcération lorsque le procureur de la République la lui demande. Comme vous le savez, le procureur de la République recevra dorénavant des ordres, des instructions de la Chancellerie, y compris dans les affaires particulières. Vous voyez où l'on peut en arriver ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Roger Karoutchi. Non ! C'est trop facile de dire cela ! C'est une affirmation gratuite !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 181 vise le II de l'article 22, qui tend à abroger l'article 137-5 du code de procédure pénale, qui prévoit que, « lorsqu'il n'a pas été fait droit à ses réquisitions [...], le procureur de la République peut saisir directement la chambre de l'instruction dans les dix jours de l'avis de notification qui lui est donné par le greffier ».
Or cette abrogation n'est plus utile puisque le projet de loi prévoit par la suite d'autres dispositions, notamment ce que vous proposez d'appeler « référé-détention » - avec un peu plus de franchise, dirai-je, que le législateur de 1993, qui avait mis en place un système très proche mais avait eu l'outrecuidance de l'appeler « référé-liberté ».
J'en arrive au III de l'article 22, auquel s'applique l'amendement n° 182. Il tend à supprimer certaines dispositions de l'article 143-1 du code de procédure pénale, qui, lui, avait l'outrecuidance de prévoir des mesures visant à limiter les cas de mise en détention.
Le Sénat, unanime, avait considéré que les détentions préventives étaient beaucoup trop nombreuses et, d'un commun accord, avait tenté de les limiter par des mesures prévoyant des plafonds dont, aujourd'hui vous demandez la modification. Nous détaillerons tout à l'heure vos propositions, si vous le voulez bien, qui sont pour nous inacceptables.
En particulier, vous faites appel à la notion d'ordre public. Or, il était prévu qu'une personne ne pouvait être maintenue en détention sur le seul fondement du trouble à l'ordre public, parce qu'on ignore ce qu'il recouvre ou, plus exactement, parce que qu'il pourrait devenir un motif pour maintenir très longtemps une personne en détention, et nous avions conservé cette notion uniquement en matière criminelle.
Nous ne savons pas si, aujourd'hui, vous allez jeter le bébé avec l'eau du bain, mais nous en avons grand-peur. Quoi qu'il en soit, nous pensons que les mesures que nous avions adoptées étaient parfaitement raisonnables et qu'il était nécessaire de faire une « étude d'impact » de l'application de cette loi, qui vient à peine d'être votée. Vous ne l'avez pas voulu, vous ne le voulez pas, et, bien entendu, vous démontrerez que votre confiance dans le Gouvernement est telle que vous suivez ses demandes et que vous votez les textes qu'il vous propose, j'allais dire : les yeux fermés.
Au demeurant, quand je dis que vous êtes le petit doigt sur la couture du pantalon, ce n'est pas tout à fait exact, parce que nombreux sont ceux d'entre vous, apparemment, qui se considèrent déjà comme démobilisés et qui, en tout cas - pardonnez-moi l'expression - ont « déserté » l'hémicycle ! (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Roger Karoutchi. Vous êtes combien, vous ?
M. Robert Bret. Nombreux, en proportion !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous savez bien que nous avons perdu du temps, ce matin, en attendant que quelques-uns d'entre vous répondent à l'appel pressant que leur ont adressé leurs responsables !
Le IV de l'article 22 tend à supprimer la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 144 du code de procédure pénale. Par l'amendement n° 183, nous en demandons également la suppression, pour les raisons que je viens d'évoquer.
Le paragraphe V vise à donner la possibilité de prolonger de quatre mois la durée de la détention provisoire, fixée à deux ans par l'article 145-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction, saisie par ordonnance, statuant sur une telle décision, qui peut être renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités.
Il s'agit là de l'application du principe, que j'ai dénoncé hier au cours de la discussion générale, selon lequel il faut s'empresser, par les procédures de comparution rapprochée et de comparution immédiate, de mettre les gens en prison, mais qui veut que, une fois qu'ils y sont, on n'estime pas urgent de leur donner la possibilité d'être jugés rapidement.
Tel est donc l'ensemble des raisons pour lesquelles nous demandons avec confiance - confiance dans l'avenir, qui nous donnera raison - d'adopter l'amendement n° 184 et de supprimer les dispositions prévues au paragraphe V de l'article 22.
M. Jean Chérioux. L'avenir ne vous a pas souvent donné raison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'en viens à l'amendement n° 185, qui vise à supprimer le paragraphe VI de l'article 22.
Le paragraphe VI suppose la suppression de textes antérieurs. Permettez-moi de rappeler les termes de ce paragraphe :
« A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois les durées prévues au présent article. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. Cette décision peut être renouvelée deux fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. »
Vous savez que la Convention européenne des droits de l'homme - et la Cour veille à son respect - prévoit que les gens doivent être jugés dans un délai raisonnable. Tous ensemble, nous avions donc estimé qu'il fallait fixer une limite à la durée des détentions, et nous avions nous-mêmes arrêté des valeurs raisonnables.
Je me souviens même d'une affaire dans laquelle une chambre d'accusation avait décidé de libérer au bout de deux ans, je crois, une personne accusée de crime. Et tout le monde de dire que c'était la faute de la loi sur le renforcement de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Il avait été rétorqué que cette loi était hors de cause, puisqu'elle n'était pas encore applicable à ce moment-là, et que, de toute façon, elle prévoyait dans ce cas la possibilité d'une détention préventive de quatre ans. On avait donc largement le temps !
Evidemment, les magistrats avaient pris leur décision en conscience, dans un dossier que, personnellement, je ne connais pas et que, je pense, aucun d'entre vous n'a eu entre les mains, mais qui illustre ce qu'était votre état d'esprit en 1999 et en 2000.
Comment en êtes-vous arrivés là ? C'est à cause de l'insécurité, me direz-vous ; mais l'insécurité n'est pas nouvelle !
M. Jean Chérioux. Cela ne s'est pas arrangé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je me rappelle la loi « sécurité et liberté » de M. Peyrefitte, qui tirait déjà argument de l'augmentation de l'insécurité. C'est donc un phénomène fort ancien.
Or, je le répète, votre état d'esprit s'est modifié brutalement, et vous tournez le dos aux principes de droit qui font la fierté de l'Europe et devraient faire celle de notre pays, naguère souvent donné en exemple par les autres.
Vous prenez la responsabilité de ce revirement, mais, je vous le dis comme je le pense et comme je le crains : cela ne changera pas d'un iota la question de l'insécurité.
M. Jean Chérioux. Vous vous êtes si souvent trompés !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Croyez-vous !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 54 à 56 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 179 à 185.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'article 22 prévoit notamment la possibilité de prolonger à titre exceptionnel la durée maximale de la détention provisoire en matière correctionnelle, qui est actuellement de deux ans. La prolongation sera de quatre mois, renouvelable une fois.
L'amendement n° 54 tend à limiter la prolongation à une seule période de quatre mois, parce qu'il ne faudrait pas que l'assouplissement des durées maximales de détention, qui est certes nécessaire, incite les magistrats instructeurs à ralentir leurs investigations. En instaurant une seule prolongation de quatre mois, nous pensons concilier ces deux exigences.
L'amendement n° 55 a le même objet et les mêmes motivations.
Enfin, l'amendement n° 56 vise à rétablir une coordination oubliée.
J'en viens aux amendements présentés par M. Dreyfus-Schmidt. Je suis au grand regret de devoir tempérer - pour l'instant ! - la confiance dans l'avenir qu'il a exprimée, car je ne crois pas qu'il nous faille répondre à ce que l'on pourrait appeler sa fièvre de suppression. L'ardeur avec laquelle il veut supprimer n'a d'égal que la ferveur avec laquelle nous souhaitons maintenir ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne demandons que la suppression de vos suppressions !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Certes !
S'agissant, plus concrètement, de vos propositions, l'amendement n° 179 vise à supprimer du projet de loi les dispositions relatives à la détention provisoire au motif que la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a été adoptée à l'unanimité.
L'argument est singulier ! En effet, les dispositions de cette loi relatives à la détention provisoire ont déjà été modifiées par la loi du 4 mars 2002, dont j'ai la cruauté de rappeler qu'elle est issue d'une proposition de loi déposée par M. Julien Dray.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et alors ? Nous ne sommes pas des godillots !
Un sénateur socialiste. C'est à cause de cela que nous avons perdu !
Mme Nicole Borvo. Dès qu'il y a une brèche, ils s'y engouffrent !
M. Robert Bret. Ce n'était pas la meilleure des choses, il faut le reconnaître.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ce n'était peut-être pas la meilleure des choses, mais je vous laisse la responsabilité de vos propos !
Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi nous nous référerions à la loi sur la présomption d'innocence.
Mme Nicole Borvo. Hélas !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'amendement n° 180 tend à supprimer la disposition prévoyant que le juge d'instruction doit motiver ses décisions de refus de saisir le juge des libertés et de la détention.
La loi sur la présomption d'innocence a déjà prévu que le juge des libertés devait toujours motiver ses ordonnances. Imposer le même formalisme au juge d'instruction n'est donc qu'une mise en cohérence. Il sera toujours utile au procureur de la République de savoir pourquoi ses réquisitions n'auront pas été suivies !
L'amendement n° 181 est une conséquense de l'amendement n° 180, et la même cohérence impose la même formule.
L'amendement n° 182 s'oppose à la simplification des seuils de peines encourues permettant le placement en détention provisoire. Le projet de loi prévoit un seuil de peine de trois ans, ce qui n'étend que très modérément le champ de la détention provisoire. Je rappelle - vous me pardonnerez d'être cruel - que, il y a quelques mois seulement, M. Dray...
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. - il a bien compris qu'il était l'un des responsables de votre défaite, mais c'est votre problème ! - ... et les membres du groupe socialiste de l'Assemblée nationale avaient voulu fixer ce seuil à deux ans pour les réitérants. Nous avons eu ici - j'étais déjà rapporteur - un fort long débat pour essayer de faire comprendre que c'était quelque peu aberrant, et c'est le Sénat qui a empêché une telle évolution.
Dans ces conditions, je ne comprends pas - sans doute est-ce une insuffisance de ma part ! - les raisons de cet amendement.
Le IV de l'article 22 vise à supprimer la restriction du recours au critère de l'ordre public en matière de détention provisoire, simplification bienvenue, car, reconnaissons-le, le texte issu de la loi sur la présomption d'innocence était trop complexe sur ce point.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 183.
L'amendement n° 184 tend à supprimer la possibilité de prolonger à titre exceptionnel les durées maximales de détention provisoire. Il s'agit pourtant d'une disposition utile qui peut éviter de graves difficultés dans des cas heureusement peu nombreux. La commission proposera de limiter le recours à ces prolongations exceptionnelles. Ce n'est néanmoins pas une raison suffisante pour accepter la suppression du V de l'article 22.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 184.
Enfin, l'amendement n° 185 ayant le même objet que l'amendement n° 184, la commission ne peut qu'y être défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Etant en tout point d'accord avec M. le rapporteur, je serai bref.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 179, 180, 181, 182, 183 et 184. Il est favorable à l'amendement n° 54, défavorable à l'amendement n° 185 et favorable aux amendements n°s 55 et 56.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 179.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je dois dire que j'aurais aimé des réponses plus approfondies que celles qui m'ont été apportées. Il est tout de même trop facile de nous dire, tantôt que ce que nous avons fait était affreux, tantôt que, puisque nous l'avons fait, vous pouvez le faire aussi, car c'est bien là votre raisonnement.
Je sais bien que nous sommes solidaires de nos amis, mais je doute que quiconque ait pu considérer le groupe socialiste au Sénat en général et mon humble personne en particulier comme des inconditionnels de tel ou tel, prêts au besoin à défendre d'autres thèses que celles que nous défendons en ce moment.
Ces thèses, nous avons été ravis de vous voir enfin les accepter, ici même, en 1999 et en l'an 2000. Aujourd'hui, vous ne donnez pas de raisons particulières pour justifier la reprise ou l'abandon de telle ou telle de ces thèses.
Quelle est en réalité la raison d'être des mesures que vous prenez ? Elles ne tendent qu'à une seule chose : mettre plus facilement les gens dans ces prisons que vous reconnaissez être dans un état lamentable et les y maintenir le plus longtemps possible !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est peut-être pas ce que l'on attend de vous.
Vous nous dites que vous voulez construire des prisons. Avec tout l'argent que vous prévoyez d'y consacrer, vous pourriez tout aussi bien vous attaquer aux causes à l'origine de la triste situation économique, sociale et culturelle des gens « d'en bas » !
Vous voulez remplir de plus en plus les prisons. On sait pourtant, et Robert Badinter l'a rappelé hier, que la prison est l'école du crime, une école d'autant plus efficace qu'elle est dans l'état que vous savez !
Eh bien, continuez, mais ne vous attendez pas à parvenir ainsi au résultat que vous escomptez !
Vous nous dites que nous nous sommes trompés. Comment pouvez-vous en être sûr puisque personne n'a eu le temps de voir quels effets aurait réellement eus la loi du 15 juin 2000 ?
Vous n'avez pas eu le temps de voir mais vous avez entendu les policiers quand ils sont descendus dans la rue pour se plaindre de ce qu'on leur donnait trop de travail parce qu'on leur demandait - c'est un exemple - de prendre la précaution de faire connaître leurs droits à ceux qu'ils interpellent... Vous me direz que M. Dray a été sensible à ces arguments. C'est vrai, mais il a sans doute eu doublement tort et, si nous avons perdu, c'est peut-être précisément parce que nous nous sommes laissés aller - il s'agit d'un « nous » collectif, qui ne désigne ni le groupe socialiste du Sénat, ni moi - ...
M. Laurent Béteille. Continuez de croire cela, vous irez de succès en succès !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... à cette grande peur que la droite a toujours fait enfler pour essayer de l'emporter...
M. Christian Cointat. Caricature !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Considérez l'histoire : il n'a pas fallu attendre le xxe siècle pour le constater, car il en a toujours été ainsi ! M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Je rappellerai que la loi sur la présomption d'innocence a fait l'objet de travaux consensuels comme je n'en ai que très rarement connus. Je rappellerai aussi, s'agissant de la lutte contre le placement en détention provisoire, qui, je dois le souligner, est la première méconnaissance du principe de la présomption d'innocence, que c'est le Président de la République, M. Toubon étant alors garde des sceaux, qui, le premier, s'était ému de cette situation et avait demandé la constitution d'une commission présidée par le Premier président Truche.
C'est sur le fondement des travaux de cette commission que Mme Guigou, avec beaucoup d'énergie et d'efficacité, a porté la loi sur la présomption d'innocence devant le Parlement. Mais, sur le volet relatif à la détention provisoire, le rôle de la commission des lois du Sénat a été exceptionnellement important et consensuel.
Nous sommes parvenus - c'est si rare dans l'histoire de la procédure pénale française ! - et à un accord politique et à un équilibre entre les parties.
Croyez-vous que cela a duré ? Pas du tout ! Dans le fracas médiatique causé par quelques décisions, aberrantes, certes, mais les hommes - même les magistrats - sont les hommes, on a assisté à des mouvements de protestation, à des manifestations syndicales... Bref, il fallait tout changer, tout reprendre, car là était la source de tous nos maux !
Je l'ai dit, je le rappelle encore, il n'y a rien de plus mauvais que les aller et retour - dans d'autres pays, on dirait les stop and go - quand il s'agit de procédure pénale.
Si en cet instant vous me prouviez que c'est à cause de la loi sur la présomption d'innocence que notre justice ne fonctionne plus et que le nombre des détentions provisoires est tel que l'on peut s'inquiéter de notre aptitude à lutter contre le crime et la délinquance organisée, je prêterais l'oreille.
Mais ce que comme chacun de nous je constate depuis un an, c'est un nouvel et considérable accroissement du recours à la détention provisoire. Ce fut particulièrement marquant dans les six mois qui ont précédé les élections.
L'esprit du présent projet de loi, vous le connaissez : il s'agit de montrer que la fermeté - je n'ose dire le caractère impitoyable - est à l'ordre du jour et que désormais la volonté politique permettra de régler tous les problèmes si difficiles à résoudre que rencontrent l'action policière et l'action judiciaire.
Un très grand ministre italien a dit un jour que lorsqu'on ne sait pas quoi faire on peut toujours faire une loi. Eh bien, c'est ce que vous faites. Mais trop de changements successifs créent plus de difficultés qu'ils n'en font disparaître. Vous allez donc très exactement dans le sens opposé de celui que vous visez. Je vous renvoie aux déclarations du Président de la République en vue de mieux garantir en France la présomption d'innocence, notamment en cas de détention provisoire. Ce message, vous l'avez singulièrement inversé. Je le regrette.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que l'amendement n° 55 a été adopté à l'unanimité.
Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Paragraphe 2
Dispositions relatives aux demandes de mise en liberté
et instituant la procédure de référé-détention

Article 23