SEANCE DU 23 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 609 rectifié, présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM. Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 123-3 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport issu de l'enquête publique rend compte de l'ensemble des appréciations, suggestions et contre-propositions formulées par les personnes, associations, collectivités ou autorités publiques qui se sont exprimées ou ont été consultées au cours de l'enquête. »
« II. - Le premier alinéa de l'article L. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est ainsi rédigé :
« L'utilité publique est déclarée par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. »
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à pallier une très grave difficulté rencontrée aujourd'hui dans les enquêtes publiques.
Dans un premier temps, nous avions pensé résoudre le problème en revoyant le rôle des commissaires enquêteurs, notamment la nature des conclusions qu'ils sont amenés à élaborer en exécution de leur mission.
Après réflexion, nous avons rectifié l'amendement et nous vous proposons une autre solution.
Aujourd'hui, lorsqu'un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête émet un avis défavorable ou simplement formule des réserves et que la collectivité locale, à l'origine du projet et maître d'ouvrage, n'est pas d'accord avec l'avis défavorable du commissaire enquêteur ou n'est pas d'accord avec les réserves exprimées, que se passe-t-il ? La procédure se retrouve immédiatement au Conseil d'Etat puisque, à ce moment-là, le préfet ne peut plus signer la déclaration d'utilité publique : seul le Gouvernement peut le faire, après avis du Conseil d'Etat. Cette procédure est souvent extrêmement longue, lourde, pénalisante et préjudiciable.
Nous proposons donc de modifier l'article L. 11-2 du code de l'expropriation pour faire en sorte que, lorsqu'un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête émet soit des réserves, soit un avis défavorable, la procédure continue de la manière prévue par le texte du projet de loi. Il y aurait déclaration de projet par la collectivité locale qui, naturellement, aurait la faculté d'intégrer dans sa déclaration de projet les modifications que lui inspirerait le rapport du commissaire enquêteur. Par cette déclaration, on pourrait tenir compte - c'est en cela que c'est une innovation importante - du résultat de l'enquête publique et de l'avis des commissaires enquêteurs, ce qui est logique. Le préfet pourrait continuer de statuer sur la déclaration d'utilité publique, son avis devant toujours, d'une manière ou d'une autre, être motivé.
Autrement dit, il s'agit de tenir compte du travail de la commission d'enquête, de l'avis des commissaires enquêteurs, sans compliquer le processus et pénaliser les collectivités par une procédure qui, aujourd'hui, est extrêmement lourde.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission propose à M. Sueur de supprimer le paragraphe I, de son amendement n° 609 rectifié, moyennant quoi elle émettra un avis favorable.
La commission estime, en effet, que la précision prévue dans le paragraphe I n'est pas vraiment indispensable, au contraire du paragraphe II, qui prévoit une déconcentration de la déclaration d'utilité publique au ministre ou au préfet, un décret en Conseil d'Etat n'étant plus nécessaire en cas de conclusion défavorable du commissaire enquêteur. Le renvoi d'un projet en Conseil d'Etat impliquait, il est vrai, des délais supplémentaires considérables, ce que nous voulons éviter.
M. le président. Acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur. Le premier paragraphe n'introduisant qu'une précision, j'accède très volontiers à la requête de M. le rapporteur. Le paragraphe II est, lui, tout à fait essentiel.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 609 rectifié bis , présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM. Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, et ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est ainsi rédigé :
« L'utilité publique est déclarée par arrêté ministériel ou par arrêté préfectoral. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le Gouvernement a constaté, comme vous-même, monsieur le sénateur, la composition très diversifiée de la population des commissaires enquêteurs. Moi-même, en tant que ministre mais aussi, naguère, en tant que parlementaire ou encore en tant que militant, j'ai pu, comme un certain nombre d'entre vous, participer à des enquêtes publiques et rencontrer des commissaires enquêteurs : nous avons pu, les uns et les autres, être déçus.
Après réflexion, nous prévoyons une solution « par le haut », par la formation et par la diversification des recrutements des commissaires enquêteurs, en ménageant également une certaine attractivité, y compris financière, à la mission. C'est à cette condition que nous pourrons obtenir des recrutements de qualité.
L'enjeu est essentiel pour le pays, et il n'est pas question, pour nous, de diminuer le rôle de ces commissions d'enquête ou de ces commissaires enquêteurs. D'ailleurs, je ferai bientôt des propositions et une communication sur ce sujet.
S'agissant maintenant de la déclaration d'utilité publique, un décret en Conseil d'Etat me semble préférable à un arrêté préfectoral. Cette procédure présente, à mon avis, plus d'avantages que d'inconvénients pour la collectivité territoriale, même s'il y a cet obstacle du délai. Mais le délai ne peut pas nous servir de réponse à chaque fois. Pensons également à la sécurité juridique : des délais supplémentaires, c'est aussi, en l'occurrence, moins de contentieux ultérieurs, donc autant de gagné. Il est d'ailleurs rare que le Conseil d'Etat émette un avis défavorable sur les projets modifiés par la collectivité.
Ce passage devant le Conseil d'Etat, c'est, en quelque sorte, un recours face à un avis défavorable du commissaire enquêteur.
J'ai entendu M. le rapporteur faire état d'une déconcentration ministérielle ou préfectorale. Avouez que l'expression est plutôt paradoxale ! (Sourires.)
Le préfet, face à un projet contesté, pourrait hésiter, bien sûr, à prononcer la déclaration d'utilité publique en cas de rapport défavorable. Cela étant, que ce soit devant le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, une procédure contentieuse est possible. Je préfère aux dispositions que vous proposez, qui risquent d'entraîner encore plus de délais, le dispositif actuel.
Bien que vous ayez déjà supprimé son paragraphe I, je souhaite, malgré tout, le retrait de cet amendement, compte tenu des arguments que je viens d'avancer et qui me semblent particulièrement forts pour ce genre de projet.
M. le président. Maintenez-vous l'amendement n° 609 rectifié bis, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je dois dire que vos explications ne m'incitent guère à retirer cet amendement.
Je ne vois pas pourquoi vous ne pariez pas davantage sur la responsabilité des collectivités locales. Avec la déclaration de projet, après l'enquête publique, la collectivité va délibérer et elle pourra tout à fait librement tenir compte du résultat de l'enquête publique et des préconisations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête. Ensuite, le préfet sera amené à statuer. Mais pourquoi le préfet ne pourrait-il plus s'engager au nom de l'Etat ? Il le fait tous les jours.
Vous savez très bien les difficultés auxquelles nous sommes aujourd'hui confrontés. Faut-il rappeler, par exemple, cette commission d'enquête ou ce commissaire enquêteur qui se sont déclarés hostiles à un projet de transport en commun dans une ville de l'ouest de la France au motif que cela porterait préjudice à la circulation automobile ? Et ce alors que la loi impose aujourd'hui que l'on développe les transports en commun ! Mais ce n'est pas à vous, monsieur le ministre, que je dois tenir ce discours, vous êtes parfaitement au courant de ces problèmes.
Ainsi donc, dès lors qu'un commissaire enquêteur aurait manifesté son opinion - comme il lui est tout à fait loisible de le faire - tout s'arrêterait ? Et il faudrait attendre des mois, voire des années, l'issue d'une procédure ? Pourquoi ne pourrait-on pas délibérer de nouveau ? Pourquoi ne pas faire confiance à la collectivité locale ? Ensuite seulement, le préfet pourrait être saisi, de même que le tribunal administratif et le Conseil d'Etat en cas de contestations, ce qui est finalement la règle dans notre pays.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons l'amendement n° 609, rectifié à la demande de M. le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 609 rectifié bis, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 54.
L'amendement n° 611, présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM. Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il doit recevoir le maître d'ouvrage de l'opération soumise à l'enquête publique. »
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit de prévoir que, lors d'une enquête publique, le commissaire enquêteur reçoit obligatoirement le maître d'ouvrage. A l'évidence, il entend très largement les personnes souhaitant s'exprimer. Toutefois, il nous paraît nécessaire de préciser qu'il a l'obligation de recevoir le maître d'ouvrage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'émets un avis favorable, sous réserve d'une rectification rédactionnelle afin de remplacer les mots « doit recevoir » par le mot « reçoit ». Cette formulation me paraît plus claire.
M. le président. Monsieur Sueur, acceptez-vous de modifier l'amendement n° 611 en ce sens ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 611 rectifié, présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM. Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, et ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il reçoit le maître d'ouvrage de l'opération soumise à l'enquête publique. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Favorable !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 611 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 54.
L'amendement n° 618 rectifié, présenté par MM. Sueur et Bel, Mme Blandin, MM. Debarge, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, M. Frécon, Mme Herviaux, MM. Lagauche, Le Pensec, Marc, Masseret, Mauroy, Peyronnet, Picheral, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article L. 123-12 du code de l'environnement est supprimé. »
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur. La commission estime que cet amendement n'est pas tout à fait un amendement de coordination.
Il tend en effet à supprimer l'obligation de soumettre le projet d'une collectivité ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur à une délibération de l'organe délibérant de ladite collectivité.
Je me vois donc dans l'obligation de donner un avis défavorable à cet amendement,... au cas où il ne serait pas retiré ! (Sourires.) D'ailleurs, si les auteurs de l'amendement estiment qu'il s'agit d'une simple coordination, c'est qu'ils considèrent que l'amendement ne touche pas à l'essentiel. Il peut donc être retiré sans risque aucun !
M. le président. Monsieur Sueur, répondez-vous à l'invitation de M. le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Sueur. A nos yeux, c'était un amendement de coordination en raison de la nouvelle architecture du projet de loi.
Le vote de l'amendement précédent impose que les projets soient soumis à la délibération des organes délibérants de la collectivité locale, quels que soient les résultats de l'enquête publique. Dès lors, la disposition contenue dans le dernier alinéa de l'article L. 123-12 du code de l'environnement nous a paru superfétatoire. Puisque la collectivité locale sera de toute façon amenée à statuer, en vertu soit du droit existant, soit du droit nouveau, si le présent texte est adopté nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 618 rectifié est retiré.

Article 55 (priorité)