SEANCE DU 26 JUILLET 2002


M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 12 modifié.
M. Robert Badinter. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Dans l'obscure clarté qui a présidé à nos débats, nous avons pu constater que l'urgence ne valait guère lorsqu'il s'agissait de tenir sa place au moment voulu dans l'hémicycle. Compte tenu de l'importance du sujet, moi aussi, je trouve cela tout à fait désagréable.
Je tiens à dire, s'agissant de l'article 12 - je laisse de côté les amendements -, que l'apparition de la notion de sanction éducative pour les enfants de dix à treize ans, n'est pas une novation : la possibilité de prononcer, pour ces enfants, des mesures éducatives existe déjà. On ne pouvait donc pas parler d'irresponsabilité, au sens pénal du terme. Toutefois, il ne s'agissait jusqu'à présent que de « mesures éducatives ». Or on parle aujourd'hui de « sanctions éducatives » en présentant cela comme un progrès...
Je vous demande de bien mesurer ce que cela signifie. Lorsque des enfants de dix à treize ans seront sanctionnés par un tribunal, ils ne seront plus simplement amenés à penser qu'ils ont manqué à la loi : s'ancrera profondément dans leur esprit l'idée qu'ils sont des délinquants. On parle quelquefois de « prédélinquants », mais c'est un terme que, pour ma part, je juge inacceptable.
Ainsi, loin d'avoir une portée éducative, la sanction en question n'aboutira qu'à entraîner l'enfant dans une tendance que l'on veut précisément enrayer. C'est donc une mauvaise mesure au regard du but recherché.
En ce qui concerne la procédure, pour ma part, j'approuvais la position qui avait été développée par le rapporteur de la commission des lois avant qu'il ne retire son amendement à la demande du Gouvernement. Il n'est pas bon que ce soit par la voie du tribunal - statuant, ne l'oublions pas, avec le cérémonial qui est inhérent à toute audience du tribunal - qu'interviennent ces mesures-là. L'audience de cabinet ou la comparution devant le juge des enfants paraissent infiniment plus adaptées à ce que l'on veut faire, car cela permet d'établir un dialogue direct avec l'enfant. Ce n'est sûrement pas un tribunal qui correspond le mieux à l'impression que l'on veut réellement provoquer.
Au nom d'une volonté proclamée de sanctionner, on fait en vérité apparaître, pour appeler les choses par leur nom, la notion de répression, soulignée par le cérémonial pénal. Or il s'agit d'enfants de dix à treize ans. Eh bien, ce n'est pas dans cet esprit qu'a été conçue l'ordonnance de 1945 et ce n'est pas ainsi qu'on peut maintenir la primauté des mesures éducatives.
Au demeurant, s'agissant de l'enfance en danger, toutes ces mesures peuvent d'ores et déjà être prises : les mesures de protection entraînent inévitablement la possibilité de recourir à ce qui est ici défini comme sanction éducative.
Cependant, derrière le changement de terminologie, il y a, en vérité, un changement de philosophie. C'est bien à l'ordonnance de 1945 que, en cet instant, vous tournez le dos ! (Vifs applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur Badinter, je vous confirme que nous avons deux approches totalement différentes ! (Applaudissements et marques d'approbation sur de nombreuses travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Cointat. Ça, c'est clair !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est très clair, effectivement, et je vous remercie de me donner l'occasion de marquer ainsi nos différences fondamentales.
Vous êtes immobile, excusez-moi de vous le dire ! (Très bien ! sur les travées du RPR).
M. Robert Bret. Et vous, vous reculez !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Vous ne voulez pas comprendre que les choses ont changé, ce que je regrette comme vous, et qu'il est nécessaire d'organiser, autour de ces jeunes prédélinquants, de ces jeunes tellement jeunes et qui sont délinquants, une autre manière de faire passer un message.
Et si, tout à l'heure, en réponse à M. le rapporteur, j'ai insisté sur la nécessité de maintenir la solennité du tribunal, c'est précisément parce que, pour ces jeunes comme pour leurs parents, il faut que les choses soient dites avec clarté.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. L'évolution que nous constatons depuis un certain nombre d'années, depuis près de vingt ou vingt-cinq ans, est extrêmement préoccupante. Dès lors, on ne peut dès lors pas m'expliquer qu'en ne changeant rien on va améliorer la situation.
Il est donc nécessaire d'instaurer ces sanctions éducatives dont vous avez noté, monsieur Badinter, qu'elles étaient adaptées à la psychologie, à l'âge et à la maturité très relative de ces jeunes gens ou de ces jeunes filles. Il est aussi nécessaire de faire prédominer la sanction prononcée par un tribunal pour renforcer l'élément de rappel à l'ordre, de rappel à la loi d'une manière plus solennelle et, nous le pensons, plus efficace qu'aujourd'hui.
Je souhaitais apporter ces précisions pour qu'il soit bien clair que, entre vous et nous, il y a aujourd'hui une vraie différence. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le garde des sceaux vient de dire, à tort, à M. Badinter qu'il était, que nous étions immobiles. (Eh oui ! sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Robert Bret. Eux, ils nous proposent un recul !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais vous, vous êtes réactionnaires ! (Vives exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Il n'y a pas tellement longtemps, en Grande-Bretagne, on pendait les enfants de dix ans. Excusez-moi de vous le dire ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Voyons ! monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne dis pas que vous en soyez-là !
Mais, si les choses ont changé, comme vous le dite, à juste titre, les principes, eux, demeurent...
M. Christian Cointat. Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et un enfant - même s'il se conduit mal et qu'ils sont plus nombreux à agir ainsi - reste un enfant !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Et la victime reste la victime !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout dépend de la personnalité de l'enfant et des faits qu'on lui reproche. Mais il n'était pas mauvais, précisément, de laisser la possibilité au juge des enfants, lorsqu'il s'agit d'un enfant fragile ou de faits moins graves que d'autres, de prendre la décision. C'est ce que nous vous disons et il est vrai que, sur ce point, nous sommes en désaccord total.
Prenez-en la responsabilité !
M. Christian Cointat. Nous la prenons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr, vous la prenez ! Mais vous ne considérez plus un enfant comme étant un enfant. Vous voulez le sanctionner, le marquer, ce qui est beaucoup plus dangereux que vous ne le croyez.
Et même si vous l'imaginez, cela vous est égal et vous voulez prendre des mesures populaires que l'opinion comprenne.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Que l'opinion réclame !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Or l'opinion ne comprendra pas et les magistrats encore moins !
M. Christian Cointat. Nous voulons que les enfants restent des enfants et nous prenons des mesures pour cela, contrairement à vous, qui allez dans une direction qui n'est pas la bonne !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Faites-les passer aux assises !
M. Robert Bret. Rétablissez la peine de mort !
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne vais pas répéter les propos que viennent de tenir nos collègues et que je partage ; mais je voudrais, monsieur Schosteck, attirer votre attention sur le fait que M. le ministre vient de rétablir les choses !
Vous m'avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que vous ne compreniez pas pourquoi je critiquais l'interprétation qui était faite des travaux de la commission d'enquête sénatoriale. Eh bien, là, M. le garde des sceaux vient de nous donner la réponse : aujourd'hui, quoi que vous en disiez, la philosophie de l'ordonnance de 1945 est profondément remise en cause.
Il aurait été intéressant de réfléchir plus avant sur ce projet de loi. Malheureusement, ni la préparation de ce texte, ni le déroulement de la discussion ici-même ne le permettront, chacun campant sur ses positions. Il aurait été intéressant, en particulier, de réfléchir à la raison de la distinction entre les sanctions et les mesures éducatives.
En effet, si l'on considère - ce qui est la réalité d'aujourd'hui - que le juge a toutes les possibilités de prendre un certain nombre de mesures qui, effectivement, sanctionnent des comportements ou des actes que l'on peut considérer comme inacceptables, on remet en cause la philosophie de l'ordonnance de 1945, qui consiste à distinguer sanctions et éducation.
Vous essayez de nous expliquer que la création des « sanctions éducatives » revient au même. Ce n'est absolument pas vrai. Les juges pour enfants tiennent d'ailleurs beaucoup à cette distinction.
Selon vous, nous sommes immobiles. Le problème n'est pas là, vous le savez parfaitement.
Des enfants de dix ans, qui commettent des actes répréhensibles sont, de toute façon, des enfants, mais ce sont des enfants en danger. La grande avancée de l'ordonnance de 1945, qui n'a jamais été modifiée de ce point de vue, était d'ailleurs de lier enfance délinquante et enfance en danger.
Si, dans cette optique, on mettait en oeuvre toutes les mesures - certaines n'ont peut-être pas été suffisamment appliquées -,...
M. Roger Karoutchi. Par qui ?
Mme Nicole Borvo. ... tous les moyens dont la société dispose en amont pour traiter les problèmes de l'enfance en danger, peut-être qu'aujourd'hui nous n'en serions pas à nous poser ce genre de question.
M. Roger Karoutchi. C'est incroyable !
Mme Nicole Borvo. La répression est sans fin, messieurs ! Je l'ai dit et je le redis.
M. Robert Del Picchia. Cela suffit !
Mme Nicole Borvo. En Grande-Bretagne, 3 500 jeunes sont en prison. En France, ils sont aujourd'hui 930. Merci, monsieur le garde des sceaux, d'avoir apporté cette précision ; pour ma part, j'en avais dénombré 900 !
Peut-être arriverons-nous, nous aussi, au total de 3 500 au cours des prochaines années. Quelle réponse aurons-nous ainsi apporté à l'enfance délinquante, à l'enfance en danger ? Je vous le demande ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roger Karoutchi. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Ce qu'on entend ce matin dépasse vraiment les limites de l'imaginable ! On parle de revenir à la pendaison ! Sachez qu'il y avait aussi le garrot en Espagne !...
Mme Hélène Luc. Qui a aboli la peine de mort ?
M. Roger Karoutchi. Arrêtons, et regardons les choses en face !
La dernière campagne électorale, à gauche comme à droite, a au moins prouvé que tout le monde devait regarder les choses en face.
Quand Mme Borvo nous dit que la situation a évolué de manière catastrophique, qu'elle me pardonne de rappeler qu'au cours des vingt dernières années la gauche a gouverné quatorze ans.
M. Michel Charasse. Pas pendant vingt ans !
M. Roger Karoutchi. Si la délinquance des mineurs a évolué dans les conditions que l'on sait, chacun en est responsable, et vous aussi !
Aujourd'hui, en la matière, nous sommes, selon moi, en face d'un texte équilibré,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour tenir droit, il tient droit !
M. Roger Karoutchi. ... qui vise à ne pas laisser dériver, déraper la délinquance des mineurs.
Mme Nicole Borvo. Vous ne pensez qu'aux sanctions !
M. Roger Karoutchi. M. le garde des sceaux l'a rappelé, nous devons prendre des mesures qui consistent essentiellement à créer des postes d'éducateurs, à prendre des mesures éducatives.
Mme Hélène Luc. Quelles mesures préventives proposez-vous ?
M. Roger Karoutchi. Vous nous dites que c'est scandaleux, inadmissible.
S'il ne faut toucher à rien, ne touchons à rien ! Et la situation continuera de se dégrader, la délinquance des mineurs continuera d'augmenter, l'opinion publique se braquera de plus en plus et elle demandera alors que nous prenions des décisions beaucoup plus dures parce qu'elle n'acceptera plus la situation.
Aujourd'hui, nous examinons un texte équilibré, fondé sur des mesures éducatives. Il est clair que nous ajustons l'ordonnance de 1945, mais elle a déjà été modifiée vingt fois ! L'ordonnance de 1945, ce n'est pas la pyramide de Guizeh ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Ce n'est pas non plus le temple de Salomon ! On peut légèrement la modifier sans en changer l'esprit.
Chacun a sa responsabilité politique, mais n'imaginez pas que l'ensemble des Français puissent accepter que nous ne modifiions pas un texte de loi qui date de cinquante-sept ans. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Robert Bret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Pour sortir de cet immobilisme, je propose à mes collègues de la majorité sénatoriale de mettre en oeuvre les propositions qui ont été retenues par les différentes commissions d'enquête du Parlement...
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Robert Bret. ... s'agissant tant des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France que des mineurs délinquants.
Chiche, sortons de l'immobilisme ! Mettons en oeuvre ces propositions !
C'est le fruit de notre travail. Nous avons retenu ces propositions à l'unanimité. Alors, je vous mets au pied du mur : votons ces mesures.
Mme Hélène Luc. Très bien !
MM. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, et Jean-Claude Carle. C'est ce que nous faisons !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait ! Nous bougeons !
M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 67:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 317159
Pour l'adoption 207
Contre 110

Article 13