SEANCE DU 15 JANVIER 2002


RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Mon intervention se fonde sur l'article 36 du règlement de notre assemblée et est relative à l'organisation de nos travaux.
Samedi dernier, le Conseil constitutionnel a invalidé l'article du projet de loi de modernisation sociale visant à renforcer le contrôle des licenciements économiques en liant leur légalité à la réalité de la situation difficile de l'entreprise.
Le Conseil constitutionnel vient d'inventer un nouveau concept - introuvable dans les textes constitutionnels - celui de « liberté d'entreprendre ». Il a ainsi fait prévaloir le droit de licencier sur le droit au travail qui, lui, est bien inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, lequel, je le rappelle, est un élément du bloc de constitutionnalité, aujourd'hui en vigueur. Le Conseil constitutionnel a véritablement commis un abus de pouvoir. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Vasselle. Ces propos sont scandaleux !
M. Roland Muzeau. Organe politique dépourvu de légitimité directe, composé essentiellement de personnalités marquées à droite, il a contrecarré, une nouvelle fois, la volonté des représentants du peuple. La volonté populaire est bafouée.
M. Alain Vasselle. C'est scandaleux !
M. Roland Muzeau. C'est nouveau : le Conseil constitutionnel se fait le porte-parole du Medef, le Mouvement des entreprises de France, et de la droite parlementaire ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Vasselle. C'est tellement excessif que c'est insignifiant !
M. Roland Muzeau. Oui ou non - et c'est une question démocratique essentielle -, un organisme tel que le Conseil constitutionnel peut-il s'arroger le pouvoir de faire et de défaire la loi au gré de l'opportunité politique du moment ?
Sa décision de samedi dernier est juridiquement infondée ; c'est une décision politique qui tend à élever le libéralisme au rang de norme constitutionnelle.
Les neuf « Sages » - j'insiste sur les guillemets - ont fait un choix dont l'inhumanité et la violence sociale me frappent.
La réalité, mes chers collègues, c'est celle qui est vécue par ces dizaines de milliers de salariés licenciés, jetés à la rue, souvent après de nombreuses années de travail.
Souvenons-nous de ces hommes désespérés, de ces femmes en larmes devant les usines Moulinex ou Lu, après l'annonce brutale des plans sociaux, terme barbare qui masque mal la brutalité des vagues de licenciements.
La réalité, c'est le malheur d'hommes et de femmes qui font pourtant, par leur travail, l'économie de la France, malheur que l'on « justifie » par le fléchissement monétaire des dividendes boursiers !
Il faut cesser d'affirmer des contre-vérités : les entreprises concernées et leurs actionnaires ne sont pas en difficulté majeure ; ils sèment la misère pour conforter leurs revenus !
Cela, les parlementaires communistes et, avec eux, les membres de la majorité plurielle ne l'ont pas accepté. Ils ont bataillé pour l'adoption d'une modification importante de la définition du licenciement, afin de faire barrage aux licenciements « boursiers ».
Ils estiment que la situation créée par la décision du Conseil constitutionnel appelle des mesures urgentes. Le Parlement peut, d'ici au 22 février, examiner en urgence, comme il l'a fait pour la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ou pour l'arrêt Perruche, un nouveau texte permettant de valider, en le remaniant, le dispositif rejeté par le Conseil constitutionnel.
Les sénateurs communistes demandent solennellement au Gouvernement d'agir en ce sens, afin de répondre à l'attente de centaines de milliers de salariés et de combattre l'attitude dangereuse de la droite et du Medef. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je veux dénoncer ici une violation du règlement, car c'est, moralement, violer le règlement que de mettre en cause, dans les termes qui ont été utilisés, une institution de la République.
D'ailleurs, de façon générale, on ne met pas en cause, au Sénat, des personnes ou des institutions qui ne sont pas présentes ou représentées et qui, par conséquent, ne peuvent pas répondre. C'est une observation que je tenais à faire.
Le Conseil constitutionnel prend des décisions qui tantôt satisfont la majorité, tantôt satisfont l'opposition.
Mme Hélène Luc. Cela va toujours dans le même sens quand même !
M. Michel Caldaguès. Il nous est arrivé aussi de ne pas être particulièrement heureux de certaines décisions du Conseil constitutionnel. Eh bien ! nous nous sommes gardés de critiquer celui-ci.
En revanche, la diatribe que nous venons d'entendre atteste les intentions partisanes qui sont à son origine. Nous la condamnons formellement, et le petit discours qui a suivi montre d'ailleurs bien qu'il s'agissait d'une banale opération politicienne. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo. Et la liberté d'entreprendre inscrite dans le préambule de la Constitution, ce n'est pas politicien par hasard ?
M. le président. Acte est donné de ces rappels au règlement.

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